Compte rendu - Henri

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Compte rendu - Henri
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Conférence « Autorité et Bienveillance »
(Harry IFERGAN) 12 janvier 2015
Préambule : La conférence intitulée « Frères, Sœurs et C° » et qui a été donnée le 1er déc. 2014
figure, à présent, sur le site de l’École H. Matisse.
Le 9 mars prochain, j’aurai plaisir à vous présenter une thématique qui concerne tous les enfants
(donc tous les parents) : « Les peurs de l'enfant, à tout âge »
Enfin, le 11 mai : « Comment rendre mon enfant plus responsable, autonome et indépendant ? »
Ce dont je vais parler ce soir concerne une certaine autorité qu’il faut faire accepter à nos
enfants pour que la bienveillance advienne.
Pour vous mettre en appétit voici certaines des questions qu’on pourra développer durant
l’échange qu’on aura après mon exposé:
•
Parents, on ne démissionne pas !
•
Savoir poser son autorité selon l’âge
•
Est-ce qu’exercer une autorité s’apprend ?
•
La culture des écrans : une autorité à inventer
•
Est-ce qu’autorité et adolescence sont antinomiques ?
•
Conduites addictives et autorité
•
Passer du conflit au compromis quand l’autorité ne marche plus
•
Autorité : comment parents et professionnels se répartissent la tâche ?
•
Vivre ensemble implique une autorité
•
Se montrer autoritaire, c’est être non violent
•
Quand l’École fait autorité (entre Le savoir et le Savoir-Vivre)
•
Nos enfants doivent comprendre qu’une Autorité s’impose aussi à nous, parents !
•
Faut-il rester fixé à l’autorité d’autrefois ?
•
Différence entre autorité et soumission
•
Et s’il ne m’aimait plus ?
Harry IFERGAN - 72, bd. du Montparnasse – 75014 Paris - Tél. 01 43 35 30 78 - [email protected]
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Définition : Michel Serres (Philosophe contemporain) nous rappelle les deux sens du
mot Autorité
1/ Le mot autorité, dans son sens le plus ancien signifiait, en droit romain, “auctor”
c’est à dire celui qui se porte garant d’un enfant mineur.
2/ Le mot autorité provient du latin, du verbe latin « augere ». Et « augere »
signifie en latin « augmenter ». C’est-à-dire rajouter, apporter plus, faire
grandir. Ce sont bien les parents qui « augmentent » ce que l’enfant doit
acquérir. C’est-à-dire qu’ils lui apportent plus, car il n’a pas encore tout ce dont
il a besoin. Dans cette acception du terme « augere » on remarque que les
parents ne réduisent pas, ne diminuent pas, et donc ne rabaissent pas l’enfant.
D’ailleurs, ceux qui rabaissent un enfant ne font pas preuve d’autorité. Et c’est
à partir de ce concept que l’on saisit mieux en quoi l’autorité n’a rien à voir
avec la soumission.
Tout au long du développement de l’enfant, j’ai repéré des moments clés, où l’autorité
est en jeu (tant celle des parents que celle de l’enfant lui-même).
À 12-13 mois le bébé rampe, s’agrippe, il attrape tout ce qui se présente. Il nous
amène à lui dire « Ça, je ne veux pas que tu y touches !» Mais attention, ces interdits
doivent être cohérents et réguliers.
De 2 à 5 ans Stade d’opposition Les premières formes d’autorité émanant de l’enfant
apparaissent à l’âge de 2 ans, chez l’enfant… Il essaie d’imposer son autorité, son
pouvoir, simplement pour exister et montrer qu’il est bien distinct de Papa, Maman car,
jusque-là, il n’avait pas conscience d’exister à part entière. Il nous revient d’accepter ce
bourgeon d’autorité chez lui en lui montrant qu’on a bien compris qu’il est différent de
Papa, Maman. Mais il nous revient surtout de limiter ses excès d’autorité qu’il veut nous
imposer, car il ne sait pas si on a bien compris que « lui c’est lui et nous, c’est nous ». Il
n’est tellement pas sûr qu’il en rajoute.
8 ans : Période de latence et entrée dans l’âge de raison. Apprentissage des règles
sociales, formations réactionnelles. Il veut plaire aux parents et est naturellement
atteint par l’angoisse d’abandon. Il est à la fois craintif envers ses parents mais n’hésite
pas non plus à repousser les limites par son langage familier sous une forme
d’insolence.
