Comprendre et maîtriser la littérature scientifique Access to scientific

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Comprendre et maîtriser la littérature scientifique Access to scientific
Analyse de Joachim SCHÖPFEL
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Comprendre et maîtriser la littérature
scientifique
I2D - Information, données & documents
vol. 53, n°2, juin 2016
©ADBS
Gembloux (B-5030) : Les Presses agronomiques
de Gembloux, 2015. – V-150 p. – ISBN 978-287016-137-1 : 20 €
Bernard Pochet
Access to scientific research. Challenges
facing communications in STM
De Gruyter Saur, 2015 – (Ifla Global Studies in
Libraries and Information, vol. 2). - 423 p. ISBN 978-3-11-037516-9 : 99, 95 €
David J. Brown (ed.)
Voici deux publications récentes pour mieux comprendre l’information scientifique, ses fonctions, ses services et tendances.
UNE RESSOURCE PÉDAGOGIQUE INDISPENSABLE
La première, en français, est un mémento qui rappelle les notions essentielles de la communication scientifique.
Basé sur trois ouvrages antérieurs et vingt ans d’expérience dans la gestion des bibliothèques, dans l’édition
scientifique et l’enseignement supérieur, ce nouveau livre sur la littérature scientifique de Bernard Pochet,
maître de conférences de l’université de Liège, est destiné aux futurs documentalistes, bibliothécaires, éditeurs
et chercheurs.
Décrire en quelques pages la finalité de l’information scientifique, ses vecteurs de production et sa diffusion, ses
outils de recherche et ses perspectives relève d’un défi. Réussir ce pari est un exploit. En douze chapitres, Bernard Pochet présente un tour d’horizon de l’information scientifique, partant des finalités traditionnelles (communication, validation,
enregistrement et archivage) et de la typologie (de la revue et des livres jusqu’aux rapports, thèses, documents officiels et brevets),
avant d’aborder l’édition, la diffusion, la recherche, la veille et la gestion des documents. Particulièrement intéressants et d’actualité
sont les deux chapitres sur la notoriété des publications scientifiques (bibliométrie, facteur d’impact, altmetrics, etc.) et sur la critique
des sources, avec des critères d’évaluation d’un document scientifique (présentation, rédaction, qualité scientifique, sources, etc.).
On peut ne pas être d’accord avec certaines analyses et commentaires, par exemple quand l’auteur considère la voie dorée avec son
modèle auteur-payeur comme piège potentiel du libre accès. Mais tout cela reste argumenté et transparent, faisant preuve d’un
souci d’équilibre et d’exhaustivité.
Trois longs chapitres constituent la deuxième partie du livre, consacrée à l’écriture scientifique et s’adressant de ce fait davantage aux
jeunes chercheurs qu’aux étudiants et futurs professionnels. Le premier chapitre traite de la rédaction d’un document scientifique en
général, avec des sujets comme la lisibilité, la clarté, le style et l’orthographe, les illustrations et les règles d’écriture en science. Le
deuxième chapitre met l’accent sur l’article de revue, sa structure et sa typologie, sa soumission et les principales causes de rejet,
tandis que le troisième chapitre présente les styles bibliographiques et explique les règles à connaître pour les citations et les références citées, allant jusqu’au droit d’auteur et au plagiat.
L’approche générale du livre est fondamentalement didactique, avec beaucoup d’illustrations, de tableaux, schémas et copies d’écran
et avec des encarts pour résumer l’essentiel à retenir de chaque chapitre. Il s’agit d’une ressource pédagogique indispensable pour
l’enseignement de l’information scientifique. Il faut prendre le mot « ressource pédagogique » au sens le plus noble du terme, car le
livre n’est qu’une partie du projet global de Bernard Pochet. D’une part, ce livre est librement accessible sur le site des Presses agronomiques de Gembloux (sous licence Creative Commons CC-BY) et déposé dans l’archive institutionnelle de l’université de Liège en
PDF et ePub1. D’autre part, ce livre-ressource est régulièrement mis à jour par l’auteur ; la version en ligne au moment de la rédaction
de cette note date du 11 avril 20162.
