La fuite : une réaction quasi systématique de l`animal

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La fuite : une réaction quasi systématique de l`animal
FFCA - Plaisirs de la Chasse - La fuite - Wild L - 2009-06.doc
La fuite : une réaction quasi systématique de l’animal
mortellement fléché
(Plaisirs de la Chasse, juin 2009, Laurent WILD)
La fuite de l’animal fléché est un sujet parfois difficile à appréhender pour une bonne compréhension de la chasse à
l’arc. Certains chasseurs ont du mal à admettre qu’un animal mortellement touché puisse fuir sur quelques dizaines
de mètre voire une centaine : c’est portant bien ce qui se passe dans la majorité des tirs (sauf dans le cas
spectaculaire et imprévu d’une atteinte à la colonne vertébrale). De là à remettre en cause l’efficacité de la flèche et
de l’arc il n’y a qu’un pas… que certains franchissent. Il y a pourtant des raisons objectives à cette réaction de fuite
de l’animal fléché, qui tiennent à la manière dont la flèche opère. Une conséquence de cela est que le
comportement du chasseur à l’arc après le tir doit lui aussi être adapté et pourra donc être différent de celui d’un tir
à la carabine. Enfin, pour comprendre comment fonctionne une flèche, et la réaction qu’elle produit, il est utile de
savoir ce que sont un bon tir et… une bonne flèche.
Si cette réaction très particulière de l’animal mortellement touché peut surprendre et qu’elle est normale et
inévitable, elle doit donc être expliquée pour être comprise, et donc acceptée. Ces points sont importants pour tous
les chasseurs amenés à chasser à l’arc ou en compagnie d’un archer, et ceci notamment dans le cadre de chasses
collectives.
Une flèche tue très efficacement… Mais différemment d’une balle
L’efficacité intrinsèque de la flèche n’est plus à prouver dès lors que la zone visée et touchée est l’ensemble cœurpoumons. Ainsi, un animal touché au cœur meurt quasiment instantanément ; avec une flèche, comme avec une
balle. Mis à part la flèche de cœur, l’efficacité de la flèche est également garantie dès lors qu’un ou plusieurs des
autres organes vitaux sont touchés. Il en est de même si la flèche coupe une artère, quelle qu’elle soit : dans ce
cas une mort intervient dans les vingt secondes. Néanmoins, que ce soit à balle ou à flèche, même un impact au
cœur peut laisser quelques secondes de souffle vital à l’animal. La différence de réaction de l’animal fléché se joue
pendant ce laps de temps précis. En fait, la différence fondamentale, c’est que la flèche tue par hémorragie ; elle
opère comme une lame et ne provoque pas d’onde de choc, alors que la balle opère par destruction des tissus et
provoque une onde de choc importante. En clair : le gibier touché d’une bonne balle tombe souvent sur place alors
que le gibier fléché part souvent à toute allure. Avec les mêmes organes vitaux touchés, un gibier fléché meurt
aussi sûrement qu’un gibier tiré à la carabine, mais il fuit sur une plus grande distance. Quelques illustrations :
- Un sanglier non stressé qui trotte à la vitesse de 30 mètres par seconde, mortellement fléché au cœur,
pourra « encore » se déplacer de 20 à 150 mètres (5 secondes) avant de « tomber mort ». Le même
sanglier touché au cœur par balle pourra soit tomber sur place, choqué par la balle, soit fuir, parfois sur une
cinquantaine de mètres.
- Le même sanglier stressé et courant à la vitesse de 50 mètres par seconde, mortellement fléché au cœur,
pourra « encore » fuir sur 250 mètres avant de tomber mort. Dans les mêmes conditions mais touché par
une balle, ce sanglier pourra à nouveau soit « rouler bouler » sur place, choqué par la balle, soit fuir, parfois
sur une cinquantaine de mètres.
- Toujours le même sanglier, mortellement touché à une artère (quelle qu’elle soit) pourra parcourir de
quelques dizaines de mètres à plusieurs centaines, selon qu’il « trotte ou qu’il court »…
Dans tous les cas ci-dessus, le sanglier fléché est bel et bien mort. Néanmoins, en terme de recherche, le recours à
un chien de sang s’avère souvent nécessaire. Ce qui perturbe l’appréciation de l’efficacité de la flèche, c’est qu’une
centaine de mètres parcourus en 10 secondes par l’animal peut très bien faire l’objet d’une recherche d’une heure
de, pleine de suspens… Ce n’est pas parce qu’une recherche est longue que le gibier à mis plus de temps à mourir.
Chacun, archer ou non, chasseur comme responsable de battue ou de chasse, devrait comprendre et ne jamais
oublier cette réalité : l’animal mortellement fléché, n’est pas « choqué », il n’en est pas moins « tout aussi mort »
qu’à balle, mais il fuit sur une plus grande distance. De toute façon, ce qui compte vraiment, à balle comme à
flèche, c’est qu’un ou plusieurs organes vitaux soient touchés.
