Les jeunes agents territoriaux, relations et motivations au travail

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Les jeunes agents territoriaux, relations et motivations au travail
N° 15 septembre 2015
LES CAHIERS de
Perspectives territoriales
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Les jeunes agents territoriaux,
relations et motivations au travail
L’auteur de cette étude et les personnes citées sont seuls responsables des opinions
exprimées dans ce Cahier. L’étude a été réalisée à la demande de l’Observatoire
social territorial de la MNT. Ces opinions ne reflètent pas nécessairement les vues
des commanditaires, mais ont pour objet de nourrir un débat jugé nécessaire par
l’Observatoire, illustré par le débat reproduit dans cette publication.
2
Les jeunes agents territoriaux,
relations et motivations au travail
Étude réalisée par Anne GRILLON
Pour l’Observatoire social territorial
de la Mutuelle Nationale Territoriale (MNT)
Septembre 2015
3
4
SOMMAIRE
« Les jeunes agents territoriaux, une nouvelle génération d’agents pour de
« nouvelles collectivités » ? », par Jean-René MOREAU ........................ 7
Introduction ..................................................................................... 9
1re partie : le parcours d’entrée des jeunes dans les collectivités
territoriales .................................................................................... 15
A. D’un choix par défaut à une réelle motivation
pour le service public ................................................................ 15
1. Une fonction publique territoriale encore méconnue du grand
public ................................................................................. 15
2. Le choix d’un emploi stable dans un environnement instable .... 17
3. Le choix d’un métier s’exerçant principalement
dans la Territoriale ................................................................ 18
4. La proximité géographique, un facteur plutôt secondaire ? ....... 19
B. Un accompagnement RH des jeunes agents peu différencié ........... 20
1. Des politiques RH encore peu formalisées et égalitaires ........... 20
2. Un recrutement davantage orienté vers les compétences .......... 23
3. Un dispositif d’accueil des nouveaux agents devenu
incontournable ..................................................................... 26
4. Une gestion des compétences très attendue ............................ 27
5. Des souhaits d’évolution marqués .......................................... 31
6. Une politique de communication interne insuffisamment
développée .......................................................................... 32
7. Des prestations sociales méconnues et un accompagnement
social peu sollicité ................................................................ 34
2e partie : comprendre et prendre en compte les caractéristiques et les
attentes des jeunes agents ............................................................... 39
A. Les atouts de la FPT ................................................................... 39
1. Leur relation au travail et la place centrale du sens au travail ... 39
2. La maîtrise du temps ............................................................ 43
B. Les sources d’insatisfaction ......................................................... 46
1. L’écart entre le discours sur les valeurs affichées
et les pratiques .................................................................... 46
2. Le niveau de rémunération .................................................... 47
5
C. Leur regard sur les acteurs de la collectivité .................................. 50
1. La relation avec les usagers ................................................... 50
2. La relation avec les élus ........................................................ 51
3. Les relations avec la DRH ..................................................... 52
4. Le rapport à la hiérarchie et au management ........................... 54
5. La relation avec les représentants du personnel : un gouffre entre
les jeunes agents et les organisations syndicales ..................... 58
3e partie : les jeunes agents, un levier pour la transformation
des collectivités .............................................................................. 63
Les atouts des jeunes agents ........................................................... 63
Axe 1 - La marque employeur pour devenir « un employeur de choix »... 64
Axe 2 - Engager de nouveaux modes de fonctionnement ..................... 66
Axe 3 - La politique managériale ...................................................... 68
Axe 4 - La gestion du temps ............................................................ 70
Axe 5 - Apporter des perspectives aux agents .................................... 72
Axe 6 - Développer une politique d’accueil et d’intégration
des nouveaux agents ............................................................. 74
Synthèse de l’étude ........................................................................ 77
4e partie : Atelier de l’Observatoire social territorial ............................ 83
A. Participants à l’atelier du 10 mars 2015 ...................................... 83
B. Présentation de l’étude ............................................................... 84
C. Débat ....................................................................................... 98
Bibliographie ................................................................................ 107
Conseil scientifique et Conseil d’orientation .................................... 109
Cahiers déjà parus ........................................................................ 113
6
S
AVANT-PROPO
Les jeunes agents territoriaux, une nouvelle génération
d’agents pour de « nouvelles collectivités » ?
Le comité jeunes de la Mutuelle Nationale Territoriale, à l’initiative
de Mathieu FORTIN son président, a confié à l’Observatoire social
territorial le soin de proposer un travail sur la thématique des
jeunes agents territoriaux. Les enjeux sont importants puisque,
trois actifs sur dix prendront leur retraite d’ici cinq ans.
Y a-t-il une spécificité de cette population jeune au regard du reste
de la population territoriale ?
Représentent-ils une facette de cette fameuse « génération Y », décrite et si souvent
caricaturée comme étant notamment de jeunes égoïstes ? ou, au contraire, accordentils, à la notion de service public local le même sens que leurs aînés : l’importance
d’exercer un métier au service d’une population ? Nous pourrions ainsi penser que cet
engagement serve d’autres « causes » (militantisme associatif, syndical, mutualiste…).
Force est de constater, à de rares exceptions, qu’un jeune, au sortir de sa formation, est
avant tout préoccupé de trouver un emploi, peu importe que celui-ci soit en collectivité
ou dans le secteur privé.
Pourtant, une fois en poste, les jeunes agents se disent souvent heureux, parfois
« fiers » de travailler pour les autres. Comme si, la notion de service public local leur
était devenue très vite familière.
Néanmoins les jeunes territoriaux, parce que c’est une génération souvent
connectée, qui implique une vision du monde professionnel différente, souffrent parfois
de frustrations, voire de démotivation, au sein des collectivités.
Quelques constats :
• les jeunes territoriaux ne parlent plus désormais de « carrières » mais de « parcours professionnels » ;
• ils souhaitent aussi plus de transversalité, que ce soient avec leurs élus ou
encore avec leurs managers ;
• ils désirent ensuite une nouvelle articulation entre temps professionnel et
temps personnel.
Anne GRILLON, l’auteur de cette étude, a pu faire de nombreuses préconisations,
essentielles pour une meilleure intégration de ces jeunes : c’est en effet le devenir du
fonctionnement de nos collectivités en profonde transformation qui est en jeu.
« La jeunesse elle-même, pourvu qu'on lui fasse confiance, atteint, avant qu'on s'en
soit aperçu, le niveau des hommes faits. » - Goethe
Jean-René MOREAU
Président de l’OST
Directeur Master 2 Administration publique-gestion
des collectivités locales à l’UPEC
7
8
N
INTRODUCTIO
Cette nouvelle étude qualitative de l’Observatoire social territorial (OST) répond
à une préoccupation de la MNT et en particulier à une démarche des jeunes
militants du comité jeunes de la MNT, représentant des jeunes adhérents de la
mutuelle, initiée sous la présidence de Mathieu FORTIN.
Son ambition est de mieux comprendre et de faire connaître les motivations
des jeunes agents, leur perception du service public local ainsi que les
problématiques sociales et professionnelles qu’ils rencontrent, afin de mieux y
répondre et de leur faire une place à part entière.
Un contexte national de tension et de
transformations
Au niveau national, le chômage de masse touche particulièrement les jeunes et
parmi eux les moins qualifiés. Chaque année, 140 000 jeunes sortent du système
scolaire sans qualification équivalente au baccalauréat, au CAP ou au BEP1.
Depuis 20 ans, les technologies numériques de l’information et de la communication
ont apporté des transformations majeures : Internet, travail numérique, abondance
de l’information, réseaux sociaux… Leur influence sur le travail et sur son contenu
même est perceptible. L’automatisation des activités, de nouvelles formes
d’organisation, la place du réseau, la flexibilité et la dématérialisation modifient la
relation au travail, les modes de fonctionnement et les relations internes.
Au niveau territorial, les 1,95 millions d’agents2 sont nécessairement concernés
par ces évolutions, au regard de leurs conséquences sur la gestion des ressources
humaines et sur les pratiques managériales.
En outre, les collectivités doivent faire face aux changements et aux incertitudes
provoqués par la réforme territoriale et par la baisse de la dotation globale de
fonctionnement. Dotées d’un système managérial que certains jugent à bout de
souffle, elles recherchent de nouveaux modes de fonctionnement, mais peinent
à trouver une nouvelle voie qui ne serait pas celle du privé tout en s’en inspirant.
1
2
www.gouvernement.fr sur le décrochage scolaire
INSEE, avril 2015
9
L’arrivée d’une nouvelle génération
Les jeunes agents sont encore très minoritaires dans les collectivités. Mais une
nouvelle génération émerge, à l’image des nouveaux élus depuis 2014, plus jeunes,
ainsi que des dirigeants (comme à la région Pays de la Loire, à l’agglomération de
Cergy-Pontoise, Cergy, Plaine-Commune, Roubaix…).
Particulièrement scrutés, analysés, presque décortiqués, les jeunes font l’objet
d’une littérature abondante et contradictoire. Selon l’image véhiculée, stéréotypée
et simplifiée, cette génération serait individualiste, peu motivée, peu disponible et
d’une loyauté incertaine vis-à-vis de son employeur.
Nombre d’ouvrages et d’articles en font ainsi une catégorie à part entière. Ils
mettent en valeur les différences entre les générations Y (nés entre 1980 et 1994),
X (nés entre 1965 et 1979) et baby-boomers (nés entre 1946 et 1964), et livrent
des recettes managériales plus ou moins pertinentes.
Toutefois, les experts et les chercheurs prennent du recul : ils considèrent
désormais que cette génération ne fait que porter et amplifier ce qui constitue un
mouvement de fond. Des marqueurs générationnels sont identifiés, tout en n’étant
pas les mêmes, comme l’illustrent les deux ouvrages mentionnés par la suite. D’une
part, Yves PICHAULT3, professeur à HEC-ULG, a testé les spécificités supposées
de la génération Y sans pour autant identifier de différences significatives. Il
concède qu’ils mettent davantage l’accent « sur le besoin de changer régulièrement
d’environnement, tout en estimant que ce n’est pas une génération Y mais une
société Y ». D’autre part, les auteurs de La génération Y dans l’entreprise4 remettent
également en question ces stéréotypes sur la relation au travail. Selon eux, la
reconnaissance serait le principal facteur différenciant les jeunes des moins jeunes.
Un défi à relever : adapter les organisations
Les départs en retraite massifs prévus pour les années 2005-2010 ont été stoppés
net par les réformes successives sur la durée du travail réduisant à néant les
prévisions de gestion des effectifs. Les baby-boomers sont néanmoins sur le point
de partir. Selon les prévisions de l’INSEE, huit millions d’actifs vont cesser leurs
activités d’ici 2020, dont un quart d’agents de la FPT.
Ce mouvement peut être une opportunité pour des collectivités, sous contrainte de
repenser leur schéma organisationnel et d’engager de nouvelles pratiques. Cellesci impliquent la prise en compte de la demande des agents, toutes générations
confondues, de plus d’autonomie, de responsabilités et du respect de l’articulation
entre vie privée et vie professionnelle.
Yves PICHAULT, Pour en finir avec la génération Y, étude d’une représentation managériale,
2014
4
Chantal MORLEY, Maria BIA FIGUEIREDO, Emmanuel BAUDOUIN, Aline SALIERNO PIERSON,
La génération Y dans l’entreprise, 2012
3
10
Les jeunes de moins de 30 ans dans les
collectivités territoriales en quelques chiffres
significatifs5
Parmi les agents territoriaux, 11,3 % seulement ont moins de 30 ans.
Répartition par filière
Répartition par catégorie
27 %
3,4 %
Catégorie A
7,3 %
Catégorie B
4,7 %
10 %
33 %
12 %
12 %
Catégorie C
12 %
9%
9%
13 %
14 % 12 %
Administrative
Animation
Culturelle
Médico-sociale
Médico-technique
Sportive
Technique
Sécurité-Police
municipale
Sociale
Hors filière
(emplois de cabinet)
Filière indéterminée
Répartition par niveau de rémunération
Répartition par diplôme
8,7 %
30,4 %
Salaire net mensuel moyen
des agents titulaires
Montant
Catégorie A
2 183 €
Catégorie B
1 766 €
Catégorie C
1 520 €
Sans diplôme
32,2 %
Diplôme inférieur
au baccalauréat
Diplômés
du baccalauréat
Diplômés de
l’enseignement supérieur
28,7 %
Méthodologie
Nous avons fait le choix d’une étude qualitative réalisée à partir d’entretiens,
individuels et collectifs, de jeunes agents et de professionnels en mesure d’apporter
leurs propres observations (médecins de prévention, assistantes sociales, syndicats).
L’étude se base sur des entretiens semi-directifs avec 25 jeunes territoriaux de 18
à 35 ans réunis en trois groupes de sept à dix agents, des entretiens individuels
avec cinq jeunes militants mutualistes du comité jeunes de la MNT, et sur le suivi
par l’ensemble des onze membres du comité jeunes du lancement de l’étude à sa
conclusion.
Deux terrains d’étude complémentaires ont été sélectionnés pour couvrir une zone
à forte densité en termes de population et d’emploi, et une zone moins dense :
• L’Île-de-France, principal bassin d’emploi fortement peuplé et urbanisé compte
un tiers des Français de moins de 25 ans selon l’INSEE.
5
Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, édition 2014 de la DGAFP, ministère de la
Décentralisation et de la Fonction publique, 2014
11
Les jeunes agents rencontrés travaillent en Seine-Saint-Denis (26 % de la
population6), Essonne (20,3 % de la population) et à Paris. Deux réunions de
groupe de neuf et sept agents ont été organisées, complétées par deux entretiens
individuels avec un cadre A du conseil régional et une assistante sociale pour varier
les profils et compléter l’échantillon sur les quatre niveaux de collectivités.
• La Bretagne, région plus rurale et moins peuplée, avec 17,5 % de jeunes de
moins de 30 ans : entretien collectif avec sept agents. Réunir pour un entretien
collectif des agents de métiers variés, issus de commune, communauté de
communes, département et région a d’ailleurs nécessité le concours d’une
société spécialisée.
Au total 26 agents territoriaux de toutes catégories (A, B et C), issus des quatre
niveaux de collectivités, ont témoigné de leur expérience. Ils se sont exprimés avec
une grande liberté et ont fait part de leur satisfaction d’être sollicités et écoutés.
Ces agents exercent des métiers dans des secteurs diversifiés : accueil, études,
fonctions support, technique, social, animation, restauration… Tous se situent dans
la tranche d’âge 18-35 ans. Traditionnellement les études et les enquêtes sur ce
sujet portent sur les moins de 30 ans. L’âge moyen d’arrivée dans une collectivité,
en particulier l’âge moyen de la titularisation est supérieur à 30 ans, après une
expérience professionnelle dans le secteur privé ou en tant que non titulaire. Aussi,
la MNT a souhaité élargir la cible et la problématique aux nouveaux arrivants.
Par ailleurs, les membres du comité jeunes ont été étroitement associés à travers
des échanges réguliers lors de points d’étape et de validations intermédiaires
leur permettant de confirmer tant l’analyse que les pistes proposées. Agents en
collectivités sur tout le territoire, ils représentent tous les territoires d’outre-mer et
le territoire métropolitain.
Répartition des jeunes agents par catégorie et par genre
Collectivités/
catégories
Catégorie A
12
1F
EPCI
Conseil
départemental
et SDIS
2F
-
Conseil
régional
1H
Total
4
Catégorie B
2F
-
2F3H
-
7
Catégorie C
6F2H
3F3H
-
1F
14
11
8
5
2
26
Total
6
Commune
Chiffres INSEE
Nous avons souhaité élargir la réflexion en intégrant la vision de professionnels
territoriaux :
• 10 DRH
• 2 médecins de prévention
• 2 assistants sociaux
Selon les disponibilités et afin de maintenir la représentation des quatre niveaux de
collectivités et les deux types de terrain, les entretiens avec les DRH ont été élargis
à la région Rhône-Alpes d’une part et aux Pays de la Loire d’autre part.
Les représentants de trois organisations syndicales ont également été rencontrés :
Sylvie GUINAND, secrétaire fédérale CGT services publics, Christine MARCHETTI,
secrétaire nationale, responsable syndicalisation de la fédération interco CFDT et
Ange HELMRICH, secrétaire général de l’union régionale UNSA Territoriaux du
Languedoc-Roussillon.
Répartition des 40 entretiens entre les collectivités
Collectivités/Profils
Jeunes
Commune
11
Ville
et EPCI
-
EPCI
8
Conseil
départemental
5
Conseil
régional
Total
2
26
(dont 1 agent
du SDIS)
DRH
Médecins
et assistants sociaux
Total
3
1
1
-
2
-
2
2
2
1
10
4
15
1
10
9
5
40
Les groupes de jeunes agents étaient majoritairement féminins, à l’image de la FPT,
avec 16 femmes (F) et 8 hommes (H).
Les entretiens ont débuté en avril 2014 et ont été achevés en janvier 2015 en
raison des difficultés rencontrées pour mobiliser tant les DRH sur le sujet des
jeunes que les jeunes eux-mêmes.
40 personnes au total ont ainsi participé à ces échanges. Malgré des différences
de positionnement, d’âge et d’expérience, des réflexions communes émergent
indiscutablement. La première partie s’attache principalement à décrire les
pratiques RH mises en œuvre avant et après le recrutement des jeunes agents.
La deuxième identifie leurs caractéristiques et leurs attentes. Ce travail d’analyse
permet de proposer, dans un troisième temps, six pistes d’action.
« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années. »
(Pierre Corneille)
13
14
S D’ENTRÉE S
R
U
O
C
R
A
P
E
L
1RE PARTIE : DANS LES COLLECTIVITÉ
DES JEUNES S
TERRITORIALE
A. D’un choix par défaut à une réelle motivation pour
le service public
1. Une fonction publique territoriale encore méconnue du
grand public
Selon les DRH, la méconnaissance de la FPT et de ses métiers
L’un des jeunes agents d’une commune d’Île-de-France de 50
confirme : « Quand on ne travaille pas dans une collectivité,
percevoir ses missions. Malgré des efforts de communication, ça
reste importante.
000 habitants le
c’est difficile de
reste flou. »
Des manifestations sont pourtant organisées, plus particulièrement à l’intention des
jeunes. Au niveau national, le salon de l’emploi public est le plus emblématique.
Au niveau local, des forums de l’emploi sont pris en charge par les collectivités
territoriales elles-mêmes et par leurs centres de gestion (CDG).
Le secteur privé et ses métiers sont mieux connus des étudiants comme, plus
largement, des demandeurs d’emploi. Trois raisons principales expliquent cette
situation :
• des relations plus soutenues entre les entreprises et le monde de l’enseignement
(écoles et universités) ;
• l’absence de concours, même si en 2011, bien que les recrutements directs
soient en hausse, une arrivée sur deux sur les emplois permanents dans la FPT
est un agent non titulaire7 ;
• des entreprises plus offensives et plus présentes auprès des étudiants, y compris
lorsqu’elles ne recrutent pas. À titre d’exemple, Renault, malgré son faible taux
d’embauche, soigne son image auprès des jeunes afin de rester un employeur
attractif.
Néanmoins, la méfiance des jeunes agents rencontrés est perceptible vis-à-vis des
entreprises. Celles-ci sont soupçonnées, parfois même accusées, de favoriser un
management par les chiffres dans le seul but de maximiser le profit. « Dans le
privé, les intérêts commerciaux dominent, il faut vendre à tout prix. Je cherchais
la diversité et ne plus travailler pour une entreprise qui pense essentiellement au
chiffre ; c’est important de servir la population », estime un technicien informatique d’un conseil départemental situé en Bretagne. Travailler dans le secteur privé
7
Bulletin d'information statistique, DGCL, n° 93, janvier 2013.
15
suscite aussi, telle une épée de Damoclès, de l’inquiétude chez des agents en
quête de sécurité : « Dans la fonction publique, on conserve un travail jusqu’à la
retraite », apprécie cet agent de catégorie C dans une communauté d’agglomération
d’Île-de-France. Pour les auteurs de l’ouvrage Et la confiance, bordel8, en France,
la sécurité est une dimension-clé partagée par tous les jeunes actifs, quel que soit
leur secteur d’activité.
La fonction publique d’État, quant à elle, n’est guère plus attractive. Elle semble
peu dynamique, et ses métiers, en raison de leur éloignement des citoyens, moins
intéressants. Un agent en témoigne : « J’y réfléchirais à deux fois avant d’intégrer la
FPE, leurs métiers ne sont pas attractifs, les fonctionnements plus lourds. La FPT
fait preuve de davantage de réactivité et de dynamisme. » Son collègue confirme :
« Je pense que la Territoriale est plus dynamique que l’État » (catégorie C et catégorie B, communauté d’agglomération de plus de 100 000 habitants d’Île-de-France).
La FPT n’est pas non plus un employeur de choix malgré la diversité de ses métiers,
son rôle majeur dans la délivrance de prestations à un large public et une politique
de communication plus soutenue ces dernières années. Tant en Île-de-France qu’en
région, la vision des agents majoritairement de catégories B et C, alors qu’ils étaient
candidats, n’est pas très flatteuse : « j’imaginais des personnes qui restaient à
leur poste » ; « moi, je ne faisais pas la différence entre la Territoriale et l’État et
je voyais ça assez poussiéreux » ; « moi, j’avais des préjugés : je pensais que cela
fonctionnait au ralenti, avec des gens qui regardent leur montre une heure avant la
fin de la journée » ; ou encore : « ce qui donne cette image sclérosée de la fonction
publique, c’est que si quelqu’un ne fait rien, il n’y aura pas de sanction… »
Pour les plus nombreux dans notre échantillon, intégrer la FPT lors de leur
recherche d’un emploi constituait un choix par défaut, les autres minoritaires et
diplômés ayant fait le choix d’une carrière. Les premiers y entrent le plus souvent
par le hasard d’une annonce ou d’une rencontre. Les seconds passent un concours
correspondant en principe à la fois à leur niveau d’études et à leurs souhaits en
termes de métier.
Pourtant, une fois en poste, les jeunes agents se disent souvent heureux, parfois
même fiers, de travailler pour les autres et de « servir à quelque chose ». Un
technicien informatique d’un conseil départemental de Bretagne en témoigne : « Je
suis épanoui dans mon poste, avec des activités très polyvalentes. Je ne cherchais
pas une planque. C’est très intéressant, on peut aller dans tous les services,
c’est dans l’intérêt de la collectivité de faire en sorte que tout fonctionne. » La
représentante de la CGT confirme cette implication : « On est surpris par leur envie
de travailler quelles que soient les conditions. Ils acceptent des contraintes et des
conditions de travail difficiles, par exemple en cuisine. Ce sont des agents motivés,
passionnés par ce qu’ils font et fiers d’être fonctionnaires. »
8
16
Publication de l’Institut Montaigne et de Financi’ELLES, 2014
Les facteurs d’attractivité des collectivités sont variés : situation géographique
pour les agents de catégorie B et C rencontrés, type de collectivité et projets de
développement du territoire plutôt pour les catégories A.
À titre d’exemple, deux collectivités dont les DRH ont été sollicités sont attractives
pour des raisons très différentes. La région Rhône-Alpes bénéficie de sa situation
géographique (ville de Lyon, proximité des Alpes) et de sa qualité de vie. Le
département de Seine-Saint-Denis lui, en raison de son contexte social, suscite une
forme de « vocation militante ». L’attractivité d’une organisation s’apprécie, certes,
lors du recrutement, mais aussi dans la durée. Nombre de collectivités, comme des
entreprises, peinent à fidéliser certains métiers ; plus encore si elles se situent à
proximité de structures plus attractives.
Enfin, la crise économique est porteuse pour le recrutement des cadres. Selon la
DRH d’un conseil régional : « La crise permet le recrutement de collaborateurs qui
ne se seraient pas intéressés aux collectivités dans un contexte économique plus
favorable. »
2. Le choix d’un emploi stable dans un environnement
instable
Selon une enquête sur les entreprises préférées des étudiants en management et
des ingénieurs9, les premiers plébiscitent la Commission européenne en 3e place
et les seconds le CNRS en 8e place : « Le secteur public attire surtout en temps de
crise. Dans ce contexte, un emploi sûr est plus attractif. » De même, l’aspiration
des jeunes à la sécurité explique d’ailleurs le regain d’intérêt des jeunes diplômés
pour le secteur bancaire, car la majorité des embauches se font en contrat à durée
indéterminée (CDI).
Une étude de 201210 indiquait que les jeunes préfèrent les grandes entreprises
(69 %) aux PME (31 %), et le secteur privé (59 %) au secteur public (49 %).
Néanmoins, la crise tend à inverser progressivement les priorités : en 2009, les
jeunes Français positionnaient la stabilité de l’emploi en 8e position, elle devenait
n° 1 en 2012.
Pour un jeune chômeur, avec ou sans diplôme, la FPT est bien un employeur comme
un autre. Son principal atout est la garantie de l’emploi11, les autres facteurs
d’engagement restent secondaires : intérêt des métiers, évolution de carrière...
Selon le représentant de l’UNSA : « Un jeune ne viendra pas de lui-même dans la
Territoriale. »
Certains jeunes rencontrés ont intégré la Territoriale après une première expérience
dans le privé : contrats à durée déterminée ou missions d’intérim et, souvent,
une période de chômage. Le recrutement à la suite d’un remplacement semble
« Palmarès Top Employeurs », Institut Trendence, L’Étudiant, 2014
Les jeunes et le travail, Cegos, 2012
11
Enquête Ipsos/logica Business Consulting, 2012
9
10
17
également fréquent. De ce fait, l’âge d’entrée se situerait autour de 32-33 ans.
Conclure un contrat à durée déterminée semble aujourd’hui plus compliqué
qu’hier. Les remplacements sont contenus autant que possible, malgré des arrêts
de travail fréquents (taux d’absentéisme de 8,7 % selon Sofaxis en 2013). Enfin,
la succession de contrats dans l’attente de la réussite à un concours est vécue
douloureusement par des jeunes en quête de stabilité professionnelle.
Le chômage est un spectre et une menace pour les jeunes agents. Un technicien
dans un conseil départemental de Bretagne en témoigne : « Pour ma part, avoir
un travail quel qu’il soit, rapporter l’argent le soir, que ce soit privé, public ou en
intérim, je prenais tout. » Les DRH sont conscients de la valeur d’un emploi pour
les agents, plus encore sur certains territoires tels que la Seine-Saint-Denis, où
24 % d’entre eux sont sans emploi, contre 19 % en Île-de-France12. Ils saluent leur
engagement : « Des jeunes bien impliqués dans ce qu’ils font, valorisés de travailler
en Seine-Saint-Denis, avec la volonté de s’intégrer dans le milieu du travail » ; « Les
jeunes sont en demande de travail avec la nécessité de prouver qu’ils sont aptes,
et s’inscrivent dans une démarche volontariste. » Les jeunes ne sont pas idéalisés,
la DRH d’une commune de plus de 100 000 habitants d’Île-de-France précise que
tous n’ont pas un état d’esprit si positif : « L’approche peut être alimentaire et la
facilité veut que l’on écrive à la mairie. Pourquoi passer le concours si l’on peut être
recruté par voie d’accès direct ? »
Enfin, le statut de titulaire participe à l’intégration dans la vie civile : relations avec
les banques pour obtenir un prêt immobilier ou avec les bailleurs pour louer un
logement. Cet avantage implicite considéré comme un privilège est très apprécié
des jeunes agents. Certains estiment d’ailleurs qu’ils n’auraient pu accéder à la
propriété sans ce statut.
3. Le choix d’un métier s’exerçant principalement
dans la Territoriale
Intégrer la FPT représente pour des jeunes diplômés la possibilité d’exercer
le métier qu’ils ont choisi et pour lequel ils ont suivi un cycle d’études ou des
formations longues : policier municipal, auxiliaire de puériculture, travailleur social,
animateur… La nature de l’activité est alors leur principal levier de motivation,
comme l’indique une assistante sociale dans un conseil départemental de
Bretagne : « Pour moi, clairement, j’ai fait le choix d’un métier. Je n’ai pas choisi la
fonction publique, le poste d’assistant de service social est un débouché évident. »
S’ils accordent de l’importance à leur métier, ils sont aussi ouverts, à moyen terme,
à d’autres perspectives. La majorité d’entre eux refuse d’être enfermée dans une
spécialité pendant la durée d’une vie professionnelle qui ne cesse de s’allonger.
Chiffres INSEE Ile-de-France, mai 2011
12
18
Des positionnements différents pour les cadres
Pour les cadres A rencontrés, le choix de la FPT est un choix délibéré. On parle
alors de motivation construite. Nombre d’entre eux auraient d’ailleurs pu également travailler dans le secteur privé et bénéficier de niveaux de rémunération
plus conséquents. À l’origine de leur engagement, ils mentionnent : le service
public, l’intérêt général, le développement des territoires…
Certains DRH distinguent, à ce titre, les non diplômés des diplômés de l’enseignement supérieur. Selon eux, les cadres A ont une forte appétence pour le
service public local et une capacité à se projeter.
D’autres, comme la DRH d’une commune de plus de 100 000 habitants
d’Île-de-France, apprécient les agents entrés par concours plutôt que ceux recrutés par voie directe : « Ce sont des gens qui travaillent, qui ont des notions,
ils ne sont pas là par hasard. Ils sont fiers d’avoir réussi un concours, ils n’ont
pas choisi la voie de la facilité. »
4. La proximité géographique, un facteur plutôt secondaire ?
Un emploi dans la FPT représente la possibilité de vivre et de travailler « au pays ».
Lors de nos entretiens, les agents n’ont pas particulièrement mis en valeur cette
dimension. La mobilité est un concept très relatif, l’un d’eux, technicien résidant
en Bretagne, s’est déclaré mobile « dans un périmètre de 50 kilomètres ».
La majorité d’entre eux semble avoir trouvé un emploi à proximité de leur domicile.
L’un d’eux est néanmoins venu en région parisienne pour son premier poste. Il est
revenu en Bretagne dès que l’opportunité s’est présentée. Le DRH d’une commune
de 60 000 habitants, difficile d’accès, donc peu attractive pour les cadres a pu recruter récemment un collaborateur souhaitant s’y réinstaller. Le retour au pays peut
constituer une opportunité de recruter et d’attirer des compétences dans certaines
collectivités. Ce même DRH a ainsi pu pourvoir deux postes : un poste d’auditeur
en organisation et un autre de professeur d’enseignement artistique.
Les cadres sont traditionnellement plus mobiles, une carrière ne pouvant s’envisager
aujourd’hui dans une même collectivité. Demain, sans changer d’employeur, ils
devront être plus mobiles en raison de territoires plus vastes. Le nomadisme, défini
comme toute forme de travail accompli ailleurs qu’au poste de travail habituel,
pourrait être une des nouvelles caractéristiques de l’activité des cadres. Selon le
blog « parlons RH » et le site « juriTravail », 70 % des cadres du secteur privé
travaillent aujourd’hui en dehors de l’entreprise.
Le représentant de l’UNSA fait part des craintes de délocalisation des agents en
raison de la réforme territoriale. À ce jour, il semblerait que les agents resteraient
majoritairement sur leur lieu de travail actuel. La fusion des régions et les mutualisations auraient peu d’impact.
19
B.Un accompagnement RH des jeunes agents peu
différencié
1. Des politiques RH encore peu formalisées et égalitaires
La formalisation de la politique de gestion des ressources humaines (GRH) est
fonction, d’une part, d’un contexte et, de l’autre, d’une stratégie construite pour
atteindre les objectifs fixés par les élus. Elle accompagne et soutient la mise en
œuvre de la stratégie, autrement dit, elle garantit sa faisabilité. Malgré de réelles
avancées dans de nombreuses collectivités, les DRH sont encore contraints de
se livrer à une sorte de bricolage en se référant à diverses notes, processus et
règlements. Dans ces conditions, la GRH ne fait pas toujours l’objet d’une réelle
concertation tant avec les managers qu’avec les partenaires sociaux et reste entre
les mains de la DRH.
Les jeunes agents ont fait part de leurs attentes13 de règles claires, lisibles et
accessibles en matière de politique RH, plus particulièrement sur les trois champs
suivants :
• la politique de rémunération : critères et modalités de versement du régime
indemnitaire ;
• la politique de développement des compétences et des parcours professionnels :
accès à la formation, modalités de changement de métier ;
• la politique de promotion et d’avancement.
