Ravissement/érotisme - Université de Lille

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Ravissement/érotisme - Université de Lille
Ravissement/érotisme
Biliana Vassileva Fouilhoux, Maître de conférences en Danse, Université Lille Nord de
France
Figures et dynamiques du ravissement en danse:
Blush (2005) de Wim Vandekeybus
Le film Blush (2005) est une fiction inspirée du mythe d'Orphée et Eurydice, réalisée et
chorégraphiée par Wim Vandekeybus, jeune chorégraphe flamand. Construite sur le principe des
mécanismes de rêves et portée par la musique de David Eugene Edwards et Woven Hand, Blush
est un voyage onirique et érotique oscillant entre les décors paradisiaques corses et les bas-fonds
bruxellois. La mise en scène dansante de ce mythe évoque à plusieurs reprises la « passion de
l'amour » et du « désir ascensionnel », étroitement lié avec la figure de l'Eros. Cette figure selon
Olivier Sirost, reste le témoignage important dans la culture occidentale du statut accordé au corps:
« D'un côté Eros renvoie à l'unicité divine, à la canonisation du corps chéri. De l'autre, l'éros
représente les expériences sensuelles multiples que le corps peut réaliser. »1
La fusion du corps humain avec des éléments naturels dans ce film – eau, sable, forêts, l'utilisation
détournée de la technique postmoderne américaine contact improvisation, les séquences de dansethéâtre à la Pina Bausch2 qui questionne la poésie du désir3, offrent une ré-écriture contemporaine
d'un des mythes fondateurs de l'inconscient occidental. « Blush est une exploration de l'inconscient
sauvage, des forêts mythiques, des impulsions contradictoires, de l'imaginaire, où le corps a ses
raisons que la raison ignore.», lit-on dans le livret de la pièce. Le titre même – blush, « rougir »
indique l'action soudaine du sang mouvementé par une émotion forte et incontrôlable.
Cette étude propose de repérer et d'analyser les figures du ravissement dans cette oeuvre
chorégraphique afin de mieux cerner les procédés originaux de la transposition du mythe, plus
spécifiquement dans ses dimensions oniriques et érotiques, ainsi que les pratiques de subjectivation
des interprètes, forgés à l'improvisation, au cours de l'adaptation/élaboration chorégraphique.
Quelles figures et dynamiques de ravissment surgissent dans cette composition chorégrapique
onirique à partir d'associations, de « contagion » d'états gravitaires, de sauts dans le temps et dans
l'espace, de multiplication des personnages?
1
Olivier Sirost, « Eros » in Dictionnaire du corps », dir. Bernard Andrieu et Gilles Boëtsch, CNRS Editions,
Paris, 2008, p. 117
2
Pina Bausch, chorégraphe et représentante éminente du neo-expressionisme allemand, questionne sans cesse
l'intimité de ses interprètes et met en scène les gestes-tabous d'un désir fort de proximité, de partage, d'amour qui est
toutefois souvent avorté . Elle introduit des mots, des jeux d'enfants, des chansons dans son langage chorégraphique en
influençant la nouvelle génération de la danse contemporaine à partir des années 1980.
3
« L'amour est fait de papillons dans le ventre et pas de réactions chimiques! », s'exclame un des protagonistes
au cours d'une discussion animée au sujet du désir.
FOUILHOUX, Biliana (2011) Figures et dymaniques de ravissement en danse : Blush (2005) de
Wim Vandekeybus, Colloque Figures du ravissement, FORELL, Université de Poitiers.
La scène érotique dans les arts: la danse
Le terme d'érotisme, répandu au XIXe siècle désigne un goût intense et ingénieux pour le plaisir
sexuel. Le mot apparaît vers 1840 comme substantif, désignant moins la sexualité en général que le
discours qu'on tient sur elle, ou les images qu'elle suscite4. « L'érotisme est l'un des aspects de la vie
intérieure de l'homme. ...L'érotisme est dans la conscience de l 'homme ce qui met en lui l'être en
question »5
L'érotisme et l'art de la danse semblent partager le même territoire – un corps désirant, avide de
mouvement enraciné dans un imaginaire singulier et projeté vers l'autre. La danse comme forme
artistique évoque, renforce et clarifie ses désirs et ses fantasmes. Les images mouvantes crées par
des danseurs transgressent les conventions sociales, incitant les spectateurs à se confronter avec des
styles de vie altérés. Ainsi la danse comme acte sociale contribue aussi à l'émergence continue de la
culture humaine. La dimension érotique y tient une place importante.
FOUILHOUX, Biliana (2011), « La scène érotique chez Pina Bausch», ouvrage collectif
sur le théme de l'érotisme, Université de Rennes (accepté, à paraître)
Jean Maisonneuve, « Quelques souci de définition » in Erotisme et transgressions dans les productions
4
culturelles contemporaines, 87 - 2007/1, Erès, pp. 13-17
5
Georges Bataille, « L'érotisme dans l'expérience intérieure » in L'érotisme, Les éditions de minuit, 1957, pp.
35-45