Prévision marine à 7 jours

Transcription

Prévision marine à 7 jours
T echnique d'exploitation météorologique
Forme
des bulletins
et contrôle qualité
Prévision marine
à 7 jours
oilà maintenant deux ans que l’échéance
des bulletins « terrestres » est passée de 5
à 7 jours et qu’elle est assortie d’un
« indice de confiance ». Il était donc légitime de
se poser la question de l’allongement de
l’échéance pour les bulletins « marine ». Mais,
sur mer comme sur terre, diffuser des bulletins
à échéance J+6 ou J+7 n’est pas aussi simple
qu’il y paraît. Il faut tout d’abord s’assurer que
les outils dont on dispose (les modèles numériques de prévision du temps) délivrent un
signal réellement utile à cette échéance. C’est
le but du contrôle des prévisions décrit dans la
deuxième partie de cet article. Mais ce n’est
pas tout. Il faut également trouver les mots
pour bien faire passer l’information. Pas question par exemple d’utiliser pour décrire le vent
à J+7 une expression telle que « vent ouestsud-ouest force 6, mollissant force 5 ». Une
telle précision à moyenne échéance est totalement illusoire et, prise au pied de la lettre,
pourrait entraîner l’usager à prendre de mauvaises décisions. D’où la définition d’un certain nombre de conventions d’écriture pour la
rédaction des bulletins pour le large.
Dans Met Mar n° 183, un dossier complet de
Pascale Dupuy expliquait en quoi consiste la
prévision à moyenne échéance, ce qui est prévisible et ce qui ne l’est pas, et la méthode de
travail utilisée au service prévision de MétéoFrance, à Toulouse : la prévision d’ensemble
pour tester la « stabilité » de la prévision à
moyenne échéance, les méthodes pour faire
le tri entre les différents scénarios d’évolu-
V
La météo marine
à 7 jours
Début mars, les bulletins « large » de MétéoFrance ont vu leur échéance passer de cinq à
sept jours. Plus exactement, l’échéance du bulletin du matin atteint J+6 et celle des bulletins
de midi et du soir J+7. De plus, la prévision
pour les jours J+4 et J+5 d’une part, J+6 et J+7
d’autre part, est assortie d’un indice de
confiance variant de 1 à 5, 5 étant le niveau
le plus élevé.
La structure des bulletins large (midi et soir) est
maintenant la suivante :
- rappel des avis de coup de vent en cours ou
prévu ;
- description de la situation générale au jour J
(à 0 h UTC le matin, à 12 h UTC le soir) ;
- prévision par zones du vent (direction et force
Beaufort), de l’état de la mer, du temps et de
la visibilité pour les jours J et J+1 ;
- évolution de la situation générale pour les
jours suivants ;
- prévision par zones du vent (direction et force
Beaufort), de l’état de la mer et du temps pour
J+2 ;
- prévision par zones du vent (direction et force
Beaufort) et de l’état de la mer pour J+3 ;
- tendance (direction générale du vent assortie
du qualificatif, faible, modéré, assez fort, fort
ou violent) et indice de confiance pour les jours
J+4 et J+5 ;
- idem pour les jours J+6 et J+7.
Les trois bulletins « large » (Manche et mer du
Nord, Atlantique et Méditerranée) bénéficient
de la même structure. L’indice de confiance est
le même pour chaque bulletin.
Les bulletins « large » à 7 jours peuvent être consultés par Minitel (3615 METEO, rubrique MER), par
téléphone (08 36 68 08 08 ou 08 77) et par
Navifax (08 36 70 18 52 sans abonnement,
05 61 07 85 55 avec abonnement).
J à J+3
Échelle Beaufort
J+4/J+5
METMAR 188
J+6/J+7
Adjectifs qualifiant le vent
Force 0
Force 1
Faible
Force 2
Faible
Force 3
Force 4
Modéré
Force 5
Force 6
Force 7
Force 9
24 •
Une fois établies les grandes lignes du « scénario météorologique », le prévisionniste rédige
son bulletin en respectant les conventions cidessous. Il est important de comprendre
qu’une prévision, marine ou autre, varie dans
la forme et le contenu au cours des échéances.
