La départementalisation de l`action sociale. L`exemple du RSA au
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La départementalisation de l`action sociale. L`exemple du RSA au
Université lumière Lyon 2 Institut d'Études Politiques de Lyon La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. BERT Delphine Séminaire : Politiques publiques et gestion des risques. Sous la direction de LE NAOUR Gwenola Soutenu le 30 août 2010 Table des matières Remerciements . . Introduction . . I. Du RMI au RSA, 20 ans d’évolution . . A. Le RMI, une « révolution » sociale . . B. Echec et réformes . . C. Le RSA, entre continuité et originalité . . II. Le RSA, un prisme pour analyser la relation Département/Etat . . III. D’un modèle centre-périphérie à un polycentrisme déséquilibré au profit de l’Etat . . IV. Cheminement méthodologique . . A. Matériau utilisé . . B. Obstacles rencontrés et surmontés...ou contournés . . V. Plan . . Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département . . Section 1 : Un RMI centralisé en partie aux mains de l’Etat . . 1 : Une architecture déséquilibrée au profit de l’Etat . . 6 7 7 7 8 9 12 14 15 15 17 19 21 21 22 2 : L’échec d’une pratique en contradiction avec « l’esprit des lois de décentralisation » 80 25 .. Section 2 : La décentralisation du RMI ou la mise en place d’une gouvernance territoriale efficace, une réponse à l’échec du RMI centralisé . . 1 : L’ancrage départemental ou la question du territoire pertinent . . 2 : Un Etat en retrait : le département responsable unique de l’allocation et de l’insertion . . 3 : Une gestion départementale centralisée et partenariale . . Section 3 : La mise en place du RSA, entre continuités et difficultés . . 1 : Choix de la poursuite des pratiques antérieures . . 2 : Des difficultés accrues . . 3 : Un Etat demeurant en retrait mais ré-intervenant dans le financement . . Conclusion du chapitre 1 . . Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? . . Section 1 : Poids de la contrainte financière, réglementaire et politique . . 1 : Le retour de la tutelle étatique par les finances ? . . 2 : L’Etat maître du cadre législatif et réglementaire . . 3 : Jeux politiques locaux d’influence et de pouvoir . . Section 2 : Entre efficacité et humanisme : un département à la recherche de marges de manœuvre . . 30 31 34 36 42 43 47 52 53 55 55 55 62 64 1 : Un impératif d’efficacité ou le développement d’une logique gestionnaire . . 68 69 2 : L’activation de ressources historiques, politiques et juridiques au service des bénéficiaires . . 74 Section 3 : Le Conseil général associé à l’élaboration du cadre légal, la clé de l’autonomisation départementale ? . . 1 : La nécessité « d’une autonomie accrue sur les dépenses » 333 .. 80 81 2 : Une solution risquée : vers la rupture du principe d’égalité ? . . 3 : Incertitudes quant à l’avenir de l’institution départementale . . Conclusion du chapitre 2 . . Conclusion . . Un changement d’équilibre limité . . Des limites inhérentes à notre étude, un objet en permanente évolution . . Un horizon d’ouvertures . . Annexes . . Annexe 1 : Organigramme du Conseil général du Rhône . . Annexe 2: Evolution schématique de l’organisation du RMI/RSA dans le département du Rhône . . Annexe 3 : Typologie des référents . . Annexe 4 : Découpage territorial du Rhône en CLI . . Annexe 5 : Etapes d’une demande RMI . . Annexe 6 : Etapes d'une demande RSA . . Annexe 7 : Les instances RSA . . Annexe 8 : Rapports relatifs aux Programmes Départementaux d’Insertion 2010 . . Annexe 9: Cahier des charges, référents socioprofessionnels RSA/PDI 2010 . . Annexe 10 : Note de cadrage 2010 RSA/PLIE . . Annexe 11 : Cahier des charges PLIE «accompagnement renforcé personnalisé, référent de parcours » . . Annexe 12 : Liste des entretiens . . Annexe 13 : Grilles d’entretien . . Sources . . Sources écrites . . Textes législatifs et réglementaires . . Rapports et études publics . . Travaux universitaires . . Articles de presse . . Communiqués/dossiers de presse . . Documentation officielle . . Sites internet . . Sources orales . . Entretiens semi-directifs . . Observations . . Bibliographie . . Sur l’analyse des politiques publiques . . Ouvrages . . Articles . . Sur l’action sociale . . Ouvrages . . Articles . . Sur le dispositif RMI et RSA . . 82 84 86 87 87 88 89 91 91 92 94 95 96 96 97 97 99 99 99 100 100 101 101 101 102 106 106 108 109 111 112 112 112 113 113 113 114 115 115 115 116 Ouvrages . . Articles . . Sur la méthodologie . . Liste des sigles et des abréviations . . 116 116 119 119 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Remerciements Je tiens à remercier Gwenola Le Naour pour ses conseils toujours pertinents, son suivi attentif et sa grande disponibilité. Je remercie également Sébastien Gardon d’avoir accepté de faire partie de ce jury. Je suis reconnaissante de l’opportunité qui m’a été donnée de pouvoir réaliser un vrai travail de recherche. Un grand merci bien sûr à toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à ce travail en m’accordant de leur temps. Je remercie tous ceux qui ont accepté de me recevoir et de répondre à mes interrogations. Merci également à ceux que je n’ai pu rencontrer mais qui - par d’autres biais - m’ont permis d’avancer dans mon étude. Toutes ces informations récoltées, ces « points de vue » 1 exprimés ont constitué des éléments clés pour la rédaction de ce mémoire. Je remercie également ma famille pour leur soutien et encouragement tout au long de ce travail. 1 J’ai ainsi tenté pour l’élaboration de ce travail de prendre la posture d’un « ethnographe » car lui seul « a le temps, les moyens et la disponibilité mentale pour restituer tour à tour l’ensemble des différents points de vue sur un évènement » in BEAUD Stéphane, WEBER Florence, Guide de l’enquête de terrain, Paris, la découverte, 2003, p 301. 6 BERT Delphine - 2010 Introduction Introduction I. Du RMI au RSA, 20 ans d’évolution A. Le RMI, une « révolution » sociale Le symbole est fort : 20 ans après, jour pour jour, le Revenu de Solidarité Active (RSA) er instauré par la loi n°2008-1249 du 1 décembre 2008 vient se substituer au Revenu Minium er d’Insertion (RMI) crée par la loi n°88-1088 du 1 décembre 1988 (loi Rocard). Avant d’aborder ce nouveau dispositif, attardons nous d’abord sur le contexte d’apparition et les objectifs caractérisant la mesure originelle et originale. En 1988, 2 l’instauration du RMI constitue en effet une « véritable révolution » sociale en consacrant le principe d’universalité de l’aide sociale. Pourtant opposée à la mise en place d’un revenu minimal, la gauche – sous l’impulsion de Michel Rocard – après une phase d’observation 3 , décide de soumettre au Parlement une loi instaurant un dispositif dont la philosophie « consistait à mettre en regard deux nouveaux droits : un droit au revenu, qui formait un nouveau droit social fondamental, et un droit à l'insertion qui devait être le moteur 4 de la sortie vers l'emploi. » . La mise à l’agenda politique de ce projet doit beaucoup aux mouvements associatifs, qui ont « joué un rôle important d’alerte et d’orientation des 5 politiques » . La nécessité d’une telle mesure apparaît en effet à la fin des années 1980 comme un sursaut salutaire face à la précarisation du lien salarial et social dans un contexte de montée du chômage et d’apparition d’une nouvelle catégorie sociale, les « nouveaux pauvres ». La dichotomie assurantiel/assistanciel, - héritée du XIXème siècle et reposant sur la césure entre le travail, sphère « normale » et le non-travail, espace 2 LAFORE Robert. « Le RSA : la dilution de l’emploi dans l’assistance ? ». Revue de droit sanitaire et social, 2009, n° 2, p 223. « Droit révolutionnaire », in LAROQUE, Michel, « Le Revenu Minimum d’Insertion, droit révolutionnaire et prestation sociale d’un nouveau type », Droit social, 1989, p 597. 3 Une phase d’observation d’initiatives mises en place telles que les plans d’urgence « pauvreté-précarité » à partir de 1983 qui se sont révélés inefficaces et les initiatives locales de revenu minimal garanti sans engagement de l’Etat, après les « plans Zeller » (compléments locaux de ressources) instaurés en 1986, in LAFORE Robert. « Les trois défis du RMI », Actualité juridique du droit administratif, 1989, n° 50, p 563. 4 5 EVIN, Clause. « Du RMI au RSA, une évolution nécessaire ». Les Echos, 26 septembre 2008. LELIEVRE Michèle, NAUZE-FICHET Emmanuelle (dir.). RMI, l’état des lieux 1988-2008. Paris, La découverte, 2008, p 27. Ces associations sont notamment le mouvement Emmaüs de l’Abbé Pierre, les Restos du Cœur de Coluche, le mouvement ATD Quart-Monde du Père Wresinski dont le rapport – Grande pauvreté et précarité économique et sociale – pour le Conseil économique et social a servi de référence. BERT Delphine - 2010 7 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. 6 de « marginalité » - se révèle inopérante. La figure du pauvre, « repoussée dans l’espace marginal de l’assistance » réapparaît ainsi, toutefois il ne concerne plus seulement des populations catégorisées mais prioritairement des personnes actives : cette nouvelle 7 pauvreté trouve ainsi une reconnaissance légale dans ce nouveau dispositif juridique , adopté à l’unanimité par l’Assemblée Nationale et le Sénat. Le RMI est ainsi une allocation 8 attribuée à toute personne résidant en France, âgée de plus de 25 ans ou assumant la charge d’un ou plusieurs enfants dont les ressources n’atteignent pas un certain seuil. Le bénéficiaire s’engage en parallèle à participer aux actions nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle par la signature d’un contrat d’insertion. Le RMI se décompose donc en deux volets, celui de l’allocation d’un revenu de subsistance – dont la gestion est assurée par l’Etat - et de l’insertion – co-pilotée par le département et l’Etat. B. Echec et réformes Ce dispositif connaît un « succès » immédiat – aidé en cela par une conjoncture économique défavorable. Cette montée en charge fut, cependant, trop rapide pour être 9 correctement gérée et maîtrisée . Le rapport de la Commission nationale d’évaluation, malgré une appréciation globale positive, pointe ainsi « une dynamique de l’insertion encore 10 11 insuffisante » . En outre, se développent les problèmes de trappes à inactivité qui obèrent la réussite du RMI. Des modifications sont ainsi apportées au dispositif, mais elles 12 demeurent mineures . Il faut attendre 2003 et la loi n° 2003-1200 du 18 décembre pour voir une évolution profonde dans la gestion et la mise en œuvre du Revenu Minimum d’Insertion. Le constat d’échec du dispositif avait en effet mis en évidence l’incapacité de l’Etat 13 à endiguer et insérer le nombre croissant d’allocataires. En 2000 , plusieurs rapports affirmaient la nécessité – face à l’imbrication de multiples acteurs – de renforcer les compétences du département en la matière. Trois ans plus tard, et après une phase de concertation, la départementalisation du RMI s’impose comme la mesure phare de l’acte II de la décentralisation. Les Conseils généraux deviennent les véritables pilotes de ce 6 7 8 LAFORE Robert, 1989, op. cit., p 567 Ibidem, p 565 Allocation dont le montant dépend de la composition du foyer. A titre d’exemple, une personne seule et sans enfant percevait 454,63 euros au 31 janvier 2009. 9 10 LELIEVRE, NAUZE-FICHET (dir.), 2008, op. cit, p 85 : trois après son lancement, 200 000 allocataires, dépassant les prévisions. VANLERENBERGHE Pierre, RMI, le pari de l'insertion. Rapport de la Commission d'évaluation du RMI, Paris, la Documentation française, p103. 11 « C’est-à-dire situation dans lesquelles la reprise d’un emploi faiblement rémunéré par un bénéficiaire du RMI conduit à une stagnation voire une baisse du niveau de vie, de telle sorte que celui-ci pourrait « préférer » demeurer dans le dispositif d’assistance », in IGAS. Evaluation de la loi n°2003-1200 du 18 décembre 2003 décentralisant le RMI et créant le RMA. Rapport de Synthèse, [en ligne] Novembre 2006, p 31. [page consultée le 07.03.2009]. <http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/074000094/0000.pdf> 12 er Loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 portant modifications de la loi du 1 décembre 1988 relative au RMI et à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle. 13 8 LELIEVRE, NAUZE-FICHET (dir.), 2008, op. cit., p 40 BERT Delphine - 2010 Introduction dispositif, tant au niveau de l’insertion que de l’allocation. Le montant et les conditions d’attribution du RMI demeurent toutefois fixés par l’Etat. La loi décentralisant le RMI crée également un nouveau dispositif, le Revenu Minimum d’Activité (RMA). Un bénéficiaire du RMI peut ainsi – au cours de son parcours d’insertion - être amené à conclure un Contrat d’Insertion-RMA (CIRMA) - contrat de travail aidé - et percevoir le RMA. Ce revenu associe une aide versée par le département à l’employeur – égale au RMI – et un complément à la charge de l’employeur permettant au salarié de percevoir une rémunération au moins égale au SMIC 14 . Toutefois cette réforme décentralisatrice d’ampleur n’a pas réussi à faire disparaître les insuffisances inhérentes au RMI. Bien que la gestion décentralisée ait sans aucun doute 15 permis une meilleure gestion et insertion des bénéficiaires , le dispositif – du moins l’allocation qui n’a pas été modifiée - demeure insatisfaisant. Le nombre d’allocataires se réduit difficilement, la question des trappes à inactivité demeure 16 , celle des obligations 17 des allocataires, de la fusion des minima sociaux et des droits connexes notamment suscitent débats et interrogations. Ainsi en 2007 lors de la campagne présidentielle, les deux principaux candidats promettent une refonte radicale du système. Nicolas Sarkozy, élu, souhaite une réforme générale des minima sociaux, c’est au Haut Commissariat aux 18 Solidarités Actives contre la pauvreté – dirigé par Martin Hirsh – que revient la tâche de piloter et mettre en œuvre un nouveau dispositif, le RSA, le Revenu de Solidarité Active. C. Le RSA, entre continuité et originalité L’instauration de ce RSA puise son origine dans les réflexions de la Commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté », présidée par Martin Hirsch, alors président d’Emmaüs-France, dont un rapport fut remis à Philippe Douste-Blazy, ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille le 21 avril 2005. Ce dispositif fait l’objet dès novembre 2007 – dans trente-trois départements volontaires – d’une première phase d’expérimentation, soumise à évaluation 19 , ce qui « est tout à fait exceptionnel, en France où ne sont généralement menées que des évaluations ex-post des politiques publiques » 14 20 . Parallèlement au niveau national, un Pour une étude complète du dispositif : DAMON Julien, « le RMA, genèse, contenu et enjeux », Revue de droit sanitaire et social, vol. 40, n°1, janvier-mars 2004, pp 30-47. 15 16 Cf. IGAS, novembre 2006, op. cit. 157 p. Malgré la création en 1998 d’un système d’intéressement permettant aux allocataires du RMI de conserver une partie de leurs allocations pendant la première année de retour au travail. Une loi de 2006 a transformé ce mécanisme en prime forfaitaire. Parallèlement, pour inciter au retour au travail, a été créée en 2001 une prime pour l’emploi. 17 Ils correspondent aux aides sociales étatiques telles que la prime de Noël, l’exonération de la redevance audiovisuelle, la couverture universelle maladie etc. et aux aides sociales des collectivités territoriales : aides pour la restauration scolaire, à la mobilité etc. 18 19 20 M.Hirsch entre le 19 juin 2007 au gouvernement. Loi n°2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (1), art 18. LA DOCUMENTATION FRANCAISE, « Le RSA de l’expérimentation à la généralisation ». [En ligne]. 2008, [page consultée le 19.10.2010] < http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/rmi-rsa-insertion-aide-sociale/rsa.shtml > BERT Delphine - 2010 9 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. processus de concertation est lancé, le Grenelle de l’insertion dure six mois, période durant laquelle des groupes de travail et des consultations s’organisent entre acteurs de l’insertion, 21 22 parlementaires et grand public . En mars 2008 est ainsi publié un livre vert sur le RSA, en mai le Grenelle clos : un projet de loi généralisant le Revenu de Solidarité Active et réformant les politiques d’insertion est alors présenté par Martin Hirsch en Conseil des 23 er ministres le 3 septembre 2008 puis promulgué le 1 décembre, 20 ans après le RMI…. Mais quels liens entre ces dispositifs crées à deux décennies d’intervalles ? Le Revenu de Solidarité Active est-il, à l’image du RMI en 1988, ce « droit révolutionnaire », cette « prestation sociale d’un nouveau type » ? 24 Le RSA s’inscrit, en réalité, pour une part, dans la continuité de son prédécesseur, mais 25 s’en distingue aussi assez largement . Concernant ses finalités, à savoir assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d’existence, encourager l’exercice ou le retour à une activité professionnelle et aider à l’insertion sociale des bénéficiaires 27 26 , le RSA « n’ajoute rien à ce pourquoi avait été institué le RMI » . Toutefois le nouveau dispositif n’est pas qu’une prestation de subsistance de base, il constitue également un complément de revenus d’activités : il « complète [en effet] les revenus du travail ou les supplée pour les foyers dont les membres ne tirent que des ressources limitées de leur travail » et « garantit à toute personne qu’elle soit ou non en capacité de travailler de disposer d’un revenu minimum et de voir ses ressources augmenter quand les revenus qu’elle tire de son travail s’accroissent » 28 . Le RSA se décline donc en un RSA de base, dit « RSA socle », qui remplace le RMI et 29 l'Allocation Parent Isolé , et un RSA de complément dit « RSA chapeau ou activité », versé en complément d'un faible revenu de travail, ici se situe la principale novation du dispositif. Le RSA vise donc un public plus large, puisqu'il remplace dans son premier versant le RMI mais également l’API et dans son deuxième volet plusieurs mécanismes d’intéressement à la reprise d’activité tels la prime de retour à l'emploi en ciblant « un public jusqu’alors oublié des dispositifs existants et pourtant en pleine expansion : les travailleurs 21 22 23 Débat parlementaire le 17 janvier 2008. Mise en place d’un blog le 16 février 2008 : < www.grenelle-insertion.fr .> Entre le Conseil des ministres et la promulgation, le comité d’évaluation de l’expérimentation du RSA a remis son rapport d’étape le 10 septembre à Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Le rapport présente les résultats des expérimentations menées entre décembre 2007 et avril 2008 dans 33 départements. De plus la rapidité d’adoption est à noter, le gouvernement ayant eu recours à la procédure d’urgence, in RIHAL Hervé, « La généralisation du Revenu de Solidarité Active », AJDA, 9 février 2009, p 198. 24 25 26 27 28 29 LAROQUE, 1989, op. cit., p 597. BORGETTO Michel, « Le Revenu de Solidarité Active », Revue de droit sanitaire et social, n°2, mars/avril 2009, p 212. er Loi n°2008-1249, 1 décembre 2008, art 1 modifiant l’article L.115-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF). LAFORE Robert, 2009, op. cit. p 226 Cf. Articles L.115-1 et L. 115-2 du CASF. L’API concerne les parents qui assument seuls la charge d’un ou plusieurs enfants, ainsi que les personnes qui ont été amenées à le(s) recueillir. 10 BERT Delphine - 2010 Introduction 30 pauvres » . Le RSA devrait ainsi bénéficier à 3,5 millions de foyer. Les personnes éligibles au RSA doivent être âgées de plus de 25 ans ou assumant la charge d’un ou plusieurs 31 enfants né(s) ou à naître, et résider en France « de manière stable et effective » . Des droits et devoirs incombent également à certains bénéficiaires qui doivent notamment signer un contrat d’insertion en contrepartie 32 de l’allocation. Personne seule, sans enfants, percevant un salaire de 257 € : 30 DUJOL Jean-Benoit, GRASS Etienne, « La construction du RSA », Droit social, n° 3 mars 2009, p 301. Pour une définition de la notion de travailleurs pauvres, DAMON Julien, « Travailleurs pauvres, de quoi parle-t-on ? », Droit social, n°3, Mars 2009, pp 292- 299. 31 32 L 262-4 du CASF Sur le concept de contrepartie et de workfare : BELORGEY Jean-Michel, « RMI, le retour de la contrepartie », Revue de droit sanitaire et social, vol. 40, n°1, janvier-mars 2004, pp 48-52. BARBIER Jean-Claude, « Pour un bilan du workfare », [en ligne], La Vie des idées, 4 novembre 2008. [page consultée le 28.01.2010] < http://www.laviedesidees.fr/Pour-un-bilan-du-workfare-et-de-l.html> BERT Delphine - 2010 11 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Montant forfaitaire (déterminé par décret) : 460.09 € Allocation logement : 200 € Forfait logement : 55,21 € Salaire à ¼ temps : 257 € Méthode de calcul: *Revenu Garanti = montant forfaitaire + 62% des revenus d’activité = 460.09 + 159,34 = 619.43 € *RSA = Revenu Garanti – autres ressources = 619.43 – 257 – 55,21 = 307.22€ *Ressources totales = salaire + RSA + autres ressources = 257 + 307.22 + 200 = 764.22 € Source : Documentation interne au Conseil général de Seine-Maritime II. Le RSA, un prisme pour analyser la relation Département/Etat La décentralisation dans le domaine social est particulièrement marquée, les lois de décentralisation n°2003-1200 du 18 décembre 2003 relative au RMI et n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales attestent de ce transfert de compétences vers les collectivités, le département en particulier. Mais déjà en 1983, pour l’acte I de la décentralisation, il avait été choisi de confier au Conseil général la gestion de l’action sociale. Avec la deuxième vague décentralisatrice, la collectivité est ainsi devenue chef de file de l’action sociale et a ainsi pour mission de « définir et mettre en œuvre la politique d’action sociale, en tenant compte des compétences confiées par la loi à l’Etat, aux collectivités territoriales ainsi qu’aux organismes de sécurité sociale. [Elle] coordonne les actions menées sur son territoire qui y concourent. [Elle] organise la participation des 33 personnes morales de droit public et privé. » . On assiste ainsi à une départementalisation de l’action sociale, certains spécialistes parlant même de « l’avènement du département 34 providence » . Le RMI, et aujourd’hui le RSA constitue une des compétences clés de l’action sociale départementale, et une mesure dont la gestion est particulièrement suivie dans le département du Rhône, ce qui explique le choix de notre terrain. En effet le Conseil général du Rhône s’est toujours montré très sensible aux questions sociales et problématiques d’insertion. Ce vif intérêt doit beaucoup à Michel Mercier, qui préside l’institution depuis 1990 et les prémices du RMI. Le Président de l’exécutif local a ainsi connu toutes les phases d’évolution du dispositif, de la centralisation à la décentralisation, puis aujourd’hui la mise en place du Revenu de Solidarité Active. Président 33 34 L. 121-1 du CASF. LAFORE Robert, « la décentralisation de l’action sociale, l’irrésistible ascension du département providence », [En ligne]. Revue française des affaires sociales, n° 4, 2004, p 19 et suiv. [page consultée le 19.10.2010] <http://www.cairn.info/revue-francaise-desaffaires-sociales-2004-4-page-17.htm#citation> 12 BERT Delphine - 2010 Introduction du Conseil général mais aussi Sénateur – fonction qu’il a quittée pour prendre la tête du 35 Ministère de l’espace rural et de l’aménagement du territoire – il s’est montré très impliqué dans la mise en œuvre du RMI, notamment à l’occasion de sa décentralisation. Son travail 36 législatif est ainsi marqué du sceau de nombreux amendements et de rapports à ce sujet . Il occupa également au niveau national de nombreuses fonctions ayant attrait au domaine 37 social et de la décentralisation . Le département du Rhône fit ainsi figure de « modèle » et fut souvent cité en exemple pour sa gestion du RMI. Un maillage territorial, des partenariats clairs et une gestion centralisée, voici en quelques mots les clés d’une maîtrise réussie du dispositif. Il m’apparut ainsi très intéressant d’observer si ces « recettes du succès », avaient si ce n’est fonctionné, du moins été poursuivies pour la mise en œuvre du RSA. Le rôle du Président Mercier est aussi – comme nous l’avons souligné - une des clés de la réussite du RMI, analyser son action et implication dans le nouveau dispositif fut ainsi une des raisons fondant le choix de notre terrain d’enquête. Le Rhône est en effet un terrain propice à la recherche, puisque politiquement traversé de multiples jeux et tensions, économiquement dynamique et géographiquement de taille intéressante pour tirer des enseignements à plus grande échelle. L’objet et l’objectif de cette étude sont ainsi d’analyser le rôle du département du Rhône dans la mise en œuvre du RSA. En confiant la responsabilité entière du RMI puis du RSA aux Conseils généraux, l’Etat souhaita optimiser la gestion du dispositif d’une part en jouant sur la proximité du département et de la population et d’autre part en responsabilisant les Conseils généraux désormais maîtres de l’allocation. Toutefois, l’Etat demeure présent en fixant le cadre légal et réglementaire de la mesure d’aide sociale. La question centrale de ce mémoire est donc de savoir si le pilotage du RSA peut conduire à une réelle autonomisation des départements ou à les assimiler – comme certains auteurs peuvent le penser - à des services déconcentrés de l’Etat par « l’instrumentation » 38 du dispositif ? L’institution départementale est devenue avec les actes décentralisateurs et notamment la loi de décembre 2003 une importante productrice de politiques publiques en particulier dans le domaine de l’insertion. L’objet principal de notre recherche repose ainsi sur l’analyse de l’autonomisation du département qui s’avère réelle mais aussi largement limitée par un ensemble de contraintes pesant sur la collectivité. Notre problématique se fonde ainsi sur un questionnement autour de l’évolution d’un 39 modèle centre/périphérie vers une forme de polycentrisme où le Conseil général du Rhône et l’Etat seraient parvenus à une horizontalisation de leurs relations avec un retrait de l’acteur étatique et une autonomisation de la collectivité. La question qui fonde notre travail est celle des conditions et limites de l’autonomisation départementale à travers le dispositif 35 36 37 Depuis juin 2009. Cf. Bibliographie. Vice-président de l'observatoire de la décentralisation, membre de la commission des comptes de la Sécurité sociale, membre du conseil de surveillance de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés jusqu’au 23 juin 2009 et du comité national de l'organisation sanitaire et sociale (CNOSS). 38 AVENEL Cyprien, WARIN Phillipe « les conseils généraux dans la décentralisation du RMI », Pouvoirs locaux, n°75, IV, 2007, p 54-61. 39 Dichotomie utilisé notamment par GREMION Pierre, Le pouvoir périphérique, Bureaucrates et notables dans le système politique français, Paris, Seuil, 1976, 477 p. BERT Delphine - 2010 13 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. du RMI puis du RSA. Nos interrogations sont alors les suivantes : la décentralisation du RMI puis la mise en place du RSA ont-il permis au Conseil général de s’autonomiser de l’acteur étatique ? La dimension hiérarchique liant Etat et département a-t-elle complètement disparu ? Le polycentrisme basé sur une coopération horizontale s’est-t-il substitué de façon définitive au modèle centre-périphérie fondé sur des rapports verticaux ? De cette problématique initiale découlent ainsi des questionnements connexes relatifs notamment aux notions de territorialisation 40 et de gouvernance locale : à la lueur du 41 développement d’une gouvernance urbaine - tel que décrit par Le Galès notamment, y a-til une gouvernance départementale qui s’est mise en place à la faveur d’une gestion efficace du RMI puis du RSA ? Les jeux d’acteurs, phénomènes de coordination, communication et concertation qui ont pris place au niveau local sont ainsi des aspects que l’on souhaite étudier. Les jeux politiques locaux sont largement analysés dans ce mémoire. Nous nous interrogeons sur la réalité de ces liens, la coordination et coopération semblant se mêler voire se heurter à des rapports de concurrence exacerbés entre des « associés-rivaux » 42 . Sont également liées à notre questionnement principal des problématiques en terme d’efficacité, et d’action publique négociée – avec l’analyse notamment du poids du Nouveau Management Public, de l’importance du lien élus/ territoire et du concept de « magistrature sociale » 43 . III. D’un modèle centre-périphérie à un polycentrisme déséquilibré au profit de l’Etat 44 Contrairement à certains auteurs , nous ne faisons pas l’hypothèse d’une instrumentalisation du département du Rhône par l’Etat. Il existe en effet - au sein du Conseil général - une véritable volonté et des faits attestant d’une certaine autonomisation. On semble passer d’un Etat gestionnaire – avec la mise en place du RMI en 1988 – à un département chef de file, pilote du RMI décentralisé et aujourd’hui du RSA. Ce mouvement est le reflet d’une tendance de fond inhérente au processus de décentralisation initié au début des années 1980. Concernant les notions de « chef de file » et « pilote », cellesci méritent éclaircissement : elles ne renvoient pas à un statut de leader seul et sans limite, mais à un coordonnateur d’actions qui possède néanmoins le pouvoir de décision. Le Conseil général – face à la complexité et les enjeux du dispositif – se doit en effet de nouer des partenariats. Il ne dispose pas de toutes les compétences nécessaires à 40 DURAN Patrice, THOENIG Jean-Claude, « L’Etat et la gestion publique territoriale », Revue Française de Science Politique, n°4, 1996, pp.580-623 41 LE GALES Pierre « Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine », Revue française de science politique, vol. VL, n° 1, 1995, pp. 57-95; GAUDIN Jean-Pierre, Pourquoi la gouvernance ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2002, 137 p pour connaitre l’origine de la notion de gouvernance. 