la Web-TV et moi - Prologue Numérique

Transcription

la Web-TV et moi - Prologue Numérique
la Web-TV et moi
CanalWeb,
Pseudo
et les autres...
Récit
Virginie
L'Harmattan
5-7, rue de l'École-Polytechnique
75005 Paris
FRANCE
Michelet
L'Harmattan Hongrie
Hargita u. 3
1026 Budapest
HONGRlli
L'Harmattan Italia
Via Bava, 37
10214 Torino
ITALlli
merci
Jacques
Rosselin
à
et JoshHarris.
et à
Denis Pryen, Thomas Van Gorkum,
Ghislain de
Place, James Ramsay,
Anthony
Paulvé, Franck
Metcheliakoff,
Eric Clin, Manuel de Lara, Laurent
Kraïf, Christian
Berst, Béatrice
Olivier,
Frédéric
Grolleau,
Jean-Luc
Chandelier,
Béatrice Quasnik,
Johann Goutard, Victoria Schulsinger,
Marie-Hélène
Grinfeder, Jean-François
Bobulesco.
sans
Jean-Louis
Le Grand, Claude Traullet,
rand, Francis Jeanvoine,
Eric Jauffret,
noochehri.
oublier
Pierre FerEhsan Ma-
sommaire
prologue
bienvenue dans un monde nouveau
introduction
mon histoire dans l'histoire
page 9
page 17
Paris VIII« I have a dream... »
octobre 1999/avril 2000
page 29
Pseudo.com
page 41
"I am the product"
avril2000/mai 2000
CanalWeb.net « Un jour, tu verras...»
juillet 2000/février 2001
page 77
IT.lnfo.tv « I will survive»
juillet 2001/février 2002
page 139
Et après?
fin 2002
page 155
« Que reste-t-il.. »
conclusion
la télévision du futur
page 165
épilogue
juin 2006
page 171
annexe
page 173
bibliographie
page 193
glossaire
page 201
8
prologue
bienvenue
~
dans un monde
« Je déteste la réalité,
mais c'est le seul endroit
un bon steak»
Woody Allen
Je suis une femme,
il parait
Je dirais que nous sommes
nouveau
où je peux me faire servir
qu'elle,s ne sont pas techniques.
avant tout pratiques.
C'est pourquoi,
par moment,
je m'insurge
contre ces
raisonnements
d'ingénieurs
qui me semblent
ne pas tenir
compte de ma vie: travail, enfants, maison, amant, le tout
mélangé, de préférence dans le désordre, et le même jour.
Ils nous promettent des frigos interactifs,
mais ne sont pas
encore
capables
de nous fournir des PDA
1
qui tiennent
compte de cette manière globale de nous organiser, de cette
multiplicité
de vues,
de ces mélanges
intuitifs
qui
construisent
la vie telle qu'elle est.
Ou alors, c'est qu'entre 0 et 1 il n'y a pas encore de « peutêtre» (mais ça ne va pas tarder, parait-il).
Quoiqu'il
1
en soit...
Personal Digital Assistant (Assistant Numérique Personnel), par
exemple,
les Palm Pilot sont des PDA.
Je hais les obiets et ils me le rendent bien
Il y a des jours où je prends vraiment conscience du
changement de civilisation que nous sommes en
train de vivre, et du fait que nous, petites fourmis
humaines, en sommes les précurseurs (je n'aime
pas le terme de victime I).
Ce sont ces fameuses journées où je sors de chez
moi, un peu en retard et un enfant sous le bras, à
déposer à l'école avant.
Ma trousse à maquillage dépasse de mon sac,
rempli à ras bord comme chacun l'imagine, et
j'ouvre la porte de l'immeuble, d'un geste saccadé,
pas de temps à perdre, rush dehors. Le mouvement
ne plaît pas à la trousse qui tombe en entraînant le
téléphone portable, qui reste accroché en l'air
obligatoire. Ouf!
grâce au fil du kit mains-libres,
L'enfant, pendant ce temps, a décidé qu'un peu de
course vers le parking, c'était une bonne idée de
plus à son actif.