Obéissance ne rime pas avec soumission. « La soumission est néfaste et
rabaisse. L’obéissance, c’est tout le contraire. Elle apaise et protège l’enfant.
L’enfant sait jusqu’où aller et jusqu’où défier ses parents ou se rétracter… à
temps. Il « joue » de cette limite. Pour l’enfant, l’enjeu devient : Gagner plus
d’autonomie (mais avec un risque de débordement) ou perdre et se faire gronder et
punir.
À la préadolescence : 11 à 13 ans, l’enfant s’entraine à l’autonomie dans son foyer
familial d’abord. Lorsque la famille est trop stricte et qu’il a peu de marge de manœuvre,
c’est dans le milieu scolaire qu’il va s’y exercer (cour de récréation, terrain de sport,
puis, s’il est téméraire et provocateur, ce sera en classe même).
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À l’adolescence, Il essaye d’échapper aux règles parentales pour se fondre dans son
groupe d’amis. Paradoxe : il refuse l’autorité des parents mais obéit volontiers à celle du
groupe social auquel il appartient.
Exemple typique : Le jeune qui sort avec autorisation jusqu’à minuit pile. Mais il rentre à
minuit 15. Rien n’est grave, certes, mais on lui fait remarquer. (L’ado repousse les
limites, le parent l’y ramène) : « Attention à la prochaine sortie, sinon …»
Tout l’enjeu va donc consister à respecter cette envie d’opposition de l’enfant, mais en
refusant qu’il dépasse certaines limites. C’est aussi, cela, la bienveillance.
Voyons à présent quand et comment certains parents échouent dans l’exercice
de leur autorité
Il existe chez certains parents des formes d’expression de l’autorité qui s’auto-annulent.
Le parent qui revient souvent sur sa parole. Le parent qui parle fort, mais sans
conviction, celui dont la parole est porteuse d’autorité mais dont le langage infra-verbal,
(par la gestuelle), vient annuler cette autorité. Dans ce cas, parole et acte ne sont pas
concordants. Toutes ces contradictions, ces incongruités, sont vite repérées par nos
enfants qui sont des décodeurs en puissance. Je dirais même qu’ils guettent cela : nos
paradoxes, nos inconsistances, nos contradictions.
Or, certains parents, selon leur propre histoire, l’éducation qu’ils ont eux-mêmes reçu,
et selon leurs convictions actuelles, ne s’estiment pas en mesure d’imposer une autorité
à leur enfant. Ils se l’interdisent. J’ai reçu une famille, il y a peu, où le père me disait
textuellement : « de quel droit, je m’arrogerais le fait d’imposer à mon fils une
quelconque autorité ? Qui je suis pour prétendre être ce dictateur ? » Certains parents
ont donc l’impression d’usurper un statut dans lequel ils ne se reconnaissent pas. Or,
nous sommes, nous parents, dans l’obligation d’indiquer le chemin à nos enfants : les
féliciter lorsqu’ils font bien et les reprendre lorsqu’ils font fausse route.
En fait, ce qui se cache là-dessous est bien repéré : ces parents qui n’osent pas
endosser cette partie ingrate du rôle de parent, c’est-à-dire l’autorité, ces parents
tiennent, coûte que coûte, à ne jamais être rejetés par leur enfant. Être toujours aimé
de lui, ne jamais être discrédité ou disqualifié, bref ! On passe volontiers du « je ne veux
pas le brimer » à « je ne lui refuse rien ». « Je suis un parent sympa. Mon fils et moi, on
est potes ! » Conclusion : le parent pense plus à son statut d’adulte aimé qu’à son
enfant qu’il faut aimer. C’est plutôt narcissique. Or, comme le dit si bien une collègue et
amie psychanalyste, Etty BUZYN, « Parce que je t’aime, je ne cèderai pas ! ». C’est
d’ailleurs le titre de son livre, édité chez Albin Michel.
