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N° 1231 - Mai-juin 2001 - 54
MÉLANGES CULTURELS
CINÉMA DE L’EXCLUSION,
CINÉMA DE L’INTÉGRATION
LES REPRÉSENTATIONS DE L’IMMIGRÉ
DANS LES FILMS FRANÇAIS (1970-1990)
Une analyse de la production cinématographique française permet d’appréhender en partie la place des immigrés dans notre société. Dans les
années soixante-dix, quelques films se sont intéressés à leur dure condition sociale, voire ont dénoncé une France raciste. Les années quatre-vingt
ont souvent vu en eux une menace pour la société d’accueil, même si certains cinéastes en ont fait des figures positives, parfois salvatrices. De façon
générale, ils ont longtemps été confinés dans des rôles de second plan,
stéréotypés, mais qui au fond s’inscrivent dans un processus d’intégration.
L’immigration, thème souvent placé au second rang des préoccupations de l’opinion publique française dans les années quatre-vingt,
juste derrière le chômage(1), n’a pas manqué de nourrir l’imaginaire
des cinéastes. La production cinématographique entre les années
soixante-dix et les années quatre-vingt-dix offre à l’historien un bon
outil pour appréhender l’évolution de la place des migrants dans la
société française. Fidèle témoin des enjeux de son temps, le septième
art véhicule valeurs et stéréotypes qui permettent de repérer les
moments importants du processus d’intégration des migrants. Plus
que la qualité d’un film, c’est son sujet, les conditions économiques
ou politiques de sa réalisation, son succès en termes d’entrées dans
les salles et sa carrière télévisée qu’il convient de prendre en considération. Un film rarement projeté, militant ou méconnu, n’a pas la
même influence qu’un film populaire, un court-métrage qu’un longmétrage : les œuvres suscitant un intérêt médiatique (débat de
société, polémique ou promotion publicitaire) marquent davantage
l’imaginaire national. Parmi les différentes nationalités recensées
en France pendant cette période, certaines n’ont guère suscité l’intérêt des cinéastes : Européens, Asiatiques, faiblement repérés par
l’opinion, ont été peu mis en scène par rapport aux Maghrébins et
Africains noirs, abondamment représentés.
Placé au centre de quelques productions, mais cantonné le plus
souvent à des rôles subalternes sous forme d’apparitions furtives, l’immigré est apparu au cinéma comme dans la vie quotidienne : entre
par
Yvan Gastaut,
université
de Nice,
Centre de
la Méditerranée
moderne
et contemporaine
1)- Cf. Yvan Gastaut,
L’immigration
et l’opinion en France
sous la Ve République,
Paris, Seuil, 2000.
Le présent article est
en partie tiré de cet ouvrage.
exclusion et intégration(2). Aux images premières du travail, de la pauvreté, du rejet, univers quotidien des migrants célibataires de la première génération subissant des expériences dramatiques, se sont ajoutées des images d’une certaine pluralité, d’un investissement culturel
de l’espace français avec les secondes générations, sur fond de crise
sociale, au début des années quatre-vingt. Confrontée au difficile processus d’intégration, la production cinématographique a évolué vers
une superposition de représentations des immigrés de plus en plus
complexes. Le caractère hésitant, parfois ambivalent de la production cinématographique française, abordant totalement, partiellement
ou pour une simple séquence la question de l’immigration, met en
relief la difficulté à penser l’intégration des migrants dans une
France tourmentée par l’avenir de son identité nationale.
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2)- Voir l’article de Christian
Bosseno sur l’image
des Africains noirs au cinéma,
“Cinéma noir et blanc
en version française”,
in H&M, n° 1132, mai 1990.
3)- Mektoub ?, film français
d’Ali Ghalem, 1970,
avec El Kebir, Ali Ghalem,
Ahmed el Kaïd, Anouk
Ferjac, Sembène Ousmane.
4)- Soleil O, film français
de Med Hondo, 1969-1970,
avec Robert Liensol, Théo
Légitimus, Gabriel Glissant,
Greg Germann, Mabousso Lô,
Bernard Fresson…
5)- Les bicots-nègres,
vos voisins, film français
de Med Hondo, 1973,
avec Bachir Touré, Jaques
Thébaud, Jean Jerger, Sally
N’Dongo, Franck Valmont…
6)- Les passagers,
film français d’Annie Tresgot,
1971, mêlant narration
et entretiens effectués
entre 1968 et 1970 sur fond
d’images de la vie
des Nord-Africains en France.