42 43 44 14 ème MABILEAU Albert, le système local en France, Paris, Montchréstien, 2 ed., 1995, 157 p. ASTIER Isabelle, RMI et souci d’insertion, Paris, Desclée, de Brouwer, 1997, 276 p. AVENEL, WARIN, 2007, op. cit. BERT Delphine - 2010 Introduction la bonne gestion du dispositif. Il doit ainsi compter sur l’expertise et l’expérience d’autres acteurs locaux. Ainsi nous faisons l’hypothèse que le département s’autonomise de l’Etat en mettant en œuvre une véritable gouvernance locale, ingénierie locale de l’insertion et de l’allocationautour de différents partenaires institutionnels – incluant l’Etat – associatifs voire économiques. Une configuration polycentrique au profit du département se substituerait ainsi au modèle centre-périphérie. Toutefois le département se trouve enserré dans un certain nombre de contraintes au premier rang desquelles la contrainte financière qui pèse très lourdement sur la collectivité et qui l’oblige à se diriger vers une logique gestionnaire dictée par les préceptes du Nouveau Management Public. L’autonomie vis-à-vis de l’Etat s’avère ainsi relative, la liberté de gestion s’avère réduite par une tutelle financière qui ne dit pas son nom, mais également par un cadre réglementaire et législatif étatique. Des jeux politiques locaux et rapports de pouvoirs viennent aussi limiter les marges de manœuvre départementales. On pourrait alors penser se situer dans une logique département contre Etat, la collectivité semblant subir les décisions imposées d’en haut, voire être instrumentalisée par l’acteur étatique. Mais là interviennent le poids politique et jeux d’influence, nous faisons ainsi l’hypothèse que Michel Mercier – hier Sénateur, aujourd’hui Ministre – pèse dans les relations Etat/département. Ainsi, nous pouvons penser que nous ne sommes peut-être pas totalement dans un système de polycentrisme où l’Etat et le département font jeu égal, la question financière et réglementaire continue à maintenir les départements dans une situation de dépendance et ainsi à perpétuer le maintien d’un système centre/périphérie où l’élu local cherche à obtenir auprès du pouvoir central des concessions pour son territoire 45 . Le maintien de cette dichotomie centre/périphérie peut également s’analyser en un polycentrisme déséquilibré au profit de l’Etat qui détient les ressources stratégiques et contraignantes. Toutefois, à l’aune de la décentralisation – le président du Conseil général n’est pas seulement un élu intercesseur, il est aussi décideur. Le département n’apparaît donc pas instrumentalisé à travers la gestion du RMI puis du RSA. Malgré une autonomisation limitée, et la persistance d’un modèle centre-périphérie ou le constat d’un polycentrisme déséquilibré, le Conseil général se montre à la recherche de marges de manœuvre. Il conserve ainsi des leviers d’actions en s’appuyant sur une configuration institutionnelle historique, un tissu associatif dense et des acteurs de terrain aptes à utiliser et orienter des ressources juridiques. Bien que limité dans son autonomie, le Conseil général active ainsi un certain nombre de ressources afin de conserver une certaine latitude d’action. Mais la clé de l’autonomisation totale, la solution face aux contraintes étatiques et politiques semble nécessiter plus que l’activation de ressources particulières, elle réside dans l’association du département à l’élaboration des normes législatives et réglementaires. IV. Cheminement méthodologique A. Matériau utilisé 45 Pour le lien entre élu et territoire : DOUILLET Anne-Cécile « Les élus et leurs territoires. Représentation et action publique dans les dispositifs territorialisés de développement local », Sciences de la société, n°71, mai 2007, p. 67-88. De même de nombreuses références durant l’Assemblée départementale du 26 Mars 2010 à la fonction de ministre et donc à son pouvoir d’influence. BERT Delphine - 2010 15 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Mon étude repose sur une méthode inductive, j’ai en effet choisi de privilégier dans un premier temps le terrain. Toutefois, avant d’expérimenter entretiens et observations, j’ai dû m’astreindre à des lectures primaires et fondamentales concernant le fonctionnement technique du dispositif. Comme toute politique publique, les contours des politiques d’insertion sont spécifiques et le droit de l’action et de l’aide sociale particulier. De plus, le dispositif RMI, plus encore le RSA relèvent d’une certaine complexité dans leur mécanisme et mise en œuvre. Employée en août 2009 à la Maison du Rhône de Meyzieu – unité territoriale départementale déconcentrée – j’avais pu cependant prendre connaissance d’un certain nombre de données relatives aux outils d’insertion en général et au RSA en particulier. Trois types de sources sont donc à la base de mon travail de recherche : sources écrites, observation et entretiens. Concernant le matériel écrit, j’ai d’abord orienté mes lectures vers des rapports et autres études publics afin de fixer dans mon esprit les mécanismes sous-tendant le dispositif RSA, mais également RMI. Il est, en effet, à noter que mon étude porte principalement sur la mise en œuvre du Revenu de Solidarité Active, mais une connaissance et référence importante au dispositif antérieur s’avèrent incontournable dans mon travail afin de saisir les enjeux et problématiques soulevés par la mise en place du RSA. Parallèlement à cette lecture de rapports, compte-rendu et autres livres verts, j’ai pris soin de me référer – afin d’avoir une vue d’ensemble – à des livres plus généraux relatifs à l’aide et l’action sociale ainsi qu’à un certain nombre d’ouvrages et d’articles couvrant les trois périodes-clés de notre étude : à savoir celle du RMI centralisé, décentralisé et celle du RSA. Ouvrages et articles à propos du RMI sont foisonnants, mais il existe encore peu de références liées au RSA. Des articles scientifiques ont été certes publiés, mais ils ne peuvent conclure à des analyses définitives et correspondent souvent à des descriptions ou comparaisons juridiques avec les dispositifs antérieurs. D’où mon choix de fonder principalement mon travail de recherche sur des entretiens et observations. J’ai ainsi réalisé dix-huit entretiens semi-directifs, souhaitant m’entretenir avec le plus grand nombre d’acteurs possibles intervenant dans la mise en œuvre de ce dispositif. Ce travail étant temporairement et quantitativement limité, j’ai fait le choix de ne pas effectuer plus d’entretiens. En outre, ces dix-huit entretiens m’ont paru suffisants pour comprendre et saisir les enjeux inhérents au sujet que je souhaitais traiter. Chacun des entretiens effectués est le résultat d’un long processus à la fois de recherche de l’institution puis de la personne pertinente. J’ai, en effet, d’abord identifié les acteurs clés de ce dispositif – le 46 travail réalisé par des étudiants de l’IEP sur le RMI décentralisé m’a en cela beaucoup aidé. Ensuite, par le biais d’organigramme ou de renseignements téléphoniques, j’ai pu cibler les personnes en charge de ces missions. Au final, les personnes interviewées sont donc, il me semble, les interlocuteurs pertinents et les plus à même d’apporter des réponses précises à mes interrogations, et ce d’autant plus que parfois, certains entretiens sont le fruit d’une recommandation d’un personne précédemment interviewée. En outre, j’ai pu remarquer lors des entretiens que mes interlocuteurs citaient souvent des personnes que j’avais ou j’allais rencontrer, signe que les interviews effectuées avaient été ou seraient réalisées auprès des bonnes personnes. Le milieu d’enquête s’est donc caractérisé par un degré élevé d’interconnaissance, une des trois conditions requises pour la conduite d’une enquête sociologique selon les sociologues Stéphane Beaud et Florence Weber 46 ANTONIOTTI Laure, CAILLEREZ Adrien, PASDELOUP Clément, ROMAIN Judith, Enquête sur le RMI décentralisé dans le Rhône : nouvelles compétences, nouveaux partenariats. Mémoire collectif. IEP de Lyon, 2007/2008, 156 p. 16 BERT Delphine - 2010 Introduction 47 . Ce type de dispositif fonctionne en effet, du moins dans le département du Rhône, autour d’acteurs centraux qui se connaissent et travaillent régulièrement ensemble. C’est cet ensemble d’acteurs que je me suis efforcée de contacter, j’ai ainsi pu rencontrer les principales personnes intervenant, à différentes échelles et niveaux, dans le dispositif RMI puis RSA. Je me suis ainsi entretenue avec des représentants du Conseil général, pilote du dispositif, à savoir le Directeur-adjoint de l’Insertion, le Vice-président chargé de l’insertion ainsi qu’une responsable insertion dans une Maison Du Rhône (MDR). J’ai aussi rencontré des travailleurs sociaux de terrain, tant au niveau des collectivités que des structures associatives, en l’occurrence une responsable d’un Centre Communal d’Action Sociale (CCAS), des assistants sociaux de MDR, de chargés d’insertion et directeurs d’associations d’insertion. De plus sur le volet insertion et emploi, j’ai également rencontré la responsable à Pôle emploi en charge de la mise en place du RSA et de la collaboration avec le département, mais également des chargés de mission de la Région sur la formation professionnelle. Quant au volet allocation du dispositif, je l’ai appréhendé grâce à un entretien avec le Directeur des prestations de la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) de Lyon. Par ailleurs, une interview de la conseillère formation du Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) en charge des formations RSA des agents du Conseil général m’a permis de mieux saisir l’aspect organisationnel. Enfin, la rencontre avec deux conseillères générales de l’opposition, membres de la commission des affaires sociales, fut l’occasion de saisir la dimension politique du dispositif. Ce travail de terrain fut, je pense, très important puisque « grâce à l’immersion de l’enquêteur dans le milieu enquêté, [il] restitue les visions d’en bas plus variées qu’on ne le croit ; permet le croisement de divers points de vue sur l’objet, [et] éclaire la complexité des pratiques, en révèle l’épaisseur » 48 Outre ces entretiens qui ont nourri principalement mon étude, j’ai également eu recours à l’observation, notamment lorsque j’ai travaillé en août 2009 à la MDR de Meyzieu. J’ai à cette occasion pu sentir et voir les problématiques qui se posaient sur le terrain. J’ai de même pu percevoir l’état d’esprit et le climat politique entourant ce dispositif en assistant à la séance publique de l’assemblée départementale le 26 mars dernier, sur conseil du Directeur adjoint de l’insertion que j’avais rencontré la semaine précédente. Assister à cette séance m’a permis d’orienter mon étude vers des problématiques plus politiques concernant la mise en œuvre du RSA. J’ai en effet pu comprendre ou du moins entrevoir – aux prises de paroles de chacun – les conceptions des différents acteurs en présence. C’est à partir de ce moment là que j’ai décidé de prendre contact avec des élus. Cette étude repose donc sur des sources diversifiées, mais elle ne fut pas exempte de difficultés. B. Obstacles rencontrés et surmontés...ou contournés 47 « Il faut enquêter sur un milieu d’interconnaissance (MAGET Marcel, Guide d’étude directe des comportements culturels, « civilisations du sud », SAEP, 1953), il faut que vos enquêtés soient en relation les uns avec les autres et non pas choisis sur des critères abstraits », in BEAUD, WEBER, 2003, op. cit, p 15. Les deux autres conditions sont citées plus loin : l’enquêteur se donner les moyens d’une analyse réflexive de son travail, enquête de longue durée, in ibidem, p 294. 48 BEAUD, WEBER, 2003, op.cit, p 9/10. BERT Delphine - 2010 17 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Dans ma démarche d’enquête, j’ai effectivement dû affronter quelques difficultés, tant d’ordre méthodologique que pratique. En effet, mes différents entretiens m’ont sans cesse rappelé et ramené à la question du rapport à l’objet et à la nécessité d’une démarche scientifique. J’ai toujours tenté de garder une certaine neutralité recommandée en sociologie 49 50 , même si cela s’est avéré difficile, l’entretien étant une interaction sociale . En effet, « la situation d’enquête est tout sauf naturelle. Elle vous place dans une relation sociale à la 51 fois artificielle et inédite » . Mais pour beaucoup de personnes rencontrées, j’ai vraiment ressenti l’entretien comme un échange. Les sociologues Stéphane Beaud et Florence Weber affirment dans leur guide de l’enquête de terrain que « l’essentiel est de gagner la 52 confiance de l’enquêté » , je pense ainsi avoir réussi à le faire, d’une part en montrant un intérêt certain pour le sujet et pour mon interlocuteur et d’autre part en faisant état de mes entretiens passés ou à venir, qui semblaient me donner pour les interlocuteurs une certaine légitimité. La problématique de l’imposition aux dominants 53 ne sait donc pas poser. Quant 54 à la l’enregistrement de l’entretien – question cruciale dans un travail de recherche – ce ne fut, de la même façon, pas une difficulté puisque sur les dix-huit personnes interviewées, seule une a refusé. De même, alors qu’au début de ma série d’entretiens, je pouvais rester trop attachée à ma grille, je m’en suis naturellement détachée au fur et à mesure et saisir l’opportunité de ces rencontres pour tester certaines hypothèses. Outre le volet méthodologique, l’aspect pratique de ma recherche m’a également conduit à faire face à certaines difficultés. D’abord, la complexité du sujet reconnu par tous, y compris les acteurs impliqués, m’a demandé un réel effort d’analyse et de compréhension afin de saisir les ressorts de cette politique. On peut ainsi affirmer qu’à l’image d’un marché économique, les coûts sont assez élevés « pour entrer » dans le dispositif, mais au fur et à mesure de mes lectures et rencontres, j’ai acquis les informations nécessaires à la compréhension des mécanismes et enjeux du dispositif. De plus, dans l’organisation de mes entretiens, j’ai également rencontré quelques difficultés : j’ai d’abord essuyé plusieurs refus de responsables d’unités territoriales du département qui souhaitaient que je rencontre d’abord le service central. Ces réticences m’ont d’emblée fait comprendre la sensibilité, le caractère polémique voire politique du dispositif. Le refus de communiquer de la ville de Lyon sur la décision du CCAS de refuser d’instruire des dossiers RSA en est également une illustration. A la lecture de ce travail, on comprendra que derrière la mise en œuvre du RSA dans le département s’est nouée une situation conflictuelle entre la mairie de Lyon et le Conseil général. Enfin dernier obstacle auquel j’ai été confrontée, c’est l’incapacité pour certains interlocuteurs d’évoquer l’état du dispositif antérieur, en effet le RSA est l’héritier du RMI, mesure instaurée en 1988. Il a ainsi été difficile de rencontrer des acteurs qui 49 « La construction d’un objet d’études passe par un ensemble de distanciations par rapport à soi et au choix initial du sujet de recherche, mais aussi par rapport aux prénotions », in PAUGAM Serge (dir.), L’enquête sociologique, Paris, PUF, 2010, p 53. 50 51 52 53 « L’ethnographe est personnellement et fortement impliqué dans l’enquête », in BEAUD, WEBER, 2003, op. cit., p 16 Ibidem, p 99. Ibidem, p 203 CHAMBOREDON Hélène, PAVIS Fabienne, SURDEZ Muriel, WILLEMEZ Laurent, « S’imposer aux imposants », Genèses, n° 16, juin 1994, p 114-132. 54 « il n’y a pas de bon entretien approfondi sans enregistrement, c’est une condition sine qua non », in BEAUD, WEBER, 2003, op. cit., p 208. 18 BERT Delphine - 2010 Introduction étaient déjà en place dans ce secteur dès le début des années 1990. C’est pourquoi j’ai plus largement utilisé des sources écrites pour rédiger mes parties relatives au RMI centralisé. Ma méthodologie d’enquête repose ainsi principalement sur la réalisation d’entretiens, mais est également basée sur la lecture de sources écrites et l’observation. La combinaison des ces trois sources m’apparaissait comme indispensable dans la mesure 55 où leur complémentarité a permis d’enrichir et d’affiner mon étude . Des difficultés méthodologiques et pratiques se sont posées, mais comme tout travail de recherche, elles sont inhérentes à la démarche et permettent souvent d’orienter son esprit vers des horizons nouveaux et problématiques renouvelées. V. Plan Dans un premier chapitre, nous observerons que la décentralisation du RMI – par la loi du 18 décembre 2003 – constitue une remise en question de l’architecture institutionnelle initiale. A l’origine, le RMI apparaît, en effet, comme un dispositif centralisé aux mains de l’Etat. L’acteur étatique maîtrise les leviers du financement et participe activement à l’insertion. Les relations Etat/département sont ainsi largement teintées de verticalité. La prégnance de ce modèle centre/périphérie conduit, toutefois, à l’échec du dispositif. A la faveur de la décentralisation, cette configuration hiérarchisée semble ainsi s’effacer au profit d’un certain polycentrisme et d’une horizontalisation des relations Etat-département symbolisée par la mise en place d’une gouvernance territoriale. En effet, la départementalisation du RMI confère au Conseil général le statut de « chef de file » d’une politique sociale qui se veut partenariale. L’Etat, simple partenaire, est désormais en retrait. Le département s’autonomise. Le Conseil général du Rhône - dont la gestion se révèle efficace – organise le dispositif autour de partenaires historiques et d’une direction unique. Décideur en dernier ressort, il offre la vision d’un polycentrisme quelque peu déséquilibré à son profit. Avec la mise en œuvre du RSA, la continuité prévaut, même si un certain nombre de difficultés semble, pour l’instant, limiter la pleine efficacité du dispositif. Toutefois à l’analyse et à la lueur des entretiens effectués, le second chapitre dévoilera que le département n’a pas les moyens d’une pleine autonomie. Celle-ci s’avère limitée par un certain nombre de contraintes au premier rang desquelles la contrainte financière. En effet, le cadre financier mais également législatif et réglementaire – fixé par l’Etat – obère sérieusement les marges de manœuvre du département. De même, des jeux et rapports de forces politiques locaux gênent le Conseil général dans ses velléités d’autonomie. Ces contraintes font ainsi ressurgir le modèle centre-périphérie qui ne serait pas alors complètement dépassé. La décentralisation serait donc « un masque égalitaire séduisant » « déguis[ant] une réalité plus hiérarchisée » 55 56 . Le polycentrisme constaté est déséquilibré Sur l’importance d’utiliser des sources différenciées : WELLER Jean Marc, « le mensonge d’Ernest Cigare. Problèmes épistémologiques et méthodologiques à propos de l’identité », Sociologie du travail, 36(1), 1994, pp. 25-42. Et DODIER Nicolas, « Annexe 1 : une enquête sur différentes arènes» et « Annexe 2 : une expérience de lecture », in Leçons politiques de l’épidémie du sida, Paris, Editions de l’EHESS, 2003, 359 p. BEAUD et WEBER affirment aussi qu’ « il faut faire feu de tout bois à condition de toujours se rappeler comment telle ou telle « donnée » a été fabriquée », 2003, op.cit, p 299. 56 LE GALÈS Pierre, THATCHER Mark, Les Réseaux de politique publique : débat autour des policy networks, Paris, L’Harmattan, 1995, p 227. BERT Delphine - 2010 19 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. au profit de l’Etat. La dimension hiérarchique prévalant entre Etat et département réapparaît en filigrane. De même, les rapports de concurrence entre collectivités atténuent le constat 57 d’une substitution de la séparation par la collaboration . Ainsi face à cet ensemble de contraintes, le Conseil général est à la recherche de marges de manœuvre à la croisée de l’impératif d’efficacité et de la nécessité d’humanité. Toutefois, les ressources mobilisées ne permettent pas au département de recouvrir l’autonomie recherchée, la clé de l’autonomisation totale résidant dans l’association du Conseil général à l’élaboration du cadre légal. 57 D’après MENY Yves, SUREL Yves, Politique comparée – les démocraties, Allemagne, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Paris, Montchréstien, Domat politique, 2004, p 452 : « la coopération et la collaboration entre niveaux se substituent à la séparation et à la hiérarchie formelle ». 20 BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département La décentralisation du RMI par la loi du 18 décembre 2003 – conservée pour le RSA en 2009 - a renforcé les compétences du département au détriment de l’Etat en lui confiant la responsabilité entière du dispositif. Alors qu’à l’origine le RMI était en partie centralisé aux mains de l’Etat, il est décidé en 2003 – au vu des insuffisances et imperfections du pilotage de l’insertion – de décentraliser aux Conseils généraux les deux volets du RMI, allocation et insertion. A partir de ce moment là, le département s’est imposé comme un « chef de file », à la tête d’une véritable ingénierie locale de l’insertion et de l’allocation. La gouvernance locale semble donc s’être substituée au gouvernement étatique, le département apparaissant autonome du pouvoir central. L’Etat devient un simple partenaire. La décentralisation du RMI 58 semble ainsi attester du passage d’un modèle centre/périphérie à une horizontalisation des relations, même si des tentatives de territorialisation et transversalité avaient été mises en place. A partir de 2004, l’échelon local semble totalement outrepasser sa position de subalterne. Alors qu’elles avaient connu des prémices d’existence avant 2004, « la coopération et la collaboration entre niveaux se substituent à la séparation et à la hiérarchie 59 formelle » . Cette autonomie laissée aux départements dans le cadre du RMI, s’inscrit dans le contexte plus large de l’acte II de la décentralisation constitutionnalisant le principe de libre administration et consacrant le pouvoir et l’importance des collectivités locales. D’un RMI centralisé en partie aux mains de l’Etat, le législateur transfère le dispositif au département et lui permet ainsi de s’autonomiser de l’acteur étatique par la mise en place d’une gouvernance territoriale autour d’un certain nombre de partenaires. Cette configuration institutionnelle est préservée avec l’instauration du RSA, le Conseil général ayant fait le choix de la continuité. Toutefois le nouveau dispositif n’est pas sans poser quelques difficultés d’application. Section 1 : Un RMI centralisé en partie aux mains de l’Etat A contre-courant des évolutions précédant la mise en place du RMI en 1988, il est décidé de confier la responsabilité du RMI, du moins dans son volet financement, à 58 59 Dichotomie utilisée notamment par GREMION, 1976, op cit. MENY Yves, SUREL 2004, op. cit, p 452. BERT Delphine - 2010 21 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. l’Etat. L’architecture institutionnelle apparaît ainsi comme déséquilibrée au profit de l’acteur étatique, offrant l’image d’un modèle centre-périphérie toutefois atténué d’une part, au niveau national, par les prémices de transversalité et territorialisation qui sont observés dès 1988, et d’autre part, au niveau du département du Rhône, grâce à la mobilisation du Conseil général. Il n’en demeure pas moins que l’organisation du RMI telle que prévue par le 60 législateur en 1988 est une « une entorse à l’esprit des lois de décentralisation » . De fait, elle ne pouvait n’être source que d’échecs comme l’affirmait Pierre Louvot dans le rapport législatif annexé à la loi instituant le RMI : « il n’est en effet pas concevable qu’un système de lutte contre la pauvreté-précarité puisse être parfaitement efficace et perdurer dans le temps s’il se fonde sur des principes et des mécanismes qui sont aussi directement opposés à tout ce qui constitue l’action sociale dans ce pays depuis 1983 ». Ainsi cet avertissement s’avérera, malheureusement, réalisation. La faillite du RMI sur le « I » de l’insertion obligea, en effet, le législateur à réagir. C’est ce qu’il fera en 2003 avec la loi de décentralisation du dispositif, et la dévolution de l’entière responsabilité du RMI aux départements. 1 : Une architecture déséquilibrée au profit de l’Etat L’architecture institutionnelle offre la vision d’un Etat dominant. En effet, ce dernier supervise le volet allocation et insertion du dispositif tant au niveau horizontal que vertical par l’intermédiaire d’un organe spécial, la Délégation Interministérielle au Revenu Minimum d’Insertion (DIRMI) placée auprès du Premier Ministre. De plus, il intervient sur les deux volets par le biais des services concentrés et déconcentrés de l’Etat symbolisés par la figure du préfet. Le choix est effectivement fait d’un financement étatique, et d’une gestion de l’insertion co-pilotée par l’Etat autour d’instruments de planification. Une institution surplombante, la Délégation Interministérielle au RMI 61 La Délégation Interministérielle au RMI – instituée par un décret du 7 décembre 1988 constitue la première pièce du dispositif RMI. Cet organe – dont « la création était fondée sur l'incapacité supposée de la direction de l’action sociale à prendre en charge directement 62 cet important projet » , est placé auprès du Premier Ministre. Le délégué – à la tête de ladite délégation – « est chargé de suivre l’application de la loi relative au Revenu 63 Minimum d’Insertion » . A titre principal, il coordonne – au niveau horizontal – l’action des différents ministères, et – dans le sens vertical – l’action des collectivités locales et acteurs de terrain « en contribuant à l’animation des politiques d’insertion engagées dans chaque 60 SEILLIER Bernard, Rapport n° 161 (2005-2006) fait au nom de la commission des affaires sociales, sur le projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion et créant un revenu minimum d’activité [en ligne], janvier 2006, p 11 [page consultée le 20.03.2010] < 61 Décret d’insertion [en n°88-1106 ligne] http://www.senat.fr/rap/l02-304-1/l02-304-11.pdf > du [page 7 décembre consultée 1988 le instituant 1.11.2009] une délégation < interministérielle au revenu minimum http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp? numJO=0&dateJO=19881208&numTexte=&pageDebut=15375&pageFin= > 62 COUR DES COMPTES, Rapport public annuel, [en ligne] 2001, p 11 [page consultée le 07.11.2009] CC/documents/RPA/Rpa2001Observations2.pdf 63 22 Article du 2 du Décret n°88-1106 du 7 décembre 1988. BERT Delphine - 2010 http://www.ccomptes.fr/fr/ Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département département » 64 . En outre, il doit aussi « veiller à l'efficacité des procédures d'attribution 65 et de versement de l'allocation » , initier des propositions ou études qu’il juge nécessaire et articuler le dispositif avec les systèmes d’aide et de protection sociale. Cette délégation inaugure dans le domaine social la coordination interministérielle et l’administration de mission déjà largement utilisée par ailleurs. Alors que dans le secteur de l’aide et de l’action sociale, la pratique était celle de la sédimentation et de la sectorialité, le RMI ouvre une nouvelle ère en prônant les préceptes de la globalité et de la transversalité. La DIRMI – selon Robert Lafore – « loin de se substituer aux diverses administrations potentiellement touchées par le RMI, vient au contraire précéder et surplomber leur action pour obtenir une unité d’action ». 66 Cette nouvelle structure symbolise ainsi en quelque 67 sorte le « pari du décloisonnement » sur lequel est fondé le dispositif RMI en 1988. En effet, dès l’origine, le législateur a souhaité, ou tout du moins essayé, de baser le RMI sur une logique de transversalité – qui s’avère ici étatique. Toutefois, les espoirs placés dans la mise en place de cette délégation furent quelque peu déçus. En effet comme le pointe le rapport de la Cour des comptes de 2001 sur l’insertion des bénéficiaires du RMI « le caractère 68 interministériel de la délégation a rencontré d’emblée des limites » . Des problèmes de moyens et de légitimité politique ont suffi à affaiblir l’action d’une délégation qui a finalement fusionnée en juillet 2000 avec la Direction de l’action sociale. Malgré cette fusion, l’Etat demeure jusqu’en 2003 le pilote du dispositif grâce – au niveau central - à la Direction de l’action sociale et à l’échelle locale aux Directions Départementales des Affaires Sanitaires et Sociales et surtout à la figure du préfet. L’Etat a ainsi la charge du financement du dispositif et participe à la gestion de l’insertion. Un financement par l’Etat er La loi du 1 décembre 1988 donne compétence à l’Etat en matière de gestion de l’allocation 69 . Les principes d’uniformité et d’égalité de traitement – chers à la République française unie et unitaire – ont ainsi prévalu lors de la rédaction de la loi. En effet, comme souligné dans le Rapport Seillier, le RMI correspond à une « prestation de solidarité nationale 70 constituant un droit objectif pour son bénéficiaire » . Ainsi chacun doit pouvoir prétendre à des conditions de traitement égalitaires, d’où la compétence étatique qui unifie le montant et les conditions d’attribution. Le financement par l’Etat permet donc au RMI « d’ échapper aux contingences locales et établit une égalité dans l’ensemble du pays ». 64 65 Idem Idem 66 67 68 69 71 LAFORE, 1989, op. cit., p 577 Idem COUR DES COMPTES, 2001, op.cit , p 12. Article 5 de la loi n°88-1088 du 1 décembre 1988 relative au Revenu Minimum d’Insertion : « Le financement de l’allocation est à la charge de l’Etat » 70 71 SEILLIER Bernard, janvier 2006, op.cit, p 54. FRAGONARD Bertrand, « Le Revenu Minimum d’Insertion, une grande ambition », Droit social n°7/8, juillet-août 1989, p.573. BERT Delphine - 2010 23 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Par ailleurs, les incertitudes entourant la montée en charge financière d’un dispositif d'un type nouveau ont conduit les législateurs à acter dans le sens d’un financement étatique, l’Etat apparaissant comme le plus apte à gérer les difficultés de mise en œuvre. Ainsi l’Etat finance et la gestion du paiement de la prestation est assurée par la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) ou la caisse de la Mutualité Sociale Agricole (MSA). Le choix de la compétence étatique en matière de financement a donc été fait en 1988, mais il n’allait pas de soi pour nombre d’observateurs. Certains ont en effet considéré cette gestion de l’allocation – dans le contexte décentralisateur des années 1980, comme participant d’une « recentralisation du social » la charge financière de prestations nouvelles. 72 dans la mesure où l’Etat intervient pour L’Etat non seulement présent dans la partie financement l’est aussi pour le volet insertion, où il co-gère avec le département la politique d’insertion des bénéficiaires du RMI, et ce autour d’outils et d’instruments visant à organiser et planifier les actions mises en œuvre. L’insertion : une cogestion Etat/Département autour d’instruments de planification Le volet insertion du RMI se veut le symbole des tentatives de desectorialisation et de territorialisation des politiques sociales, dont nous avions parlé en abordant la Délégation Interministérielle au RMI. Ainsi le département est associé à la politique d’insertion. Toutefois cette collaboration ne rime pas avec décentralisation, mais est synonyme de cogestion. Il est, en effet, décidé en 1988 de ne pas décentraliser le RMI, mais de partager les er missions du volet insertion entre le département et l’Etat. Selon l'article 34 de la loi du 1 décembre 1988 modifiée, « le représentant de l'Etat dans le département et le président du Conseil général conduisent ensemble et contractuellement l'action d'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du RMI ». Toutefois, à l’analyse et au vue de la mise en œuvre pratique – du moins au début – ce 73 co-pilotage s’est révélé prendre la forme d’une « cogestion imposée » comme le souligne le rapport d’évaluation du RMI en 1992. Nous reviendrons sur cet aspect prépondérant pour notre analyse dans la partie suivante. Ainsi le volet insertion – reposant sur le co-pilotage Etat/département – se caractérise 74 par la mise en place d’un certain nombre de « structures ad hoc » visant à rendre opérationnel le partenariat local autour de l’insertion. L’objectif – réalisé partiellement dans un premier temps – est bien de construire une politique et de gérer des actions autour d’instruments tels que définis par Pierre Lascoumes et Patick Le Galès, à savoir « un dispositif à la fois technique et social [soutenu par une conception de la régulation] qui organise des rapports sociaux spécifiques entre la puissance publique et ses destinataires en fonction des représentations et des significations dont il est porteur » 72 BORGETTO Michel. « VIII. Les transferts de compétences en matière d'aide et d’action sociales : entre changement et continuité », Annuaire des collectivités locales. Tome 24, 2004. Réforme de la décentralisation, réforme de l'État. Régions et villes en Europe, p109 : le financement de la couverture de base prévue par la loi du 27 juillet 1999 instituant la CMU participe de ce mouvement 73 74 24 VANLERENBERGHE Pierre, 1992, op. cit , p344. LAFORE, 1989, op. cit., p 578, BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département 75 . La première instance est le Conseil Départemental de l’Insertion (CDI), structure de coopération réunissant représentants de l’Etat et d’établissements publics de l’Etat, de la région, du département et des communes, des institutions - organismes ou associations intervenant dans le domaine économique - ainsi que des représentants des Commissions Locales d’Insertion (CLI). Les CLI regroupent les acteurs précités et sont chargées du renouvellement et de la validation des contrats d’insertion. A noter que les CLI sont à la 76 fois des instances et les découpages géographiques du département . Le CDI devait ainsi définir et mettre en œuvre un Programme Départemental d’Insertion (PDI), adopté par le Préfet et le Président du Conseil général. Ce programme devait correspondre à un instrument de planification, qui avait pour objet le recensement des moyens disponibles, la création ainsi que l’harmonisation des actions conduites par les acteurs publics et privés. Le PDI était complété à une échelle territoriale inférieure par des Programmes locaux d’insertion (PLI) – élaborés par les CLI - qui constituent, de la même façon, des instruments de définition des orientations d’insertion et de recensement des moyens correspondants. Les PLI sont ensuite transmis au CDI. Ainsi « comme pour l’ensemble des politiques publiques, la politique sociale n’échappe pas à la volonté de contrôler les évolutions en tentant de les prévoir et de leur répondre par une rationalisation des interventions et des moyens. Ceci se traduit par la multiplication des instruments de planification et de programmation qui constituent une sorte de « droit prospectif » ». 77 Le dispositif RMI en est l’illustration. La politique d’insertion organisée autour d’outils et d’instruments se jouait ainsi – sur le territoire étudié – non seulement entre le Conseil général du Rhône et l’Etat, mais également entre ledit département et la ville de Lyon. En effet jusqu’en 2003, le département avait délégué contractuellement à la ville de Lyon la gestion du PLI applicable sur son territoire 78 79 . Source de « complication » , puisque aboutissant à des politiques complètement différentes sur le même département, la convention arrivant à échéance en 2003 n’a pas été renouvelée. L’architecture institutionnelle décrite apparaît donc comme déséquilibrée au profit de l’Etat. Géré d’en haut par une délégation qui se veut interministérielle, le dispositif est financé par l’Etat et cogéré par ce dernier et le Conseil général. Cette configuration – souhaitée par le législateur en 1988 – s’avère en réalité à contre-courant des lois de décentralisation votées quelques années plus tôt. 2 : L’échec d’une pratique en contradiction avec « l’esprit des lois de décentralisation » 75 76 77 78 80 LASCOUMES, LE GALES (dir), 2004, op. cit, p 13 Cf. Annexe 4 : découpage territorial du Rhône en CLI BORGETTO Michel, LAFORE Robert, Droit de l’aide et de l’action sociale, 7 ème édition, Paris, Montchréstien, 2009, p 188. LONG Martine, RIHAL Hervé (dir.). La décentralisation du Revenu Minimum d’Insertion. Paris, la documentation française, 2007, p 131 ; 79 80 Entretien M. De Lavernée, Vice-président chargé de l’Insertion au Conseil général du Rhône. VANLERENBERGHE , 1992, op. cit., p342 BERT Delphine - 2010 25 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Bien que la co-responsabilité définie dans la loi du département en matière d’insertion puisse être interprétée comme participant du processus de décentralisation de l’action sociale er engagé depuis le 1 janvier 1984, il n’en demeure pas moins que le RMI contredit aussi largement « l’esprit des lois de décentralisation » comme le souligne notamment le rapport d’évaluation du RMI en 1992. En effet l’architecture institutionnelle du dispositif apparaît à contre-courant des lois décentralisatrices initiées quelques années plus tôt, ce qui conduit au constat de la contrainte du département et de l’inefficacité du pilotage local de l’insertion. Toutefois, ce bilan peut être nuancé quant à la situation du département du Rhône. Une organisation institutionnelle à contre-courant des lois décentralisatrices En 1982/1983, la France connaît sa première vague de décentralisation : les lois Defferre n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions et du 7 et 22 juillet 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat par « bloc » fondent l’acte I de la décentralisation, qui touche en premier lieu le domaine social. C’est en effet dans le secteur de l’aide et de l’action sociale que la décentralisation est la plus poussée dès 1983 par la loi n° 83-663 du 22 juillet qui attribue la compétence de droit commun de l’aide sociale légale 81 et de prévention sanitaire au département. Ainsi cinq années après ces lois décentralisatrices, la décision du législateur de confier le financement du dispositif à l’Etat apparaît être une « entorse à l’esprit des lois de 82 décentralisation » , comme l’a pointé le rapport législatif relatif à la loi concernant la décentralisation du RMI. Ce rapport fait lui-même référence à celui rédigé à l’occasion de la loi de 1988 par le sénateur Pierre Louvot qui regrettait ainsi qu’ « aucun transfert [ne soit] prévu de l’Etat aux départements après une période d’expérimentation, en violation absolue des efforts de décentralisation engagées depuis maintenant 5 ans » 83 . De même, le rapport d’évaluation du RMI en 1992, tout en soulignant une certaine continuité avec les lois de décentralisation, note aussi et surtout une rupture : « Le RMI a aussi contredit l'esprit des lois de décentralisation en pratiquant d'abord une certaine inversion des compétences : l'État verse une allocation qui n'est pas étrangère à l'aide sociale, et le département est invité à intervenir dans le soutien insertion - qui passe surtout par l'emploi, compétence revenant à l’État. Surtout, il est en contradiction avec la théorie des « blocs de compétences » en mettant en œuvre une compétence cogérée, l’insertion, dans laquelle l'État est un partenaire « obligé » du Conseil général, alors que l'objectif d'autonomie des différentes collectivités - avec son corollaire : qui décide paie était essentiel dans les lois de décentralisation. » 81 84 Par aide sociale légale, nous entendons l’ensemble des prestations obligatoires qui correspondent à une dépense obligatoire pour la collectivité et à des prestations en nature qui – selon l’article L 111-1 du CASF- constituent un droit pour toute personne se trouvant dans les conditions légales d’attribution. 