Dans une prévision à 24 heures, le météorologiste peut se permettre un certain nombre de
détails dans la description des événements,
de leur chronologie et de leur localisation,
alors qu’à J+6/J+7, il doit se contenter d’une
description beaucoup plus générale. Dans les
bulletins « marine », cela se traduit par quatre
changements :
Adjectifs qualifiant le vent
Modéré à assez fort
Assez fort
Fort
Très fort
Force 10
Météo-France
Forme des bulletins
Termes utilisés pour la description du vent selon l’échéance
Force 8
Florence Vaysse,
tion du temps prévus par le modèle, l’élaboration de l’indice de confiance…
En ce qui concerne les bulletins « marine »,
les prévisionnistes s’appuient, bien entendu,
sur l’expertise réalisée par le « prévisionniste
moyenne échéance ». C’est lui qui étudie les
différentes solutions proposées par le modèle
du Centre européen pour les prévisions
météorologiques à moyen terme (CEPMMT) :
amas central, différents « tubings », stabilité
du modèle, etc. Suite à son expertise, nous
disposons de différents éléments : cartes très
générales indiquant le type de temps, textes
de directives techniques, cartes d’isobares
des différents scénarios de prévision du
temps proposés par le modèle.
Force 11
Force 12
Violent
Fort à très fort
Technique d'exploitation météorologique
1 - Diminution du nombre de paramètres prévus : description du vent, de l’état de la mer
et du temps sensible pour les jours J, J+1 et
J+2, du vent et de l’état de la mer pour J+3,
du vent seul au-delà.
2 - Élargissement du domaine géographique
de prévision : prévision par zone marine ou
portion de zone pour les jours J à J+2, par
zone à J+3, par bassin (Manche, proche
Atlantique, nord de la Méditerranée occidentale) à partir de J+4, avec possibilité toutefois
d’inclure certaines particularités climatologiques (par exemple : flux de nord-ouest fort
du golfe du Lion vers la Corse).
3 - Regroupement des échéances : J, J+1, J+2
et J+3 sont décrits séparément (parfois J+2 et
J+3 sont groupés) ; J+4/J+5 et J+6/J+7 sont
regroupés par paires, voire les 4 échéances
ensemble lorsque la situation le permet.
4 - Diminution dans la précision de la description du vent à l’aide d’adjectifs spécifiques :
voir tableau.
Enfin, le bulletin comporte deux indices de
confiance pour les échéances J+4/J+5 d’une
part et J+6/J+7 d’autre part. Il s’agit d’un
chiffre compris entre 1 et 5, dont la signification est la suivante (voir article Prévision
d’ensemble et indice de confiance, Met Mar
n° 183) :
1 佡 très faible confiance
2 佡 faible confiance
3 佡 confiance normale
4 佡 bonne confiance
5 佡 très bonne confiance
Par souci de simplicité et de clarté, il s’agit du
même indice que celui qui figure dans les bulletins terrestres « grand public » élaborés par
les Centres départementaux de Météo-France
et diffusés par Minitel et répondeur téléphonique.
Cet indice fournit une information sur la
confiance globale du scénario (type de temps sur
la France et ses « environs »). Bien entendu ce
choix a ses limites. Du fait de l’extension du
domaine maritime, il existe des situations où la
prévision est fiable sur un bassin et pas sur un
autre : par exemple, en cas de « goutte froide
d’altitude » en Méditerranée, engendrant une
zone dépressionnaire en surface, une petite modification de sa position engendrera de fortes variations de vent en force et direction sur le bassin
méditerranéen, et n’aura que peu de conséquences en Manche et sur la façade atlantique.
En toute logique, une telle situation nécessiterait
un indice différent pour les deux bassins. Mais
pour l’instant, il a été décidé de s’en tenir à un
indice unique valable pour l’ensemble des zones
marines « large ».
Contrôle qualité
Avant de diffuser cette prévision à 7 jours, il
était important de vérifier qu’elle offre bien
un minimum d’intérêt pour nos usagers
marins. Nous avons donc testé, de décembre
1999 à février 2000, la qualité de nos prévisions à moyenne échéance sur les 3 bassins :
Manche, proche Atlantique et nord de la
Méditerranée occidentale. La procédure suivie est la suivante.