Mais il faut aussi reconnaître que certains parents ne savent pas ou ne savent plus
reconnaître ce qu’ils peuvent autoriser ou interdire. Leurs propres valeurs sont
quelquefois mises à mal, entre leur éducation, leurs convictions, ce qu’ils entendent et
lisent, ce que nous, psychologues, énonçons ici ou là, dans les médias. À la fin, on ne
sait plus ce qui est bon et ce dont il faut se méfier. Alors je pense que nous sommes en
train de revenir à une attitude plus sage, plus apaisée.
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Après la Doltomania, il est temps de revenir à une éducation éclairée et spontanée.
Éclairée, car nous sommes de plus en plus éduqués et de plus en plus au fait de ce
qu’est un enfant et un adolescent (on lit, on écoute ce qui se dit sur le développement et
le respect envers les enfants et surtout, on évite de transposer notre propre vécu sur
celui de notre progéniture). Spontanée, car il faut réapprendre à écouter le bon sens
qui nous anime. Si ce que l’enfant fait est une bêtise, alors c’est une bêtise. Si ce qu’il
fait est une expérience pour apprendre ou explorer, ce n’est pas une bêtise, c’est de la
curiosité. S’il faut punir parce qu’on lui a déjà indiqué qu’il ne faut pas faire ci ou ça,
alors il faut imposer son autorité.
À ce sujet, sur le plan du langage à utiliser, il y aurait beaucoup à dire. Mais j’insiste
juste sur un ou deux points : Deux phrases à ne plus dire quand on est parent.
1/ « Tu es bête ! » au lieu de « Ce que tu viens de faire là est bête ».
2/ « Tu me déçois ! » au lieu de « Je sais que tu es intelligent mais faire cela, ça me
déçoit ! »
Dans les deux cas c’est ce que dit l’enfant et ce qu’il fait qui est décevant. Ce n’est donc
pas l’enfant qui est décevant. Nuance !
Je peux affirmer que ce type de parents le regretteront amèrement. Car, si l’ado ne
trouve pas les limites et les règles à respecter dans sa propre famille, (c'est-à-dire dans
la mini société que constitue toute cellule familiale), alors c’est dans la grande société
que l’ado les trouvera avec d’autres instances incarnant l’autorité : police, juge, tribunal.
On voit là comment enfant et adolescent ont besoin de se sentir soutenus et contenus :
par les règles, des lois et des paroles d’adultes.
Autre exemple : la non concordance des propos de parents : « Si tu continues comme
ça, je défais ta valise et tu ne pars plus en classe de mer, demain matin ! »
L’autorité d’un père et d’une mère : tout un chapitre !
On remarque souvent que la mère et le père ne se font pas respecter de la même façon
par leur enfant. Le plus fréquemment, certaines mères se sentent obligées de crier, ou
même de hurler pour se faire obéir. Pour ce qui est de la gestuelle : les mains montent
au ciel, elles sont portées à la tête ou font des gestes désordonnés comme pour
montrer le trouble et le désarroi. Le but consiste, pour certaines mères, à dramatiser la
situation dans le but d’impressionner l’enfant ou l’ado en espérant se faire obéir. Mais
tout ce théâtre montre surtout combien elles sont agacées, voire exaspérées ; je
devrais dire qu’elles sont souvent désemparées face à un enfant réfractaire à l’autorité
maternelle.
Quant aux pères, chez la plupart d’entre eux, la mimique de leur visage est ferme,
décidée, catégorique. La voix est plus grave, les mots plus directs. Le langage est
simple, franc, cinglant quelquefois. Le ton n’a pas besoin de monter et ils montrent du
doigt l’ordre auquel ils veulent soumettre l’enfant : « c’est quoi cette baignoire pas
rincée ? » « C’est à toi ces baskets qui trainent dans le couloir ? » etc.
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Essayons d’observer au microscope ces deux attitudes.
La mère instille amour et affection dans les propos qu’elle adresse à son enfant, le
père, beaucoup moins. De la sorte, on peut lire que dans ces mouvements affectifs
maternels, il y a aussi une part de l’idéalisation qu’elle porte au plus profond d’ellemême envers son enfant. C’est-à-dire qu’elle laisse transparaître quelque chose qui la
dessert : une part de l’idéal qu’elle chéri pour son enfant se glisse dans sa parole
autoritaire.