Parmi les rares films réalisés au début des années soixante-dix mettant en scène des immigrés, on ne trouve que l’image d’un individu
rejeté, soumis à de dures réalités entre lieu de travail et lieu d’habitation, figé dans des attitudes stéréotypées. Mektoub ?(3), d’Ali Ghalem, réalisé en 1970, racontait les tribulations d’un Algérien en
France : pauvre, analphabète, Ahmed Chergi débarque à Paris,
découvre le bidonville de Nanterre, la queue à l’embauche, le contrôle
sanitaire, la quête d’une chambre pour se loger, la méfiance, les tracasseries administratives et policières. Deux films du cinéaste mauritanien Med Hondo, Soleil O(4) et Les bicots-nègres, vos voisins(5),
dénonçaient la domination néocolonialiste de la France sur les immigrés, notamment en matière de logement. En 1971, parmi les films
sélectionnés par la Semaine de la critique au festival de Cannes, figurait un long-métrage réalisé par Annie Tresgot sur l’immigration algérienne, El Ghorba ou Les passagers(6) : pas tout à fait une fiction, ce
film s’apparente à un reportage réalisé selon la méthode du cinéma
direct, commenté par Mohammed Chouikh. Les différents aspects de
la condition des Algériens en France y sont évoqués à travers Rachid,
à Aubervilliers, chez son oncle, originaire de Bejaia. Le plan final, très
significatif de l’état d’esprit du réalisateur, donne à lire sur une palissade le slogan “La France aux Français”. Animé d’une même ambition documentaire, le film Nationalité immigré, du Mauritanien Sydney Sokhona, récompensé par le prix Georges-Sadoul en 1975, mettait
en images le journal d’un immigré à partir de séquences documentaires et de scènes de la réalité reconstituées afin de susciter une prise
de conscience du quotidien de la communauté africaine en France.
MÉLANGES CULTURELS
IMAGES PRIMITIVES :
TRAVAIL, MISÈRE ET DÉTRESSE
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Tous les films produits au début des années soixante-dix, insistant
sur la détresse des étrangers en France, tenaient à sensibiliser un large
public. Parfois, à travers quelques scènes, évoquer les états d’âme des
immigrés, notamment dans leurs rapports avec les femmes françaises,
contribuait à nuancer certains stéréotypes. Dans Les bicots-nègres, vos
voisins, le caractère trop érotique de la civilisation urbaine, formalisé
par des affiches ou des devantures évoquant les rapports intimes, effraie
des Africains peu habitués à de telles images. Dans Soleil O, un travailleur migrant courtisé dans les beaux quartiers par une fille de bonne
famille refuse ses offres, se considérant comme une victime. De même,
l’artiste africain du court-métrage La fleur dans le sang, tourmenté
par son œuvre, rejette sa maîtresse européenne(7).
7)- La fleur dans le sang,
film français d’Urbain
Dia-Moukouri, 1966, raconte
l’histoire d’un artiste noir
à Paris qui, rongé par
la maladie et la solitude,
trouve la volonté de survivre
en créant des œuvres
nouvelles.
DES FILMS QUI MONTRENT UN IMMIGRÉ
MÉLANGES CULTURELS
HUMILIÉ ET EXPLOITÉ
En 1974, Peur sur la ville, film à grand succès d’Henri Verneuil,
avec Jean-Paul Belmondo, proposait une mise en scène de la misère
des immigrés. Au début du film, le commissaire et héros du film, procédant à une perquisition dans un bistrot sordide de la banlieue ouest
de Paris, découvre médusé, dans la cave de cet établissement, une
quarantaine de Nord-Africains logés dans des conditions épouvantables, victimes d’un marchand de sommeil. Les foyers vétustes de
la Goutte-d’Or constituaient le décor de la plupart des films sur l’immigration maghrébine. Dans Les ambassadeurs, de Naceur Ktari, les
travailleurs tunisiens vivent en groupe parce qu’on n’en veut pas
ailleurs. Les deux communautés, arabe et française, forcées de cohabiter, ne se comprennent pas et s’affrontent. Salah, venu du sud tunisien, assiste impuissant à des incidents racistes à répétition(8). Le
meurtre de deux travailleurs immigrés suscite une prise de
conscience : une manifestation rassemble tous les immigrés du quartier, unis et déterminés, devant le palais de justice. Désarroi tout aussi
évident dans le film de Jacques Champreux, Bako, l’autre rive, qui
relate l’odyssée tragique d’un jeune Malien. Sans papiers, sans
contrat de travail, il doit subir les pires humiliations, la fatigue, le
découragement. Il passe la frontière en franchissant un torrent glacé
et arrive à Paris tellement épuisé qu’au petit matin, on le découvre
mort au bas de l’escalier qui mène chez un de ses compatriotes(9).
Autre manière de dénoncer l’exploitation des immigrés, le film
d’Alain Jessua, Traitement de choc, réalisé sous la forme d’une métaphore, invitait à une réflexion sur l’exploitation des pauvres par les
riches, du tiers-monde par l’Occident(10). Cette histoire étrange a pour
décor un centre de thalassothérapie fréquenté par des PDG désireux
8)- Les ambassadeurs,
de Naceur Ktari,
film tuniso-franco-libyen,
1976, avec Sid Ali Kouiret,
Jacques Rispal, Tahar
Kebaïli, Marcel Cuvelier,
Mohammed Hamam.