Certains estiment être peu et mal informés. Comme le déplore un agent de
catégorie C d’une communauté d’agglomération de plus 100 000 habitants
d’Île-de-France : « Il y a des choses que l’on ne sait pas et d’autres que l’on a
apprises en formation d’intégration. Il manque un outil pour mieux connaître les
dispositifs RH tel qu’un guide d’accueil des nouveaux arrivants. »
a. Des dispositifs RH pas ou peu influencés par la classe d’âge 18-35 ans
Aucun des DRH interviewés n’a estimé nécessaire d’adapter les dispositifs RH aux
jeunes. Trois raisons sont avancées : pas de spécificités, l’égalité de traitement des
agents et pas de problèmes particuliers. Segmenter en fonction de l’âge a suscité
des réticences chez certains professionnels RH qui ne se reconnaissent pas dans
cette forme de catégorisation des agents. Au fil des entretiens, des particularités
ont été néanmoins naturellement identifiées. Les collectivités n’ont d’ailleurs
pas développé une gestion spécifique à cette classe d’âge malgré quelques rares
ajustements. Toutefois, à toute règle ses exceptions, les seniors en raison de leur
nombre et de leurs difficultés en font partie.
20
Développées dans la 2e partie
13
À titre d’exemple, le conseil départemental du Morbihan a réalisé une enquête
interne sur la qualité de vie au travail qui n’a pas permis de déceler de différences
ou d’attentes selon les tranches d’âge.
Les agents rencontrés n’ont pas fait part de demandes visant à adapter la GRH. En
revanche, ils sont très attentifs à leur employabilité qui peut être définie comme la
capacité d’un agent à conserver ou à obtenir un emploi, dans sa fonction ou dans
une autre fonction, à son niveau hiérarchique ou à un autre niveau.
Les grandes entreprises privées ont engagé des pratiques radicalement différentes.
Elles tiennent à être attractives pour d’abord attirer, puis fidéliser les talents :
politiques d’accueil diversifiées et structurées, actions visant à favoriser la
qualité de vie au travail, dont l’engagement au respect de l’articulation vie privée/
vie professionnelle, respect de la parité, perspectives de carrière à court terme,
politiques de rémunération stimulantes…
Les collectivités sont de plus en plus nombreuses aujourd’hui à accorder une
grande attention aux agents de plus de 50 ans, autrement dit aux seniors. Selon
la DRH d’un conseil régional : « Ils sont là et présentent des problèmes d’usure
professionnelle auxquels nous devons apporter des réponses. » En raison de
l’allongement de la durée de vie au travail et d’une double usure, physique et
psychologique, se traduisant par des arrêts de travail plus élevés, des actions
spécifiques aux seniors sont mises en œuvre.
Quelques DRH estiment néanmoins devoir faire preuve de davantage de vigilance
dans certains domaines. Le temps – dimension capitale – pourrait justifier une
évolution des pratiques aujourd’hui encadrées dans des règlements aux seules
dimensions juridiques. La gestion des compétences et plus particulièrement leur
employabilité est un autre point d’attention, au regard de leur sensibilité à cette
thématique.
Aujourd’hui, la contrainte budgétaire est une autre des dimensions à prendre en
considération dans la politique RH. Elle engage les collectivités à évaluer leurs
atouts et leurs faiblesses, afin de maintenir la mobilisation de leurs collaborateurs.
Des leviers jusqu’alors peu exploités pourraient être davantage valorisés : la
confiance, l’autonomie ou encore la responsabilisation.
b. Les emplois aidés
Les gouvernements successifs ont fortement sollicité les collectivités territoriales
pour favoriser l’insertion des jeunes et des moins jeunes : emplois jeunes, contrats
emploi solidarité, emplois d’avenir… Certains d’entre eux sont ensuite recrutés à
l’issue de leur contrat.
Deux ans après leur mise en place, 150 000 contrats dits emplois d’avenir ont été
signés dont 39 000 dans la FPT14. Les jeunes concernés ne sont pas diplômés et
Selon Jérémy BLAZQUEZ, directeur du projet emplois d'avenir au CNFPT, Blog pour l’emploi
Monster 2014
14
21
âgés de 18 à 25 ans, ils signent un CDD de trois ans. Les zones urbaines sensibles
bénéficient de dérogations en ayant la possibilité de recruter des diplômés.
La majorité des collectivités rencontrées ont recruté des emplois d’avenir de
manière plus ou moins importante, estimant qu’elles ont une responsabilité dans
l’emploi des jeunes. « On se doit de donner l’exemple », affirme la DRH d’une
communauté d’agglomération en Bretagne. L’orientation vers la jeunesse semble
plus marquée dans les territoires franciliens, confrontés à un taux de chômage des
jeunes plus important.
Les avis des DRH sont partagés mais plutôt positifs. En fin de compte, la DRH d’une
commune de plus de 90 000 habitants d’Île-de-France fait part de sa satisfaction :
« Nous avons recruté 20 emplois d’avenir, des agents formidables, d’autres avec des
problèmes de ponctualité. Certains ont une volonté à toute épreuve. Le dispositif
est mis en œuvre de manière très progressive, avec une sélection des plus motivés ;
nous n’avons pas remarqué de problèmes de comportement au travail. » Dans une
région, l’équipe RH est mobilisée malgré la difficulté de l’exercice : « On équilibre
entre les jeunes plus difficiles et les autres. On joue notre rôle, cela demande de
l’engagement. »
Des questions concrètes d’accompagnement se posent à des DRH débordés et
à leurs équipes. « Faute de temps disponible, comment les accompagner ? »,
s’inquiète le DRH d’un conseil régional. En ces temps de resserrement des marges
de manœuvre budgétaires, les emplois d’avenir peuvent renforcer le niveau des
effectifs de collectivités sous pression : « Un emploi jeune peut être engagé dans
l’attente de la décision de recruter. Les demandes de renfort avec un emploi d’avenir
peuvent être validées si elles ne sont pas pérennes. La collectivité s’engage à le
former, à l’aider et à l’accompagner, c’est donnant-donnant. »
À ce jour, les perspectives de recrutement des emplois d’avenir sont faibles.
Comme le précise le DRH d’un conseil départemental d’Île-de-France : « C’est
un tremplin, ils n’ont pas vocation à rester, ce n’est pas une porte d’entrée dans
notre collectivité sauf pour les métiers en tension. » La fin des contrats suscite
d’ailleurs des inquiétudes : « Ils représentent un investissement important des
services. Le problème, c’est la sortie du dispositif. Ils coûtent peu cher et les
services s’habituent aux agents. »
Deux autres dispositifs facilitent l’insertion des jeunes. Selon la ministre de la
Fonction publique, l’apprentissage est trop peu déployé, 11 000 apprentis
en 201215, malgré des métiers s’y prêtant : espaces verts, bâtiment ou encore
restauration. Les collectivités accueillent également régulièrement des élèves et
étudiants en stage pour une durée variant de quelques jours à plusieurs mois.
http://www.fonction-publique.gouv.fr/
15
22
2. Un recrutement davantage orienté vers les compétences
Dans un contexte de chômage de masse, à quelques exceptions près, les DRH des
collectivités estiment ne pas rencontrer de difficultés particulières pour recruter les
compétences dont elles ont besoin. Tant les candidatures spontanées que celles
en réponse à une annonce dans la presse sont nombreuses. Elles ne correspondent
néanmoins pas toujours au profil de poste. Ce constat incite des DRH à envisager
une évolution de leurs pratiques de recrutement et, comme nombre d’entreprises,
à regarder de près l’apport des réseaux sociaux.
La faible mobilité externe des agents n’incite pas le DRH d’un conseil régional à
privilégier le recrutement de jeunes : « Ils sont là pour 40 ans. » Les personnes
ayant une première expérience professionnelle rassurent les employeurs locaux sur
leur capacité à changer d’employeur.
Les jeunes agents estiment plus difficile d’intégrer la fonction publique aujourd’hui
qu’hier. Selon eux, les collectivités ne titularisaient plus aussi facilement pour
conserver des marges de manœuvre. La réforme territoriale, quoique amputée d’une
partie de ses dispositions, se traduira par une réduction des postes, notamment de
cadres, dans les prochaines années. Les départs en retraite pourraient néanmoins
rouvrir des perspectives.
a. Un recrutement plus sélectif
La phase de sélection est devenue une phase-clé pour les collectivités et
revendiquée comme telle par les DRH. Elles souhaitent privilégier un recrutement
par les compétences, alternative qualitative à une gestion des effectifs. L’époque
des recrutements sociaux semblerait aujourd’hui révolue. Les DRH aspirent, si
les élus le leur permettent, à sélectionner les futurs agents en fonction de leurs
compétences et de leur potentiel d’évolution, plutôt qu’en raison de leur proximité
avec la sphère politique ou au regard d’une situation sociale précaire. Les
organisations syndicales sont sur la même ligne de conduite. Si elles déplorent le
recrutement de surdiplômés par la voie du concours, elles sont aussi très critiques
concernant le recrutement direct, porte ouverte aux abus.
Le resserrement des marges de manœuvre budgétaires invite les collectivités à
évaluer plus finement leurs besoins en compétences, plutôt d’ailleurs qu’en
effectifs. Inavouables hier, certains propos sont devenus publics. « Il faut
rechercher la qualité et faire des priorités. En matière d’éducation et de culture,
on fera moins demain qu’hier », reconnaît le DRH d’une agglomération de plus de
90 000 habitants en Bretagne.
Le recrutement des managers fait l’objet d’une attention soutenue. Certaines
collectivités mettent en place des tests dans l’objectif de mieux mesurer leurs
compétences managériales.
23
b. La diversité en question
Selon ses détracteurs, le concours, en raison d’épreuves littéraires, n’assurerait
plus l’égalité d’accès aux emplois publics. Pour d’autres au contraire, ce type
d’épreuves est à maintenir, car elles garantissent la qualité des recrutements. Si le
concept de responsabilité sociale n’a pas encore toute sa place dans les politiques
RH des collectivités, deux de ses déclinaisons sont mieux intégrées. La diversité,
notamment la parité hommes-femmes, et le handicap font l’objet d’une attention
plus soutenue.
Certaines collectivités revendiquent leur exemplarité en matière de diversité,
d’autres y semblent moins sensibles. Les collectivités d’Île-de-France semblent
davantage mobilisées en raison d’un taux de migration le plus élevé pour les 18-29
ans16.
Quelques-unes, notamment les villes de Nantes et de Lyon, ont d’ailleurs obtenu
le label diversité délivré par l’Afnor17 valorisant la volonté politique des élus dans
leur lutte contre les discriminations et la promotion de la diversité. Cela permet à
la structure candidate, lors d’un diagnostic préalable, d’évaluer ses processus de
ressources humaines et de les modifier, le cas échéant, pour obtenir ce label.
Inscrit dans la loi depuis 2006, mais encore non généralisé faute de décrets
d’application, le CV anonyme est un moyen devant également permettre de réduire
les discriminations à l’embauche. « Le sujet fait toujours polémique », constate le
président de l’association nationale des DRH du privé (ANDRH), Jean-Christophe
SCIBERRAS. Deux collectivités sont plus particulièrement connues pour l’avoir mis
en œuvre : la région Aquitaine et le conseil départemental de l’Essonne. Selon son
ancien président, Jérôme GUEDJ, l’expérimentation semblait concluante. En effet,
d’après la comparaison des campagnes de recrutement engagées en 2012 et en
2014, les candidats au prénom discriminable ont respectivement 32 % de chances
supplémentaires de passer un entretien et 36 % d’être recrutés, par rapport à
201218.
La montée en puissance du recrutement par les réseaux sociaux, soit le contraire de
l’anonymat, risque néanmoins de remettre en cause un texte également contesté au
regard de ses lourdeurs administratives : coût et modalités pratiques. L’un de ses
promoteurs, l’ancien président d’Axa, Claude BEBEAR, aujourd’hui président de
l’Institut Montaigne, a pris de la distance face à cette mesure qu’il avait pourtant,
dans le passé, appelée de ses vœux.
c. Le déclassement
Un salarié est considéré en situation de déclassement lorsque son niveau de
qualification est supérieur à celui requis pour son poste de travail. Une récente
étude19 indique que le phénomène est plus développé dans le secteur public que
dans le privé. Il touche également les générations récentes compte tenu d’un
Insee
Association française de normalisation
Site du Dauphiné, consulté le 14/12/2014
19
Surqualification et sentiment de déclassement : public-privé, des profils et des opinions proches,
DGAFP et Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap), janvier 2015.
16
17
24
18
taux élevé de chômage des jeunes : « Ceux-ci ont la particularité, dans la fonction
publique, d’avoir plus fréquemment connu un épisode de chômage dans leurs
parcours antérieurs. »
Le déclassement est accepté en raison du système de la carrière permettant
d’envisager des perspectives d’évolution à moyen terme par le biais des concours.
Point positif de cette étude, il tend à diminuer avec l’ancienneté ; un reclassement
progressif s’opère donc dans le temps.
Les organisations syndicales déplorent un système généralisé de surdiplômés qui
ne date pas d’aujourd’hui et s’exerce au détriment des moins qualifiés. Ces derniers
ne peuvent faire face à la concurrence des diplômés. La représentante de la CGT
« regrette que l’accès à la FTP se fasse de plus en plus sur diplôme, ce qui
donne lieu à un phénomène de surqualification. Le concours ne peut plus être un
ascenseur social pour les non diplômés ». La représentante de la CFDT renchérit :
« Cela devient un problème ensuite pour tout le monde. Des surdiplômés occupent
des postes d’entretien. Nombre d’agents n’utilisent pas leurs compétences. »
Les DRH en mesurent bien les risques. Ils subissent la pression de managers rassurés
par les candidats diplômés, gages de compétences. La situation, acceptable pour
l’agent dans un premier temps, peut devenir une source de frustrations s’il n’occupe
pas un poste correspondant à son niveau d’étude. Le recrutement d’un diplôme par
voie directe ou par le biais d’un concours de catégorie B ou C est, aux yeux de
certains DRH de notre échantillon, une solution pouvant s’avérer hasardeuse à
moyen et long terme.
d. Les métiers en tension
Malgré un taux de chômage de 10 %, quelques métiers ne trouvent pas de candidats
ou alors au prix d’une recherche fastidieuse et coûteuse. Ce sont principalement
ceux de la filière médico-sociale : auxiliaires de puériculture, médecins, travailleurs
sociaux, éducateurs ou encore aides-soignantes… La pénurie de médecins de
médecine professionnelle et préventive se fait plus que jamais cruellement sentir,
certains postes restant vacants plus de deux ans. Les informaticiens – en raison de
la concurrence avec le secteur privé – et les profils financiers peuvent poser aussi
des difficultés dans certains territoires. Dans les intercommunalités, en recherche
de profils de techniciens spécialisés, la rémunération n’est pas à la hauteur de celle
proposée dans le secteur privé. Les collectivités entre elles ne sont pas non plus sur
un pied d’égalité, et parfois même en concurrence.
Elles semblent peu nombreuses à avoir engagé des dispositifs à la fois proactifs
et préventifs, sinon concernant la filière médico-sociale. Le conseil départemental
de Seine-Saint-Denis propose aux étudiants en médecine des contrats emploiformation subordonnés à un engagement d’une durée de trois ans. En interne,
les agents peuvent aussi bénéficier de bourses leur permettant de se former,
25
notamment, au métier d’auxiliaire de puériculture. L’apprentissage, dispositif-phare
au niveau régional, permet de pourvoir des postes de cuisiniers dans les lycées.
Des départs en retraite, plus ou moins importants selon les collectivités, se profilent
dans les prochaines années. Bien qu’ils ne suscitent pas d’inquiétudes particulières,
les DRH tiennent pourtant à communiquer sur leurs métiers et à valoriser leur
collectivité pour sécuriser leurs futurs recrutements. Le renouvellement des
effectifs est perçu comme une opportunité pour aborder différemment certaines
problématiques d’organisation du travail.
3. Un dispositif d’accueil des nouveaux agents devenu
incontournable
Ce dispositif fait l’objet d’une attention soutenue, bien qu’il ne soit pas encore
généralisé dans toutes les collectivités. Il est parfois réduit à sa plus simple
expression, à savoir une réunion d’accueil des nouveaux arrivants, parfois organisée
plusieurs mois après leur prise de fonction. « La qualité de l’insertion dans le
travail conditionne en partie la qualité du parcours professionnel », estime l’agence
nationale d’amélioration des conditions de travail (ANACT).
Un processus d’accueil structuré est un des facteurs-clés de réussite d’un nouveau
collaborateur, qui plus est s’il s’agit de son premier poste. On considère qu’un agent
est intégré à partir du moment où il est en mesure de se situer dans l’organisation,
notamment avec la connaissance du périmètre de son poste et par rapport aux autres
collaborateurs. Contrairement aux pratiques engagées par de grandes entreprises,
les collectivités n’ont pas systématiquement formalisé un dispositif spécifique à
l’intention des jeunes agents.
Le rôle des DRH est de formaliser, structurer, faire évoluer le dispositif d’accueil
et évaluer sa valeur ajoutée. Les organisations syndicales partagent cette analyse.
Pour la représentante de la CFDT, « toute nouvelle personne a besoin d’un accueil
minimal, de repères et de références. Un socle commun est nécessaire, cela
semble évident. Dans les collectivités qui ne font rien, une vraie réflexion est à
engager autour des nouveaux pour favoriser leur insertion dans les équipes. Il
s’agit de fournir des informations de base pour être acteur de sa situation et pour
comprendre le milieu de travail et ses modes de fonctionnement ». Comme les DRH,
elle distingue les « primo-recrutés » des autres agents, les premiers justifiant une
attention toute particulière au regard de leur méconnaissance du monde du travail
et de ses us et coutumes. Comme l’indique l’un des médecins de prévention d’un
conseil départemental d’Île-de-France : « Plus vulnérables aux dysfonctionnements
relationnels, les jeunes agents ne connaissent personne. Sans soutien, isolés, ils
sont plus sensibles et plus impliqués, car c’est le début de leur vie professionnelle,
une première expérience marque l’individu. »
Les dispositifs « de base » restent classiques : journée ou demi-journée d’information
en présence des élus, parfois même du maire ou du président, et de la direction
26
générale. Présentation des projets, informations relatives à la politique de GRH
avec remise, s’il est disponible, d’un livret d’accueil ou encore visite des sites
remarquables… Le service formation peut être associé en proposant des parcours
de formation, notamment aux agents s’engageant à passer un concours.
Quimper Communauté propose un parcours sur cinq jours plus complet dédié aux
cadres. Les projets du mandat y sont présentés ainsi que les politiques RH, la
gestion des finances et des marchés publics, la politique qualité… Invités à l’évaluer
en fin de séquence, les participants l’estiment très positif. Les non cadres ne sont
pas oubliés : une journée d’accueil est ainsi organisée en présence du maire et du
directeur général des services (DGS). Le conseil départemental du Morbihan est sur
une même ligne, avec un accueil spécifique des cadres. Des petits-déjeuners les
réunissent en présence du DGS et de la DRH. Un rapport d’étonnement est attendu
de ces agents.
Les DRH rencontrés souhaitent également prévenir rapidement les potentielles
difficultés, afin d’engager des actions de prévention. Pour la DRH d’un conseil
départemental de Bretagne : « Il ne faut pas se retrouver dans des situations de
décalage au niveau de compétences, faute d’avoir repéré des manques qui auraient
pu être comblés. L’environnement du poste est à prendre en compte : l’équipe et
ses spécificités – âge, sexe... » Les collectivités souhaitent s’inscrire dans la durée
en proposant des points de parcours ou des bilans permettant aux agents de se
projeter dans l’avenir.
Le conseil départemental de Seine-Saint-Denis organise une revue annuelle des
effectifs avec les directions : situations individuelles, formation, évaluation…
Au-delà des agents en phase d’intégration, elle permet néanmoins de « veiller »
plus particulièrement sur eux, et de prévenir les risques de décrochage. L’équipe
joue aussi un rôle important. Elle peut être en soutien ou, au contraire, isoler le
nouvel arrivant s’il ne s’inscrit pas dans ses pratiques habituelles.
Sans être nécessairement de nouveaux agents, les managers débutants peuvent
être intégrés dans un parcours spécifique afin de sécuriser leur prise de fonctions.
Les agents de catégorie C bénéficient de trois jours de formation d’intégration organisés par les INSET20. Des avis très positifs sont exprimés, tant de la part des
agents que des DRH interviewés. Ce n’est néanmoins pas suffisant pour permettre
à un agent de comprendre la culture de sa nouvelle collectivité. La majorité des
DRH rencontrés estime d’ailleurs que leur dispositif d’accueil est perfectible, tant
concernant la phase accueil, de nature plutôt informative, que le suivi de l’agent.
4. Une gestion des compétences très attendue
La FPT s’inscrit dans un processus de professionnalisation depuis plusieurs
années. Elle fait face à un besoin toujours plus élevé de compétences, en raison
des transformations et des exigences nouvelles du service public. Les contraintes
Institut national spécialisé d’études territoriales
20
27
budgétaires et les attentes des usagers – qualité, réactivité, disponibilité, coût
maîtrisé – l’invite à accorder une plus large place aux compétences.
a. Une gestion des compétences renouvelée pour un individu apprenant
Si la fonction publique d’hier pouvait se contenter de compétences incertaines, la
situation est différente aujourd’hui. Le Premier ministre lui-même l’a rappelé au
début de l’année 2015 : « La modernisation est nécessaire, le service public s’inscrit dans un principe d’adaptation permanente. » La FPT connaît, en outre, une
réforme nécessitant l’adhésion de ses agents et sollicitant leurs capacités d’adaptation. Enfin, les collectivités s’orientent désormais vers des fonctionnements plus
souples, plus flexibles, plus participatifs, favorisant des compétences telles que
l’autonomie, l’initiative, la créativité. Le DRH d’un conseil départemental d’Île-deFrance estime d’ailleurs que « les méthodes de travail changent ; il est nécessaire
de se former sans arrêt ».
D’après les DRH, un environnement de travail aux repères flous et mouvants
appelle de nouvelles capacités et compétences des agents, tant pour faire face
à leurs activités actuelles que pour se reconvertir ou évoluer le moment venu :
• des compétences relationnelles : travailler en transversalité, coopérer,
partager, communiquer ;
• des compétences numériques et informatiques : intégrer de nouveaux outils
parfois même les concevoir, se repérer sur Internet ;
• des compétences cognitives : apprendre, rechercher, trier et gérer
l’information.
Ces compétences impliquent, en amont, des savoirs de base, tels que la compréhension, l’expression écrite et orale et les mathématiques, plus solides
aujourd’hui qu’hier. Sont-ils aujourd’hui acquis ? Nombre de collectivités
constatent que certains jeunes ne les possèdent pas. Selon la DRH d’un conseil
régional : « Il y a des écarts entre les jeunes sans qualification et les autres, un
fossé plus important qu’il y a quelques années. De jeunes agents sont à la limite
de l’illettrisme, avec des lacunes en termes de compréhension. »
b. Des attentes fortes concernant le développement des compétences
Les discours managériaux des quinze dernières années sur les compétences et
l’employabilité semblent avoir porté leurs fruits. À l’aube de leur vie professionnelle, les agents redoutent déjà une obsolescence de leurs compétences et sont
pleinement conscients de la nécessité d’une mise à jour continue et renouvelée
de leurs connaissances. Leurs attentes sont fortes, parfois insatisfaites. Un agent
d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France estime que « des
améliorations sont attendues sur le champ des compétences. On est en attente
28
d’un accompagnement sur des formations intéressantes. On ne nous en propose
pas assez ». S’ils considèrent la compétence comme un capital, ils s’inscrivent
néanmoins dans une posture passive de demandeurs vis-à-vis de leur collectivité,
selon certains DRH rencontrés.
Les jeunes agents interrogés ont une vision très positive de la formation : « C’est
un enrichissement permettant de s’instruire et d’échanger. » Pour avoir connu
d’autres pratiques, un technicien dans un conseil départemental de Bretagne
apprécie les possibilités offertes par son employeur : « C’est une chance qu’on a
au conseil départemental. L’accès à la formation n’est pas le même dans toutes les
collectivités. » C’est aussi, pour ce même agent, un levier pour changer de métier :
« J’ai un DUT de mécanique et je suis actuellement dans le bâtiment, je suis
passé par l’urbanisme. C’est possible d’être formé pour acquérir des compétences
nouvelles. » S’ils reconnaissent et apprécient un accès relativement aisé aux
formations courtes, ils souhaitent qu’il en soit de même pour les formations
de longue durée. « II est difficile de partir et de se former, on n’a pas accès
au congé individuel de formation et on a l’impression d’être bloqué dans son
service », regrette une ATSEM21 dans une commune de plus de 50 000 habitants
d’Île-de-France.
En synthèse, les jeunes agents estiment que la formation répond à un triple objectif :
• elle sécurise face à une réglementation changeante et évolutive ;
• elle permet d’évoluer, de changer de métier et, en fin de compte, de sécuriser
son parcours professionnel ;
• elle permet enfin de s’enrichir.
Des nouvelles pratiques sont déployées, telles que les plans de formation intercommunaux permettant des échanges entre agents d’un même territoire. Aucun
des jeunes rencontrés n’a indiqué se former dans le cadre d’un tutorat ou avoir été
parrainé lors de son intégration. Cette modalité de transmission des compétences
ne semble pas être une pratique courante dans l’échantillon de notre étude.
La gestion des compétences permet aussi de motiver les équipes. Malgré des budgets de fonctionnement très tendus, les collectivités tentent de répondre autant que
possible aux demandes, y compris s’il s’agit de formations payantes (Saint-Denis).
C’est un sujet majeur de convergence entre la DRH et les jeunes agents. Les premiers estiment d’ailleurs être incités par les seconds à expérimenter et à diversifier
les modes d’apprentissage.
Pour les DRH rencontrés, les jeunes ne sont pas prioritaires dans les programmes
de formation. Ce sujet ne peut pourtant pas être négligé, notamment au regard de
ceux sortant du système scolaire sans qualification.
ATSEM : agent territorial spécialisé des écoles maternelles
21
29
c. Vers une gestion plus individualisée des compétences
Les collectivités tendent à abandonner leur vision de l’agent générique ayant les
mêmes aspirations et les mêmes besoins pour prendre chacun davantage en compte,
en fonction de ses particularités et de ses attentes. Les formations génériques
ne répondraient plus à leur niveau d’exigence. Selon le DRH d’une communauté
d’agglomération de plus de 90 000 habitants en Bretagne : « Les jeunes ont une
vision individuelle du projet, ils veulent plus de sur-mesure. »
Chaque agent est appelé à être un acteur de son parcours et de ses compétences.
La dynamique est lancée, mais risque de ne trouver écho qu’auprès des plus diplômés si le manager, censé être un développeur de compétences, ne s’implique pas
auprès de chacun. Le sujet est d’importance, tant pour les jeunes et les moins
jeunes que pour leurs employeurs.
d. La gestion des talents et des potentiels
Progressivement, les grandes collectivités rejoignent les pratiques du secteur
privé en construisant des dispositifs spécifiques à destination des cadres et, plus
largement, des talents. Les repérer est ainsi devenu un enjeu stratégique. L’objectif
est plus particulièrement de fidéliser ces jeunes tentés par une mobilité après trois
ou quatre ans dans la collectivité. Ces démarches sont plus ou moins formalisées,
plus ou moins affichées et s’accordent parfois difficilement avec les principes
d’égalité de gestion revendiqués par certaines collectivités.
Selon le DRH d’un conseil départemental d’Île-de-France leurs principaux apports
sont : « Leur capacité de travail, un esprit d’analyse et de synthèse, l’ouverture, un
regard neuf. » Ces jeunes sont aussi « désirables », car ils sont considérés comme
des leviers de changement dans des organisations au fonctionnement parfois encore
administratif et routinier.
Les deux exemples suivants montrent que le sujet peut être traité selon des modalités différentes :
•au conseil départemental de Seine-Saint-Denis, le DRH, conscient de la nécessité d’attirer et de fidéliser les cadres A, a imaginé un parcours à leur intention.
D’abord chargés de mission, ils peuvent être en deuxième ou troisième poste
nommés sur des postes de direction.
• Dans un conseil régional, des modalités différentes ont été retenues. Dans une
première phase, les potentiels ont été identifiés, soit 10 % des cadres. Des
postes « tremplin » leur sont proposés et leur permettent pendant deux ou trois
ans d’endosser des responsabilités les préparant à des fonctions de management supérieures. Un « contrat tripartite » est conclu entre l’agent, son manager
et la collectivité pour concrétiser cette mobilité. Pour le DRH le dispositif est
30
spécifique : « Ce n’est pas un objectif global, sinon, gare au déséquilibre ! Le
surrecrutement est un problème. Il faut procéder au juste recrutement, au bon
endroit pour une bonne adéquation profil/compétences. »
5. Des souhaits d’évolution marqués
Depuis sept ans, le baromètre Edenred/Ipsos pointe une forte attente des agents
concernant leur évolution professionnelle. Des perspectives peu concrètes ou
lointaines suscitent de la frustration, comme le confirme un agent technique d’une
communauté d’agglomération de plus de 100 000 habitants d’Île-de-France : « Je
pense qu’il faut voir autre chose, évoluer en interne, passer des concours » ; « on
manque de perspectives d’évolution, les concours sont difficiles ». C’est une alerte
bien comprise des DRH, sans que ceux-ci soient toutefois en mesure d’y répondre.
a. De la gestion de carrière aux parcours professionnels
Le statut propose un déroulement de carrière automatique pour chaque cadre
d'emploi, par le biais d’avancements d’échelons et de grades. Accueillie très
favorablement par les DRH, l’abolition des quotas statutaires fixés par les cadres
d’emploi a ouvert de nouvelles perspectives en favorisant une gestion davantage
en lien avec les activités et les compétences. Les critères d’avancement internes
font néanmoins encore une large place à l’ancienneté. La DRH d’un conseil
départemental de Bretagne le regrette : « Les avancements sont réservés aux agents
proches de la retraite au détriment des jeunes. C’est un choix politique lourd de
conséquences. » La suppression des quotas en accordant davantage de marges de
manœuvre facilite le déroulement de carrière. À chacune de fixer ses propres ratios.
Cela n’empêche pas de favoriser les plus âgés par le biais de critères favorisant
l’ancienneté.
Le principe de la carrière, sorte de contrat psychologique se traduisant par une
faible rémunération de départ contre une promesse d’avancement à long terme, ne
semble plus répondre aux attentes des jeunes agents. Ils privilégient une évolution
plus rapide. Au terme « carrière », ils substituent d’ailleurs « mobilité, parcours,
formation ». Ils redoutent à ce titre, les conséquences de la baisse du nombre de
postes, susceptible de freiner leur mobilité tant en interne qu’en externe.
Afin d’apporter une réponse à leurs attentes, les DRH se sont engagés, depuis
quelques années, dans la définition de parcours professionnels et de formation,
malgré les freins statutaires. Il s’agit de prévenir des risques tels que la démotivation,
l’usure ou l’obsolescence des compétences. Selon la DRH d’un conseil régional :
« Développer les parcours est nécessaire, on ne peut pas attendre que la personne
ait 45 ans pour l’inclure dans un projet professionnel. On recrute à 25 ans et dès
30 ans, les évolutions sont à étudier. Notre rôle est d’inciter les agents à s’interroger
sur leurs compétences et ce qui leur plaît, afin de les inscrire dans une posture de
réflexion quant à leur devenir professionnel. »
31
b. La mobilité interne, alternative à une faible mobilité externe
Sa valeur ajoutée est largement partagée : elle motive et fidélise, favorise la transversalité et les synergies entre services et, parfois même, valorise l’image de la
collectivité. De nombreuses collectivités ont structuré ce dispositif jusqu’à en faire
un pilier de leur politique RH. Le principe de la mobilité est bien accepté, les
jeunes agents avides de perspectives sont acquis à la cause. Leurs attentes vont
néanmoins au-delà d’un changement de poste pour se traduire par un changement
de métier.
Convaincus d’avoir dans le secteur public des perspectives plus nombreuses que
dans le privé, leur déception serait proportionnelle à leurs espoirs s’ils ne pouvaient
évoluer. Selon leurs DRH, leurs intentions de mobilité externe sont encore faibles.
Ce comportement est à rebours des discours des médias, selon lesquels les jeunes
seraient plus libres et plus mobiles et préféreraient un CDD à un CDI. Leur fort
besoin de sécurité les incite à ne pas changer d’employeur quand bien même ils
seraient insatisfaits. Deux jeunes agents d’une commune d’Île-de-France de plus
de 50 000 habitants regrettent cependant « de ne pas avoir le courage de partir pour découvrir d’autres environnements notamment le secteur privé, malgré la
chance de pouvoir bénéficier d’une disponibilité ».