Je le rattrape in extremis et l'enfourne dans la voiture. Après une guerre totale avec les portières, le
siège-enfant et la ceinture de sécurité, nous voilà
partis.
Au fait, pourquoi la trousse à maquillage dépassaitelle du sac?
Pour avoir le temps de se « faire une beauté», tout
simplement.
J'introduis l'écouteur du kit mains-libres dans mon
oreille droite, cependant que je vérifie que derrière,
tout va bien. Je tends la main pour allumer la radio
afin de me tenir au courant des événements. Ça n~
marche pas et c'est normal, la pièce manquante
précaution contre les voleurs, est dans mon autr~
sac.
Je conduis au ralenti dans le trafic d'un lundi matin
dans la banlieue de Paris, le rétroviseur dirigé vers
mon visage, dont j'agrémente les contours d'une
10
poudre nacrée et brunissante, matifiante, antiUV et radicaux libres, action continue, vue dans
un célèbre magazine féminin la semaine dernière,
achetée sur Internet il y a trois jours.
Un flic fait passer les enfants au feu, avant le rondpoint, construit l'année dernière, et depuis ce carrefour est un cirque.
Pour déposer l'enfant à l'école, il faut se garer très
loin. Les abords de l'établissement
ont été fortifiés
par des grillages qui empêchent
les terroristes de
pénétrer cette zone, si l'envie leur prenait. La police
surveille, les parents prévoyants ont pris toutes les
places. Je me sens vaguement
inadaptée,
peut
être à cause du fait que la porte, qui ferme à huit
heures trente précises, est en train d'être barricadée
par la directrice de l'école.
L'enfant rejoint sa classe.
Je passe à la Poste où je fais la queue un quart
d'heure pour récupérer un recommandé,
avec une
pièce d'identité
plastifiée
qui a demandé dix jours
de délais d'obtention.
Enfin, le havre de paix du bureau.
Je sors mon PDA et le branche sur mon ordinateur, qui décide de synchroniser
les éléments
après une petite musique satisfaite.
Une fenêtre
pop-up
surgit,
qui
me
demande
si
je
veux... bizarrement,
je n'attends pas d'avoir lu et je
clique comme par réflexe sur « oui ». Aussitôt,
toutes mes adresses et mes rendez-vous
se trouvent
automatiquement
et prestement
dédoublés
aussi
bien sur le périphérique
que sur l'ordinateur.
C'est une mini-catastrophe,
mais je n'ai pas le
temps de m'appesantir,
car j'entends
un nouveau
mail arriver et comme je suis d'un naturel curieux,
je l'ouvre:
la directrice des ressources
humaines
me demande si j'ai bien rempli le formulaire pour la
nouvelle mutuelle de l'entreprise,
si j'ai bien réuni
tous les documents,
en particulier, la feuille de pa11
pier qui fait état de ce qu'il y a dans la puce de ma
Carte Vitale, qui ne peut pas être lue. Cette feuille
de papier est indispensable
à la mutuelle, sinon,
elle ne peut pas m'inscrire.
Pour l'obtenir, il suffit
d'en faire la demande au centre de sécurité sociale
dont je dépends et ils me l'enverront dans des délais non spécifiés, mais raisonnables.
« Ça veut dire quoi, raisonnables?»
je demande à
la DRH en cliquant sur « répondre»
(et non pas
« répondre à tous », ça m'est déjà tragiquement
arrivé) .
Je n'attends pas de « réponse»
à ce trait d'humour
déplacé et me précipite sur la photocopieuse.
Je
pose sur la vitre le document de résiliation de mon
ancienne mutuelle, certifiant que tout est à jour et je
suis prise de vertige.
Ma collègue, pleine de compassion,
me propose un
peu d'huile essentielle de lavande, pour me calmer.
Je lui réponds que j'ai des décontracturants
dans
mon sac, et je la remercie.
