Les fesses de Patricia

Transcription

Les fesses de Patricia
Les fesses de Patricia - Le fil télévision - Télérama.fr
Page 1 sur 3
MA VIE AU POSTE
LE BLOG TÉLÉ DE SAMUEL GONTIER
Les fesses de Patricia
Patricia Kaas a « des fesses incroyables ». Dans le genre comingout, en voilà du fracassant. C'était hier soir chez Mireille Dumas sur
France 3. Il n'en fallait pas plus pour me rendre fan de la chanteuse,
aussi fatalement que je suis devenu villepiniste. Notez bien que
l'événement est survenu par accident. Je devais consacrer la soirée à
Questions de génération, sur France 4, et à la pléiade de stars invitée
pour fêter la Nouvelle Vague chez Taddéi. Mais ma télécommande
s'est enrayée, je me suis retrouvé devant Vie publique, vie privée.
Voilà des années que je n'avais pas regardé Mireille Dumas et sa
psychanalyse de comptoir qui voudrait faire croire que seuls les
enfants du placard peuvent devenir des stars… Quand je suis arrivé
dans cette émission consacrée aux cancres (et aux atroces blessures
que l'échec scolaire engendre), Mireille, épaulée par une psy
clinicienne, réconfortait Daniel Picouly et Jean-Marie Rouart : « Ce qui
compte, c'est d'avoir confiance en soi, d'avoir une bonne image de soi,
de ne jamais renoncer à ce qu'on est. » Et vas-y que je te loue la
« confiance », parce que sans « confiance », c'est la cata, et d'ailleurs
rien ne va plus si t'as pas la « confiance » alors qu'avec « la
confiance », tout baigne, si t'as la « confiance » y'a pas de lézard, c'est
dingue ce que ça fait du bien la « confiance ». On aurait cru entendre
une conversation entre Jean-Marc Sylvestre et Jacques Attali.
Finalement, la psychologie, c'est aussi simple que l'économie : tout est
question de « confiance ».
Prenez Patricia Kass. Elle a longtemps eu un problème de confiance
http://www.telerama.fr/critiques/imprimer.php?chemin=http://television.telerama.fr/te... 27/01/2009
Les fesses de Patricia - Le fil télévision - Télérama.fr
Page 2 sur 3
en soi. Maintenant, ça va mieux, c'est pour ça qu'elle a accepté de
venir se confier à Mireille Dumas. Celle-ci n'a pas manqué de signaler
la portée interplanétaire de l'événement : « Nous accueillons une star
internationale qui a connu une ascension fulgurante. Réputée pour sa
discrétion, elle a décidé, pour nous, de sortir de sa réserve. Merci
d'être ici ce soir, merci d'avoir surmonté une timidité légendaire. »
J'avais des frissons dans le dos.
J'ai remonté le chauffage. Mireille Dumas a dégainé sa psychologie
de comptoir, Patricia Kass assurait le service minimum. Après tout, elle
était en promo pour sa tournée « Kabaret ». Elle a lâché deux-trois
trucs perso, histoire d'alimenter la chronique. Elle a brodé sur sa mère
disparue trop tôt (la petite Patricia avait 20 ans) pour fournir un trauma
fondateur à son interlocutrice. Mireille a insisté sur la pauvreté de son
milieu d'origine (une famille de mineurs lorrains, presque des bêtes
sauvages). Patricia en a rajouté sur sa mère, a présenté le nounours
qu'elle lui avait offert et qui ne la quitte plus : « S'il ne vient pas avec
moi sur scène, il me manque. C'est un peu mon ange gardien. » Fin du
chapitre sur les commotions de l'enfance, place aux tourments de la vie
amoureuse. Je me préparai à entendre défiler banalités et généralités.
« Ce qui me fait flasher chez elle, c'est ses yeux, sa voix, ses fesses.
Elle a des fesses incroyables. » Cyril Prieur, premier amant de la
chanteuse (aujourd'hui son manager), interviewé pour introduire la
séquence « amour », a réchauffé le cours de ma triste soirée. J'ai
fermé les radiateurs. Après ce reportage, en retour plateau, Patricia
