«La raison de l`existence du groupe, c`est nos parents»

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«La raison de l`existence du groupe, c`est nos parents»
LE JOURNAL DU JURA SAMEDI 27 FÉVRIER 2016
22 RIFFS HIFI
BLUES PILLS Figure de proue du revival du blues-rock vintage
CARNET NOIR
«La raison de l’existence
du groupe, c’est nos parents»
C’est par un bref message publié sur sa page Facebook que le groupe
polonais de rock progressif a annoncé le décès, dimanche, de son
guitariste Pior Grudzinski à l’âge de 40 ans. Les circonstances de cette
mort subite n’ont par contre pas été révélées. Riverside est
actuellement en tournée promo pour soutenir son brillant dernier
album, «Love, Fear and the Time Machine», œuvre dont la qualité doit
beaucoup au jeu tout en nuances de Pior Grudzinski. RIP. } LK
MEGADETH
PROPOS RECUEILLIS PAR
PASCAL VUILLE
Dave Mustaine de retour au sommet
Trois ans après «Super Collider», farce de pop-metal tout juste bonne à
agrémenter une beuverie dans un collège américain, Megadeth a
puisé dans ses racines les plus metalliques pour pondre «Dystopia»,
barre d’énergie pure à peine arrivée dans les bacs. Dès les premiers
accords furieux de «The Threat is Real», c’est un Dave Mustaine
d’humeur orageuse qui enchaîne riff sur riff. Une merveille de thrash
metal qui n’est pas sans rappeler les grandes heures du groupe, celles
de «Rust in Peace» notamment (1989). On pardonnerait presque au
grand roux ses prises de position ultra-conservatrices. } LK
En 2014, Les Inrocks titrait:
«Blues Pills délivre la plus belle ordonnance de blues blanc depuis
octobre 1970.» Rien que ça. Le
guitariste-prodige nantais du
quatuor basé en Suède
revient sur deux années
inoubliables.
Dorian Sorriaux, quels sont
les meilleurs moments de votre parcours jusqu’ici?
D’avoir joué au Hellfest. Ce festival est vraiment incroyable! Et
de nous être produits à Nantes,
devant toute ma famille: mes
grands-parents, mes parents,
mes sœurs, mes amis. Tous ceux
qui me sont chers étaient là. Je
reconnaissais plein de visages
dans la salle, ce qui n’arrive pas
très souvent.
Et vos rencontres les plus mémorables avec d’autres musiciens?
Il y en a forcément eu beaucoup. Nous avons rencontré
Johnny Winter lors de ses deux
derniers concerts, en Autriche,
avant son décès. Et puis le fait
d’avoir été choisis par les Rival
Sons pour faire leur première
partie a été très valorisant. Nous
avons tissé des liens avec eux,
notamment grâce à nos influences musicales similaires.
Comment se fait-il qu’une
poignée de jeunes dans la petite vingtaine se soient investis dans le blues, un style musical hors du temps?
La grande raison de l’existence
de Blues Pills, c’est nos parents.
Mon père mettait souvent des
cassettes de ZZ Top dans la voi-
Le guitariste de Riverside retrouvé mort
THE WHO
De «Live at Leeds» à «Live in Hyde Park»
Les Blues Pills au Kofmehl ce lundi. Au top, Dorian Sorriaux et Elin Larsson.
ture. Leur style m’a immédiatement plu. Je n’avais que quatre
ans. Puis j’ai accroché à Status
Quo, avant d’ouvrir mon spectre
musical. Il m’est venu naturellement, à neuf ans, de vouloir apprendre à jouer de la guitare.
Dire que je n’ai que vingt ans et
que j’écoute ce style depuis seize
ans! Notre bassiste, Zach Anderson, a découvert les Allman Brothers grâce à ses parents. Quant
à Elin, elle était plutôt branchée
soul et était fan d’Aretha
Franklin et Big Mama Thornton.
Faites-vous partie d’une sorte
de famille musicale suédoise?
Je parlerais plutôt d’une scène
que d’une famille musicale.
Nous sommes sur le même label
que Witchcraft, Graveyard, Orchid ou Kadavar. Cela crée donc
une certaine connexion entre
nous. Mais nous n’avons pas
l’impression d’être à la mode
pour autant.
Que pouvez-vous dévoiler de
votre deuxième album?
