Jean Paul BETBEZ

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Jean Paul BETBEZ
Résumé de l’intervention d’octobre 2005 de M. Jean-Paul BETBEZE
Directeur des Études économiques du Crédit Agricole
Président de la Société d’Économie Politique de Paris
sur le thème
« Croissance, emploi, chômage :
les éléments du dossier français. »
Le Président Michel THOMAS présente le conférencier, dont la notoriété est
grande, tant auprès des experts économistes qu’auprès du grand public.
Jean-Paul BETBEZE est, en particulier, chef économiste du Crédit Agricole et
Professeur de sciences économiques à l’Université de Paris II Panthéon. Il a
récemment été co-auteur d’un rapport au Premier Ministre sur la question de
l’allongement de l’âge de départ à la retraite. Il vient à Lyon ce soir en
confrère, puisqu’il préside la Société d’Économie Politique de Paris.
Jean-Paul BETBEZE commence son exposé en jugeant que les deux sociétés
d’économie politique et d’économie sociale partagent des valeurs
communes, avec une sensibilité un peu plus libérale à Paris et un peu plus
sociale à Lyon. Il annonce, en préambule à son exposé, que « le rôle des
économistes est de libérer la parole, car le pays ne peut se sortir d’affaire
qu’en faisant un travail de vérité. »
Son exposé portera dans un premier temps sur la situation de l’économie
française, puis sur les obstacles à la croissance, pour se terminer par la
présentation de pistes de solutions.
1. Affaiblissement de l’économie française
Le PIB mondial représente actuellement 20 fois le PIB français, avec une
croissance moyenne de 4 % par an. Toutefois, le poids relatif de la France
diminue d’année en année car la croissance est chez nous de 1,5 %,
contre 3,7 % aux États-Unis et environ 10 % en Chine, ce qui fait que la
Chine a déjà largement dépassé le poids de l’économie française.
Cette croissance des différentes zones du monde se fait dans un espace
économique globalisé, compte tenu de l’effondrement du communisme
comme alternative au capitalisme.
La croissance en France se réalise surtout avec la consommation des
ménages et un peu d’investissement, mais pas assez par l’exportation : la
France a des difficultés à exporter des produits de qualité, à la différence
de l’Allemagne. Cette croissance ne se fait pas non plus assez par
l’innovation, contrairement aux États-Unis, qui créent 80 % de ce qui est
breveté chaque année dans le monde.
La France crée, chaque année, 25 milliards d’euros de richesses
supplémentaires mais, dans le même temps, elle s’endette au rythme de
45 milliards d’euros. Il « suffirait » d’avoir 3 % de croissance par an pour
résoudre le problème des déficits publics.
Toutefois, s’il se confirme que la croissance reste molle, le système des
retraites deviendra insupportable. En outre, le poids du financement des
retraites ne sera pas accepté par les plus jeunes, et de plus en plus
partiront à l’étranger.
2. Obstacles à la croissance en France
Jean-Paul BETBEZE développe une longue liste des principaux
dysfonctionnements qui handicapent la croissance en France :
-
le pays est réticent à la flexibilité, car le modèle culturel est à
dominante méditerranéen, ce qui le différencie du modèle culturel
anglo-saxon et de l’Europe du Nord ;
-
réformer est très difficile en France. Pour y arriver, il faut un courage
politique élevé. A défaut de cela, on se contente de faire des rapports !
-
L’excès de protection de l’emploi nuit aux embauches ;
-
Les seniors sont poussés au départ à la retraite et on n’investit plus dans
assez dans la formation des quinquagénaires ;
-
il y a un grand nombre de jeunes qui ne sont pas au travail, avec un
effet « parking » et une inadaptation au marché du travail, où les
exigences de productivité sont fortes ;
-
alors que la compétition mondiale exigerait de donner plus de liberté
aux gens, notre système réglementaire et fiscal est fondé sur des
principes pervers de défiance et de vérification qui tuent l’initiative ;
-
la France a créé une complexité administrative désespérante, avec 5
ou 6 niveaux de gouvernance ;
-
la fonction publique coûte cher, ce qui assèche les possibilités de
financement de l’innovation. En outre, cela est nuisible à l’emploi privé,
dont les charges sont alourdies pour financer la fonction publique, dont
la productivité n’a pas vraiment augmenté au cours des dix dernières
années ;
-
La loi sur les 35 heures a été une erreur car elle était fondée sur l’idée
malthusienne d’une quantité de travail à répartir. Cela a entraîné
plusieurs effets négatifs :
. une pression sur la productivité, qui se traduit par un accroissement du
stress et une exclusion du marché du travail de ceux qui ne peuvent
pas suivre ;
. un accroissement de la proportion d’achats de produits de
consommation à bas coûts, importés notamment de Chine, compte
tenu de la nécessité de financer plus de loisirs à budget constant.
3. Pistes de solution
Il ne faut pas rechercher la compétitivité dans la baisse des salaires, mais
dans l’innovation. Pour cela, il est nécessaire d’encourager l’initiative et le
travail en libéralisant le système. Cela suppose, par exemple, d’accélérer
les temps nécessaires pour la création de nouvelles entreprises. Il faut aussi
favoriser les services de proximité et les services aux personnes, en refusant
la vision péjorative des « petits boulots ». Cela peut se faire aussi par la
redynamisation des cœurs de villes, en ouvrant plus les commerces et en
créant des petits emplois.
Un axe de solution important est de repousser l’âge de départ à la retraite,
car il faut éviter que les gens de 50 ans commencent à être poussés hors
du marché du travail. Cela aura de nombreux avantages, car le fait
d’avoir plus de gens au travail créera des richesses supplémentaires et
débouchera sur plus de croissance. En outre, un nombre plus élevé de
gens au travail fera baisser le stress des 30-50 ans et facilitera l’intégration
des jeunes.
Il est nécessaire de réduire le recrutement dans la fonction publique afin
de diminuer les dépenses publiques et la dette. Cela requiert notamment
de développer les délégations de service public.
La croissance étant une fonction de l’accroissement de la productivité et
de l’accroissement démographique, il ne faut donc pas agir seulement sur
la productivité horaire, mais aussi sur la démographie. Cela suppose
d’entreprendre une politique familiale appropriée, ainsi qu’une politique
d’accueil.
Rédacteur : Marc BONNET