Kass n'était plus la même. Elle avait beau être assise, elle dégageait
une sensualité que son visage seul ne pouvait exprimer. « Il a toujours
adoré mes fesses », a-t-elle tenté d'expliquer, déstabilisée. Qu'elle est
touchante, cette môme ! On sent chez elle une blessure… Une faille
qui la rend si troublant… Sans doute les restes d'un complexe
d'infériorité. Qu'elle a d'ailleurs très bien expliqué.
Patricia a quitté l'école à 14 ans. Dans sa famille, elle n'avait jamais
parlé que le platt, dialecte lorrain proche de l'allemand, « vraiment pas
beau », insiste-t-elle, révélant la persistance de la blessure. Alors,
pendant des années, elle s'est protégée, renfermée, camouflée,
mortifiée de ne pas maîtriser « le langage ». Elle l'explique si bien, ce
complexe, cette barrière, cet écueil. Et dans un langage tellement
juste… Elle réussit à exprimer parfaitement ce que tant de gens
doivent ressentir – particulièrement les footballeurs professionnels.
C'était bouleversant.
Bouleversant aussi, son amour pour sa mère, « la première femme
de [sa] vie ». Sa manière à la fois franche et délicate de confesser :
« J'étais très “fille à maman”. » Sa fidélité à ses origines modestes, son
hommage à une famille où elle n'a jamais manqué d'amour, son envie
de réussir pour sa mère, pour les siens, pas pour le fric ni pour la
gloire… Quelle grandeur d'âme ! Elle n'avait même pas besoin de se
http://www.telerama.fr/critiques/imprimer.php?chemin=http://television.telerama.fr/te... 27/01/2009
Les fesses de Patricia - Le fil télévision - Télérama.fr
Page 3 sur 3
lever de sa chaise pour la laisser éclater.
Et sa vie amoureuse, alors ? Patricia reconnaît un certain nombre
d'amants et dit joliment : « J'appelle ça des expériences de la vie. » Et
d'expliquer en prenant un exemple judicieux : « Le seul moyen de
savoir ce que ça fait de coucher avec un homme le premier soir, c'est
d'essayer. » Je suffoquai. J'ai ouvert la fenêtre. Cette liberté de ton,
cette pudeur sans fard, cette fière résolution, cette capacité à assumer
ses choix avec modestie et courage ! Et quel tempérament ! Pas du
genre à s'accommoder d'une relation routinière. A chaque fois, c'est
elle qui prend l'initiative de la rupture. Une hardiesse remarquable
qu'elle résume d'une adorable formule, « c'est moi qui quitte les
hommes », et que tempère à merveille un romantisme fervent. « C'est
beau, le jeu de la séduction », souligne-t-elle, toujours assise. Et à une
question de Mireille : « Oui, c'est vrai, j'adore faire l'amour. C'est
agréable, on est bien… »
Il faisait de plus en plus chaud, limite tropical. J'ai enlevé quelques
vêtements pour me mettre à l'aise. Patricia parlait maintenant d'une
nouvelle blessure qui la guette, celle de ne pouvoir mettre au monde
un « petit bout de chou », comme elle dit si délicieusement sans jamais
se mettre debout. Ah, son désir d'enfant ! Contrarié, incertain, presque
condamné mais pas encore complètement – après tout, une femme si
bien assise peut encore enfanter à son âge. « J'en ai 42, il est temps »,
revendique-t-elle courageusement. Cette détresse à peine contenue, si
poignante, si attendrissante,… Comment ne pas avoir envie de la
soulager ?
L'entretien s'est terminé. Patricia ne s'était pas levée mais
l'atmosphère s'était singulièrement réchauffée. J'ai décidé de dormir nu
sur mon balcon. Ça n'a pas suffit à calmer ma fièvre. Je me suis
réveillé en nage, avec l'impression d'étouffer : je rêvais que j'étais le
nounours de Patricia Kaas et qu'elle s'était assise dessus.
Samuel Gontier
http://www.telerama.fr/critiques/imprimer.php?chemin=http://television.telerama.fr/te... 27/01/2009

Documents pareils