Il est prévu qu’il sorte cet été.
Ce sera un album de Blues Pills,
mais nos influences soul et psychédéliques ressortiront davantage. Notre premier disque était
très influencé par Fleetwood
Mac, avec beaucoup d’accords
mineurs.
Quelles sont les qualités des
trois autres membres du
groupe que vous appréciez?
GILLES SIMON
Leur générosité et leur gentillesse. Dans le travail, tous les
trois sont sérieux, totalement investis et toujours concentrés.
C’est très agréable de travailler
dans de telles conditions.
Quels sont les cinq disques
que vous sauveriez d’un
incendie?
Cela dépendrait du moment.
Aujourd’hui, je vous répondrais
«Veedon Fleece» de Van Morrison. Viendraient ensuite le
«First album» de ZZ Top, «Before landing» d’Alan Stivell et
«Sunshine superman» de Donovan. Pour finir, «Helplessness blues» des Fleet
Foxes, un album plus récent.
Mais ce serait plus simple que
j’emporte mon iPod! (rires) }
DREAM THEATER Un double concept album, 17 ans après «Metropolis Pt 2»
«The Astonishing» épate, mais divise
Deux heures d’opéra rock, en 2016, il fallait oser, surtout en version metal. C’est le
pari de Dream Theater. Avec le très ambitieux «The Astonishing», les Américains tapent le poing sur la table. Oui, ils savent produire autre chose que la bouillie déversée
durant une décennie marquée par l’interminable déclinaison du même album. Répétitifs
et sans imagination, «Systeamtic Chaos»
(2007), «Black Clouds and Silver Linings»
(2009), «A Dramatic Turn of Events»
(2011) et «Dream Theater» (2013) ont essentiellement réussi à énerver. Au point de
pousser le batteur Mike Portnoy, l’âme du
groupe, à claquer la porte en avril 2011.
Aujourd’hui, tout est pardonné. Enfin,
presque, «The Astonishing» n’étant non plus
pas à classer dans les chefs-d’œuvre du genre.
Faut pas pousser. N’empêche, Dream Theater
a retrouvé une partie de sa touche des années
90, temps bénis durant lesquels il mélangeait
avec brio la puissance du metal et la mélodicité du prog. C’est que dans le grand livre de
l’histoire du rock, le groupe de Boston figure
ad vitam aeternam sous la dénomination
«inventeur du metal progressif». En 1992,
avec «Images and Words», Dream Theater a
défini un style en ancrant dans la réalité une
tendance amorcée quelques années auparavant par Iron Maiden – «Somewhere in
Time» (1986) et «Seventh Son of a Seven
Son» (1988) – et Queensrÿche avec «Operation: Mindcrime» (1988).
Dream Theater a tenté d’assumer ce lourd
héritage. L’essai est partiellement transformé, car «The Astonishing» reste en deçà de
la qualité de la première tentative des Ricains, le sublime «Metropolis Pt 2: Scenes
form a Memory» (1999). Un peu longuet,
mais agréable à l’écoute, «The Astonishing»
conte l’histoire, quelque chose comme dans
trois siècles, d’un jeune gars vivant dans un
monde totalitaire constitué d’empires menés par des tyrans, environnement dans lequel s’ébattent joyeusement les Nomacs.
«Ces drones flottants produisent un son électronique dégueulasse qui rend les gens désemparés.
Mais dans un village reculé, un jeune homme
naît avec le don pour la musique. C’est lui le héros, celui qui va devenir le point de départ d’une
révolution basée sur les arts», expliquait récemment le guitariste, concepteur et parolier John Petrucci. «Je me suis inspiré de ce
que j’aime, des comédies musicales comme ‹Les
Misérables›, ‹Jesus Christ Superstar›, des sagas
comme ‹Le Seigneur des Anneaux›, ‹Game of
Thrones ou ‹Hunger Games›.» Assumant également la production, l’omnipotent Petrucci
a composé les musiques en collaboration
avec le claviériste Jordan Rudess.
En concert à Zurich
Emmenant l’auditeur dans une longue
épopée musicale cohérente et divertissante,
Dream Theater use et abuse toutefois des
plus grosses ficelles pompeuses du concept
album. Dans le passé récent du genre, Steven Wilson avec «Hand. Cannot. Erase.»