Un son me rappelle, sur mon ordinateur,
qu'il faut
faire les courses et s'occuper des vacances des enfants.
Je fais un tour sur Ooshop.com
et coche les différents éléments de ma liste personnelle de courses. Je serai livrée dans 48 heures.
Puis, je formate une présentation pour demain, en
Powerpoint, et la transmets aux collègues impliqués
dans le projet pour remarques et modifs.
Il est l'heure de déjeuner.
Dehors, une pluie battante, il parait que la planète
se réchauffe.
J'ai oublié mon parapluie et je
m'engouffre
dans le sushi bar en face du bureau.
. .. fondu au noir, le temps passe...
Je rentre chez moi, les bras chargés de paquets.
Mes clés sont mystérieusement
au fond de mon
sac et je mets un temps fou à les récupérer, pen12
dant qu'un paquet glisse progressivement
de mon
petit doigt. Ça fait mal. A peine la porte franchie, je
traverse plusieurs zones de son.
Dans le salon, la télévision regarde ma fille de dix
ans qui elle-même regarde une série. La pub envahit l'écran et je lui demande de «zapper»
avec sa
télécommande.
EUe me répond que le programme
n'est pas une cassette et elle va chercher une tartine de Nutella et ouvre le réfrigérateur
pour y prendre du lait bio demi-écrémé.
Dans la chambre de ma fille de 14 ans, un CD de
Cat Stevens s'impose à plein régime. En passant la
tête dans l'entrebâillement
de la porte, ma fille me
lance, : <<l'ADSL est encore en panne, je n'arrive
pas à me connecter.
J'ai appelé France Telecom
mais ils m'ont dit qu'ils ne savaient pas ce qui se
passait.
C'est embêtant,
je voulais
regarder
le
championnat
du monde d'Echec en direct sur CanalWeb. net».
Mon fils de 12 ans est absorbé dans un jeu de Gamecube, et j'ai l'intention de lui dire d'arrêter, sauf
que je me rends compte qu'ils sont en fait trois garçons qui s'amusent beaucoup ensemble à abattre le
monstre fou de la forêt du territoire du milieu, après
le troisième labyrinthe, à droite.
Je trouve ça plutôt cool et je disparais dans ma
chambre, où le petit du début de cette histoire, 4
ans, a entrepris de peindre le mur, près de la porte.
C'est très beau. Je m'écroule sur le lit et écoute sur
le Discman une musique New Age, un pur moment
de calme.
Cette nuit-là, je rêve. Ça s'appellerait
« les Visiteurs
se reposent».
Je me baladerais au Moyen Age et
mon écran d'ordinateur
ne serait pas en train de balayer mon visage fatigué de ses ondes nocives.
Personne
ne me demanderait
mes papiers non
plus.
13
Mais je serais certainement
déjà très vieille, au seuil
de la mort si l'on en croit l'espérance
de vie de
l'époque.
Alors que là, en train de dormir dans mon lit au matelas anti-acariens,
j'ai encore de nombreuses
années devant moi pour tenter de mettre de l'ordre
dans ce capharnaüm
quotidien.
Voilà, je l'ai dit.
Nous sommes à ce carrefour là de l'Histoire:
à la croisée
des temps.
Entre deux.
Entre les soubresauts
du XIXème et l'émergence
du XXlème.
Entre la paperasse
administrative
classique,
physique,
et
une forme de dictature tout aussi bureaucratique,
mais virtuelle.
Et même si chaque jour qui passe consacre un peu plus la
disparition
de ce monde où les clients étaient encore des
usagers, nous, les habitants actuels de cette Planète, jonglons quotidiennement
avec les deux paradigmes.
Et personne
ne vient nous en féliciter!
ma révolution Internet
Certains disent que c'est une révolution,
encore le constat. D'aucuns sont exclus.
plus. ..
d'autres refusent
Une fracture de
Pour moi, il s'agit avant tout d'une mutation qui vient tout
juste de commencer,
dont l'Internet est l'infrastructure.
