D`OÙ VIENS-TU JOHNNY ? Le survivant mythique
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D`OÙ VIENS-TU JOHNNY ? Le survivant mythique
17-Journal-juin-2010:Mise en page 1 20/05/10 18:19 Page 187 Journal royalties sur toutes les productions dans le monde, précise le compositeur qui souligne encore que la féerie du Roi Lion, avec ses marionnettes géantes et ses masques merveilleux a été créée par Disney mais dans une mise en scène de Julie Taymor, une figure du théâtre expérimental de New York « située à la marge de la marge ». Avec ses 20 millions de dollars d’investissement (vite amorti) qui en font la production la plus chère jamais produite à Broadway et ses six Tony awards, la principale distinction à Broadway, Le Roi Lion est toujours à l’affiche dans une douzaine de pays et à Broadway où il a été créé en 1997. Pour Julie Taymor, comme le rapporte Frédéric Martel, ce n’est ni purement de l’art, ni seulement du divertissement : D’OÙ VIENS-TU JOHNNY ? Le survivant mythique Un Roland Barthes contemporain aurait sûrement consacré un chapitre de ses Mythologies à Johnny Hallyday. Son amitié « présidentiable » (Chirac puis Sarkozy), ses démêlés avec le fisc, une accusation douteuse de harcèlement sexuel, la maladie qui est à l’origine de l’annulation de sa grande tournée (toujours la dernière !), son conflit avec le chirurgien des people… voilà autant de faits (divers ou non) qui l’ont fréquemment mis au premier plan de l’actualité ces dernières années. Comment comprendre alors ce lien tissé avec les Français dont la majorité reconnaît que Johnny est devenu un personnage mythique, qu’on aime ou non ses chansons, qu’on apprécie ou non ses amitiés, qu’on le prenne ou non pour un idiot comme c’est le cas des Guignols ? Johnny est tout simplement un mythe « survivant » en cela qu’il associe les contraires, qu’il est un nœud de contradictions, comme les mythes justement. Le mythe Johnny est d’abord le fait de ce personnage absent qu’on voit en photo dans les magazines et dont la démarche est faussement nonchalante. Il y a un Johnny fantomatique au visage marmoréen, au corps sculpté, aux yeux bridés qui en font une sorte de survivant, de guerrier asiatique capable de sortir brutalement de sa coquille. Johnny est un mythe moins vivant que « survivant », un mort vivant, un corps en survie dont on ne sait d’où il vient ni où il va (c’était le titre de l’un de ses déplorables premiers films : D’où vienstu Johnny ?). Le metteur en scène Johnny To l’a bien compris qui lui a proposé de jouer le personnage principal de son récent film Vengeance, un Je ne suis ni vraiment dans l’un, ni véritablement dans l’autre. Je suis ailleurs. Ces ponts qui paraissent plus évidents à l’étranger qu’en France, comme le montre encore l’exemple de Francesca Zambella qui a signé la mise en scène de l’opéra de Benjamin Britten, Billy Budd pour l’Opéra Bastille et celle de La petite sirène présentée aux Pays-Bas par Stage Entertainment ne représenteraient-ils pas finalement le pari d’une complémentarité et d’une circulation entre les différents registres de la culture ? La comédie musicale montre que la création est partout et que l’entertainment qui a obligation de plaire et de durer peut être synonyme de qualité et séduire un public exigeant. C’est, dans un autre registre, ce que Jean-Luc Choplin revendique en parlant d’une culture en rhizomes, « ces racines qui courent un peu partout et qui prennent un malin plaisir à ressortir là où on ne les attend pas », tout en reprenant à son compte la devise de Marcel Duchamp : « Courant d’air, courant d’art. » Air du temps ? Isabelle Danto 187