En consultation, à force d’entendre les adolescents se plaindre de leur mère, j’ai pu
inventer un dialogue imaginaire chez ces mères. Ce dialogue n’existe pas, c’est peutêtre celui, inconscient, qu’elles ont dans la tête : « Et dire que je te pensais docile, gentil
et obéissant ! Fais-moi confiance, écoute-moi, obéis-moi et tu arriveras à ce que j’ai
tracé, à ce que j’ai rêvé pour toi. Je sais où tu dois aller, vers quel but tu devras tendre.
Respecte ce que je te dis, ce que je te demande. Évite-moi d’avoir à crier, à exiger, à
ordonner. Tu verras, tu réussiras à te trouver, un jour, là où je veux que tu sois. Tu
seras grand, fort, beau, intelligent, très intelligent. Protecteur, protecteur de ta mère,
aimant ta mère toujours, en la respectant. Fais confiance à mon bon sens et tu seras
aimé par moi. Écoute-moi et si tu m’obéis, je t’aimerais comme il faut ». Ce dialogue est
un fantasme, bien sûr. Aucune mère ne parle comme cela, mais elle peut, peut-être,
penser ainsi, au fond d’elle-même, sans se l’avouer franchement.
Donc une mère s’énerve aussi parce qu’elle ne parvient pas si aisément à atteindre
l’idéal qu’elle projette pour son enfant. La déception qu’elle a d’elle-même rejaillie
souvent sur l’enfant réfractaire qui ne comprend pas ce qui lui tombe dessus. C’est le
début de l’incompréhension pour ne pas dire de la crise.
Vous sentez comme c’est lourd, ce dialogue intérieur ?
Voilà, c’est à peu près comme cela que de grands ados parviennent, dans les cabinets
de psy, à décortiquer l’autorité de leur mère. Ils traduisent comment eux entendent cette
autorité maternelle.
Chez les pères c’est souvent bien différent : ils sont plus directs, mais surtout parfois
plus cassants, plus axés sur l’objet qui appelle l’autorité. Si j’étais méchant, je dirais
qu’ils sont plus bruts, c’est-à-dire moins en réflexion. Pour vous faire comprendre cette
différence, imaginons vous et moi un agent de la circulation, un policier, en train de
verbaliser un mauvais conducteur, dangereux. Si le policier se met à tergiverser, à crier,
à faire des gestes inconsidérés, à sortir les articles du code de la route et à appeler ses
collègues à la rescousse, il serait très peu crédible.
Un policier, en général, ça parle avec autorité, c’est-à-dire calmement, sans lever la
voix, avec assurance, sans se répéter, son vocabulaire est précis, direct, simple à
comprendre et sa gestuelle et ses mimiques sont toujours en concordance avec ses
propos. Un agent de la circulation n’est pas déçu par l’attitude d’un mauvais
conducteur. Il prévient, laisse passer ou verbalise sans trop d’état d’âme.
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Nous nous trouvons, ce soir, dans un établissement scolaire. Que peut-on dire de
l’autorité en milieu scolaire ?
Avant tout, j’estime que chaque école devrait établir un règlement intérieur afin
qu’il soit signé par les parents de l’enfant (et l’enfant aussi) et les parents se
doivent de lire et de commenter à leur enfant le double de ce document, un soir,
après l’école, durant la première semaine de rentrée des classes.
Règlement intérieur : Dans chaque établissement, ce document sert de repère. « Il est
important de se référer à un écrit, d’autant plus qu’aujourd’hui, dons nos sociétés
moderne tout est discuté ». Pour qu’une sanction soit efficace, il faut qu’elle soit
reconnue et acceptée par l’élève et par sa famille. Et elle le sera d’autant plus que
la famille aura, avant tout, accepté ce règlement. Dans le cas contraire, cela incite
l’élève à se positionner en victime et à ne pas se remettre en question. Lorsque les
parents contestent, par exemple, une décision du Conseil de Discipline, l’enfant
risque de considérer qu’on peut continuer, impunément, à désobéir, se montrer
agressif, voler, enfreindre, etc. Mais les professeurs privilégient de plus en plus des
punitions constructives : la rédaction d’un texte qui a du sens par rapport aux faits
reprochés ou des travaux d’intérêt général eu sein même de l’établissement. Demander
à des élèves qui ont dégradé un endroit de le nettoyer, cela les fait participer au bien
commun. Et cela contrebalance le côté quelque peu individualiste prôné à tort par notre
société.