82 83 SEILLIER, janvier 2006, op. cit. p 11 LOUVOT Pierre, Rapport n° 57 (1988 – 1989) au nom de la commission des Affaires sociales sur la loi n°88-1088 relative au RMI, octobre 1988, [extraits] in JOURNAUX OFFICIELS, Décentralisation du Revenu Minimum d’Insertion et création du revenu minimum d’activité, Paris, Direction des Journaux officiels, 2004, p 65. 84 26 VANLERENBERGHE , 1992, op. cit., p342 BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département Ainsi la configuration choisie – à contre-courant des lois de décentralisation du début des années 1980 et donc de l’ère du temps institutionnel – débouche comme certains l’avaient prédit sur un échec. Le département s’avère, en effet, contraint, il en résulte un pilotage local inefficace. Un département contraint, un pilotage local inefficace On a pu parler de « cogestion imposée » en tout cas au début dans la mesure où le RMI a obligé les conseils généraux à un certain niveau de dépenses sans la possibilité de pouvoir négocier autre que sur des modalités techniques d’application de la mesure 85 . Les dépenses départementales d’insertion se sont en effet révélées être contraintes puisque devait être inscrite obligatoirement au budget dédites collectivités une ligne de crédits dédiés à l’insertion correspondant à 20%, puis 17% - avec la mise en place de la 86 Couverture Maladie Universelle (CMU) - de la somme versée au titre de l’allocation RMI sur leur territoire au cours de l’exercice précédent. Il y avait, de plus, un manque de 87 souplesse dans l’utilisation des crédits . Cette obligation financière fut justifiée à l’époque par les économies importantes réalisées par les départements au titre des allocations mensuelles à l’Enfance et des compléments locaux de ressources. A ces crédits d’insertion, les départements se devaient également de couvrir financièrement l’assurance personnelle des bénéficiaires du RMI. Le département du Rhône a montré dès l’origine une volonté certaine dans le domaine de l’insertion puisque son taux d’utilisation des crédits d’insertion par rapport à la règle des 20% était de 96, 1% en 1990. 88 Le département était donc contraint dans ses dépenses mais également plus largement dans ses modalités d’action, d’où un copilotage inefficace. Ce constat a été dressé par de nombreux observateurs, tant par la Cour des Comptes dans son rapport de 2001 que par l’IGAS dans son rapport de 2006 : « Le RMI souffre (...) d'un défaut de pilotage local. Ceci est souvent masqué par une bonne collaboration technique entre les chargés de mission du RMI relevant de l'Etat et ceux du département. (...) Le dispositif peut ainsi fonctionner correctement dans ses aspects quotidiens. Pour autant, le RMI ne bénéficie pas d'un pilotage local dégageant des orientations prioritaires lisibles, au service d'objectifs précis. » De même la mission commune d’information sur la décentralisation en 2000 pointait que « le département est trop souvent placé dans la situation paradoxale d'être impliqué au cœur des difficultés de l'insertion sur le terrain, tout en ayant des moyens et les prérogatives 85 86 Rapport de synthèse TEN sur les études Mire/plan urbain, p 86, in VANLERENBERGHE , 1992, op. cit., p344. Cette réduction du pourcentage est due à la suppression de l’aide médicale par la loi créant la CMU. 17 % en métropole et 16,25 % dans les départements d’outre-mer. Cf. article 38 de la loi de 1988, modifié par la loi du 27 juillet 1999 portant création de la couverture maladie universelle 87 88 SEILLIER, janvier 2006, op. cit. p 106. Cf. tableau national par départements sur le taux d’utilisation des crédits d’insertion par rapport à la règle des 20% en 1990, in VANLERENBERGHE , 1992, op. cit., p 390. BERT Delphine - 2010 27 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. 89 trop réduits pour jouer un rôle véritablement efficace. » . Le Conseil général apparaît ainsi comme dépourvu de moyens lui permettant de mettre en œuvre une politique d’insertion efficace. L’Etat reste maître de politiques clés telles la formation professionnelle, la politique de l'emploi ou la politique du logement social. Le Vice-Président De Lavernée dresse un constat similaire : « J’ai l’impression d’avoir antérieurement quelque chose de très touffue qui correspondait à une montée en charge des bénéficiaires du RMI. J’ai le sentiment qu’on avait un dispositif, je ne dirais pas sans pilotage, ça serait très excessif mais sans moyen de supervision, sans vision claire de ce qui se passait, car ceux qui payaient n’étaient pas ceux qui inséraient et vis-versa. Finalement, le public concerné n’était pas bien connu ni des uns ni des autres. » 90 De plus, comme le souligne la Cour des comptes ou encore le rapport Seillier les structures ad hoc se sont révélés défaillantes. En effet les Conseils Départementaux d’Insertion ont été handicapés par un effectif pléthorique, les Commissions Locales d’Insertion cantonnées à un rôle de validation pure des contrats, et les contrats d’insertion restés trop souvent des documents formels. Le taux de contractualisation est, en métropole, 91 de 42% en juin 2002 . Quant au Programme Départemental d’Insertion, qui se voulait un outil de planification stratégique, il s’est révélé – y compris dans le département du Rhône – un document « plus quantitatif et disparate ». « C’était moins formalisé [qu’aujourd’hui], on n’était pas capable de faire un rapport de 15 pages au Conseil général qui donnait aux conseillers généraux l’action du Conseil général sur l’ensemble du département car on n’avait pas toutes les pièces du puzzle (…), on avait du mal à trouver une cohérence dans la politique départementale » reconnaît le Vice-Président en charge de l’insertion. Un pilotage contraint et inefficace est un constat qui peut, toutefois, être nuancé pour le département du Rhône. Un constat à nuancer dans le département L’échec du RMI centralisé est effectivement quelque peu à relativiser dans le département du Rhône. En effet, notre terrain d’enquête a révélé à l’analyse certaines particularités qui rendent le bilan final plus contrasté. En effet le poids des associations, l’amorce de la territorialisation, ainsi que l’état des relations avec Pôle emploi et la préfecture ont permis d’atténuer les effets négatifs constatés par ailleurs. Dominique Martin, directrice de l’Association de Développement Local (ADL) - structure d’insertion existant depuis plus de 25 ans - affirmait dans l’entretien réalisé qu’ « ADL a commencé dès 89 dans des actions d’engagement » et qu’elle « et d’autres associations ont été forces de proposition » : « on rentrait dans une formule que le Conseil général ne connaissait pas et il a été intéressé par la posture des acteurs de terrain qui lui ont fait 89 MERCIER Michel, Rapport d’information du Sénat n° 447 (1999 - 2000), Pour une République territoriale : l'unité dans la diversité, faitau nom de la mission commune d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales, [en ligne] juin 2000, 276 p. [page consultée le 14.05.2009] <http://www.senat.fr/ rap/r99-447-2/r99-447-21.pdf> 90 91 COUR DES COMPTES, 2001, op. cit, pp. 17-25. ODAS, quel acte II pour le RMI ?, [En ligne], février 2003, p 8. page consultée le 18.03.2010] < http://www.odas.net/IMG/ pdf/200302_QuelacteIIpourleRMI2003.pdf> 28 BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département des propositions. Cette période de 15 ans a été une période d’expérimentation sociale, de construction de partenariat avec le Conseil général ». « Ce maillage du territoire avec des associations d’insertion » dès l’origine du dispositif constitue un « acquis opportun » selon le Vice-président De Lavernée, qui voit dans la territorialisation des services un deuxième point important, faisant du Rhône un territoire particulier : « la territorialisation des services est un acquis des années 80 qui s’est mis en place entre 85 et 95 qui n’était pas fait pour le RMI mais destiné à déployer la politique départementale sous toutes ses facettes et ça s’est trouvé être un chausse-pied formidable pour l’insertion ». Ainsi l’organisation du RMI dans le département repose dès l’origine sur un découpage du territoire en CLI (Commission Locales d’Insertion). D’abord au nombre de 15 – puis de 16 - ces CLI, délimitées par les frontières cantonales, constituent des territoires d’application du dispositif autour d’acteurs clairement identifiés et identifiables 92 . De plus, depuis 1994, le Conseil général du Rhône co-finançait des postes de 93 conseillers ANPE qui s’occupaient exclusivement de bénéficiaires RMI . En outre, de « bons partenariats avec l’Etat » évoqués par Mme Vottero – présidente de la CLI de Saint-Fons depuis 1995 – ont permis d’atténuer les difficultés posées par la configuration institutionnelle telle qu’organisée par la loi de 1988. Cependant, malgré ces nuances spécifiques au département du Rhône, il n’en demeure pas moins que le RMI centralisé s’est avéré être un échec. A contre-courant des lois de décentralisation, le département se trouvait contraint, enserré par la gestion étatique. Le pilotage du dispositif s’est ainsi avéré inefficace. Face à cet échec, cette défaillance sur le pilotage de l’action d’insertion, les préconisations du rapport Louvot en 1988 s’imposent avec une acuité particulière au début des années 2000. En effet, le sénateur exprimait dès la mise en œuvre du RMI ses préoccupations quant à l’efficacité de l’organisation institutionnelle et ses recommandations quant à la nécessité de donner plus de poids aux départements : « il faut dès à présent envisager le moment où, l'expérience faite et les imperfections constatées en voie d'être corrigées, un mouvement de décentralisation interviendra comme cela s'est déjà passé pour la quasi-totalité des autres formes d'actions sociales. » 94 C’est ainsi que le législateur en 2003 « a commencé à redessiner le partage des 95 compétences en matière d’action sociale » . Le mouvement de recentralisation du social symbolisé par le RMI, s’inverse avec la loi du 18 décembre 2003 et la décision de 96 décentraliser entièrement le dispositif . Cette départementalisation s’impose ainsi comme la réponse à l’échec du RMI centralisé et comme une opportunité pour les départements, le Conseil général du Rhône en l’occurrence, de mettre en œuvre une gouvernance locale efficace autour d’un maillage partenarial solide. 92 93 94 95 96 Cf. Annexe 4 : découpage territorial du Rhône en CLI. Entretien Mme Couratin, chargée de mission à Pôle emploi. LOUVOT, 1988, op. cit, p 65. LAFORE , 2004, op. cit,, p 3. BORGETTO, 2004, op. cit., p 110. BERT Delphine - 2010 29 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Section 2 : La décentralisation du RMI ou la mise en place d’une gouvernance territoriale efficace, une réponse à l’échec du RMI centralisé La décentralisation du RMI, décidée par la loi du 18 décembre 2003, conduit à confier aux départements l’entière responsabilité du dispositif. Ce choix politique se justifie notamment par l’échec du RMI centralisé et de son volet insertion. Le département tend ainsi à s’autonomiser de l’Etat qui lui délègue entièrement la gestion du RMI. Désormais responsable de l’allocation, le département saisit l’occasion de la décentralisation pour consolider les partenariats existants et prendre la tête d’une véritable « ingénierie locale de 97 l’insertion » et de l’allocation. Efficacité et responsabilité vont de paire. Le Rhône est ainsi le théâtre de la mise en place d’une gouvernance territoriale efficace. Le Conseil général s’impose comme le pilote, le « chef de file » du dispositif RMI comme 98 99 il l’est au niveau de l’action sociale en général . Cette position de « chef de file » que Robert Lafore explicite dans son article La décentralisation de l’action sociale. L’irrésistible ascension du « département providence » à propos de la compétence sociale dans son ensemble s’applique également au seul dispositif RMI/RSA. Le département apparaît ainsi comme « proche du « chef d’orchestre », forme de « primus inter pares » qui met en 100 ordre et en musique l’action d’un ensemble d’opérateurs » . Ce concept de « chef de file » renvoie pour l’auteur précité plus « à une régulation davantage qu’à une 101 réglementation, à une gouvernance et non à un gouvernement (Timsit, 2004) » attestant d’un passage de l’administration au management public se traduisant par la substitution d’un pouvoir décisionnel diffus à un pouvoir concentré, des logiques partenariales adossées à la négociation comme moyen d’action à des logiques d’intégration verticale. Nous verrons que ces caractéristiques se retrouvent dans notre étude, toutefois le Conseil général du Rhône demeure en première et dernière instance, l’organe d’impulsion et de décision. Le constat d’une gouvernance locale peut ainsi parfois être nuancé, il serait peut-être plus juste alors de parler de gouvernement local 97 102 . On observe ainsi l’obsolescence du modèle LONG Martine, « l’incidence de la mise en place du RSA sur la politique d’insertion du département », Revue de droit sanitaire et social, 2009, n° 2, p 231. Dans le même sens, Claude Evin affirmait : « on a constaté depuis vingt ans, sous la conduite des départements, l'émergence d'une ingénierie locale de l'insertion que l'on ne rencontre dans aucun autre pays d'Europe et qui permet d'apporter des réponses sur mesure aux besoins des personnes en insertion », in « Du RMI au RSA, une évolution nécessaire ». Les Echos, 26 septembre 2008. 98 L’article L. 121-1 du CASF dans la nouvelle rédaction issue de la loi du 13 août 2004 (article 49) : « Le département définit et met en œuvre la politique d’action sociale, en tenant compte des compétences confiées par la loi à l’État, aux autres collectivités territoriales ainsi qu’aux organismes de sécurité sociale ». 99 Pour anecdote : souvent lors de la prise de contact auprès d’acteurs externes au Conseil général, ils m’orientaient naturellement vers le département « pilote » du dispositif avant que je leur explique ma démarche. 100 101 102 LAFORE, 2004, op cit, p 23. Ibidem, p 25. Cette distinction est faite dans LE GALES, 1995, op cit. L’auteur revient toutefois sur l’opposition de ces concepts dans LE GALES Patrick, Le retour des villes européennes. Sociétés urbaines, mondialisation, gouvernement et gouvernance, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 2003, 454 p. 30 BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département centre-périphérie et l’avènement d’un polycentrisme plaçant Etat et département sur un le plan horizontal, voire déséquilibré au profit du Conseil général. L’Etat désormais en retrait devient, en effet, un partenaire du département, qui est le « chef de file » du dispositif. Le choix du département, fait en 1988, est ainsi confirmé et amplifié par le transfert de la globalité du dispositif à la collectivité. La départementalisation répond en effet à un impératif, celui du territoire pertinent et correspond à un retrait de l’acteur étatique, le département devenant responsable unique du dispositif. Ainsi dans chaque département, une organisation spécifique est adoptée, dans le Rhône le choix – qui est fait et qui se révélera efficace - est celui d’une gestion centralisée et d’une logique partenariale, toutefois à géométrie variable. 1 : L’ancrage départemental ou la question du territoire pertinent Le choix du département initié dès 1988 pour le RMI et renforcé en 2003 par la décentralisation du dispositif renvoie aux analyses du territoire pertinent et problématiques de territorialisation de l’action publique. Ainsi ce transfert de compétence répond à des impératifs de proximité et d’efficacité et s’explique par le statut particulier du département, territoire garant d’une tradition séculaire d’assistance. Les impératifs de proximité et d’efficacité 103 Guidé par « l’impératif de proximité » et le souci d’efficacité, le gouvernement soumet en décembre 2003, un projet de loi portant décentralisation du RMI et créant le RMA. Cette réforme se veut – comme annoncée dans l’exposé des motifs du projet de loi – la première application des dispositions issues de la loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République aux termes de laquelle « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon » 104 Le choix du département fait en 1984, lors de la première vague décentralisatrice, 105 est ainsi confirmé dix ans plus tard concernant le RMI. Il participe du mouvement de reterritorialisation de l’action publique. La désectorisation des politiques publiques sociales et la transversalité des enjeux tendent à faire de l’échelon local, départemental en particulier le niveau de production de l’action publique sociale. Dans ce domaine, celui du RMI en particulier, la territorialisation de l’action se substitue au système de régulation croisée qui se déployait « dans les interstices d’un mode de gestion centralisée » 103 106 . La décentralisation Extrait de l’exposé des motifs du projet de loi portant décentralisation du RMI et créant le RMA. « C’est en effet sous l’égide du principe de proximité que se développe tout le versant de décentralisation de la loi », in LABORDE Jean-Pierre, « RMI et RMA, entre correction de trajectoire et changement de cap ? », Droit social, Mars 2004, n° 3, p 252. 104 Article 72, alinéa 2 de la Constitution 105 106 Confirmé également pour l’aide et l’action sociale en général par la loi du 13 août 2004. DURAN, THOENIG, 1996, op. cit., p 581 BERT Delphine - 2010 31 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. du RMI se veut gage de meilleure efficacité proximité » 108 107 puisque basée sur une « solidarité de . « Rapprocher autant que possible les décisions et les mesures du terrain, au 109 plus près des bénéficiaires et des situations, le plus souvent fort diverses » , telle est la principale motivation du gouvernement Raffarin en soumettant ce projet de décentralisation. Proximité rime en effet avec efficacité, concept lui-même basé sur celui de responsabilité. Le pari engagé avec la loi de 2003 est en effet « celui de la responsabilité » reconnaît le rapport Seillier : « responsable des allocations versées, le département l’est aussi de l’amélioration de l’insertion et donc de la sortie des bénéficiaires du dispositif » 110 Cette question du territoire pertinent – à laquelle le législateur a répondu par l’affirmation du département pour la gestion du RMI – n’est pas évidente pour tous les observateurs. Ainsi pour Robert Lafore, associer proximité et efficacité « n’a rien de contestable a priori ; le seul problème c’est que rien ne prouve qu’ [une telle doctrine] soit vraie en général et rien 111 n’atteste qu’elle soit en particulier souhaitable en tous domaines » . De plus, il s’interroge sur le fait de savoir si le département correspond à la collectivité la mieux armée pour produire de l’insertion professionnelle. A ces interrogations, les interlocuteurs rencontrés abondent largement dans le sens de la nécessité et du bien-fondé d’une départementalisation de la gestion du dispositif 112 RMI . Les faits attestent également d’une meilleure prise en charge des bénéficiaires et d’une meilleure gestion de l’allocation depuis la décentralisation du dispositif – en tout cas dans le département du Rhône. Chaque bénéficiaire dispose désormais d’un référent qui l’accompagne dans son parcours d’insertion, et est signataire d’un contrat d’insertion. De même sur le volet allocation, la gestion est meilleure puisque le département a une « vision 113 claire et responsable » sur l’ensemble du dispositif. Ces résultats positifs s’expliquent ainsi en partie par le mouvement de décentralisation mais également par la volonté politique et l’efficacité de l’organisation mise en place dans le département du Rhône. La départementalisation du RMI est ainsi décidée en 2003 pour des raisons d’efficacité liées à la proximité et la territorialité, mais également pour le caractère particulier de la collectivité départementale. Le département, un territoire particulier, garant d’une tradition séculaire d’assistance 107 La décentralisation semble « avoir des causes gestionnaires » puisqu’elle « tend à accroître l’efficacité allocative », p 255/256, in LE LIDEC Patrick, « la réforme des institutions locales », p 256, inBORRAZ Olivier, GUIRAUDON Virginie (dir.), Politiques publiques. . 1. La France dans la gouvernance européenne, Paris, Presses de Sciences Po « Académique », 2008, 368 p. 108 109 110 111 112 113 32 BORGETTO, 2004,, op. cit,, LABORDE, 2004, op. cit., p 253. SEILLIER, 2006, op. cit, p 26. LAFORE, 2004, op. cit,, p 10. Cf. tous les entretiens Entretien M. De Lavernée, Vice-président chargé de l’Insertion au Conseil général du Rhône. BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département Le département s’impose en effet comme un territoire aux composantes spécifiques auxquelles la population se montre attachée. Ainsi dans une récente enquête réalisée par 114 l’Ipsos pour l’Assemblée des Départements de France (ADF) , il apparaît que plus de huit français sur dix se disent « attachés » à leur département et jugent le département comme une institution qui fait partie de l’identité de la France et qu’il faut préserver. Ce lien identitaire recouvre également une dimension rationnelle, puisque fondée sur la reconnaissance du service rendu. En effet, près de trois français sur quatre considèrent le département comme une collectivité utile pour répondre aux besoins de la population et portent une appréciation positive sur son action ne souhaitant pas voir le département disparaître. L’institut de sondage note également que ce « lien des Français au département est un lien consensuel, 115 qui n’obéit à aucun clivage politique ou générationnel » puisqu’il concerne la population dans son entier dénuée de ses distinctions sociales et politiques. Ceci s’explique dans un contexte général où plus de la moitié des français ont désormais plus confiance dans les espaces locaux que dans l’acteur étatique pour mettre en œuvre des services publics efficaces. Cet attachement se comprend également à la lueur de l’histoire départementale et 116 de sa tradition séculaire d’assistance. C’est ainsi sous la IIIème République qui voit l’avènement des institutions décentralisées et des obligations de solidarité envers les plus démunis, que se met en place une véritable politique départementale d’assistance. Pour Gérard Aubin, « au fond, comme l’Etat, il y aurait d’abord un département-gendarme, auquel 117 succéderait, à partir de la fin du XIXème siècle, un département-providence » . Toutefois, selon ce professeur de droit, ce constat doit être nuancé, tous les départements n’ayant pas avancé aux mêmes rythmes. Il pointe ainsi l’exemple de la Gironde pour qui « « l’éveil 118 au social » n’a pas attendu l’invention du législateur républicain » . Quoi qu’il en soit, le rôle du département en matière d’aide et d’assistance sociale demeure le produit d’un mouvement séculaire. 119 114 Cette départementalisation des politiques d’assistance est ainsi liée pour Robert Lafore à la position particulière qu’occupe le département dans le paysage administratif et IPSOS, l’attachement des français à leur département et leur perception de la réforme des collectivités locales, [en ligne] novembre 2009, 10 p. [page consultée le 01.12.2009] <http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/articles/images/2922/diaporama.htm> 115 IPSOS. Les Français restent très attachés au département, et s’interrogent sur la réforme des collectivités locales. [en ligne]. [page consultée le 01.12.2009]< http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/articles/2922.asp> 116 Mettre en avant le département ne revient pas à nier le rôle des communes, garantes elles aussi d’une tradition d’aide sociale. 117 AUBIN Gérard, « le département et l’assistance : l’exemple de la Gironde sous le Second Empire », in AUBIN Gérard et GALITANO Bertrand (dir.): Les espaces locaux de la protection sociale : études offertes au Professeur Guillaume , Paris, Ed. CHSS, 2004 , p 42. 118 119 Idem. LAFORE Robert, « les espaces locaux de la protection sociale. Rapport de Synthèse », in AUBIN Gérard et GALINATO Bertrand (dir.): 2004 , op. cit, p 539 : « doté d’une assemblée de notables et dirigée par le représentant de l’Etat, le département est naturellement l’institution au sein de laquelle les intérêts et les besoins locaux peuvent se négocier face à la loi générale ». BERT Delphine - 2010 33 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. politique. Sur ce point il rejoint Pierre Gremion pour qui l’institution départementale est l’échelon local privilégié des négociations entre niveau politique et administratif 120 . Cette départementalisation du RMI s’explique ainsi à la fois par des impératifs de proximité et d’efficacité, et des raisons historiques faisant de ce territoire « le dépositaire de 121 la solidarité locale » . Là se situe les bases de l’éclatement du modèle centre-périphérie - fondé sur la verticalité - provoqué par ce processus décentralisateur et l’avènement d’un polycentrisme reposant sur des relations de nature horizontale voire déséquilibré au profit du département. Ainsi avec la loi du 18 décembre 2003, l’Etat apparaît en retrait, puisque c’est au département qu’appartient la responsabilité unique des deux volets du RMI, l’allocation et l’insertion. 2 : Un Etat en retrait : le département responsable unique de l’allocation et de l’insertion La décentralisation du RMI inaugure ainsi une nouvelle architecture organisationnelle. Le dispositif RMI décentralisé signifie ainsi un retrait de l’Etat, laissant place à un département responsable de l’ensemble du dispositif. L’article 6 de la loi - qui affirme que « les mots : « représentants de l’Etat dans le département » ou les mots « représentants de l’Etat » sont remplacées par les mots « président du Conseil général » » dans un certain nombre d’articles du CASF – symbolise ce renversement de compétences. Une responsabilisation des départements et une meilleure efficacité sont attendues de cette nouvelle configuration institutionnelle. Un retrait de l’Etat Ce retrait de l’Etat du dispositif RMI se manifeste sur deux points, à la fois sur le volet 122 allocation puisque l’Etat n’est plus compétent en matière de financement du RMI et sur le volet insertion, car le préfet n’a plus de rôle décisionnel à jouer. L’Etat devient un simple partenaire du département, parmi d’autres. Les représentants étatiques se bornent à participer aux instances ad hoc et aux actions d’insertion par le biais des politiques de l’emploi qui font partie de leur domaine de compétence. Toutefois, malgré ce désengagement, l’Etat conserve ses prérogatives en matière légale et réglementaire pour fixer le cadre juridique du nouveau dispositif décentralisé. Ainsi le montant et les conditions d’attribution du RMI sont fixés au niveau national. De même, la loi prévoit un renforcement de son rôle d'évaluation, en précisant les obligations de transparence à la charge des départements et les outils de contrôle de l'Etat 120 123 . GREMION Pierre. Le pouvoir périphérique. Bureaucrates et notables dans le système politique français. Paris : Seuil, 1976, 472 p. 121 122 123 34 MABILEAU, 1995, op cit, p 57. Article 2-1° de la loi n°2003-1200 du 18 décembre 2003. Titre III de la loi du 18 décembre 2003, suivi statistique, évaluation et contrôle. BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département Ces dispositions n’ont pas atténué la crainte de certains observateurs concernant la 124 compatibilité d’un retrait étatique avec l’exercice d’une solidarité nationale . La saisine du Conseil Constitutionnel, en date du 15 décembre 2003, à propos de la loi décentralisatrice 125 atteste de cette problématique. En effet une des questions de droit soulevées par les députés et sénateurs concernait la méconnaissance des dixièmes et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 et du principe d’égalité. Les auteurs de la saisine estimaient en effet que ces exigences constitutionnelles n’étaient pas respectées par ladite loi dans la mesure où la dévolution du RMI, « droit attaché à l’expression de la solidarité nationale » aux départements, en lieu et place de l’Etat, souffrant d’une insuffisance de règles édictées au niveau national et permettant d’éviter des ruptures d’égalité entre les bénéficiaires selon leur lieu de résidence. Cette argumentation n’a cependant pas convaincu 126 le Conseil constitutionnel. Ce dernier a certes, dans sa décision, considéré le RMI comme « une allocation d’aide sociale qui répond à une exigence de solidarité nationale » 127 mais a également estimé que dès lors que les conditions d’attribution et le montant de l’allocation du RMI sont fixés par le Gouvernement par voie réglementaire et que le département agit dans les conditions édictées par la loi pour le suivi des contrats d’insertion, l’instruction des dossiers et les décisions d’attribution, il convient d’admettre que « le législateur a fixé des conditions suffisantes pour prévenir la survenance de ruptures 128 caractérisées d’égalité dans l’attribution, du revenu minimum » . Cette décision – symbole de « l’équilibre problématique entre les libertés locales et les principes d’égalité et de solidarité nationale » 129 – correspond ainsi pour certains observateurs à une décision « largement prévisible » au vu de la jurisprudence antérieure 130 . Le retrait étatique est donc constitutionnel, la départementalisation du RMI légale. La compétence départementale se substitue donc au pouvoir étatique, le Conseil général devient ainsi responsable de l’ensemble du dispositif. Un département responsable de l’ensemble du dispositif 124 DOLLE Michel, « la décentralisation du RMI et la création d’un revenu minimum d’acticité, le RMA : une réforme problématique », Droit social, juillet/août 2003, p 694. Cf. également l’article de PRETOT Xavier, « le conseil constitutionnel, la décentralisation et le Revenu Minimum d’Insertion », Droit social, n° 3 mars 2004. 125 Saisine du Conseil constitutionnel en date du 15 décembre 2003, in DIRECTION DES JOURNAUX OFFICIELS, Décentralisation du Revenu Minimum d’Insertion et création du revenu minimum d’activité, Paris, Direction des Journaux officiels, 2004, pp 35-40. 126 Décision n°2003-487 DC du 18 décembre 2003, in DIRECTION DES JOURNAUX OFFICIELS, Décentralisation du Revenu Minimum d’Insertion et création du revenu minimum d’activité, Paris, Direction des Journaux officiels, 2004, pp 27-33. 127 128 129 Considérant 8 de la décision n°2003-487 DC. Considérants 4 à 9 de la décision n°2003-487 DC, le dernier cité est le 8. BORGETTO Michel, « Les enjeux de la décentralisation en matière sociale. L’égalité, la solidarité », [En ligne]. Informations sociales 2005/1, N° 121, p. 7. [page consultée le 31.01.2010], < http://www.cairn.info/article.php? ID_REVUE=INSO&ID_NUMPUBLIE=INSO_121&ID_ARTICLE=INSO_121_0006 > 130 BORGETTO Michel, « la conformité à la Constitution de la loi portant décentralisation en matière de Revenu Minimum d’Insertion et créant un revenu minimum d’activité », Revue de droit sanitaire et social, n°1, janvier-mars 2004, p 54. Pour la jurisprudence, cf. Décision n° 96-387 DC, 21 janvier 1997. BERT Delphine - 2010 35 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Bien que la décentralisation puisse soulever des problèmes d’égalité et d’équité, la loi promulguée transfère effectivement la gestion du RMI aux départements. Le financement et l’insertion relèvent désormais de la compétence de la collectivité locale. Le département a donc a sa charge le financement de l’allocation du RMI et du RMA qui devait être compensée par « l’attribution de ressources constituées d’une partie du produit d’un impôt 131 perçu par l’Etat dans les conditions fixées par la loi de finances » , à savoir une fraction de la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP). Nous reviendrons plus tard sur l’épineuse question financière qui s’avère être une problématique centrale dans la volonté d’autonomisation du département. Quoi qu’il en soit, le département se voit attribuer la gestion du volet allocation, sur lequel le Président du Conseil général devient seul responsable de l’ensemble des décisions individuelles et du pilotage du dispositif d’instruction des demandes. Il décide de l’octroi de 132 l’allocation du RMI . Il est seul compétent s’agissant de l’attribution, de la prorogation, du renouvellement, de la suspension ou de la radiation du bénéfice de l’allocation, sous réserve de l’avis de la CLI pour les décisions de suspension de l’allocation. Le département peut également désormais ouvrir aux CAF et aux caisses MSA volontaires, à travers des procédures d’agrément, la possibilité d’instruire les demandes de RMI et de déléguer aux CAF et aux caisses de MSA certaines décisions individuelles relatives à l’allocation. Concernant le volet insertion, le Président du Conseil général (PDG) est désormais seul pour présider et désigner les membres du CDI et mettre en œuvre le PDI arrêté par le Conseil général. De même, il désigne seul les membres et le président des CLI et fixe leur nombre et leur découpage territorial. La compétence en matière de validation des contrats d’insertion est désormais du ressort des services du Conseil général, les CLI devant se concentrer sur une mission d’animation territoriale. Les services du Conseil général et le PDG se substituent ainsi aux services étatiques et au préfet. Le but est de rendre les départements responsables et de rapprocher les bénéficiaires du centre décisionnel afin de parvenir à une meilleure efficacité. Le département du Rhône – déjà investi dans les politiques d’insertion avant le volet décentralisateur – a saisi l’opportunité de cette nouvelle architecture institutionnelle pour s’affirmer et développer plus encore une politique propre et efficace. Le Conseil général s’est donc efforcé de mettre en œuvre une organisation du dispositif cohérente et pertinente afin de permettre à un maximum de bénéficiaires de sortir positivement du dispositif. Cette organisation repose sur deux points clés : la centralisation et la contractualisation partenariale. 3 : Une gestion départementale centralisée et partenariale 133 Le département du Rhône a souvent été cité en exemple pour la gestion du RMI . En effet ses résultats en terme de sorties positives des « Rmistes » était plutôt bon. Il a su profiter des dispositions législatives existantes pour mettre en place une véritable ingénierie locale 131 Article 4 de la loi n°2003-1200 du 18 novembre 2003. 