• Nous avons tout d’abord consigné dans un
tableau associé à chaque domaine, le « vent
significatif » de la journée. Pour ce faire,
ayant peu de données observées sur chaque
domaine considéré, nous nous sommes fiés à
la partie courte échéance des bulletins (i.e. la
Pourcentages de bonnes prévisions en Méditerranée, selon l’échéance. Période : de décembre 1999 à
février 2000, soit 86 cas. En bleu clair, pourcentages de bonnes prévisions (notées A). En bleu foncé,
pourcentages de prévisions « bonnes » et « acceptables » (notées A ou B).
Trait horizontal bleu clair : score d’une « bonne » prévision climatologique
Trait horizontal bleu foncé : score d’une prévision climatologique « acceptable »
Pourcentage de bonnes prévisions en Méditerranée
100
85,4
90
80
70
60
73,5
65,3
65,5
58,5
50
37,3
40
31,9
36,5
30
20
10
0
J+4
J+5
J+6
J+7
Échéance de prévision
Pourcentage A
prévision pour le jour même dans le bulletin
du matin) et aux BMS. Ce choix est justifié
par le fait que ces bulletins sont toujours très
proches de la réalité, d’autant que nous
considérons des intervalles de force du vent
assez larges. Les grandes évolutions de la
journée sont prises en compte (forte rotation
ou changement de force significatif) mais pas
les effets locaux.
Par exemple, avec un fort courant de nordouest en Méditerranée du golfe du Lion vers
la Corse, nous notons « Nord-Ouest force 6 à
8, localement force 9 entre Lion et Corse »,
mais ne détaillons pas les vents plus faibles,
de direction variable, au sud du cap Creus ou
dans le golfe de Gênes. Nous nous limitons
au courant le plus représentatif du bassin.
• Pour chaque journée, nous avons recherché
les prévisions faites 7, 6, 5 et 4 jours auparavant et avons attribué une note, de A à D, qui
prend en compte la direction et la force du vent.
Pourcentage A + B
Direction du vent observé
et du vent prévu
Même Quadrants Quadrants
quadrant contigus
opposés
Force
Même
intervalle
A
B
C
Intervalles
voisins
B
C
D
C
D
D
du vent
observé
et du vent Intervalles
très
prévu
différents
Note A : bonne prévision. Direction et vitesse
sont bien prévues. Les vents prévus et observés sont de même secteur (secteur de 90°) et
de même intervalle de force.
Note B : prévision acceptable. Un seul paramètre, direction ou vitesse, est bien prévu et
le second n’est pas complètement faux
(« complètement faux » signifie une direction
opposée à ce qui était prévu ou un vent fort
au lieu d’un vent faible et vice versa). Par
exemple, si un vent faible de secteur Nord est
prévu et qu’un vent faible de secteur Est ou
Ouest ou un vent de secteur Nord modéré est
observé, la prévision est considérée comme
« acceptable » et est notée B.
Note C : aucun des deux paramètres n’est
bien prévu
Note D : un ou les deux paramètres sont complètement faux.
• Nous avons ensuite compté les pourcentages de A, de B, de C et de D, puis groupé
les A et B que nous considérons comme des
prévisions acceptables à cette échéance. Les
illustrations 1 et 2 présentent, sous forme
d’histogrammes, les pourcentages de A
(bonnes prévisions) et de A+B (prévisions
bonnes et acceptables) respectivement pour
l’Atlantique et la Méditerranée.
• Mais, en hiver, prévoir systématiquement
un courant de secteur Ouest à Sud-Ouest
METMAR 188 • 25
Technique d'exploitation météorologique
Pourcentage de bonnes prévisions en Atlantique
100
86
77,9
80
60
78,2
72,2
52,3
36
40
41,8
41
20
0
J+4
J+5
J+6
J+7
Échéance de prévision
Pourcentage A
Pourcentage A+B
Pourcentages de bonnes prévisions en Atlantique, selon l’échéance. Période : de décembre 1999 à
février 2000, soit 86 cas. En bleu clair, pourcentages de bonnes prévisions (notées A). En bleu foncé,
pourcentages de prévisions « bonnes » et « acceptables » (notées A ou B).
Trait horizontal bleu clair : score d’une « bonne » prévision climatologique
Trait horizontal bleu foncé : score d’une prévision climatologique « acceptable »
En Atlantique (illustration 2), la décroissance
des bonnes prévisions entre J+4 et J+5 est aussi
marquée qu’en Méditerranée mais la qualité des
prévisions à J+6 et J+7 est un peu meilleure.