Autre exemple : Les téléphones portables interdits à l’école qui sont remis aux familles,
en cas d’utilisation en cours. Le risque pour les enfants : les parents peuvent lire leurs
textos et autres conversations intimes. Règle : « Vous saviez que c’était un risque !
Vous avez joué avec cela, vous vouliez donc vous faire prendre et être sanctionné. »
L’autorité, une manière de protéger son enfant
Tous les enfants ont des envies et des désirs ; mais si les parents cèdent à leurs
caprices pour leur faire plaisir et, principalement, pour « avoir la paix » ou pour passer
pour des gens tolérants, ils courent le risque de les voir leurs enfants devenir de plus en
plus despotes et de moins en moins obéissants à leur autorité. En fin de compte, ce
sont les enfants qui en souffrent le plus.
Depuis une vingtaine d’années, les parents se plaignent de ne plus avoir d’autorité sur
leurs enfants.
Or, un enfant qui ne parvient pas à respecter l’autorité de ses parents est un enfant en
souffrance qui délivre un message : il demande à être plus et mieux contenu par des
règles stables et bien définies. L’autorité s’éduque et s’apprend dès le plus jeune âge.
Mon propos n’est pas original, mais il faut le dire et le redire : L’autorité s’éduque et
s’apprend dès le plus jeune âge
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Quels sont les contextes favorables au refus de l’autorité et des limites par un
enfant ?
Sans être pour autant coupables, il faut reconnaître que les parents sont souvent les
premiers responsables d’avoir transformé leur enfant en petit tyran. Mais pour en arriver
à ce stade extrême, il faut qu’un certain nombre de conditions soient réunies :
- lorsque les parents ont attendu longtemps un enfant - qui sera souvent un enfant
unique - ils n’auront d’yeux que pour ce trésor tant désiré. Très tôt, il se sentira
observé, choyé et l’objet d’une affection immense. Tout geste, sourire ou gazouillis de
l’enfant sera interprété comme une grâce infinie, récompense suprême de tant
d’années d’attente ;
- Si l’enfant a été gravement malade durant son jeune âge ;
- Si c’est un enfant adopté et que les tractations administratives ont duré plusieurs
années ;
- S’il s’agit d’un enfant né après une ou plusieurs fausses-couches ;
- Si l’enfant arrive dans un foyer composé d’une jeune mère et d’un père beaucoup
plus âgé et qui a des enfants d’un premier mariage ;
- Un enfant dont la place inconsciente (chez la mère) consiste à la distinguer et la
séparer enfin de sa propre mère. Dans ce cas l’enfant a pour fonction de protéger sa
mère et les rôles sont inversés ;
- Il arrive enfin qu’un enfant au caractère « bien trempé » n’appartienne à aucune de
ces catégories, mais cherche tout simplement à se distinguer d’un frère ou d’une
sœur trop docile.
Dans les cas que je viens de citer, il faut redoubler de vigilance.
Le besoin de ressentir le manque
Dans presque tous ces cas, le jeune enfant ne parvient pas à sentir ses propres limites
psychiques car ses parents l’entourent de tant d’affection et d’attentes qu’il lui est
impossible, en retour, de les satisfaire pleinement. Donc, lorsque les parents
s’évertuent à combler tous les besoins (supposés) de l’enfant, celui-ci n’a plus
l’occasion de ressentir le manque ; c’est précisément cela qui fait défaut chez l’enfant
tyrannique. Sans la sensation de manque, aucun désir normal et naturel ne peut
émerger. Le manque devance toujours la satisfaction. (L’inverse consisterait, par
exemple, à manger avant d’avoir faim.)
Ainsi, n’ayant plus de désir propre, l’enfant a le sentiment d’exister au travers des
interprétations de ses parents et cela devient très vite intenable. Il va tout faire pour
déplaire à ceux qui le couvrent de tant d’amour ; il va adopter une attitude qui le rendra
détestable à leurs yeux pour être un peu moins aimé et donc moins étouffé. Cette
distance, ainsi créée, indiquera à ses parents son besoin de limites.
