Michel- Ange 3 - Les techniques de création

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Michel- Ange 3 - Les techniques de création
Michel- Ange 3 - Les techniques de création
Le marbre, un matériau de prédilection
Michel-Ange aime le marbre avec lequel il se mesure. On lui connait quelques terres cuites (modello), les autres
matières ne sont que des attributions. Le marbre est un matériau noble, il le combat.
Michel-Ange, David, Florence, 1501-1504 avec plus de 4 m de hauteur, cette œuvre est un véritable défi, devenu
l’emblème de la ville de Florence. Emblème car c’est un chef d’œuvre et parce que cette sculpture signifie aussi la lutte
contre le saint Empire Romain et germanique, contre Pise et contre le géant milanais (famille Sforza). Le bloc avait déjà
été ébauché par Agostino di Duccio en 1464, qui mourra avant de terminer et par Bernardo Rossellino, qui
abandonnera (défaut dans le bloc). Ce n’est donc pas un cadeau que l’on fait à ce jeune artiste qui est revenu à Florence
après son passage à Rome. Le marbre est fragile. Le bloc était destiné à la création d’une sculpture pour le Duomo de
Florence, en partie haute. Il est étroit et haut. La marge de manœuvre de Michel Ange est très étroite et les contraintes
nombreuses. Le sujet fait référence à un épisode de l’Ancien testament, celui du combat de David contre le géant
Goliath. David, simple berger, ira nu au combat, muni de sa fronde et refusant les armes et armures offert par Saul. Le
thème est souvent traité à Florence au quattrocento.
Donatello, David, 1409, Florence, musée du Bargello pour le palais Médicis.
Donatello, David, 1430, Florence, musée du Bargello Il était placé sur une colonne de 2m de haut. Le jeune héros
biblique regardait du haut de son emplacement la foule, avec une certaine condescendance. Donatello en fait une figure
nue, dynamique (Chiasme/contrapposto) ressemblant à une sorte de Mercure.
Andrea Del Verrocchio, David, Florence, 1475-80
Donatello, Judith et Holopherne, Florence, Palazzo Vecchio, 1455
Le David s’apparente à cette famille et fait référence à la sculpture antérieure, elle-même issue de références à l’Antique
Nicola Pisano, La Force, chaire de Pise, 1260
Mais le héros michelangelesque n’est plus une figure androgyne. C’est un jeune homme nu, viril, musclé, dynamique et
tendu. Il est représenté, non pas après avoir coupé la tête du Géant, mais juste avant l’action, en pleine concentration et
tension. La sculpture est frontale, son côté droit au repos (principe du bras à l’abandon, comme pour la Madone à
l’escalier ou le Christ de la Piéta de Rome, la jambe droite en appui). Le côté gauche est au contraire en action, en
tension. On peut aussi y voir une réminiscence médiévale, le côté droit étant protégé par Dieu, le gauche plus
vulnérable. La pierre est dans la main, le coup n’est pas encore parti.
Le visage se tourne violemment. Il est expressif, l’air concentré. Il rassemble sa colère avant le combat (rides sur le front,
sourcils froncés, regard en coin, narines dilatées, bouche entrouverte, chevelure creusée). Cet air est très étonnant à
l’époque et on le nommera « terribilita », ce qui correspond à une représentation d’une colère terrible.
Le traitement de la matière Michel-Ange se sert du trépan. On note une chevelure fouillée, des effets de mèches, avec
des effets d’ombre et lumière, un travail de la pupille très creusée, trouée… une abrasion de certaines surfaces, des effets
de plages lisses, polies… où la lumière glisse alors que sur les cheveux, les plages mates accrochent la lumière. Le degré
de finition par exemple pour la main est très élevé. L’aspect de chair est rendu dans le marbre, qui en vient à palpiter.
Afin de mettre en place ce chef d’œuvre (à l’origine destinée au Duomo mais qui après décision d’un collège d’artistes
de renom sera placée devant le palazzo vecchio), on demande à Antonio da Sangallo de réaliser une machine…
A l’origine, elle portrait des traces de dorures (fronde, socle…)
Michel-Ange, David, Florence, 1501-1504 Dessin, Musée du Louvre
Michel-Ange, esquisse Hercule et Cacus, terre cuite, Florence, casa Buonarroti, 1525 Commande non honorée… mais
on décèle l’idée d’un groupe tournoyant aux personnages imbriqués
Bandinelli Hercule et Cacus mais reprise par Bandinelli qui livre là un groupe plat et sans grand intérêt.
Carrière de Carrare Michel-Ange se déplace dans les carrières afin d’en choisir les blocs. Dans chaque bloc il voyait une
figure qu’il se devait de libérer. Michel-Ange est un taille de marbre, il opère la taille directe (comme le fera aussi le
Bernin au XVIIe). Il enlève la matière avec pointes, ciseaux, trépan, gradines… C’est là le combat, car l’acte est
irréversible. Au contraire dans le modelage, il s’agit d’ajout de terre (terre cuite, plâtre..). La taille indirecte (Rodin)
s’opère par le biais de compas ou de report. Le maître réalise un modello définitif, qui sera agrandi par des assistants. Le
fini sera repris par l’artiste.
Il travaille de façon frontale, libérant peu à peu la figure. Il ne travaille pas tous les points de vue. Vasari parle d’une
figure émergeant lorsque l’eau d’un bain s’en va…
Michel-Ange, le Saint Matthieu, Florence, Academia, 1503 il a certainement pris comme référence le Laocoon.
Laocoon, Rome, musées du Vatican notamment pour les contorsions. Ces contorsions que l’on retrouve dans les 4
esclaves de Florence. Stylistiquement, l’accablement, la mélancolie atteint les figures. Elles étaient prévues pour le
tombeau de Jules II. On voit bien, du fait de l’inachèvement, qu’elles ne sont pas encore libérées de la pierre.
