« Principes, valeurs, éthique : quels guides pour l`action humanitaire

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« Principes, valeurs, éthique : quels guides pour l`action humanitaire
« Principes, valeurs, éthique :
quels guides pour l’action humanitaire ? »
Une table ronde organisée par le Fonds Croix-Rouge française le lundi 7
septembre 2015 à Paris dans le cadre du Forum Mondial Convergences
Intervenants:
 Modibo TRAORE, Chef de bureau, Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires
humanitaires (OCHA) en Côte d’Ivoire
 Kristin BARSTAD, Conseillère à la Division Mouvement, Comité international de la CroixRouge (CICR)
 Jean-François MATTEI, Président, Fonds Croix-Rouge française
 Mahaman TIDJANI ALOU, Professeur de science politique et doyen de la faculté de sciences
économiques et juridiques, Université Abdou Moumouni, chercheur au LASDEL (Niger)
Modérateur :
 Mireille GUIGAZ, membre du Conseil scientifique international du Fonds Croix-Rouge
française, ancienne Vice-présidente du Fonds Mondial.
PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS
Dans un contexte humanitaire en transition marqué, selon Modibo Traore, par un élargissement du
nombre et de l’impact des crises, par le foisonnement des acteurs impliqués et souveraineté
revendiquée des États hôtes et des organisations locales, les intervenants de la table ronde se sont
questionnés sur les principes, les valeurs et le rôle de l’éthique en tant que guide de l’action
humanitaire. Kristin Barstad, a rappelé l’actualité et l’importance des principes du CICR pour accéder
aux victimes et protéger les humanitaires, malgré les efforts et les coûts qu’ils impliquent.
S’appuyant sur les résultats d’une consultation réalisée au sein du Mouvement Croix-Rouge et
Croissant Rouge, elle a insisté sur la nécessité de travailler sur leurs perceptions autant que sur leur
application. Alors que ces principes humanitaires dictent les conduites des acteurs apportant de
l’aide, Jean-François Mattei fait appel à l’éthique comme complément pour placer les personnes
affectées au centre des choix qui les concernent et faire face à des situations inédites. Une charte
éthique de l’humanitaire international pourrait ainsi être mise en place pour abandonner
définitivement toute attitude paternaliste et mieux associer les victimes aux actions. Le principe
d’autonomie nécessite dès lors une meilleure prise en compte des voix issues des pays bénéficiaires
et une meilleure connaissance des dynamiques sociales et des terrains où l’action humanitaire se
déploie. C’est tout l’intérêt d’un dialogue entre chercheurs en sciences sociales et acteurs
humanitaires, dialogue pour lequel plaide Mahaman Tidjani Alou qui en analyse les principaux
obstacles et réelles opportunités.
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RESUME DES INTERVENTIONS
1. Action humanitaire : de quoi parlons-nous ?
par M. Modibo TRAORE
Pour Modibo Traoré, l’action humanitaire comme nous la connaissons apparait à la fin du 19ème
siècle, avec la naissance du Mouvement Croix-Rouge et l’apparition du Droit International
Humanitaire (DIH). D’une aide médicale en période de conflit, l’action humanitaire s’est étendue aux
catastrophes naturelles et à d’autres crises (migration, famines). Les opérations humanitaires sont
considérées comme des actions d’urgence, mais leur coût croissant, traditionnellement supporté par
les États et des bailleurs (majoritairement de l’OCDE), souligne aujourd’hui l’importance de la
prévention. M. Traore insiste sur le fait que de nouveaux acteurs, régionaux, diasporas ou privés,
accroissent aujourd’hui leur rôle dans l’action humanitaire en finançant, coordonnant ou préparant
les zones fragiles aux catastrophes potentielles (African Risk Capacity, plateformes nationales de
gestion des catastrophes). Ils s’ajoutent à une revendication de souveraineté renouvelée venant des
États hôtes et des organisations locales. Ce foisonnement d’acteurs impliqués participe à un futur de
l’humanitaire plein d’opportunités mais également de défis. Ils concernent le respect des principes
fondamentaux et la qualité de l’aide face à des crises plus nombreuses et meurtrières, au cœur
desquelles le réchauffement climatique et la croissance démographique jouent des rôles croissants.