6. Une politique de communication interne insuffisamment
développée
a. Un déficit de communication
Les 18-35 ans ont grandi dans une société dite de l’information marquée par
l’accès et le partage de l’information, la diversité des outils et un culte apparent
de la transparence. Si, dans leur vie personnelle, ils accèdent à une multiplicité
d’informations, ce n’est pas toujours le cas dans leur vie professionnelle. Les
collectivités cultivent encore un certain goût pour le secret, et les managers ont
des difficultés pour assurer leur rôle de relais et de décryptage de l’information :
« les informations ne passent pas toujours… » ; « aucune communication, on ne
sait pas », déplorent tous les agents rencontrés.
L’équipement informatique des services et des agents – ou plutôt leur
sous-équipement – est un autre frein. Les agents – jeunes et moins jeunes –
affectés dans des services extérieurs sont, en pratique, tenus à l’écart de la vie de
leur collectivité. Un cadre de la DRH d’une commune de plus de 50 000 habitants
d’Île-de-France constate que « s’il n’y a pas de poste informatique, c’est difficile
pour les RH de toucher les agents, l’information ne passe pas toujours. Cela ne
favorise pas la connaissance des évolutions et des projets ». Dans ces conditions,
leur sentiment d’appartenance est trop faible pour soutenir leur engagement.
L’actualité des collectivités, marquée par le changement, appelle pourtant une
communication plus soutenue. Les agents confrontés à un élargissement de leur
32
communauté d’agglomération de plus de 90 000 habitants d’Île-de-France ont fait
part de leurs inquiétudes : « On ne sait pas où on en est, on n’a pas d’infos de la
DRH. Comment va-t-on faire ? Où on va travailler ? C’est incertain. Les dirigeants ne
savent pas où on va. Qu’est-ce qui va se passer ? Quelle organisation ? Le devenir
des agents n’est pas réglé… » Ils attendent des informations de leurs dirigeants,
alors même que ces derniers sont eux aussi dans l’incertitude.
Conscients de ces insuffisances, les DRH tentent d’apporter des réponses, bien
que la mission communication interne ne leur soit pas nécessairement rattachée.
Au conseil départemental de la Manche, des modules de formation et des kits
de communication prêts à l’emploi sont proposés aux managers. À la ville de
Saint-Denis sont organisés des ateliers de communication interne associant tous
les agents, pour faire remonter leurs besoins, ainsi que des forums du personnel
permettant de partager les projets de l’administration.
Une information accessible est une revendication forte des jeunes agents.
b. Des technologies numériques de l’information et de la communication encore
peu utilisées
Depuis plusieurs années, les intranets et les portails sont fortement plébiscités par
les collectivités22 en raison de la richesse de leurs fonctionnalités. Ils permettent
théoriquement de s’informer en tout temps et en tous lieux. Ils ne sont pourtant
pas accessibles à tous les agents, comme le précise un cadre RH d’une commune
de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France: « La communication RH s’appuie
sur un intranet qui n’est pas accessible en raison du manque d’écrans. Plus de la
moitié des agents n’y vont jamais. » Les avis des agents rencontrés divergent selon
les collectivités. L’un d’eux estime que dans sa collectivité : « L’outil n’est pas
vivant, pas ergonomique et trop peu actualisé. » En revanche, pour une assistante
sociale d’un conseil départemental de Bretagne, l’intranet fonctionne de manière
satisfaisante : « C’est très riche, on a accès à toutes les informations relatives
aux RH. L’intranet est bien développé, on n’a pas besoin d’avoir un interlocuteur
physique car beaucoup de réponses y sont disponibles. »
Les réseaux numériques sont peu disponibles. Les avis des agents rencontrés sont
partagés. Certains adoptent le point de vue de quelques auteurs23 qui estiment que
leur utilisation est plutôt réservée aux besoins personnels. « Non, surtout pas, cela
pollue le travail », considère un adjoint administratif d’une commune de moins
de 10 000 habitants de Bretagne. « Je suis très mitigé, un Facebook interne ne
m’attire pas », estime un autre agent de catégorie C dans une commune de plus de
50 000 habitants d’Île-de-France. Sans un accompagnement (formation ou autre),
ils ne seront pas davantage présents que leurs aînés.
Toutefois, pour un agent administratif d’une communauté d’agglomération de plus
de 100 000 habitants d’Île-de-France, un réseau de ce type peut présenter des
Tendances et perspectives RH dans les collectivités territoriales, Sopra 2015
Op.cit.
22
23
33
avantages : « Un réseau numérique interne permet de créer du lien et des échanges
de pratiques, mais ne remplace pas les échanges en direct. Parler et se voir est
plus efficace » ; « Un profil professionnel ? Pourquoi pas ? Il permet un échange de
pratiques, et de décloisonner. » Dans un conseil départemental situé en Bretagne
une messagerie instantanée, un chat, est proposée mais peu utilisée comme le
remarque un technicien du bâtiment : « Je ne sais pas à quoi ça sert, car je l’éteins
quand mon ordinateur s’allume. »
Les avis sont plus consensuels concernant les communautés de pratiques, parfois
élargies aux partenaires externes, comme en témoigne l’assistante sociale d’un
conseil départemental de Bretagne : « Pour le logement social, ça existe ; un logiciel
est développé pour toutes les communes du département et les bailleurs sociaux
et, maintenant les circonscriptions. Nous avons des blocs-notes pour échanger avec
l’usager, pourquoi refuser ? C’est très intéressant. » Les outils ne se substituent
pas aux relations physiques : « Au niveau social, on est amené à se passer les
dossiers quand les gens déménagent, et on se déplace dans les circonscriptions,
on se rencontre physiquement, l’outil informatique, sur ce point, n’est pas du tout
opportun. »
Enfin, l’usage de la messagerie est jugé excessif par la majorité des jeunes
rencontrés. Un adjoint administratif d’une commune de moins de 10 000 habitants
en fait le constat : « Avec le mail, on se dit qu’on a passé l’information, on passe à
autre chose, mais on n’a pas eu de contact. Parfois, c’est excessif, notamment pour
contacter le collègue qui est à l’étage ! »
Le DRH d’une région indique avoir mis en place un groupe de travail sur la
messagerie afin de rappeler à chacun ses responsabilités dans le traitement de
l’information. Les règles doivent être précisées : appeler ou voir un collègue peut
être plus efficace qu’un mail, la pratique de la copie systématique est à proscrire…
ATOS, entreprise de service du numérique, s’était fixé un objectif de zéro mail en
valorisant l’utilisation des outils collaboratifs. Si, aujourd’hui, cet objectif n’est pas
atteint, l’entreprise compte toutefois 70 % de mails en moins et estime avoir réussi
son pari en gagnant en fluidité.
7. Des prestations sociales méconnues et un accompagnement
social peu sollicité
L’action sociale a pour objet l’amélioration des conditions de vie des agents et
de leurs familles. Elle se décline sous la forme de prestations individuelles et
collectives. Depuis plusieurs années, la politique d’action sociale, hier secondaire,
monte en puissance dans les collectivités territoriales. Elles y consacrent aujourd’hui
des budgets plus importants, malgré des contraintes accrues de maîtrise de la
masse salariale. Deux raisons expliquent cette évolution : d’une part, le gel du point
d’indice ; de l’autre, un besoin d’accompagnement individuel auquel les jeunes
agents, selon les DRH de notre échantillon, ne souscrivent d’ailleurs pas pour la
majorité d’entre eux.
34
Les organisations syndicales déplorent les disparités entre les collectivités : les
petites et les grandes, les plus riches et les autres. Ils militent pour un socle minimum de prestations, à l’instar du système de prestations interministérielles mis en
place dans la fonction publique d’État depuis quelques années. Les ministères, en
fonction de leurs ressources et des besoins de leurs agents, peuvent aussi prendre
l’initiative de mesures complémentaires. Certains agents, notamment au ministère
des Finances, bénéficient de prestations plutôt généreuses ; d’autres sont moins
bien lotis.
a. Les prestations sociales
À l’instar des autres dispositifs RH, les DRH ne jugent pas nécessaire d’adapter les
prestations sociales à une classe d’âge. En premier lieu, selon le DRH d’un conseil
départemental d’Île-de-France : « La culture des collectivités est très égalitariste,
ce ne serait pas apprécié de centrer sur une catégorie particulière. » Une autre,
DRH d’une agglomération de plus de 90 000 habitants de Bretagne, confirme :
« La collectivité a la volonté de ne pas distinguer les différentes catégories
d’agents. » Selon les DRH rencontrés, les dispositifs existants sont adaptés autant
aux jeunes qu’aux autres agents. Leur faible niveau de rémunération leur permet
notamment de bénéficier des mesures prévues à l’intention des agents en situation précaire. La DRH d’un conseil régional estime également : « Ce n’est pas une
demande des jeunes aujourd’hui, les moins de 25 ans vivent chez leurs parents ou
sont aidés par eux. »
Les agents des agglomérations s’estiment défavorisés par rapport aux agents
travaillant dans les villes. Ils auraient un accès plus aisé aux places de crèches
et aux logements sociaux, selon un agent technique dans une communauté
d’agglomération de plus de 100 000 habitants d’Île-de-France : « Ce n’est pas
avantageux de travailler dans une agglomération : pas d’aide pour le logement ni
pour la garde d’enfants. En mairie on a accès à certaines crèches. » Pour les agents
des villes, la situation semblerait effectivement moins tendue : « Quand un agent
nouvellement recruté vient de province, la DRH fait le lien avec les organismes. »
Parmi les prestations sociales, le logement est incontestablement celui suscitant
le plus grand intérêt. L’écart est important entre ceux résidant en Île-de-France
pour lesquels le logement représente une dépense importante, et ceux résidant en
Bretagne, ayant moins de difficultés à se loger à un tarif raisonnable.
La santé n’est pas un sujet de préoccupation prioritaire des agents rencontrés :
« La protection sociale n’est pas un besoin », ont indiqué plusieurs d’entre eux
aussi bien de Bretagne que d’Île-de-France. L’aide de l’employeur est néanmoins
très appréciée, voire indispensable. « Il y a des partenariats, déjà c’est moins cher.
Concernant la garantie maintien de salaire, une grosse part est prise en charge
par le patron. Je l’ai prise : je paie 13 euros alors qu’elle coûte le double, c’est
35
très rassurant », apprécie un technicien informatique d’un conseil départemental
de Bretagne. Pour un autre adjoint administratif dans une commune de moins de
10 000 habitants de la même région : « Je vais une ou deux fois par an chez le
médecin. Donc, si je totalise [le montant de la cotisation], ça me coûte moins cher
de ne pas prendre de complémentaire. Concernant la prévoyance, si, demain, tu
as un accident sans assurance, tu te retrouves à tout payer parce que tu n’as pas
de contrat. »
Faute de participation financière de leur employeur, les jeunes agents rencontrés ne
sont pas couverts par une complémentaire santé : « Nous on n’a en pas, c’est cher
car c’est une solidarité, on paie pour les autres » ; « aucun agent n’y est, la question
est systématiquement refusée par la collectivité. »
Un des jeunes, mieux informé en sa qualité de représentant du personnel, regrette
que dans sa région, il n’y ait « pas de contrat de groupe. On a demandé une aide
avec un système de labellisation et une aide en fonction de la catégorie ».
Les personnels médico-sociaux, médecins et assistants sociaux, soutenus par les
DRH, tentent de les sensibiliser : « Les jeunes ont accès aux contrats labellisés,
on les aiguille dès leur entrée dans la collectivité ». Quimper Communauté a
d’ailleurs engagé des campagnes d’information afin de les inciter à souscrire une
complémentaire santé. Des tarifs préférentiels leur sont accordés. La faiblesse
de leur rémunération est un réel frein, d’autres choix de consommation étant
prioritaires. Le déclic peut aussi se faire lors de l’arrivée d’un enfant.
b. L’accompagnement social
L’accompagnement social est un autre des sujets abordés avec les agents. Pour
une assistante sociale et un technicien dans un conseil départemental, un poste
d’assistant social est nécessaire : « Il y a une assistante sociale, mais pas trop de
publicité car elle est débordée » ; « Quand on est dans une collectivité, on peut
convier le responsable pour l’interroger. La connaissance de l’assistant social du
milieu de travail et des dispositifs déployés peut être un atout. » En revanche,
pour un adjoint administratif d’une commune de plus de 200 000 habitants,
l’accompagnement serait plutôt à rechercher en externe : « Je n’en ai jamais eu
besoin ; le cas échéant, j’irai voir une assistante sociale du secteur, pas du travail.
Ce n’est pas qu’elle ne devrait pas exister, mais il y a suffisamment d’organisations
pour pouvoir aller voir ailleurs. » L’intervention d’un psychologue du travail est très
appréciée.
Enfin, la place et le rôle du médecin de prévention font l’unanimité, comme en
témoigne l’assistante sociale d’un conseil départemental de Bretagne : « Je suis
entrée en 2011 et j’ai vu un médecin agréé mais depuis rien ! Alors qu’il y a un
intérêt à passer une visite médicale pour voir si les personnes sont aptes ou pas ! » ;
« Si les agents ne savent pas vers qui se tourner en cas de problème, ça peut
être rassurant d’avoir un médecin. » La pénurie se fait durement sentir ; plusieurs
36
agents ont mentionné ne pas avoir eu de visite médicale depuis plus de deux ans
(bien qu’elle soit obligatoire). Cette situation les inquiète : « La visite médicale est
appréciable. C’est important d’être suivi, de savoir si tout va bien. C’est rassurant
de savoir si on est apte à faire notre métier », estime un technicien du bâtiment
dans un conseil départemental de Bretagne.
37
38
RENDRE
P
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MPR
2E PARTIE : COES CARACTÉRISTIQUES ET
EN COMPTE LS DES JEUNES AGENTS
LES ATTENTE
A.Les atouts de la FPT
Intégrer la FPT est l’assurance, en règle générale, d’une vie professionnelle stable
pour des jeunes confrontés à l’angoisse du chômage. Après quelques mois au sein
d’une collectivité, ils découvrent un travail, un large champ relationnel interne et
externe, et la possibilité d’articuler vie professionnelle avec vie personnelle.
1. Leur relation au travail et la place centrale du sens au
travail
Les Français entretiennent une relation très particulière avec le travail. D’une part,
ils lui accordent une importance nettement plus marquée que la plupart de leurs
homologues européens. D’autre part, et paradoxalement, ils aspirent à ce que le
travail occupe moins de place dans leur vie.
Nous l’avons déjà évoqué en introduction, dans la littérature managériale la
relation des jeunes au travail est propice aux poncifs les plus variés. Certains
professionnels RH rencontrés ne perçoivent d’ailleurs pas de réelles différences
avec les autres classes d’âge. « Je ne me reconnais pas dans la segmentation des
générations, les jeunes sont peut-être un peu désabusés », estime le DRH d’un
conseil départemental d’Île-de-France. D’autres, notamment la DRH d’un conseil
départemental de Bretagne nuance cette analyse : « Les jeunes se comportent
différemment au travail. Ils n’ont pas la même motivation que les autres, ni
meilleure, ni moins bonne » ; d’autres sont plus dubitatifs.
Tous les agents rencontrés ont plébiscité les trois facteurs de satisfaction suivants :
•autonomie
• marges de manœuvre
• prise de responsabilités
« Là où je travaille je suis autonome, je gère mes dossiers à ma façon » ; « c’est
important d’être autonome, c’est de la confiance » ; « responsabiliser est la seule
marge de manœuvre qu’on a dans la FPT pour reconnaître les gens, c’est la seule
marge qu’ont les managers ».
39
a. L’emploi, un bien rare
Trois ans après être sortis de formation, plus d’un jeune sur cinq (22 %) est encore
au chômage. Tel est le constat d’une étude24 portant sur 700 000 jeunes. Les
jeunes diplômés s’en sortent mieux : 86 % des docteurs (8 ans après le bac) ; 78 %
des masters ; 67 % des bacs +3 ou +4 ; 68 % des bacs +2 (hors santé social) ;
47 % des CAP et BEP et seulement 24 % des non diplômés ont pu trouver un
emploi stable. En France le taux de chômage est de 10,4 %.
En recherche d’un emploi difficile à trouver, les jeunes témoignent de leur
satisfaction une fois franchies les portes de la collectivité. Ils sont heureux de
travailler, tel est le constat qu’ils partagent avec leurs DRH. Un double sentiment de
fierté est perceptible pour la majorité d’entre eux : fierté tout d’abord de travailler,
le travail étant un élément d’intégration sociale, fierté ensuite de travailler pour le
service public.
b. Une relation singulière au travail
Ouvrages, études et articles sont publiés en nombre : Jeunes diplômés, mode
d’emploi, Intégrer et manager la génération Y, Que veut la génération Y ?. Après
avoir survalorisé des attitudes et des comportements les différenciant des
autres collaborateurs, les experts sont plus nuancés. Nous serions aujourd’hui
plutôt confrontés, chez les jeunes, à une radicalisation d’aspirations présentes
également chez les plus âgés. Pour la responsable des études de l’APEC, et nous
partageons ce point de vue concernant les cadres, « s’ils ne cultivent pas de
relation d’appartenance à l’entreprise, ils ont en revanche une relation très forte
au travail et sont très attachés à l’idée de liberté ». La distance avec le sentiment
d’appartenance à un employeur est notable depuis une quinzaine d’années, actant
la fin de l’entreprise à vie.
Dominique MÉDA et Patricia VENDRAMIN ont élaboré, dans leur dernier ouvrage25,
une typologie des relations au travail. Elle permet de segmenter les individus pour
mieux les comprendre et déterminer ensuite les dispositifs les plus adaptés :
•
•
•
•
Type
Type
Type
Type
1
2
3
4
:
:
:
:
le
le
le
le
travail
travail
travail
travail
est
est
est
est
une valeur à vivre positivement
un moyen de gagner de l’argent
un support au développement personnel
central dans l’identité
Le type 1 reflète assez justement la nature de la relation au travail de la majorité des
agents rencontrés lors de nos entretiens. Le travail est une contrainte permettant
de satisfaire des besoins matériels et procurant une stabilité appréciable. L’intérêt
pour le travail est réel, surtout s’il répond à des attentes telles que l’utilité, la
diversité ou l’autonomie et s’il est associé à un sentiment de fierté. Les relations
sociales sont très importantes.
L'Express, « Pour trouver un emploi durable, mieux vaut être enfant de cadres », étude du
CEREQ, 2014
Dominique MÉDA, Patricia VENDRAMIN, Réinventer le travail, 2009
24
40
25
Pour les auteurs, les jeunes ont une « conception polycentrique de l’existence »,
c’est-à-dire une conception de la vie et un système de valeurs organisés autour
de plusieurs centres (travail, famille, loisirs). Le travail est une composante-clé
de leur vie, un facteur de réalisation de soi et une source d’épanouissement mais
sans dominer les autres. « Ne pas perdre sa vie à la gagner, il y a d’autres valeurs
que le travail : famille, loisirs », tel est le souhait d’un adjoint administratif d’une
commune de Bretagne de moins de 10 000 habitants.
Cette remise en cause de la centralité du travail interpelle d’autant plus qu’elle
touche aussi les cadres qui, traditionnellement, ne comptaient pas leur temps. Leur
détachement suscite une certaine admiration chez leurs aînés, davantage ancrés
dans la culture du présentéisme, et n’ayant pas la même capacité à prendre du
recul. Dominique MÉDA et Patricia VENDRAMIN estiment également, et nous nous
distancerons de cette analyse concernant les jeunes agents rencontrés dans les
collectivités, « que leur recherche de cohérence entre la vie et le travail peut les
amener, parfois, à préférer l’insécurité dans un emploi qui a du sens à la sécurité
dans un emploi qui n’en a pas ». En synthèse, ils privilégient la sécurité tout en
revendiquant davantage de liberté et dans le même temps un intérêt marqué à leur
vie professionnelle.
c. Un travail qui fait sens
Le sens au travail est fonction des individus, de leur personnalité et de leurs attentes tout en étant une aspiration partagée : agents publics et salariés du privé,
jeunes et moins jeunes. Des causes humanitaires ou environnementales peuvent
d’ailleurs guider certains choix professionnels, y compris parmi les plus diplômés.
Compte tenu de ses missions de développement et d’aménagement des territoires
ainsi que de son engagement auprès des citoyens, la FPT détient de réels atouts
pour faire face à cette demande de sens26. Il s’agit néanmoins d’être attentif aux
conditions dans lesquelles s’exercent les activités, tant le management de l’organisation que celui des hommes afin de préserver le capital d’engagement des agents.
Outre la relation avec les usagers et leur manager détaillés ci-dessous, plusieurs facteurs, identifiés lors de nos entretiens contribuent à alimenter le sens et semblent
être porteurs d’engagement.
L’exercice de missions de service public
Le soutien aux plus démunis, l’accès aux prestations, le respect des usagers, dans
un strict respect du principe républicain d’égalité sont des thèmes porteurs de
satisfaction pour les jeunes agents rencontrés.
Les accros au principe d’égalité sont alors d’autant plus mal perçus et les éloignent
de ceux qu’ils estiment en être les principaux responsables, les élus.
Le secteur privé ne les attire pas, sa raison d’être étant de dégager du profit à tout
prix y compris avec parfois des pratiques de management douteuses, disent-ils.
« Génération Y, génération Z, comment intégrer une collectivité locale », La Gazette, 22/04/2014
26
41
La qualité du travail
Particulièrement soucieux de rendre un service de qualité aux usagers, le resserrement
des marges budgétaires les inquiète. Le groupe d’agents réunis en Bretagne redoute
des lendemains plus tendus, une pression plus forte (« on nous met la pression
pour que ça aille toujours plus vite »), une charge de travail plus importante
(« avant de diminuer le nombre de fonctionnaires, il faudrait diminuer les
fonctions ») et, en fin de compte, une possible dégradation du service public
(« comment faire avec moins sur les années à venir ? »).
La primauté des relations interpersonnelles
Les agents se rejoignent autour de trois souhaits :
1. Le travail en équipe
Une bonne entente et une solidarité au sein de l’équipe sont fondamentales.
C’est le point de vue partagé tant par un adjoint administratif dans une petite
commune de moins de 10 000 habitants (« L’équipe c’est très important car
si on ne s’entend pas avec les autres ça peut être difficile, ça a forcément une
incidence sur son travail ») que par un technicien informatique dans un conseil
départemental.
2. La communication
Comme déjà évoqué, au sein du service et entre les services c’est un point
d’achoppement. Certains managers seraient encore plutôt dans la rétention que
dans le partage d’informations.
3. La transversalité
Il s’agit d’un autre sujet majeur d’incompréhension des agents de notre échantillon. Ils ne comprennent pas les réticences de leur manager à coopérer avec
les autres services. Internet, via notamment les réseaux sociaux, leur a ouvert
le monde dès leur plus jeune âge (avec les risques que cela comporte). Leur
sentiment d’appartenance ne peut se réduire au seul champ de l’activité, ni
même du service. Plus curieux, ils aspirent d’ailleurs à ne pas s’y enfermer
pendant de trop longues années. Le travail en mode projet, pourtant valorisé par
les dirigeants peine encore à se déployer. Pour les organisations, c’est un réel
levier pour favoriser de nouvelles modalités de coopération entre les services et
renforcer les mobilités internes.
Le besoin de comprendre
C’est la quatrième caractéristique de ces agents dans une posture de questionnement
systématique. La DRH d’un conseil départemental de Bretagne constate que « les
jeunes ne veulent pas exécuter pour exécuter ». La question du sens est prégnante
pour réaliser ou pour s’engager dans une mission, une activité, une tâche. Pour
la DRH d’une communauté d’agglomération de plus de 15 000 habitants de
Bretagne : « Les plus jeunes ont une propension à s’exprimer, à poser des questions,
à demander des explications et des informations : pourquoi on fait, pourquoi on ne
fait pas ? Cela demande au management de s’adapter, on ne gère pas de la même
façon des jeunes et les autres. »
42
2. La maîtrise du temps
Selon les médias et les experts en management, c’est la principale caractéristique
des jeunes dans le monde du travail, tant dans le secteur public que dans le privé.
Les DRH rencontrés ont bien appréhendé cette particularité qui n’est cependant
pas si nouvelle. Depuis la loi Aubry sur l’aménagement et la réduction du temps de
travail (ARTT), encore appelée « loi des 35 heures », une attitude décomplexée est
perceptible vis-à-vis du temps, y compris au sein de la population cadre.
a. Articuler vie privée et vie professionnelle
Ce sujet fait l’unanimité chez tous nos interlocuteurs. Les jeunes collaborateurs
tiennent avant tout à préserver leur vie personnelle, plus encore s’ils sont parents :
« Les imprévus sont difficiles à gérer quand on a une vie de famille, dans la fonction
publique on sait à quelle heure on termine », estime une auxiliaire de puériculture
d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France. Leur sphère ne se
réduit pas au travail, ils sont très attentifs à l’impact de leur vie professionnelle sur
leur vie personnelle. « Avoir du temps pour la vie de famille, c’est très important »,
estime un autre agent cadre A dans une communauté d’agglomération de plus de
100 000 habitants, également en Île-de-France.
Les jeunes cadres se veulent eux aussi en rupture avec la génération précédente,
qualifiée de sacrificielle, et ne faisant pas office de modèle. Ils admettent néanmoins
consacrer beaucoup de temps à leur travail lorsqu’ils exercent des responsabilités
de direction générale : « Il est rare que je puisse partir avant 19h30 », indique
la DRH d’une commune de plus 100 000 habitants en Île-de-France. Ce souhait
d’une plus grande latitude dans la gestion de leur temps les conduit à porter un avis
très positif sur les technologies numériques de l’information et de la communication
(TNIC), par ailleurs fortement stigmatisées en raison des risques de porosité entre
vie privée et vie professionnelle et de surcharge mentale.
Les jeunes agents rencontrés affichent leur ferme volonté de ne pas emmener de
travail à la maison ou de manière très exceptionnelle. De ce point de vue, les
postes dits de « top management » ne leur semblent pas particulièrement attractifs.
Certains agents d’une communauté d’agglomération de plus de 100 000 habitants
équipés d’un smartphone par leur employeur, dont des cadres A, ne souhaitent pas
l’utiliser : « Autant que possible, je refuse de consulter mes courriels, sauf si j’ai un
dossier particulièrement important à traiter. »
L’assistante sociale d’un conseil départemental de Bretagne a une approche
différente : « On a la possibilité de consulter nos mèls à domicile, je le fais pour
gagner en sérénité, pour mon organisation personnelle. » La DRH d’un autre conseil
départemental également situé en Bretagne le constate : « Recevoir des courriels
gêne moins les jeunes agents que leurs aînés. La définition de l’espace privé est
floue et est fonction des représentations de chacun. » Le collectif pourrait être le
43
grand perdant de ces modes de fonctionnements individualisés si les organisations
ne favorisent pas de nouveaux lieux et modalités d’expression.
En Île-de-France comme en région, les agents reconnaissent aussi importer leur
vie personnelle en accédant par exemple à leur compte en banque sur leur lieu de
travail. Nous sommes bien entrés dans l’ère de la confusion des temps.
Deux attitudes face à la porosité des temps
Des entretiens sur ce sujet d’actualité émergent paradoxalement deux
positionnements :
• les uns, plutôt agents de catégorie B et C, souhaitent poser une barrière entre
leur vie personnelle et leur vie professionnelle. Ils sont pourtant peu sollicités
à leur domicile à moins d’être d’astreinte.
• Les autres, cadres A notamment les A+, acceptent et parfois souhaitent,
au nom d’une plus grande flexibilité dans l’organisation de leur temps, de
ne pas nécessairement compartimenter les temps personnels et les temps
professionnels. Nombre de leurs activités, y compris managériales, ne
s’inscrivent pas nécessairement dans des plages horaires bien encadrées.
La consultation de leur messagerie ou le traitement d’un dossier le soir ou le
week-end est un choix leur permettant d’articuler les deux sphères de leur
vie.
L’articulation entre temps personnel et temps professionnel a fait l’objet d’une
réflexion spécifique au conseil départemental de l’Essonne sous l’impulsion de
son ancien DGS, Fabien TASTET : « Il s’agit d’organiser la porosité voulue par la
jeune génération en mettant du temps personnel dans le temps professionnel et
inversement. Par exemple en offrant la possibilité aux salariés de séquencer leurs
RTT ou en développant le télétravail. De plus, autoriser les cadres à travailler
de chez eux le soir, leur permet d’arriver plus tard le lendemain matin et ainsi
d’aménager leur temps de travail. Le télétravail a été expérimenté sur 40 agents,
de toutes catégories. En effet, dans une logique d’équité, il n’est pas question
de réserver le télétravail aux seuls agents de catégorie A, les agents de catégories
B et C doivent également pouvoir s’approprier le dispositif. Cela permet d’avoir
des solutions attractives pour la jeune génération. Des activités de bien-être sont
également organisées sur le temps méridien, pour permettre aux agents de faire
autre chose pendant leur journée de travail. »
b. Organiser son temps
La flexibilité est très appréciée, les jeunes agents souhaitant avoir de la latitude
dans la gestion de leur temps. Pour un agent des espaces verts d’une commune de
plus de 50 000 habitants d’Île-de-France : « Dans la fonction publique, on peut
aménager son temps comme on veut et prendre un temps partiel. La pression est
44
plus forte dans le privé » ; « On a de la souplesse le midi ou le soir, ça permet de
prendre des rendez-vous personnels. » Selon un autre agent administratif d’une
communauté d’agglomération également en Île-de-France : « On commence au
plus tard à 9 h, les agents qui ont un rendez-vous médical peuvent arriver à 9h30. »
La DRH d’un conseil départemental de Bretagne confirme que les jeunes aspirent
effectivement à choisir leur temps : « Un rapport au temps différent, chacun choisit
son temps. "Laissez-moi choisir mon moment : les temps où je participe et où je ne
participe pas, le temps de la consultation des courriels…" »
Cette aspiration à une plus large autonomie dans la gestion du temps nécessite
d’apprendre à s’autogérer, nouvelle capacité à développer dans le monde du travail
quelque soit le métier. « On a des plages horaires vraiment intéressantes, mais il
faut de plus en plus s’imposer une rigueur horaire, car très vite on peut se laisser
dépasser. Il faut se l’imposer soi-même », estime cet agent chargé de gérer des
dossiers de subvention dans une communauté d’agglomération de plus de 100 000
habitants d’Île-de-France.
Les horaires de travail et le nombre de jours de congés sont aussi très appréciés
et « plus encore si l’on a une vie de famille », pour une auxiliaire de puériculture
dans une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France. « Cela n’empêche
pas un investissement ponctuel si les activités le justifient mais on sait que cela
a une fin, à la différence du privé », précise un cadre A dans une communauté
d’agglomération de plus de 100 000 habitants également en Île-de-France. Pour
le technicien informatique d’un conseil départemental de Bretagne : « On a quand
même une chance en terme de congés et de RTT : onze semaines et demi, ça laisse
du temps. Ça serait mal venu qu’on s’en plaigne. »
Les horaires atypiques, très fréquents dans les villes au regard de la nature des
prestations rendues, peuvent être sources de difficultés d’organisation de la vie
familiale pour les agents et de coûts pour leur collectivité (heures supplémentaires
et récupérations majorées). Un métier choisi, presque une vocation, permet
d’accepter des horaires décalés, selon un jeune agent de surveillance de la voie
publique dans une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France : « On
sait à quoi on s’engage. »
Le temps de travail est abordé très directement lors du recrutement, comme
en témoigne la DRH d’un conseil départemental de Bretagne : « La question
des horaires est vite posée, dès le premier entretien de recrutement. C’est une
caractéristique des jeunes générations susceptible de choquer le management. »
Le rapport au temps a changé. L’exigence de réactivité facilitée par les technologies
numériques est plus marquée. Avoir du temps, c’est aussi pouvoir nouer des
échanges de qualité, autrement dit non « minutés », avec ses collègues et ses
partenaires.
45
B.Les sources d’insatisfaction
À quelques exceptions près, ces jeunes de 18-35 ans n’ont pas exprimé de sentiment
de lassitude malgré une ancienneté de quelques années pour certains. Parmi les
agents, ce ne sont d’ailleurs pas eux qui posent le plus de problème : « Je n’ai pas
eu connaissance de cas de jeunes agents qui auraient posé des soucis », estime la
DRH d’un conseil départemental de Bretagne. « Ce ne sont pas les jeunes qui sont
sources de difficultés », confirme le DRH d’une communauté d’agglomération de
plus de 90 000 habitants également en Bretagne. L’étude Gérer et anticiper les fins
de carrière27 met d’ailleurs l’accent sur les seniors en raison de leur double usure
physique et psychologique et des conséquences pour l’agent et la collectivité.
1. L’écart entre le discours sur les valeurs affichées
et les pratiques
Les valeurs plébiscitées par les jeunes agents
Les jeunes agents rencontrés se sont montrés particulièrement sensibles à l’équité
de traitement, à la justice sociale et à la reconnaissance du travail accompli.