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On ne sera pas étonné de les entendre dire : « Avec tout ce qu’on fait pour toi, je ne
comprends pas que tu sois si méchant». Il n’est pas méchant, malheureusement il se
rend odieux pour leur faire comprendre ce dont il a besoin.
Un cadre rassurant et protecteur
C’est le grand paradoxe : un enfant qui refuse l’autorité est un enfant qui réclame
des limites fermes et rassurantes. Car :
- l’Autorité rassure. Elle signifie : « Je tiens à toi et, parce que je t’aime, je te donne
des limites pour te protéger ». On comprend mieux pourquoi un parent refuse un
bonbon à son enfant avant de passer à table, pourquoi il ne l’autorise pas à jouer avec
des allumettes, pourquoi il l’empêche de marcher sur un muret de deux mètres de
haut : il protège plus qu’il ne brime. Lorsqu’elle vise à le rendre autonome, l’autorité est
une véritable preuve d’amour envers son enfant.
- l’Autorité est toujours ingrate. Réprimer c’est aussi nommer les limites. Poser et
imposer des règles de vie et les faire admettre à son enfant fait évidemment
partie des tâches ingrates mais indispensables de l’éducation. Ne pas remplir ce
rôle amènerait l’adulte à se discréditer aux yeux de son propre enfant. Combien de
parents regrettent la soi-disant « gentillesse » de leurs propres parents ? N’ayant pu
bénéficier de règles éducatives fermes voire autoritaires, ils se sentent fort démunis
face à leur propre enfant aujourd’hui.
Il faut toujours avoir à l’esprit qu’un enfant a besoin de sentir ses limites pour mieux
évaluer ce qui le constitue et le distingue des autres. Ce sont les adultes qui
l’éduquent qui veilleront à lui inculquer ses limites (parents, grands-parents, instituteurs,
moniteurs de sports, animateurs, etc.) Ainsi, il se sentira contenu au sein d’un cadre
rassurant et protecteur. Ce cadre est constitué de principes, de règles, de rituels
et d’habitudes ; mais aussi de devoirs, de contraintes, de limites à ne pas
franchir.
Bien sûr, il arrive que ces limites soient dépassées et même enfreintes
régulièrement. D’ailleurs, tout processus éducatif repose sur ce jeu entre
souplesse et rigidité, censé évoluer selon l’âge et la maturité de l’enfant. Cela le
rendra autonome vis-à-vis de ses parents et lui apprendra à respecter les autres
en même temps qu’il se fera respecter.
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Les 10 clés pour imposer l’autorité à un enfant
1. Plus un ordre ou une injonction sont exprimés avec agressivité ou en forçant la
voix, moins l’enfant acceptera l’autorité. L’inverse risque aussi de se produire, car
l’agacement exprimé est la preuve qui trahit la crainte chez l’adulte de ne pas se faire
respecter.
2. Après avoir prononcé le prénom de l’enfant auquel vous vous adressez, énoncez
votre phrase calmement et lentement, une seule fois. Votre enfant doit sentir dans
vos propos et au ton ferme employé que vous ne tolérerez pas d’écart dans sa
conduite. Cela revient à être pleinement convaincu de l’ordre ou de la consigne
énoncée.
3. Plus vos consignes seront courtes et simples, plus l’ordre sera entendu et
compris, cela vaut cent fois plus qu’une longue remontrance menaçante. En effet, rien
de tel qu’une litanie de mots ressemblant à une complainte interminable, qui plus est,
emplie d’indications contradictoires, voire paradoxales.
4. Lorsqu’un ordre ou une consigne sont énoncés avec une tonalité emplie de
culpabilité, tout enfant est capable d’en détecter le message sous-jacent. : « Papa me
fait peur en me criant dessus pour que j’arrête mes caprices, mais au fond il supportera
que je continue, puisqu’il vient de me demander d’être gentil ». Autre exemple typique :
« S’il te plait, Adrien, soit gentil, arrête d’embêter ta sœur ». Ce qui ressort de cette
demande est plus une faveur, un service demandé (« s’il te plaît ») qu’un ordre. Le
paradoxe brouille le message qui sera interprété par l’enfant comme bon lui semble.
5. On n’émet une menace envers un enfant que si l’on est capable de la tenir.
6. Lorsqu’un enfant a refusé l’autorité parentale et qu’il a été puni, il ne faut pas
atténuer cette punition par un câlin et encore moins des excuses.