Qu’est ce qu’une bonne flèche
A l’arc, il faut chercher à atteindre le cœur et les deux poumons ; il faut se concentrer uniquement sur ces organes :
l’archer doit toujours chercher une flèche parfaite qui est d’abord une flèche de cœur. A défaut, il doit s’abstenir de
tirer. Pour atteindre le cœur, il faut plusieurs conditions qui touchent à l’archer, à la flèche et à l’arc : précision du tir,
pénétration de la flèche, distance et angle de tir.
La précision du tir dépend de la maîtrise de l’arc par l’archer : l’archer doit dominer son arc, le pratiquer
suffisamment pour effectuer des tirs précis et sûrs. Un constat, l’efficacité de la majorité d’archers tourne autour
d’une quinzaine de mètres ; quelques uns, parce qu’ils poussent très loin leur entraînement et/ou s’équipent avec un
matériel très sophistiqué peuvent tirer avec précision un peu plus loin. La précision s’acquiert par l’entraînement et
détermine une distance efficace de tir de chasse : c’est par exemple la distance à laquelle un archer met toutes ses
flèches dans un cercle de 10 cm. Ce qui compte n’est pas la puissance ni la marque de l’arc mais sa maîtrise par
l’archer. La réglementation n’impose pas de puissance. La pratique et le bon sens indiquent que 50 livres sont un
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minimum pour le grand gibier européen, 60 livres une puissance moyenne ; au delà de 70 livres, il y a une
surpuissance qui pas vraiment utile pour nos grands gibiers.
La pénétration de la flèche dépend du poids et de la vitesse de la flèche mais aussi de l’affûtage des lames. A
vitesse égale, une flèche lourde pénètre plus ; à poids égal, une flèche rapide pénètre plus. La vitesse dépend
(beaucoup mais en partie seulement !) de la puissance de l’arc ; le poids de la flèche est proportionnel à la
puissance de l’arc ! Pour résumer, il faut tirer la flèche la plus lourde possible compte tenu de l’arc utilisé et de sa
puissance. La réglementation impose un poids minimum de 30 grammes, mais beaucoup de chasseurs, notamment
chez les ceux qui utilisent des arcs traditionnels, tirent des projectiles de plus de 40 grammes.
La distance de tir est un point important : quel que soit le type d’arc et sa puissance, un tir à distance courte
s’impose, moins de 20 mètres en moyenne. Un tir à courte distance est en général plus précis mais il y a deux
autres raisons en sa faveur : éviter le « saut de la corde » et avoir « un tir tendu ». Le saut de la corde est le
mécanisme de réaction instinctive de l’animal mis sur pied parce qu’il a entendu le bruit de la décoche ou vu le
geste d’armement de l’archer. La vitesse d’une flèche est faible, de l’ordre de 70 m/s (beaucoup moins qu’une balle,
1000 m/s), c’est à dire moins que le bruit de la décoche (vitesse du son : 330 m/s) : ce qui laisse le temps à l’animal
qui entend la décoche de sursauter, de bouger, avant l’impact. Plus l’archer tire loin, plus il risque un saut de la
corde, voila pourquoi il est préférable de tirer près, quel que soit son matériel. Le tir tendu est nécessaire pour avoir
une flèche qui pénètre bien perpendiculairement à son point d’impact, plus on tire loin plus le vol de la flèche décrit
une parabole, et plus il est difficile de prévoir la trajectoire de la flèche dans l’animal. Le tir tendu permet un tir
précis et pénétrant, un tir tendu n’est obtenu qu’à courte distance.
L’angle de tir est aussi un critère important, c’est une contrainte qui est renforcée par l’obligation de tirer près :
quand on tire près, on peut être vu, il faut choisir un angle en fonction de cela. Mais l’angle de tir importe aussi
beaucoup pour l’efficacité de la flèche, notamment sur le gros sanglier. Les tirs les plus efficaces sont les tirs plein
travers au défaut de l’épaule, et les tir trois quart arrière au ras de la dernière côte. Lorsque l’on tire un gros
sanglier, on cherchera à tirer encore plus près, et si l’on ne peut avoir un angle plein travers, on cherchera un angle
trois quart arrière de façon à favoriser la pénétration de la flèche.
On le voit bien, l’art de faire une belle flèche est l’art de créer les conditions d’un tir sûr : une belle flèche s’obtient
en sachant se placer, se déplacer, armer souplement, attendre… Un archer évitera le tir plein galop, au saut de la
ligne ou en terrain dégagé, il préfèrera un tir arrêté ou marchant, en étant caché par le couvert, pour des raisons de
distance essentiellement.