Le recrutement fondé sur le clientélisme n’est pas accepté. En matière de gestion
des carrières, ils contestent la domination du critère d’ancienneté parmi les
critères d’avancement. La répartition de la charge de travail suscite également
des attentes : « Dans le privé on bossait plus. Ici c’est plus laxiste. Dans certains
services on n’est pas obligé de travailler », déplore un agent de catégorie C d’une
commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France. « On ne dit rien aux gens
qui ne travaillent pas. Les injustices, c’est un peu démotivant », renchérit un autre
de la même collectivité. Un agent d’une commune de moins de 10 000 habitants
de Bretagne, quelque peu désabusé, fait part de sa récente expérience : « Le
décalage est fort entre le discours et ce qu’on peut imaginer. Je viens de vivre une
campagne électorale municipale, alors l’égalité de traitement quand il s’agit d’avoir
des voix… »
Le respect et la considération face aux usagers prennent une dimension particulière
en Île-de-France où les relations sont plus tendues. « On n’est pas reconnu en
tant que personne », regrette cet agent affecté à la gestion des déchets dans une
communauté d’agglomération de plus de 100 000 habitants d’Île-de-France. Cette
appréciation renvoie au comportement des élus plutôt que de la direction générale,
dans leurs relations avec les usagers (cf. infra). En cas de conflit, certains agents
s’estiment déconsidérés si les élus arbitrent en faveur des usagers.
Élèves administrateurs de l’INET, promotion Salvador ALLENDE, Gérer et anticiper les fins de
carrières : les séniors dans la fonction publique territoriale, Les Cahiers de l’Observatoire social
territorial, n° 5, juin 2012
27
46
2. Le niveau de rémunération
Le tabou semble levé en matière de rémunération. La DRH d’une communauté
d’agglomération de plus 20 000 habitants de Bretagne remarque que les jeunes
abordent la question de manière plus directe que leurs aînés. Hier priorité n° 1 des
diplômés de l’enseignement supérieur, la rémunération est aujourd’hui rétrogradée
en deuxième position et perd 23 points selon l’étude de la CEGOS, déjà citée. Par
rapport aux motivations de service public faiblement centrées sur le salaire, il n’est
pas contradictoire d’être direct sur le sujet lors d’un entretien de recrutement sans
en faire une priorité ou un critère de choix déterminant.
a. Des politiques de rémunération non définies
Le principe de la FPT est celui d’une rémunération identique pour tous selon le
grade et l’échelon. Les collectivités qui le souhaitent peuvent voter une délibération
fixant un régime indemnitaire. Ce dernier est fonction des marges de manœuvre
budgétaires, devenues très étroites, et des orientations en gestion des ressources
humaines. Il peut ainsi être plus ou moins différenciant selon les critères retenus
par chaque collectivité : les fonctions exercées, les compétences détenues ou les
résultats obtenus. Les reproches formulés par les jeunes rencontrés, particulièrement
sensibles au principe d’équité, concernent plutôt les modalités que les montants.
Les remarques des agents d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-deFrance en témoignent : « Des règles pas claires, des engagements pas écrits, pas
de lisibilité, pas de transparence, des salaires parfois scandaleux. » Dans la même
collectivité les agents déplorent également « des différences de traitement entre
contractuels ». Mal perçues, plus particulièrement sur des postes équivalents, elles
peuvent être le fait de la collectivité souhaitant privilégier un agent plutôt qu’un
autre. Elles peuvent aussi être indépendantes de leur volonté lorsqu’elles résultent
d’un transfert de compétences.
Quelques-uns font part de leur regret d’une déconnexion entre le salaire et
l’investissement. Pour un agent de catégorie C d’une communauté d’agglomération
de plus de 100 000 habitants d’Île-de-France : « Qu’on décide de surinvestir ou de
ne rien faire, on a le même salaire à la fin du mois, il n’y a pas de reconnaissance.
C’est dommage qu’il n’y ait pas cette prise en considération. » Un autre, technicien
informatique dans un conseil départemental de Bretagne n’a, en revanche, pas
apprécié le système d’incitation fondé sur des primes pratiqué dans son entreprise :
« Moi, je me sens plus reconnu que quand je travaillais dans le privé où on était
valorisé par les primes de productivité. Dans ma collectivité, c’est plus la valorisation
du travail bien fait. »
b. Priorité au temps et à la sécurité
Pour les agents rencontrés les salaires sont plus élevés dans le privé que dans la
FPT. Il s’agit d’ailleurs du principal frein à l’entrée dans la fonction publique28. Un
Enquête Ipos/Logica, op.cit.
28
47
agent de catégorie C d’une commune d’Île-de-France de plus de 50 000 habitants
estime qu’« on gagnerait plus dans le privé à poste équivalent ». Quelques jeunes
estiment avoir « perdu » en faisant le choix, sans toutefois le regretter, de la FPT :
« On ne choisit pas le secteur public pour le salaire » ; « Mes anciens collègues et
fournisseurs gagnent deux fois plus que moi mais travaillent deux fois plus, de 6 h à
20 h, ce n’est pas la même vie. Moi j’ai privilégié ma vie personnelle et familiale »,
précise un technicien informatique dans un conseil départemental de Bretagne.
Comparer la rémunération des agents du public et le salaire d’un employé du privé
est un exercice à risques. La distinction s’impose entre les trois fonctions publiques.
En 201229, les agents de l'Etat (avec un salaire mensuel net moyen de 2 465 €)
étaient mieux payés que dans le secteur privé (2 163 € nets/mois), la fonction
publique hospitalière (2 242 € nets/mois) et la FPT (1 848 € nets/moi).
Néanmoins, ces constats ne les incite pas à envisager une mobilité dans la fonction
publique, encore moins dans le secteur privé (quelques-uns nuancent sur le long
terme). Deux valeurs non négociables sont à mettre dans la balance face à la
rémunération : la sécurité et le temps. « Je suis prêt à gagner encore moins pour
conserver une vie de famille », affirme un adjoint administratif d’une commune
de moins de 10 000 habitants de Bretagne. « Moi, je suis d’accord aussi pour le
bénéfice du temps pour la vie de famille », complète un technicien du bâtiment
dans un conseil départemental de Bretagne.
Les jeunes agents travaillant en régions, parents ou non, semblent plus sereins
concernant la rémunération que ceux d’Île-de-France, en raison d’un coût de la
vie moins élevé : « C’est sûr qu’on adapte son mode de vie à son salaire. On a des
postes de dépense clés : loyers et charges, nourriture » ; « Je n’ai pas du tout le
sentiment de me priver, mais je n’ai pas envie d’avoir la voiture dernier cri, je n’ai
pas des goûts de luxe. »
En Île-de-France, l’autonomie financière est plus incertaine, comme en témoigne
un jeune technicien résidant aujourd’hui en Bretagne, où il a débuté sa carrière :
« C’est difficile de vivre à Paris, avec le prix des loyers pour ceux qui gagnent le
SMIC. Même moi qui gagnais un peu plus, j’ai failli me retrouver à la rue. »
L’endettement y semble aussi plus marqué. Les fins de mois peuvent être difficiles :
« Dès le 20 du mois, je suis à découvert », indique une ATSEM dans une commune
de plus de 50 000 habitants. C’est aussi, selon elle, un frein à la parentalité :
« C’est limite difficile sans enfant alors avec, comment faire ? »
Le travail au noir a été spontanément évoqué lors d’une réunion de groupe. Pour un
agent technique des espaces verts d’une commune de plus de 50 000 habitants
d’Île-de-France, il compense un niveau de rémunération estimé insuffisant pour
vivre dignement : « Un deuxième travail permet de faire face aux fins de mois
difficiles qui ont des répercussions sur le travail. En un week-end, je gagne la
moitié de mon salaire. »
48
Rapport annuel sur l'état de la fonction publique, édition 2014 de la DGAFP, ministère de la
Décentralisation et de la Fonction publique, 2014
29
Cette insatisfaction concernant le niveau de rémunération suscite également des
interrogations sur le dispositif d’évaluation : « L’évaluation à quoi ça sert ? Cela ne
fait pas bouger le salaire. » Il en est de même pour les avancements d’échelons :
« Ce n’est pas normal que tout le monde évolue au minimum », estiment les agents
d’une communauté d’agglomération de plus 80 000 habitants d’Île-de-France.
Malgré les possibilités offertes par les textes, de nombreuses collectivités refusent
une rémunération au mérite que 44 % des jeunes appellent de leurs vœux30.
Les conditions de vie matérielles des jeunes d’Île-de-France sont à considérer.
Aujourd’hui, leur satisfaction concernant leur travail est réelle mais qu’en sera-t-il
demain ? « Au début ça va, mais sur le long terme c’est compliqué, une démotivation
s’installe peu à peu », estime un agent de catégorie C d’une commune de plus de
50 000 habitants d’Île-de-France.
L’une des DRH d’une ville de 200 000 habitants située en région Pays de la Loire
a attiré l’attention sur le niveau de rémunération des jeunes attachés, soit 1 600 €
en tout début de carrière. Les attentes de la direction générale sont pourtant fortes
en termes d’engagement et de résultats. Au forfait, ils ne peuvent pas, en cas de
dépassement d’horaires, bénéficier du paiement d’heures supplémentaires.
c. Un besoin de reconnaissance
La rétrospective du baromètre Edenred/Ipsos31 indique que, depuis maintenant
sept ans, le manque de reconnaissance est la principale cause de démotivation
des agents. C’est un besoin existentiel, selon Christophe LAVAL32, expert reconnu
et ardent promoteur de la reconnaissance. Ce sujet a également été traité dans une
étude de l’OST33 par Jérôme GROLLEAU, sociologue, sous un angle inédit, à savoir
la reconnaissance non monétaire.
À l’image de leurs aînés, les jeunes agents estiment ne pas être suffisamment
reconnus, sans d’ailleurs que cette insatisfaction ne se traduise par de la
démotivation. Sont classiquement en cause : des valeurs non respectées,
une rémunération insuffisante, mais surtout des comportements managériaux
inadaptés. Le témoignage d’un technicien du bâtiment d’un conseil départemental
de Bretagne est éclairant : « Que les responsables ne soient pas toujours en train
de dire ce qui ne va pas. Au début j’attendais qu’on me dise que c’était bien,
aujourd’hui je ne l’attends plus. Je vois que je suis apprécié par la qualité de
mon travail, après je n’attends rien du tout. Du côté financier, je sais qu’il y a une
grille » ; « C’est dommage qu’il n’y ait pas cette prise en considération. Il ne faut
pas attendre de la reconnaissance de la hiérarchie. »
Les jeunes agents apprécient les managers à la hauteur de leurs attentes
comme en atteste ce technicien dans un conseil départemental de Bretagne :
« Mes responsables sont assez reconnaissants, ils savent valoriser les gens. C’est
important pour moi et mes collègues, pour chacun de nous, cela fait toujours plus
plaisir d’entendre ce qui va plutôt que ce qui ne va pas. »
Enquête Ipos/Logica, op.cit
Les grandes évolutions RH et managériales dans la FPT, 2015
32
Christophe LAVAL, Plaidoyer pour la reconnaissance au travail, 2011
33
Jérôme GROLLEAU, La reconnaissance non monétaire, un nouveau territoire managérial ?, Les
Cahiers de l’Observatoire social territorial, n° 11, mars 2014
30
31
49
C. Leur regard sur les acteurs de la collectivité
Les agents sont partagés entre le désir d’être utiles aux usagers (source de
motivation et facteur de sens) et le sentiment de ne pas être reconnus (par les
managers), parfois même abandonnés (par les élus).
1. La relation avec les usagers
Les avis sont contrastés. La différence de perception est très marquée entre les
agents en régions et ceux d’Île-de-France. Les relations avec les usagers sont plutôt
sources de satisfactions pour les premiers et de tensions pour les seconds.
En régions, les relations semblent plus apaisées. Le témoignage d’un technicien
dans un conseil départemental de Bretagne est représentatif : « Si j’essaye de
faire le maximum dans mon boulot, c’est pour eux, car j’ai mon salaire à la fin
du mois. Le bien-être des usagers c’est ça qui me fait avancer » ; « j’imagine
mal un fonctionnaire dire qu’il s’en fout, ou alors on ne travaille pas au service
des usagers » ; « on a des échanges avec les collégiens et les lycéens, c’est plus
enrichissant que des clients : dans un restaurant on ne peut pas discuter avec
eux, là on peut parler », apprécie un agent affecté à la restauration dans un lycée
en région. Quelques-uns remarquent néanmoins une évolution des comportements
depuis leur recrutement, datant de quelques années seulement : « Le public a
augmenté fortement son niveau d’exigence vis-à-vis des collectivités et fait des
réflexions désobligeantes. »
En Île-de-France, l’agent serait-il plus fréquemment une victime expiatoire d’un
usager mécontent ? « On paie des impôts », entendent fréquemment ceux affectés
sur la voie publique, comme le relate aussi un agent affecté au traitement des
déchets dans une communauté d’agglomération de plus de 90 000 habitants d’Îlede-France. Excédés et sous pression, les usagers se défouleraient sur les agents et
leur manqueraient parfois de respect : « On est traité comme des chiens », estime
ce même agent. La crise exacerberait-elle les comportements ?
Les agents ne sont pas non plus égaux dans leur relation avec le public. Certains
sont plus exposés en raison de l’exercice de leur métier : agent de surveillance de la
voie publique, ripeurs... Les ATSEM et les auxiliaires de puériculture peuvent avoir
des relations tendues avec les parents et doivent être en capacité de les recadrer.
Représentant la loi, les agents de l’état-civil sont parfois bousculés. L’application
des textes ne va pas nécessairement dans l’intérêt des personnes, notamment si
elles sont en situation irrégulière. Heureusement, des relations plus gratifiantes
peuvent se nouer. « On est là pour eux, on partage la joie ou la peine, on a
l’impression de servir à quelque chose », apprécie un agent de l’état-civil d’une ville
de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France. Les remerciements, parfois écrits,
sont très appréciés : « Ça fait plaisir quand ça arrive. Des gens qui sont vraiment
reconnaissants, ça booste et ça donne de l’énergie. »
50
Des relations tendues agents-usagers imposent l’intervention du manager, arbitre ou
médiateur, parfois jugé trop en retrait : « On n’est pas soutenu par l’administration. »
Elle permet de prendre de la distance avec les faits, de rappeler les droits et devoirs
de chacun.
La position des élus est mal comprise. Selon certains agents, ils arbitreraient
le plus souvent en faveur des usagers, par « une forme de clientélisme ». Cette
remarque témoigne d’une méconnaissance du rôle des élus et de leurs relations
avec les administrés. Les élus privilégient l’écoute des usagers, y compris au
détriment des relations avec leurs collaborateurs. Les agents y voient un manque
de considération (« un ouvrier doit se taire ») et s’estiment délaissés. Un effort de
communication s’impose pour apaiser la situation. L’accompagnement des agents
est incontournable, plus particulièrement dans un contexte social très tendu,
parfois explosif.
Le médecin de prévention d’un conseil départemental d’Île-de-France s’inquiète
des conditions dans lesquelles de jeunes agents exercent leur métier face à des
usagers agressifs : « Ils ne sont pas préparés aux difficultés relationnelles. Des
assistantes sociales, parfois trop idéalistes, sont confrontées rapidement à des
difficultés importantes. » Des agents des espaces verts et des gardiens d’espaces
publics redoutent de se rendre dans certains secteurs. Travailler en ayant peur est
le lot quotidien de certains agents d’Île-de-France, les plus jeunes sont les plus
vulnérables.
En dehors de ces situations spécifiques à des territoires en grande difficulté
sociale, la différence de considération du public est perceptible entre les agents
ayant un diplôme et les autres : une auxiliaire de puériculture vs un agent de
service dans une crèche par exemple. Les premiers ont un savoir-faire technique,
parfois même relationnel et une légitimité métier à opposer aux usagers. Faute
d’être suffisamment équipés par leur employeur, les seconds sont démunis face
aux agressions des usagers.
2. La relation avec les élus
Les agents de 18-35 ans sont-ils un miroir de la population française, autrement
dit critiques et en situation de ressentiment envers leurs élus ?
Les jeunes agents de notre échantillon ne sont pas à l’aise avec eux. Ils s’interrogent
sur leurs rôles et sur leurs missions, leurs prérogatives, autrement dit leur raison
d’être et leur place dans la collectivité.
L’élu peut être un repoussoir pour certains jeunes diplômés : interférences, marges
de manœuvre contraintes... Ce peut être aussi un facteur d’attractivité pour des
ambitieux, à condition toutefois qu’il ait une dimension nationale. Concernant
les agents rencontrés, les raisons du mécontentement tiennent, en partie, à une
connaissance insuffisante du monde territorial – ses spécificités, sa culture – mais
aussi, dans une moindre mesure, au comportement de certains élus.
51
Les privilèges des élus, ou ressentis comme tels, ne passent pas inaperçus dans
un environnement sous tension où l’on demande à chacun sa part d’efforts. Les
pratiques, hier acceptées par les anciens, ne le sont plus aujourd’hui par les jeunes.
L’un des agents d’une communauté d’agglomération de plus de 80 000 habitants
d’Île-de-France en témoigne : « Une rupture d’égalité, toujours des avantages au
président, c’est gênant. On refuse à certains, ce que l’on donne à d’autres. » Le
clientélisme est traditionnellement un autre des reproches formulés à l’encontre
des élus avec le recrutement d’agents en raison de leur proximité politique ou
personnelle plutôt que de leurs compétences.
Une plus grande proximité (« on ne les voit qu’une fois par an lors du discours
annuel ») serait porteuse de relations plus sereines permettant à chacun de jouer
son rôle. Pour un adjoint administratif dans une commune de moins de 10 000
habitants de Bretagne : « Celui des élus est de répondre à la population et ils le
font. Le reproche, c’est qu’ils ne connaissent pas les choses, ils ne savent pas ce
qu’on fait. Aujourd’hui une nouvelle équipe est arrivée, cela permet de former un
élu à notre métier, on n’est pas toujours d’accord mais globalement ça se passe
bien. Après, il faut toujours les remettre dans le cadre juridique pour leur dire ce
qu’on peut ou pas faire et leur rappeler le traitement égalitaire des choses. Quand
je parle d’une situation à un élu c’est son voisin ou quelqu’un qu’il connaît, c’est
pour ça que j’ai choisi une petite collectivité, les relations ne sont pas les mêmes
que dans un conseil départemental. »
Les cadres A ont une autre relation, d’égal à égal. Ils sont plus à même de prendre
du recul compte tenu de relations de proximité générant, par une connaissance
mutuelle, de la confiance : « Cela dépend des élus, on travaille très bien avec
certains. » La reconnaissance de leur technicité est source de satisfactions.
À chacun, agents et élus, de prendre sa place dans un environnement où les
ajustements sont permanents : « Chacun a un rôle, c’est nécessaire que chacun
reste à sa place », souhaite un jeune technicien d’un conseil départemental de
Bretagne.
3. Les relations avec la DRH
Passée la phase de recrutement, la DRH semble disparaître des radars. Une
assistante sociale d’un conseil départemental de Bretagne l’analyse ainsi : « J’ai
eu pas mal de contacts en tant que contractuelle, aujourd’hui très peu. Selon
l’évolution de la vie personnelle on peut avoir des questions sur la maternité ou
autre. Aujourd’hui, je n’ai pas de contacts si ce n’est par échanges de documents. »
Les DRH sont-ils suffisamment visibles et présents ? Une étude34 de la CEGOS
indique que 50 % des salariés interrogés déclarent ne jamais voir leur DRH. Aux
dires des jeunes agents, la situation serait identique dans les collectivités mais sans
susciter de critiques particulières. Le DRH et son équipe sont considérés comme
des interlocuteurs de confiance aux yeux des agents de notre échantillon.
Radioscopie des DRH, Cegos, juin 2012
34
52
Trois principales attentes des jeunes agents rencontrés vis-à vis de la DRH
Être accompagnés et soutenus en cas de difficultés, la DRH assure un soutien invisible mais rassurant pour les agents réunis en Bretagne : « Ils sont
là pour nous et dès qu’on a besoin d’aide, ils sont présents » ; « quand on a
besoin on a un interlocuteur ». À ces remarques, les RH observent être trop
fréquemment saisies en dernier recours, se qualifiant eux mêmes de « DRH
pompiers », pour assurer une intervention efficace.
Être conseillés dans le développement de leurs compétences, sujet cher aux
jeunes agents, avec à l’appui des plans et des propositions de formation
leur permettant de changer de métier. Les DRH regrettent pourtant les
comportements trop passifs de certains jeunes agents : « Que me proposezvous ? »
Être informés de l’actualité RH interne (changements, politique RH…) ou
externe (nouveaux textes). La présence de la DRH sur le terrain est très
appréciée par ce technicien du bâtiment d’un conseil départemental : « Ils
savent venir au devant lors de campagnes pour nous informer sur l’évolution
de carrière. Nous avons la possibilité de rencontrer les RH, ces démarches
favorisent les liens. » L’intranet est un outil d’information permettant à la fois
d’informer les agents et de les relier à la DRH.
La relation au quotidien sur des sujets courants semble assez bien assumée par les
référents RH : « On a un référent pour notre carrière si on a des questions RH, on
sait vers qui se tourner, c’est en fonction de notre nom, par ordre alphabétique »,
indique cet adjoint administratif d’une commune de plus de 200 000 habitants
d’Île-de-France. Ils peuvent aussi être affectés dans les services lorsque la fonction
RH est déconcentrée : « Chaque agence est pourvue d’un référent RH », précise
l’assistance sociale d’un conseil départemental de Bretagne. Les collectivités
s’orientant vers une gestion de masse, la DRH sera plus éloignée géographiquement
des agents et la relation avec les agents en sera nécessairement modifiée.
En revanche, les dispositifs RH tels que la mobilité, l’évaluation ou le régime
indemnitaire ne semblent pas toujours bien connus par tous les agents.
Pour ceux d’une communauté d’agglomération de plus de 80 000 habitants
d’Île-de-France : « Des choses que l’on ne sait pas et que l’on a apprises en
formation d’intégration. Il manque un outil pour mieux connaître les dispositifs
RH tel qu’un guide d’accueil des nouveaux arrivants. » L’organisation de la DRH
semble, pour certains, « opaque ».
La relative délégation aux managers, soulevée par l’un des jeunes cadres A d’un
conseil régional, éclaire sur le positionnement de la DRH concernant l’absence de
marges consenties aux managers. « Qu’elle fasse davantage confiance aux directions
opérationnelles. À les entendre, nos managers sont censés être les mieux à même
d’apprécier la valeur des agents. Quand un changement de carrière ou une promotion
53
entre en jeu, ils ne sont plus en capacité d’apprécier la valeur professionnelle de
leurs collaborateurs. » Le baromètre Edenred/Ipsos 2014 confirme cette analyse :
les managers de la FPT s’estiment écartés de la décision en matière de promotion
de leurs collaborateurs (72 %) et fixation de leur rémunération (79 %).
4. Le rapport à la hiérarchie et au management
L’analyse des jeunes agents est éclairante. Ces derniers pointent avec justesse les
incohérences, les faiblesses et les paradoxes de leurs organisations. Leurs attentes
convergent vers un management moins directif et moins hiérarchique, davantage
centré sur l’accompagnement, la communication et la coopération.
a. D’un exercice solitaire du pouvoir à un partage et à une plus forte collégialité
La relation au pouvoir se transforme dans le monde de l’entreprise, plus
particulièrement dans certaines PME. Elles laissent une plus grande liberté aux
collaborateurs comme le prône Isaac GETZ35, professeur de leadership et de
l’innovation à ESCP Europe.
Des collectivités adoptent progressivement un mode de management plus collégial.
Lors du dernier colloque de l’ADRHGCT36, Marie-Claude SIVAGNAGNAM, DGS de
la ville de Cergy, a rappelé que « le partage du pouvoir est l’enjeu le plus important
actuellement ». Un rajeunissement des équipes de direction est aujourd’hui
perceptible mais pas sans risques, selon la représentante de la CFDT : « Les jeunes
dirigeants occupant des postes de DRH ou de DGS peuvent fragiliser et déconcerter
les équipes tout autant qu’eux-mêmes. L’élite se confronte à une équipe. »
b. Une organisation hiérarchique complexe
Nombre de jeunes agents déplorent une ligne hiérarchique à plusieurs niveaux. Un
cadre A d’un conseil régional constate que « plus on met d’échelons, moins c’est
efficace. Cela dilue les prises de décisions et les responsabilités managériales qui
ne sont pas bien partagées ». Un agent de catégorie C d’une commune de plus de
50 000 habitants d’Île-de-France partage cette analyse : « On a plusieurs chefs
et donc trop de strates pour arriver jusqu’en haut. » Le DRH d’un conseil régional
se dit conscient de ce dysfonctionnement : « Une des attentes des jeunes cadres
est d’avoir un lien direct à l’élu, cela donne de la valeur à leur engagement. Ils
souhaitent plus de délégation et de reconnaissance. Ils ne craignent pas d’être plus
exposés, cela donne du sens. L’objectif est aujourd’hui à un raccourcissent des
circuits hiérarchiques. »
Selon les agents, les raisons de la multiplication des niveaux hiérarchiques tiennent
à l’intérêt personnel de certains. De l’avis d’un cadre A d’un conseil régional, il
s’agit « de favoriser leur avancement de carrière au détriment du bien-être des
autres ». Pour celui d’une agglomération de plus de 90 000 habitants en Bretagne,
Brian CARNEY, Liberté & Cie, 2012
Association des DRH des grandes collectivités territoriales
35
36
54
la vision hiérarchique de l’encadrement intermédiaire ne s’accorde pas avec
leurs aspirations : « Les jeunes ont une plus forte propension à travailler dans la
transversalité, moins d’esprit hiérarchique. » La représentante de la CGT partage
ce point de vue : « C’est un peu compliqué d’être jeune dans des environnements
rigides et un peu cloisonnés. »
De nouvelles formes d’organisation du travail, plus souples et moins hiérarchisées,
poseront très rapidement la question des perspectives d’évolution des cadres. De
plus, la vision verticale de la carrière régresse au profit d’une vision plus transversale.
c. De nouvelles relations entre les managers et les agents ?
Les agents rencontrés n’ont pas remis en cause la légitimité du management.
En revanche, ils se disent déstabilisés par des pratiques managériales parfois
« déresponsabilisantes », ne leur accordant pas suffisamment d’autonomie et une
communication insuffisante.
Trois caractéristiques principales identifiées par les DRH concernant la génération
des 18-35 ans :
1. Une relation à la hiérarchie questionnée avec une remise en cause de
l’autorité (par rapport aux générations précédentes). Pour le DRH d’un conseil
départemental d’Île-de-France, c’est « un choc des pratiques, des jeunes
connectés provoquent une déstabilisation des managers assortie de tensions
relationnelles » ; « les jeunes, une difficulté accrue pour les managers moins
bien armés », estime le DRH d’une communauté d’agglomération de plus de
90 000 habitants de Bretagne. Le représentant de l’UNSA estime que « les
jeunes ne sont pas sur les mêmes logiques. Leur vision du monde du travail
rend la relation avec le manager plus compliquée avec des dysfonctionnements
de comportements ». Selon la DRH d’un conseil départemental de Bretagne,
participer à la décision est une demande récurrente des jeunes agents de sa
collectivité : « Comment je me sens associé au processus ? Je veux être autour
de la table, c’est important. » Elle remarque toutefois que « le discours est fort
mais la participation n’est pas acquise ! »
2. Une liberté de parole plus marquée. Selon les DRH, les jeunes n’ont plus la
même réserve que leurs aînés vis-à-vis du management. Avoir voix au chapitre,
proposer, être contributeur font partie de leurs attentes.
3. Le besoin de comprendre. C’est une autre caractéristique de ces agents dans
une posture de questionnement systématique. La DRH d’un conseil départemental
de Bretagne constate que « les jeunes ne veulent pas exécuter pour exécuter ».
La question du sens est prégnante pour s’engager dans une mission ou une
activité. Pour la DRH d’une communauté d’agglomération de Bretagne : « Les
plus jeunes ont une propension à s’exprimer, à poser des questions, à demander
des explications et des informations : "Pourquoi on fait ?, pourquoi on ne fait
pas ?" »
55
Une attente de nouvelles attitudes managériales
Les propos d’un cadre A d’un conseil régional synthétise les attentes des jeunes
agents rencontrés : « Confiance, protection (vis-à-vis de l’organisation ou pour faire
face aux difficultés), sens des responsabilités. Le manager doit être juste et capable
d’impulser une dynamique positive dans l’équipe pour un effet d’entraînement. »
Les compétences relationnelles sont centrales : la communication, l’écoute ainsi
que la capacité à mobiliser une équipe. Les jeunes manageraient-ils différemment
de leurs aînés ? Le cabinet de conseil en ressources humaines Hudson37 en a fait
le sujet de sa dernière étude réalisée auprès de 28 000 personnes dans le monde.
Selon les auteurs, les traits traditionnels du manager baby-boomer, à savoir diriger
des équipes, décider, motiver et influencer ne sont pas ceux des Y. Ces derniers seraient davantage sur le champ des idées, de l’innovation, moins centrés sur la stratégie mais très orientés vers les autres avec de fortes capacités relationnelles. On
retrouve quelques-unes des attentes des jeunes agents concernant leur manager.
L’évaluation des compétences managériales est jugée défaillante par certains
jeunes. Si elle est réalisée, et l’on peut s’interroger sur les critères, les résultats ne
sont pas pris en compte : « Les mauvais managers ne sont pas sanctionnés, il y a
un système d’impunité des managers défaillants. »
d. L’accès des jeunes aux fonctions de manager
Pour des collectivités peu attractives, recruter un jeune manager peut être un choix
par défaut, en l’absence de candidats. D’autres souhaitent « donner leur chance
aux jeunes » en leur confiant des responsabilités d’encadrement. Elles misent sur
leurs atouts : regard neuf, innovation, capacité à travailler en transversalité pour
engager de nouvelles pratiques et faire « bouger les lignes ». Un accompagnement
des encadrants est nécessaire. « Un parcours d’encadrant est proposé dès l’arrivée
en fonction de management. Le nouveau manager est, en outre, intégré dans un
réseau professionnel », indique le DRH d’un conseil régional.
Alors que quelques jeunes agents déplorent que les postes d’encadrement soient
trop souvent monopolisés par les plus âgés, les représentants syndicaux constatent
que les jeunes managers peuvent être mal perçus et susciter un sentiment de
dépossession. Leurs savoirs cognitifs – traiter l’information, raisonner, apprendre,
analyser… – ne leur confèrent pas la légitimité de l’expérience. Ce point de vue
est partagé par la représentante de la CFDT : « Les jeunes managers sont parfois
très diplômés, mais on ne leur a pas donné de « billes » pour gérer l’humain. Ils
n’ont pas non plus appris à gérer des individus, plus âgés et moins diplômés, avec
des habitudes de travail. Cela se traduit par des tensions. » La représentante de la
CGT partage cette analyse : « Ce peut être mal vécu d’être encadré par un jeune
qui sort de l’école. Les équipes se sentent dépossédées de leur métier et de leur
savoir-faire. Un jeune peut tout remettre en question car il arrive par le haut. L’expérience donne de la légitimité. »
56
Cabinet de conseil en ressources humaines Hudson, Le choc des générations – en quoi les différentes générations vont remodeler le marché du travail ?, janvier 2015
37
Le médecin de prévention d’un conseil départemental d’Île-de-France alerte sur
les difficultés des jeunes managers dans des organisations aux fonctionnements
verrouillés : « Les jeunes managers ont des niveaux de qualification élevés et des
savoirs théoriques, mais pas un savoir-faire managérial ni relationnel suffisants.
Les responsabilités leur sont confiées trop tôt. Ils sont confrontés à des agents qui
ont de l’expérience et une bonne connaissance du terrain. Ils ne sont pas à l’aise
et peuvent adopter une posture qui peut être mal comprise » ; « Quand ça se passe
mal, ils sont vite isolés. Les réactions des représentants du personnel peuvent être
violentes à leur égard. » Elle souligne également leur solitude : « Ils ont de réelles
difficultés à faire part de leurs problèmes par crainte d’être jugés incompétents ou
de reconnaître être dans une situation d’échec. Très isolés, certains sont d’ailleurs
en situation de détresse ou d’inconfort psychologique. »
Selon elle, proposer une aide ou un soutien semble compliqué : « C’est difficile de
les faire parler. Ils se blindent, s’enferment dans une attitude. Ils se font maltraiter
et ne disent rien, les jeunes encadrants sont plus en difficulté que les autres.