Personnellement, j’ai commencé à utiliser ce livre pour mes propres cours et stages de formation, avec succès, et je ne peux que le
recommander comme ressource pédagogique. Seule suggestion pour une prochaine mise à jour : séparer, dans la bibliographie, les
références sur l’information scientifique et celles sur l’écriture, et enrichir les sources sur l’information scientifique avec des articles et
ouvrages plus récents. Par rapport à la richesse des chapitres, la bibliographie est (trop) pauvre. ■
1
www.pressesagro.be/catalogue/reference/131.html
2 http://infolit.be/CoMLiS
ANALYSE DES TRANSFORMATIONS DE L’INDUSTRIE DE L’INFORMATION SCIENTIFIQUE
Le deuxième livre, en anglais, est d’une tout autre nature. Richement documenté, Access to Scientific Research
fait l’état des lieux de la situation actuelle de l’édition scientifique ou, plutôt, sur la transformation et la réinvention des acteurs et rôles de l’industrie de l’information scientifique. Tout le contraire d’un mémento, il analyse dans le détail le contexte politique, technique, commercial et social pour lever les barrières et les obstacles
d’une communication libre et efficace. Il distingue différents types d’usagers, étudie les conditions de leur
utilisation de l’IST et montre leur inégalité face aux ressources en ligne.
Bien dans la ligne de la politique de l’open science, il aborde en particulier le cas des unaffiliated knowledge
workers, c’est-à-dire des utilisateurs d’IST en dehors de l’enseignement supérieur et des organismes de recherche, qui ont besoin de
l’information scientifique sans toujours avoir les moyens et outils pour y accéder (PMI/PME, citoyens, etc.). L’objectif du livre est très
anglo-saxon : proposer suffisamment d’information et d’éléments d’analyse pour permettre à ceux qui produisent et diffusent de
l’information scientifique de rendre leurs services plus efficaces (c’est à dire augmenter le nombre d’utilisateurs) et de développer un
modèle économique durable et plus équitable.
Le sommaire contient vingt-huit chapitres, certains plus larges (sur le contexte, les définitions, la société de l’information, les facteurs
de changement, etc.), d’autres plus ciblés (sur les dysfonctionnements de l’édition STM, l’effet Google, les médias et réseaux sociaux).
Presque la moitié du livre est consacrée à faire comprendre la situation, le comportement et l’évolution des différents groupes et
acteurs, dont les professionnels de l’information, les grands éditeurs commerciaux, les entreprises de R&D et les sociétés savantes.
Chaque chapitre peut se lire d’une façon autonome, presque comme un article, avec une structure et une logique à part entière.
Certains chapitres se lisent comme un ensemble de fiches de lecture (rapports d’étude, projets de recherche, etc.), d’autres comme
des études de cas pour rendre lisible la position des principaux acteurs.
Deux chapitres attirent l’attention, celui sur la science citoyenne (citizen science) et celui sur les PMI/PME car c’est bien là l’un des
grands enjeux de la science ouverte et du libre accès à l’information : communiquer les résultats de la science à la société civile, pour
plus de transparence mais aussi pour favoriser l’innovation et associer les citoyens intéressés à la recherche scientifique.
Ce qui plaît : la connaissance pointue et profonde du paysage de l’information scientifique, le souci de rendre un sujet complexe
compréhensible, la richesse et la diversité des perspectives, l’approche empirique avec beaucoup de chiffres, de tableaux, de schémas. Ce qui plaît moins : l’intérêt excessif pour l’édition commerciale en négligeant d’autres modèles, des répétitions dans le texte
(un manque de relecture sans doute) et le prix (trop) élevé pour un tel livre qui aurait sa place comme ouvrage de référence dans
toutes les collections spécialisées.■

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