2. Les principes humanitaires sont-ils toujours d’actualité ?
par Mme Kristin BARSTAD
Kristin Barstad rappelle que les principes humanitaires du CICR, ont 50 ans cette année. Leur
perception par les populations et leur application par les sociétés nationales fait d’ailleurs l’objet
d’une grande consultation au sein du Mouvement Croix-Rouge. S’ils sont hiérarchisés entre eux,
entre les finalités de l’aide (humanité et impartialité), les moyens pour y parvenir (neutralité et
indépendance) et principes d’organisation interne au mouvement (volontariat, unité et universalité),
un consensus s’élève autour de leur utilité. L’humanité restant indiscutable et l’impartialité étant
inscrite dans le DIH, d’autres principes comme la neutralité ou l’indépendance sont plus
régulièrement questionnés : cas de l’auxiliarité avec les pouvoirs publics, de partenariats avec des
acteurs privés ou étatiques ou d’activités de plaidoyer. Autant de complexité dans l’application des
principes sur le terrain nécessite un effort constant de réflexion, de dialogue, de formation et
d’adaptation, dans l’urgence comme en temps de paix, et représente des coûts moraux et financiers
importants. Les principes gardent cependant toute leur actualité et leur pertinence dans un contexte
humanitaire changeant, car ils sont les clés d’une bonne perception du CICR, garant du contact avec
toutes les parties au conflit, de l’accès aux populations les plus vulnérables et de la sécurité des
humanitaires essentiels à la réussite de sa mission.
3. Les principes éthiques comme guide pour l’action humanitaire
par M. Jean-François MATTEI
Pour Jean-François Mattei, si les principes humanitaires constituent les règles d’action des
humanitaires, il est fondamental d’intégrer les principes de l’éthique dans les stratégies humanitaires
afin de remettre les personnes affectées au cœur des actions qui les concernent et de quitter
définitivement toute attitude paternaliste. L’éthique a son identité propre et ne peut se confondre ni
avec la morale, ni avec la déontologie, ni avec le droit. Elle cherche à rétablir la symétrie du dialogue
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entre celui qui aide et celui qui est aidé. Les 4 principes adopté en bioéthique nous permettent de
décider en insistant sur le respect de l’autonomie des victimes, sur le souci d’une réelle bienfaisance
vécue de part et d’autre de la relation d’aide, sur le refus de toute malfaisance et des effets pervers
non anticipés de bonnes volontés, et sur une justice distributive appliquée à chacun. Ces principes
éthiques doivent être des critères de délibération face aux enjeux humanitaires au regard des
populations aidées. Après trente ans d’expérience dans le champ de l’éthique sous ses différents
aspects, il apparait au Pr Mattei qu’une charte éthique internationale de l’humanitaire pourrait
aider à répondre à ces nouveaux impératifs.
4. Les transitions humanitaires : entre action humanitaire, politiques sociales et
développement
par M. Mahaman TIDJANI ALOU
Pour Mahaman Tidjani Alou, la forte expansion de l’action humanitaire dans les pays du Sud et la
multiplicité des acteurs qui y interviennent en font un secteur privilégié de l’action publique,
producteur de dynamiques sociales nouvelles. Celles-ci sont étudiées par le LASDEL sous le prisme de
la délivrance de biens et services publics, dans les contextes d’urgence comme de long terme, en
analysant leurs conditions de délivrance (accès, infrastructure et logistique), leur nature (analyse des
besoins, « marques » des fournisseurs) et leurs contreparties (clientélisme, exclusion). La position
des États y est centrale et complexe : l’humanitaire est à la fois un espace de concurrence et un cadre
de mobilisation de ressources, où la frontière avec le domaine du social et des politiques publiques,
poreuse, est source de négociations et dépend des volontés souverainistes et des catégories
mobilisées. Les sciences sociales, par une recherche multidisciplinaire et affranchie des contraintes
de l’urgence, permettent alors d’identifier et de comprendre ces enjeux pour produire une
connaissance du terrain fondamentale à l’amélioration de l’action humanitaire. Un dialogue entre
chercheurs et humanitaires est donc nécessaire et requiert une meilleure communication des
résultats, un raccord entre temporalités de travail et un effort de financement de la recherche.
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