132 133 Article 3 de la loi n°2003-1200 du 18 novembre 2003. Comme le rappellent notamment ses représentants : cf. Entretien M. De Lavernée, Vice-président chargé de l’Insertion du Conseil général du Rhône et Pierre Jamet : « Nous sommes de plus un des départements toujours cités pour le RMI et RSA », in GUTTINer LOMBARD François, « Les départements vont devoir faire des économies », Le Progrès, 1 février 2010, p 4. 36 BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département de l’insertion et de l’allocation. Le Conseil général s’est ainsi imposé véritablement dans le Rhône comme un pilote, un chef de file dans la gestion du dispositif RMI. La substitution du gouvernement étatique par la gouvernance locale dans les textes, trouve sa traduction concrète au niveau du département du Rhône. Le département implique en effet dans ce dispositif RMI un large panel d’acteurs, incluant l’Etat, en raison du caractère transversal et partenarial de cette politique. Le RMI puis le RSA constituent en effet des mesures nécessitant une politique globale reposant notamment sur une désectorisation des champs de l’insertion, l’emploi et de la formation. Cette gouvernance locale se caractérise ainsi par un réseau de partenaires conventionnés aux relations plus ou moins bonnes avec le Conseil général, mais également par une gestion centralisée correspondant à la Direction Insertion du Conseil général. La direction Insertion, tête du dispositif dans le département Une des clés du succès du Conseil général concernant la gestion du RMI relève de la centralisation des services relatifs au domaine de l’insertion dans un service unique. Il s’agit 134 de la Direction Insertion – démembrement du Pôle Intégration sociale – qui regroupe donc les services insertion et allocation. 30 agents travaillent dans cette direction, dirigée par Mme Montmasson et M. Rouvière. Ce dernier – lors de notre entretien – avait souligné cette spécificité du département du Rhône : « on est une direction insertion qui pilote tout, on a l’allocation, les contrats aidés, l’insertion, tout est regroupé dans le même service, donc a vraiment une approche qui est globale, alors que dans beaucoup de départements sont séparées trois choses, l'allocation, le social et le professionnel. Dans les Alpes-Maritimes, il y avait même une distinction, social, santé, professionnel, logement, allocation ». Cette gestion centralisée permet ainsi d’éviter les problèmes de coordination et de communication intra-départementale. Une efficacité de travail est ainsi induite par cette centralisation, mais également par l’implication des personnels, fait reconnu non seulement par les acteurs internes au Conseil général – comme le Vice-président De Lavernée qui louait « un management de direction, très impliqué, réduit et donc puissant » – mais également externes comme Mme Voterro qui se disait « assez positive, même assez émerveillée par la somme de travail que fournisse chacun ». Tous soulignent l’expertise, l’expérience et le dynamisme dont font preuve les agents du service insertion. Ces derniers sont également en relation permanente avec tous les partenaires conventionnés, ce qui participe au fonctionnement du dispositif RMI. Des conseillers spécialisés au nombre de cinq sont ainsi présents pour faire le lien direct entre partenaires et Conseil général, chacun disposant d’un domaine de compétence défini. Outre cette gestion centralisée, puisque pilotée par un service unique, la contractualisation partenariale constitue une autre des clés de la gouvernance départementale. Un réseau de partenaires conventionnés, base d’un maillage territorial Le Conseil général a ainsi crée – ou tout du moins renforcé – une architecture institutionnelle lui permettant de mener à bien sa nouvelle mission. Cette organisation repose sur un réseau d’acteurs, qui s’avèrent pour la plupart être de véritables partenaires dans la mise en œuvre du dispositif RMI tant sur le volet allocation qu’insertion. On peut ainsi voir dans ce réseau « le résultat de la coopération plus ou moins stable, non hiérarchique, entre des 134 Cf. Annexe : organigramme du Conseil général du Rhône. BERT Delphine - 2010 37 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. organisations qui se connaissent et reconnaissent, négocient, échangent des ressources 135 et peuvent partager des normes et des intérêts » . « Les réseaux jouent alors un rôle déterminant dans la mise sur agenda, la décision et la mise en place de l’action publique ». Ce concept de réseaux qui s’applique à notre terrain d’enquête est fortement lié à celui de gouvernance qui « renvoie avant tout à l’idée du passage d’une logique de gouvernement vertical, correspondant à des politiques imposées par un groupe restreint d’acteurs étatiques centraux, à des politiques de gouvernance horizontale, correspondant à des politiques 136 négociées entre plusieurs acteurs, tant étatiques que non étatiques » et qui atteste d’une autonomisation des collectivités locales . Avec la décentralisation du RMI s’est mise en place autour du département une gouvernance locale ou gouvernance territoriale qui compose avec un certain nombre d’acteurs, dont l’Etat. Ces derniers sont ainsi associés à la gestion du RMI soit que leur participation est inscrite dans la loi, soit qu’il s’agisse d’une volonté du Conseil général. Ainsi sur le volet allocation sont impliqués la CAF et la MSA, sur le volet insertion participent les MDR (travailleurs sociaux et responsable insertion), les CCAS, Pôle emploi, la Région, les villes et l’Etat - représenté par les unités territoriales de la DIRECCTE 137 138 - et tout un ensemble d’associations voire d’opérateurs privés . Chacun dispose d’un rôle précis. Ainsi la CAF et les MSA ont pour mission de gérer les instructions et verser les allocations. Les 139 travailleurs sociaux des MDR et des CCAS , les référents associatifs, de Pôle emploi et de quelques structures privés doivent accompagner les bénéficiaires sur un parcours social, socio-professionnel ou professionnel. Référents spécialisés Ces structures référentes sont la plupart du temps rattachés à un territoire, une CLI d’appartenance. Elles peuvent ainsi ne pas être présentes sur tout le département. D’autres opérateurs n’ont pas d’attache territoriale et peuvent intervenir sur tout le territoire, il s’agit 140 de référents spécialisés – une des spécificités du département - qui s’occupent de populations spécifiques en termes de retour à l’emploi, telles les artistes, les gens du voyage, les jeunes diplômés ou les cadres. Source : entretiens Quant à la Région, l’Etat et les villes, ils interviennent respectivement dans le dispositif RMI par le biais - pour les deux premiers - de leurs compétences dans le domaine de la formation professionnelle et de l’emploi, et pour les dernières par leur participation financière dans les Plan Locaux pour l’Insertion et l’Emploi (PLIE). La multiplicité des partenaires est 135 « L’étude des réseaux d’action publique s’enracine dans une conception des politiques publiques qui souline leur nature incrémentale et qui s’est développée contra la vision d’un Etat monolithique, d’un centre unique de domination », in LE GALÈS, THATCHER, 1995, op. cit ,p 14. 136 HASSENTEUFEL Patrick, Sociologie de l’action publique, 1998, p. 8. 137 138 139 Anciennement Directions Départementales du Travail. Cf.Annexe 2/3 : Evolution schématique du RMI/RSA dans le département du Rhône, Typologie des référents. CCAS et MDR se partagent le suivi social selon un découpage particulier. Par exemple à Saint-Fons, le CCAS s’occupe des personnes isolées, et la MDR des couples ou familles. 140 38 Entretien Mme Farabet, responsable insertion à la MDR de Saint-Fons. BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département ainsi un souhait du Conseil général, mais aussi une nécessité pour un dispositif tel que le RMI dont la réussite repose sur une organisation desectorialisée et transversale. PLIE et RMI Les PLIE (Plan local pour l’insertion et l’emploi) - initiés dès 1993 - sont des plateformes de mise en cohérence des politiques publiques d’insertion et d’emploi. Il en existe 4 dans le département du Rhône : le PLIE de Lyon (ALLIES), du Sud-Ouest Lyonnais (SOL), de Rhône Sud Insertion (RSIE) et de l’Est lyonnais (UNI-EST). Leur principal objectif est d’aider les demandeurs d’emploi à trouver un emploi durable. Les communes sont les porteurs du PLIE et en cela leur principal financeur. L’Etat, la région, le département et l’Union Européenne – par le biais du Fonds Social Européen (FSE) - financent également ce dispositif. Les PLIE participent au RMI. Dans ce cadre, ils représentent la structure intermédiaire entre le Conseil général et les opérateurs d’insertion, la plupart du temps des associations. Les opérateurs – impliqués dans les PLIE - sont référents pour les bénéficiaires du RMI mais doivent respecter un cahier des charges PLIE distinct et plus exigeant que celui du Conseil général. Toutefois, les opérateurs peuvent également conventionner « en direct » avec le département et être ainsi soumis au cahier des charges du Conseil général quant au suivi des bénéficiaires. Source : Entretiens 141 et site PLIE Uni-Est Le Conseil général est donc lié à tous ces acteurs sur la base de conventions. Les vagues de décentralisation, y compris dans le domaine social, ont en effet contribué à rendre prépondérant les relations négociées et politiques contractuelles entre l’Etat et les collectivités mais également entre les collectivités elles-mêmes et d’autres acteurs comme le développe Jean-Pierre Gaudin dans Gouverner par contrats. « Contractualisation et 142 décentralisation s’avèrent donc étroitement imbriquées » . Ainsi entre le Conseil général et ses partenaires institutionnels étatiques ou locaux, associatifs et privés existe un lien conventionnel basé sur un cahier des charges régissant leurs relations et engagements. De même tous ces acteurs participent à la politique d’insertion départementale en étant membre du CDI et concourant ainsi au PDI. De même, ils siègent dans les instances RMI de chaque 143 CLI , à savoir l’équipe d’animation qui décide de l’orientation du bénéficiaire, le bureau de CLI qui intervient en cas de problèmes avec le bénéficiaire, et l’Instance Technique 144 Territoriale (ITT) qui valide les contrats d’insertion et les changements de référent . Ainsi il y a un travail de fond de concertation et négociation entre les acteurs qui travaillent en collaboration. « La contractualisation met en place donc un polycentrisme différencié dans lequel les notions de partenariat et de coopération sont employées pour qualifier non plus une hiérarchie verticale centre/périphérie mais une hiérarchie horizontale entre acteurs 141 Notamment entretien Amélie Salvit, chargée de mission procédures PLIE 142 Il poursuit « l’une étant largement devenue la mise en actes de l’autre, sa condition de possibilité et la concrétisation de ème la nouvelle posture d’action des départements entreprenants », in GAUDIN Jean-Pierre, Gouverner par contrat, 2 édition, Paris, Presses de Sciences Po, 2007 , p 28. « Avec les lois de décentralisation de 82/83 s’ouvre une seconde décennie qui est celle d’une généralisation des procédures contractuelles à tout un ensemble de politiques publiques », in Gaudin Jean-Pierre, l’Action publique, sociologie et politique, Paris, Presses de Sciences po : Dalloz, 2004, p 175. 143 144 Au sens de découpage géographique et non d’instance. Cf. Annexe 5 : Etapes d’une demande RMI. BERT Delphine - 2010 39 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. 145 divers associant leurs contributions » . A noter que cette politique d’insertion se distribue à plusieurs niveaux de collectivités : communes, départements, régions et Etats, 146 on peut ainsi parler de « gouvernement multi-niveaux » qui atteste d’un retrait des approches top-down – où les initiatives descendent du centre politique vers la périphérie 147 au bénéfice de nouveaux rapports de coopération et à des dynamiques bottom-up . Le département tend donc à concilier les différents intérêts, et la politique d’insertion apparaît comme le produit d’une négociation explicite. 148 Toutefois, comme le pointait le Vice-président De Lavernée , on reste dans un rapport de forces, où le département demeure maître de ses choix d’interlocuteurs et de ses décisions. C’est également la limite que pointe Gaudin dans ses travaux sur la contractualisation en notant le biais de la sélection des acteurs et de l’encadrement des élus. Ainsi « si ces partenariats prennent souvent la forme de contrats d’action publique, négociés explicitement et librement signés, cela ne signifie pas qu’ils soient exempts d’âpres 149 compétitions et surtout de rapports de pouvoir asymétriques ». De la même façon, Le Galès reconnait que « l’image du réseau ne doit pas masquer les enjeux de pouvoirs et de force » 150 . Le Conseil général est ainsi l’acteur clé, le responsable du dispositif doté de ressources supérieures 151 . Il n’en demeure pas moins que ce réseau de partenaires permet un maillage territorial extrêmement bénéfique, renforcé, en cela, par le mouvement de territorialisation des services départementaux, initié en 1993, à travers l’installation de Maisons du Rhône dans chaque chef-lieu de canton. Ces unités territoriales sont présidées par un directeur 152 153 et composées de responsables territoriaux et d’une équipe pluridisciplinaire chargés de mettre en œuvre sur le terrain les missions départementales. Ce processus de territorialisation a, de fait, permis le rapprochement des bénéficiaires du RMI des 154 instances départementales ainsi qu’une certaine « solidarité de proximité » . De même, ces institutions territorialisées permettent de faire le relais, dans le cadre de ce réseau 145 FOUCHER Hélène, « Gouverner par contrat, l’action publique en question, Jean Pierre Gaudin », [en ligne], p 2. [page consultée le 20.04.2010], < http://www.croisements.fr/IMG/pdf/Jean_Pierre_Gaudin.pdf>. 146 147 148 149 150 151 Notion développée par les anglo-saxons et Lisbeth Hooghe notamment. GAUDIN Jean-Pierre, l’Action publique, sociologie et politique, Paris, Presses de Sciences po : Dalloz , 2004, p 78 et 176. Cf. Entretien. GAUDIN Jean-Pierre, 2004, op. cit., p 78 LE GALES, THATCHER, 1995, op cit, p 227. « Les ressources possédées par les acteurs au sein d’un réseau sont de nature inégale, de telle sorte que certains acteurs- clés puissent normalement s’imposer. (…) dans ce sens, le réseau peut apparaître comme un masque égalitaire séduisant qui déguise une réalité plus hiérarchisée ». , in ibidem, pp. 227-228. 152 Généralement une UT est composée de responsables territoriaux social, enfance, santé, personnes âgées/personnes handicapées, insertion, voirie et bâtiments. 153 Médecins, puéricultrices, sages-femmes, psychologues, travailleurs sociaux, instructeurs, secrétaires, ingénieurs ou techniciens. 154 40 BORGETTO, 2004, op. cit, BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département partenarial, entre les acteurs de terrain et le central, la direction Insertion. Ainsi les responsables insertion qui travaillent au sein des MDR effectuent un important travail de médiation et de remontée d’informations en provenance des opérateurs de terrain. Ces 155 derniers considèrent ainsi ces responsables comme leur principal interlocuteur . C’est là aussi pour de nombreuses personnes rencontrées, une des composantes de la réussite du dispositif dans le département. Face à ce constat plus que positif, quelques bémols sont néanmoins à apporter. En effet, cette logique partenariale s’avère être à géométrie variable, comprenant tant des coopérations très fructueuses que difficiles. Une logique partenariale à géométrie variable « Partenaires », tous les acteurs associés n’utilisent pas ce qualificatif pour s’auto-désigner dans ce dispositif. En effet pour certains interlocuteurs rencontrés, les mots « d’opérateurs » ou de « prestataires » étaient plus appropriés. Ainsi d’importants problèmes de coordination 156 et de communications entre la CAF et le Conseil général ont généré des relations très tendues entre les deux institutions pendant un certain laps de temps. Chacun tourné vers ses impératifs et possibilités, le dialogue a souvent été difficile. Un rapport de Michel Mercier 157 atteste de ces difficultés qui se sont finalement résolues devant la justice par un jugement du Tribunal administratif. Le problème portait principalement sur la gestion des indus, le département - face au refus de la CAF de verser les montants correspondants - avait bloqué des transferts importants de fonds mettant l’organisme payeur dans une situation financière difficile. De la même façon, certaines associations ont pu me faire part de leur sentiment de ne pas être assez associées aux politiques mises en œuvre, voire de n’être que de simples prestataires répondant à un cahier des charges. A noter toutefois qu’il ne s’agit pas là de l’opinion dominante parmi les associations d’insertion rencontrées. La logique partenariale, cette gouvernance locale trouve également ses limites avec les partenariats institués dans 158 le monde de l’entreprise . En effet il semble que les conventions négociées avec des structures économiques ne produisent pas les résultats escomptés. Rapprocher le monde économique d’ associations militantes « avec une vraie volonté d’approche sociale » quelque peu compliqué. 155 159 est Cf. Entretiens de tous les acteurs de terrain travaillant dans l’insertion. Les secrétaires de CLI sont aussi des interlocuteurs importants pour les gens de terrain. 156 Beaucoup d’interlocuteurs rencontrés ont souligné les difficultés techniques liant les deux organismes, notamment pour l’échange de données statistiques et relatives aux bénéficiaires. 157 MERCIER Michel, Rapport d'information du Sénat n° 316 (2004-2005) fait au nom de l’observatoire de la décentralisation sur la décentralisation du revenu minimum d’insertion (RMI) [en ligne], 47 p, mai 2005 [page consultée le 28.01.2010] < http://www.senat.fr/ rap/r04-316/r04-3161.pdf > 158 Ce constat n’est pas propre au Conseil général du Rhône mais constitue une problématique récurrente, celle de la combinaison du social et de l’économique, in AVENEL Cyprien, WARIN Philippe « les conseils généraux dans la décentralisation du RMI », Pouvoirs locaux, n°75, IV, 2007, p 59. ODAS, la lettre de l’ODAS : RMI et insertion professionnelle, forces et faiblesses, décembre 2007, 8 p. 159 Entretien M. Rouvière, Directeur adjoint du service Insertion au Conseil général du Rhône et Mme Couratin, chargée de mission à Pôle emploi.. BERT Delphine - 2010 41 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Toutefois ces quelques difficultés sont également à confronter à un partenariat extrêmement fructueux, celui qui avait été mis en place avec l’ANPE. Il s’agit d’une des plus grandes conventions de France qui fait la fierté tant de l’institution étatique que du département. Tant le représentant du Conseil général que celle de Pôle emploi ont loué ce partenariat et les résultats obtenus 160 . La décentralisation du RMI s’impose ainsi comme une réponse à l’échec de la configuration institutionnelle antérieure. Il est ainsi décidé – à la lueur d’une tradition séculaire et d’impératifs d’efficacité – de confier aux départements l’entièreté du dispositif. L’Etat est ainsi en retrait. Une horizontalisation des relations et un polycentrisme se substituent à des rapports centre-périphéries où l’Etat demeurait prépondérant. Département et Etat collaborent sur le même plan, même si le Conseil général demeure le pilote du dispositif, ce qui contribue au déséquilibre du modèle polycentrique au profit du département. La décentralisation a en effet pour corollaire la mise en place d’une gouvernance locale de l’insertion autour du département. Négociation explicite, contractualisation, et concertation s’imposent ainsi comme les bases d’un réseau partenarial associant divers acteurs tant institutionnels - étatique et locaux - associatifs que privés. On se situe ainsi bien dans une logique de gouvernance, une gouvernance départementale à l’image de 161 la gouvernance urbaine telle que définie par Patrick Le Galès . Toutefois, la notion de gouvernement local n’est pas à exclure totalement, dans le cas du département du Rhône : certains éléments peuvent ainsi venir nuancer – et ce pas obligatoirement dans un sens négatif – les concepts de négociation et polycentrisme associés à celui de la gouvernance : en effet on observe une gestion centralisée du dispositif au niveau de la direction centrale du département, de même le Conseil général semble agir selon une ligne claire et définie sous-tendant une volonté politique certaine. Mais ces éléments peuvent être considérés comme des atouts, c’est aussi certainement à ces conditions que se joue l’efficacité d’un dispositif. La concertation doit savoir laisser place à une prise de décisions qui permet une 162 gestion efficace et cohérente . Quoi qu’il en soit avec l’arrivée du RSA, le Conseil général a fait le choix de la continuité comme gage d’efficacité. Toutefois ce nouveau dispositif ne va pas sans poser quelques difficultés… Section 3 : La mise en place du RSA, entre continuités et difficultés 160 161 Entretien M. Rouvière, Directeur adjoint du service Insertion au Conseil général du Rhône. LE GALES, 1995, op. cit., pp 57-95. L’introduction des préceptes de nouveau management public, que nous développerons dans la seconde partie de ce travail, constitue également un élément participant de la mise en place d’une gouvernance locale. 162 Le concept de gouvernance peut également recouvrir des caractéristique du « gouvernement », Gilles MASSARDIER pointe l’ambigüité du concept, pour lui la gouvernance se situant « entre « actionnisme » et autorité » se définit comme des « procédures d’articulation et de hiérarchisation des actions pour réduire le surpeuplement et l’incertitude », in MASSARDIER Gilles, Politiques et actions publiques, Paris, Armand colin, 2003, p 144. 42 BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département er Le Revenu de Solidarité Active – instauré par la loi n°2008-1249 du 1 décembre 2008 er et mis en œuvre à partir du 1 juin 2009 après une phase d’expérimentation inachevée – demeure un dispositif piloté par les départements qui conservent compétence sur le volet insertion et allocation en partie. Toutefois, la mise en place de ce nouveau dispositif contraint également les conseils généraux à réfléchir à leur organisation interne. Le département du Rhône a ainsi fait le choix de poursuivre les pratiques mises en place lors de la décentralisation du RMI. Il ne souhaitait, en effet, remettre en cause des modes de gestion et d’organisation qui avaient prouvé leur efficacité. La gestion du RSA repose ainsi sur les mêmes partenaires et des dispositifs similaires. Néanmoins, malgré ce choix de la continuité considéré comme gage de sûreté, le Conseil général a dû faire face à un certain nombre de difficultés dans la gestion de ce nouveau dispositif, parmi lesquelles une réintervention étatique implicite. 1 : Choix de la poursuite des pratiques antérieures Cette poursuite des pratiques antérieures instituées pour la gestion du RMI s’explique d’une 163 part par la loi qui tend à conserver les dispositifs et instances mises en place pour le RMI, mais aussi et surtout par le choix fait par le Conseil général de ne pas annihiler tout le réseau partenarial qu’il a construit et qu’il s’est efforcé de consolider au fil des années. 164 Ce choix s’explique ainsi par un phénomène de « dépendance au sentier » institutionnel emprunté. Bien que la dénomination des instruments utilisés ait quelque peu changé, le principe demeure – pour l’essentiel - inchangé. Ainsi le département du Rhône a fait le choix de conserver ses partenaires en préservant des outils renouvelés, base d’une gouvernance locale réaffirmée. Des outils renouvelés pour une gouvernance départementale réaffirmée Le département demeure, avec l’instauration du RSA, le pilote de ce dispositif, le chef de file d’une gouvernance locale réaffirmée sur des bases renouvelées au travers d’instruments similaires à ceux existant au temps du RMI. Ainsi, le Programme Départemental d’Insertion est ainsi maintenu dans une optique semblable à celle prévalant sous le RMI. En vertu de 165 l’article 15 de la loi , le PDI définit donc « la politique départementale d’accompagnement social et professionnel, [recense] les besoins d’insertion et l’offre locale d’insertion et [planifie] les actions d’insertions correspondantes ». Toutefois, la loi instituant le RSA ne prévoit plus d’instances telles que les Conseils départementaux d’insertion (CDI) et les Commissions Locales d’Insertion (CLI). Pourtant, le Rhône a décidé de conserver ces deux regroupements qui ont été dans le département à la base d’une ingénierie locale efficace. Ainsi les partenaires siégeant au Conseil Départemental d’Insertion, au premier rang desquelles les associations ont souhaité la continuation, sous une autre forme, de cette 163 Entretien de Mme Couratin, chargée de mission à Pôle emploi. : « L’objectif de Martin Hirsch était de ne surtout pas casser ce qui marchait » 164 Reprise de la notion de « path dependence » qui explique la continuité et contingence de certaines politiques publiques. Pour un exemple de l’utilisation de ce concept : PIERSON Paul. Dismantling the Welfare State ? Reagan, Thatcher and The Politics of Retrenchment, Cambridge, Cambridge University Press, 1994. 165 Article L263-1 du CASF. BERT Delphine - 2010 43 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. 166 instance, lieu d’échanges et de discussions . Même son de cloche du côté du Conseil général qui considère comme nécessaire que les différents partenaires puissent continuer à participer à la définition de la politique d’insertion comme l’a précisé M. De Lavernée, Vice-président chargé de l’insertion, lors de l’assemblée départementale du 26 mars 2010 : « Je pense que c’est de l’intérêt général, et je crois que tout le monde sera d’accord làdessus, pour qu’à défaut de recréer dans l’immédiat un nouveau CDI, au moins tous les élus qui sont intéressés à suivre l’insertion, autour du service insertion et de moi-même, nous puissions reprendre un contact, que nous nous efforcerons de rendre régulier, avec nos 167 partenaires habituels de cette politique d’insertion ». Lors de cette assemblée, le Viceprésident a ainsi fait état de deux rendez-vous prévus l’un fin avril, l’autre début mai, avec les associations d’une part, et Pôle emploi d’autre part mais également avec les présidents de CLI afin de préparer « de façon concertée le deuxième semestre [du] plan départemental d’insertion » 168 . Toutefois la loi – bien qu’ayant supprimé le CDI – a instauré un outil 169 similaire, le Pacte Territorial d’Insertion (PTI) qui a pour objet d’organiser les interventions des différents partenaires afin de mettre en œuvre les orientations du PDI. Ce pacte doit être élaboré par le Département et conclu avec tous les acteurs intervenant dans ou la 170 périphérie des problématiques de l’insertion et de l’emploi . Il n’a pas encore été rédigé dans le département du Rhône, néanmoins la convention d’orientation prévue à l’article L. 262-32 du CASF a été signé le 24 juillet 2009 entre le Département du Rhône, l’État, Pôle emploi, les Caisses d’Allocations familiales de Lyon et de Villefranche-sur-Saône, la Mutualité sociale agricole et l’Union départementale des CCAS. Cette convention définit les modalités de mise en œuvre du dispositif d’orientation et du droit à l’accompagnement garanti aux bénéficiaires du RSA. Quant aux CLI – dont l’existence légale a été supprimée – elles demeurent des instances que le Conseil général a également préservées puisque bien ancrées dans le département du Rhône. Elles constituent, en outre, des découpages géographiques permettant de délimiter et d’organiser clairement le territoire autour d’acteurs 171 identifiés.Quant aux autres instances RMI qui s’organisent autour des CLI , elles sont maintenues par la loi mais sous une dénomination différente : ainsi à l’équipe d’animation se substitue l’instance d’orientation, l’Instance de médiation remplace le bureau de CLI 172 et l’Instance Technique Territoriale demeure telle qu’elle . Ainsi malgré ce changement sémantique, le vœu a été « conserver l’esprit et l’organisation des instances précédentes » 173 166 167 168 169 170 Entretien Mme Martin, Directrice de l’association d’insertion ADL. CONSEIL GENERAL DU RHONE, Procès verbal de la séance du 26 mars 2010, p 2. Idem. L. 263-2 du CASF. A savoir, l’État, Pôle Emploi, les Maisons de l’emploi, les PLIE, les organismes d’insertion, les organisations syndicales, les organismes consulaires, les collectivités territoriales et les associations de lutte contre l’exclusion. 171 172 173 44 Au sens de territoire. Cf. Annexe 7 : instances RSA. Entretien Mme Farabet, responsable insertion à la MDR de Saint-Fons. BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département Les différences entre le dispositif RMI décentralisé et RSA sont minimes quant aux instances et institutions impliquées. Cette continuité, lorsqu’elle n’a pas été prévue par la loi, a été souhaitée par le département, comme gage d’efficacité et de sûreté. Ainsi les conventions partenariales liant le Conseil général aux acteurs de l’allocation et de l’insertion ont été reconduites. Reconduction des conventions partenariales Cette volonté de pérennité explique et s’explique également par la reconduction des conventions avec les différents partenaires au premier rang desquels les référents accompagnant les bénéficiaires du RMI. C’est un choix fait dans le département comme nous l’expliquait M. Rouvière, Directeur adjoint de l’Insertion : « Beaucoup de départements au moment de l’entrée en vigueur du RSA ont donné fin de mission à tous les référents RMI et redésigner de nouveaux référents dans le cadre du RSA, donc certains n’ont nommé encore personne. Nous - au niveau du département - on a choisi de garder les mêmes partenaires car les dispositifs RMI et RSA sont relativement proches, donc on a maintenu les accompagnements qui étaient réalisés ». Ainsi le champ socio-professionnel, pré-carré notamment des associations, est conservé malgré le caractère binaire de la loi instituant le RSA. Cette dernière prévoit, en effet, seulement deux possibilités : doit être mis en place « de façon prioritaire » un suivi professionnel pour les personnes proches de l’emploi c’est-à-dire « disponibles pour 174 occuper une emploi au sens des articles L 5411-6 et L. 5411-7 du code du travail » ou pour « créer [leur] propre activité », ou un suivi social en cas de « difficultés tenant notamment aux conditions de logement, à l’absence de logement ou à son état de santé [qui] font temporairement obstacle à son engagement dans une démarche de recherche 175 d’emploi » . Toutefois seuls les bénéficiaires soumis, selon la loi, aux droits et devoirs, c'est-à-dire les RSA « socle » et « socle + activité » si chaque membre du foyer a un salaire inférieur à 500 euros peuvent être suivis par des référents. Les « anciens Rmistes » continuent donc d’être accompagnés vers une insertion sociale et professionnelle, mais seuls une partie des travailleurs pauvres, nouvelle cible de la loi, le sont. 174 175 Art. L. 262-29 alinéa 1. Art. L. 262-29 alinéa 2. BERT Delphine - 2010 45 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Les associations demeurent des structures partenaires du Conseil général soit par une convention propre s’inscrivant dans le cadre du PDI, soit par l’intermédiaire du PLIE. Elles participent ainsi au RSA via la convention RSA/PDI les liant directement au Conseil général, soit par la convention RSA/PLIE les rattachant au département via le PLIE. Les deux conventions disposent – comme nous l’avons explicité précédemment – d’un cahier des charges différent en termes de suivi et d’objectifs. En effet, les bénéficiaires dans le dispositif PLIE reçoivent un accompagnement renforcé avec un suivi bi-mensuel, alors que pour les bénéficiaires suivis dans le cadre de la convention RSA/PDI, le suivi est mensuel. Les prix des places diffèrent ainsi : 780 euros environ pour un suivi PLIE et 472, 80 pour un suivi PDI. Ainsi les référents socio-professionnels ont été conservés, de même, comme indiqué précédemment – toujours dans ce souci de continuité – la signature des contrats d’insertion n’a pas été interrompue et chaque bénéficiaire a continué d’être suivi par son référent RMI. Le réseau de partenaires qui s’était mis en place, source de richesse du département du Rhône, a été ainsi maintenu. De même il a été fait le choix de conserver la convention avec 46 BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département 176 Pôle emploi par laquelle le Conseil général finance des conseillers spécialisés malgré la disposition de la loi faisant de Pôle emploi droit commun un opérateur à part entière du dispositif. Des améliorations ont même pu être observées, de façon corollaire à la mise en place du RSA mais, toutefois, non causale : en effet, il semble que le temps – aidé en cela d’une décision de justice – ait permis d’aplanir les relations quelque peu tendus – si ce n’est très difficiles – entre le Conseil général et la CAF. En effet, comme expliqué plus en amont, la non-compensation des transferts de masses financières de la part du Conseil général et la 177 gestion problématique des indus ont été sources de tension entre les deux institutions. Il a fallu attendre un jugement du Tribunal administratif statuant en faveur de la CAF pour voir la situation s’aplanir. Ainsi sous le dispositif RSA, un vrai partenariat unit désormais les deux institutions, comme nous l’expliquait M. Toupenet : « c’est vrai que les relations se sont bien améliorées (…) on est dans une phase où la confiance est rétablie. (…)Aujourd’hui on va dire qu’on se réoriente plus sur du partenariat, mais on va rester prudent car on ne sait pas de quoi demain sera fait ». Le partenariat avec la CAF s’est même enrichi, puisque cette dernière est également chargée, outre la gestion de l’allocation, de l’instruction des dossiers pour la circonscription de Lyon et Villeurbanne 178 . De même les comités de suivi veillant au bon fonctionnement de ces conventions ont été reconduits. Conseil général et acteurs de l’insertion et de l’allocation se voient ainsi régulièrement par le biais d’instances bi- ou multilatérales. Il peut s’agir comités de pilotage où siègent des représentants politiques, soit de comités techniques réunissant des techniciens. Il existe ainsi ces types de comités pour assurer le suivi de la convention d’orientation et proposer si besoin des évolutions du dispositif d’orientation et d’accompagnement mis en place dans le département. Ainsi dans le département du Rhône, « le choix politique a été de ne pas modifier des 179 choses de façon importante » . Le Conseil général a donc fait le choix de la continuité en s’appuyant d’une part sur des dispositifs et instances similaires à celles prévalant au temps du RMI et d’autre part sur des conventions reconduites avec les mêmes partenaires. Toutefois la mise en place du RSA n’a pas uniquement rimé avec continuité, le dispositif s’est également avéré synonyme de complexification pour le département et les acteurs associés à la gestion du dispositif. 