Ceux qui s’en sortent sont les moins timides, qui n’ont pas peur de se montrer et
d’aller chercher de l’aide. » Bien que tous les environnements ne soient pas aussi
rudes, ces situations posent la double question de l’accès des jeunes à des postes
d’encadrement et de leur accompagnement. Leur hiérarchie, dans ces conditions,
n’assume pas sa fonction capitale de management du manager.
e. Pour un management intergénérationnel ?
L’enjeu est de taille au regard de l’allongement des carrières et du renouvellement
démographique qui se traduiront par la coexistence de trois générations au travail.
Pour Claude LEVY-LEBOYER38, « il devient essentiel de comprendre le système
de valeurs de chacun pour développer leur capacité à travailler ensemble ». Les
collectivités tendent aujourd’hui vers davantage d’équilibre en favorisant la diversité
au sein des équipes : diplômés/non diplômés, jeunes/séniors, hommes/femmes…
La DRH d’un conseil départemental de Bretagne regrette : « La défiance des
managers quant au recrutement de jeunes diplômés sans expérience professionnelle
et la difficulté à les convaincre de les recruter et de leur faire confiance. » Ce
comportement envers les jeunes n’est pas nouveau, l’expérience rassure plus
encore que le diplôme.
Le point de vue de la jeune DRH d’une commune de plus de 90 000 habitants
d’Île-de-France est éclairant : « La cohabitation entre les anciens et les nouveaux
est aléatoire, parfois cela marche mais pas toujours. Les jeunes peuvent avoir le
sentiment d’arriver dans un environnement sclérosé. Ils peuvent être affectés dans
des équipes revêches. » Le médecin de prévention d’un conseil départemental
d’Île-de-France déplore un cadre insuffisant : « Les problèmes relationnels ne
sont pas pris en charge. On ne rappelle jamais le cadre aux agents. On ne rétablit
pas l’ordre. Le jeune doit se débrouiller tout seul, il n’a pas de références. Les
dysfonctionnements ne sont pas réglés par leur seule arrivée. Certains agents sont
Claude LEVY-LEBOYER, La motivation dans l’entreprise, 1998
38
57
indétrônables. » La représentante de la CFDT remarque que « lorsque les jeunes
arrivent sur des postes d’agent de maîtrise avec des compétences en informatique
et en management, cela peut donner lieu à une petite confrontation. Les anciens
n’ont pas été formés à l’informatique ». Leur maîtrise des outils numériques les met
en porte-à-faux, parfois même en concurrence, avec les plus âgés qui sont moins
à l’aise.
Enfin le tutorat n’est valable que dans un sens : des seniors vers les jeunes. Les
jeunes n’ont-ils rien à partager, ni à transmettre à leurs aînés ? « Les moins de
35 ans ne sont pas crédibles », constate le DRH d’une agglomération de plus de
90 000 habitants de Bretagne.
5. La relation avec les représentants du personnel : un gouffre
entre les jeunes agents et les organisations syndicales
Les élus des grandes et moyennes collectivités accordent une grande importance au
dialogue social qu’ils souhaitent aussi apaisé que possible. Les DRH y consacrent
un temps important. À titre d’exemple, la DRH d’une commune de la région Pays de
la Loire estime y consacrer 50 % de son temps. Pour certaines DRH, le temps passé
à la gestion du dialogue s’exerce trop souvent au détriment des agents et d’activités
susceptibles d’être utiles à tous.
a. Des jeunes peu voire pas impliqués dans la vie syndicale
Par comparaison avec les autres pays européens (27 %39), et plus globalement ceux
de l’OCDE, la France connaît un taux de syndicalisation de 7,7 % des actifs40. Le
score élevé (70 % de syndiqués) des pays nordiques – Finlande, Suède et Danemark –
s’explique en partie en raison des prestations offertes aux adhérents. C’est ce que l’on
appelle un syndicalisme de services, certaines prestations sociales étant effectivement
versées par le syndicat. La culture de ces pays favorise également l’adhésion.
Concernant plus particulièrement les jeunes Français, salariés du privé et agents du
secteur public, les chiffres disponibles sont contradictoires. Agnès NATON, secrétaire
générale de la CGT, indique que « les 18-30 ans ne constituent que 2 % des adhérents
et on observe la même tendance dans les autres grandes centrales syndicales ». Dans
son magazine de décembre 2013, la CFDT avance d’autres chiffres. La classe d’âge
18-30 ans représente 10 % de ses adhérents.
Aux élections professionnelles de 2014, on observe un taux de 54,5 % de votants dans
la FPT, soit un recul de 4,5 % par rapport à 2008 mais près de 10 points de moins
qu’en 200241. Le taux des trois fonctions publiques confondues est de 52,8 % contre
64 % en moyenne lors des précédents scrutins. La ministre de la Fonction publique
en avait fait pourtant sa priorité, estimant qu’il serait préjudiciable de tomber en
dessous du taux enregistré en 2008 en raison du risque pour la démocratie sociale.
Site www.worker-participation.eu.
OCDE, 2012
41
Gazette des communes, 9/12 et 12/12/2014
39
40
58
Voter aux élections professionnelles ne va pas de soi pour la majorité des jeunes
rencontrés. Moins d’un sur trois, en Île-de-France comme en Bretagne, déclarait
lors des entretiens ne pas souhaiter voter. Une assistante sociale d’un conseil
départemental de Bretagne le confirme : « Je n’attends rien, je ne suis même
pas allée voter. Je ne sais même pas comment ça fonctionne. Personne ne m’a
empêchée ou m’a même sollicitée. »
Peu de jeunes agents connaissent leurs représentants du personnel, encore moins
le syndicat majoritaire dans leur collectivité comme en atteste la représentante de
la CFDT : « La majorité des agents ne connaît pas les organisations syndicales,
y compris les jeunes. » Très peu distinguent les différentes centrales entre elles,
encore moins leurs particularités idéologiques.
Parmi les 25 jeunes interviewés, un seul d’entre eux s’est dit adhérent d’une
organisation syndicale. Il a d’ailleurs exercé des responsabilités syndicales pendant
six ans jusqu’aux dernières élections professionnelles. Son engagement n’allait
pas de soi, c’est le résultat « d’un travail au corps » de l’une des organisations
syndicales. Son bilan est néanmoins très positif : « Une connaissance plus fine du
fonctionnement de la collectivité, une vue globale pour appréhender ma fonction
avec un élargissement de mon réseau et donc des rencontres avec les autres agents
de toutes les directions. C’est aussi une réelle opportunité pour comprendre ma
collectivité avec ses forces vives et également la DRH capable de se mobiliser dans
les délais et de fournir des productions de qualité. »
b. Une image dégradée des organisations syndicales
Les jeunes agents se montrent partagés entre trois attitudes :
L’intérêt : « Si on a besoin, on peut aller les voir », apprécie un agent des espaces
verts d’une commune de plus de 50 000 habitants d’Île-de-France. Pour une
ATSEM de la même collectivité : « Ils peuvent avoir un rôle d’information sur les
avancements ou la mutuelle. Les organisations syndicales ont le pouvoir de parler
pour nous. » Les jeunes agents rencontrés attendent des organisations syndicales
qu’elles poussent des dossiers collectifs (avancements, complémentaire santé)
utiles à l’ensemble de la communauté.
L’incertitude : « À quoi servent les organisations syndicales ? Quel est leur rôle ?
Qui sont-elles ? » ; « On ne les voit pas. Ce n’est pas nécessairement un manque
mais c’est dommage, il y a des causes à défendre » ; « Ils envoient des courriels »,
se demandent les agents en Île-de-France et en régions. Ces remarques témoignent
de l’éloignement de certains représentants du personnel du terrain avec, en
conséquence, une méconnaissance du travail et des agents.
Le rejet : le syndicalisme est ainsi perçu comme un syndicalisme d’opportunité et
de défense de causes indéfendables. « J’ai vu trop de choses, des agents pas du tout
professionnels, qui sont rentrés stagiaires, qui ont fait beaucoup de fautes et ont été
titularisés malgré tout. Ils ont poussé leur responsable hiérarchique à démissionner
59
et ils sont encore défendus », regrette un technicien dans un conseil départemental
de Bretagne. Il serait également détourné au profit des syndicalistes eux-mêmes.
« Ils ne servent qu’eux-mêmes », estime un adjoint administratif d’une commune
de moins de 10 000 habitants de Bretagne. C’est aussi le point de vue d’un adjoint
administratif d’une commune de plus de 200 000 habitants de Bretagne agacé par
le détournement de règles censées s’appliquer à tous, notamment en matière de
congés : « Il y a 15 jours, j’étais en congé. J’ai croisé une collègue "en heures de
délégation" qui était dans les magasins. »
Enfin la culture de la contestation adoptée par les organisations syndicales
(sans distinction entre elles aux yeux des jeunes rencontrés) ne rencontre ni
l’assentiment, ni le soutien des agents. Pour l’un d’eux, technicien du bâtiment
dans un conseil départemental de Bretagne : « Les syndicats sont toujours dans la
contestation et moi je le refuse pleinement » ; « Je ne dis pas qu’un jour je n’en
n’aurai pas besoin mais le côté contestataire et la manière de contester, ce n’est
pas constructif », complète une assistante sociale du même conseil départemental.
Le rapprochement est fait avec la classe politique par un adjoint administratif d’une
commune de moins de 10 000 habitants de Bretagne : « Je suis partagé, je pense
que c’était un contre-pouvoir intéressant mais que c’est mort, on les a enterrés en
même temps que le dialogue social. Entre des politiciens qui ne font pas ce qu’ils
disent et des syndicats qui revendiquent tout, je n’ai pas voté. Je n’ai pas le temps
de lire des tracts, dommage. On a affaire à des gens qui ne sont pas constructifs. »
Dans ces conditions, comment répondre à une exigence démocratique à laquelle
souscrivent les jeunes agents rencontrés ? La réponse ne peut plus venir de textes
législatifs se succédant depuis plus de 35 ans et n’ayant pas réussi à endiguer la
baisse des adhésions. La question de la place des agents et de leur association
au système de décision se pose plus que jamais dans des organisations en
transformation. « Citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l’être aussi dans
l’entreprise », tel était pourtant le mot d’ordre du rapport Auroux de 1981 sur les
nouveaux droits des travailleurs.
C. Des organisations syndicales peu sollicitées
Les agents comptent sur eux-mêmes plutôt que sur les organisations syndicales. Un
agent de catégorie C d’une communauté d’agglomération d’Île-de-France estime :
« On n’est jamais mieux servi que par soi-même. » Quand bien même ils auraient
besoin d’aide, l’heure est plutôt à la responsabilisation individuelle, comme
l’affirme un adjoint administratif d’une commune de plus de 200 000 habitants :
« Je n’attends rien des syndicats, je suis allé voter, car j’en aurai peut-être besoin
un jour, mais si je fais une erreur je l’assume. Je n’ai pas besoin d’un syndicat pour
me défendre. » Ce point de vue est partagé par une assistante sociale d’un conseil
départemental de Bretagne : « Je n’attends rien de personne, si on fait des erreurs
on l’assume. J’ai déjà eu des soucis mais je n’ai jamais rien demandé à personne.
Je trouve qu’ils sont là pour défendre la fainéantise et ceux qui font des erreurs. »
60
Selon eux, la DRH est une interlocutrice crédible et légitime pour entendre leurs
demandes, y compris des revendications. « Voir les organisations syndicales pour
le régime indemnitaire ne sert à rien, il vaut mieux rencontrer la DRH », estime
cet agent technique d’une communauté d’agglomération de 100 000 habitants
d’Île-de-France. « Je préfère aller voir ceux que je connais, la DRH ou le service »,
affirme un agent de catégorie C d’une commune de plus de 50 000 habitants
également en Île-de-France.
d. Un engagement sur d’autres causes ?
À défaut de s’engager dans le mouvement syndical, les jeunes agents souhaitent-ils
se mobiliser pour d’autres causes ? Les réponses ne peuvent qu’être individuelles.
Selon l’UNSA, ils sont « capables de se mobiliser, notamment sur des causes
humanitaires ».
Pour ceux qui s’engagent, plus particulièrement en régions, ou qui souhaiteraient le
faire, le monde associatif est privilégié comme par les agents réunis en Bretagne :
« Je suis dans une association sportive, membre du bureau, capitaine, joueur,
administrateur du site web et du compte Facebook, et là où je peux me rendre
utile » ; « j’étais secrétaire et trésorier d’une association de pompiers volontaires,
j’ai arrêté il y a six mois » ; « je suis dans une association chrétienne d’aide aux
défavorisés » ; « j’étais membre du bureau d’une association de basket et joueuse
mais j’ai arrêté ». L’engagement ne résiste pas au manque de temps, à la vie de
famille ou à une charge de travail qui, selon certains, ne cesse de croître.
e. Les propositions des organisations syndicales : attirer les jeunes, un enjeu de survie
Pour les représentants des trois organisations syndicales rencontrées, des mesures
sont à prendre pour attirer les jeunes. À la CGT, les jeunes sont une cible : « Nous
avons pris la décision de leur donner une place particulière. » La CFDT se dit aussi
très mobilisée : « La confédération est en effervescence pour les moins de 35 ans.
Des réflexions sont en cours. Sans tomber dans le jeunisme, un effort est à faire
pour laisser la place aux jeunes. »
Trois grands axes sont plus particulièrement privilégiés pour donner envie aux
jeunes de s’engager dans l’action syndicale : « L’enjeu est de les intéresser et de
favoriser une prise de conscience quant aux rôles des syndicats. »
1. Assurer le renouvellement des cadres et mieux partager les responsabilités :
consensus également des organisations syndicales concernant cet axe, un
rajeunissement s’impose. L’UNSA prône « un renouvellement des classes. Les
jeunes dérangent et sont écartés, les anciens ont peur de se faire prendre la
place. Il faut leur donner des postes valorisants, leur proposer de prendre des
responsabilités et leur laisser la possibilité de faire des propositions ». C’est
aussi une nécessité pour la représentante de la CGT : « Depuis le 47e congrès,
un double engagement de renouvellement et de rajeunissement des cadres. La
Fédération des services publics a certes rajeuni, mais la moyenne d’âge reste
61
de 45 ans. Il est nécessaire de prendre en compte la représentativité des jeunes
dans les directions. » La représentante de la CFDT partage la même approche :
« Être permanent est un moment dans un parcours, ce n’est pas un poste pour
toute la vie professionnelle. Laisser la place à d’autres est nécessaire, sinon on
a des confédérations vieillissantes. »
2. Revoir et adapter la politique de communication : les modes de communication
adoptés par les jeunes sont différents de ceux de leurs aînés. Des textes plus
synthétiques (« Les tracts sont trop fournis ») constate la représentante de la
CGT, alliés à une utilisation plus poussée des réseaux sociaux tels que Facebook,
correspondraient mieux aux jeunes agents.
3. Travailler en réseau : pour la représentante de la CGT, il s’agit d’une piste
intéressante déjà expérimentée en Isère pour fédérer des agents sur une cause
ou une action particulière.
D’autres mesures ont été engagées, par exemple à la CFDT : « Une adhésion
spécifique pour les jeunes a été votée avec des tarifs spéciaux. Cette proposition a
été l’objet de discussions mais il faut accueillir plus de jeunes. »
Ces pistes, certes intéressantes, ne seront vraisemblablement pas suffisantes pour
inverser une tendance qui s’est installée durablement. Les organisations syndicales
gagneraient, en premier lieu, à retrouver le chemin des causes collectives. Elles ne
manquent pas, au regard d’un contexte propice à des changements bouleversant les
codes habituels du travail. Des comportements davantage fondés sur le principe,
lorsque c’est possible, de la co-construction, sans être un frein au réformisme, sont
aussi nécessaires pour restaurer leur légitimité et la confiance avec les agents. Jean
KASPAR, notamment ancien secrétaire général de la CFDT, prône la revalorisation
du compromis qu’il définit ainsi : « C’est un acte d’intelligence d’hommes et de
femmes qui prennent conscience que pour vivre ensemble, il est nécessaire de
passer par le compromis. » Le langage de la contestation n’est pas celui de jeunes
agents plus individualistes.
Malgré la réticence des employeurs locaux à aborder ce sujet, les organisations
syndicales ne pourront plus être les seules interlocutrices de la direction générale et
des élus. De nouvelles pratiques se développent : les enquêtes internes, les réseaux
numériques, les outils collaboratifs ou encore les forums sont autant d’entorses
au monopole syndical. Les jeunes agents assument une plus grande liberté de
parole et souhaitent un dialogue plus direct avec les élus, la direction générale et
la direction des ressources humaines.
62
ENTS, UN
G
A
S
E
N
U
E
J
ES
3E PARTIE : LLA TRANSFORMATION DES
LEVIER POUR S
COLLECTIVITÉ
Tout l’enjeu des collectivités territoriales est de prévenir les risques de démotivation
de ces jeunes agents, encore très impliqués malgré quelques signes de lassitude.
Pour ce faire, elles gagneront à devenir un employeur de choix, notre axe n°1,
aujourd’hui et surtout demain afin de transformer une motivation incertaine en une
motivation durable.
Elles prendront appui sur leurs atouts. Leurs compétences et leurs comportements
sont une opportunité pour faire évoluer progressivement l’organisation et son
fonctionnement. Leur appréhension du management, « une lecture différente de
la hiérarchie », selon un DRH, porte d’ailleurs en soi une nouvelle approche des
relations humaines.
Les atouts des jeunes agents
Des compétences capitales dans des environnements digitalisés
• Les compétences informatiques et numériques : les DRH rencontrés
témoignent du déploiement de ces compétences dans l’environnement de
travail : « Ils sont plus à l’aise que leurs aînés sur les TNIC, pas de problème
d’utilisation de la messagerie, la prise de notes se fait sur l’ordinateur » ;
« nés dans un environnement digitalisé, ils vont facilement sur l’intranet en
raison d’habitudes culturelles » ; « ils sont plus véloces dans l’utilisation
des outils avec peut-être des difficultés de concentration » ; « l’utilisation
de l’informatique est plus aisée, leur adaptabilité plus grande ». Cependant
ces propos doivent être nuancés, certains jeunes n’ayant pas une pratique
suffisante des outils pour se traduire en compétences professionnelles.
Pour Jean DEYDIER42, « on suppose qu’ils savent et eux croient savoir ;
ils utilisent Internet pour des activités ludiques et la vie quotidienne, mais
ces compétences ne se transfèrent pas dans la sphère professionnelle. La
vraie question est leur niveau d’agilité numérique. Le jeune sait manier la
souris et le clavier, mais est vite mal à l’aise avec le traitement de texte, la
maîtrise du français, peine à formuler des requêtes et à s’y retrouver dans
la jungle des sites sur l’emploi ». Les agents d’une commune de plus de
50 000 habitants d’Île-de-France partagent cette analyse : « Des jeunes de
moins de 30 ans sont déconnectés. La fracture numérique ne dépend pas
toujours de la tranche d’âge mais plutôt de l’éducation. »
Directeur Emmaüs Connect association d’insertion
42
63
• Du dynamisme : « Un côté punchy » ; « une envie d’avancer, de faire, de
progresser ».
• Un niveau général plus élevé : « Un niveau moyen supérieur, donc des agents plus
polyvalents, il n'est pas rare de voir un agent de catégorie C avec un niveau Bac. »
Ces agents surdiplômés peuvent, à moyen terme, poser d’autres difficultés déjà
évoquées. Cette appréciation ne doit pas masquer une situation disparate ; la FPT
compte encore dans ses effectifs des jeunes sans qualification.
Un comportement s’affranchissant des codes des aînés
• Une liberté de parole dérangeante mais porteuse de remises en question :
« Un rapport hiérarchique différent, les jeunes ne sont pas dans la boîte, ils ont
l’intelligence de ce qu’ils font. De nombreux questionnements, car ils ont besoin de
comprendre ce qu’ils font. »
• Un autre regard sur l’organisation interne, plus innovant : « Un souffle nouveau, une
forme de naïveté et de spontanéité ; les jeunes interrogent les fonctionnements » ;
« ils remettent en question l’organisation et la regardent différemment » ; « une
lecture qui réinterroge les méthodes et les manières de faire ».
• De la réactivité compte tenu de l’affranchissement de la règle du « sous-couvert » :
« Les jeunes s’adressent à celui qui va décider ou qui va apporter la réponse, dans
l’immédiateté » ; « ils ne sont pas attachés au respect des circuits de validation,
l’utilisation des outils pousse d’ailleurs à leur raccourcissement ».
• Une volonté d’agir : « Avoir voix au chapitre, être dans une logique proactive, être
contributeur ».
Le hiatus entre les jeunes et leur environnement tient principalement au fait que
la société a évolué plus rapidement que les organisations du travail. La question
est aujourd’hui de savoir : qui va s’adapter ? Les agents ou la collectivité ? Demain
les organisations fonctionneront selon un autre paradigme en s’adaptant aux agents
plutôt que de chercher à les adapter à coups de règles et de procédures.
Les six axes proposés s’appuient notamment sur une politique RH posant un cadre
de références, des repères et des règles partagées et ayant valeur d’engagement.
Ces pistes sont adaptées à toutes les catégories d’agents, tout en prenant une
dimension particulière s’agissant des plus jeunes.
Axe 1 - La marque employeur pour devenir « un employeur
de choix »
Ce levier est encore peu exploité dans les collectivités territoriales. Il s’agit de
susciter un engagement davantage centré sur la structure, pas seulement sur le
métier ou le service, en valorisant et en prenant appui sur les caractéristiques la
distinguant des autres : territoire, valeurs, culture, missions, projets, politique RH
et managériale... L’objectif est de susciter une adhésion durable pour ne plus être
un employeur lambda, certes en délivrance de services publics, mais finalement
64
interchangeable. Cela demande un engagement permanent de la direction, de
l’encadrement, de la DRH et dans une collectivité, des élus. Le dispositif a été plus
particulièrement développé en Amérique du Nord. Dans son ouvrage, Stéphane
SIMARD43 y détaille les pratiques et les résultats obtenus, à savoir une mobilisation
et une motivation des personnels à faible coût.
Cet objectif peut être freiné aujourd’hui par la réforme territoriale. Nombre d’agents
changeront d’employeur dans les prochaines années ou verront leur collectivité
s’agrandir. Mais ces nouvelles organisations gagneront très vite à se forger une
culture susceptible de fédérer leurs agents. C’est, par exemple, l’ambition des projets
d’administration. De même, l’e-réputation, définie comme une représentation que
les internautes vont se constituer en fonction des flux d’informations sur le net, sera
demain une préoccupation des employeurs locaux. Elle jouera en leur faveur si les
politiques managériales et les dispositifs RH sont de qualité.
L’exemple du département de Seine-Saint-Denis est intéressant : un territoire
difficile, des moyens en berne, mais un fort engagement des agents et la fierté
d’y travailler. Son DRH l’analyse ainsi : « Les agents ont un sens aigu du service
public et une forte implication vis-à-vis de la population. Dire qu’ils travaillent pour
le conseil départemental les valorise au regard des actions qui y sont réalisées. La
Seine-Saint-Denis est une marque employeur. »
La récente expérience conduite par la ville de Paris est une autre illustration du
concept de marque employeur dans les collectivités. Elle a récemment engagé une
démarche devant promouvoir en interne un projet de licence de marque « Paris
Rendez-Vous » et communique tant en interne qu’en externe.
Un employeur de choix développe quatre grands axes (non exhaustif)
• Renforcer la confiance des agents dans l’administration et améliorer l’image
du secteur public : communication externe délivrant une image positive,
engager et promouvoir une démarche éco-responsable, adopter et partager une
éthique…
• Réformer/adapter les systèmes de GRH : développer une culture interne,
promouvoir la parité et l’égalité des chances, placer le développement des RH
au cœur des décisions stratégiques de l’établissement, développer les qualités
managériales…
• Créer de meilleures conditions de travail : entretenir un dialogue social de
qualité, proposer des prestations et des avantages sociaux attractifs et adaptés,
assurer des conditions de travail garantissant sécurité, intégrité et hygiène
irréprochable…
• Améliorer le professionnalisme : initier à la vie professionnelle les jeunes
agents, monter des programmes destinés à l’acquisition de qualifications ou
de compétences manquantes, favorisant ainsi professionnalisme et possibilité
de mobilité, mettre en place des dispositifs favorisant la capitalisation des
savoirs et savoir-faire.
Stéphane SIMARD, L’ADN d’un employeur de choix, 2013
43
65
Le contexte budgétaire se prête à une telle démarche conciliant rigueur de gestion
et motivation des agents. Toutes les collectivités, peu ou prou, développent ces
axes, sans toutefois les inscrire dans une stratégie partagée et soutenue par une
communication interne et externe.
Axe 2 - Engager de nouveaux modes de fonctionnement
Selon le DRH d’un conseil départemental d’Île-de-France, « les jeunes sont
l’opportunité de réinterroger les manières de travailler ». Pour une autre, DRH dans
une communauté d’agglomération de plus de 200 000 habitants d’Île-de-France,
« le système de management actuel est à bout de souffle » : trop centralisé, trop
vertical, trop peu participatif et, in fine, très, même trop coûteux. De nouveaux
modes de fonctionnement doivent être imaginés. L’influence de la société est
majeure, ses pratiques se diffusent dans le monde du travail qui devra s’y adapter.
Un fonctionnement en transversalité
Les jeunes agents se disent déstabilisés par des fonctionnements rigides et
cloisonnés. Depuis une quinzaine d’années, tous les dirigeants appellent de leurs
vœux à une plus forte transversalité. Ils se sont heurtés à la culture hiérarchique,
au manque de temps et au refus des managers de partager leurs ressources. Les
outils informatiques donnent aujourd’hui une nouvelle dimension à cette demande,
les deux modalités sont d’ailleurs complémentaires :
• l’une est d’ores et déjà bien connue, il s’agit du management par projet, par
nature institutionnel, permettant de réunir temporairement des agents issus
des différents services d’une même structure. Il prend aujourd’hui une autre
dimension avec la conduite de projets externes mobilisant plusieurs collectivités
et parfois même leurs partenaires. Le mode projet est précurseur des
fonctionnements de demain avec des équipes plus autonomes, plus réactives,
plus agiles et plus éphémères.
• L’autre concerne le déploiement de communautés de métiers ou de pratiques,
informelles ou institutionnelles, à travers les outils collaboratifs. Ses bénéfices
sont indéniables : créativité et stimulation par la confrontation, partage des
connaissances par l’échange pour développer ses compétences, contact avec de
nouvelles personnes, implication par une plus grande autonomie.
Plus globalement, le travail en réseau est à développer. En interne, il soutient
et alimente la communication avec le partage et la circulation d’informations
aujourd’hui encore bloquées pour les raisons déjà évoquées. En s’ouvrant à
l’externe, il prend une autre ampleur. Les agents peuvent être encouragés à faire
partie d’un réseau, interne et externe, afin d’enrichir leurs pratiques et d’ouvrir leur
horizon. Les formations inter-collectivités sont une autre opportunité pour créer ou
développer un réseau spontané.
66
Les collectivités n’utilisent les réseaux numériques que de façon très limitée,
leurs agents sont partagés. Elles se privent d’un outil précieux de développement
des compétences. Soucieux de développer leurs compétences, nombre de jeunes
agents comprendraient rapidement le bénéfice qu’ils pourraient tirer d’un profil
numérique valorisant leurs savoir-faire.
Des approches plus participatives associant les agents et reconnaissant leur droit
à la parole
L’écoute des agents est la première étape d’une démarche participative. Les
baromètres et les enquêtes à échéances régulières permettent de mesurer le climat
social et de se donner des clés de lecture utiles en ces temps de changement.
Les pratiques restent hétérogènes, certaines collectivités, comme le conseil
départemental de la Manche, ont mis en place ce dispositif depuis plusieurs
années, d’autres restent réticentes. Les résultats, croisés avec les observations des
managers et des représentants du personnel, peuvent être débattus et enrichis.
Des groupes de travail, pilotés par les managers, dans les services permettent de
poursuivre les discussions lui donnant alors une autre ampleur.
Les jeunes agents souhaitent également être associés au fonctionnement de leur
collectivité et aux décisions les concernant. Au quotidien, ils entendent bien être
parties prenantes de l’organisation du travail : gestion du temps et des activités,
sécurité, compétences… Le manager doit faire la preuve de sa capacité à faire face
à la confrontation et à gérer des échanges plus directs ; l’exercice est périlleux pour
les encadrants de proximité peu outillés.
Dans un environnement où le changement devient la norme, reconnaître le
droit à la parole est un atout considérable. Le groupe La Poste, confronté à des
transformations très importantes, l’a bien compris. En 2012, un « Grand dialogue »
a été engagé avec tous les collaborateurs, sans se substituer au dialogue social.
L’objectif était de libérer la parole et d’identifier les améliorations nécessaires.
12 000 tables rondes ont été organisées, 125 000 sur 250 000 postiers y ont pris
part. À l’issue de cette concertation, huit grands chantiers portant sur la qualité du
travail ont été ouverts.
Prendre en compte la digitalisation croissante du travail
La digitalisation influe sur l’environnement de travail et bouleverse les
fonctionnements : espaces et lieux de travail, outils, modalités de coopération
et de communication. Elle change aussi le rapport aux usagers, aux prestataires
et au management. Comme le précise le DRH d’un conseil départemental
d’Île-de-France : « Le mèl a permis de se libérer d’une contrainte hiérarchique,
hier instruite en permanence, les échanges sont plus directs. » Pour un autre,
DRH d’une commune de 60 000 habitants de Bretagne : « C’est un enjeu réel,
il faut s’adapter, les outils offrent une plus grande liberté. À chacun de faire ses
67
choix. » Internet au travail a deux conséquences selon Sandra ENLART44, directrice
générale d’Entreprise et Personnel : « La surexposition aux informations et des
échanges horizontaux court-circuitant la hiérarchie. »
Les DRH sont conscients des difficultés rencontrées par les jeunes agents dans ce
domaine. La DRH d’une commune de 90 000 habitants d’Île-de-France constate :
« Les jeunes s’attendent à disposer dans le cadre professionnel du même niveau de
confort que chez eux, nous devons faire évoluer les outils avec les fonctionnements
internes : la dématérialisation, les tablettes tactiles... Nous n’avons pas d’agenda
électronique pour tous. » L’image de l’employeur, dans ces conditions, est
nécessairement écornée en interne et en externe.
Les enjeux humains – organisation, gestion des compétences, communication – font
du DRH l’acteur-clé de l’accompagnement de cette transformation. La révolution
digitale requiert une prise de conscience qui est son premier défi. Le digital se heurte
à des organisations rigides en silos, il lui faudra proposer de nouveaux modèles
d’organisation et de fonctionnement et anticiper les besoins en compétences. À
lui également de proposer de nouvelles règles au regard de nouveaux rapports à
l’autorité et de méthodes de travail autrement plus collaboratives.
Les collectivités territoriales seront attentives à quatre risques
• Une perte de contrôle et de productivité.
• Des compétences insuffisantes. Une réflexion sur les savoirs nécessaires
pour maîtriser l’univers numérique est indispensable au risque de laisser des
agents de côté.
• Une accélération de la disparition de métiers et donc l’urgence à former et à
apprendre un « autre » métier.
• Une déshumanisation des relations dans le travail déjà observée avec
l’utilisation parfois excessive de la messagerie.
Enfin, les organisations encourageront l’innovation. Prestataires de services aux
citoyens, elles ont toute latitude pour imaginer de nouvelles modalités de service
aux usagers, plus encore dans un contexte de raréfaction des ressources.
Axe 3 - La politique managériale
Les compétences des managers sont, plus que jamais, l’objet de toutes les
attentions45, mais sans de réelles remises en cause structurelles. Les jeunes
agents, parfois réfractaires à une certaine forme d’autorité, s’affranchissent des
liens hiérarchiques et provoquent une remise en question de pratiques.
Restructurer la ligne hiérarchique afin de réduire le poids des relations hiérarchiques
Les propos des jeunes agents sont sans ambiguïté, ils souhaitent rompre avec un
management hiérarchique vertical. La démarche est très difficile à engager, tant
Sandra ENLART et Olivier CHARBONNIER, À quoi ressemblera le travail demain ?, 2015
Anne GRILLON, Le métier de DRH dans les collectivités, Les Cahiers de l’Observatoire social
territorial, n° 8, juillet 2013
44
68
45
les fonctionnements sont bien ancrés. C’est aussi un tout autre état d’esprit à
développer, fondé non plus sur le contrôle mais sur la confiance.
Bien que le contexte actuel marqué par les réformes ne s’y prête pas, la politique
de gestion des cadres et des managers est également à repenser. Les fusions et les
mutualisations se traduiront par une réduction importante du nombre de postes de
cadres, plus particulièrement de direction générale. Engager une GPEC des cadres
permettra aux DRH de clarifier et d’analyser la situation, puis d’identifier leurs
marges de manœuvre.