La
mondialisation
en est le but, la concentration
l'effet, et la
technologie,
le moyen.
Il me semble que la morale n'intervient pas dans ce schéma,
parce qu'il est historique. Cette mondialisation
sera ce que
nous en ferons: humaine ou pas, avec toutes les gradations
possibles entre 0 et l'infini.
14
Pour moi encore,
~
il s'aait de ma révolution.
1970 : Amoureuse
de science-fiction,
mon univers
était peuplé de maisons automatisées,
de robots
sentimentaux,
de fantastiques
écrans liquides aux
écritures mystérieuses
et de myriades de planètes à
coloniser,
mais aussi de méchantes
machines régnant sur le monde, de clones maltraités par leurs
géniteurs,
de « Big Brothers»
omnipotents
et démoniaques.. .
1980 : Puis le New Age est passé par là, avec la bible des temps nouveaux, le fameux « La Conspiration du Verseau»
de Marylin Ferguson2, et les babacools à la sauce spirituelle
et développement
personnel. Aspiration:
tous connectés,
tous transportés vers un grand réseau universel, prélude à un
monde de douceur et d'harmonie3.
~
~
~
~
1990 : Mes premiers pas avec le Macintosh Classic,
la découverte des Mind Maps4 de Tony Buzan, mes
recherches
sur le fonctionnement
du Cerveau,
l'intelligence
collective et l'entreprise apprenante...
~
~
Et un jour de 1995, cet ami poète qui me montre
en passant quelque chose d'un peu ésotérique dont
je ne comprends pas du tout la portée. Ca s'appelle
r
~,
!
~
,
;
r
~
,
2
4
!
t
Voir bibliographie
The Aquarian
Conspiracy.
Il s'agit d'un livre
culte des années 80 qui introduit la philosophie
New Age (Nouvel
Age) comme étant un développement
de la science et de la société inéluctable,
étayé par une réalisation
du potentiel individuel
(physique, mental et spirituel).
3
A l'époque où j'étais plongée dans ces lectures, je me demandais
naïvement comment nous, les Hommes, allions former un cerveau
mondial, global, interdépendant...
Je n'avais simplement
pas imaginé que ce seraient des câbles qui nous relieraient!
Mind .Maps : cartes mentales,
voir bibliographie
15
le World Wide Web et on peut communiquer,
de
manière fastidieuse me semble-t-il, avec le reste de
l'univers.
1998 : Réveil!
pa rtie !
C'est génial ce truc, je veux en faire
1999 : L'histoire que vous allez lire commence
16
là.
t
t
~
t
introduction
-
mon histoire dans
l'histoire
..
J
~
~
~
~
janvier 2002
~
r
~
Un diner en ville, un soir de janvier 2002, dans un restaurant
branché de la capitale. Je suis assise à une table ronde,
entourée de 9 personnes qui ne se connaissent
pas, et c'est
tant mieux, sauf qu'il faut se parler, politesse oblige. A ma
gauche, une femme d'une trentaine d'années,
la bouche
étonnamment
rétrécie, les lèvres minces, tirée à quatre
épingles. Chaque bouchée qu'elle avale semble représenter
un exploit en regard de son manque de plaisir évident. Au
bout d'une interminable
mastication,
la question fatale se fait
entendre:
« Et vous, vous faites quoi? ».
Il Y a quelques minutes, j'ai appris entre deux tripotages de
nourriture
que la convive travaillait
à un poste important
(pardonnez-moi,
j'ai oublié lequel) au sein du saint des
saints de chez Pinault lui-même. Je me suis dit: « Elle en
connait un rayon », et naïvement,
je la pensais alliée, ou
simplement sympathisante.
C'est alors que je vois sa petite moue en comprenant
que je
travaille dans l'internet, et en plus dans les WebTV5 ! : mépris, dédain, contentement
de se sentir dans une position
soi-disant inattaquable,
début de sadisme.
5
Ce terme
est Français.
