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Communiqué
Mon Quotidien te fait découvrir
le premier chapitre de
La Tour de Londres
par Évelyne Brisou-Pellen
1357. Garin Troussebœuf
mène l’enquête…
De Bretagne en Angleterre,
une nouvelle aventure
du jeune scribe à l’humour
réjouissant.
Dinan, février 1357
Une lueur bien peureuse
Il faisait nuit, et le sol était détrempé. Pas question de dormir dehors.
À la lueur de la lune, Garin continuait à suivre le chemin défoncé qui
menait il ne savait où. Depuis un moment, il était angoissé par des bruits,
mais les animaux de la forêt avaient la sale manie de profiter de l’obscurité pour s’en donner à cœur joie. Hululements, hurlements, crissements,
grondements, ils s’y entendaient pour flanquer la chair de poule aux plus
courageux – dont, en plus, Garin ne faisait pas partie.
Il s’arrêta net. Entre les arbres, il distinguait un feu de campement. Des
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marchands ? (Il s’avança un peu.) Des brigands ? (Il recula d’autant.)
Finalement, il resta planté sur place, son bâton de marche bien en main,
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prêt à se défendre. Il n’avait pas grand-chose à perdre – une tenue de
derrière lui avec un peu de frayeur :
rechange pas trop usée et un reste de pain –, seulement, à cette heure,
– Si j’ai traversé l’armée anglaise sans la voir, c’est que ses défenses
les bandits ne donnaient pas dans la finesse, ils étaient en général soûls
ont plus de trous qu’une chemise de pauvre. Mais je croyais qu’il y avait
comme des grives. Or sa plus prudente devise était : « Méfie-toi des bri-
une trêve !
gands et des gens ivres, et deux fois plus des brigands ivres. »
– Les Anglais ne sont pas partis pour autant, ils continuent d’encercler
Son immobilité ne fut pas aussi inefficace qu’on aurait pu le penser : elle
Dinan, et nous sommes pris en étau entre la ville et eux. Vous comprendrez
lui permit d’entendre au loin le grincement d’une roue et d’apercevoir une
que je ne puisse pas ouvrir à cette heure.
lueur tremblotante sur sa droite. Il préféra choisir cette direction.
– Mais il fait froid, et vous n’avez rien à craindre ! (Il ôta son chapeau pour
La lueur brillait derrière une fenêtre grillagée, ce qui l’emplit d’espoir. Ces
montrer son visage.) Je m’appelle Garin, je suis scribe, j’ai quinze ans et je
lourds bâtiments étaient une abbaye, il ne passerait pas la nuit dehors !
ne connais pas un mot d’anglais.
Il se saisit du heurtoir et frappa sur la porte. Boum. Boum.
Tout était vrai (sauf peut-être l’âge, puisqu’il ignorait sa date de nais-
Un guichet s’ouvrit aussitôt :
sance). Sa franchise n’eut pourtant aucun succès. La chandelle qui l’avait
– Chut ! Pas tant de bruit !
éclairé se retira en décrétant :
Ouh ! Avait-on idée de faire sursauter les gens ainsi ! Garin chuchota :
– Je n’ai pas le droit, je ne peux pas mettre la communauté en danger.
– Je demande l’hospitalité pour la nuit.
Un danger, lui ? Crédiou, ce moinillon lui ramonait la patience !
Hélas ! il s’entendit répondre :
Garin râla :
– On n’ouvre pas à cette heure. Restez avec vos amis.
– Vous n’allez quand même pas…
– Quoi ? Quels amis ? Je suis seul et je ne sais même pas où je
Eh bien si… Clac ! Le guichet se referma en précisant :
me trouve !
– Vous pouvez vous abriter sous le porche de l’église.
– Vous vous trouvez à l’abbaye de Léhon. (Le portier eut un arrêt, et son
Trop aimable. Les chandelles et les guichets étaient vraiment trouillards
ton se fit intrigué.) Vous n’avez rien vu en venant ?
dans ce pays.
– Ma foi… j’ai vu une femme qui plongeait les pieds de son bébé dans une
Garin jeta sur lui-même un regard inquisiteur. Il n’était peut-être pas aussi
fontaine pour qu’il marche, un boulanger qui se peignait les poux au-dessus
rassurant qu’il le croyait. Rien d’étonnant si l’on repensait à sa journée : trois
de la farine, un escargot imprudent qui traversait le chemin, un…
averses essuyées (mal essuyées), les pierres du gué parées de mousse glissan-
– Je ne parle pas de cela, s’agaça la voix.
te, la boue des chemins, les gifles des branches mouillées, le coup de vent sur
– Ah. J’ai vu aussi des cimetières tout bosselés de tombes fraîches et des
la colline de Dol… Il devait ressembler au balai de genêt avec lequel sa mère
gens en deuil, habituelle conséquence de la guerre.
poussait sa fourmilière d’enfants dehors au petit matin. Il vérifia sa crinière
Il y eut un silence incertain, puis le moine demanda d’un ton méfiant :
blonde du bout des doigts. Ses cheveux avaient encore entrepris de
– Vous ne venez donc pas du camp anglais ?
se battre en duel !
Inutile de lutter. Quand le sort est contre toi, colle-toi à lui, ça t’évitera les
– Quelle idée ! Non !
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– Pourtant, on ne parvient pas jusqu’ici sans le traverser.
Ahi ! le feu de camp était celui d’un campement militaire ! Garin regarda
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chocs, vieux proverbe latin traduit de l’anglais par saint Garin. Pour ce soir,
ce serait un porche d’église.
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Il détecta le renfoncement dans la façade voisine, posa son écritoire sur
le seuil et s’assit dessus. Son sac sur ses genoux, sa tête sur son sac –
des gestes rendus automatiques par la force de l’habitude – et on dort.
Le confort de ce genre d’endroit n’était pas fabuleux, mais on y était protégé de la pluie et du vent.
Brrr… l’humidité glacée pénétrait jusqu’à l’os à travers sa cape, son chaperon, son surcot, sa chemise, et même sa maigre peau. Quelle idée de
circuler avant le printemps ! Il entamerait bien une action en justice pour
obliger le printemps à commencer en février.
Bah… S’il avait dû mourir de froid, ce serait déjà fait. Depuis des années
qu’il était sur les routes, par tous les temps… Il réussit quand même à
s’endormir. La preuve : il fut tiré du sommeil. Par un choc près de son
oreille. Suivi d’un bruit d’épée glissant hors du fourreau.
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Illustration : Erwann Surcouf
Humour, complot et mystère…
Retrouve les aventures de
Garin Troussebœuf en librairie

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