Favoriser de nouvelles compétences managériales
Toutes les organisations s’interrogent sur les compétences à détenir. Elles se
sont dotées de leur référentiel de compétences managériales à partir duquel les
managers sont, théoriquement, recrutés et, en principe, évalués.
Force est de constater que le corpus de connaissances a changé. De l’avis des
DRH, les managers devront s’adapter au changement de paradigme : des moyens
aux résultats, de la prescription à l’autonomie, du contrôle à la confiance… Les
enjeux de qualité du travail, de gestion des compétences et de gestion sous fortes
contraintes influent également sur leurs missions et leurs compétences.
Pour les jeunes agents la hiérarchie est avant tout une ressource, elle est présente
quand cela est nécessaire. Elle assure également une fonction de régulation plutôt
que de contrôle. Elle s’intéresse aux résultats plutôt qu’aux moyens.
Les fusions et les mutualisations nécessitant des interactions plus marquées, la
valeur ajoutée du manager sera de fonctionner en transversalité et de faire travailler
ensemble des agents issus d’univers différents.
Les principaux comportements managériaux souhaités par les jeunes agents
• Être à l’écoute, faire preuve de disponibilité
• Associer et faire participer
• Prendre des décisions et assumer ses responsabilités (gestion des conflits),
savoir trancher et « se mouiller »
• Sécuriser, protéger, soutenir et défendre en cas de difficultés
• Dynamisme, capacité à entraîner, donner envie
Les missions des managers sont également à reconsidérer. Faisant le constat de
managers aspirés par le reporting, la ville de Nantes a engagé une démarche afin
de les ramener sur le terrain auprès de leurs équipes.
69
Engager une réflexion sur la marge de manœuvre des managers
Telle est bien la situation de nombreux encadrants aujourd’hui : manager sans
pouvoir ou avec seulement celui d’en référer à son manager. Leur accorder des
marges de manœuvre corrélées à une capacité d’arbitrage et à un réel pouvoir
de décision, notamment RH concernant la carrière de leurs collaborateurs est
une démarche nécessaire. Sa complexité ne peut être sous-estimée en raison la
persistance de relations hiérarchiques fortes.
Accompagner les jeunes managers et les autres, dès leur prise de fonction
Confier des responsabilités managériales à de jeunes cadres incite à s’interroger
sur l’enseignement du management, si toutefois il s’enseigne. Aujourd’hui
principalement fondé sur l’intégration de compétences cognitives (apprendre,
analyser, mémoriser), il prépare peu au métier de manager. Certains experts46
préconisent une alternance entre théorie et pratique. Henri MINTZBERG47 propose
de substituer aux traditionnels cas pratiques des méthodes pédagogiques construites
à partir des situations de travail et de prendre appui sur l’expérience professionnelle
des apprenants. L’alternance est également une piste très intéressante, car c’est
bien en situation de travail que l’on acquiert des compétences de manager.
Le monde de la formation est aussi en évolution. Les modalités d’apprentissage se
diversifient et se croisent : parrainage, ateliers d’analyse des situations concrètes,
blended learning (apprentissage mixte alternant présentiel et distanciel), réseaux
apprenants, coaching, forums, séminaires... L’importance du sujet est telle que
des grandes structures, privées et publiques, ont fondé leur propre université ou
centre de formation – Accor, SNCF, mais aussi les villes de Lyon et de Versailles, ou
encore le conseil départemental du Val-de-Marne. Si elles ne sont pas uniquement
réservées aux managers, ces structures sont les garantes d’une culture commune et
la preuve d’une attention soutenue à la gestion des compétences.
L’étude48 « Connaître et reconnaître l’encadrement intermédiaire dans la FPT »
a abordé une piste intéressante, à savoir l’évaluation des managers. La question
est majeure mais trop souvent éludée. Le management ne gagnera en qualité que
si ceux n’ayant pas fait la preuve de leurs compétences sont repositionnés vers
d’autres fonctions.
Enfin le management du manager est une dimension très largement
sous-estimée. Leur besoin de reconnaissance mérite d’être considéré et leur
motivation entretenue. C’est une raison supplémentaire pour porter un regard
critique sur la chaîne hiérarchique.
Axe 4 - La gestion du temps
Le temps de travail est un sujet particulièrement sensible. Tous les jeunes agents
rencontrés ont exprimé leur souhait d’une articulation entre vie privée et vie
Comment apprend-on à manager ?, ODC, 2013
Henri MINTZBERG, Des managers des vrais, pas des MBA, 2005
Élèves administrateurs de l’INET, promotion Paul ÉLUARD, Connaître et reconnaître
l’encadrement intermédiaire dans la fonction publique territoriale, Les Cahiers de l’Observatoire
social territorial, n° 9, juin 2013
46
47
70
48
professionnelle et de leur satisfaction quant au nombre de jours de congés dont ils
disposent. Avec la Finlande, la France est le pays d’Europe où le temps de travail
est le plus faible49. En théorie, dans la FPT, comme dans les entreprises, la durée
annuelle du travail (DAT) théorique est de 1 607 heures. Dans la pratique, elle est
souvent inférieure, parfois de manière très significative. Lors de leurs contrôles
les chambres régionales des comptes ne manquent pas de le rappeler. Malgré un
contexte économique très difficile, un retour aux 35 heures semble peu probable,
à moins d’une loi imposant une seule et même DAT pour toutes les collectivités.
Les collectivités ne peuvent pas abandonner le terrain du temps, ne serait-ce
qu’en raison d’un usage massif des TNIC et de nouvelles formes d’organisation du
travail. De plus, une récente étude50 constate la multiplication de rythmes de travail
différents, y compris au sein d’une même organisation.
Trois pistes peuvent être explorées :
• La recherche d’un « compromis temporel »
L’ANACT51 propose une réflexion globale permettant de « renouveler les termes
de l’équation liant performance et qualité de vie au travail » par une approche
concertée avec les acteurs du dialogue social. Quatre champs de contrainte sont
mis en perspective pour identifier des compromis acceptables par les personnes
et leur employeur :
- Le temps du marché : les besoins et attentes des usagers et des clients, les
cycles de production, la saisonnalité des activités
- Le temps de l’entreprise : les processus de fonctionnement et les contraintes
techniques
- Le temps de l’agent : les espaces personnels et professionnels
- Le temps du territoire : les modalités d’accès aux transports et aux crèches.
Cette approche permet de mieux prendre en compte les horaires atypiques
et les facteurs de difficultés personnelles susceptibles de se traduire par le
désengagement progressif des agents et des arrêts de travail.
• La charte du temps
Ce type de réflexion tend à se substituer au classique et désormais dépassé
règlement du temps de travail, essentiellement de nature juridique et comptable,
et aux chartes informatiques devant réguler les usages d’Internet. L’objectif est
de replacer le temps au cœur de la réflexion sur le travail en privilégiant une
approche collective et participative. Les modes de fonctionnement sont alors
évalués :
- Circuits hiérarchiques (signatures)
- Réunions (horaires, participants… pour doper leur efficacité)
- Outils (usages des audio et visio pour limiter les déplacements)
- Courriels (avec parfois une limitation le week-end ou en soirée)
- Télétravail.
Temps de travail : mettre fin aux blocages, Institut Montaigne, 2014
DARES
51
ANACT, revue Travail et changement, « La conciliation des temps, une question à plusieurs
dimensions », mars/avril 2012
49
50
71
La sécurisation des temps collectifs est un autre des sujets traités afin de garantir
les indispensables coopérations internes.
L’actualité des collectivités se prête à ce type de réflexion. Les fusions, les
mutualisations et des usages numériques disparates nécessitent des références
partagées. La mobilité des agents, sur des territoires plus vastes, avec une diversité
de lieux d’embauche susceptibles de fluctuer en fonction de l’activité, sera demain
plus forte. Le risque est de laisser s’installer des pratiques individuelles sans les
raccrocher à une vision collective.
• Le télétravail
Cette démarche témoigne de la confiance de l’employeur en ses collaborateurs.
Les collectivités territoriales semblent moins réticentes aujourd’hui qu’hier. La
démarche est naturellement freinée par des métiers exigeant une présence sur
site, certaines estimant ne pas pouvoir s’y inscrire en raison du déséquilibre
entre les agents. La réticence des managers est également palpable selon les
conclusions d’une étude du CNFPT52.
Axe 5 - Apporter des perspectives aux agents
Plus qu’un chantier, c’est un enjeu majeur pour des collectivités comptant dans
leurs effectifs plus de 75 % d’agents de catégorie C qui exercent parfois des métiers
usants. Elles intègrent encore des agents, plus ou moins jeunes, sans qualification
et ne maîtrisant pas les savoirs de base. Prévenir les risques d’« in-employabilité »
relève de la responsabilité sociale de chaque employeur.
À l’instar des DRH du privé, qui en ont fait l’un des thèmes de leur dernier congrès
« Emploi des jeunes et formation tout au long de la vie, quelles responsabilités ? », les
DRH de la FPT s’interrogent sur l’employabilité et l’adaptation des jeunes au monde
du travail. En témoigne la DRH d’un conseil régional : « Il n’y a pas d’adéquation
suffisante entre les programmes scolaires et les besoins des organisations. La
réalité du travail est compliquée, employeurs et écoles gagneraient à mieux se
connaître. C’est nécessaire d’aider les jeunes à comprendre le fonctionnement des
entreprises. Ils sortent de l’école et demandent "Que me proposez-vous ?". »
Si le niveau de qualification est plus élevé, les savoirs de base ne sont pas
nécessairement acquis. Faire face aux flux numériques est l’une des compétences
clés à détenir. Sandra ENLART et Olivier CHARBONNIER53 estiment d’ailleurs que
nous devrons être capables demain de gérer notre propre système d’information.
Diversifier les modalités d’acquisition des compétences
Les services publics sont en évolution permanente en raison de la transformation des
activités et de nouvelles méthodes de travail. Les agents rencontrés ont, avant tout,
besoin de se savoir employables. Ils se disent prêts à s’inscrire dans un apprentissage
Les pratiques de collectivités en matière de télétravail pour leurs agents, CNFPT, 2013
Op.cit.
52
53
72
permanent. Leur vision étant marquée par leur scolarité, la formation reste le seul
moyen d’acquérir des compétences. Nombre d’organisations, conscientes de la
nécessité de réduire la déconnexion entre le travail et l’apprentissage, privilégient
pourtant d’autres pratiques. Quelques experts54 prédisent d’ailleurs la fin de la
formation telle qu’elle est exercée aujourd’hui au profit de nouvelles pratiques.
Certaines sont d’ores et déjà disponibles : classes virtuelles, massive open source
courses (MOOC), fab lab (lieu ouvert au public dans lequel est mis à disposition
toutes sortes d’outils pour la conception et la réalisation d’objets), serious game…
Un apprentissage intégré dans les situations de travail est un formidable levier de
motivation pour les jeunes, répondant à leur besoin d’acquisition de compétences,
et un levier de performance pour leur employeur.
Des entretiens de carrière et des bilans à échéances régulières, encore trop peu
fréquents, corrélés à une pratique régulière d’évaluation des compétences et
des souhaits d’évolution des agents, permettront de les accompagner dès leur
recrutement. Plus que jamais une coopération rapprochée des DRH et des managers
est incontournable.
Des carrières aux parcours
Pour les raisons déjà évoquées, la carrière n’est plus un levier majeur de motivation
pour de jeunes agents s’inscrivant davantage dans l’immédiateté que dans la
durée. Aux DRH de prendre le relais en proposant des parcours professionnels et
de formation.
Le parcours est l’ensemble des séquences, étapes choisies ou étapes subies,
qu’un agent connaît tout au long de sa vie professionnelle. La collectivité définit
un itinéraire de qualification ou de professionnalisation pour rendre le parcours
possible en fonction du métier actuellement exercé et de celui souhaité. Conçus
dans un premier temps pour apporter des réponses aux agents en situation d’usure
professionnelle, les parcours sont aujourd’hui envisagés pour tous les agents.
Les agents ayant besoin de se repérer pour identifier les métiers et les étapes à
franchir, les DRH mettront à leur disposition les outils nécessaires : cartographie
des métiers, boussoles…
La mobilité pour tous, interne ou externe
La mobilité favorise le développement des compétences, l’émergence d’une culture
professionnelle transversale, la capacité d’adaptation à des situations et méthodes
de travail nouvelles, l’évolution des carrières. Toutes les collectivités misent sur ce
dispositif, considérablement professionnalisé, depuis plusieurs années tant pour
faire face à leurs besoins en compétences que pour offrir des perspectives à leurs
agents. Les jeunes y sont très favorables.
En raison de leur accès à l’information et d’une culture de la mobilité externe
s’inscrivant dans leur plan de carrière, les cadres A sont proactifs. Selon les
DRH, les jeunes agents de catégorie C ont une attitude plus passive donc sont
davantage dépendants des services RH et de leurs managers. Ces derniers restent
Sandra ENLART et Olivier CHARBONNIER, Quelles compétences pour demain ?, 2014
54
73
la clé de voûte du dispositif soutenus par les RH. Aujourd’hui monopolisées sur
l’accompagnement des mobilités contraintes, elles n’ont malheureusement pas les
ressources nécessaires pour soutenir les agents en mobilité choisie.
Une collectivité territoriale doit pouvoir également accompagner ses agents dans
un projet de mobilité externe, dans le public ou dans le privé. Cela implique une
réorientation des politiques de gestion des compétences non plus exclusivement
centrées sur le poste mais aussi sur l’agent.
Axe 6 - Développer une politique d’accueil et d’intégration
des nouveaux agents
Les directions des RH sont particulièrement sensibilisées sur ce sujet, l’intégration
des nouveaux agents est une de leurs priorités. Bien que les démarches soient
mieux structurées, elles demeurent insuffisantes faute de s’inscrire dans la durée.
La culture territoriale des jeunes agents ne leur permet pas de comprendre leur
collectivité, ses spécificités, ses fonctionnements.
Un double accueil des agents :
• Un accueil collectif :
Une réunion ou parfois un séminaire sont généralement organisés dans toutes
les collectivités. La présence des dirigeants lui apporte une autre ampleur et
témoigne de l’importance qu’ils accordent aux agents et à la GRH : élus, DGS,
DRH… Les thèmes proposés sont bien connus : droits et devoirs de l’agent, rôle
des élus et de l’administration, organisation et fonctionnement de la collectivité,
politique managériale, politique RH – dont la prévention et la sécurité, les
prestations sociales, les finances, les marchés publics... La présentation de
la stratégie, des orientations, des projets, parfois même la visite des sites
exemplaires, complètent ces premières informations.
• Un accueil individualisé :
L’accueil dans le service est tout aussi important. Les managers, avec leurs
équipes, en portent la responsabilité.
Trois pistes d’amélioration peuvent être engagées pour favoriser l’intégration des
nouveaux arrivants et sont fondées sur une collaboration étroite entre le DRH et
le manager :
74
- Des bilans individuels à échéances régulières avec l’agent : 3, 6 et 12 mois
après le recrutement, associant la DRH et le manager, lesquels s’inscrivent
dans une démarche de prévention des difficultés.
- Le parrainage ou le tutorat permet d’accompagner et de guider les nouveaux
collaborateurs, notamment s’ils sont managers.
- La formalisation d’un parcours de développement des compétences prenant en
compte les compétences à développer et l’accompagnement des agents devant
passer un concours.
Ces propositions sont à adapter en fonction de chaque collectivité. Les managers,
plus encore s’il s’agit de leur premier poste, feront l’objet d’une attention de la
DRH et de leur management. Comme les grandes entreprises, les collectivités
incitent les cadres à s’impliquer dans un réseau. Enfin la production d’un rapport
d’étonnement, devenu classique, est intéressante si elle s’inscrit dans une
démarche de questionnement continu des pratiques.
75
76
L’ÉTUDE
SYNTHÈSE DE
L’étude interroge le système managérial territorial face au renouvellement de
génération des fonctionnaires territoriaux. 40 entretiens ont été réalisés avec des
jeunes agents ainsi qu’avec des DRH, des médecins de prévention, des assistants
sociaux et des représentants d’organisations syndicales.
Deux terrains d’étude différents ont été sélectionnés : l’Île-de-France, et plus
précisément les départements de l’Essonne (91) et de Seine-Saint-Denis (93), et la
région Bretagne. Au total, 26 jeunes agents de 18 à 35 ans en poste, de catégories
A, B et C, ont témoigné de leur expérience dans une collectivité territoriale.
Les jeunes agents sont encore très minoritaires dans les collectivités, mais au même
titre que les élus et les dirigeants, une nouvelle génération arrive. Dans la fonction
publique territoriale, ils représentent 11,3 % des agents. 2 % occupent un poste
d’encadrement supérieur ou un emploi de direction alors que 30,4 % sont diplômés
du supérieur. D’un autre côté, 32,2 % ont un diplôme inférieur au baccalauréat.
Nombre d’a priori pèsent sur les jeunes. Une littérature abondante à la fois
contradictoire et paradoxale véhicule d’eux une image stéréotypée et simplifiée :
individualistes, peu motivés et peu disponibles, avec une loyauté incertaine
vis-à-vis de leur employeur. Aujourd’hui, les experts et les chercheurs prennent du
recul face à ces marqueurs générationnels et considèrent que cette génération ne
fait que porter et amplifier, ce qui constitue un mouvement de fond.
D’ici 2020, huit millions d’actifs partiront en retraite selon les prévisions de
l’INSEE. Ce peut être une opportunité, pour des collectivités sous contraintes,
de repenser leur schéma organisationnel et d’engager de nouvelles pratiques. Ces
nouvelles organisations impliqueront la prise en compte d’une autre relation au
travail des agents, jeunes et moins jeunes : plus d’autonomie et de responsabilités,
le besoin de sens, une articulation vie privée et vie professionnelle.
Un fort besoin de stabilité de l’emploi
La FPT et ses métiers sont encore méconnus. Le secteur privé l’est sans nul
doute davantage auprès des jeunes en recherche d’un emploi. Leur méfiance est
néanmoins perceptible vis-à-vis des entreprises, en raison de pratiques managériales
orientées vers des résultats et de l’instabilité de l’emploi. Par ailleurs, le manque
de dynamisme et des métiers éloignés des citoyens ne rendent pas la fonction
publique d’État plus attractive.
77
À moins d’un métier s’y exerçant principalement, la FPT est un choix par défaut
pour la majorité des jeunes en quête de sécurité de l’emploi. Ils y entrent le plus
souvent par le hasard d’une annonce ou d’une rencontre. L’engagement des cadres
A est davantage fondé sur le service public, l’intérêt général et le développement
des territoires. Au-delà, la FPT est pour tous porteuse de perspectives d’évolutions
professionnelles en raison de la diversité de ses métiers.
De jeunes agents mobilisés et engagés
Une fois en poste, les jeunes agents se disent souvent heureux et même fiers de
travailler pour les autres et de « servir à quelque chose ». Le statut de fonctionnaire
participe également à l’intégration dans la vie civile : relations facilitées avec les
banques pour l’obtention de prêts immobiliers ou avec les bailleurs pour la location
d’un logement.
Un processus de recrutement plus sélectif mais dans le respect
de la diversité
La phase de sélection est devenue une phase-clé. Les collectivités souhaitent
désormais privilégier un recrutement par les compétences, alternative qualitative
à une gestion des effectifs sous contraintes. Nombre d’agents sont aujourd’hui
dans une situation de déclassement (niveau de qualification est supérieur à celui
demandé pour son poste) acceptée en raison du système de la carrière permettant
d’envisager des perspectives d’évolution par le biais des concours. En devenir dans
une minorité de collectivités, le processus d’accueil et d’intégration se structure
progressivement dans de nombreuses autres. C’est un des facteurs-clés de réussite
d’un nouveau collaborateur, qui plus est s’il s’agit de son premier poste.
La lutte contre les discriminations à l’embauche d’un nombre croissant de
collectivités explique leur intérêt pour le label « diversité » délivré par l’Afnor.
Il permet à la structure candidate, lors d’un diagnostic préalable, d’évaluer ses
processus et de les modifier, le cas échéant, pour l’obtenir.
Des parcours valorisant les compétences au cœur des
préoccupations des jeunes agents
À l’aube de leur vie professionnelle, les jeunes territoriaux redoutent déjà une
obsolescence de leurs compétences, et sont pleinement conscients de la nécessité
d’une mise à jour continue et renouvelée de leurs connaissances. À ce titre, la
formation est très appréciée et ce d’autant plus qu’ils sont aussi ouverts, à moyen
terme, à des évolutions. Chaque agent est d’ailleurs appelé à devenir un « acteur »
de son parcours et de ses compétences.
78
La vision verticale de la carrière régresse au profit d’une vision plus transversale.
Son principe, sorte de contrat psychologique se traduisant par une faible rémunération de départ contre une promesse d’avancement à long terme, ne semble plus
répondre aux attentes des jeunes agents. Ils privilégient une évolution plus rapide.
Au terme « carrière », ils substituent d’ailleurs « mobilité, parcours, formation ».
Une information encore peu disponible
L’écart est important entre leur vie privée, où l’accès aux informations est aisé, et
leur vie professionnelle où elle est bridée. Les collectivités cultivent encore une
certaine opacité et les managers ne semblent pas pleinement assurer leur rôle de
relais et de décryptage de l’information. Le partage de l’information est également
freiné par un accès très inégal des agents affectés à l’intranet.
Une action sociale peu prisée/délaissée
Depuis plusieurs années la politique d’action sociale monte en puissance dans
les collectivités. Les jeunes agents n’en sont pas les premiers consommateurs. La
souscription d’une complémentaire santé et d’une prévoyance est généralement
subordonnée à une aide financière de l’employeur.
Des agents impliqués mais dans le cadre d’une gestion du
temps maîtrisée
Pour les jeunes rencontrés, le travail est une contrainte permettant de satisfaire des
besoins matériels et procurant une stabilité appréciable. L’intérêt pour le travail est
réel, surtout s’il répond à des attentes telles que l’utilité, la diversité ou l’autonomie
et s’il est associé à un sentiment de fierté. La relation avec les usagers est au cœur
de l’engagement. Elle est levier de satisfaction pour les agents en régions alors
qu’en Île-de-France, en raison du comportement de certains usagers, elle est plus
incertaine/aléatoire. Leur système de valeurs étant organisé autour de plusieurs
centres (travail, famille, loisirs), la flexibilité est très appréciée, les jeunes agents
souhaitant avoir de la latitude dans la gestion de leur temps. Ce souhait conduit
les cadres à porter un avis très positif sur les technologies de l’information et de
la communication qui leur permettent une plus grande liberté d’organisation du
travail.
Des relations distanciées avec les élus
Les jeunes s’interrogent sur leurs rôles, leurs missions et leurs prérogatives,
autrement dit leur raison d’être et leur place dans la collectivité. Les privilèges des
élus, ou ressentis comme tels, ne passent pas inaperçus dans un environnement
sous tensions. Les cadres A ont une autre relation, d’égal à égal.
79
Une remise en cause du management traditionnel
Les jeunes agents sont nombreux à déplorer une ligne hiérarchique à plusieurs
niveaux dont ils mesurent mal la valeur. Ils sont déstabilisés par des pratiques
managériales trop peu communicatives et « déresponsabilisantes », ne leur
accordant pas suffisamment d’autonomie. Des pratiques de travail d’un autre
temps, conséquences d’un sous-équipement informatique, sont également
« démobilisantes ». Pour eux, la hiérarchie est avant tout une ressource présente
quand cela est nécessaire. Elle assure également une fonction de régulation plutôt
que de contrôle en s’assurant du résultat plutôt que des moyens. Les fonctions
traditionnelles d’autorité, de prescription et de contrôle sont remises en cause. Leur
maîtrise des outils numériques les met, paradoxalement, en porte-à-faux avec les
plus âgés, moins à l’aise.
Les jeunes peuvent-ils être de bons managers ?
Confier des responsabilités managériales à de jeunes cadres incite à s’interroger
sur l’enseignement du management. Aujourd’hui, principalement fondé sur
l’intégration de compétences cognitives, il prépare peu au métier de manager,
faute d’une alternance théorie/pratique. Quelques collectivités souhaitent leur
donner leur chance et misent sur leurs atouts : regard neuf, innovation, capacité
à travailler en transversalité, pour engager de nouvelles pratiques et faire « bouger
les lignes ». Ce pari n’est pas sans risques si l’accompagnement n’est pas à la
hauteur des obstacles. Les jeunes managers peuvent être mal perçus et susciter un
sentiment de dépossession chez des collaborateurs plus âgés, plus encore dans des
organisations aux modes de fonctionnement figés.
Des jeunes agents critiques vis-à-vis des organisations
syndicales
Si une minorité de jeunes agents leur accorde encore du crédit pour porter des
causes collectives, la majorité d’entre eux est partagée entre l’incertitude concernant
leur rôle et le rejet. Le syndicalisme est en effet perçu comme un syndicalisme
d’opportunité et de défense de causes indéfendables. La culture de la contestation
systématique ne rencontre ni l’assentiment, ni le soutien des jeunes.
Des insatisfactions encore peu nombreuses
Elles proviennent principalement de la perception d’un écart entre le discours sur les
valeurs affichées et les pratiques. Les jeunes demandent plus l’équité de traitement
et la justice sociale que d’égalité. La rémunération est perçue différemment selon
les territoires. Les jeunes agents travaillant en province sont plus sereins que ceux
de la région parisienne, le coût de la vie étant moins élevé.
80
Six axes de réflexion
Tout l’enjeu des collectivités territoriales est de prévenir les risques de démotivation
de ces jeunes agents, encore très impliqués malgré quelques signes de lassitude.
Tous ont plébiscité l’autonomie, des marges de manœuvre et la prise de
responsabilités.
Axe 1 - Devenir un employeur de choix
Le but est de susciter un engagement davantage centré sur la collectivité, pas
seulement sur le métier ou le service, en valorisant et en prenant appui sur les
caractéristiques qui la distingue des autres : territoire, valeurs, culture interne,
missions, projets, politique RH et managériale... Il s’agit de susciter une adhésion
durable pour ne plus être un employeur lambda, certes en délivrance de services
publics, mais en fin de compte interchangeable.
Axe 2 - Engager de nouveaux modes de fonctionnement
Un fonctionnement en transversalité associé à la digitalisation du travail permettant
de démultiplier les coopérations, une approche plus participative associant les
agents et la reconnaissance de leur droit à la parole sont autant de pistes crédibles
pour répondre aux attentes des jeunes agents.
Axe 3 - Réinterroger la politique managériale
Des changements profonds sont à engager en assurant en premier lieu un
accompagnement soutenu des managers : rompre avec un management pyramidal
et vertical pour tendre vers davantage de transversalité, développer des compétences
relationnelles orientées sur l’accompagnement, l’écoute, et la capacité à faire
adhérer, et enfin reconsidérer les marges de manœuvre des managers de proximité
aujourd’hui inexistantes.
Axe 4 - Maîtriser la gestion du temps
L’usage massif des TNIC et des nouvelles formes d’organisation du travail ne peuvent
être traités dans des règlements du temps de travail aux dimensions comptables
et juridiques. Une réflexion approfondie, prenant en compte différents paramètres,
permet en associant étroitement les agents, de répondre aux besoins du service
public. Cela répond également aux attentes des agents en veillant à la conciliation
de leur vie professionnelle et de leur vie personnelle.
Axe 5 - Développer les compétences et offrir des perspectives
Les services publics sont en évolution permanente en raison des transformations
des activités et des nouvelles méthodes de travail. Si la formation est un des leviers,
nombre d’organisations, conscientes de la nécessité de réduire la déconnexion entre
le travail et l’apprentissage, privilégient d’autres pratiques : MOOC, serious game,
fab lab mixant apprentissage collectif et individuel. La carrière n’étant plus un
levier majeur de motivation des jeunes agents, les RH formalisent progressivement
des parcours professionnels et de formation.
81
Axe 6 - Formaliser une politique d’accueil et d’intégration des agents et des jeunes
Conjuguer un accueil collectif et un accueil individualisé assorti d’un bilan est incontournable. Le premier, par le biais de stages ou de séminaires, permet à l’agent
de s’intégrer dans un réseau et un collectif de travail. Le second se traduit par des
bilans individuels, un parrainage ou un tutorat et, si besoin, la formalisation d’un
parcours de développement des compétences.
82
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A. Participants à l’atelier du 10 mars 2015
Laurence ANGLEYS, Consultante, Association des directeurs généraux des
communautés de France
Florence BACO-AMBRASS, DGS de Palaiseau, Syndicat national des directeurs
généraux des collectivités territoriales
Jeanne BALLOT, Responsable de l’Observatoire social territorial, MNT
Frédéric BODO, Responsable organisation des CCAS/CIAS et Petite Enfance,
UNCCAS
Georges CLOS, Président de la section du Val d'Oise, MNT
Damien DOZOL, Animateur de trafic et communautés internet, MNT
Noémie FOORT, Chargée de mission relations institutionnelles, MNT
Mathieu FORTIN, Président du comité jeunes, MNT
Jérôme GROLLEAU, Sociologue
Catherine GUILLEMIN, Déléguée générale, AITF
Sylvie GUINAND, Secrétaire générale, Fédération CGT des Services Publics
Jean-François IRASTORZA, Conseiller du Président, SMACL Assurances
Jean-Marc JOUSSEN, Directeur-adjoint en charge des affaires publiques, MNT
Pascal KESSLER, Secrétaire national, FA-FPT
Céline MADRANGE, Chargée de mission promotion de la santé et action sociale,
MNT
Christine MARCHETTI, Secrétaire nationale responsable syndicalisation, Fédération
interco CFDT
Jean-René MOREAU, Administrateur national, président de l’OST, MNT
Laetitia PAOLAGGI, Médecin conseil, MNT
Adeline PRIEZ, Chargée de mission promotion de la santé et action sociale, MNT
Fabienne SARNECKI, Responsable GPEC, Ville de Noisy-le-Grand
Jean-Sébastien SAUVOUREL, Conseiller, Villes de France
Jean TANCEREL, Directeur des relations extérieures, CNAS
Christine THOMAS, Chargée d’études, FS4 Questions sociales, CSFPT
83
Alice TOMAS, Chargée d’études marketing marché, MNT
Alexandra TISSOT PAGES, Directrice des ressources humaines, conseil général des
Hauts de Seine
B. Présentation de l’étude
Jean DUMONTEIL
Bonjour à tous. Nous sommes réunis pour parler des jeunes agents des collectivités
locales, de leurs relations avec leurs employeurs et avec le travail. La complexité de
ce sujet n’a pas effrayé Anne GRILLON, qui a été aidée par le comité jeunes de la
MNT, représenté aujourd’hui par Mathieu FORTIN. Avant de les écouter, je cède la
parole à Jean-René MOREAU, président de l’Observatoire social territorial.
Jean-René MOREAU
Nous sommes réunis afin d’écouter une étude qualitative concernant les jeunes
agents, leurs motivations et leurs perceptions. Cette étude a été validée par le
conseil scientifique de l’Observatoire. Celui-ci travaille sur les questions de
management, de santé et de bien-être au travail. L’étude entre évidemment dans ce
cadre. Elle rejoint d’ailleurs par de nombreux aspects des travaux que nous avons
déjà présentés sur la mobilité et sur les seniors. Un fil conducteur associe en effet
les travaux de l’Observatoire, dont le conseil scientifique réunit notamment des
universitaires, des experts et de grandes associations professionnelles.
Cette étude a été réalisée à la suite d’une demande du comité jeunes, présidé par
Mathieu FORTIN. Je le remercie, de même qu’Anne GRILLON, pour le travail qu’ils
ont accompli. Malgré l’intérêt de ce sujet, peu d’études concernent les jeunes
agents. Les réactions et les commentaires rapportés par l’étude montrent d’ailleurs
des réalités rarement mises en lumière.
Jean DUMONTEIL
J’invite Mathieu FORTIN à présenter le comité jeunes.
Mathieu FORTIN
Le comité jeunes est une instance consultative du conseil d’administration de la
MNT. Il s’agit aussi d’aussi une instance d’action, qui participe à la promotion du
militantisme mutualiste. Ce comité réunit des militants de la MNT âgés de moins
de 40 ans. Le terme « jeunes » qualifie donc des militants pendant longtemps, en
raison notamment des réalités démographiques de la fonction publique territoriale.
Le comité accomplit des actions concrètes afin de développer le militantisme des
jeunes adhérents et de partager les préoccupations des jeunes agents territoriaux
84
avec l’ensemble des dirigeants de la mutuelle. Il a ainsi demandé à l’Observatoire
qu’une étude concerne les besoins des jeunes agents, afin que le comité jeunes
puisse y répondre. Nous avons ensuite constaté l’existence d’autres attentes, qui
justifiaient l’élargissement du champ de cette étude.