Tout l’attrait du tir du gibier à l’arc est dans la proximité du gibier. L’arc est une arme de contact, il faut tirer près, et
pour tirer près, il faut soit s’approcher, soit laisser venir à soi, mais sans jamais se faire voir, entendre ni sentir…
Attitude de l’archer après le tir
Lorsqu’il touche un gibier, l’archer dispose de différents indices immédiats qui le lui confirment. Par la vue tout
d’abord : beaucoup d’archers voient leurs flèches pénétrer et localisent bien le point d’impact. Avant, pendant et
après le tir, le regard converge uniquement sur le point que l’on veux toucher : lorsque la flèche part, le sentiment
qui submerge l’archer est celui d’une suspension du temps et de l’espace. Toute son énergie est concentrée dans sa
flèche qu’il voit voler comme au ralenti, il l’a voit pénétrer, puis traverser l’animal. N’oublions pas que cette scène
se déroule dans un espace très réduit, à moins de 20 mètres on voit beaucoup de chose…
Par le bruit de la flèche à l’impact, l’archer sait aussi s’il a touché, et quoi. L’arc est une arme silencieuse et à moins
de 20 mètres on entend aussi beaucoup de choses… Tout comme l’archer peut entendre distinctement tous les
bruits d’un gibier à courte distance, il entend aussi très bien le bruit de la flèche à l’impact. Ce bruit peut souvent le
renseigner sur la zone touchée. Avec un peu de pratique, on reconnaît le bruit sourd d’une flèche de muscle
(mauvaise), ou le bruit profond d’une flèche bien « coffrée », le claquement d’un os brisé, et par-dessus tout, le bruit
unique d’une flèche de panse (très mauvaise). Aussitôt après, l’archer, immobile, peut concentrer toute son acuité
visuelle et auditive pour déterminer l’attitude, l’allure, la direction de l’animal touché. Il peut savoir ce qui se passe
ensuite à défaut de le voir, il peut l’entendre…
Néanmoins, lorsqu’il touche un gibier l’archer, peut être aussi être troublé, et son jugement faussé par la réaction du
gibier… Sa certitude peut se transformer en doute… Dans tout les cas, l’archer doit observer les règles habituelles :
ne pas se mettre sur la piste d’un gibier fléché avant ½ heure minimum (et pas avant la fin de battue si c’est le cas).
Le contrôle de son tir, l’examen des indices sur la flèche et à l’endroit ou se trouvait l'animal au moment du tir, lui
permettront de confirmer de façon certaine s’il a touché : une flèche donne beaucoup d’indices… Mais le gibier a
également pu partir avec la flèche, emportant les précieux indices ! Dans tous les cas, il est recommandé à l’archer
(comme à tout chasseur) de ne pas s’engager sur une piste au delà d’une cinquantaine de mètres… et d’appeler un
conducteur de chien de sang de l’UNUCR pour poursuivre. Sauf certitude absolue de trouver l’animal mort à une
distance qu’on a pu évaluer visuellement (on a vu et entendu l’animal tomber, la piste de sang devient de plus en
plus évidente et continue…).
On le voit bien recherche ne signifie pas blessure, pas plus que la fuite du gibier ne signifie un mauvais tir.
L’efficacité de la flèche n’est plus à prouver comme a pu le confirmer l’étude sur 20 années de fiches de tir publiée
la revue de la FFCA ; reste à assimiler dans la pratique, la compréhension de ce mode de chasse.Encart : un
archer vérifie toujours ses tirs !
On l’oublie parfois tellement c’est évident : quand il a tiré, l’archer va chercher sa flèche… Toujours ! Parce qu’une
flèche qui a été tirée peut (en général) l’être encore par la suite. En effet, contrairement à la balle, elle n’est pas
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hors d’usage. Les archers qui pratiquent le tir 3D le savent bien, certains d’entre eux conservent longtemps leurs
flèches et avoir dans son carquois de vielles flèches usées d’avoir été beaucoup tirées est une preuve de l’adresse
et de la précision de l’archer. Celui qui se ballade toujours avec de gros « fagots » de flèches toutes neuves est
souvent celui qui perd ou casse par manque d’adresse et de précision. A la chasse, c’est un peu différent car les
flèches sont équipées de lames qui doivent être affûtées comme un rasoir pour être efficace. Ainsi, une fois tirée,
toute flèche de chasse (qu’elle touche un animal, rencontre le sol ou tout autre obstacle) ne peut plus être
immédiatement tirée car elle n’est plus affûtée. Pour retrouver tout son pouvoir létal, elle doit être affûtée de
nouveau (ou ses tranchants changés si c’est une lame démontable). Néanmoins, le chasseur à l’arc va toujours
chercher sa flèche. S’il le fait, c’est par devoir et par éthique : si elle a perdu son affûtage, elle garde encore le
pouvoir de blesser ou de tuer par accident : laisser une flèche de chasse dans la nature est un acte contraire à
l’éthique du chasseur à l’arc, car c’est un acte irresponsable qui peut provoquer des blessures sur un chien de
chasse, un animal… un cueilleur de champignons, un collègue… Néanmoins, cette obligation d’aller chercher la
flèche tirée et de la ramener dans le carquois comporte un avantage énorme pour le chasseur (comme d’ailleurs
pour le responsable de chasse qui l’accueille), c’est que non seulement qu’il contrôle son tir, mais qu’il a la preuve –
par la présence d’indices sur la flèche, qu’il a touché ou non. Rappelons que le chasseur a l’obligation de marquer
de façon indélébile son numéro de permis sur ses flèches, et qu’il est responsable de ses flèches y compris celles
qu’il a perdues et des dommages qu’elles pourraient occasionner à autrui.
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