Aux Etats-Unis,
«WebTVTM»
est une
marque
de Microsoft,
un développement
spécifique
de télévision
interactive.
Le terme retenu là-bas est « Internet TV » ou encore,
« Interactive Net TV ».
(En fait, il suffisait de nous mettre côte à côte devant un miroir pour comprendre que c'était là sa seule parade.)
Malheureusement,
le bon sens me quitte toujours dans ce
genre de discussion,
et en tout cas, j'ai raison de me sentir
mal sur un point: je ne suis pas prête de retrouver du travail
dans ce secteur...
Cela me rappelle une conversation
récente:
« Tu as « fait»
trois start-up?
Et elles ont toutes disparues?..
Dis, tu ne
leur porterais pas la poisse, par hasard ?! »
Et dire qu'il y a seulement un an et demi, je faisais la roue
avec les autres et suscitais de l'intérêt, voire de la passion,
dès que je parlais de mon travail...
Mais que s'est-
il passé?
18
Internet et la Web TV
~
Ce livre est « à propos » de quelque chose qui ressemble à
de la télévision.
,
.
~
,
~
,
~
,
~
t
~
,
~
~
f
~
Une TV qui est interactive. Et sur le Net.
Au début de cette recherche, j'étais tombée sur une étude
de la Harvard School of Business6 qui interrogeait les gens
sur leurs « besoins» en matière de télévision interactive.
Les réponses étaient, je m'en souviens, très peu
significatives,tout simplement parce que les gens à qui l'on
posait les questions n'arrivaient pas à se faire une « idée»
de ce que pouvait être une telle télévision.
Ils en étaient donc réduits à imaginer, à supputer, à
intellectualiser... et l'étude ne nous apprenait rien sur le
futur: il était tout simplement opaque.
Un peu comme si on décrivait à quelqu'un qui n'a jamais
mangé de banane son goût, sa texture et ses effets.
Il pourrait intellectuellementl'entendre, mais certainement
pas de le comprendre.
Alors disons que cette étude, c'était un peu comme
demander à des gens qui n'avaient jamais goûté ce fruit de
nous en décrire tous ses avantages...
Une TV qui est ...
Regarder la télé, tout le monde connaÎt. C'est un usage
défini, habituel, rentré dans les mœurs depuis cinquante
ans, et qui correspond grosso modo à un divertissement
que l'on sirote tranquillement assis dans un canapé, souvent
avec sa famille,et dont on peut parler à son voisin7.
Rien à voir avec la façon bien structurée dont je m'assois,
seule, devant mon ordinateur pour travailler.
6
~
7
Voir bibliographie.
Cette étude date d'octobre 1994.
Voir les ouvrages de Dominique
Walton sur le sujet,
bibliographie
,
~
19
dans
la
Sur ce que la télévision a apporté à la société depuis cinquante ans, il y aurait beaucoup à dire. Sur le fait qu'elle ait
fait l'objet de critiques permanentes aussi. Mais laissons cela
de côté.
Les faits, rien que les faits.
La TV, comme tout média, est l'émanation d'une société
donnée. Qui existe aussi grâce à une technologie particulière.
Il se trouve qu'en ce moment précis de l'histoire des médias,
ces deux éléments sont en plein changement.
La société parce qu'elle se centre de plus en plus sur
l'individu - ce que j'appelle l'individu-roi-connecté- et la
technologie parce qu'elle devient numérique. Comme ces
bouleversements affectent beaucoup nos habitudes, nous
avons tendance à opposer les deux mondes, alors qu'ils ne
font que se compléter.
Ainsi, regarder
des images sur le Net s'apparente
à de la
habituelle,
fin du XXème siècle, du mot. Je suis mal à l'aise avec le
terme de WebTV. Cela me fait penser à un effet « Canada
Dry ».
Pourtant, il y a fort à parier que ce média « TV », nous continuerons à l'appeler TV, même s'il devient très différent8, à la
fois dans ses contenus et dans sa forme, et sur n'.importe
quel écran.