Je salue Nicolas LE BOULAIRE, membre de la section MNT du Morbihan, qui
a suivi attentivement cette étude. Je remercie aussi Anne GRILLON et Jeanne
BALLOT pour leur travail. Je remercie enfin tous les participants à cet atelier dont
la présence montre l’intérêt pour le sujet traité. J’espère que vous participerez à nos
réflexions, afin que nous puissions compléter l’étude.
Jean DUMONTEIL
Je vous propose à présent d’écouter Anne GRILLON qui nous évoquera d’abord la
méthode utilisée pour réaliser cette étude.
Introduction
1. La méthodologie
Anne GRILLON
J’ai réalisé cette étude sur les attentes et les motivations des jeunes agents
territoriaux. Le texte de cette étude sera d’ailleurs publié dans quelques mois.
Nous avons rencontré de jeunes agents de 18 à 35 ans. Nous avons en effet constaté
que les agents entraient assez tardivement dans la fonction publique territoriale,
souvent à 32 ou 33 ans. Il aurait donc été dommage de se priver de l’expérience
de ces agents. Vous savez d’ailleurs que nous vivons tous plus longtemps et en
meilleur état.
Les 26 jeunes agents rencontrés travaillent dans toutes sortes de collectivités. Nous
avons aussi rencontré dix directeurs des ressources humaines et quatre médecins et
assistants sociaux, ainsi que des représentants du personnel de la CGT, de la CFDT
et de l’UNSA. Ces différentes rencontres nous ont permis de croiser les regards afin
de réaliser notre étude.
Deux terrains d’étude ont été choisis, l’Île-de-France d’une part, plus précisément
la Seine-Saint-Denis et l’Essonne, et la Bretagne d’autre part. Dans les deux cas,
nous avons étudié des villes, des EPCI et des conseils généraux et régionaux.
Dans l’ensemble, nous avons rencontré un échantillon varié et représentatif. Si les
points de vue se recoupent souvent, des différences sont toutefois apparues entre
l’Île-de-France et la Bretagne, par exemple au sujet des rémunérations.
2. Le contexte
Les collectivités se trouvent dans un contexte de réformes, quoique les textes
législatifs effectuent des allers-retours entre les deux chambres. Des contraintes
85
financières pèsent aussi sur les collectivités territoriales, quoique certaines d’entre
elles, notamment des villes, éprouvaient déjà des difficultés depuis plusieurs
années. Désormais, les EPCI, les régions et les départements sont également
concernés par ces contraintes et doivent aussi reconsidérer la gestion de leurs
collectivités et leurs modes de fonctionnement et de management.
Il faut aussi rappeler que la porosité entre la société et les entreprises devient
de plus en plus forte. Le nier serait déraisonnable et nous empêcherait d’être
conscients de certaines problématiques. Depuis les années 2000, plusieurs sujets
sociaux concernent toutes les organisations, par exemple l’individualisme, la
diversité, et certaines formes de souffrances, que nous évoquerons quand nous
parlerons des risques psychosociaux. Ces sujets ont modifié notre appréhension
des organisations et les attentes des individus. Ceux-ci veulent désormais que
leurs employeurs les aident dans leur vie personnelle. Autrefois, à l’inverse, nous
avions coutume d’affirmer que nous devions « laisser nos problèmes à la porte » et
que nous ne devions pas en parler. Les jeunes agents attendent désormais d’être
accompagnés d’une manière plus complète que précédemment.
Le parcours d’entrée des jeunes dans les
collectivités territoriales
1. D’un choix par défaut à une réelle motivation à travailler en
collectivité
Parler d’un choix par défaut peut sembler choquant. Cependant, un jeune agent qui
intègre une collectivité territoriale, par exemple la ville de Palaiseau, le fait de la
même manière que s’il intégrait la MNT ou même un autre environnement. En effet,
les jeunes individus que j’ai rencontrés cherchent d’abord un emploi, quoiqu’il soit
intéressant et positif de constater que, ce faisant, ils trouvent un travail. Un agent
m’a ainsi déclaré qu’il voulait avant tout « rapporter de l’argent à la maison à la fin
du mois ». De jeunes individus intègrent donc la fonction publique territoriale de
la même manière qu’ils rentreraient chez n’importe quel autre employeur. Il faut
cependant rappeler que la FTP propose de moins en moins d’emplois.
Les jeunes agents soulignent aussi qu’ils n’ont pas toujours choisi de travailler
pour un employeur du secteur public. Ils cherchent surtout la stabilité de l’emploi.
Celle-ci n’existe toutefois qu’à partir de leur titularisation. Or de nombreux agents
travaillent dans la FPT pendant plusieurs années sans être titulaires.
Nous constatons aussi qu’en dépit de certains efforts de communication, les
collectivités ne sont pas véritablement identifiées comme des employeurs, ce qui
les empêche d’attirer des individus et d’être choisies par ceux-ci. Les jeunes agents
rencontrés m’ont d’ailleurs souvent déclaré qu’ils s’étaient portés candidats à la
suite du hasard d’une rencontre, d’une annonce ou parfois même d’un salon.
86
Une autre catégorie d’individus existe toutefois. Certaines personnes ont en effet
choisi un métier, notamment auxiliaire de puériculture, puéricultrice ou assistante
sociale. La fonction publique territoriale leur apparaît évidemment comme un
employeur possible.
La question de la proximité géographique possède aussi de l’importance. Je ne l’ai
pas réellement développée avec les jeunes agents rencontrés. Le représentant d’un
syndicat m’a cependant souligné que la réforme territoriale, en raison notamment
de la fusion des régions, pourrait amener certains agents à changer de lieu de
travail. J’ai toutefois des doutes sur cette perspective, en tout cas pour les années
à venir.
Jean DUMONTEIL
Nous pouvons observer que certaines personnes choisissent la police municipale
pour pouvoir choisir leur employeur et rester là où ils habitent, tandis que les agents
de la police nationale sont généralement affectés en région parisienne au début de
leur carrière.
Anne GRILLON
Bien sûr. Certaines personnes m’ont déclaré qu’elles ne voulaient pas travailler à
plus de 50 kilomètres de leur domicile. Or de nombreuses personnes parcourent
quotidiennement cette distance. Les Franciliens le savent. Nous savons d’ailleurs
que tout individu qui travaille est potentiellement mobile, sachant que les murs de
l’entreprise sont tombés.
Jean DUMONTEIL
Il reste néanmoins le bassin d’emploi où l’on travaille.
Anne GRILLON
Oui. Les employeurs ont d’ailleurs intérêt à relier le lieu de travail et le lieu
d’habitation.
2. Un accompagnement RH peu différencié des jeunes agents
a. Des politiques RH encore peu formalisées et égalitaires
J’ai demandé si un accompagnement ou des politiques de ressources humaines
spécifiques étaient proposés aux jeunes agents. Les DRH que j’ai rencontrés m’ont
répondu par la négative. Ils ont affirmé qu’ils n’effectuaient pas de distinction entre
les populations, car ils s’inscrivaient dans une perspective égalitariste. Cependant,
les entretiens ont montré que des spécificités existaient parfois. Une étude de
la MNT avait aussi montré que les seniors étaient l’objet d’actions spécifiques,
notamment en matière de santé et de conditions de travail.
87
Jean DUMONTEIL
Il s’agit d’une particularité de la fonction publique territoriale. Les entreprises
privées privilégient en effet les jeunes. Elles s’intéressent à leur potentiel afin de
les fidéliser et de les faire progresser.
Anne GRILLON
Les entreprises adoptent en effet un comportement différent par rapport aux jeunes
individus. Je dois toutefois souligner que les jeunes agents rencontrés se déclaraient
réticents vis-à-vis du monde de l’entreprise. Ils estiment que l’entreprise sacrifie
les individus sur l’autel de la finance et de la rentabilité. De manière générale,
l’entreprise ne dispose pas d’une bonne cote auprès des Français. L’employeur
public est jugé plus sensible aux considérations humaines, notamment en matière
d’organisation et de management.
b. Le recrutement
Les collectivités que j’ai rencontrées recourent, de manière variable, aux emplois
aidés, en particulier les emplois d’avenir, qui succèdent en quelque sorte aux
emplois-jeunes lancés par Martine AUBRY. Les collectivités de gauche se sont
toutefois montrées plus proactives en la matière. De plus, les directeurs des
ressources humaines apprécient ces emplois d’avenir. Ceux-ci apparaissent
parfois comme une compensation de l’absence de recrutements, sachant que de
nombreuses collectivités n’embauchent plus personne.
Cependant, les emplois aidés ne concernent généralement que des personnes
dépourvues de diplôme, qu’ils aident à « mettre le pied à l’étrier ». Une étude de
l’Institut Montaigne définit d’ailleurs l’école comme une « fabrique de chômeurs ».
Les organisations doivent donc former leurs salariés. Les collectivités s’inscrivent
dans ce mouvement de solidarité avec les personnes qui ne possèdent pas
de compétences. Il faut rappeler que le monde n’a jamais eu autant besoin de
compétences et que les compétences nécessaires ne sont pas les mêmes que celles
d’autrefois ni que celles de l’avenir.
Des collectivités s’intéressent évidemment aux compétences, qui peuvent se
définir comme l’ensemble des ressources mobilisées par un individu pour agir. La
compétence est donc, en quelque sorte, un savoir-agir. Les organisations publiques
découvrent son importance, tandis que les entreprises privées, avec plus ou moins
de bonheur, se sont emparées depuis longtemps de cette notion. Il faut notamment
s’appuyer sur les compétences des individus pour lancer une politique de mobilité.
Si, en effet, nous nous appuyons sur leurs formations ou leurs postes, nous pouvons
penser que les individus resteront toute leur vie au même poste. Or les jeunes
individus veulent désormais disposer de perspectives, notamment en matière de
mobilités, sans nécessairement passer de concours.
Le recrutement donne donc une importance accrue aux compétences. Les RH se
demandent par exemple quel métier l’individu recruté pourra exercer dans dix ans
88
et quelles compétences il devra développer. Certaines collectivités m’ont d’ailleurs
déclaré qu’elles lançaient des parcours de formation et de développement des
compétences dès le recrutement d’un agent.
Les jeunes agents ont également compris que la compétence était un capital qui
leur appartenait et qu’ils devaient développer. Ils attendent que leur employeur
les y aide. Or les collectivités tentent de mettre en place, d’une manière plutôt
clandestine, une gestion des hauts potentiels, comme les entreprises le font depuis
les années 2000. Ces politiques permettent d’identifier des individus, généralement
parmi les plus diplômés et désormais parmi les plus talentueux, c’est-à-dire les
personnes qui possèdent des compétences dont l’absence mettrait l’organisation
dans une situation difficile. Les collectivités doivent notamment identifier les
compétences présentes en leur sein.
Les personnes qui possèdent un potentiel élevé, généralement très diplômées, se
montrent d’ailleurs très mobiles. Elles n’hésitent pas à quitter une organisation,
parce qu’elles s’ennuient ou sont insatisfaites de leur emploi. Or certaines
organisations tiennent à stabiliser leurs équipes en proposant des parcours.
Par ailleurs, les collectivités ne prennent guère en compte les métiers en tension,
qui relèvent généralement de la filière médico-sociale, en particulier les médecins.
Un nombre croissant de collectivités développent en outre des politiques de
diversité, à l’instar des entreprises dont les déclarations, cependant, ne sont pas
toujours suivies de résultats. Des collectivités veulent notamment que leurs agents
ressemblent à leurs populations, en particulier en Île-de-France. Elles s’engagent
donc dans certaines démarches, par exemple le label de la diversité, octroyé par
l’AFNOR, qui atteste l’absence de discrimination dans les processus de ressources
humaines.
Le développement du CV anonyme a également été envisagé afin de satisfaire à cette
exigence de diversité. Le décret nécessaire n’a toutefois pas été publié. De plus,
cette perspective a été remise en question par le développement du recrutement
sur les réseaux sociaux. Des DRH constatent en effet que les nombreux candidats
qui répondent à leurs annonces ne correspondent pas forcément au profil du poste
publié. Ils envisagent alors de recourir aux réseaux sociaux afin de trouver le profil
recherché.
c. Le dispositif d’accueil des nouveaux agents
Les collectivités ne distinguent pas forcément les agents qui n’ont jamais travaillé
des agents plus expérimentés. Leurs dispositifs d’intégration prévoient notamment
une rencontre avec l’élu concerné et le DGS. Cependant, la réunion a parfois
lieu plusieurs mois après le recrutement. De plus, l’accompagnement n’est pas
suffisamment individualisé et les collectivités se reposent trop souvent sur le
management, qui n’est pas assez fortement sensibilisé aux nécessités existantes.
Notre étude préconise que l’individu soit suivi dans la durée, afin de lui permettre
de comprendre les codes complexes de la vie au travail.
89
d. La gestion des compétences et des carrières
Les collectivités mettent en place une gestion des compétences et des carrières.
J’aimerais pouvoir souligner à des DGS et à des DRH que les jeunes agents
possèdent de fortes attentes en matière de mobilité et de formation tout au long de
la vie. Ces concepts parlent beaucoup aux jeunes individus, qui sont aussi attachés
au concept « d’agent acteur de son parcours ». Les jeunes agents ont en effet
grandi avec l’idée que la compétence était un atout et un capital éphémère. Ils
considèrent donc comme une protection l’accompagnement des compétences.
Les agents diplômés disposent généralement d’un projet et d’une vision à long
terme. En revanche, les autres éprouvent des difficultés pour se repérer dans leur
environnement de travail, car ils possèdent une très faible culture en matière
de collectivités territoriales. Une DRH m’a d’ailleurs déclaré qu’elle pensait
que l’intégration des jeunes agents avait « raté » quelque chose. Ces agents ne
disposent pas des outils nécessaires pour savoir à qui s’adresser afin de développer
leurs compétences. Un accompagnement doit donc leur être proposé.
Les jeunes agents souhaitent aussi posséder des perspectives d’évolution. Dans la
fonction publique, cela suppose généralement de passer des concours. Or certains
jeunes agents s’y refusent, généralement pour des raisons de temps ou de niveau.
Les concours leur font peur car ils impliquent une forme de remise en question.
De nombreuses personnes risquent donc de ne pas évoluer. La mobilité interne
leur apparaît alors comme un moyen de disposer de perspectives sans passer de
concours.
Par ailleurs, les agents qui possèdent un métier, par exemple les assistants sociaux,
ne veulent pas forcément l’exercer toute leur vie. Ils attendent donc de leur employeur
qu’il leur permette de changer de métier, grâce à des formations certifiantes. Notre
étude a d’ailleurs révélé une forte appétence pour l’apprentissage.
De nombreux agents se montrent d’ailleurs plus sensibles au terme « parcours » qu’à
la notion de carrière, notamment parce qu’ils sont parfois entrés par hasard dans
leur collectivité et qu’aucun jeune agent ne m’a évoqué cette notion spontanément.
Ils associent la carrière à un temps excessivement long. Un DRH a d’ailleurs
déclaré qu’il ne comprenait plus les jeunes agents. Ceux-ci s’interrogent surtout sur
l’évolution de leur rémunération. Ils ignorent les notions d’échelons, d’avancement
de grade et de CAP. Cette méconnaissance de la notion de carrière s’explique
évidemment, en partie par un manque de culture générale de la collectivité. Les
jeunes agents envisagent donc surtout de changer de métier et de continuer à
apprendre, voire de commencer à apprendre.
Un DRH me soulignait aussi que les jeunes agents ne posaient pas de problème.
Les risques de démotivation n’apparaissent que plus tard. En effet, les jeunes
agents sont heureux de travailler. Ils l’ont déclaré. Les représentants du personnel
nous l’ont aussi souligné. Ils ont aussi signalé que les jeunes individus acceptaient
parfois des conditions de travail difficiles. De plus, ces jeunes agents considèrent
que la fonction publique est désintéressée, par comparaison avec les entreprises.
90
e. L’information et la communication interne
Les agents de 18 à 35 ans ont grandi avec de nombreux outils de communication,
dont ils savent se servir, quoiqu’une préoccupation concerne l’illettrisme numérique.
Or ces agents expriment une forte insatisfaction au sujet de la communication
interne. Quand ils travaillent dans un service extérieur, ils ne peuvent généralement
pas accéder à un ordinateur, à une tablette ou à un smartphone, ce qui les isole,
sachant que de nombreux journaux internes sont dématérialisés. Cette réalité ne
renforce évidemment pas leur sentiment d’appartenance à une organisation. Or
l’organisation doit créer un sentiment d’appartenance. Elle doit en effet favoriser
la conscience que l’agent travaille pour une collectivité, et non pour un service ou
une direction.
Il faut aussi rappeler que les collectivités territoriales n’utilisent guère les réseaux
sociaux. Les jeunes agents que j’ai rencontrés se montrent partagés sur ce sujet.
Certains souhaiteraient l’existence d’un réseau social interne. D’autres y sont
réticents, car ils considèrent que ce réseau interférerait avec leur vie privée. Ils
assimilent en effet les réseaux sociaux à un domaine personnel. En revanche, les
jeunes agents considèrent avec intérêt les outils collaboratifs, par exemple les
groupes de travail constitués dans le cadre d’un projet ou les communautés de
métiers, en opposition à la tendance à l'opacité et à la culture du secret. Dans
l’ensemble, nous constatons la persistance d’un fort décalage entre la vie privée et
la vie professionnelle.
f. L’accompagnement social et l’action sociale
Aucun dispositif spécifique ne concerne les jeunes agents. Les collectivités
sont d’ailleurs libres de mettre en place une politique d’action sociale et un
accompagnement social, tandis que les agents de l’État doivent au moins bénéficier
de prestations interministérielles. Néanmoins, des politiques se développent depuis
le gel du point d’indice, à la suite notamment du texte sur les complémentaires
santé et prévoyance, car elles apportent une protection aux agents.
Le logement constitue en particulier un sujet très important pour les agents de
la région parisienne, tandis que les agents de Bretagne n’ont pas mentionné ce
sujet. En revanche, la santé ne constitue pas un sujet important pour les jeunes
agents. Les DRH, les assistants sociaux, les médecins et des représentants du
personnel nous ont indiqué qu’ils essayaient d’inciter les jeunes agents à choisir
une protection sociale, en leur proposant des tarifs privilégiés. Les jeunes individus
préfèrent cependant consacrer leur argent à d’autres dépenses. Le seul qui m’en ait
parlé est également le seul qui soit représentant du personnel.
3. Première préconisation : utiliser le concept de « marque
employeur » pour devenir un employeur de choix
Je reviens sur le mot « carrière ». Un contrat psychologique implicite associait
traditionnellement l’individu et l’organisation. Dès lors que ce contrat est rompu,
la notion de carrière devient problématique. Pendant longtemps, la collectivité qui
91
recrutait un agent lui offrait la promesse d’une évolution de carrière, une forme
d’ascenseur social qui n’existe plus ou beaucoup moins.
J’invite donc les collectivités à considérer ce sujet avec attention, afin qu’elles
puissent conserver et développer le capital de motivation. Les pistes de travail que
je propose, avec la MNT, ne concernent pas seulement les jeunes agents, mais
aussi tous les autres agents.
Je rappelle que la notion de marque regroupe les différents aspects intervenant
dans le contenu et l’image d’une entreprise. Il s’agit donc de l’identité d’une
organisation.
Jean DUMONTEIL
Cette identité se définit facilement pour une entreprise qui ne réunit que quatre
métiers. Cette facilité n’existe pas dans une collectivité territoriale, où de nombreux
métiers coexistent. La collectivité territoriale peut-elle se définir par sa vocation à
faciliter la vie des concitoyens ?
Anne GRILLON
Nous avons indiqué que les quatre objectifs suivants devraient être poursuivis :
• Renforcer la confiance dans l’administration et améliorer l’image du secteur
public, car il importe que l’agent, qui n’a généralement pas assez conscience
de l’identité de son employeur, soit fier de travailler pour la collectivité ; cela
suppose d’ailleurs une amélioration des relations entre la communication
interne et la communication externe.
•Réformer et adapter les systèmes de gestion des ressources humaines,
notamment en matière de développement des compétences.
• Créer de meilleures conditions de travail, autrement dit la qualité de travail, afin
de renforcer la confiance de l’agent en son employeur.
• Améliorer le professionnalisme.
4. Deuxième préconisation : développer une politique
d’accueil et d’intégration des agents et des jeunes
Mathieu FORTIN m’a indiqué avant notre atelier que sa collectivité invitait les
nouveaux agents à assister à une réunion du conseil municipal. Cette action peut
favoriser l’intégration des agents.
Il faut aussi proposer un accueil individualisé, comprenant la réalisation de bilans
à des échéances régulières. Ce travail concerne évidemment les directions des
ressources humaines. Cependant, les managers doivent aussi participer à cette
démarche. De plus, des parrainages ou des tutorats doivent être envisagés. Enfin,
un parcours de développement des compétences devrait être proposé aux agents.
Jean DUMONTEIL
Nous passons désormais à la deuxième partie de la présentation de l’étude.
92
Comprendre et prendre en compte les
caractéristiques et les attentes des jeunes agents
1. Les atouts de la fonction publique territoriale
a. Leur relation au travail et la place centrale du « sens » au travail
Anne GRILLON
Vous remarquez que je n’ai jamais employé l’expression « génération Y », ou
« génération X », et que je n’ai pas non plus opposé les générations. Toutefois, cette
question devra désormais être posée, puisque nous évoquerons les caractéristiques
des jeunes agents. Ces derniers, selon certains poncifs, sont en effet qualifiés de
« jeunes égoïstes », ou d’individus « peu loyaux ». À l’inverse, les jeunes agents que
j’ai rencontrés ont affirmé qu’ils étaient contents de leur travail et qu’ils attachaient
de l’importance à la relation à l’emploi, celui-ci étant un bien rare. Je souligne que
les agents les moins qualifiés sont encore plus souvent victimes du chômage.
Cependant, tous les jeunes agents déclarent que leur vie ne se limite pas au
travail. Nous pouvons douter que leurs aînés n’aient jamais pensé leur contraire.
En revanche, nous constatons une différence entre les non-cadres et les cadres.
En effet, les jeunes cadres tiennent à avoir une vie sociale, familiale, culturelle
et sportive, et ils remettent en cause la centralité du travail. Ces propos ont été
entendus dès les premiers entretiens. Nous constatons que depuis la loi Aubry sur
la réduction du temps de travail, la culture du présentéisme a disparu.
Les jeunes agents ont aussi insisté sur la question du sens. Premièrement, ils
tiennent à exercer des missions de service public. Un jardinier m’a ainsi déclaré
qu’il préférait travailler dans une collectivité territoriale que pour un employeur
privé. Deuxièmement, ils donnent de l’importance à la qualité du travail, c’està-dire à leur capacité de rendre un service de qualité, y compris en allant parfois
au-delà de leurs missions et des limites de leurs outils. Troisièmement, ils sont
attachés à la qualité des relations au travail. Ils évoquent en particulier la solidarité
interne aux équipes et le travail en transversalité.
b. La maîtrise du temps
Il s’agit aussi d’une question sensible. Une DRH soulignait qu’en l’occurrence,
les jeunes agents veulent disposer de choix. Certains agents veulent par exemple
pouvoir consulter leurs emails le week-end, tandis que d’autres agents s’y refusent.
Il importe dans l’ensemble d’articuler la vie privée et la vie professionnelle.
Dominique MÉDA souligne ainsi « qu’un individu a envie de vivre plusieurs vies ».
Dans cette perspective, un emploi dans la fonction publique permet de disposer
d’un cadre qui évite de travailler au-delà d’une certaine heure ou de subir une
surcharge de travail pendant plusieurs mois, comme un agent m’a déclaré l’avoir
vécu dans le secteur privé.
93
Les agents expriment aussi une forte satisfaction par rapport aux jours de congé ou
de RTT. Ils tiennent également à la possibilité de travailler assez facilement à temps
partiel. Certains DRH doutent toutefois que cette possibilité persiste longtemps,
notamment parce que le temps partiel à 80 % coûte cher à l’employeur. La France
est d’ailleurs le pays d’Europe, avec la Finlande, où la durée du travail est la moins
élevée. La Cour des comptes préconise donc qu’elle remonte à 1 607 heures
par an. Cette question rejoint d’ailleurs les interrogations sur la manière dont les
collectivités pourront fonctionner à l’avenir, si elles ne recrutent guère. Cependant,
le temps de travail est perçu par les agents territoriaux comme une compensation
au fait que les salaires soient inférieurs à ceux du secteur privé. De nombreux
agents s’interrogent en outre sur la porosité des temps. Plusieurs agents m’ont ainsi
déclaré qu’ils refusaient que leur employeur s’immisce dans leur vie privée.
2. Les sources d’insatisfaction
a. L’écart entre le discours sur les valeurs affichées et les pratiques
Dans l’ensemble, les sources d’insatisfaction sont faibles, puisque les jeunes
agents sont heureux d’avoir un emploi. Néanmoins, des agents observent un écart
entre le discours et les pratiques de certains élus. Ceux-ci ne respecteraient pas
toujours l’équité entre les différents agents. Certaines connivences sont notamment
déplorées. En effet, les jeunes agents sont sensibles aux inégalités.
b. Le niveau de la rémunération
Dans l’ensemble, la rémunération est jugée importante. Cependant, une différence
existe entre les agents bretons, qui ne la considèrent pas comme un sujet de
préoccupation, tandis que les agents franciliens rencontrent, en matière de logement,
des difficultés susceptibles de provoquer progressivement une démotivation.
c. Un besoin de reconnaissance inassouvi
Cette attente peut sembler classique. Les jeunes agents attendent en particulier
que leur manager sache reconnaître leurs qualités et les en féliciter. Ils n’apprécient
pas qu’un manager adopte toujours le même comportement, que le travail soit bien
accompli ou non.
3. Leur regard sur les acteurs de la collectivité
a. La relation avec des usagers
En Bretagne, la relation avec les usagers constitue généralement une source de
satisfaction. En région parisienne, elle s’avère plus difficile, peut-être parce que
les usagers se comportent de manière plus agressive. Le fonctionnaire y apparaît
comme une victime expiatoire. Cette relation peut être vécue d’autant plus
douloureusement que l’agent n’est pas soutenu par la population ou par les élus.
b. La relation avec les élus
À l’instar des citoyens qui ne travaillent pas dans la fonction publique, les jeunes
agents éprouvent envers les élus locaux une certaine défiance, qui peut se
manifester par une abstention lors des élections locales. Je crains d’ailleurs que ce
94
phénomène se reproduise lors des prochaines élections. Il apparaît que les agents
ignorent ce qu’est un élu et quel est son rôle dans la collectivité. Une DRH m’a
toutefois expliqué que l’élu chargé du personnel de sa ville se rend souvent dans
les services, ce qui permet de construire une meilleure relation avec les agents que
dans d’autres collectivités.
c. Les relations avec la DRH
Les jeunes agents ne sont généralement plus en relation avec le DRH après leur
recrutement. Nous pouvons nous en réjouir, car cela permet aux DRH de constituer
un soutien, disponible quand un besoin apparaît. En effet, les agents veulent
surtout être informés de l’actualité des ressources humaines, être accompagnés
quand ils rencontrent des difficultés et conseillés dans le développement de leurs
compétences.
d. Les relations avec le manager
Le manager incarne quotidiennement l’organisation. Cependant, nous observons
sans doute un passage d’un exercice du pouvoir un peu solitaire à une plus
grande collégialité. Selon Marie-Claude SIVAGNANAM, DGS de la ville de Cergy,
« le partage du pouvoir est l’enjeu le plus important actuellement ». Les jeunes
agents jugent en effet trop complexes les organisations, notamment lorsqu’elles
comptent de très nombreux niveaux hiérarchiques, quoiqu’ils réduisent l’efficacité.
De nombreux managers sont en effet nommés afin de leur faire plaisir, car une
prime de responsabilité est généralement associée à cette fonction. Cependant,
l’émission « Le bonheur au travail », diffusée récemment par Arte, a montré que
des organisations étaient bouleversées par la réduction des niveaux hiérarchiques.
Les DRH distinguent d’ailleurs les jeunes agents des agents plus âgés. Les jeunes
agents mettent notamment en difficulté les mauvais DRH, car ils posent de
nombreuses questions, veulent être associés sur de nombreux sujets et font preuve
d’une grande liberté de parole. Ils veulent en effet tout comprendre. De plus, ils
attendent que leur responsable soit un manager-ressource ou un manager à la carte,
prêt à les aider quand ils ont un problème, mais absent le reste du temps.
Il apparaît aussi que la relation avec le manager ne peut se définir comme une
relation de confiance. Une jeune DRH m’a ainsi déclaré prendre conscience de
« générer une substance nocive », en raison des nombreux contrôles qu’elle doit
effectuer et qui empiètent sur ses autres activités. Une remise en question de
certaines pratiques existe donc.
De nombreuses personnes, dont Sylvie GUINAND, se sont en outre interrogées sur
l’intérêt de nommer de jeunes managers. Des difficultés existent, car les jeunes
managers sont souvent mal compris, comme les organisations syndicales et un
médecin du travail me l’ont indiqué. Ce médecin estime que des responsabilités
sont confiées trop tôt à certaines personnes, dans un univers assez violent, sans
les accompagner par rapport aux usagers et à des équipes qui, souvent, n’ont pas
évolué depuis plusieurs années.
95
La cohabitation entre différentes générations soulève aussi des interrogations.
Une jeune DRH m’a ainsi souligné le désarroi des jeunes agents par rapport à la
faiblesse de l’équipement informatique. Elle estime que cette réalité peut même
expliquer certains départs, des agents ne pouvant pas accéder à un organigramme,
à un Intranet et à des outils collaboratifs.
e. Les relations avec les représentants du personnel
Sur ce sujet, les jeunes agents se distinguent fortement des agents plus âgés. Ils
ne connaissent généralement pas les organisations syndicales, ignorent laquelle est
majoritaire et ignorent les différences idéologiques. Leur image varie de l’indifférence
au rejet. Certains jeunes agents reconnaissent que les syndicats peuvent servir une
cause collective. D’autres estiment cependant que les organisations syndicales ne
servent qu’elles-mêmes ou les agents qui ne travaillent pas. Un jeune agent a même
déclaré qu’il préférait s’adresser à son manager ou à son DRH quand il rencontrait
une difficulté. En règle générale, les jeunes agents associent aux représentants du
personnel une culture de la contestation dans laquelle ils ne se reconnaissent pas.
Face à ce constat, les représentants du personnel ont émis les quatre propositions
suivantes : donner envie aux jeunes de s’engager dans l’action syndicale ; assurer le
renouvellement des cadres et mieux partager les responsabilités ; revoir et adapter
la politique de communication, par exemple en utilisant les réseaux sociaux ;
travailler en réseau, comme cela a été notamment expérimenté en Isère avec Sylvie
GUINAND.
Les jeunes agents, un levier pour la transformation
des collectivités
1. Troisième préconisation : engager de nouveaux modes de
fonctionnement
J’ai déjà présenté nos deux premières préconisations. La suivante concerne
notamment le développement de modes de fonctionnement en transversalité, qui
peut être facilité par de nombreux outils, quoiqu’une vigilance doive concerner la
virtualisation et bien que la culture du projet ne soit pas encore très développée.
Des approches plus participatives sont déjà expérimentées. Par exemple, la moitié
des 250 000 employés de La Poste ont participé aux groupes de parole qui ont été
organisés. Il me semble d’ailleurs que les lois AUROUX sont excellentes. Le droit
à l’expression qu’elles évoquent me paraît très important. Or il n’a pas été traduit
dans les organisations.
Il faut aussi prendre en compte et accompagner la numérisation croissante du
travail en faisant évoluer les organisations, les structures hiérarchiques et les
compétences des agents.
96
2. Quatrième préconisation : la politique managériale
Mathieu FORTIN évoquera précisément cette préconisation. Nous souhaitons
en l’occurrence un raccourcissement des lignes hiérarchiques. De nouvelles
compétences managériales doivent aussi se développer, au-delà de la prescription
et du contrôle, afin de mieux associer les agents aux décisions. Les managers
doivent mieux écouter les agents et savoir se confronter à des contestations voire
à des conflits. Une réflexion doit donc concerner le pouvoir des managers et sur la
capacité d’action qui pourrait être accordée aux agents.
Par ailleurs, les managers doivent être évalués. Actuellement, les managers
défaillants restent à leur poste, ce qui nuit à l’organisation et à la crédibilité. Je
n’affirme évidemment pas que ces managers doivent être renvoyés. Cependant,
certaines personnes ne peuvent pas rester managers pendant toute leur carrière,
en partie en raison d’un manque d’envie. Enfin, une importance accrue doit
être donnée au management des managers. En effet, le manager des managers
n’accorde pas assez d’intérêt à l’animation des managers.