9)- Bako, l’autre rive,
film franco-sénégalais
de Jacques Champreux, 1978,
avec Sidiki Bakaba. “Bako”
était le nom de code de
la France pour les Africains
candidats à l’immigration
clandestine.
10)- Traitement de choc, film
franco-italien d’Alain Jessua,
1972, avec Alain Delon,
Annie Girardot, Michel
Duchossoy, Robert Hirsch…
Voir aussi Droit et Liberté,
février 1973, entretien
avec Alain Jessua.
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11)- Dupont Lajoie,
film français d’Yves Boisset,
1974, avec Jean Carmet,
Jean Bouise, Jean-Pierre
Marielle, Pierre Tornade,
Robert Castel, Ginette
Garcin, Isabelle Huppert,
Victor Lanoux, Mohamed
Zinet, Pino Caruso, Michel
Peyrelon, Abderrahmane
Benkoula, Boumediene
Oumer, Salah Boukhalfi…
DUPONT LAJOIE : LA RÉVÉLATION
D’UNE FRANCE RACISTE
S’il est un film qui a suscité un questionnement sur le racisme, Dupont
Lajoie(11), d’Yves Boisset, est bien celui-là : un net succès populaire avec
plus d’un million d’entrées et une référence durable pour l’opinion française. L’histoire s’articule autour du comportement de familles issues
de la petite bourgeoisie, en vacances dans un camping du Midi, contra-
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de rajeunir leurs cellules menacées par le vieillissement. Une jeune
industrielle du prêt-à-porter (Annie Girardot) y rencontre l’éminent
médecin spécialiste de ce type de traitement (Alain Delon). Ces nantis en villégiature ne s’aperçoivent pas que le personnel est composé
exclusivement de Portugais maladifs et faméliques. Ces domestiques
sont victimes de fréquents malaises et disparaissent tour à tour.
L’explication de ce mystère est livrée progressivement : les médecins
inoculent les cellules de ces immigrés à leurs patients.
Exploités, dépendants des conjonctures économiques, les migrants
n’ont plus qu’une alternative avec la crise économique : le retour au
pays. C’est ce que sous-entendait le titre du film franco-algérien de
Mahmoud Zemmouri sur le retour au pays des immigrés maghrébins,
Prends 10 000 balles et casse-toi (1981). La vision misérabiliste de
l’immigré travailleur, pauvre et victime du racisme sera dominante
dans le cinéma français durant toute la décennie soixante-dix, à
l’image du film documentaire La mal vie, réalisé en 1978 par Daniel
Karlin et Tony Lainé. Cette figure première de l’immigré va peu à peu
évoluer avec la modification de la structure de l’immigration : regroupement familial, arrivée à l’âge adulte des enfants de migrants, enracinement culturel dans la société française.
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riées par la présence de travailleurs immigrés temporairement logés
dans des préfabriqués voisins. Georges Lajoie (Jean Carmet), petit commerçant parisien, personnage typique et jovial, ne supporte pas les
Arabes. Pour les vacances d’été, Lajoie part avec femme et enfant dans
leur lieu habituel de villégiature, un camping de Sainte-Maxime, où il y
retrouve des amis. Tout semble parfait si ce n’est, non loin du camping,
la présence dérangeante d’un chantier employant des Nord-Africains.
Une première altercation a lieu dans le bal du camping, lorsque
Lajoie s’en prend à ces travailleurs qui dansent “un peu trop près des
femmes”. Un incident tragique précipite les choses : Lajoie aperçoit
la fille de l’un de ses amis qui, toute seule, profite du soleil non loin
du camping. Pris de démence, sans préméditation, il la viole et la tue.
Pour se disculper, il transporte à la hâte le corps près des baraquements des immigrés pour faire croire que le crime a été commis par
les Arabes. Le drame se noue. Ses amis, désemparés mais aussi
racistes que lui, le croient volontiers. La nervosité gagne le camping
mais aussi les Algériens : une expédition punitive s’organise contre
les immigrés sous la houlette de Lajoie. L’un d’entre est tué dans la
bagarre. Le commissaire chargé de l’enquête découvre qu’il s’agit d’un
crime raciste, mais, sur ordre du ministre de l’Intérieur, il est contraint
d’étouffer l’affaire. Georges Lajoie, de retour à Paris, sera peu après
assassiné par vengeance par un frère de la victime.