Que l’on prenne en compte seulement les
bonnes prévisions (notées A) ou les bonnes et
les « acceptables » (notées A ou B), les scores
sont toujours au-dessus de ceux de la climatologie (respectivement 25,5 et 54,5 %).
100
80
Europe
de 1975
à 1999
Résultats
En Méditerranée (illustration 1), à J+4, le
pourcentage de bonnes prévisions (prévisions
notées A) est élevé (58,5 %), largement audessus de la prévision climatologique
(36,4 %). Puis il diminue fortement entre J+4
et J+5 pour tomber au niveau de la prévision
climatologique.
En revanche, en prenant en compte les prévisions notées A ou B (prévisions bonnes ou
acceptables), on reste toujours au-dessus de
la prévision climatologique (54,5 %), ce qui
montre que, même à J+7, le prévisionniste
apporte un plus par rapport à la climatologie,
à condition de ne pas être trop exigeant sur
la précision.
26 •
METMAR 188
Climatologie
1975
Indice
modéré à assez fort en Atlantique ou de Nord
à Nord-Ouest fort en Méditerranée, donne
déjà de bons résultats. Il s’agit là d’une « prévision climatologique ». C’est une forme triviale de prévision d’autant meilleure que les
paramètres évoluent peu. Elle sert de référence : en effet, une prévision à moyen terme
n’est utile que si son score dépasse celui de
la prévision climatologique. Aussi les illustrations 1 et 2 présentent-elles les scores de la
prévision climatologique (vent le plus fréquemment rencontré sur la période considérée) calculés avec les mêmes critères que la
prévision du prévisionniste : le score le plus
faible correspond à une prévision qui serait
notée A ; le score le plus élevé correspond à
une prévision qui serait notée A ou B.
En Manche, les résultats sont sensiblement
meilleurs, avec un pourcentage de prévisions
notées A ou B qui décroît de 90 % à J+4 à
79 % à J+7. Cela s’explique par la taille plus
réduite de ce bassin et par sa plus grande
homogénéité climatologique, par rapport aux
autres domaines.
Pour affiner les résultats, nous avons envisagé
de noter la prévision des changements de type
de temps. En effet, si on rate un épisode de
vent fort sur 20 jours de temps calme, le score
de réussite de la prévision sera de 95 %, mais
son utilité sera des plus contestables. Aussi,
avons nous séparé les différents épisodes
météorologiques : vents variables faibles, courant de NE, courant de SW perturbé, etc.
Malheureusement, le nombre d’épisodes distincts sur trois mois d’hiver n’excède pas une
vingtaine et n’est pas suffisamment représentatif pour exploiter les résultats. Mais les
contrôles continuent. Il sera intéressant d’ici
un an de reprendre cette étude et d’examiner,
entre autres, l’évolution saisonnière des
scores. Il est fortement probable que les résultats seront meilleurs l’été, un peu moins bons
en hiver et aux intersaisons.
Pour conclure, rappelons qu’une prévision à
J+4 et au-delà n’est pas comparable à une prévision à courte échéance. Il ne s’agit que d’une
simple tendance sur le courant général. Et gardons à l’esprit qu’une information sur l’évolution du temps, en particulier dans les activités
« aéronautiques », « marine » et « montagne »
où la sécurité du pratiquant dépend beaucoup
des conditions météorologiques, doit être
renouvelée au moins une fois par jour.
60
40
20
1983
0
1990
1999
Échéance (jour)
-20
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Qualité des modèles de prévision du temps utilisés par Météo-France.
En 1999, les prévisions des modèles à 3 jours sont aussi bonnes que les prévisions à 24 heures en 1983.
Les progrès des modèles de prévision numérique résultent de l'augmentation de la puissance de calcul des
superordinateurs et des progrès de la recherche (techniques permettant de mieux tirer profit des données
observées, meilleure représentation des phénomènes météorologiques...).
L'indice utilisé pour évaluer la qualité des modèles est calculé à partir de l'erreur de prévision de géopotentiel à 500 hPa, critère communément admis par la communauté météorologique. L’indice varie de zéro,
correspond à la qualité d’une prévision climatologique, à 100 correspondant à une prévision parfaite.