3. Cinquième préconisation : la gestion du temps
L’ANACT distingue le temps de l’entreprise, le temps du marché, le temps de
l’agent et le temps du territoire. Il importe en effet de développer une réflexion
globale sur le temps, afin que celui-ci soit adapté aux intérêts du service et à
ceux de l’individu. Un article de l’ANACT donne ainsi l’exemple d’une entreprise
de nettoyage qui s’efforce de faire comprendre à ses clients que le temps de ses
agents doit être pris en considération, sachant qu’ils travaillent généralement tôt
le matin et tard le soir. La Poste a également lancé une réflexion sur ce sujet. Le
fractionnement du temps de travail provoque d’ailleurs l’absentéisme de l’agent,
car celui-ci ne peut plus supporter le rythme imposé, incompatible avec une vie
personnelle.
Une charte des temps constitue aussi une piste importante. Elle permet de réévaluer
les différents aspects du temps de travail. Enfin, des réflexions concernent le
télétravail. Je ne le promeus toutefois pas. Il ne peut d’ailleurs pas concerner tous
les métiers, par exemple les services à la personne.
4. Sixième préconisation : développer les compétences, offrir
des perspectives
Il importe de relier l’apprentissage aux situations de travail, afin que l’agent ait le
sentiment d’apprendre quelque chose presque tous les jours. Il faut aussi continuer
à développer des entretiens de carrière et des bilans réguliers, pour éviter les
situations extrêmes de reclassement. De plus, il faut passer de la notion de carrière
à la notion de parcours. Enfin, des réflexions doivent concerner la mobilité.
97
5. Septième préconisation : encourager le militantisme ?
Un représentant de l’UNSA nous a suggéré cette préconisation. Elle soulignait que
les jeunes agents s’intéressaient à d’autres sujets qu’à eux-mêmes. Ils pourraient
donc être incités à développer, en interne ou en externe, des activités militantes
qui pourraient s’inscrire dans un cadre associatif, culturel ou syndical. L’APRH,
association des DRH du secteur privé, invite d’ailleurs les DRH à promouvoir le
militantisme syndical, car les DRH veulent discuter avec des individus représentatifs,
reconnus et capables de discuter des évolutions des organisations.
C. Débat
Jean DUMONTEIL
Nous avons évoqué une affirmation de DRH, selon lesquels aucune gestion
différenciée n’est mise en place pour les jeunes agents. Nous avons paradoxalement
observé que certains outils étaient néanmoins créés.
J’invite Mathieu FORTIN à intervenir. Nous donnerons ensuite la parole à la salle.
Mathieu FORTIN
L’étude souligne que les jeunes agents territoriaux ne sont pas les principaux
usagers des politiques sociales que les collectivités leur proposent. Cela peut
toutefois s’expliquer par un manque d’information sur les prestations existantes.
Dans ma collectivité, il existe une grande séparation entre celle-ci et la structure
qui propose des prestations sociales. Les jeunes agents ne connaissent donc pas
forcément ces prestations. Celles-ci répondent pourtant aux besoins des jeunes,
notamment en matière de loisirs, de famille et de culture. Elles sont en outre
souvent proratisées aux rémunérations.
Il faut aussi penser aux besoins non exprimés des jeunes agents. Les services des
ressources humaines devraient notamment leur démontrer l’intérêt d’une protection
sociale. En effet, les jeunes agents ne sont guère informés sur ce sujet. Ils ignorent
par exemple ce qu’est la prévoyance.
Je souhaite aussi évoquer la politique d’accueil et d’intégration des jeunes agents.
Des outils sont déjà définis dans le cadre du dispositif des emplois d’avenir, par
exemple le tutorat, les bilans réguliers et les parcours de développement. Ces
dispositifs possèdent évidemment un coût qui les empêche d’être généralisés à
tous les agents. Cependant, ils pourraient au moins concerner les agents arrivant
dans la fonction publique, pendant une durée d’un an.
Dans ma collectivité, par exemple, le service où je travaille propose un dispositif
d’accueil individualisé pour tous les nouveaux agents. Un accompagnement très
serré est proposé pendant les quinze premiers jours. Deux autres périodes, d’un
mois et de trois mois, suivent cet accompagnement initial. Des rencontres régulières
sont notamment organisées.
98
Le tutorat peut également être évoqué. Il faudrait cependant reconnaître la fonction
de tuteur. Cette reconnaissance peut être pécuniaire. D’autres moyens peuvent
aussi être envisagés.
Jean DUMONTEIL
Nous écouterons à présent Jean-René MOREAU, puis Jean TANCEREL, afin
notamment de connaître les attentes des jeunes adhérents du CNAS.
Jean-René MOREAU
Je constate d’abord que l’individu est désormais jeune jusqu’à 40 ans, puisque
nous vivons plus longtemps. Je vous renvoie en l’occurrence à une étude que nous
avions réalisée sur la gestion des fins de carrière.
J’observe aussi qu’en raison du chômage élevé, la recherche d’un emploi stable est
devenue la principale préoccupation des jeunes. Par ailleurs, la communication et
l’image constituent des sujets très importants.
Il faut aussi savoir détecter les talents, en privilégiant la compétence plutôt que
la connivence, quoique cette dernière puisse être fondée sur la compétence. Une
véritable difficulté existe en l’occurrence.
Anne GRILLON indiquait aussi que pour certaines collectivités, le personnel devait
ressembler à la population. Du droit à la différence, nous sommes donc passés à
un droit à la ressemblance.
J’évoquerai enfin les parcours individuels. La notion de carrière ne convient pas
aux jeunes agents, car ils ne se projettent pas à long terme comme les générations
précédentes. Ils vivent dans l’immédiateté plus que dans la construction, en raison
notamment du développement des nouvelles technologies. Un décalage existe
donc.
Jean TANCEREL
Le CNAS s’adresse à un public et à des collectivités très divers. Il fonctionne un
peu comme un CE, puisque ses prestations concernent des domaines très variés,
de la solidarité aux loisirs. De nombreuses prestations intéressent particulièrement
les jeunes agents, notamment lorsqu’ils rencontrent des difficultés pour s’installer
ou pour faire garder leurs enfants. La plupart de nos aides s’adressent à cette
population. Nous proposons ainsi des aides sociales et des aides scolaires. Nos
billetteries et nos prestations culturelles se développent également, en raison
notamment de l’évolution de notre société, où le développement personnel prend
une importance croissante.
Par ailleurs, l’étude semble signaler que pour les DRH, les emplois aidés constituent
surtout une opportunité, sans que la pérennisation de ces emplois soit envisagée.
Qu’en est-il exactement ?
99
Anne GRILLON
De nombreuses collectivités sont forcées de maîtriser leur masse salariale en
réduisant le nombre de recrutements voire en diminuant leurs effectifs. Les DRH
estiment toutefois que les personnes occupant des emplois aidés doivent être
accompagnées. Ils se sentent d’ailleurs démunis face à certaines personnes. De
plus, ils ne savent pas comment gérer la fin des emplois aidés. Les personnes
concernées se sont en effet intégrées à une organisation du travail, tout en
développant des compétences. Leur départ peut donc créer un manque, sachant
que les services se sont habitués à leur présence. Pour autant, les DRH que j’ai
rencontrés n’envisagent pas de pérenniser leurs emplois aidés.
Jean DUMONTEIL
Il faut distinguer les emplois aidés des emplois d’avenir. Un colloque organisé par
le CNFPT a concerné ces derniers. Plusieurs DRH ont alors déclaré que ces emplois
permettaient de repérer des personnes ayant la vocation à être ultérieurement
intégrées. Le dispositif des emplois d’avenir prévoit d’ailleurs des formations.
Jean-René MOREAU
Les emplois d’avenir permettent aussi de former des personnes aux métiers en
tension pour lesquels les recrutements s’avèrent difficiles, par exemple plombier
ou menuisier.
Sylvie GUINAND
Je vous remercie pour votre étude et pour la possibilité que vous m’avez donnée de
contribuer à vos réflexions. Elle possède le mérite de donner la parole aux jeunes.
Plusieurs sujets soulevés intéressent notamment les organisations syndicales.
Les fonctionnaires de 32 ou 33 ans étant considérés comme de jeunes agents, il faut
s’interroger sur l’intérêt d’accomplir un travail spécifique à l’attention des jeunes.
Nous rejoignons en l’occurrence les questionnements concernant les emplois aidés
et l’accompagnement dans ce domaine. Actuellement, les employeurs, par manque
de temps et de moyens, utilisent les emplois aidés pour remplacer des emplois,
très souvent en catégorie C, alors que des recrutements statutaires seraient
envisageables. La question des recrutements statutaires se trouve donc au centre
du sujet traité aujourd’hui.
Le rapport montre aussi plusieurs idées reçues sur la fonction publique territoriale,
qui se retrouvent dans toute la société. De nombreuses personnes pensent par
exemple qu’une personne peut être fonctionnaire pendant toute sa vie sans
problème. Or une carrière est jalonnée par des évaluations, des injonctions voire
des sanctions. L’étude reprend aussi des idées reçues sur la mobilité et sur la
retraite, dont il est affirmé qu’elle semble lointaine.
Dans l’ensemble, les organisations syndicales réfléchissent aux moyens de redonner
du sens à la fonction publique pour les jeunes agents. Ceux-ci devraient mieux
connaître l’institution, sachant que nous constatons une crise du sens institutionnel.
100
Jean DUMONTEIL
Un discours général très dévalorisant concerne actuellement la fonction publique.
Les jeunes agents en ont-ils parlé ?
Sylvie GUINAND
Je rappelle justement que pour la CGT, le recrutement par concours constitue un
principe fondamental du statut. Si la loi de 1984 est généralement bien appliquée
pour de nombreux aspects, un oubli concerne la nécessité de rappeler ce que
signifie « être fonctionnaire ». L’accès à la fonction publique territoriale par le
concours permet l’indépendance de l’individu par rapport à l’employeur. Or, depuis
1986, plusieurs réformes remettent régulièrement en cause cet acquis.
Le principe de carrière possède de l’importance pour assurer l’égalité professionnelle
entre les agents. Le principe de citoyenneté doit aussi être souligné. Le fonctionnaire
possède en effet la responsabilité de remettre en question une organisation de
travail. Or les jeunes agents ne le perçoivent pas.
Il me semble aussi déplacé de chercher des compétences sur les réseaux sociaux,
quand elles peuvent être trouvées dans les listes d’aptitude. Bien souvent, les
lauréats aux concours ne sont pas recrutés, car des agents non titulaires sont
préférés. Un système de recrutement de non-titulaires est donc entériné, ce qui
repousse forcément à 32 ou 33 ans l’entrée dans une carrière. Une stagnation des
rémunérations et de l’avancement en résulte. Si une politique était menée afin que
l’entrée statutaire s’effectue plus tôt, le déroulement de carrière serait différent,
l’attractivité des collectivités augmenterait et les salaires seraient plus élevés.
Par ailleurs, la formation, qui possède beaucoup d’importance, a été affaiblie par
une série de réformes. Or le futur fonctionnaire ne doit pas posséder toutes les
compétences nécessaires avant d’intégrer la fonction publique. L’institution a
répondu depuis longtemps que c’était à elle d’apporter des compétences, après le
concours.
Jean DUMONTEIL
Mathieu FORTIN, les jeunes agents peuvent-ils être encouragés à s’engager dans
une activité militante ? Je songe par exemple à des collectivités jumelées avec des
villes de pays en voie de développement et qui incitent leurs agents à y participer.
Mathieu FORTIN
Cette perspective fait écho à des efforts réalisés par le comité jeunes, ainsi
qu’aux préconisations des organisations syndicales. J’estime qu’il faut avant tout
écouter les jeunes agents et les prendre en compte dans notre discours et notre
communication. Le syndicalisme ne peut être rendu attractif par une défense à
tout prix du statut de la fonction publique territoriale. En effet, le statut n’est guère
connu. Il doit d’ailleurs évoluer, comme la société, car les jeunes agents estiment
qu’il ne lui est pas adapté.
101
Le comité jeunes a notamment tenté de modifier ses manières de communiquer,
par exemple en déclarant « devenez la voix de la MNT », afin d’inviter les adhérents
à devenir de véritables militants. En effet, les valeurs ne peuvent plus suffire à
attirer de jeunes agents. Nous devons donc parler de sujets concrets. Nous avons
ainsi proposé un kit de prévention, comprenant plusieurs outils. Nous avons aussi
invité les jeunes agents à participer avec nous à des actions de prévention en
matière de santé.
Lors de notre assemblée générale de 2014, nous avons aussi décidé de nous
constituer en réseau, sur toute la France. Cette action nous a permis de passer d’un
groupe d’une vingtaine de militants à plusieurs centaines d’individus.
Il faut en outre que les employeurs reconnaissent véritablement le militantisme. Or
il ne s’agit presque jamais d’une réalité.
Florence BACO-AMBRASS
Je distingue trois enjeux principaux, à commencer par la stabilité de mes équipes
dirigeantes et de mes agents. En l’occurrence, l’intégration constitue une très forte
nécessité, ainsi que l’identification avec la collectivité. Quoique les agents cherchent
d’abord un travail, je souhaite qu’ils exercent une mission de service public. Je
souhaite donc faire en sorte qu’ils en aient conscience. Au printemps dernier, de
nombreux agents ont d’ailleurs éprouvé de fortes difficultés pour se positionner
par rapport aux équipes municipales qui venaient d’être élues. Ce changement
a modifié leur perception de leurs missions, dans de nombreuses collectivités.
Nous devons plus généralement organiser la transmission de nos savoirs, de nos
compétences et de notre mission de service public. En outre, les dirigeants doivent
organiser leur collectivité afin qu’elle soit une source d’apprentissage pour les
agents. Une nouvelle conception du travail et du management s’impose donc.
La mobilité constitue un autre enjeu important. En effet, je ne recrute pas seulement
des compétences, mais un potentiel, en sachant d’emblée quelles compétences
l’agent doit développer. Il importe donc d’assurer la transmission des savoirs, grâce
à une organisation adaptée. La mobilité peut aussi être externe. Le dirigeant doit
en effet accepter qu’un agent veuille partir dans une autre collectivité, voire dans le
secteur privé, puis revenir, ce qui m’amènera à utiliser ses nouvelles compétences.
Le temps est le troisième enjeu majeur. Les jeunes agents fonctionnent plutôt
selon un temps rapide et court, tandis que l’administration s’inscrit dans un temps
long et lent. Cette opposition doit être gérée. Le temps peut notamment être une
source de souffrance pour le jeune agent. Le cadre dirigeant doit faire en sorte que
l’intensification du travail, due aux nouvelles technologies, ne nuise pas au travail
et à la santé de l’agent.
Par ailleurs, je serais curieuse de savoir si les jeunes agents que vous avez
interrogés sont aussi peu attachés aux concours et à la carrière que vous l’avez
affirmé. Le concours constitue en effet la règle administrative. Mon rôle de DGS
consiste d’ailleurs à inciter mes agents à passer les concours et à les accompagner.
Les concours permettent notamment aux agents d’acquérir la culture de la fonction
102
publique territoriale qui leur manque. J’observe une différence en la matière entre
les agents qui ont passé le concours d’attaché et ceux qui ont obtenu une promotion
interne.
J’approuve enfin les préconisations d’Anne GRILLON sur le management transversal
et sur le management par projet. Au-delà de la transversalité, je donne aussi de
l’importance au décloisonnement managérial entre les services, que permettent
les groupes de travail et l’inscription de jeunes cadres dans des projets. Ceuxci s’avèrent en effet très enrichissants, de même que les groupes de travail
rassemblant des élus et des cadres.
Jérôme GROLLEAU
L'auteur de l’étude a su « poser à plat » la question des jeunes, malgré sa complexité.
Je suis toutefois frappé que les jeunes ne semblent pas être un problème ou un
enjeu dans la fonction publique territoriale, contrairement à d’autres univers
professionnels, plus tendus. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. D’une part, les
jeunes gens se sentent bien dans la fonction publique. Trouver un emploi dans la
durée constitue une rupture majeure pour de nombreuses personnes. La fonction
publique leur accorde en les recrutant la confiance nécessaire pour se construire
une vie. D’autre part, ces agents trouvent du sens dans leur activité.
Si la jeunesse n’apparaît donc pas comme un problème, elle constitue néanmoins
un moteur. Les jeunes agents peuvent en effet devenir des vecteurs de dynamiques
culturelles, en raison de l’existence d’écarts culturels profonds, qu’il importe
de rendre productifs. Il faut donc parfois échanger sur ces écarts. Dès lors, le
tutorat constitue un modèle daté, car la transmission réciproque doit succéder à la
transmission verticale.
Enfin, le personnel revendique fortement des bases contributives. Un véritable
enjeu existe en effet. Il s’agit de créer les conditions favorables au dépassement
du modèle culturel traditionnel. Les décloisonnements s’effectuent d’ailleurs dans
cette perspective. La transversalité doit aussi être favorisée, quotidiennement.
Anne GRILLON
Les jeunes agents ne comprennent pas les réflexes protecteurs qui freinent la mise
en place d’une transversalité. Une personne qui est amie avec des célébrités sur
des réseaux sociaux ne peut pas imaginer ne pas avoir le droit de se rendre dans le
bureau de certains collègues.
Sylvie GUINAND
Nous nous inquiétons fortement sur les moyens dont disposeront les collectivités à
l’avenir. Elles risquent en effet de ne pas pouvoir faire vivre un service public efficace
dans les territoires. Nous lançons donc une « alerte rouge » au gouvernement.
Je reconnais cependant l’importance de la transmission. Pendant longtemps, la
carrière d’un agent évoluait, ce qui l’amenait à prendre la direction d’un service.
Par la suite, les postes encadrants ont été occupés par de jeunes agents diplômés
103
ayant passé un concours. Surtout, la notion de lean management est entrée dans
la fonction publique. De nombreux termes employés dans l’étude en relèvent
d’ailleurs, et me font bondir. Dans la fonction publique, il est impossible de parler
de management. Il faut plutôt parler d’une mise en coordination des ressources
humaines.
Par ailleurs, l’idée que le statut est une notion datée qui ne répondrait plus aux
attentes constitue une idée reçue. Le statut est au contraire la réponse de l’avenir.
En Isère, nous en avons discuté avec de jeunes salariés et de jeunes territoriaux.
Nous organiserons même prochainement une journée afin de parler du statut, en
présence de l’un de ses auteurs, Anicet LE PORS. Une centaine de jeunes gens du
privé et du public y participeront. Le statut sert en effet les intérêts de la nation
toute entière, le secteur privé inclus.
Jean-René MOREAU
Il me semble que, pour qu’un jeune agent puisse évoluer et comprendre les enjeux
existants, deux conditions doivent être réunies. Premièrement, il doit pouvoir faire
carrière dans la collectivité sans mobilité contrainte, afin d’évoluer sur place s’il
le souhaite, en évitant que les catégories démographiques ne soient des freins. De
légères modifications du statut pourraient en l’occurrence assurer la pérennité de
l’emploi de ces agents et le développement de leurs compétences.
Deuxièmement, il faut réglementer rapidement sur le positionnement de l’élu et du
fonctionnaire dans l’exercice de leur légitimité, de leurs compétences et de leurs
missions. Le rôle de chacun doit être défini clairement. Dans le cas contraire, nous
ne pourrons plus parler de la pérennité du service public et de l’intérêt général. Les
carrières doivent être ouvertes, et non fossilisées.
Il s’avère difficile de conclure, surtout quand nous parlons du dynamisme de la
jeunesse. Nous observons cependant que le travail occupe moins de place dans la
vie des jeunes gens. L’enjeu n’est pas de travailler moins et plus longtemps, mais
mieux et surtout autrement, selon un rythme différent et plus adapté aux nouveaux
modes de vie et à une nouvelle temporalité.
De plus, le travail est évidemment un moyen de gagner de l’argent et de se développer
personnellement, dans un contexte où le temps de travail est remis en cause. Anne
GRILLON indiquait d’ailleurs que nous sommes l’un des pays où le temps de travail
est le moins élevé. Une réflexion devra au moins porter sur la façon de travailler.
La productivité dépend en effet des organisations et du mode de management. Il
importe également de donner du sens à l’exercice des missions, ce qui suppose
d’expliquer en amont aux jeunes agents leur finalité. Si le management de projet le
permet, d’autres pratiques le permettent aussi. En revanche, le conservatisme et la
culture du secret ne sont pas acceptables.
S’il faut accepter de changer de logiciel dans nos organisations, une condition doit
toutefois être respectée. Le changement ne peut être un simple slogan, car ceux qui
veulent « changer la vie » en viennent souvent à « changer d’avis ».
104
L’avenir des jeunes agents doit être fondé sur la confiance en eux et en les autres.
Nul ne fait rien sans confiance. En effet, la confiance est avant tout « le problème
de l’autre », disait Emmanuel LEVINAS. Se confier aux jeunes gens revient donc à
se fier à quelqu’un et à être fidèle aux engagements pris avec l’autre, quel que soit
son niveau hiérarchique. Il en va ainsi de la transversalité.
Je terminerai par une citation qui se trouve d’ailleurs dans le rapport : « Aux âmes
bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années. » Corneille a écrit ces mots
qui sont toujours aussi pertinents.
Je vous remercie.
Jean DUMONTEIL
Il est très important de terminer cet atelier sur la confiance. Je remercie aussi
Anne GRILLON, qui a traité d’un sujet complexe. La confiance répond en effet à
une véritable attente d’équité et de justice. Or les jeunes ont parfois l’impression
d’être trahis dans leur rapport à la vie, au travail et au sens de leur action. Je vous
remercie.
105
106
IE
BIBLIOGRAPH
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l’entreprise, Fayard, 2012
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Dunod, 2013
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Dunod, 2014
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Dominique MÉDA et Patricia VENDRAMIN, Réinventer le travail, PUF, 2013
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des opinions proches, 2015
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avril 2012
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plusieurs dimensions », mai/juin 2014
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publique, conférence à l’École Nationale d’Administration de Paris, 16 novembre
2010
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remodeler le marché du travail ?, 2015
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génération Y : ses aspirations, ses rapports à l’entreprise et à la diversité, 2014
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CEGOS, Radioscopie des DRH, 2012
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publique territoriale, 2014
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les fins de carrières : les seniors dans la fonction publique territoriale, Les Cahiers
de l’Observatoire social territorial, n° 5, juin 2012
Élèves administrateurs de l’INET, promotion Paul ÉLUARD, Connaître et reconnaître
l’encadrement intermédiaire dans la fonction publique territoriale, Les Cahiers de
l’Observatoire social territorial, n° 9, juin 2013
Claude LEVY-LEBROYER, La motivation dans l’entreprise, Éditions d’Organisation,
1998
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2005
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Observatoire des Cadres, Comment apprend-on à manager ?, 2013
Anne GRILLON, Le métier de DRH dans les collectivités, Les Cahiers de
l’Observatoire social territorial, n° 8, juillet 2013
Jérôme GROLLEAU, La reconnaissance non monétaire, un nouveau territoire
managérial ?, Les Cahiers de l’Observatoire social territorial, n° 11, mars 2014
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matière de télétravail pour leurs agents, 2013
CNFPT, Les jeunes et l’apprentissage dans les collectivités et leurs établissements
publics en 2010, mai 2013
108
TIFIQUE ET
N
IE
C
S
IL
E
S
N
CO
IENTATION
CONSEIL D’OR
Membres du conseil scientifique
Olivier AYMARD, Directeur général de la Fédération nationale des centres de gestion
Thomas BORDONALI, Directeur général des services du centre de gestion de l’Oise
Michel BORGETTO, Professeur de droit de la protection sociale à l’Université
Paris 2 Panthéon-Assas
Jean DUMONTEIL, Directeur d’Axe Image et de la Lettre du secteur public
Claire EDEY GAMASSOU, Maîtresse de conférences à l’Université Paris-Est
Gilles ERRIEAU, Conseiller médical auprès du directeur général de la MNT
Michel GOMEZ, Représentant l’association ResPECT, réseau des préventeurs
et ergonomes, responsable de service ergonomie et prévention des risques
professionnels à Paris Habitat
Dominique LAGRANGE, Directeur adjoint chargé des formations à l’Institut national
des études territoriales (CNFPT-INET)
David LE BRAS, Délégué général de l’Association des directeurs généraux des
communautés de France
Georges LE CORRE, Représentant de l’Association des ingénieurs territoriaux de
France
Jean-René MOREAU, Administrateur national de la MNT, ancien directeur général
des services du SAN Ouest-Provence, directeur du master 2 Administration
publique-gestion des collectivités locales à l’UPEC, président de l’OST
Laurent RÉGNÉ, Directeur général de la commune de Saint-Raphaël et de la
Communauté d’agglomération Var Estérel Méditerranée (CAVEM)
Fabien TASTET, Président de l’Association des administrateurs territoriaux de
France
Avec l’appui de :
Jeanne BALLOT, Responsable de l’Observatoire social territorial de la MNT
Noémie FOORT, Chargée de mission relations institutionnelles de la MNT
Jean-Marc JOUSSEN, Directeur-adjoint en charge des affaires publiques de la MNT
109
Membres du conseil d’orientation et de la commission
« Relations institutionnelles professionnelles » de la MNT :
Arlette ADOUNI, Laurent BRANCHU, Christian BRIEL, Patrick DOS,
Xavier GARBAR, Jean-René MOREAU (Président de la Commission), Daniel ZABÉ
Membres extérieurs du conseil d’orientation, en tant que
personnalités qualifiées :
Alain ANANOS, Ufict-CGT des services publics, Directeur général adjoint du
département citoyenneté et développement de la personne, Ville de Pantin
Jean-Christophe BAUDOUIN, Ancien président de l’Association des administrateurs
territoriaux de France, directeur des stratégies territoriales au commissariat général
à l’égalité des territoires
Marie-Francine FRANÇOIS, Ancienne présidente de l’Association des
administrateurs territoriaux de France, directrice générale des services de la ville
de Clermont-Ferrand.
Didier JEAN-PIERRE, Professeur agrégé de droit public à l’université d’Aix-enProvence, directeur scientifique de la Semaine juridique Administrations et
collectivités territoriales
Nathalie MARTIN-PAPINEAU, Maître de conférences et directrice de l’Institut de
droit social et sanitaire de l’université de Poitiers
Philippe MOUTON, Directeur de la direction de l’observation prospective de
l’emploi, des métiers et des compétences de la Fonction publique territoriale,
CNFPT
Michel PASTOR, Ancien chef de l’Inspection générale et ancien conseiller spécial
du Président du CNFPT
Membres extérieurs du conseil d’orientation, en tant que
partenaires institutionnels de la MNT :
Christophe BÉCHU, Président de l’Observatoire national de l’action sociale
décentralisée (ODAS)
Vanik BERBERIAN, Président de l’Association des maires ruraux de France
Patricia CADORÉ et Yann RICHARD, Co-présidents du Syndicat national des
secrétaires de mairie
Caroline CAYEUX, Présidente de Villes de France
Olivier DUSSOPT, Président de l’Association des petites villes de France
Pascal FORTOUL, Président de l’Association des directeurs généraux des
communautés de France
110
Denis GUIHOMAT, Président de l’Association nationale des cadres communaux
d’action sociale
Fabien LE PORT, Président de l’Association des techniciens territoriaux de France
Dominique BUSSEREAU, Président de l’Assemblée des départements de France
Charles-Eric LEMAIGNEN, Président de l’Association des communautés de France
Élie MAROGLOU, Président de l’Association ResPECT (Réseau des préventeurs et
ergonomes territoriaux)
Joëlle MARTINAUX, Présidente de l’Union nationale des centres communaux
d’action sociale
Jean-Luc MOUDENC, Président de l’Association Territoires Urbains
Dr Faouzia PERRIN, Présidente de Méditoriales, l’association nationale des
médecins territoriaux
Stéphane PINTRE, Président du Syndicat national des directeurs généraux des
collectivités territoriales
Alain ROUSSET, Président de l’Association des régions de France
111
112
À PARUS
CAHIERS DÉJ
L’intercommunalité vécue par ceux qui y travaillent
Cahier n° 1. Territorial Sondages pour la MNT en partenariat avec l’ADGCF, l’ADCF et
l’AATF - Décembre 2010
Les précarités dans la Fonction publique territoriale : quelles réponses managériales ?
Cahier n° 2. Élèves administrateurs de l’INET, promotion Robert Schuman, pour la MNT
en partenariat avec le CNFPT et l’AATF - Juin 2011
Les risques sanitaires des métiers de la petite enfance : auxiliaires de puériculture,
un groupe professionnel sous tension
Cahier n° 3. Axe image - Novembre 2011
Dans la peau des agents territoriaux
Cahier n° 4. Philippe GUIBERT, Jérôme GROLLEAU et Alain MERGIER pour la MNT en
partenariat avec l’AATF et l’INET - Janvier 2012
Gérer et anticiper les fins de carrière. Les seniors dans la Fonction publique territoriale
Cahier n° 5. Élèves administrateurs de l’INET, promotion Salvador ALLENDE, pour la MNT
en partenariat avec le CNFPT-INET et l’AATF - Juin 2012
Jardinier : un métier en mutation. Mieux vivre au travail, mieux vivre la ville
Cahier n° 6. Axe image - Novembre 2012
L’impact des technologies numériques de l’information et de la communication sur le
travail des agents territoriaux
Cahier n° 7. Claire EDEY GAMASSOU - Août 2013
Le directeur des ressources humaines dans la Fonction publique territoriale
Cahier n° 8. Anne GRILLON - Juillet 2013
Connaître et reconnaître l’encadrement intermédiaire dans la Fonction publique territoriale
Cahier n° 9. Élèves administrateurs de l’INET, promotion Paul ÉLUARD, pour la MNT en
partenariat avec le CNFPT-INET et l’AATF - Juin 2013
La restauration collective, des contraintes sanitaires au plaisir de la table
Cahier n° 10. Axe image - Décembre 2013
La reconnaissance non monétaire au travail, un nouveau territoire managérial
Cahier n° 11. Jérôme GROLLEAU - Mars 2014
Les mobilités : un levier de management ?
Cahier n° 12. Élèves administrateurs de l’INET, promotion Simone de BEAUVOIR, pour la
MNT en partenariat avec le CNFPT-INET et l’AATF - Juin 2014
Les départements, dix ans de transferts des agents de l’État et d’évolution des ressources
humaines, et demain ?
Cahier n° 13. Axe image, en partenariat avec l’ADF et Complémenter - Juin 2014
La gestion consolidée des collectivités locales : le pilotage stratégique des satellites face
aux nouveaux enjeux de management territorial
Cahier n°14. Élèves administrateurs de l’INET, promotion Vàclav Havel, pour la MNT en
partenariat avec le CNFPT-INET et l’AATF - Juin 2015
113
Anne GRILLON est directrice de Réseau RH public. Spécialiste des questions
RH et du management dans le secteur public, elle est également l’auteur de
l’étude Le directeur des ressources humaines dans la Fonction publique territoriale, parue en juillet 2013.
À travers son action pour la protection sociale dans la Fonction publique
territoriale depuis de nombreuses années, la MNT s’est engagée de façon
continue en faveur de la satisfaction de besoins élémentaires, tels que la santé
et le pouvoir d’achat des agents territoriaux. Avec les Cahiers de l’OST, elle
entend contribuer à une meilleure connaissance de l’environnement social
des agents. En complément des actions de prévention de notre mutuelle, ces
études proposent des pistes d’amélioration aux décideurs, que ce soit dans la
santé au travail, dans les ressources humaines ou dans le management, pour
le bien-être des agents au travail.
Alain GIANAZZA, Président général de la MNT
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1re mutuelle de la Fonction publique territoriale en Santé comme en Prévoyance,
créée et administrée par les agents territoriaux eux-mêmes, la MNT protège plus de 1,1 million de
personnes,
proche des agents dans les départements et sur les lieux de travail : 84 sections départementales,
9 000 correspondants en collectivité,
disponible et à l’écoute, en section ou au téléphone, en métropole et dans les DOM.
www.mnt.fr
Mentions légales : Mutuelle soumise aux dispositions du livre II du Code de la Mutualité - SIREN N° 775 678 584 - Document non contractuel - J56 - 04/09/2015
Trois actifs sur dix prendront leur retraite d’ici cinq ans, les enjeux sur la
thématique des jeunes agents territoriaux sont donc importants mais encore
peu explorés.
Représentent-ils une facette de cette fameuse « génération Y » si souvent
caricaturée comme étant notamment de jeunes égoïstes ? ou, au contraire,
accordent-ils le même sens à la notion de service public local que leurs aînés :
l’importance d’exercer un métier au service d’une population ?
Quelle spécificité les jeunes nous apportent-ils et qui pourrait inspirer les
collectivités pour évoluer ?
Jean-René MOREAU, président de l’OST
116