2 : Des difficultés accrues Le RSA fut et l’est encore sous certains aspects source de difficultés pour tous les acteurs intervenant dans sa mise en œuvre. En effet la rapidité de sa mise en place comme sa complexité ont été sources d’incertitudes voire d’inquiétudes pour le Conseil général et ses différents partenaires. Certaines dispositions difficiles d’application sur le terrain font en effet figures de véritables « serpents de mer », et ce dans un contexte de mise en œuvre à « moyens constants ». La montée en charge relativement faible du « RSA activité » a cependant atténué le poids des difficultés. 176 177 178 179 75 pour cette année d’après Mme Couratin, chargé de mission à Pôle emploi. Entretien M. Toupenet, Directeur des prestations à la CAF de Lyon Instruction régie par le principe de gratuité inscrit dans la loi. Entretien Mme Farabet, responsable insertion à la MDR de Saint-Fons. BERT Delphine - 2010 47 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Entre précipitation et complexité, un dispositif source d’incertitudes pour les acteurs Ce que regrettent principalement les acteurs locaux, c’est la mise en œuvre précipitée du RSA. En effet, le temps et l’ampleur de l’expérimentation et du bilan ont été insuffisants 180 . Le dispositif, expérimenté d’octobre 2007 à juin 2009, ne l’a été que dans trente-trois départements et a été généralisé en juin 2009 alors que le terme de l’expérimentation était fixé à mai 2010. Le rapport Jamet évoque ainsi le « mauvais souvenir de l’expérimentation 181 du RSA » , qui a suscité une certaine déception chez les élus locaux faisant perdre à cette notion une certaine crédibilité qu’elle avait pourtant difficilement obtenue. L’explication réside certainement dans le positionnement politique de Martin Hirsh, qui a souhaité mener rapidement à terme ce projet RSA, raison pour laquelle il avait décidé d’intégrer un gouvernement de droite. Quant à l’adoption de la loi, « il avait une fenêtre, il 182 n’en avait pas deux ». . Ainsi la plupart des référents ont regretté cette mise en place rapide qui les a empêchés de pouvoir s’approprier en amont la loi. Des informations ont bien été mises en œuvre par le Conseil général, notamment par l’intermédiaire de la CAF et du CNFPT, bien que certains acteurs rencontrés n’ont pu en profiter. Mais concernant le volet formation, il est encore inexistant du point de vue du CNFPT qui est en train de finaliser avec le département la mise en place de formations modulaires. Mais il semble dommage que ces formations arrivent plus d’un an après la mise en œuvre effectif du dispositif. Toutefois, la rapidité de mise en œuvre du RSA semble expliquer cette défaillance. De même, le Conseil général a pu donner un sentiment d’inquiétudes et d’incertitudes à ses partenaires dans la mesure où il était lui-même dans l’attente d’un dispositif, dont le public visé était de plus de 90 000 personnes. Cette explosion des bénéficiaires – qui n’a finalement pas eu lieu – a suscité ainsi beaucoup d’inquiétudes au Conseil général et chez les différents partenaires. Des réunions entre les différents acteurs impliqués dans le RSA avaient été mises en place pour prévenir cette augmentation sensible des bénéficiaires 183 . L’autre source d’incertitudes pour les acteurs intervenant dans la mise en œuvre du RSA réside dans la complexité du dispositif. Ainsi le texte est certes à l’origine de dispositions novatrices mais « sans pour autant atteindre un niveau de clarté qu’on pourrait 184 souhaiter » . En effet outre la distinction « RSA socle », « RSA activité », il y a également celle entre les personnes soumises ou non aux droits et devoirs, qui crée une situation d’instabilité dont souffrent en premier lieu les bénéficiaires évidemment mais également les référents associatifs, socio-professionnels dans la conduite du suivi. En effet, un travail retrouvé ou une simple augmentation de salaire implique un changement de parcours pour le bénéficiaire. 180 En conséquence, non seulement le système s’avère complexe, mais le système d’information et de gestion n’a pas pu être mis en place. Et « la notion même d’expérimentation y a perdu en crédibilité, d’autant qu’elle s’inscrit en rupture avec la tradition juridique française, depuis la Révolution, sur les principes d’égalité et d’unité », in JAMET Pierre, MOLEUX Marguerite, PHILIPPOT Florian, PONROY Pierre, Rapport à Monsieur le Premier ministre sur les finances départementales, [en ligne], avril 2010, p 65, [page consultée le 24.04.2009], <http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/104000203/0000.pdf> 181 Idem. 182 183 184 48 Entretien M. Toupenet, Directeur des prestations à la CAF de Lyon. Cf. Entretiens. DARMON Julien, « Du RMI au RSA en passant par le RMA », Revue de droit sanitaire et social, n°2, mars-avril 2009, p 220. BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département Le RSA est aussi synonyme pour les acteurs de terrain de charges plus importantes, le Directeur des prestations de la CAF pointant la complexité de la gestion et des dossiers. Des dispositions induisent des effets pervers inattendus. La CAF de Lyon « était – avant de passer sur le RSA – à une moyenne de liquidation de dossiers à 42 par jour, puis était redescendue à 35 dossiers, et aujourd’hui peine à atteindre cette moyenne de 35 dossiers ». Enfin, dernière source de difficultés, qui n’est pas causée directement par le RSA mais qui s’impose sous l’empire de ce dispositif : la question de la mise en place d’un marché public dans le domaine de l’insertion. En 2008, une première tentative de mise en œuvre d’un appel d’offre avait échoué 185 . Cette question se repose aujourd’hui avec plus d’acuité, puisque liée à des impératifs européens délicate, voire « le flou » 187 186 . Pour certaines associations, la position dans lequel se trouve le Conseil général pourrait expliquer la semestrialisation du PDI pour l’année 2010 188 189 . Toutefois « la précarité des conventions met en difficulté les associations » tant du point de vue financier qu’organisationnel, les structures ne pouvant gérer correctement leurs ressources humaines. A ces zones d’inquiétudes et d’incertitudes générées par la complexité d’un dispositif trop rapidement mis en œuvre, d’autres s’ouvrent causées par des dispositions difficiles d’application. Les « serpents de mer » d’application 190 du RSA : des dispositions difficiles En effet, outre les difficultés d’ordre général pointées plus haut, la loi sur le RSA est source d’incertitudes dans la mesure où elle prévoit plusieurs dispositions qui apparaissent pour les acteurs de terrain comme difficiles voire impossibles d’application. D’abord, le Pacte Territorial d’Insertion qui n’a d’intérêt pour le Directeur adjoint de l’Insertion que si tous les acteurs réunis s’accordent sur plus qu’une simple signature mais sur leurs missions et l’organisation de leur collaboration. Ainsi un pacte territorial cohérent et consistant nécessite du temps et ne pourra être fait selon les impératifs de temps prévus par la loi. Deuxième disposition législative que l’on peut qualifier de « serpent de mer », l’orientation vers Pôle emploi droit commun pour certains bénéficiaires, article qui fait l’objet de vives critiques sur le terrain. En effet il apparaît comme regrettable voire contre-productif, pour les référents, d’orienter des personnes bénéficiaires du RSA vers un organisme dont les défaillances nés de la fusion ANPE/Assedic sont notoires, et les missions uniquement relatives à l’insertion professionnelle. Autant dire que pour des bénéficiaires – souffrant de problématiques 185 186 187 Les raisons sont explicitées dans la Section 2, paragraphe 1, B. Cf. Encadré « les services sociaux et le droit communautaire », Chapitre 2, section 1. Expression ou tout du moins sentiment qui est ressorti de quasiment tous les entretiens effectués avec les partenaires du Conseil général. 188 189 190 Cf. Bibliographie pour retrouver les rapports explicitant les deux PDI de l’année 2010. Entretien de Mme Najjarian, Directrice de la structure d’insertion Innovation et développement et du collectif RMI 69. Expression M. Rouvière, Directeur adjoint du service Insertion au Conseil général du Rhône. BERT Delphine - 2010 49 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. 191 sociales connexes voire « enlisés » dans le dispositif – cette orientation ne peut aller dans le sens d’une amélioration de leur situation. Il est vrai aussi – comme le soulignaient plusieurs interlocuteurs - que Pôle emploi constitue le service public de l’emploi et qu’à ce titre il est légitime qu’il constitue un pilier d’un dispositif dont le but est le retour à l’emploi des personnes suivies comme le pointe le Conseil général du Rhône. Il semble qu’il soit trop tôt pour tirer des conclusions définitives quant à l’application de cette disposition dans le département où l’orientation se fait pour l’instant de façon modérée. Toutefois, le contexte des difficultés financières peut laisser craindre une application large de cette disposition, au détriment peut-être de tout le champ socio-professionnel et des bénéficiaires 192 . Enfin troisième disposition législative qui semble impossible à mettre en œuvre : la participation des bénéficiaires aux instances RSA, certainement une fausse bonne idée. En effet, les intentions du Haut Commissariat sont louables de faire place à des représentants des bénéficiaires dans les instances, mais la mise en œuvre concrète de cette 193 disposition s’avère impossible . Quels bénéficiaires choisir ? Sur quels critères ? Faut-il les rémunérer ? Comment préserver le caractère anonyme des dossiers ? C’est face à cet ensemble de questions, que le Conseil général a tenté de trouver des pistes de réponses notamment en mobilisant quatre associations qui devaient se charger de cette question. Mais cela n’a semble-t-il pas fonctionné. Reste la solution préconisée notamment par MarieChristine Burricand, conseillère générale d’opposition, de déléguer cette responsabilité aux CLI qui – au plus proche du terrain – seraient plus à même d’organiser cette participation via un turn-over impliquant les structures associatives. Dans ce contexte d’incertitudes, d’inquiétudes et de complexité, la mise en œuvre du dispositif s’est néanmoins effectuée, la plupart du temps, à « moyens constants ». Ce manque de ressources humaines a toutefois pesé dans une moindre mesure, la montée en charge du « RSA activité » s’étant avérée relativement faible. Une mise en œuvre à « moyens constants » atténuée par une lente montée en charge du dispositif Face à la complexité du dispositif, on peut regretter que la mise en œuvre du RSA se soit faite la plupart du temps à moyens constants chez les acteurs du dispositif. Ainsi face à la gestion de charges plus importantes induites par le RSA, la CAF de Lyon a décidé d’embaucher 27 techniciens et de financer avec le Conseil général une plateforme téléphonique de 18 personnes – maintenant réduite à 5 personnes – car « aujourd’hui on est dans une logique de politiques publiques, RGPP, de suppression d’un poste sur deux ». Les difficultés rencontrées par les CAF ont effectivement fait la une des journaux, certaines caisses « proches de l’implosion » 191 194 avaient même dû fermer quelques Selon la Mission régionale d'information sur l'exclusion (MRIE) de Rhône-Alpes, 30 à 35% des RMIstes sont en situation d'exclusion. 192 Plusieurs chargés d’insertion m’ont ainsi fait part de leur crainte d’une augmentation du nombre radiations du dispositif avec l’orientation Pôle emploi droit commun. 193 194 Idem. Expression de Jean-Louis Deroussen, le président du conseil d'administration de la CNAF tirée d’une note confidentielle envoyée à Xavier Darcos, alors ministre du Travail le 26 février dernier, in « La CAF "au bord de l'implosion" » [en ligne] Les Echos, 11 mars 2010, [page consultée le 12.03.2010] <http://archives.lesechos.fr/archives/2010/lesechos.fr/03/11/300416649.htm> 50 BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département jours afin de rattraper le retard pris dans le traitement des dossiers. La CAF de Lyon « grâce à des mesures spécifiques en termes d’organisation, de renforts inter-directions, de redéploiement des moyens et d’heures supplémentaires » a réussi à réguler son stock. Il est bien évident que cette surcharge de travail n’est pas due exclusivement à la mise en œuvre du RSA, mais ce dernier y contribue en grande partie. La CAF de Lyon a ainsi sur l’année 2008/2009 vu sa moyenne d’allocataires augmenter de 2,9%, soit 10 000 personnes en plus. L’institution tente ainsi de se créer des marges de manœuvre en développant les mécanismes de téléprocédure. 26% des bénéficiaires du RSA font ainsi leur déclaration trimestrielle de revenu par ce biais. Ces personnes sont autant de flux en moins aux guichets de la CAF de Lyon qui accueille 2000 personnes par jour, ce qui en fait la troisième caisse de France. Tout comme la CAF, les Maisons du Rhône du département doivent œuvrer « à moyens 195 constants » . « Le personnel dans les MDR n’a pas augmenté de manière suffisante par rapport à toutes ces compétences qui ont été transférées dans le département » regrettait Mme Vottero. A Pôle emploi, même son de cloche, il n’y a pas eu de recrutement spécifique relatif à la mise en place du RSA. 1000 CDD ont cependant été embauchés au niveau national pour pallier les difficultés inhérentes à la crise économique. Ces problèmes d’effectif ont toutefois été atténués par une montée en charge du dispositif dans son versant « RSA activité » qui s’est révélée relativement faible. Alors que 90 000 bénéficiaires du RSA étaient attendus dans le département du Rhône, 45 000 pour le « RSA activité », en février 2010 – soit 8 mois après l’entrée en vigueur du dispositif – seuls 47 469 personnes dont 10 333 de « RSA activité » s’étaient manifestés 197 196 . Au niveau national, 1, 756 millions de personnes ont perçus du RSA au mois de février 2010, dont 615 000 le « RSA activité » soit 35% des allocataires potentiels. Ce « non-recours » 198 trouve plusieurs sources d’explication : un accès aux droits complexe pour un résultat 199 parfois modeste , une campagne de communication quelque peu ratée, ou encore la persistance du stigmate associé « Rmiste ». Toutefois avec la crise économique, le nombre de « RSA socle » a fortement augmenté. Ainsi avec la mise en place du RSA, le département demeure le pilote du dispositif. Il a fait le choix de la continuité, celui d’outils et d’un réseau partenarial préservés. Toutefois, les acteurs impliqués dans la gestion de ce dispositif ont dû faire face à un certain nombre de difficultés liées principalement à la complexité de la mesure et à la gestion des ressources humaines, mais aussi – comme nous allons l’analyser – à une réintervention implicite de l’acteur étatique. 195 196 197 198 Entretien Mme Farabet, responsable insertion à la MDR de Saint-Fons. Chiffres issus d’un tableau de bord interne au Conseil général. http://www.rsa.gouv.fr/Le-rSa-activite%CC%81-permet-depuis-sa.html Sur cette notion : DUVOUX Nicolas, « Le RSA et le non-recours », [en ligne], La Vie des idées, 1er juin 2010. [page consultée le 10.07.2010]. < http://www.laviedesidees.fr/Le-RSA-et-le-non-recours.html > et WARIN Philippe « Qu’est-ce que le non-recours aux droits sociaux ? », [en ligne], La Vie des idées , 1er juin 2010. [page consultée le 10.07.2010]. < http://www.laviedesidees.fr/Quest-ce-que-le-non-recours-aux.html> 199 Il est possible de n’avoir qu’un surplus de « RSA activité » de l’ordre de 20 à 30 euros. BERT Delphine - 2010 51 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. 3 : Un Etat demeurant en retrait mais ré-intervenant dans le financement Le RSA s’inscrit dans la continuité du RMI décentralisé puisque sa mise en œuvre revient aux départements qui s’imposent comme des pilotes du dispositif. L’Etat demeure en retrait, toutefois certains pointent sa position ambiguë dans la mesure où il ré-intervient dans le financement d’une partie du dispositif et demeure maître du cadre législatif et réglementaire. Un Etat initiateur mais absent des instances RSA L’Etat a certes été l’initiateur du dispositif par le biais du Haut Commissariat aux Solidarités 200 Actives (HCSA), mais il s’est montré ouvert aux propositions départementales et demeure absent des instances RSA. En effet, il n’est en aucun cas question d’un retour du rôle de l’Etat tel qu’institué au temps du RMI centralisé. Les principes d’organisation découlant de la décentralisation décidée pour le RMI en 2003 sont conservés avec la mise en œuvre du RSA. Ainsi le préfet et les services de l’Etat ne sont plus impliqués – ils le restent seulement sur le volet de l’emploi, domaine de compétence étatique – et ses représentants ne siègent pas dans les instances RSA. Concernant l’impulsion du projet, il est vrai que ce rôle fut celui de l’Etat au travers du Haut Commissariat et de son Haut Commissaire, Martin Hirsch, qui a fait du RSA un projet personnel. Toutefois, comme le Conseil général nous l’a précisé, la rédaction de la loi s’est 201 faite en symbiose avec les départements . Ainsi le département du Rhône a participé à la rédaction de la loi et ses amendements. Le Conseil général a été ainsi fortement impliqué et a pu faire remonter ses inquiétudes, incertitudes non seulement de vive voix mais également par la voie législative. Ainsi l’Etat apparaît, à première vue, en retrait dans la configuration du dispositif RSA, cependant son intervention via le financement du RSA activité et le cadre législatif est remarquée. Un Etat législateur et financeur L’Etat demeure, comme auparavant, responsable de l’élaboration du cadre normatif, mais qui plus est réintervient fortement en finançant une partie du dispositif. Ainsi, d’abord, la participation des départements, et notamment du Conseil général du Rhône à la rédaction de la loi n’a pas empêché des dispositions législatives contraires aux intérêts départementaux. Ainsi le cas, le plus éclairant est celui de l’API – inclue désormais dans le « RSA sole » -, dont les critères ont été modifiés de telle façon que le nombre de bénéficiaires soit plus important. De même, la position ambiguë de l’Etat qui se veut à la fois en retrait et en action est symbolisée par son intervention dans le financement du RSA activité. Comme le soulignait le Directeur adjoint de l’Insertion du Conseil général : « RMI décentralisé, mains 100% Etat, RSA : retour de l’Etat puisque tout ce qui est RSA socle c’est le département qui paye, tout ce qui est RSA activité c’est l’Etat qui paye ». L’Etat finance effectivement une partie du dispositif par le biais du fonds national des solidarités actives, ou FNSA. Demême, ce fonds finance une aide nouvelle à la disposition des bénéficiaires du RSA, l’Aide Personnalisée de Retour à l’Emploi (APRE). Cette aide permet de prendre en charge 200 Entretien M. Rouvière, Directeur adjoint du service Insertion au Conseil général du Rhône. 201 52 Idem. BERT Delphine - 2010 Chapitre 1 : D’un Etat gestionnaire à un département « chef de file » d’une ingénierie locale, ou l’autonomisation du département tout ou partie des coûts auxquels les bénéficiaires doivent faire face lorsqu'ils débutent ou 202 reprennent une activité ou une formation professionnelle . Elle est gérée au niveau de la Région Rhône-Alpes par Pôle emploi. Ce financement du RSA sera ainsi assuré par le 203 budget de l’Etat grâce à une contribution additionnelle de 1, 1% de 2% sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. Cette participation au volet allocation peut ainsi être considérée comme une atteinte à des préceptes décentralisateurs, à savoir « qui décide paye ». Conclusion du chapitre 1 Ainsi à l’origine centralisé – du moins en partie – le RMI s’avère être maîtrisé et piloté par l’Etat. On se situe dans un modèle de centre-périphérie tel que décrit dans les travaux de sociologie des années 1960. L’Etat apparaît comme gestionnaire, maîtrisant les leviers du financement et participant activement à l’insertion, et le département contraint. Les rapports Etat-département sont encore largement teintés d’une dimension verticale voire hiérarchique. Avec la décentralisation « la pertinence de cette dichotomie (…) 204 apparaît singulièrement remise en question » . Le Conseil général devient chef de file de cette politique. Il s’autonomise ainsi de l’Etat en mettant en place une véritable gouvernance départementale autour d’acteurs locaux de l’insertion et l’allocation. Il devient seul responsable de cette politique et l’Etat ne devient qu’un partenaire parmi d’autres. On observe ainsi une horizontalisation des relations avec l’Etat au profit toutefois du département, pilote du dispositif. Cette autonomisation se poursuit ainsi avec la mise en œuvre du RSA, le Conseil général du Rhône ayant fait le choix de la continuité. Le Directeur adjoint de l’Insertion pointait ainsi cette liberté d’action née de la décentralisation et conservée avec l’arrivée du RSA : « Il n’y a aucun rapport tutélaire entre Etat et Conseil général, car on est complètement indépendant pour programmer les actions que l’on veut, se donner les règles que l’on souhaite en termes de gestion de l’allocation en respectant la loi bien sûr, mais les relations nouées avec l'Etat sont partenariales. On n’est pas du tout sur un rapport de pouvoir Etat/Conseil général ». L’Etat serait ainsi devenu un simple partenaire dans un dispositif où le modèle de polycentrisme et de relations intergouvernementales prévaudrait. Mais à l’analyse, une situation plus complexe apparaît. L’autonomie départementale n’est en réalité pas totale. Un certain nombre de contraintes – en large partie étatiques - pèsent en effet sur le Conseil général obérant de fait ses marges de manœuvre. Le département ne serait alors qu’un « géant aux pieds d’argile » qu’« une victoire à la Pyrrhus » 202 206 205 et la décentralisation … Les dépenses susceptibles de donner lieu au versement de l'aide sont les dépenses : de transport, d'habillement, de logement, d'accueil de jeunes enfants, d'obtention d'un diplôme, d'une licence, certification ou autorisation. 203 204 Article L262-24 du CASF. LE GALÈS Patrick, THATCHER Mark, 1995, op. cit, p 136. 205 LAFORE Robert, 2004, op. cit., p 21. BERT Delphine - 2010 53 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. 206 LE LIDEC Patrick, « Patrick Le Lidec : « le département n’est pas insubmersible, même si l’acte II l’a consolidé... » », Pouvoirs locaux, n°75, IV, 2007, p 117. 54 BERT Delphine - 2010 Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? A l’analyse, et en observant les rapports de forces existant, le département semble ne pas avoir les moyens d’une pleine autonomie. Le poids des finances et du cadre réglementaire et politique semble en effet contrarier les marges de manœuvre en pesant sur les décisions et les orientations prises par le Conseil général. Dans ce contexte, le département du Rhône est contraint à rechercher des marges de manœuvre à la croisée de l’impératif d’efficacité et de la nécessité d’humanité. La décentralisation du RMI n’a donc pas suffi à gommer la présence étatique. La substitution du modèle centre/périphérie par une situation de polycentrisme – quoi que déséquilibrée au profit du département et à laquelle le processus décentralisateur nous avait permis de conclure – ne peut être considérée comme une hypothèse définitive. Le département demeure sous contraintes et son autonomisation apparaît comme limitée, mais toutefois non instrumentalisée. Le Conseil général du Rhône parvient, en effet, à activer un certain nombre de ressources pour conserver une latitude d’action, qui s’avèrent cependant insuffisantes. La clé de l’autonomisation résiderait ainsi dans une association du département à l’élaboration du cadre légal et réglementaire. Section 1 : Poids de la contrainte financière, réglementaire et politique Les finances, le cadre réglementaire et politique constituent autant de contraintes pesant sur le département et obérant son périmètre et ses leviers d’action. La non-compensation des transferts de compétences ainsi que la maîtrise du cadre législatif et réglementaire par l’Etat semblent attester de la permanence d’une hiérarchie entre Etat et département. Ainsi l’horizontalisation des relations à laquelle avait été associée le processus de décentralisation du RMI doit être relativisée. L’autonomisation du département est ainsi limitée, et ce d’autant plus que le poids du politique et des jeux d’influence locaux viennent également contraindre ses marges de manœuvre. 1 : Le retour de la tutelle étatique par les finances ? Une des premières et plus importantes contraintes pesant sur le département est la contrainte budgétaire en raison notamment des transferts de compétences non compensés par l’Etat qui constituent ainsi une remise en cause de l’autonomie financière départementale. A cela s’ajoute le contexte de crise et de réformes institutionnelles qui BERT Delphine - 2010 55 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. rendent encore plus difficiles la situation financière des Conseil généraux. Toutefois, le département du Rhône reste un territoire relativement préservé dans lequel les problèmes financiers sont certes importants mais moins préoccupants que dans certaines autres collectivités départementales. Des transferts de compétences non compensés, une remise en cause de l’autonomie financière départementale La compensation financière du transfert des compétences a d’abord été un principe législatif prévu dès l’Acte I de la décentralisation par la loi n° 82-213 du 2 mars 1982. Il a été ensuite érigé en principe constitutionnel par la révision constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003, l’article 72-2-4 de la Constitution prévoyant que « tout transfert de compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Mécanismes de compensation pour le RMI et RSA La loi du 13 août 2004 prévoit que la compensation financière s’opère par le fractionnement d’impôts nationaux. Une fraction de la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP) est ainsi reversée aux départements pour financer le RMI décentralisé. Pour la première année de mise en œuvre de la décentralisation, elle a été calculée sur la base des « dépenses engendrées par le paiement du RMI en 2003 » (article 4 de la loi du 18 décembre 2003). En 2004, l’Etat a ainsi versé 4,7 milliards de TIPP. Mais le faible dynamisme de cette ressource a engendré un déficit de 456 millions d’euros dans les budgets départementaux dès la première année d’exercice. Ainsi un supplément de 456 millions d’euros de TIPP supplémentaires en Loi de Finances Rectificatives (LFR) 2005 et a été mis en place en LFR 2006 le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI) permettant de verser aux départements une enveloppe annuelle de 500 millions d’euros repartie selon trois critères 207 . Concernant le RSA, seul le « RSA socle » –comprenant les ex-RMI et API – est financé par les départements. Ainsi sur le volet ex-RMI, les mécanismes 208 de compensation restent inchangés alors que sur le volet ex-API qui représente une « extension de compétences », il sera financé par une fraction supplémentaire de la TIPP. Toutefois il est à noter que le législateur a choisi d’utiliser pour le transfert du dispositif API, autrefois à la charge de l’Etat le qualificatif « d’extension de compétences » et non de « transferts 207 Un critère de compensation correspondant à l’écart entre la dépense constatée en n-1 et et les droits à verser en année n, un critère de péréquation prenant en compte le potentiel financier du département et le nombre de bénéficiaires du RMI et un critère d’incitation a l’insertion calculé à partir du nombre de bénéficiaires du RMI en contrat d’avenir, CI-RMA et intéressement au 31 décembre de l’année précédente. 208 L'article 3 du présent projet de loi dispose que « le maintien de la compétence transférée par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation du Revenu Minimum d’Insertion et créant un revenu minimum d'activité, demeure compensé ». 56 dans les conditions fixées à l'article 4 de cette loi BERT Delphine - 2010 Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? ». Cela n’est pas anodin puisque cette formulation permet de passer outre l’obligation constitutionnelle de compensation intégrale, la possibilité de saisine la Commission consultative sur l’Evaluation des charges et la garantie 209 constitutionnelle. Source : IGAS 2007 – Rapport Sénat 2008 relatif au RSA 210 Toutefois, ces transferts étatiques se sont avérés insuffisants, le produit des ressources fiscales transférées étant beaucoup moins dynamique que les charges nouvellement supportées par les collectivités territoriales. Ainsi sur ce point, il est fort intéressant de se référer au rapport de Pierre Jamet, Directeur Général des Services du Conseil général du Rhône, remis au Premier Ministre le 22 avril dernier sur les finances départementales. Ce rapport pointe ainsi un effet de ciseau manifeste qui va en s’accentuant 211 . Reprenant les 212 données extraites du mémorandum de l’ADF présenté à la presse le 26 janvier 2010 , Pierre Jamet montre que sur la période 2000-2008, le différentiel entre les recettes et les dépenses en taux annuel de croissance est de 1,3% en moyenne, ce différentiel s’étant accentué sur la dernière année avec la crise. Et il précise que, basé sur les seules recettes et dépenses de fonctionnement, le différentiel passe à deux points par an sur la même période, puisque les dépenses se sont accrues de 9,3% en moyenne annuelle entre 2000 et 2008 et les recettes, de 7,3%. Le rapport, dont les auteurs ont réalisé une consultation auprès des départements, souligne que cette différence entre recettes et dépenses s’est accentuée à partir du deuxième semestre 2008, et amplifiée en 2009 en raison principalement de la montée en charge du RSA. L’exemple du Rhône est cité, l’appel mensuel du département passant en 6 mois de 9 millions d’euros à plus de 14 millions. Le point d’achoppement concerne ainsi les principes retenus pour la compensation des charges liées à la décentralisation: la base de compensation pour le RMI repose en 213 effet sur les dépenses engagées au titre de l’année 2003 . La mise en place du fonds de mobilisation départemental pour l’insertion (FMDI) n’a pas empêché un déficit cumulé des départements au titre de la dépense RMI évalué entre 1 et 1,4 milliards d’euros dès 2007. Concernant le RSA, le Rapport Jamet regrette que « la situation non seulement ne se [soit] pas améliorée mais [qu’] elle [ait] empiré». Le rapport note en effet que la progression du RSA s’est lourdement faite sentir courant 2009 (1 661 milliers d’allocataires en octobre 2009 pour plus de 6 milliards d’euros), en particulier avec le transfert de l’API vers le « RSA socle », et craint que le basculement des chômeurs en fin de droits courant 209 DOLIGE Eric, Avis n°32 (2008-2009) fait au nom de la Commission des finances s ur le projet de loi , adopté par l’Assemblée Nationale, après déclaration d’urgence, généralisant le Revenu de Solidarité Active et réformant les politiques d’ insertion , [en ligne], octobre 2008, 96 p. [page consultée le 14.05.2009] <http://www.senat.fr/rap/a08-032/ a08-0321.pdf> 210 Idem. 211 212 JAMET Pierre, MOLEUX Marguerite, PHLIPPOT Florian, PONROY Pierre, avril 2010, op. cit., p 6. ADF, « les déficits publics ne sont pas le fait des départements de France », [en ligne]. 25 janvier 2010 [page consultée le 30.01.2010] <http://www.departement.org/sites/default/files/Dossiers%20de%20Presse_Conférence%20des%20déficits.pdf> 213 Le rapport précisant que « les dépenses de 2004, devant initialement servir de base de correction, n’ont été prises en compte qu’au titre de dotation exceptionnelle et en tenant compte de deux facteurs – la réforme de l’allocation de solidarité spécifique et la création du revenu minimum d’activité », in JAMET, MOLEUX, PHILIPPOT, PONROY, avril 2010, op. cit., note de bas de page 14, p 40. BERT Delphine - 2010 57 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. 2010 aggrave la situation. La particularité du RSA par rapport aux autres dépenses sociales est l’imprévisibilité de son évolution non seulement liée à la conjoncture économique, mais également corrélée aux décisions prises au niveau national en faveur des chômeurs arrivant en fin de droit. De plus, « l’évolution de la répartition du RSA entre RSA socle et RSA chapeau, (…), s’est opérée à la charge des départements ». Ce problème de non compensation a été soulevé par de nombreuses institutions, le Sénat en tête par la voix de Michel Mercier, mais également par la Cour des comptes qui dans son rapport d’octobre 2009 sur l a conduite par l’État de la décentralisation remet en 214 215 cause « le financement non stabilisé de la décentralisation sociale » . De même l’IGAS avait pointé cette défaillance tout comme des agences internationales telles que Standard and Poor’s qui dans un récent rapport a souligné la nécessité de réinventer le système 216 de financement départemental . Le non-respect du principe de compensation est selon le constitutionnaliste Dominique Rousseau une atteinte au principe de libre administration, 217 et au-delà une atteinte à la Constitution . La juridiction administrative suprême ellemême, dans un arrêt opposant l’Etat au Conseil général de Saône-et-Loire, a reconnu les responsabilités de l’Etat condamné à verser une partie des sommes qu’il n’avait pas transférée en contrepartie des charges nouvelles incombant au département en matière de protection de l’enfance. 