Yves Boisset livrait un message qui se voulait efficace dans la lutte
contre les préjugés : sans nuance, il invitait les Français à réfléchir
sur leur racisme ordinaire. Le film, bâti sur la culpabilisation, présentait une critique appuyée mais juste du Français moyen bêtement
raciste(12). La réalité dépassant parfois la fiction, le tournage fut une
succession d’incidents racistes : personne ne voulut accueillir l’équipe
sous prétexte qu’il y avait trop d’immigrés, des restaurants refusèrent de les servir, certaines municipalités interdirent au réalisateur
de tourner dans leur commune. Envisageant de filmer une ratonnade,
Yves Boisset n’employa, outre les quatre acteurs principaux, que des
figurants. Selon le réalisateur, ces derniers avaient joué avec plus que
de la conviction : “Quand on a tourné la scène, j’ai dû les arrêter,
ils auraient tué l’acteur algérien…” Ce dernier, Mohamed Zinet, le
seul acteur maghrébin professionnel du film, n’a d’ailleurs pas pu finir
le tournage : agressé par quatre individus, il dut être hospitalisé.
RENDRE COMPTE DE LA RÉALITÉ
Certaines scènes furent critiquées, notamment la dernière, celle
du meurtre de Lajoie par l’immigré, dans la mesure où elle risquait
de provoquer un réflexe anti-arabe(13). Henri Lefèvre, dans la revue
12)- Propos recueillis
dans Cinémaction, n° 8,
1979, p. 96.
13)- Voir Joël Magny
dans Télé-Ciné, avril 1975,
page 10. Voir également
France-Pays arabes,
avril 1975, et Le Monde,
10 août 1975.
L’Humanité-Dimanche,
10 et 18 octobre 1981.
18)- Train d’enfer,
film français de Roger Hanin,
avec Roger Hanin,
Gérard Klein.
UNIONS IMPOSSIBLES,
UNIVERS DE DÉLINQUANTS ET DE BANLIEUES
Inimitiés, échec de la mixité à cause de conflits culturels, délinquants et meurtriers : les images négatives de l’immigré reposant
sur des stéréotypes tenaces étaient nombreuses dans les années
soixante-dix et quatre-vingt. Au cours des années soixante-dix, certaines productions cinématographiques ont timidement abordé le
problème des unions mixtes. La plus connue est l’adaptation d’un
roman de Claire Etcherelli, Élise ou la vraie vie, par le cinéaste
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Cinéma 75, estimait que le film usait d’un style trop manichéen, didactique et donc artificiel. Froissés, certains spectateurs regrettèrent
que Boisset n’ait pas osé mettre en scène des ouvriers français, dans
la mesure où le racisme n’émanait pas seulement de la petite bourgeoisie. D’autres s’insurgeaient contre le fait que les travailleurs immigrés, victimes impuissantes, étaient préAu cours des années soixante-dix,
sentés comme des personnages sans
certaines productions cinématographiques épaisseur, ce à quoi le cinéaste répliqua :
ont abordé le problème des unions mixtes, “Je ne montre des immigrés que ce que
les Français en connaissent.”(14) En
de l’incompatibilité culturelle,
revanche, pour Tahar Ben Jelloun, cette
des amoureux victimes du racisme.
histoire se plaçait en deçà de la réalité,
tant l’univers misérable des immigrés était insoupçonné du grand
public : le film était donc utile et nécessaire(15).
Malgré les critiques et même si certains directeurs de salle, craignant des séances à forte fréquentation d’immigrés, tentèrent en
vain de déprogrammer le film, son succès fut immédiat : au cours
des deux premières semaines de sa sortie parisienne, il fut vu par
200 000 spectateurs. Avec Dupont Lajoie, par effet de miroir, l’opinion française prit conscience de l’ampleur du racisme, repérable
à tout moment de la vie quotidienne. “Sommes-nous tous des
Dupont-Lajoie ?”, se demandait L’Humanité-Dimanche en 1975(16).
14)- Cinémaction,
Le film fut ensuite régulièrement proposé à la télévision, chaque redifété 1979, op. cit., p. 102.
fusion occasionnant un questionnement sincère mais angoissé sur
15)- Le Monde,
le racisme au sein de la société française(17). Le cinéma populaire
27-28 avril 1975.
hexagonal a proposé une figure de l’immigré victime du racisme et
16)- L’Humanité-Dimanche,
2 avril 1975, à l’occasion
plutôt absent de l’écran, dans Dupont Lajoie comme dans Train d’ende la première diffusion
du film à la télévision.
fer(18), film inspiré par le meurtre raciste du train Bordeaux-Vintimille en octobre 1983 (un touriste algérien avait été défenestré par
17)- Voir lors de la rediffusion
d’avril 1978, L’Humanité,
quatre légionnaires). Fonction miroir, l’immigration est utilisée pour
6 avril 1978, Le Point
du jour, 10 avril 1978 ou
mieux mettre l’accent sur les travers d’une société française rongée
dans le cadre des Dossiers
par le racisme.
de l’écran en octobre 1981,
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Michel Drach(19) : la jeune Élise Letellier, provinciale et pauvre, s’installe à Paris en pleine guerre d’Algérie. Elle trouve un emploi dans
une usine où elle rencontre Arezki, ouvrier algérien. Ils tombent
amoureux l’un de l’autre. Mais Arezski, militant du FLN, est arrêté
par la police et disparaît sans laisser de traces. Le scénario repose
sur l’évolution d’une union mixte qui, si elle peut exister potentiellement, est soit éphémère, soit impossible, en fonction du contexte
historique et social. Le film, sélectionné en compétition officielle
lors du festival de Cannes en 1970, brossait un tableau des conditions de vie difficiles des migrants algériens en France durant la
guerre de libération.
