Volker Schlöndorff - Collège Foch

Transcription

Volker Schlöndorff - Collège Foch
LA GUERRE AU CINEMA
INTERVIEW DU CINEASTE
VOLKER SCHLÖNDORFF
Interview réalisée à l'ossuaire de Douaumont, le
27 mai 2016, par Zoé Wagner, Darius Lebeau et
Achille Legin. Avec F. Adloff et J.Ch. Ambroise.
Né en 1939, Volker Schlöndorff a abordé plusieurs fois
dans ses films des questions historiques. C'est le cas
notamment dans son film le plus célèbre, Le Tambour
(1979), qui a obtenu la palme d'or au festival de
Cannes ex æqueo avec Apocalypse now (voir cidessous). Le film relate l'histoire d'un enfant qui
choisit de ne pas grandir et pose un regard
implacable sur l'histoire de l'Allemagne, des années
1920 à la période de l'après-guerre.
Volker Schlöndorff pendant l'interview (photo J.Ch. Ambroise)
Question : d'une manière générale que peuton dire de la façon dont le cinéma aborde le
thème de la guerre ?
Il me semble qu'il faut insister sur une idée : il
y a beaucoup de films qui prétendent être des
films pacifistes, “anti-guerre”, et qui pourtant
utilisent le cinéma pour montrer la guerre
d'une façon très ambiguë. Au fond, un vrai
film de guerre ne devrait pas montrer de
batailles, parce que cette démarche conduit à
recréer l'horreur, jusqu'au point souvent où
l'on pousse le public à s'y habituer. On peut
Image du film Apocalypse Now de Francis Ford Coppola (1979) :
dire qu'Apocalypse now de Francis Ford Coppola la guerre photogénique.
(1979), consacré à la guerre du Viêt Nam,
montre l'horreur de ce conflit, dans des
tableaux esthétiquement tellement puissants que la violence en devient photogénique. On a presque envie
d'y aller ! On vend le plus souvent la guerre comme la grande aventure et, aujourd'hui, les jeunes qui
partent en Syrie le font parce qu'ils croient qu'ils vont enfin trouver l'aventure.
Comment a été traitée la Première guerre mondiale au cinéma ?
S'agissant de la Première guerre mondiale, les films qui ont été faits dans
les années 1920-1930 étaient très imprégnés de l'horreur de la guerre.
J'accuse d'Abel Gance, en France, ou A l'ouest rien de nouveau, film
américain tiré du roman allemand d'Erich Maria Remarque, étaient vraiment
des films qui horrifiaient, et essayaient de faire partager aux gens ce qu'avait
été la guerre. Ils véhiculaient un message : il ne fallait pas que cela se
reproduise, jamais !
Mais aussitôt, comme le
cinéma est un art très
flexible, il y a eu des
Tiré du roman pacifiste de
gens qui ont utilisé les
l'auteur allemand Erich Maria
films de guerre pour
Remarque, le film A l'Ouest rien
préparer l'audience aux
de nouveau, sorti en 1930, sera
censuré par les nazis.
prochains affrontements.
Du côté allemand, avec
les nazis, c'est très évident : tout à coup, sont sortis
des films qui utilisaient tantôt la Première Guerre
mondiale, tantôt des guerres coloniales africaines,
pour mettre en valeur l'acte héroïque, le sacrifice du
soldat, avec pour but final de laver les cerveaux et de
préparer l'opinion à un nouveau conflit. Il faut pour cela
créer l'ennemi, “un autre” qui n'a pas les mêmes
valeurs que nous, que l'on peut écraser comme une
punaise.
Dans J'accuse d'Abel Gance (1919, remanié en 1938),
les morts de la guerre sortent de leurs tombes pour
demander des comptes aux vivants.
De gauche à droite : Darius, Zoé, Volker Schlöndorff, Marc Bogaerts, Achille.