218 L’Association des départements de France dans un courrier adressé au premier ministre en date du 4 juin 2010 annonce un budget en déséquilibre pour 28 départements 219 . De même le rapport Jamet prévient que « certains départements, après le vote du budget primitif 2010 auront sans doute des difficultés pour financer une augmentation des charges sociales, notamment du RSA, au-delà de ce qu’ils ont inscrits. Une intervention de l’Etat sera sans doute nécessaire ». Le rapport fait ainsi état d’un ensemble de propositions er tout comme l’ADF, dont des représentants ont rencontré François Fillon le 1 juin dernier, lui demandant de réaffecter le reliquat de 400 millions d’euros du Fonds National des Solidarités Actives non dépensé par l’Etat aux Conseils généraux puisque le nombre de bénéficiaires du « RSA activité » a été surestimé, requête infructueuse selon les intéressés 220 . Le chef du gouvernement a seulement annoncé la mise en place de plusieurs « groupes de travail » et « d'une réflexion sur les trois prestations qui constituent l'essentiel du problème 214 COUR DES COMPTES, la conduite par l’Etat de la décentralisation, [en ligne], octobre 2009, p 34, [page consultée le 07.11.2009] < http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPT/Rapport-decentralisation-271009.pdf > 215 IGAS, Les politiques sociales décentralisées - Rapport annuel 2007-2008, [en ligne] décembre 2008, 169 p. [page consultée le 17.10.2009] <http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000754/0000.pdf> 216 STANDARD & POOR’S, les départements français, un système de financement à réinventer, [en ligne] 19 avril 2010, 9 p. [page consultée le 22.04.2010],< http://www.departement.org/sites/default/files/STANDARD-POOR-S-Departements-francais.pdf> 217 ADF, « l’autonomie financière des départements : un principe constitutionnel », , [En ligne], 6 avril 2010, 13 p [page consultée le 14.04.2010] < http://www.departement.org/sites/default/files/Dossier_de_presse_du_06-04-02010_0.pdf> 218 CE, 30 décembre 2009, req. n° 325824 et 330223. Pour la lecture intégrale de l’arrêt : [page consultée le 20.01.2010],<http:// www.lagazettedescommunes.com/actualite/pdf/CE_30_12_2009_CONSEIL GÉNÉRAL_Saone_et_loire.pdf> 219 ADF, « lettre adressée à François Fillon », [En ligne], 4 juin 2010, [page consultée le 14.06.2010] <http:// www.departement.org/sites/default/files/2010-06-07_-_Courrier_Francois_Fillon_-_difficultes_financieres_0.pdf> 220 58 PEROL Aurélien, « les départements veulent récupérer l’argent du RSA ». Aujourd’hui en France, Vendredi 11 juin 2010, p 20 BERT Delphine - 2010 Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? financier des départements » : APA, RSA et PCH. Il a néanmoins prévupour une dizaine de départements « en situation de difficulté urgente » - la mise en place d' « une mission d'appui » et la signature de « contrats de stabilisation », incluant « des mesures de soutien financier » qui seront des « avances financières remboursables » 221 . La non-compensation des transferts est ainsi une réalité qui place les départements dans une situation financière extrêmement difficile et ce dans un contexte de crise économique et de réformes fiscales. Une situation financière difficile dans un contexte de crise et de réformes A ce problème de non compensation financière s’ajoute en effet le contexte de crise économique et de réformes gouvernementales qui réduisent les ressources départementales. En effet – comme le note l’agence Standard and Poor’s dans son rapport - alors que les collectivités départementales pouvaient jusqu’en 2007 compenser le manque 222 de ressources étatiques par les droits de mutations qui ont connu une croissance moyenne de 8 %par an sur la période 2004-2007 ainsi que par des hausses successives des taux de la fiscalité directe dont la progression moyenne fut de 3,6 % sur 2004-2007, dès 2008 leur marges de manœuvre se sont amoindries. Sont en cause plusieurs facteurs, le premier est la réforme et la suppression de la Taxe Professionnelle (TP). La réforme et la suppression de la taxe professionnelle La taxe professionnelle, dans un premier temps réformée, est aujourd’hui supprimée. Le projet de réforme de la taxe professionnelle, annoncé en janvier 2004 et qui a donné lieu au « rapport Fouquet » s'est concrétisé par l'article 85 de la loi de finances pour 2006 , qui complète le mécanisme de plafonnement de l’imposition en fonction de la valeur ajoutée et pérennise le dégrèvement au titre des investissements nouveaux. Mais il est aujourd’hui question de sa suppression. L'article 2 de la Loi de Finances Initiales (LFI) pour 2010, validée par le Conseil er Constitutionnel le 29 décembre 2009, a en effet supprimé – depuis le 1 janvier 2010 pour toutes les entreprises - la TP et lui substitue une contribution économique territoriale (CET). La taxe professionnelle : représentait 50% des ressources des collectivités locales son assiette était constituée de la valeur locative cadastrale des immeubles utilisés par l’entreprise et par la valeur comptable brute des autres immobilisations corporelles qu’elle utilise (matériels, machines…), La CET est composée : 221 Pour les départements les plus en difficulté, il a avancé la possibilité d'une « dotation » non remboursable, in LA GAZETTE SANTE SOCIAL. « François Fillon annonce un "soutien financier" aux départements les plus en difficulté ». [En ligne] 4 juin 2010. [page consultée le 14.06.2010] <http://www.gazette-sante-social.fr/actualite/actualite-generale-francois-fillon-annonce-un-soutien-financieraux-departements-les-plus-en-difficulte-18273.html> 222 Ces droits s’appliquent à la quasi totalité des transactions immobilières, décomposés en taxe départementale (3,60%), taxe communale (1,20%) et prélèvement au profit de l’Etat (0,29%). Les départements sont ainsi les plus touchés par la baisse de ces droits, qui représentent en moyenne 11% de leurs recettes BERT Delphine - 2010 59 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. d'une cotisation foncière des entreprises (CFE) acquittée dès 2010 par les entreprises et perçue par les communes et les groupements à compter de 2011. d'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) perçue par l'ensemble des collectivités et leurs groupements à compter de 2011. L'article 77 de la LFI pour 2010 précise que cette CET est perçue à compter du 1er janvier 2011 par les collectivités territoriales et leurs groupements. Ainsi à compter de 2011, chaque niveau territorial bénéficiera de nouvelles ressources fiscales. Source : Ministère de l’Economie 223 La réforme de la TP qui en diminuant l’assiette fiscale, a, dès 2007, amoindri le rendement d’une hausse de la fiscalité et s’est parfois traduite par une perte nette de 224 recettesfiscales avec l’introduction du mécanisme de ticket modérateur . Avec la suppression de la taxeprofessionnelle, les départements n’auront de levier fiscal que sur moins de 15 % des recettes de fonctionnement, contre 39 % en 2009 et plus de 50 % en1995. Les départements percevront 48,5% de la CVAE avec la garantie d’un montant au moins égal au produit de la TP en 2009, payable en 2011 mais ces compensations seront figées ensuite quant à leurs montants. De même, les conseils généraux ne percevront plus de taxe d’habitation et ne pourront fixer de taux que sur le foncier bâti. Le deuxième facteur, expliquant la réduction des marges de manœuvre financières des départements, avancé par l’agence de notation est l’indexation de l’enveloppe normée sur la seule inflation à partir de 2008 alors qu’il intégrait jusqu’alors une partie de la croissance économique, elle a ainsi considérablement freiné la dynamique des dotations d’Etat aux collectivités. Enfin, troisième raison, la baisse des droits de mutation d’environ 30% entre 2008 et 2009 225 avec la crise économique alors que ces taxes – dont les départements sont les 226 principaux bénéficiaires - représentent en moyenne 11% de leurs recettes. Ainsi les départements ne devraient plus à l’avenir profiter de progressions du produit des droits de mutation comparables à la période 2004-2008 où le taux de croissance annuelle moyen était de 8 % contre 4 % pour l’APA-RMI. Dans ce contexte de crise et de réformes, les marges de manœuvre financières des départements sont largement réduites. Toutefois, il est nécessaire de nuancer les choses quant à la situation du département du Rhône. Le département du Rhône, des difficultés à relativiser 223 MINISTERE DE L’ECONOMIE, « Suppression de la taxe professionnelle et réforme de la fiscalité locale », 3 mars 2010[en ligne] [page consultée le 23.04.2010] < http://www.economie.gouv.fr/actus/reforme-taxe-professionnelle.html> 224 A compter de 2007, les entreprises ne paieront pas de taxe professionnelle globale au-delà de 3,5 % de leur valeur ajoutée, au taux de la TP de l'année d'imposition. Par conséquent, l'Etat prendra à sa charge la différence, pour chaque collectivité locale, entre le plafond de 3,5 % de la VA et la somme des cotisations dues Si le dégrèvement est insuffisant, il restera à la charge des collectivités, un « ticket modérateur ». 225 D’après une enquête de l’ADF sur 52 départements, 33% de chute in « Les effets de la crise sur l’immobilier mettent les départements à l’épreuve », [en ligne] la gazette des communes, le 27 mars 2009, [page consultée le 28.03.2010] < infos.lagazettedescommunes.com/5499/les-effets-de-la-crise-sur-limmobilier-mettent-les-departements-a-lepreuve/ > 226 60 Avec une part de 3, 60%/ BERT Delphine - 2010 http:// Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? Bien que le département du Rhône ait également à souffrir de difficultés financières, il nous apparaît nécessaire de replacer sa situation budgétaire dans un contexte national. Elle apparaît ainsi moins critique que d’autres. Le Rhône ne fait ainsi pas partie « des départements pauvres » pointés dans le Rapport Jamet ou par l’ADF. Les territoires sont ainsi touchés de façon différenciée, il existe une hétérogénéité des départements, et ce pour 227 plusieurs raisons. Une étude – citée dans ledit rapport – relative aux facteurs expliquant la situation différenciée des départements a été menée par Guy Gilbert Alain Guengant, directeurs de recherche au CNRS et au Commissariat au plan. Elle tend à conclure que la variance est liée principalement aux spécificités géographiques pour 40% ; aux besoins (population et nombre de bénéficiaires) pour 30% ; ainsi qu’au revenu moyen pour 20%. 228 D’autres recherches telles que celles effectuées par la DATAR confirment que le développement économique des territoires, les mouvements de population liés notamment à l’âge de la retraite et les effets de la crise sont très largement différenciés. Ainsi les dépenses en matière d’aide sociale, du RMI/RSA en particulier, dépendent fortement des caractéristiques socio-économiques du territoire (attractivité et dynamisme économique, structure du tissu économique) et de leur population (structure et croissance démographiques, niveau d’éducation de la population) mais aussi de la conjoncture économique locale. Quant aux recettes départementales, elles sont également dépendantes de la situation socio-économique du territoire à travers notamment la taille et le dynamisme des bases de taxes directes versées par les ménages et les entreprises, la concentration sectorielle des bases fiscales ainsi que l’importance et la vitalité du marché 229 immobilier conditionnant les produits de droits de mutation . De plus, la différenciation des départements est d’autant plus forte que leurs recours à l’emprunt, charges de fonctionnement et choix d’investissements sont très hétérogènes, disparité trouvant son origine dans le principe de libre administration et la clause générale de compétence des collectivités. Ainsi l’étude menée par Gilbert et Guengant conclut à une typologie des départements : 230 les départements « riches », « ruraux et pauvres » et « urbains et pauvres » . Ainsi le Rhône ne semble pas faire partie des Conseils généraux les plus en difficulté. Les représentants du Conseil général mettent ainsi en avant le dynamisme économique du territoire, la vitalité de l’immobilier, la relative faiblesse du taux de chômage ainsi que la part importante de jeunes dans la population, d’outils de rattrapage social ainsi que la quasiabsence de zones rurales en dépression. S’explique ainsi, en partie, l’impact relatif de la crise économique qui s’impose également comme un facteur explicatif indirect de la relative bonne santé financière du département. Il est ainsi à noter que les dépenses d’insertion demeurent stables – malgré il est vrai une augmentation des bénéficiaires – dans un contexte de non hausse des impôts locaux depuis cinq années. Toutefois, un certain nombre d’élus pointent l’augmentation de fait des impôts à l’initiative certes non départementale mais étatique. Quoi qu’il en soit, l’insertion 227 JAMET, MOLEUX, PHILIPPOT, PONROY, avril 2010, op. cit., p 10. 228 229 230 Etude effectuée par Laurent Davzies, in ibidem, p 4. DORE Christophe, « la situation financière des départements », Pouvoirs locaux, n°75, IV, 2007, p 92. Cf. schéma in JAMET, MOLEUX, PHILIPPOT, PONROY, avril 2010, op. cit., p 12. BERT Delphine - 2010 61 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. apparaît comme un domaine relativement préservé. Les efforts budgétaires du Conseil général sont conséquents 231 . Le poids de la contrainte financière pèse ainsi lourdement sur le département, à travers l’insuffisante compensation des charges transférées. Cet épineux problème place les collectivités locales dans une situation financière d’autant plus difficile dans un contexte de crise économique et de réforme fiscale. Toutefois, il est à souligner que le Conseil général du Rhône demeure relativement moins touché que d’autres départements. Il n’en demeure pas moins que la non compensation des transferts de compétences, conduit, si ce n’est à un retour de la tutelle étatique par les finances, tout du moins à un renforcement du pouvoir central vis-à-vis des départements, qui se manifeste non seulement par la voie financière mais également par celle législative et réglementaire. 2 : L’Etat maître du cadre législatif et réglementaire L’Etat limite en effet non seulement l’autonomie des départements de façon négative en ne compensant pas les transferts de compétences, mais également positivement en fixant le cadre législatif et réglementaire du dispositif RMI puis RSA. Ce constat s’explique pour l’IGAS par « le fait que la France demeure un État unitaire où la responsabilité de la loi appartient au pouvoir central » 232 . Certes, «l’organisation décentralisée » de la République 233 est reconnue constitutionnellement , mais l’Etat demeure unitaire – se distinguant d’une organisation fédérale telle qu’adoptée en Allemagne ou régionale telle qu’instituée en Espagne. L’Etat fixe ainsi, à travers la loi et le règlement, les cadres fondamentaux du dispositif RMI et RSA. Le principe à valeur constitutionnelle de libre administration des collectivités doit être concilié avec celui – de même valeur - du caractère unitaire 234 235 de l’Etat . Le pouvoir normatif initial n’appartient donc pas aux collectivités mais relèvent des organes étatiques. La tradition jacobine en France explique ainsi en partie cette fixation par l’Etat des dispositions législatives et réglementaires qui s’appliquent pour chaque département. Le souci d’égalité entre collectivités est aussi prégnant. Le débat à propos de la décentralisation du RMI et la saisine du Conseil Constitutionnel sont à cet égard significatifs de la tradition française. Certes gage d’égalité, quoi que certains observateurs ne le considèrent pas comme suffisant 231 236 , la fixation par l’Etat du cadre légal et surtout financier des dispositifs Pour le budget 2009, l’insertion représentait 21,2% du « budget solidarité » regroupant les actions sociales, soit 163, 5 milliards d’euros. Source : documentation interne au Conseil général. 232 233 234 IGAS, décembre 2008, op. cit., p 52. Article 1 de la Constitution française de 1958. Le Conseil constitutionnel a maintes fois réaffirmé ce principe notamment dans les décisions n°82-137 et 138 DC du 25 février 1982, in BORGETTO, CHAUVIERE (dir.),, 2008, op. cit. p 21, note de bas de page 1, p 11 235 Toutefois les collectivités « disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences », article 72 alinéa 3 de la Constitution tel qu’issu de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. 236 BORGETTO Michel, « Les enjeux de la décentralisation en matière sociale. L’égalité, la solidarité », [En ligne]. Informations sociales 2005/1, N° 121, p. 6-16, . [page consultée le 31.01.2010], < ID_REVUE=INSO&ID_NUMPUBLIE=INSO_121&ID_ARTICLE=INSO_121_0006 > 62 BERT Delphine - 2010 http://www.cairn.info/article.php? Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? 237 décentralisés est ressentie par les départements comme une contrainte insupportable .Cet échelon des collectivités locales assume, en effet, des dépenses sociales dites « à guichet ouvert », c'est-à-dire sans possibilité de contrôler leur montant, fixé à l'échelon national, ni le nombre de bénéficiaires. Les aides sociales - l'allocation pour personnes âgées, le Revenu de Solidarité Active, les prestations compensatoires pour handicapés... 238 – représentent ainsi 60 % de leurs dépenses . Le Vice-président De Lavernée soulignait cela lors de l’entretien. Le sénateur Michel Mercier pointait également dans un rapport d’information qu’ « il [était] anormal que le Premier Ministre soit seul à décider de la 239 hausse » de l’allocation en rappelant que le RMI avait été revalorisé de 7,08% depuis janvier 2003. Le Rapport Jamet souligne également les conséquences budgétaires pour les départements découlant de cette production de normes législatives et réglementaires. L’intervention de l’Etat se manifeste également par le bais du contrôle de légalité, en vertu de l’article 72 alinéa 5 de la Constitution qui dispose que « le représentant de l’Etat (…) a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Le préfet, représentant de l’Etat, doit ou peut déférer certains actes administratifs édictés par les départements au juge administratif pour vérification de la légalité interne et externe, dans le but de préserver une application homogène de la réglementation étatique sur tout le territoire. Concernant le RMI et RSA, un système d’évaluation et de contrôle a ainsi été mis en place 240 . Les départements voient donc leurs décisions notamment budgétaires prises en matière du RSA enserrées non seulement par des orientations fixées par l’Etat, mais également aujourd’hui par l’Union Européenne. En effet avec le développement du droit communautaire, l’Etat mais aussi subséquemment ses entités infra-nationales sont soumises à la législation communautaire originaire et dérivée. Les principes de transposition et d’applicabilité directe obligent ainsi les collectivités à appliquer les dispositions communautaires. Le département du Rhône est ainsi aujourd’hui confronté à la question de la mise en place d’un marché public pour l’offre d’insertion. Deux séries de normes européennes – le paquet « Monti-Kroes » du 28 novembre 2005 sur les aides publiques et la directive Services du 12 décembre 2006 visant l’achèvement du marché intérieur – viennent en effet modifier le droit applicable aux services sociaux d’intérêt général (SSIG). Services sociaux et droit communautaire Les services économiques d’intérêt général (SIEG) érigés en tant que valeur de l’Union Européenne dans le traité d’Amsterdam de 1999 peuvent avoir une finalité sociale. Ce type de service a ainsi été qualifié par la Commission européenne dans son livre vert sur les SIG de mai 2003 de services sociaux d’intérêt général (SSIG) dont la mission vise à répondre aux besoins vitaux de l’être humain, à lui permettre de bénéficier de ses droits fondamentaux telles que la dignité et l’intégrité de la personne et d’un niveau élevé de protection sociale. 237 238 LAMBERT Alain, les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales , RGPP, novembre 2007, p 11. DREES, les dépenses d’aide sociale départementale en 2008, [en ligne], n°714, janvier 2010, p2 [page consultée le 14.05.2009] <http://www.sante-sports.gouv.fr/IMG/pdf/er714.pdf> 239 MERCIER Michel, Rapport d’information du Sénat n° 206 (2006-2007), fait au nom de l’observatoire de la décentralisation sur le suivi du transfert du Revenu Minimum d’Insertion (RMI) aux départements, [en ligne] 2006, p 30. [page consultée le 14.05.2009] <http://www.senat.fr/rap/r06-206/r06-2061.pdf> 240 Cf. titre III de la loi °2003-1200 du 18 décembre 2003. BERT Delphine - 2010 63 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Les SSIG sont au cœur depuis quelques mois des préoccupations des collectivités locales, et particulièrement des conseils généraux, échelons privilégiés du social. En effet deux séries de normes européennes viennent complexifier le droit applicable en la matière : La directive Services du 12 novembre 2006 qui étend le régime de la concurrence au secteur des services. Toutefois peuvent être exclus du champ d’application de la directive « les services sociaux relatifs au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin qui sont assurés par l’Etat, par des prestataires mandatés par l’Etat, ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’Etat ». Or la France a choisi de ne pas élaborer de loi cadre pour transposer ladite directive, mais de procéder par secteur, ce qui est source de différence de traitements entre services publics sociaux. Une circulaire édictée le 18 janvier dernier n’a pas suffi à dissiper les incertitudes et inquiétudes puisqu’elle se montre restrictive sur le champ de l’exclusion et impose le recours à la commande publique (marché public ou délégation de service public) lorsque l’initiative d’une collaboration avec des associations émane de la collectivité. Cette difficulté s’ajoute à une situation déjà complexe, puisque depuis 2005 le paquet «Monti-Kroes» - ensemble de décisions communautaires - régule les subventions aux services publics et prévoit que les subventions de plus de 200 000 euros sur trois exercices fiscaux consécutifs doivent faire l’objet d’un « mandatement » express de la collectivité à son prestataire et ne servir qu’à compenser le coût du service public (« juste compensation ») pour que les sommes qu’elles perçoivent ne soient pas considérées comme des aides publiques illégales. Un mandat dont ils ont également besoin pour être exclus de la directive Services. Or, la définition du «mandatement» est une notion qui n’existe pas telle quelle dans le droit français. D’où une insécurité juridique forte à laquelle sont confrontées 37 000 collectivités qui recourent à 60 000 opérateurs de services locaux. Source : Rapport de Jean-Louis Destans – Localtis – Gazette des Communes ème Le Président Michel Mercier à l’occasion du rapport sur le PDI du 2 semestre 2010 a ainsi exprimé « l’obligation qu’aura le Département de se mettre en conformité avec la réglementation européenne dans ses relations avec les associations intervenant dans les 241 politiques sociales ». Toutefois, la possible mise en place d’un marché public ne va pas sans poser problème étant donné l’échec subi en 2008 dans le département. Mais les associations demeurent inquiètes, craignant de disparaître faute de pouvoir proposer un tarif attractif, mais rien pour l’instant n’a été décidé. Un séminaire entre les différents acteurs est prévu au mois de septembre pour discuter de cette épineuse question. Le poids de la législation communautaire, mais également étatique demeure, quoi qu’il en soit, extrêmement pesant et contraignant pour les départements, le Conseil général du Rhône en particulier. Les marges de manœuvres départementales sont également amoindries en raison des jeux et contraintes politiques s’exerçant au niveau du territoire. 3 : Jeux politiques locaux d’influence et de pouvoir 241 CONSEIL GENERAL DU RHONE, « Rapport au Conseil général, programmation référents RSA de janvier à juin 2010 », [en ligne] 2 p. [page consultée le 30.03.2010] < http://www.rhone.fr/institution/assemblee/decisions_adoptees> 64 BERT Delphine - 2010 Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? A la faveur de la décentralisation, on a, ainsi, observé une montée en puissance des 242 élus locaux . Le processus décentralisateur a effectivement permis d’établir « la responsabilisation des élus ; les maires, les présidents de Conseil général et régional sont 243 désormais responsables des décisions prises et de l’action de leur collectivité » . En effet, les décideurs politiques se sont substitués aux fonctionnaires des services déconcentrés de l’Etat. Ils « occup[ent] aujourd’hui la position centrale dans le système local qu’il[s] [ont] 244 ravie au préfet » . De fait, le champ de l’action sociale, du RMI/RSA en particulier, met au premier plan « des décideurs politiques, dont la rationalité est territoriale et pour lesquels les 245 actions sociales constituent un enjeu politique d’importance » . C’est ainsi au Président du Conseil général, et à l’Assemblée délibérante, que revient le pilotage du dispositif RMI puis RSA. Ces dispositifs sont ainsi emprunts du poids du politique, le département du Rhône n’y fait pas exception. Ainsi le Conseil général, son Président en tête doit composer d’abord avec l’opposition interne - ce qui semble être réalisé dans des conditions relativement bonnes - mais également avec les élus locaux des institutions partenaires et notamment de l’opposition, ce qui semble être plus difficile voire conflictuel, si l’on s’attache au cas du CCAS de Lyon et de la Région Rhône-Alpes. Ainsi l’autonomisation du département dans la gestion du RSA se trouve contrariée, à un degré plus ou moins important, par les jeux d’influence et de pouvoir politiques intra et extra-départementaux. Des rapports de force plus ou moins cordiaux se sont noués. Le Président Mercier se doit d’abord de travailler avec l’opposition, qui joue un rôle important dans la mise en œuvre du dispositif, non seulement par le biais de l’Assemblée départementale, mais également par leurs statuts de présidents de CLI. En effet, l’occupation des postes de présidents de CLI par les élus du canton est une des spécificités du Rhône. Le choix a été fait de nommer les conseillers du territoire, initiative 246 saluée par les élus d’opposition . Mme Burricand, élue communiste, pointe toutefois l’ambiguïté de cette décision, en effet elle y voit en filigrane un calcul politique savant qui permet d’allier ouverture et neutralisation. Toutefois, les élus de l’opposition – tout comme de la majorité - rencontrés m’ont tous rapporté l’atmosphère cordiale de travail qui existait à propos du RMI et qui existe toujours concernant le RSA. Le président semble attaché à prendre l’avis de chacun, et la prise de décision se déroule dans la concertation. Mme Runel lors de l’Assemblée départementale du 26 Mars reconnaissait ainsi« la volonté du Département, et notamment du service insertion, d’associer les élus et les présidents de 247 CLI à la réflexion et à la mise en œuvre du RSA » . Cette relative bonne entente et esprit de compromis qui règne - symbolisée l’unanimité du vote du PDI depuis 6 ans n’empêchent pas des désaccords de fond sur le dispositif en lui-même. Le PCF et ses élus sont ainsi opposés par principe au RSA, mais participent cependant aux CLI, afin – selon eux - d’atténuer les conséquences d’un dispositif qui « concourt à l’aggravation de 242 243 244 245 Conclusion générale, in BORGETTO, CHAUVIERE (dir.), 2008, op. cit., p 283 MABILEAU, 1995, op. cit., p 86 Idem in BORGETTO, CHAUVIERE (dir.),, 2008, op. cit., pp. 282-283. 246 247 Cf. Entretien de Mme Vottero, conseillère général PS du canton de Saint-Fons. CONSEIL GENERAL DU RHONE, « Procès-verbal de la séance du 26 mars 2010 », p 3 BERT Delphine - 2010 65 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. la précarité » 248 . Leur rôle de contre-pouvoir n’est pas non plus négligeable, les élus communistes estimant ainsi avoir contribué à l’échec du marché public en 2008 249 . L’opposition interne au Conseil général participe ainsi – tout en conservant leur rôle de contradicteur - à la réflexion et la mise en œuvre du RSA, d’une façon constructive et pacifiée, ce dernier qualificatif ne semble toutefois par correspondre aux relations entre Conseil général et élus de gauche d’autres collectivités. Ainsi le « conflit » opposant le département à la ville de Lyon est significatif de ces relations quelque peu tendues et des marges de manœuvre départementales limitées par la contrainte politique. En effet le point d’achoppement entre les deux collectivités réside dans le refus du Maire de Lyon, 250 président du CCAS , d’instruire et de suivre des bénéficiaires du RSA par l’intermédiaire des antennes solidarité du CCAS de Lyon. Gérard Collomb souhaitait en effet être payé pour ces missions, ce que le Conseil général refusa puisque le principe de gratuité de l’instruction est inscrit dans la loi. Il n’est pas dans l’obligation des communes de participer à la mise en œuvre du RSA. Toutefois, certains voient dans la décision du maire de Lyon une posture politique. L’opposition interne au conseil municipal a ainsi protesté contre cette décision qui va à l’encontre du vote du Conseil d’Administration du CCAS en date du 25 mai 2009 actant l’instruction des demandes de RSA pour une durée transitoire de 6 mois soit jusqu’au 30 novembre 2009. De son côté Gérard Collomb se défend en arguant du risque financier craignant que « les finances de la Ville en supportent seules le coût » 251 . Son adjointe Najat Vallaud-Belkacem précise que cette décision repose sur « une 252 nécessité technique, administrative et financière » dénonçant le désengagement de l’Etat de ses prérogatives sans aucune contrepartie financière, et soulignant le risque de multiplication de guichets et d’incapacité des équipes administratives de réaliser cette tâche d’instruction. Cette décision de la ville de Lyon se comprend également à la lueur des relations passées avec le département qui n’ont pas été des meilleures. Gérard Collomb a 253 ainsi dans la délibération précité fait état « d’une mauvaise expérience » en matière de gestion du RMI. En effet jusqu’en 2004, la ville de Lyon était conventionnée par le Conseil général pour le suivi des bénéficiaires lyonnais. Le non-renouvellement de cette convention a, selon l’intéressé, posé des difficultés en terme de ressources humaines, puisque 52 agents s’occupant de la gestion du RMI ont du être redéployés dans d’autres services. A la lecture des délibérations, vraies joutes verbales, opposition et municipalité en place semblent camper sur leur position. Quant au Conseil général, il n’a pas décidé de verser une quelconque somme au CCAS de Lyon, mais a cependant été placé en difficulté par ce refus, 248 Entretien avec Mme Burricand, conseillère générale PCF du canton de Vénissieux. Robert LAFORE pointe également « la prestation de solidarité active, en sa qualité de complément fiscalisé de ressources, vient donc diluer les statuts professionnels dans l’assistance », p 230. 249 250 251 Entretien avec Mme Burricand, conseillère générale PCF du canton de Vénissieux Tout CCAS est présidé par le maire. VILLE DE LYON, « Procès verbal de la séance relative à la Convention – Groupement de commandes entre la Ville de Lyon et le Centre Communal d’Action Sociale de Lyon relatif au dispositif Localyon - Aide à l’accès locatif des agents de la Ville de Lyon et du CCAS de Lyon », 29 juin 2009, [en ligne] [page consultée le 07.11.2009] < http://www.lyon.fr/static/pdf/200907/cr/20091532.pdf> 252 er VILLE DE LYON, « Procès verbal de la séance relative à la Convention entre la Ville de Lyon et le C.C.A.S », 1 juin 2009, [en ligne] [page consultée le 07.11.2009] <http://www.lyon.fr/static/pdf/200906/cr/20091469.pdf> 253 66 VILLE DE LYON, 29 juin 2009, op. cit. BERT Delphine - 2010 Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? puisque les CLI des arrondissements lyonnais sont les plus importantes. Le département a ainsi du s’organiser pour pallier cette difficulté. Ainsi des moyens supplémentaires en termes d’effectif ont été déployés dans les maisons du département, et la CAF, avec le RSA, se charge désormais de l’instruction pour les territoires de Lyon et Villeurbanne. Ce conflit « politique » entre ville de Lyon et le Conseil général reflète également la dimension politique et polémique d’un tel dispositif comme le RSA. A noter que le CCAS de Vénissieux a également refusé d’instruire, mais pour des raisons idéologiques clairement affirmées selon les conseillers généraux communistes, le PCF s’étant largement opposé à la mesure RSA comme souligné précédemment. Tensions, et contraintes politiques au niveau municipal certes, mais aussi à l’échelon régional. Les « relations intergouvernementales » à l’œuvre entre les différentes collectivités 254 à propos du dispositif RSA se caractérisent ainsi par un jeu d’ « associés-rivaux » . L’existence de rapports de force nuance le constat d’une coopération et coordination 255 comme substitutifs à la séparation et hiérarchie formelle . Il semble en effet que les relations entre le Conseil général et le Conseil régional ne soient pas des meilleures quant au partenariat les liant. Certes, une convention relative aux places de formations réservées aux bénéficiaires du RSA existe, et bien que les objectifs soient respectés, des tensions persistent entre les deux collectivités. Il semble que d’un côté une meilleure coordination du RSA avec les dispositifs de formation régionaux au premier rang duquel 256 le CARED soit souhaitée, et que de l’autre un nombre plus élevé de places réservées aux bénéficiaires du RSA soit demandé. En outre le point d’achoppement semble se situer – selon les chargées de mission de la Région – dans le refus de la collectivité régionale d’accorder au département le statut de prescripteur sur les entrées en formation, ce rôle restant dévolu à Pôle emploi. Cette configuration semble en effet poser problème au Conseil général qui dans les faits réalise déjà la prescription, Pôle emploi apportant son tampon. Le statut de prescripteur leur permettrait d’alléger la lourdeur des procédures. Ainsi entre les deux institutions, la communication semble défaillante. Le comité de pilotage qui devait se réunir régulièrement, ne l’a été qu’en octobre. De plus le Conseil général, 257 acteur et financeur du Contrat Territorial Emploi Formation (CTEF) – dispositif territorial de la Région recouvrant un plan d’action et de formation – n’assiste que rarement aux 258 instances associées. Toutefois comme le reconnaissait l’agent de la Région , malgré le dysfonctionnement du volet politique, le versant opérationnel fonctionne. Les bénéficiaires, par l’intermédiaire de Pôle emploi, bénéficient effectivement de formation. Une amélioration des relations institutionnelles ne serait cependant que bénéfique pour la situation des bénéficiaires. 