À nous deux France, moyen-métrage tourné en 1970 par Désiré
Écaré, aborde de manière sarcastique les déboires du couple que forment un Africain et une Française(20). Dans France mère patrie(21),
de Guy Barbero, et dans Les ambassadeurs, de Naceur Ktari, les héros
amoureux d’une Française sont victimes du racisme. Deux courtsmétrages de 1974 évoquaient également la solitude sentimentale d’immigrés africains : Paris, c’est joli, d’Inoussa Ousseini, retrace les mésaventures d’un jeune Africain en France ; Les princes noirs de
Saint-Germain-des-Prés, de Ben Diogaye Beye, est une étude satirique de jeunes Africains marginaux. Ces derniers hantaient le boulevard Saint-Germain et le quartier Latin en cherchant à se faire passer pour des personnages de légende auprès des jeunes filles, alors
que la réalité était toute autre.
Insistant sur les incompatibilités culturelles, Pierre et Djemila,
réalisé par Gérard Blain en 1987 et présenté au festival de Cannes
en compétition officielle, racontait l’amour impossible d’un Français
et d’une jeune fille issue de l’immigration : passionnée pour un jeune
19)- Élise ou la vraie vie,
film français de Michel Drach,
1969, avec Marie-Josée Nat,
Mohamed Chouik, Bernadette
Lafont, Catherine Allégret,
Jean-Pierre Bisson,
Jean-Louis Comolli, d’après
le roman de Claire Etcherelli,
prix Fémina en 1967.
20)- À nous deux France,
film franco-ivoirien
de Désiré Écaré, 1970.
21)- France, mère patrie,
film français de Guy Barbero,
1975, avec Mouhous Sim’hand,
Lounas Ourrad et Arielle
Wecbecker.
L’IMMIGRÉ FAUTEUR DE TROUBLES
Dans les années quatre-vingt, le choix de l’immigré n’est pas innocent lorsqu’il s’agit de mettre en scène des personnages négatifs :
il est souvent, dans le cinéma français, celui qui trouble l’ordre, celui
dont il faut se méfier, susceptible de détruire la cohésion sociale et
de porter atteinte à la nation. Par exemple, dans Tranche de vie,
film à sketches réalisé en 1984 par François Leterrier à partir de la
bande dessinée éponyme de Gérard Lauzier, le spectateur suit un
couple de Français moyens islamisés dans un quartier parisien à forte
population maghrébine. Le message est ambigu : l’immigré s’apparente à un envahisseur ; non content de menacer l’ordre social, il
parvient à le changer.
La banlieue a pris le relais des images du surpeuplement et des
conditions difficiles d’habitation : à partir des années quatre-vingt,
elle devient le terrain de prédilection pour évoquer l’immigration.
Depuis les “rodéos” des Minguettes en 1981, elle est présente dans
la plupart des films portant sur le phénomène des secondes générations issues de l’immigration. Dans ce cadre de vie peu favorable, la
solitude est une réalité durement ressentie. Trois films ont révélé au
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apprenti géomètre, l’adolescente, fille d’émigrés algériens vivant dans
une cité HLM du nord de la France, tente de se dégager du veto de
sa famille et du poids des traditions. En vain, les barrières culturelles
sont trop lourdes et l’union se révèle totalement impossible. Une vive
polémique accueillit la sortie du film et sa projection à Cannes, Gérard
Blain fut accusé de racisme.
L’image de l’immigré délinquant, bandit ou proxénète se retrouve
dans la plupart des films policiers produits au début des années
quatre-vingt : des “dealers” maghrébins sont poursuivis par la police
dans La balance, de Bob Swaim (1982) ou dans Les ripoux (1984)
puis Les ripoux II (1990), de Claude Zidi. Le gang tunisien de la
drogue des frères Slimane est démantelé dans Police, de Maurice
Pialat (1985). Dans Tchao pantin, de Claude Berri (1983), dans Spécial police, de Michel Vianey (1985), la plupart des rôles des petits
délinquants sont tenus par des Maghrébins. Sergio Gobbi présentait en 1984, dans L’arbalète, des délinquants noirs, arabes et vietnamiens se livrant à une “guerre des gangs” sans pitié et faisant
régner la terreur à Belleville. Le commissaire Falco ne ramènera le
calme que par l’intervention de “justiciers” d’extrême droite. L’image
de l’immigré délinquant est parallèle à celle de la grande ville, Paris
ou Marseille le plus souvent, et s’inscrit dans un univers de grisaille,
de désarroi sentimental, de galères répétées.