Disons que si l'on se base sur les usages, alors, je regarderai un certain type de contenu sur un certain type de terminai suivant ce dont j'aurai envie: être avec d'autres, seule,
pour m'instruire, me divertir, partager etc.
télévision mais n'en est déjà plus dans l'acception
. . . interactive...
C'est la possibilité d'interagir, de répondre, de communiquer.
Avec la TV traditionnelle,
pas question, ou si peu.
8
Pour Francis Balle, la TV est tout simplement
troisième âge, voir bibliographie
20
entrée
dans son
Ça descend de son piédestal, avec tous ses programmes
dont « ils» pensent que je vais les aimer parce que d'autres
ont indiqué, à travers une petite boitequ.i s'appelle audimat,
qu'ils les regardaient9.
C'est à heure fixe et si je ne suis pas
devant le « poste », il faut programmer
un magnétoscope
et
une fois sur deux, ça rate. Autrefois (il y a longtemps,
longtemps...),
le mardi, quand on regardait les «Dossiers
de
l'Ecran », on pouvait peut-être intervenir si on avait de la
chance et que la ligne du SVP 11-11 n'était pas saturée.
Aujourd'hui,
je peux acheter des « choses»
quasi en direct
(des~QI][l~~ de choses). Quand j'ai le câble, bien sûr.
Interactive,
c'est tout le contraire.
sens, de « eux» à nous et de nous
et de vous à nous. C'est d'ailleurs
ment complexe et si bien adapté au
Ça part dans tous les
à « eux» et de moi à toi
pour ça que c'est telleRéseau des réseaux.
Avec les WebTV, je suis devant mon ordinateur, en train de
regarder des vidéos, mais aussi des images, des textes et
des liens, en train de m'instruire ou de me divertir, quand je
veux, en approfondissant
ce que je vois, en communiquant
avec ma « tribu» d'amis et ma famille mosaïque.
Je me sens Maitre du Monde et de mes curiosités. Reliée à
l'univers
et en plus, j'ai le droit de donner mon avis,
d'envoyer un e-mail à mon auteur préféré ou intervenir dans
le talk-show en cours par le biais du modérateur de « chat».
Pour en arriver là, il m'a fallu passer par toutes sortes
d'épreuves
techniques,
décrites plus bas, parce que je ne
sais pas encore très bien me comporter avec ce média naissant, qui balbutie dans le fond comme dans la forme.
9
Et d'abord,
où est-elle,
cette boite?
21
...et sur le Net.
Un autre fait:
Aujourd'hui,
le seul endroit où l'on puisse voir la « TV » du
futur, c'est à dire celle qui est interactive,. c'est sur un PC
connecté au réseau IP10.
Demain, je ne sais pas, mais il me semble q\.l~ le réseau
Internet est particulièrement
efficace. Les autres moyens 11
paraissent
beaucoup
plus problématiques
en ce qui
concerne la voie de retour, indispensable
à l'interactivité.
Par ailleurs, les WebTV sont par rapport au Net, «à la
pointe », tant technologique
qu'en ce qui concerne les usages.
Les images animées, on peut le comprendre,
représentent
beaucoup plus d'information
que les textes ou les sons. Elles
sont visibles grâce austreaming
passante
large
13,
12
et nécessitent
jointe à un savoir-faire
une bande
en perpétuelle
lution, des serveurs
adéquats
et des relais territoriaux.
véritable
maîtrise des flux de la part des diffuseurs...
évoUne
De la part des téléspectateurs,
les usages sont encore à
conquérir et dans le laps de temps qui sera l'objet de cet
ouvrage, je me pose une question:
frustration.tv ?
La différence entre l'imagination,
la spéculation
et la réalité
est depuis longtemps au centre de frustrations
importantes.