Michel-Ange, Esclave dit «le jeune», Esclave dit «le barbu», Esclave dit «l’Atlas», Esclave dit «l’eveil», Florence,
Academia, 1515
Francesco Buontalenti, grotte, jardin de Boboli, Florence. Elles seront replacées dans cette grotte artificielle.
Les esclaves du Louvre, offerts à François 1er par B. Strozzi, seront placés à Ecouen dans le château d’Anne de
Montmorency, puis récupérés par Richelieu avant de regagner les collections royales et de revenir au Louvre.
Moins inachevés, ils ne font plus partie du projet funéraire. Il y a également des problèmes techniques, des veines
profondes qui fragilisent l’œuvre. On peut suivre ici les outils qui ont permis à l’artiste de faire émerger ces figures.
Michel-Ange, Esclave dit « rebelle», Esclave dit « mourant», Paris, musée du Louvre, 1515
Michel-Ange, Léonard et Raphael : influences réciproques
On note différentes interactions entre les œuvres de Michel-Ange et des œuvres de contemporains. Il était assez
imperméable à son environnement, sauf au travail de Léonard et Raphaël. Ses références vont plus particulièrement vers
les anciens.
Ainsi il regarde La grande Sainte Anne de Léonard, et notamment la composition pyramidale qui permet l’intégration
de plusieurs personnages.
Michel-Ange, le tondo Taddei, Londres Royal Academy, 1504 forme ronde rare en sculpture. Beaucoup de matière a
été enlevée et il ne reste que quelques centimètres notamment au niveau du visage de la Vierge. Est-ce la cause de
l’abandon ?
La mère repousse le baptiste, et le Christ semble se reculer devant lui.
Sarcophage de Médée, Rome, musée des Thermes, 150. Reprise de la figure su Christ
Leonardo da Vinci, La Grande Sainte Anne, Paris, 1510. Après restauration
Leonardo da Vinci, La Grande Sainte Anne, dessin, Londres, 1504-1507 certainement vue par Michel-Ange
Raphael, Madone Bridgewater, Edimbourg, National Gallery, 1507 idée reprise par Raphaël avec une certaine variation
Les œuvres de Michel-Ange sont plus mélancoliques.
Michel-Ange, La madone de Bruges, 1506, Bruges, église Notre-Dame c’est une commande des frères Boscoroni pour
leur chapelle dans l’église de Bruges. Si elle reprend le motif de la Piéta de Rome, (visage similaire), elle n’a pas son
ampleur. En position frontale, elle montre l’enfant entre ses genoux. On note d’ailleurs la non symétrie qui permet
d’introduire une certaine dynamique. Ce motif inédit vient aussi de Léonard. Le Christ semble quitter sa mère tout en
s’accrochant à elle. Il y a une certaine continuité avec le Tondo Taddei. Peur, curiosité d’un enfant dont le destin est
connu. Le fini extraordinaire de cette œuvre permet un jeu d’ombre et lumière à nul autre pareil.
Leonardo da Vinci, La Grande Sainte Anne, Paris, 1510 Léonard travaille ici sur l’imbrication des personnages.
Attribué à Michel-Ange, La madone de Manchester, Londres, National Gallery, 1495. Attribution…
Léonard, la Vierge au rocher, Paris, musée du Louvre, 1480 si le groupe est encore éclaté, il est bien dans ce travail de
plusieurs personnages ne faisant qu’un …
Raphael, La Vierge au chardonneret, Florence, 1507 Raphaël reprend la composition pyramidale et la Madone de
Bruges (position de l’enfant), mais sans la gravité de Michel-Ange.
Michel-Ange, peintre, architecte ou sculpteur?
La carrière de Michel Ange est prolixe en peinture, dessin et architecture. Il se veut principalement sculpteur. Chaque
technique va nourrir l’autre : sculpture/peinture - sculpture/architecture
Michel-Ange, Adam et Eve chassés du paradis, Rome, chapelle Sixtine, 1508-12 des rapprochements entre ses œuvres
peuvent être notés. Il a mis au point un lexique formel dans le plafond de la Sixtine qu’il utilise. Des traits, des position
(bras au-dessus de la tête, bras relâché, torsions et contorsions, visages..)
La bataille de Cascina, copie de da Sangallo d’après Michel-Ange // la bataille des centaures 1492 Casa Buonarroti
(réalisé 10 ans avant). La bataille de Cascina représente une escarmouche entre les soldats florentins et ceux de Pise.
Surpris dans l’Arno, les soldats remontent rapidement sur les berges pour livrer bataille…
Michel-Ange, le tondo Doni, Florence, 1504 // Michel-Ange, le tondo Pitti, Florence, 1504 (ressemblance des visages).
Sienne, autel Piccolomini, 1501-1504 est un exemple précoce de ce mélange d’architecture et de sculpture.
Michel-Ange, Saint Paul, Sienne, autel Piccolomini, 1501-1504 (Autoportrait ?)
Michel-Ange, Saint Pierre, Sienne, autel Piccolomini, 1501-1504
Nanni di Banco, St Luc, Florence, Musée du Duomo, 1415
Michel-Ange, Saint Pie, Sienne, autel Piccolomini, 1501-1504
Michel-Ange, sacristie neuve, Florence, San Lorenzo entre sculpture et archi
La conquête de la troisième dimension va se faire avec une figure tournoyante, à l’origine pour le tombeau des Médicis.
Michel-Ange, Victoire, Florence, 1530-34 Elle s’inscrit dans l’espace, comme un élément, une composante
d’architecture.
Giambologna, Florence triomphant de Pise, Florence, musée du Bargello. Et Jean de Bologne s’en souviendra !!!