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grand public la présence des jeunes immigrés en banlieue. Le thé à
la menthe, d’Abdelkrim Bahloul, sorti en février 1985, brossait le portrait d’un jeune Algérien vivant de combines à Barbès et confronté
à sa mère. Le thé au harem d’Archimède(22), de Mehdi Charef, qui a
réalisé plus de 500 000 entrées en 1985, proposait une chronique au
jour le jour de la vie de jeunes de toutes origines en cité HLM. Bâton
rouge, de Rachid Bouchareb, sorti en janvier 1986, racontait comment, après une visite mouvementée aux États-Unis, trois jeunes dont
deux d’origine maghrébine décident de créer une entreprise à Argenteuil. Ces films ne militaient plus simplement contre les agressions
racistes, ils tenaient à aller plus loin, insistant sur la capacité des
personnages à vivre en France.
Avec Un deux trois, soleil, sorte de poème optimiste réalisé par
Bertrand Blier en 1993, la banlieue, en l’occurrence les quartiers
nord de Marseille, change d’image, devenant plus conviviale, plus
joviale malgré la misère, moins conflictuelle, métissée. L’image de
la délinquance a évolué au début des années quatre-vingt-dix,
comme le montre en 1995 le très populaire film de Mathieu Kassovitz, La haine : toujours liée à la banlieue, la délinquance n’est plus
l’apanage de bandes ethniques ; elle est partagée entre Français et
immigrés en bandes, Blancs, Blacks, Beurs, sans aucune spécificité
nationale ou raciale. Les bandes n’ont jamais été spécifiquement
immigrées ou françaises, mais plutôt cosmopolites. Dans le film de
Jean-Claude Brisseau, De bruit et de fureur (1987), comme dans celui
de Robert Guédiguian, L’argent fait le bonheur (1993), les ethnies
sont totalement mêlées et les bandes ne prêtent aucune attention
aux origines.
22)- Ce film s’inspirait
de son propre roman, Le thé
au harem d’Archi Ahmed,
Paris, Mercure de France,
1983.
AMITIÉS INTERCULTURELLES
ET SCÈNES D’INTÉGRATION
La figure de l’immigré n’a pas toujours été dramatique dans le
cinéma français. Douceur, politesse, respect des valeurs nationales,
amitiés, actes de solidarité ont également représenté celui que la
société française a accueilli. Alimentant positivement l’imaginaire
national, ces images ont été plus nombreuses à partir des années
quatre-vingt, lorsque les réalités de l’intégration étaient plus évidentes
malgré les débats sur le racisme.
L’amitié entre un Français et un “Beur” a été symbolisée en 1983
par un film à grand succès, Tchao pantin, de Claude Berri(23). Dans
un univers de délinquance et de drogue, dur et violent, Lambert
(Coluche), pompiste alcoolique et solitaire, s’attache à un jeune d’origine maghrébine (Richard Anconina). Entre les deux hommes se
23)- Film français de Claude
Berri, 1983, tiré de l’œuvre
d’Alain Page, Tchao pantin,
Paris, Grasset 1982.
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noue une relation douloureuse et profonde. Majdid, dans Le thé au
harem d’Archimède et Hamou, dans Le thé à la menthe, parlent parfaitement le français et refusent même de s’exprimer en arabe, au
grand désespoir de leur famille. Les deux jeunes se débrouillent
comme ils peuvent pour obtenir leur place au soleil et réaliser leur
“rêve français” d’intégration. À partir des années quatre-vingt, les
jeunes issus de l’immigration font partie du paysage social, on les
retrouve naturellement dans Le grand frère, de Francis Girod
(1982), P’tit con, de Gérard Lauzier (1983), Laisse béton, de Serge
Le Péron (1983), qui met en scène l’amitié et la fraternité unissant un enfant
Avec des acteurs comme Smaïn,
sachant rire sans complexe d’eux-mêmes français et un enfant arabe, et dans Les
innocents, d’André Téchiné (1987), sur
et des autres, le “cinéma beur”
a abandonné les démarches misérabilistes la rivalité amoureuse entre un jeune
Algérien né en France et un jeune fasmélodramatiques et militantes
ciste ayant participé à un attentat
au profit de la comédie.
contre des foyers d’immigrés. Autre
exemple d’amitié plus particulière, Miss
Mona, de Mehdi Charef, sorti en janvier 1987, narrait les rapports
entre un immigré clandestin qui vient de perdre son emploi et un
vieil homosexuel qui le recueille (Jean Carmet). En pleine affaire
Salman Rushdie, un film d’Alexandre Arcady, L’union sacrée (1989),
proposait une histoire policière symbolisant la lutte contre l’intégrisme et connut un succès populaire. Il mettait en scène deux inspecteurs de police, l’un juif et pied-noir (Patrick Bruel) et l’autre
musulman et fils de harki (Richard Berry). Tout les oppose à la base
– leurs origines, leur vision du métier et leur caractère –, pourtant
les deux personnages se rapprochent et s’associent pour lutter
contre l’intolérance des intégristes musulmans.