Pas seulement
à l'heure de l'internet,
mais aussi, quand
j'étais petite et que maman a décidé d'arrêter de me nourrir
de son lait. Et même peut-être avant, quand elle m'a mise au
monde, expulsée
de force d'un univers où mes désirs
10
Internet
11
Cêble, satellite,
Voir glossaire
Idem
12
13
Protocol
hertzien
22
n'avaient même pas besoin d'être formulés pour être satisfaits.
Je suis comme vous et moi: j'ai un morceau de paradis perdu scotché dans mon cerveau, et de temps en temps, je
regarde l'univers dans lequel je vis, et je me dis que vraiment, vraiment, ça n'y ressemble pas. ..
Voici un résumé:
on m'a promis (les médias, les ingénieurs
et les financiers)
un bel ordinateur,
un seul clic et
l'abondance
de nouvelles fraiches, de jeux, de plaisirs... or
je suis devant l'objet magique, à attendre qu'un câble de
largeur plus ou moins adéquate transporte des informations
jusqu'à une boite qui elle-même
pourrait ne pas toujours
supporter autant de données.
Je piétine, je m'énerve, je me décourage.
Par contre, je suis vraiment contente de pouvoir envoyer des
e-mails, et en recevoir.
Ça au moins, ça marche.
Ce phénomène
de découragement
est particulièrement
aigu
en ce qui concerne les télévisions sur le Net.
Là, j'ai vraiment l'impression
d'être pionnière en scrutant ce
timbre-poste
qui s'agite de soubresauts
parfois interrompus
par des mots aussi romantiques
que « net congestion...
».
La première fois que j'ai regardé CanalWeb,
j'ai cru qu'il
s'agissait
d'un combat de boxe alors que c'était un talkshow... même si c'est un débat aujourd'hui dépassé.
Ne parlons pas du téléchargement des « plug-in»
(Real
Player, Windows
Media et autres Quicktime)
qui, pour un
néophyte, représente
au mieux un problème, au pire une
complication
insurmontable...
Ne parlons pas de l'ordinateur lui-même, qui a intérêt à être
plutôt récent.
Ne parlons surtout pas du débit, différent si j'ai un modem, le
câble ou l'ADSL, mais de toute façon, en France, largement
.insuffisant.
Parlons plutôt de mon histoire dans l'Histoire...
23
la WebTV et moi...
Cet ouvrage porte sur mon expérience des WebTV entre
avril2000 et février 2002.
Je considère aujourd'hui qu'une page de ce média est tournée, et que j'en ai été l'actrice et le témoin.
On les appelle toujours les » Web-TV», même si beaucoup
d'entre elles ont disparu aujourd'hui. Elles sont nées dans
l'enthousiasme
d'avant. Avant l'effondrement boursier,
avant l'effet de balancier, avant le« panurgisme » des actionnaires.
Elles s'appellent (encore, pour certaines... )Pseudo.com,
CanaIWeb.net, Alatélé.com, Clicvision.net, Nouvo.com, CitoyenneTV.net, ITinfo.TV. Et j'en passe, bien sûr.
Elles sont issues de la rencontre entre des techniques (pour
certaines encore en test) et un souffle de liberté qui prétendait balayer la frilosité et l'esprit rétréci des TV établies. A
partir de coûts de diffusion qui n'ont rien à voir avec ceux
qui existaient avant.
Et au nom de l'expression des différences. Qu'elles soient
culturelles (art, musique, écriture), politiques (non à la langue de bois), minoritaires
(les femmes, les gays, les communautés) ou personnelles
(droit à la parole de chacun).
A un moment où l'espoir de voir cette chape de plomb qui
nous muselait s'ouvrir et donner lieu à une explosion de joies
médiatiques,
une fête.
Mais aussi en cette période d'intense
s'imagine faire fortune vite fait.
spéculation
où chacun
En un sens, les WebTV (que l'on ferait mieux d'appeler Télévision Interactive
sur le Net ou Télévision
IP14) sont emblématiques
de la Toile de cette fin de siècle:
un mélange
indéfini d'appât du gain et d'idéalisme
culturel, une sorte de
14
Internet
Protocol
24