254 255 MABILEAU, 1995, op. cit, p 68. JP Gaudin aussi Reprise d’une citation de MENY ET SUREL : « la coopération et la collaboration entre niveaux se substituent à la séparation et à la hiérarchie formelle », cité dans le chapeau du chapitre I. 256 257 Contrat d’aide et de retour à l’emploi durable Cf. REGION RHONE-ALPES, « Plan régional pour l’emploi – Contrat territorial emploi formation », [en ligne] aout 2005, 2 p. [page consultée le 20.04.2010] <http://www.rhonealpes.fr/139-contrats-territoriaux-emploi-formation-ctef.htm> 258 Entretien Mmes Nicole Thomas et Isabelle Herbster, chargées de mission à la Direction de l’Emploi, de la Formation continue et de l’Egalité professionnelle à la Région Rhône-Alpes. BERT Delphine - 2010 67 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Cette absence de communication, ces tensions constatées entre les deux collectivités nous amène à réfléchir sur le poids du politique. Il est vrai que la période électorale régionale n’a pas favorisé l’amélioration de la situation. Tous attendaient de la mise en place du nouvel exécutif local un renouvellement des relations. A suivre donc. Les jeux politiques internes, et externes opposant des collectivités « associés-rivales » sont autant de contraintes que le Conseil général doit prendre en compte dans la gestion du RSA. Des rapports de force sont ainsi à l’œuvre, la gouvernance locale n’est pas exempte de rapports de concurrence et de conflits. Un Etat de retour, l’UE en filigrane… Ainsi le cadre financier et réglementaire fixé par l’Etat les rapports de force politiques locaux viennent limiter les marges de manœuvres départementales. On observe donc la permanence de rapports verticaux et d’une contrainte étatique qui tend à réinstaurer une dimension hiérarchique au sein des rapports entre département et Etat, dimension qui semblait avoir disparue avec la décentralisation du RMI. Cependant, cette contrainte réglementaire et financière qui pèse sur le Conseil général laisse apparaître en filigrane une dynamique externe, celle de l’Union européenne. En effet, certains observateurs considèrent que le déclin de l’autonomie fiscale et réglementaire locale résulte « moins 259 d’évolutions endogènes que de contraintes exogènes » . Ainsi les engagements européens en matière budgétaire, au premier rang desquels le Pacte de Stabilité et de Croissance issu du traité de Maastricht fixant les règles en matière de dette et déficit publics, mais également les normes européennes – telles la Directive Services ou le Paquet « MontiKroes » - obèrent indirectement les marges de manœuvres départementales. Quoi qu’il en soit, l’Etat ne doit pas être dédouané de ses responsabilités. En tant que membre de l’UE, il pèse dans le processus décisionnel. Les normes européennes sont aussi 260 sujettes à « un travail de construction sociale et de légitimation » pouvant ou non être valorisées. L’Etat reste maître des contraintes qu’il impose aux départements. Le Conseil général – dans ce contexte de contraintes pesant sur ses leviers d’action – se doit d’activer un certain nombre de ressources pour conserver quelques marges de manœuvre. Section 2 : Entre efficacité et humanisme : un département à la recherche de marges de manœuvre Ainsi, face à cet ensemble de contraintes, le département est à la recherche de marges de manœuvre. Il existe au sein du Conseil général du Rhône pour toutes les raisons évoquées précédemment une vraie préoccupation pour les politiques d’insertion. A l’impératif d’efficacité dicté notamment par la contrainte budgétaire et réglementaire, le département mobilise un certain nombre de ressources afin de préserver la dimension humaine d’un dispositif, qui concerne majoritairement – ne l’oublions pas – les franges les plus en difficulté de la population française. 259 260 LE LIDEC Patrick, 2008, op. cit., p 272 LASCOUMES Pierre, LE GALES Patrick, Sociologie de l’action publique, Paris, Armand Colin, 2006, p 91 : ils montrent que pendant une certaine période l’impératif européen de déficit budgétaire fut « allègrement ignoré » 68 BERT Delphine - 2010 Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? 1 : Un impératif d’efficacité ou le développement d’une logique gestionnaire Le poids des finances, principalement, semble orienter la gestion du dispositif RSA vers les préceptes d’un Nouveau Management Public (NMP), « véritable puzzle doctrinal, mélange d’axiomes tirés de théories économiques (économie du public choice, théorie des coûts de transaction, théorie de l’agence) et de prescription issues de savoirs 261 de gestion » . Cette doctrine néo-managériale - qui se décline selon un triptyque politique, budgétaire et organisationnel - repose sur des principes de performance et de transparence et des concepts de contractualisation, contrôle et rationalisation. Introduite 262 en France – sous l’influence anglo-saxonne - à la fin des années 1960 et « selon des modes incrémentaux » depuis les années 1980, ce Nouveau Management Public 263 s’installe avec force au tournant des années 1990 . Pour certains, cette logique « déborde manifestement le social, mais celui-ci reste l’un des terrains de colonisation les plus perméables » 264 sous les effets de la décentralisation et de la construction européenne. 265 L’impératif d’efficacité issu du NMP se retrouve ainsi sur notre terrain d’enquête et se traduit par la mise en place d’objectifs clairs à respecter et de résultats à atteindre, par un coût à observer et la crainte des associations de disparaître ainsi que par la priorité accordée à l’insertion professionnelle. Des objectifs à respecter, un résultat à atteindre Les partenaires liés au Conseil général par une convention, et par un cahier des charges pour les organismes référents sont ainsi soumis à un certain nombre d’objectifs à respecter. Concernant le volet insertion, tous les référents socioprofessionnels et professionnels – à 266 l’exception des référents sociaux – ont ainsi des résultats en termes de sorties positives à atteindre. Ces objectifs qualitatifs sont quantifiables et donc mesurables. Ainsi le cahier des charges des référents socio-professionnels – découlant de la convention PDI/RSA précise que 55% des bénéficiaires doivent sortir à l’emploi, grâce pour 25% à des contrats tels que le CDI, CDD de plus de trois mois y compris dans le cadre d’une structure d’insertion 261 BEZES Philippe, Réinventer l’État. Les réformes de l'administration française (1962-2008), Paris, PUF, coll. « Le lien social », 2009, p 37. 262 Sous l’angle de la rationalité budgétaire avec la Rationalisation des Choix Budgétaires (RCB) sur le modèle du Planning Programming Budgeting System (PPBS) américain. 263 Philippe BEZES parle du tournant néo-managérial qu’il explique par trois facteurs principaux, à savoir…., Il conclut en s’interrogeant sur « l’appropriation politique du tournant néomanagérial » avec la présidence de Nicolas Sarkozy, in BEZES Philippe, le tournant néomanagérial de l’administration française, inBORRAZ Olivier, GUIRAUDON Virginie (dir.), Politiques publiques. . 1. La France dans la gouvernance européenne, Paris, Presses de Sciences Po « Académique », 2008, 368 p. 264 CHAUVIERE Michel. Trop de gestion tue le social. Essai sur une discrète chalandisation , Paris, 2007, La Découverte, coll. Alternatives sociales, p 9. 265 Entretien M. De Lavernée, Vice-président en charge de l’insertion utilise ce mot : « ça nous oblige à travailler sur l’efficacité des leviers de l’insertion » 266 Cf. Entretien Mme Dardier, Directrice adjointe du CCAS de Saint-Fons « on n’a pas d’objectifs de placement, on a un objectif d’accompagnement » BERT Delphine - 2010 69 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. 267 par l’économique, Contrat Initiative Emploi (CIE), Contrat Aidé Unique (CAU) marchand, création d’entreprise effective, et grâce pour 30% à un CAE, CAU non marchand, CDD ou à des missions d’intérim de moins de trois mois y compris dans une structure d’insertion par l’économique, ou à une formation de plus de quatre mois. Quant à la convention PLIE/ RSA, l’objectif est plus contraignant, il est de 50% de sorties positives – à savoir un CDD de plus de 6 mois, CDI, une création d’activité ou formation qualifiante – dont 42% en emploi durable et 8% en formation qualifiante. En ce qui concerne l’équipe conventionnée de Pôle emploi, les conseillers ont un objectif de placement de 80%. Quant au volet allocation, les acteurs sont également contraints par un certain nombre d’objectifs à respecter dont les indicateurs correspondent à ceux fixés dans la Convention d’objectifs et gestion (COG) entre la CNAF et l’Etat, à savoir notamment la qualité, le délai de traitement qui est de 85% de demandes satisfaites en moins de 20 minutes. Toutefois ces chiffres relatifs à l’allocation ne servent qu’à des bilans statistiques, dépourvus de toute analyse. Le respect de ces objectifs est regardé au niveau de la Direction de l’Insertion par le biais de bilans semestriels et annuels que les partenaires doivent transmettre au Conseil général. Concernant les référents socio-professionnels, les grilles de bilan doivent contenir 268 des indicateurs quantitatifs et qualitatifs tels que répertoriés sur le cahier des charges. Toutefois, il est important de noter que les structures référentes – excepté Adecco – ne sont pas payées au résultat, et qu’il est extrêmement rare que les conventions ne soient pas reconduites. Mais le Conseil général demeure attentif. 269 Le Conseil général semble ainsi « gouverner par les instruments » . Les tableaux de bord, évaluation, contractualisation sont autant d’outils qui permettent au département d’orienter l’action de ses partenaires. L’instauration de cette « boîte à outils de la traçabilité 270 des pratiques » dans l’action sociale apparaît comme regrettable pour Michel Chauvière, dont le titre de son dernier ouvrage explicite sa pensée : trop de gestion tue le social. En effet il semble que les acteurs du dispositif RSA sur le territoire du Rhône déplorent la mise en place d’une certaine logique gestionnaire se traduisant par l’instauration d’un certain nombre de formalités administratives. Tout rendez-vous, toute action auprès des bénéficiaires doit être consigné, les allocataires doivent émarger à chaque rencontre. Toutefois, cette gestion ultra-développée semble plus provenir de la convention RSA/PLIE – à cause des exigences européennes – que de la RSA/PDI. Il n’en reste pas moins que les associations regrettent de ne plus être dans des schémas de proposition, et redoutent même une instrumentalisation: Font-elles partie de ces « de nombreux exemples [qui] montrent comment l’hégémonie gestionnaire emporte avec elle une révision des ambitions et des convictions des associations » ? La question est posée. Il semble en tout cas qu’ « une partie de la liberté associative s’évapore » 267 271 Ces contrats aidés sont remplacés désormais par le Contrat Unique d’Insertion instituée par la même loi que le RSA. 268 269 270 Cf. Annexe 8 : Cahier des charges, référents socioprofessionnels RSA/PDI 2010 LASCOUMES Pierre, LE GALES Patrick (dir), Gouverner par les instruments, Paris, Presses de sciences po, 2004. « Ces nouveaux outils composent un triptyque : ex ante : les référentiels et les schémas ; in itineris : les bonnes pratiques ; ex-poste : l’évaluation », in CHAUVIERE Michel. 2007, op. cit, p 63. 271 70 CHAUVIERE Michel. 2007, op. cit, p 31 BERT Delphine - 2010 Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? Cette culture du chiffre semble ainsi induire quelques effets pervers, au premier rang duquel la sélection par les référents professionnels ou socio-professionnels d’un certain type de bénéficiaires. Ainsi les travailleurs sociaux doivent souvent faire face à un afflux de bénéficiaires suivis professionnellement « rebasculés » vers du social. Sous couvert de problématiques de santé, de modes de garde ou d’absence aux rendez-vous, les référents professionnels, Pôle emploi notamment, semblent se délester des personnes avec lesquelles une sortie positive semble difficile 272 . Or la mise à l’emploi ou la recherche 273 d’emploi ne relèvent pas des compétences d’assistants sociaux. . De la même façon, les travailleurs sociaux se heurtent parfois à la réticence des structures d’insertion par l’activité économique (IAE) à prendre dans leur programme de formation ou de mise à l’emploi 274 des personnes avec des difficultés trop importantes . Un chargé d’insertion rencontré reconnaissait ainsi que « le niveau d’exigence de l’IAE a augmenté en partie à cause de l’obligation de résultat » 275 . Ce que regrettent également les structures référentes, principalement les associations, c’est la contrainte financière, c’est-à-dire l’atteinte de ces résultats et objectifs au meilleur coût. Un coût minimum à observer et la crainte des associations de disparaître Il existe, en effet, un point d’achoppement entre les référents socio-professionnels et notamment les associations au niveau du financement des places conventionnées. Le Conseil général défend en effet un coût minimum à observer – dû aux contraintes 276 budgétaires – et demande aux associations de réduire leur frais de structures . Face à ces vœux départementaux, les structures mettent en avant la spécificité de leur 277 accompagnement, les coûts incompressibles associés aux suivis des bénéficiaires voire leur santé financière. Tous les représentants d’association rencontrés m’ont en effet précisé qu’avec un coût par place à 472, 80 euros, ils ne pouvaient – avec le RSA - survivre voire se trouvaient en situation déficitaire. Une chargée d’insertion reconnaissait que sa structure avait de « la chance d’être diversifiée, le manque à gagner, on peut le compenser sur d’autres appels d’offre. C’est aussi important de rester sur ce volet là ». En effet être associé à un tel dispositif est nécessaire. Ce partenariat permet de bénéficier « d’un socle 272 273 Entretien M. Mathieu Comte, M. Nicolas Stretti et Mme Peguy Grattessole, assistants sociaux à la MDR de Saint-Fons. Les assistants sociaux de la MDR, et Mme Dardier me l’avaient précisé : « je sais aussi ce que peut faire ou ne pas faire un travailleur social, il y a des choses qui ne sont pas de notre métier. (…) Faire de l'accompagnement professionnel ce n’est pas notre métier ». 274 275 276 Entretien M. Mercier, chargé d’insertion à Recherche et Formation. Idem. Entretien Mme Najjarian, Directrice de la structure d’insertion Innovation et développement et du collectif RMI 69 : Le Conseil général souhaiterait une baisse à 7% alors que les associations se situent à 20%. 277 Notamment le salaire des chargés d’insertion qui est déjà bas, et qui fait qu’un référent peut parfois être dans une situation sociale et financière équivalente au bénéficiaire RSA. BERT Delphine - 2010 71 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. de légitimité permettant d’étendre son implication dans l’action sociale locale à d’autres activités » 278 . Quoi qu’il en soit cette question du financement constitue un âpre débat qui fait l’objet d’intenses réflexions des deux côtés. Deux audits concernant le coût des places ont ainsi été menés par le collectif RMI 69 et le Conseil général et concluent tout deux à un coût similaire de 570 euros. Contraint budgétairement, le département a cependant conservé 279 le coût initial. Cette logique de réduction des coûts avait en partie conduit le Conseil général en 2008 à instaurer un marché public, qui avait finalement échoué. Le département avait dû en effet faire face à des offres en provenance de structures étrangères au territoire local voire national qui n’avaient souvent aucun lien avec le domaine de l’insertion. On ressent chez les associations une vraie crainte de disparaître, avec l’ombre d’un marché public planant au dessus de leur tête : « nos emplois sont menacés, on est dans l’incertitude depuis deux ans, on voit venir cet appel d’offre, nous ça nous fait peur en tant qu’associations » me rapportait une personne en charge d’insertion. La présidente d’une autre structure m’a tenu des propos similaires : « Clairement on est en train de disparaître. On est dans un contexte général où nos subventions sont de plus en plus réduites, on est de plus en plus contraint à rendre des comptes administratifs, financiers de plus en plus pointus. ». Outre la dimension objectifs et coûts, l’importance accordée à l’insertion professionnelle constitue un autre des volets qu’induit une logique gestionnaire et d’efficacité. Une priorité accordée à l’insertion professionnelle, un changement de paradigme 280 L’impératif d’efficacité semble ainsi se manifester à travers la priorité accordée à l’insertion professionnelle. Dans le département, 60 voire 70% du dispositif repose sur du socio281 professionnel ou du professionnel . Certes, le retour à l’emploi est un objectif naturel de tout dispositif d’insertion, cependant il peut être également à lier à cette logique 282 managériale dans le sens où il permet au département d’économiser le versement de l’allocation. La mise en place du RMI avait encouragé cette transformation en opérant un 283 changement de paradigme du social vers l’emploi. Le rapport de 1992 notait ainsi que la compétence des travailleurs sociaux était davantage tournée vers l’enfance et la famille 278 FRIGOLI Gilles, « Lorsque gérer l'action sociale devient affaire d'action collective. Une contribution à l'analyse des partenariats dans l'action sociale territorialisée. Le cas de la lutte contre l'exclusion », Revue française des affaires sociales, n° 4, octobre-décembre 2004, p 90 < http://www.sante.gouv.fr/drees/rfas/rfas200404.htm > 279 280 281 282 L’autre tenant aux normes européennes qu’il fallait appliquer. Au sens de Peter HALL, « Policy paradigm, social learning and the state », Comparative politics, vol 25, 1993, n°3, Entretien de M. Rouvière, Directeur adjoint de l’Insertion au Conseil général du Rhône. LE BIHAN Blanche, MARTIN Claude, « la décentralisation du RMI : une pluralité de logiques d’action », Pouvoirs locaux, n°75 IV/2007, p 65. 283 Ce changement de paradigme peut également s’analyser comme une modification du « référentiel d’action public » au sens de Bruno JOBERT et Pierre MULLER, L'Etat en action. Politiques publiques et corporatismes,Paris, PUF, 1987 72 BERT Delphine - 2010 Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? 284 que vers l’emploi. . Le RMI a correspondu en effet à « un enjeu qualitatif, d’ordre culturel, celui du rapprochement du service social vers le domaine du développement économique local explorant de nouveaux liens entre l’insertion et le secteur de l’économie 285 marchande » . Mais plus qu’un rapprochement, il semble que l’économique ait pris une place prépondérante. Ainsi – comme souligné par Martine Long, maître de conférences en droit public, la logique d’insertion professionnelle est privilégiée. Elle note que cette réorientation des dispositifs d’insertion vers l’insertion professionnelle était déjà très largement présente dans la loi du 18 décembre 2003 malgré le relatif échec du CI-RMA, mais qu’avec la loi instituant le RSA, on a franchit « un nouveau cap » symbolisé par une logique droits/ devoirs. « Désormais, l’insertion sociale est appréhendée comme secondaire et temporaire, 286 l’insertion économique devant, dans tous les cas être recherchée » . Cette logique provient d’une volonté de la part notamment de Martin Hirsch de « décloisonner les 287 politiques d’insertion » et de faire ainsi sortir une partie du public de la case « exclusion ». Ainsi le texte de loi met en avant deux profils de bénéficiaires, ceux suivis pour un retour à l’emploi et ceux qui – en raison de problématiques sociales, de santé ou autres – sont orientés vers un suivi social. Toutefois, il est prévu dans la loi que cette deuxième catégorie de public puisse se tourner vers l’insertion professionnelle dans un délai de 6 à 12 mois. Dans le département du Rhône, bien que l’accent soit mis sur l’insertion professionnelle, 288 cette « vision binaire » n’a pas été reprise et il est admis que toute personne ne peut accéder à l’emploi. En effet, une des spécificités du Rhône réside dans cette troisième voie, le champ socio-professionnel. De même comme me l’ont confirmé les travailleurs sociaux de la MDR, il existe des personnes qui étaient au RMI, au RSA désormais, qui – enlisés dans le dispositif - ne pourront jamais en sortir par l’emploi, leurs problématiques sociales étant devenues trop importantes. 289 Mais le Conseil général s’est, cependant, « saisi de l’opportunité offerte par la loi » qu’est l’orientation vers Pôle emploi droit commun. Cette nouvelle disposition témoigne ainsi de la priorité accordée à l’insertion professionnelle et « d’une volonté de concilier de manière 290 rénovée solidarité et travail » , mais soulève aussi un certain nombre d’interrogations. Cette possibilité d’orientation vers le service public de l’emploi qui peut paraître comme logique voire naturelle pour un dispositif d’insertion, risque au vu des contraintes financières pesant sur le département – de devenir la règle commune dont pourrait pâtir les bénéficiaires 284 285 VANLERENBERGHE , 1992, op. cit, p 346. WARIN Philippe, AVENEL Cyprien, « les conseils généraux dans la décentralisation du RMI », Pouvoirs locaux, n°75 IV/2007, p 59 286 287 288 289 290 LONG, op. cit, p 237. Idem Entretien de M. Rouvière, Directeur adjoint de l’Insertion au Conseil général du Rhône. Idem. DARMON Julien, 2009, op. cit., p 221. BERT Delphine - 2010 73 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. les plus fragiles. En effet, les prestations fournies par Pôle emploi – dans le cadre du droit commun -sont gratuites, le département n’a rien a déboursé 291 . Ainsi la priorité accordée à l’insertion professionnelle est certes un objectif noble dans le cadre d’un dispositif tel le RSA, toutefois, avec cette disposition concernant Pôle emploi, le chemin du retour à l’emploi pourrait s’avérer forcé, et se révéler très difficile pour un certain nombre de bénéficiaires. Les acteurs de terrain ressentent donc la prégnance de l’impératif d’efficacité dans la gestion du dispositif. D’une manière générale, pour certains, « trop de gestion » pourrait 292 tuer le social et un phénomène de « chalandisation » et de « privatisation » traverserait tous les domaines du social. On pourrait ainsi conclure en citant Philippe Bezes : « Le NPM constituerait le « référentiel » ou le « paradigme » des politiques contemporaines de l’administration, c’est-à-dire une doctrine assemblant des diagnostics, des problèmes, des images et des valeurs (impératif d’efficacité ; de transparence, de redevabilité etc.), des normes générales d’action (changer l’organisation, développer un gouvernement par la performance, réformer la procédure budgétaire, etc.) et des instruments (raisonnements microéconomiques, contractualisation, indicateurs de performance, enveloppe globale, 293 standards de qualité pour les usagers, création d’agences, etc.) » . Toutefois, comme souligné par l’auteur précité, le NMP ne peut prétendre à l’universalité, 294 « les configurations politiques, institutionnelles et professionnelles sont primordiales » , elles génèrent effectivement « des modes de production et des types de management public 295 différent » . Ainsi les conditions et représentations internes au Conseil général du Rhône font que les préceptes de cette doctrine néo-managériale se trouvent contrebalancés par une dimension humaine indéniable qui existe au sein du département et de ses instances représentatives. Cette logique gestionnaire – imposée au et par le département en raison des contraintes budgétaires – n’est donc pas la seule à peser, une logique plus humaine anime également le Conseil général, dont l’investissement et les efforts dans le domaine de l’insertion sont reconnus par tous. 2 : L’activation de ressources historiques, politiques et juridiques au service des bénéficiaires Ainsi à cette logique d’efficacité se combine également une dimension humaine, mettant l’accent sur le sort des bénéficiaires. Comme indiqué plus haut, l’influence des idées néomanagériales peut être nuancée par « les conditions [locales] de développement et 291 Contrairement aux prestations fournies dans le cadre de la convention, où le Conseil général finance des postes de conseillers RSA. 292 293 294 295 74 CHAUVIERE Michel. 2007, op. cit, p 15. BEZES Philippe, 2009, op. cit, p 37 Ibidem, p 38 Idem BERT Delphine - 2010 Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? 296 d’appropriation.» . Les paramètres historiques, politiques et institutionnels inhérents au département du Rhône font ainsi que le Conseil général apparaît comme un territoire particulier dans la gestion du dispositif. Ainsi le département réalise depuis l’origine des efforts particuliers visant le bon fonctionnement du dispositif. Il n’est donc pas instrumentalisé comme certains peuvent le penser. L’institution d’un champ socioprofessionnel avec le financement de 80 associations est à cet égard significative. Le rôle de Michel Mercier est prépondérant dans l’organisation de cette politique d’insertion. Ainsi il s’est engagé pour assurer des marges de manœuvres plus importantes aux départements. A l’activation de ressources historiques et politiques s’ajoute également le développement de ce qu’on appelle « la magistrature sociale », terme utilisé notamment par Isabelle Astier dans son étude sur le RMI 297 , à la suite des analyses de Pierre Rosanvallon 298 sur l’individualisation du social et « les nouvelles magistratures du sujet » . Ainsi conseillers généraux et responsables insertion notamment jouent un rôle non négligeable dans l’interprétation du droit en faveur des bénéficiaires. L’importance historique du tissu associatif Dès 1988, les associations d’insertion ont joué un rôle prépondérant dans la mise en œuvre du dispositif RMI. Elles ont œuvré comme « forces de proposition » auprès du Conseil général qui a, semble-t-il, saisi l’opportunité des initiatives associatives. « C’était du pain béni pour le Conseil général que les associations aient des idées, proposent des actions» comme nous l’expliquait la Directrice d’ADL. Cette configuration historique s’explique ainsi – comme l’a reconnu M. Rouvière – par la tradition militante des associations lyonnaises. En effet existe « à Lyon une tradition puissante d’engagement associatif, qui n’est pas 299 aussi dense ailleurs » . C’est ainsi une des spécificités du département du Rhône que d’avoir intégrer au sein du dispositif RMI un nombre important de structures associatives pour des références majoritairement socio-professionnelles. Dans d’autres départements, les bénéficiaires sont soit suivis dans un parcours social par l’intermédiaire d’assistants sociaux du département ou des CCAS ou soit dans un parcours professionnel par le bais de Pôle emploi. Ce tissu associatif fait donc la richesse du département dont les bénéficiaires sont les premiers gagnants. Ce lien entre associations et Conseil général repose ainsi sur une histoire vieille de 20 ans que le département a décidé de ne pas interrompre avec la mise en place du RSA. Le département continue de conventionner et donc financer plus de 80 associations sur tout le territoire. Ces référents associatifs apportent en effet une véritable plus-value en termes d’insertion. Les associations disposent 300 de ressources-clés telles que l’expertise et la connaissance du terrain . Elles dispensent un accompagnement personnalisé tentant de prendre en compte tant les problématiques sociales que les paramètres d’insertion professionnelle. Ainsi en termes de résultats, les associations apparaissent comme des structures référentes de qualité. 296 297 298 299 300 Idem, adaptation de la citation du national au local. ASTIER Isabelle, 1997, op. cit. p 16. ROSOVALLON Pierre, la nouvelle question sociale. Repenser l’Etat providence, Paris, Seuil, 1995, p 211 Entretien M. Lavernée, Vice-président chargé de l’Insertion au Conseil général du Rhône. FRIGOLI Gilles, 2004, op. cit, p 91. Pour illustration, les chargés d’insertion de Recherche et Formation sont formés aux conduites additives. BERT Delphine - 2010 75 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. 301 Ce maillage territorial est donc la preuve d’un effort, d’une « volonté politique claire » qui est celle de Michel Mercier depuis l’origine du dispositif, ou quand le politique se mue en ressource… Le politique comme ressource : le rapport Mercier /Etat ou l’importance de la figure du notable local disposant d’une assise nationale Le politique ne doit ainsi pas être vu seulement comme une contrainte mais également comme une ressource, non négligeable dans un département où l’exécutif local exerce 302 également un mandat national de premier rang . Ainsi face aux contraintes pesant sur le département, au travers desquelles on observe un retour du pouvoir étatique, le département tend à dégager des marges de manœuvre. Il y ainsi toujours une volonté d’autonomisation qui se manifeste par la figure politique de Michel Mercier, toutefois ce rôle du politique peut également nous ramener au modèle centre/périphérie à la Grémion dans lequel l’élu local joue un rôle prépondérant. Certains revendiquent la permanence - avec la décentralisation - du pouvoir notabiliaire et voient dans les élus cumulant mandats locaux et nationaux « de grands notables (…) qui assurent le relais entre le centre et la périphérie » 303 . Toutefois avec la décentralisation, l’élu intercesseur est aussi décideur. Ainsi le rôle du président du Conseil général du Rhône est d’autant plus intéressant et important que ce dernier, figure de notable local dispose d’une part d’une assise nationale et d’autre part est très investi dans les politiques d’insertion. Ainsi « situé à l’interface entre des mondes disjoints et irréductibles l’un à l’autre, celui de la rationalité des bureaux et des ministères d’une part et celui du monde vécu d’autre 304 part, il assure la jonction minimale entre des logiques nécessairement en tension » . Le département, par la figure de Michel Mercier président du Conseil général mais aussi sénateur hier et ministre aujourd’hui, a participé à la construction de la politique du RMI puis du RSA. Les nombreux rapports cités en introduction, les amendements et propositions de loi également illustrent cette intervention politique du département par le biais de son Président. De même pour le RSA, Michel Mercier s’est investi dans la mise en place du dispositif. Le Conseil général du Rhône a participé à la rédaction du livre blanc et à l’écriture de la loi, et Michel Mercier fut l’auteur d’amendements, notamment concernant l’article 6. De plus, le président de l’exécutif local s’est chargé lui-même de la mise en place de la convention liant le département à Pôle emploi avec le Directeur général, Christian Charpy, s’étant auparavant engagé pour l’organisme demeure un établissement public 305 . Ainsi Michel Mercier joue de sa stature locale et nationale pour participer à l’élaboration et la mise en œuvre du dispositif, et ainsi en garantir le bon fonctionnement et préserver les 301 Idem : « on a une volonté politique claire exprimée par le président qui connaît bien les questions insertion, qui connaît les questions du RMI en étant parlementaire, qui a participé avec le DGS à la définition d’une politique nationale » 302 303 Mais aussi important dans un contexte de présidentialisation des institutions explicité in MABILEAU, 1995, op. cit, pp 109-115. Michel Mercier fait ainsi partie de ces élus qualifiés de « supernotables » qui « disposent de ressources politiques et administratives indispensables à la mise en œuvre [de son action] », « débordent de leur assise électorale » et « ont accès au pouvoir central où ils exercent – hier, aujourd’hui et demain –des responsabilités », in MABILEAU, 1995, op. cit , p 116. 304 A propos de la figure du notable local. LAFORE Robert, « les espaces locaux de la protection sociale. Rapport de Synthèse », in AUBIN Gérard et GALITANO Bertrand (dir.), 2004 , op. cit,p 541. 305 76 Par le biais d’un amendement. BERT Delphine - 2010 Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? intérêts du département. C’est ce qu’explique Patrick Le Lidec à propos plus généralement de la réforme des institutions locales : « les choix réalisés aux plans constitutionnel comme législatif sont, dans notre pays, fortement tributaires des préférences collectivement 306 exprimés par les élus locaux » , cette influence des élus locaux reposant sur quatre mécanismes, à savoir le regroupement dans des associations nationales généralistes type ADF, le cumul des mandats parlementaires et locaux, le pouvoir du Sénat et la composition « locale » du personnel gouvernemental. Ces paramètres structurants « limitent [ainsi] fortement les marges de manœuvre des gouvernants dans la fabrication des réformes 307 des institutions locales » . Le poids de Michel Mercier dans l’élaboration et la mise en œuvre du dispositif RMI/RSA illustre parfaitement la configuration et les jeux d’influence ainsi explicités. A la question de savoir si le président du Conseil général, considéré comme « figure 308 de proue du système local » , profite de ses positions nationales pour obtenir des concessions en faveur son territoire, je n’ai pu obtenir de réponse claire, mais il semble qu’elle soit plutôt positive. Le territoire est, en effet, une donnée fondamentale pour l’élu local 309 et pour la construction d’un leadership . Il faut rappeler que Michel Mercier est à la tête du département depuis plus de 20 ans, et que son action – du moins dans le domaine social – est reconnue par tous. Et c’est sans doute ce prestige local qui lui a permis d’accéder au ministère de l’aménagement du territoire. 310 Il est effectivement décrit comme « viscéralement attaché au département » . La conservation de son mandat local lors de sa nomination gouvernementale atteste de cet attachement. Cette logique d’ancrage et de représentation territoriale peut trouver son origine dans la conception du mandat d’élu local qui est la sienne. « L’élu se voit [alors] comme le représentant et le défenseur d’un territoire circonscrit » 312 311 qui apparaît, en outre, « comme un espace de légitimité politique » puisque lui fournissant un certain nombre de ressources. Ainsi l’hypothèse faite que Michel Mercier intervient dans une logique d’intercession en faveur du département est probable. Toutefois, la clarté de son engagement en faveur des politiques locale est à nuancer aujourd’hui pour certains observateurs politiques locaux. Son changement de statut national, de Sénateur à Ministre de la République, serait ainsi à l’origine d’un détournement, de sa part, des intérêts 306 LE LIDEC Patrick, « la réforme des institutions locales », p 256, inBORRAZ Olivier, GUIRAUDON Virginie (dir.), Politiques publiques. . 