Dans Marche à l’ombre, de Michel Blanc et Patrick Dewolf
(1984), c’est auprès de squatters africains d’un immeuble insalubre
que Denis et François, perdus dans leurs rêves, pourront s’arrêter
un moment pour faire le point et surtout découvrir une fraternité
chaleureuse. La sympathie pour les Africains s’est révélée à l’occasion de la sortie du film Black Mic Mac, premier long-métrage français entièrement consacré à la vie quotidienne des communautés
africaines à Paris. Initié par la productrice Monique Annaud, passionnée d’Afrique, réalisé par Thomas Gilou en 1986, encouragé par
la critique, le film fut un gros succès commercial. Un fonctionnaire
de la protection sanitaire plutôt maladroit (Jacques Villeret) enquête
dans un quartier populaire de Paris en vue de la destruction d’un
foyer insalubre occupé par des Africains. Au terme de nombreuses
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péripéties, le Français, marabouté et séduit, renonce à exécuter sa
mission(24). Même s’il n’était pas exempt d’ambiguïté(25), Black
Mic Mac fut un bon moyen de familiariser le public français avec
l’immigration venue d’Afrique noire. Fort de ce premier succès, un
Black Mic Mac II sortit dans les salles en 1988(26).
LA MIXITÉ DEVIENT POSITIVE
Parmi les films d’Édouard Molinaro, Cause toujours, tu m’intéresses (1979) mettait en scène un personnage africain affable et prévenant(27), et L’amour en douce (1984) présentait un avocat (Daniel
Auteuil) séparé de sa femme, se réfugiant dans l’amitié d’une bande
de copains, parmi lesquels son plus proche confident est un Africain.
En 1986, Le complexe du kangourou, de Pierre Jolivet, narrait l’histoire d’un peintre raté devenu vendeur de marrons à la sauvette avec
son copain africain. Les mêmes élans d’amitié se retrouvent dans
Sans toit ni loi, d’Agnès Varda (1985) : l’immigré est un individu salvateur sur lequel l’héroïne pourra compter. La rencontre entre
Mona, jeune femme errant dans le Midi de la France, perturbée,
agressive et égoïste, et un ouvrier agricole tunisien, est une aubaine :
pendant quelques jours, cet homme simple et doux lui redonnera le
goût de vivre. De courte durée, cette parenthèse dans la vie de Mona
aura été le seul moment où, apprenant à vivre au contact d’une nature
qu’elle transforme par ses gestes, elle aura retrouvé une utilité
sociale. Ce type de situation où le citadin trop riche, trop stressé
retrouve sa vérité auprès de l’immigré dont la sagesse et le savoir
restitue au Français des racines enfouies culmine en 1991 avec
Mohammed Bertrand-Duval, d’Alex Métayer, et On peut toujours
rêver, de Pierre Richard.
24)- Black Mic Mac,
film de Thomas Gilou, 1986,
vu par 800 000 spectateurs.
Hormis Jacques Villeret, tous
les acteurs du film étaient
noirs : Isaac de Bankolé,
Félicité Wouassi, Khouda
Seye, Cheik Doukouré, etc.
25)- Voir Christian Bosseno,
“Cinéma noir et blanc
en version française”, H&M,
n° cité, pp. 43-51. Selon
l’auteur, ce film véhicule
nombre de stéréotypes sur
les Noirs proches de ceux que
véhiculait Tintin au Congo.
26)- Black Mic Mac II, film
français de Marco Pauly avec
Éric Blanc, Félicité Wouassi,
Laurentine Milebo…
27)- Cause toujours,
tu m’intéresses, film français
d’Édouard Molinaro,
1979, avec Annie Girardot
et Jean-Pierre Marielle.
L’ÉMERGENCE D’ACTEURS À PART ENTIÈRE
28)- Cf. “A star is beur”,
Différences, novembre 1986 ;
“Smaïn devient quelqu’un”,
L’Express, 23 septembre 1988 ;
voir aussi Smaïn,
Écris-moi, Nil, Paris, 1995,
et Rouge baskets,
Michel Lafon, Paris, 1992.