(2015) et Ayreon avec «The Theory of Everything» (2013) ont eux réussi à allier doigté et
subtilité, éléments dont manque un tant soit
peu l’œuvre des Américains. Dream Theater
restitue sur scène l’intégrale de «The Astonishing». A découvrir le 23 mars au Kongresshaus de Zurich. } LAURENT KLEISL
En 1970, les Who publiaient ce qui est toujours considéré par les
experts comme le meilleur album live de tous les temps. Un brûlot
sauvage comme on n’en fait plus, qui avait fait dire à Rick Wakeman,
placide claviériste de Yes: «On croyait qu’ils étaient onze à jouer.» Ils
n’étaient que trois instrumentistes, donc. 45 ans après, les Who,
publient «Live in Hyde Park», double CD plus DVD enregistré l’an
dernier devant 65 000 personnes. Sans Keith Moon et John Entwistle,
la meilleure section rythmique du monde, pour cause de décès. Mais
avec une flopée de musiciens d’appoint. Bon, la rage a un peu fait
place à la volonté de perfection. A plus de 70 balais... Verdict? Pour
pulvériser tout soupçon de subjectivité, on a demandé l’avis du
guitariste prodige d’After Shave, Pierre-Alain Kessi: «Dans toute
l’histoire de la musique rock, on n’a jamais atteint un tel niveau de
perfection», nous a-t-il asséné. Ce qui permet de s’arrêter là... } PABR
ÉVÉNEMENT À TAVANNES
Décamps père & fils: deux Anges au Royal
Leur bouche est toujours aussi sucrée de légendes. Quand ils
n’enchantent pas la galaxie rock prog avec Ange, Christian, le père, et
Tristan, le fils, parcourent les plus petites salles pour nous offrir un
récital où les délires verbaux du père croisent le fer avec les claviers
magiques du fils. Ils seront sur la scène du Royal tavannois le samedi
12 mars prochain, dès 21h. Une première suisse sous cette forme, si
notre mémoire ne nous joue pas des tours. Vu la portée de
l’événement, il serait prudent de réserver. Nous y reviendrons. } PABR
LA PLAYLIST DE...
Pascal Vuille
[email protected]
DANZIG «Skeletons» (2015)
Le musculeux sexagénaire Glenn Danzig, ex-leader des Misfits, s’est
plié (lui aussi) à l’exercice du disque de covers. Flanqué de l’efficace
guitariste de Prong, Tommy Victor, il s’en sort plutôt bien avec ses dix
reprises goth-punk ultralourdes de titres datant de 1962 à 1974 (Elvis,
ZZ Top, Aerosmith, Everly Brothers). Mention particulière à une
interprétation de «N.I.B.» qui aurait foutu la trouille aux Black Sabbath
eux-mêmes.
GHOST «Meliora» (2015)
Tout juste auréolés d’un Grammy dans la catégorie «Meilleure
performance metal de l’année», les Suédois continuent leur conquête
planétaire. Leur audacieux et inédit mélange de pop, de chant
grégorien, de metal et de rock progressif fait mouche sur les huit
compos d’un disque qui élève l’âme et rend joyeux, à l’image de «He
is», hymne divin. Un comble pour un groupe à l’imagerie tout sauf
tramelote.
MANU «La vérité» (2015)
Le bassiste de Dolly décédait brutalement sur la route en 2005. Le
groupe rock nantais ne s’en remettra jamais. Emmanuelle Monet, dite
«Manu», réapparaît à la lumière par intermittence. Sa voix cristalline
surfe sur une imposante vague de guitares brutes, comme au bon
vieux temps de «Je n’veux pas rester sage». La poésie est toujours là,
l’énergie aussi. Un disque bon comme «Un baiser dans le cou».
MOTÖRHEAD «Bad magic» (2015)
Emporté à 70 ans par une «mauvaise magie», Ian «Lemmy» Kilmister
laisse un vide béant. Un trou noir dans la galaxie rock. Ce 22e et ultime
effort, porté à bout de souffle pour fêter les 40 ans du trio, résume ce
qui faisait la puissance et l’originalité de Motörhead: un mélange sans
compromis de rock, de blues, de punk et de metal. Cher Lem’, tu
laisses une horde de fans inconsolables qui se raccrochent à ta
philosophie: «Born to lose, live to win». Merci pour tout.}