7. En général, les mères ont plus de mal à imposer leur autorité, et si la mère
montre une trop grande disponibilité à son enfant elle aimerait être identifiée comme
« bonne et généreuse ». Les mères ont plus tendance à câliner que les pères. Quant
aux hommes, la société les a standardisés comme détenteurs de la force, de l’autorité
et en a fait les représentants de la loi au sein du foyer. Il est donc aisé pour un enfant
de redouter le père qui, par son attitude plus ferme, directe et virile symbolise l’autorité
et le respect. C’est pourquoi les mères ne doivent donc pas hésiter à recourir à l’autorité
paternelle lorsqu’elles se laissent déborder par un enfant intenable et réfractaire à
l’autorité.
8. Savoir se montrer cohérent face à son enfant signifie qu’on est convaincu de lui
apporter ce qui est bon pour lui : un cadre ferme qui le contient et le rassure ; le traiter
en enfant et non en adulte ; le préserver de la toute-puissance qu’il cherche à exercer et
lui permettre de retrouver son innocence d’enfant.
9. Entre 18 mois et 4 ans, les enfants traversent une période dite du « Non
systématique » (= stade d’opposition). Faites mine de croire à leur refus
d’obtempérer. Ils n’attendent qu’une chose : vous étonner par leur opposition. C’est
ainsi qu’ils parviennent à s’affirmer en se distinguant de leurs parents.
10. Pour faire patienter un enfant, utilisez une minuterie et dites-lui : « Lorsque ça
sonnera, préviens-moi, ce sera l’heure de ... »
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Deux expressions à remettre au goût du jour :
Les deux expressions qu’on omet de dire pour mieux asseoir son autorité de parents :
- Il est toujours important de dire à un enfant « c’est bien » ou « c’est mal » quand tel
est le cas. Plus que de la morale, il s’agit d’indiquer ce qu’il faut faire à l’avenir ou ne
plus refaire.
- Lorsqu’un enfant réclame, quémande, exige quelque chose d’impossible et qu’un
« Non !» ne suffit pas. Il arrive qu’il veuille discuter la décision parentale ou contester
l’autorité parentale. Dans ce cas, il faut recourir à la bonne exclamation : « C’est
comme ça !».
Que dire et ne pas dire :
- Ne dites pas : « Tu veux aller au square ? » Dites plutôt : « Qui veut aller au square
avec moi ? »
- Ne dites pas : « Mais non, tu n’as pas peur de dormir seul dans le noir » dites plutôt :
« Je sais, ce n’est pas facile de dormir seul, je comprends que tu aies peur, mais il faut
quand même t’y habituer »
- Ne dites pas : « J’en ai marre de tes caprices, tu vas sortir du bain immédiatement ! »
dites plutôt : « Bon, alors c’est toi qui m’appelleras quand tu auras décidé de sortir du
bain » (dans les trois minutes suivantes, soyez sûr qu’il exercera son pouvoir en vous
ordonnant de l’en sortir)
- Ne dites pas : « Fais-moi plaisir, encore une bouchée pour Maman » dites plutôt :
« Très bien, puisque tu n’as plus faim, je retire ton plat »
- Ne dites pas : « S’il te plait, viens, le square va fermer » dites plutôt : « Bon, je m’en
vais, tu viens si tu veux » (et vous vous cachez en l’observant à distance, jusqu’à ce
qu’il s’inquiète de votre absence)
- Ne dites pas : « Sois gentil avec le petit garçon, prête-lui tes jouets » dites plutôt à
l’autre enfant : «Excuse-le, en ce moment il n’aime pas trop se séparer de ses jouets,
c’est important pour lui »
Idées : Le jeu « Place de la Loi » (Gallimard)
Le règlement intérieur affiché dans sa chambre.
Bibliographie :
Le pédopsychiatre Daniel Marcelli, auteur de « Il est permis d’obéir. L’obéissance
n’est pas la soumission » Éd. Albin Michel
Le pédopsychiatre Stéphane Clerget, auteur d’un « Guide de l’ado à l’usage des
parents : comment s’en faire obéir ? » Éd. Albin Michel
La psychanalyste Claude Halmos « L’Autorité expliquée aux parents » Éd. Du Nil
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