Parmi les acteurs célèbres, la comédienne Isabelle Adjani fut montrée comme un exemple parfait d’intégration : elle était une vedette
depuis longtemps lorsqu’en 1985, on évoqua ses origines, et nombre
de Français s’en étonnèrent. Smaïn, l’un des artistes beurs les plus
populaires, originaire de Constantine, était un autre symbole de réussite(28). Son succès l’amena à jouer le rôle de Scapin au théâtre, en
1994. Ses apparitions à la télévision ou au cinéma lui valaient de
représenter des jeunes issus de l’immigration, comme dans le film
de Serge Meynard en 1987, L’œil au beur(re) noir, narrant les mésaventures d’un jeune Antillais et d’un jeune “Beur” en quête d’un
appartement à Paris. Avec des acteurs comme Smaïn, sachant rire
sans complexe d’eux-mêmes et des autres, le “cinéma beur” a abandonné les démarches misérabilistes mélodramatiques et militantes
au profit de la comédie. Plus de légèreté, plus d’humour dans les personnages issus de l’immigration : voilà la preuve d’une intégration
en voie de réalisation.
L’immigré est rarement au centre des films produits entre les
années soixante-dix et quatre-vingt-dix. Le plus souvent, il a servi
de faire-valoir aux personnages principaux de l’histoire, ou de
contrepoint, ou d’élément d’atmosphère. L’une des faiblesses du
cinéma français a sans doute été la méconnaissance du monde de
l’immigration et de ses valeurs. Ainsi, l’immigré a été souvent réduit
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Évacuant les facteurs de divisions, plusieurs films sortis à la fin
des années quatre-vingt présentent les unions mixtes sous le signe
du succès et du bonheur. En 1989, Coline Serreau, dans Romuald et
Juliette, met en scène un couple mixte : une femme de ménage noire,
mère de cinq enfants (Firmine Richard) redonne goût à la vie à un
jeune PDG (Daniel Auteuil) grugé par les siens. Les keufs, réalisé en
1987 par Josiane Balasko, décrit les rapports tumultueux entre une
“femme-flic” (Josiane Balasko) et un commissaire noir (Isaac de Bankolé), les deux héros décidant finalement de vivre ensemble. Métisse,
réalisé par Mathieu Kassovitz en 1993, raconte l’histoire de la jeune
Lola et de ses deux amants, l’un blanc, juif et pauvre, l’autre noir,
musulman et riche. Enceinte, Lola ne sait pas qui est le père, mais,
après diverses brouilles, les deux hommes se retrouvent au chevet
du nouveau-né. Quant à La smala, film de Jean-Loup Hubert réalisé
en 1984, il symbolise par l’humour la réalité du métissage par l’union
mixte : Victor Lanoux y incarne un brave père de famille, chômeur
des Minguettes, que les infidélités de sa femme ont doté de cinq
enfants de toutes origines.
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à une silhouette, une ombre sans caractéristique propre, même s’il
était parfois au cœur du scénario. À son égard, les films français sont
souvent dénonciateurs d’une réalité qui blesse les cinéastes, mais
ces œuvres se placent au cœur d’une tendance cinématographique
qui le représente comme dérangeant. Instrumentalisés, limités à des
thématiques spécifiques, les immigrés devront attendre la décennie quatre-vingt pour faire partie intégrante du cinéma français, ne
jouant plus seulement leur propre rôle.
Peut-on assimiler ces formes cinématographiques à un cinéma
de transition, parce qu’il constituerait des étapes dans le processus
d’intégration ? Processus qui serait en voie d’achèvement aujourd’hui, lorsque l’on voit par exemple Roschdy Zem jouer des rôles de
Français “gaulois”, ou lorsque Medhi Charef réalise des films n’ayant
plus l’immigration pour thème central ? L’immigré au cinéma est une
victime du racisme, du rejet d’une partie des Français. Jamais
maître de son destin, bouc émissaire il subit l’égoïsme et les tourments de la société d’accueil. Cette figure initiale du début des
années soixante-dix a beaucoup évolué, l’imaginaire lié à l’immigration s’étant largement enrichi. Toujours tributaire des réalités
économiques et sociales, le migrant a représenté un élément de
désordre pour certains réalisateurs français, une menace planant
sur l’univers très rationnel d’une bourgeoisie frileuse. Pour d’autres,
l’immigré est porteur de valeurs de solidarités et d’amitié, celui vers
qui l’on se retourne afin de retrouver ou de découvrir force et
confiance en soi. Plus encore, à travers son parcours et son passé,
il est aussi porteur de la mémoire d’une nation dont il est considéré
comme exclu et dont il garantit paradoxalement la pérennité. ✪
Hédi Dhoukar, “Quels ‘beurs’, quel cinéma” ?
Dossier Arts du Maghreb, artistes de France, n° 1170,
novembre 1993
Christian Bosséno, “Cinéma noir et blanc en version française”
Dossier Les Africains noirs en France, n° 1132, mai 1990
... et la chronique “Cinéma” dans tous les numéros
A PUBLIÉ