1. La France dans la gouvernance européenne, Paris, Presses de Sciences Po « Académique », 2008, 368 p. 307 308 309 Ibidem, p 259. MABILEAU, 1995, op. cit , p 116. Pour le concept de leadership politique, cf. SMITH Andy, SORBETS Claude (dir.), Le leadership politique et le territoire, Les cadres d’analyse en débat, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2003, 291 p. Jacques Lagroye définit le leadership comme une « configuration sociale spécifique » (p 54) où « se pose de façon cruciale la question des rapports entre un leader ou acteur principal et son entourage » (p 55). Nous ne développerons pas ce point ici, notre étude n’ayant pas permis de récolter le matériel nécessaire et suffisant à l’élaboration d’une réflexion. 310 311 312 Entretien Mme Vottero, conseillère générale PS du canton de Saint-Fons. DOUILLET, Anne-Cécile, 2007, op.cit, p 80. DOUILLET Anne-Cécile, « les élus ruraux face à la territorialisation de l’action publique », Revue française de science politique , vol. 53, n° 4, août 2003, p. 599 BERT Delphine - 2010 77 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. départementaux. Cependant, il s’agit d’une hypothèse confirmée mais aussi infirmée par d’autres acteurs. Le temps permettra certainement de voir plus clair dans le nouveau rôle joué par le président du Conseil général. Toutefois, ce dernier symbolise l’activation de ressources politiques qui permettent au département de pouvoir jouer de quelques marges de manœuvres. Des ressources juridiques sont également détenues par les acteurs impliqués dans le dispositif qui tentent de développer une interprétation du droit particulière et adaptée aux situations locales. On est donc loin d’une instrumentation étatique. Le développement d’une « magistrature sociale droit au niveau local 313 » ou l’interprétation du Une des marges de manœuvre du département réside ainsi dans l’interprétation et l’application des textes réglementaires et législatifs sur le terrain. Cette posture va ainsi à l’encontre d’une définition des politiques publiques « comme un système de normes 314 formelles qui encadrent l’action des acteurs, publics ou non, des politiques publiques » . Cette vision juridique impose en effet « l’image d’une administration agissant dans un monde vidé de ses acteurs, de leurs jeux et de leurs stratégies, mais entièrement fabriquée par des règles et des principes conditionnés et finalisés par les exigences supérieures de l’intérêt 315 général » Là se situe le problème pour un droit tel celui de l’aide et de l’action sociale mettant aux prises un certain nombre d’acteurs et fondé sur une certaine subjectivité. Le droit seul ne peut définir le cadre des politiques publiques. Au contraire les règles 316 normatives sont des ressources avec lesquelles les acteurs de terrain jouent . Le cadre réglementaire et législatif est certes fixé au niveau national, mais un travail très important d’interprétation du droit se joue au niveau local pour des dispositifs décentralisés tels le RSA. Robert Lafore soulignait ainsi que « la dimension de proximité recouvre en réalité une capacité requise pour adapter les normes centrales et leur conférer la plasticité nécessaire 317 pour que l’épaisseur des relations sociales réelles puisse être prise en compte » . En effet les diverses instances locales décrites dans notre première partie et acteurs participent ainsi à la redéfinition du contenu des normes, se dotant ainsi de «normes secondaire 318 d’exécution » expression de Pierre Lascoumes qui affirme que « dès que l’on s’attache aux conditions d’application, d’un texte de loi ou d’un règlement précis, le caractère unitaire 313 314 315 ASTIER Isabelle, 1997, op. cit, MASSARDIER Gilles, Politiques et actions publiques, Paris : Armand colin, 2003, p 23 Ibidem p 24, in CAILLOSSE Jacques, « le droit comme méthode, réflexion depuis le cas français » in CAILLOSSE, DE BECHILLON, RENARD, L'analyse des politiques publiques aux prises avec le droit, Paris, LGDJ, 2000. 316 317 LASCOUMES Pierre, « Normes juridiques et mise en œuvre des politiques publiques », l’Année sociologique, 40, 1990, p 58. LAFORE Robert, « les espaces locaux de la protection sociale. Rapport de Synthèse », in AUBIN Gérard et GALITANO Bertrand (dir.), 2004 , op. cit. p 541. 318 Entendues comme des normes d’interprétation d’après la typologie de Lascoumes. A noter que la notion de règle secondaire provient du théoricien anglais Hart, comme indicateur des systèmes de droit développés, inLASCOUMES Pierre, « Normes juridiques et mise en œuvre des politiques publiques », l’Année sociologique, 40, 1990, pp. 62-63 78 BERT Delphine - 2010 Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? du droit formel éclate à l’observation face à la multiplicité des situations particulières et des réponses pragmatiques qui leur sont faites » 319 . Dans le cadre du dispositif étudié, ce travail d’adaptation aux situations, d’interprétation du droit national se fait principalement par les conseillers généraux et les responsables insertion qui président chacun les différentes instances de décision relatives à l’attribution du RSA. Il est ainsi possible que d’une CLI à l’autre 320 , les décisions puissent varier. Nous pouvons ainsi reprendre l’expression de « magistrature sociale » 322 321 utilisée par Isabelle Astier pour qualifier l’activité des CLI dans lesquelles les différents acteurs en présence délibèrent et ajustent l’attribution d’un droit, celui de l’insertion. La particularité de la magistrature sociale est ainsi pour l’auteur « l’évaluation des situations des individus fragilisés ou en voie de l’être, tentant de concilier une logique générale de production d’égalité et une logique de l’identité pour assurer plus d’autonomie et de sécurité aux 323 personnes concernées » . Ainsi concernant notre terrain d’enquête, les présidents de CLI et des instances d’orientation, de médiation et techniques territoriales - à savoir les conseillers généraux et responsables insertion des MDR - sont soucieux pour la plupart de 324 « différencier les situation individuelles » et d’interpréter le droit dans un sens favorable aux bénéficiaires. Ceci n’est cependant pas le cas dans toutes les CLI, c’est ainsi que les applications législatives peuvent être différentes d’un territoire à l’autre. Cette liberté d’action 325 est selon Michel Borgetto à lier avec « la procéduralisation du droit » - mais aussi avec la nature même du droit à l’aide sociale, un droit subjectif qui « n’étant non pas défini de façon universelle, mais apprécié aux cas par cas c’est-à-dire in concreto, le droit à l’aide sociale laisse bel et bien à ceux qui sont chargés de son application une latitude qui, pour n’être pas illimitée, n’en est pas moins tout à fait conséquente » 326 . Ainsi l’orientation vers Pôle emploi droit commun qui doit se faire pour les bénéficiaires de RSA « socle et activité » – selon la loi – est plus ou mois effective selon les territoires. Il en est de même pour l’application de la disposition législative prévoyant qu’un contrat « social » devait devenir professionnel au bout de 12 mois de suivi. Ainsi comme l’affirme Isabelle Astier, quand «l’usage des normes n’arrive pas encore à se faire , il manque 319 320 321 Ibidem, p 45. Il insiste également sur l’importance « des régulations par le bas », ibidem, p 57. Compris au sens de découpage géographie donc de territoires. Expression utilisée par d’autres auteurs, tels WELLER Jean-Marc dans son article intitulé « une controverse au guichet : vers une magistrature sociale ? », Droit et société, p 44.45 ou GARAPON Antoine, « le sujet de droit », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 31, 1993. . 322 323 Compris en tant qu’instances. ASTIER Isabelle, « Dossier les magistrature sociales », [en ligne] Droit et Société, 44/45 -2000 ,p 86. [page consultée le 14.05.2009], < http://www.reds.msh-paris.fr/publications/revue/pdf/ds44-45/ds044045-00.pdf> 324 325 ASTIER Isabelle, 1997, op. cit, p 43. BORGETTO Michel, in BORGETTO, CHAUVIERE (dir.), 2008, op. cit. p 19-20 : il observe depuis les années 80 dans le champ de l’action sociale un passage d’une normativité substantielle (définition de droits à prestations) à une normativité procédurale caractérisées par des procédures d’action collective, telles que l’établissement d’instances multipartenariales (commissions, conseils), d’instruments d’orientation (plan, programme etc.) et contractualisation entre acteurs. 326 Ibidem, p 24 BERT Delphine - 2010 79 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. de jurisprudence (…) [les] professionnels tentent de réduire l’écart entre la règle et les 327 pratiques, entre le droit et les faits » . Cette capacité d’interprétation individualisée du droit n’est pas détenue par tous, mais semble être l’apanage des gens de terrain pour certains, des politiques pour d’autres par opposition aux gens de dossiers ou administratifs « ancrés dans la ligne ». Ainsi « le fait qu’il y ait [dans les instances RSA] un politique, même au-delà 328 de la couleur politique, évite que les gens soient traités de manière trop administrative » . Toutefois il est aussi à souligner que cette latitude d’action peut se trouver strictement limitée par des dispositions législatives et réglementaires qui s’avèrent incontournables dans leur 329 application, ce que regrettait Mme Burricand , qui se félicite cependant d’avoir toujours mis en œuvre le RSA « de façon très humaine » à Vénissieux. Le Conseil général du Rhône met ainsi en œuvre un certain nombre de ressources pour conserver quelques marges de manœuvre dans un contexte relativement contraint. Toutefois, elles ne suffisent pas à passer outre les limites pesant sur les décisions et actions départementales. Elles ne permettent pas d’atteindre une autonomisation totale départementale. « Faut-il aller [alors] plus loin encore et envisager que les collectivités territoriales acquièrent, pour partie au moins, une pleine autonomie dans la détermination 330 de leurs politiques sociales ?» en étant associées à l’élaboration du cadre légal et réglementaire ? La question se pose. Section 3 : Le Conseil général associé à l’élaboration du cadre légal, la clé de l’autonomisation départementale ? Le département est ainsi en quête de marges de manœuvre par l’activation de ressources historiques, politiques et juridiques, mais cela ne suffit pas à diminuer le sentiment d’inquiétude qui anime les dirigeants des collectivités. Au contraire « croît progressivement le sentiment, pour nombre d’élus décideurs, que comme leurs agents, ils deviennent des 331 « « guichets » agissant pour le compte d’autrui, en l’occurrence l’Etat » indiquait en ouverture de son rapport Pierre Jamet, DGS au Conseil général du Rhône. Cette inquiétude provient majoritairement de la contrainte étatique sur le volet allocation puisque comme 327 328 329 ASTIER, 1997, op. cit, note de bas de page 7, p 16. Entretien Mme Burricand, conseillère générale PCF du canton de Vénissieux. Cf. Entretien : « Évidemment que la composition de l’instance et la couleur, pas seulement la couleur et le tempérament du conseiller général etc. intervient », « mais enfin la loi nous contraint » 330 PRETOT Xavier, « La garantie des droits sociaux est-elle compatible avec la décentralisation ? », Droit social, n°2, février 2003, p 192. Il souligne l’exemple des territoires d’outre mer où l’autonomie normative s’étend en particulier à la protection sociale à charge pour l’assemblée délibérante d’édicter les dispositions appropriées en matière de Sécurité sociale et d’aide sociale, en respectant bien sur le principe d’égalité. 331 80 JAMET, MOLEUX, PHILIPPOT, PONROY, avril 2010, op. cit , 86 p. BERT Delphine - 2010 Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? 332 souligné dans le rapport Mercier les deux déterminants quasi exclusifs de la dépense sont fixés au niveau national, à savoir le niveau de la prestation et les conditions de son attribution. Ainsi pour nombre d’élus locaux, au premier rang desquels le Président du Conseil général du Rhône, la clé d’un bon fonctionnement du dispositif et donc de l’autonomisation du département réside dans la nécessité d’une autonomie accrue sur les dépenses. Toutefois, le pouvoir légal départemental s’avère être pour certains observateurs une solution risquée susceptible de remettre en cause le principe d’égalité, à la base de notre pacte républicain. 1 : La nécessité « d’une autonomie accrue sur les dépenses » 333 Les élus et fonctionnaires du Conseil général de premier plan, que ce soit Michel Mercier, Pierre Jamet ou encore Albéric De Lavernée, ils ont tous exprimé cette nécessité d’une autonomie accrue sur les dépenses. Ils réclament un vrai pouvoir de décision sur la gestion et le montant du RMI. Pour Michel Mercier, certes le législateur doit fixer « les conditions suffisantes pour prévenir la survenance de ruptures caractérisées d’égalité dans l’attribution du Revenu Minimum d’Insertion, allocation d’aide sociale qui répond à une exigence de 334 solidarité nationale » , mais ce principe doit être concilié avec celui de libre administration des collectivités. Ainsi pour le président du Conseil général, alors Sénateur, la prééminence des autorités de l’Etat central et l’absence totale de possibilité de modulation de la prestation ne sont pas des données incontournables. Il est possible et même nécessaire « d’inventer un processus de décision qui homogénéise les grandes lignes du régime du RMI au niveau national, mais qui laisse aux responsables du RMI, à savoir les conseils généraux, une place prééminente dans la définition de ce régime » 335 . Michel Mercier tout comme Pierre 336 Jamet dans son rapport plaide pour une association « étroite et déterminante » du département aux décisions concernant le niveau et les conditions d’attribution du RMI devenu RSA. Le rapport de L’IGAS 2007/2008 rejoint cette idée, en pointant la nécessité « de mieux associer les collectivités locales à la fonction normative et la conception 337 des politiques publiques » . Il souligne ainsi que « dans la mesure où législateur continue de définir des politiques nationales, même dans le champ des compétences décentralisées, il importe que son intervention soit réalisée de façon concertée en amont avec les collectivités locales ». A l’appui de ses préconisations, il met en avant l’audit de 338 modernisation de 2007 qui suggérait fortement cette participation à la fonction normative étatique, notamment lorsque l’adoption d’un texte est susceptible de produire une incidence financière. À cet égard, il recommandait d’une part la mise au point d’une étude d’impact 332 333 334 335 336 337 338 MERCIER Michel, 2006, op. cit., p 37. Idem Idem Ibidem, p 38. Idem IGAS, décembre 2008, op. cit, p 97 Idem BERT Delphine - 2010 81 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. des projets de texte pour les collectivités locales ainsi que d’une fiche financière, et d’autre part l’instauration d’un délai permettant la concertation entre la diffusion des projets de 339 textes et leur adoption. De même, le Rapport Lambert plaide pour la création d’une Commission Consultative d’Evaluation des Normes (CCEN) qui permettrait aux collectivités de se prononcer sur la production réglementaire de l’Etat. De même – comme nous l’avions souligné précédemment – l’impact des normes européennes sur l’activité des départements est non négligeable. Le même rapport propose ainsi que cette CCEN soit également le lieu dans lequel les collectivités délivrent leurs avis sur les textes communautaire ayant une incidence technique et financière locale. Concrètement le Président du Conseil général du Rhône pense que bien que réduites des marges de manœuvre quant à la fixation du niveau et des conditions d’attribution de la prestation seraient envisageables pour les départements. Selon lui, un bonus ou un malus pourrait être attribuée par le Conseil général en fonction des efforts d’insertion réalisés par les bénéficiaires d’une part et il préconise d’autre part que les Conseils généraux puissent plus librement apprécier la réalité des conditions d’attribution. Cette collaboration du Conseil général à la fonction normative et corollairement sa liberté d’appréciation et d’attribution de la prestation n’est pas du souhait de tous. En effet 340 les élus de l’opposition semblent plus que réticents face à cette approche , qui - il est vrai - est une solution risquée pouvant conduire à une situation de différenciation et donc d’inégalités territoriales. 2 : Une solution risquée : vers la rupture du principe d’égalité ? Déjà la décentralisation avait suscité des craintes quant au maintien d’une égalité entre bénéficiaires résidant dans des départements différents. Ces inquiétudes se sont révélées légitimes, puisqu’il a été observé d’importantes disparités départementales tant au niveau 341 des dépenses des Conseils généraux que de leur mode d’organisation . Ces inégalités qui existaient, en réalité, déjà avant 2004 comme l’avaient mis en évidence à la fois la Commission d’évaluation du RMI de 1992 et la Cour des comptes dans son rapport annuel de 2001 342 . Ainsi malgré les gardes-fou posés dans la loi du 18 décembre 2003 tendant à éviter tout risque d’inégalité et considérés par le Conseil Constitutionnel comme des éléments 343 garantissant le principe d’égalité , la décentralisation du RMI a engendré ou plutôt accentué la différenciation des situations des bénéficiaires selon leur département de résidence. En effet d’après une étude de la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES), les dépenses départementales en matière d’aide 339 LAMBERT Alain, les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales, novembre 2007, op. cit, p 12. 340 341 Entretien Mme Vottero, conseillère générale PS du canton de Saint-Fons. DREES, les modes d’organisation adoptés par les conseils généraux pour la gestion du RMI suite à la décentralisation, [En ligne], Etudes et résultats n°432, octobre 2005, 12 p . [page consultée le 07.02.2010] < http://www.sante-sports.gouv.fr/IMG/pdf/er432.pdf > 342 COUR DES COMPTES, 2001, op. cit ,845 p. 343 A savoir l’impératif de solidarité nationale et la détermination par la loi des conditions d’attribution et du montant de l’allocation ainsi que les modalités de suivi des contrats d’insertion, d’instruction des dossiers et d’intervention des décisions 82 BERT Delphine - 2010 Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? sociale et du RMI en particulier varient d’un département à l’autre. Ainsi est souligné que 344 « l’effort consacré à l’insertion des allocataires du RMI reste très disparate » . En effet d’une part, la répartition du nombre d’allocataires du RMI sur le territoire métropolitain est très inégale et demeure quasiment la même entre 1999-2001 et 2005 du fait du maintien des disparités économiques entre départements. D’autre part, l’étude précise que les dépenses d’insertion sont variables selon les départements et que leur dispersion d’un département à l’autre s’est accrue depuis la période 1999-2001. Pour expliquer ces disparités sociales, et notamment concernant le RMI, un certain nombre de facteurs sont mis en évidence tels la richesse des départements en termes de revenu fiscal ou de part de foyers imposables, le taux d’urbanisation, ou la structure par âge de la population. Toutefois, l’ensemble de ces éléments ne suffit pas à eux seuls à expliquer les différences entre les départements. C’est là que nous faisons l’hypothèse que la variable politique et donc la volonté politique d’investir dans l’insertion intervient. Outre une différenciation sur le volet dépense, les modes d’organisation départementales varient également, une typologie avait ainsi été dressée de six groupes homogènes de département 345 par une étude de la DRESS d’avril/juin 2006 . Il était ainsi démontré que les départements n’avaient pas atteint le même niveau d’organisation et développé, de manière différenciée, les instruments et partenariats nécessaires à la mise en œuvre du RMI décentralisé. Le taux de chômage, corrélé à celui du nombre d’allocataires, le degré de richesse de la collectivité étaient autant de facteurs avancés dans l’étude pour expliquer ces disparités. De plus, les départements souffrent d’un système de péréquation évalué comme défaillant. La péréquation – soit « verticale », effectuée par l'État dans le cadre de la Dotation Globale de Fonctionnement, ou « horizontale », réalisée entre collectivités territoriales de la même catégorie – vise à corriger les inégalités de richesse entre territoires. Il s’agit depuis 2003 d’un impératif constitutionnel 346 . Or de nombreux observateurs pointent de 347 nombreuses insuffisances dans son application . Les départements en font ainsi les frais. La nécessité de réviser les systèmes dé péréquation, à l’aune notamment de la réforme fiscale locale, semble actée. Toutefois, il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui des départements continuent à souffrir d’une péréquation insuffisante. Ainsi malgré les dispositions de la loi de 2003 censées prévenir les inégalités entre départements, il n’en reste pas moins que les disparités – observées dès la mise en place 344 DREES, les disparités départementales en matière d’aide sociale, [En ligne], Etudes et résultats n°602, octobre 2007, 8p [page consultée le 07.02.2010] < 345 < http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/er602/er602.pdf > DRESS, Dossier solidarité et santé, Etudes diverses, [En ligne], n°2, avril-juin 2006, 82 p. [page consultée le 07.02.2010] http://www.sante-sports.gouv.fr/IMG/pdf/dossier200602.pdf > 346 347 Cf. Article 72 de la Constitution française de 1958. Christelle Branquart, professeur à l'université de Haute-Alsace participant le 4 décembre à un colloque consacré à la péréquation des richesses entre collectivités locales, est formelle : « Que ce soit la péréquation verticale (de l'Etat aux collectivités) ou horizontale (entre collectivités), les moyens mis en balance sont insuffisants et les critères déterminant la réaffectation de ces enveloppes ne révèlent pas la réalité. »: « L'article 72 de la Constitution a seulement une valeur décorative », in VILLEDIEU Clémence, « cherche nouveaux traitements pour péréquation déficiente », [en ligne] Localtis info, 6 décembre 2007, [page consultée le 14.05.2009]<http://www.localtis.info/cs/ContentServer?c=artVeille&pagename=Localtis %2FartVeille%2FartVeille&cid=1196918829998.> BERT Delphine - 2010 83 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. 348 du RMI en 1988 – existent toujours . De fait, la participation du Conseil général à cette fonction normative et donc la possibilité de modulation départementale de l’allocation que réclame notamment le président Mercier aurait des conséquences extrêmement risquées en termes de renforcement des inégalités, comme le pointe Mme Vottero. Ce débat autour des marges de manœuvre départementales, notamment au niveau de la gestion de l’allocation ne peut cependant s’avérer pertinent que dans la mesure où la collectivité conserve - si ce n’est son existence - du moins ses compétences. En effet, le projet de réforme des collectivités souhaitée par le Président Nicolas Sarkozy suscite un certain nombre d’inquiétudes quant à l’avenir de l’institution départementale. 3 : Incertitudes quant à l’avenir de l’institution départementale En octobre 2008, un décret et lettre de mission présidentielle investissaient un comité composé de personnalités et présidé par Edouard Balladur, dont l’objet était de réfléchir 349 à « toutes les modifications d’ordre administratif, juridique ou fiscal » nécessaires à l’évolution de l’organisation territoriale. Les conclusions de ce comité ainsi que les réflexions menées par une mission temporaire du Sénat présidée par le sénateur Claude Belot sont à l’origine de quatre projets de loi déposés devant le Sénat le 21 octobre dernier dont un relatif à la réforme des collectivités territoriales. L’exposé des motifs du texte fait état de 4 objectifs principaux : « 1° Réorganiser les collectivités autour de deux pôles, un pôle départementsrégion et un pôle communes-intercommunalité ; 2° Simplifier le paysage institutionnel en achevant la couverture intercommunale du territoire national, en élargissant le cadre des intercommunalités, en favorisant les regroupements de collectivités sur une base volontaire et en supprimant les niveaux devenus superflus ; 3° Créer des métropoles en offrant à nos grandes agglomérations un nouveau cadre institutionnel plus adapté ; 4° Clarifier les compétences des différents niveaux de collectivités et encadrer la pratique des cofinancements. » 350 . 351 Ce projet de loi, associé à ceux relatifs à l’élection des conseillers territoriaux – élus uniques remplaçant les conseillers régionaux et généraux siégeant ainsi dans les deux assemblées – est considéré comme la deuxième étape de modernisation des institutions après le lancement de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP). Toutefois, bien qu’un consensus existe sur la nécessité de faire évoluer l’organisation territoriale française, des voix s’élèvent quant aux moyens et solutions préconisés, mais 348 349 Même si peuvent être différentes par leur niveau et objet Cf. SARKOZY NICOLAS, lettre de mission adressée au Premier Ministre [en ligne], 22 octobre 2008, [page consultée le 20.04.2010] <http://www.reformedescollectiviteslocales.fr/sa_mission/?mode=letter_mission&intId=2> 350 MINISTERE DE L’INTERIEUR, Projet de loi de réforme des collectivités territoriales, [en ligne] [page consultée le 20.04.2010]<http://www.interieur.gouv.fr/sections/reforme-collectivites/projets-loi/projets-loi/downloadFile/attachedFile/01__Projet_de_loi_de_reforme_des_collectivites_territoriales.pdf?nocache=1262619549.45> 351 Projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, Projet de loi permettant l'élection des conseillers territoriaux en mars 2014, Projet de loi organique à caractère technique. 84 BERT Delphine - 2010 Chapitre 2 : Un département sous contraintes, une autonomisation limitée ? aussi quant aux méthodes utilisées. L’Assemblée des Départements de France regrettait 352 ainsi « l’absence de concertation » concernant l’adoption de l’article 1 du projet de loi portant création du conseiller territorial et concernant subséquemment le redécoupage des territoires, mais déplorait aussi le fond de la réforme craignant notamment une réduction considérable des marges de manœuvre et des capacités d’action des départements 353 . Il existe ainsi, si ce n’est une crainte, du moins une incertitude quant à l’avenir de l’institution départementale. Certains redoutent sa disparition, comme l’avait pourtant préconisé le Rapport Attali, mais les projets gouvernementaux ne sont pas explicites sur le sujet. A l’heure actuelle, rien n’est encore décidé, le projet de loi voté par l’Assemblée Nationale a été largement remanié et voté in extremis par le Sénat par 166 voix contre 160 le 8 juillet dernier. La chambre haute a supprimé deux dispositions clés de ce texte, le mode d'élection du futur conseiller territorial et la nouvelle répartition des compétences entre communes, département et régions, renvoyée à un projet de loi ultérieur. Le texte doit ainsi 354 être examiné à la rentrée en deuxième lecture par l’Assemblée Nationale . Quoi qu’il en soit, un certain nombre d’éléments inhérents à cette réforme permettent de comprendre ce sentiment d’inquiétude chez les élus départementaux : ainsi la fin du mandat de conseiller général - élu de proximité attaché à son canton - pour celui de conseiller territorial, la constitution de métropole recouvrant les découpages départementales ou encore la fin de la clause générale de compétences sont autant de dispositions remettant en cause la collectivité départementale. Certains considèrent ainsi cette réforme non seulement comme une tentative de recentralisation mais également comme l’acte de décès du département au profit d’un nouvel échelon, la région sous l’impulsion européenne 355 . Toutefois, cette réforme territoriale semble loin d’être adoptée, le processus législatif étant encore loin d’être achevé. Le Sénat a ainsi largement modifié le texte adopté par l’Assemblée Nationale en première lecture. L’explication réside certainement dans la 356 présence en nombre d’élus locaux, et notamment départementaux dans la Hautechambre. L’attachement des élus locaux à leur territoire est effectivement prouvé et 357 attesté . La capacité du gouvernement à modifier l’organisation locale dépend ainsi fortement de la position des élus locaux. Or « chaque niveau de collectivité s’estime au moins aussi légitime que les autres et aucun chef d’exécutif local ne souhaite être 358 bridé » . Une réforme d’ampleur ne pourrait ainsi avoir lieu sans une modification du système de production des normes, à savoir le Sénat et le cumul des mandats. 352 ADF, « redécoupage des territoires départementaux : l’ADF regrette l’absence de concertation », [en ligne] 27 mai 2010 [page consultée le 03.06.2010] <http://www.departement.org/sites/default/files/2010-05-27-CP-ConseillerTerritorial.pdf> 353 ADF, « réforme territoriale : rien n’est fait », [en ligne] 9 juin 2010 [page consultée le 20.06.2010] <http:// www.departement.org/sites/default/files/06-Adoption-de-la-reforme-territoriale.pdf> 354 « Sénat : réforme des collectivités adoptée », [en ligne] Le Figaro, 8 juillet 2010, [page consultée le 23.07.2010] <http:// www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/07/08/97001-20100708FILWWW00297-la-reforme-des-collectivites-adoptee.php> 355 VIDAL Pierre-Marie, « la fin du département, Acteurs publics », [en ligne] 25 mai 2010 [page consultée le 06.06.2010] < http://www.acteurspublics.com/article/25-05-10/la-fin-du-departement > 356 357 358 LE LIDEC, 2008, op. cit, p 264. DOUILLET, 2007, op. cit. LE LIDEC, 2008, op. cit, p 264. BERT Delphine - 2010 85 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Les modifications entourant le département apparaissent comme d’autant plus difficiles à entériner et mettre en œuvre que le Conseil général constitue l’échelon privilégié des 359 transferts de compétences, selon un phénomène de « dépendance au sentier » . Les Conseils généraux mieux préparés et organisés ainsi que la prépondérance des élus départementaux dans les assemblées notamment le Sénat sont en effet autant de facteurs qui expliquent cette configuration historique. L’avenir du département demeure incertain : assisterons-nous à une spécialisation de 360 la collectivité sur l’insertion et l’action sociale comme certains le préconisent ; à une carte territoriale à géométrie variable, la présence du département dans chaque région n’étant pas obligatoire 361 critère rural/urbain suppositions. ; à un partage du social entre Conseil général et métropole selon un 362 ? Voilà autant de propositions qui demeurent en l’état de simples Conclusion du chapitre 2 Le Conseil général doit ainsi faire face à un certain nombre de contraintes, financière, réglementaires et politiques qui laissent apparaître en filigrane la permanence de rapports verticaux et de la présence étatique. Le modèle centre-périphérie perdure. Le polycentrisme auquel nous avions conclu est en réalité quelque peu déséquilibré au profit de l’Etat et non au profit du département. Toutefois, loin de conclure à un constat d’instrumentalisation de la collectivité départementale, celle-ci se montre volontaire en activant un certain nombre de ressources, mêlant à l’impératif d’efficacité une dimension d’humanité indéniable. Ces moyens mis en œuvre semblent cependant insuffisants à l’obtention d’une pleine autonomie départementale. Dans ce contexte, les élus et fonctionnaires de premier rang du Conseil général du Rhône préconisent une association du département à l’élaboration du cadre légal et réglementaire. Cette participation serait ainsi la clé de l’autonomisation départementale, la solution pour une décentralisation totale et réussie. Toutefois, cette autonomisation accrue ne va pas sans poser de problèmes quant à l’égalité ou plutôt l’inégalité entre territoires. En effet, conférer des marges de manœuvre au département sur la fixation du montant et des conditions d’attribution de la prestation semble pour certains constituer une atteinte au principe d’égalité, et un risque d’aggravation d’inégalités territoriales déjà existantes. Ce débat n’a toutefois d’importance et même de sens que si la collectivité départementale continue – si ce n’est d’exister – du moins à couvrir le même champ de compétences. Ce qui est loin d’être décidé. 359 360 361 362 86 Idem LAMBERT Alain, , novembre 2007, op. cit , 42 p. PASQUIER Romain, « L’hypothèse de la rupture », Pouvoirs locaux, n°75, IV, 2007, p 126. Entretien M. Rouvière, Directeur adjoint du service Insertion au Conseil général du Rhône. BERT Delphine - 2010 Conclusion Conclusion Un changement d’équilibre limité Albert Mabileau souhaitait ainsi - dans son ouvrage sur le système local français – déterminer « l’impact des réformes qui ont été successivement effectuées comme instruments de codification et de rééquilibrage des relations centre-périphérie pour porter 363 en fin de compte un diagnostic sur le degré de l’autonomie locale au temps présent » . De même notre souhait était – à travers ce travail de recherche – de comprendre l’évolution des relations département/Etat à travers la décentralisation et la création d’un nouveau dispositif, le RSA et ainsi d’évaluer le degré d’autonomisation acquis par le Conseil général. On observe ainsi un « changement d’équilibre entre centre et périphérie » avec la départementalisation du RMI. « Le « gouvernement » de l’action publique se mue en 364 « gouvernance » (…) le partenariat se généralise » . Le modèle centre-périphérie qui prévalait en 1988, à la naissance du RMI, semble être dépassé. L’Etat n’est plus gestionnaire, le département est désormais le chef de file. Le RSA ne semble pas avoir modifié cette configuration institutionnelle, conférant au Conseil général le statut de leader, mais un leader sachant travailler et coordonner l’action d’autres acteurs. Le département s’autonomise en effet de l’Etat par la mise en place d’une gouvernance locale autour d’un certain nombre de partenaires, parmi lesquels l’acteur étatique. Ce dernier devient ainsi – à l’aune du processus décentralisateur – un simple partenaire départemental. On observe donc une horizontalisation des relations dans le cadre d’une configuration polycentrique. L’action publique est négociée, même si le Conseil général demeure, en dernier ressort, le responsable de la politique, l’action publique n’étant qu’un « dilemme entre autorité et action » 365 . Le polycentrisme semble ainsi être déséquilibré au profit du département. Toutefois, à l’analyse, la situation apparaît comme plus complexe. « A y regarder de plus près, les marges de manœuvre des départements semblent plus réduites qu’il n’y paraît 366 quant au pilotage politique » du dispositif. En effet, le département se trouve enserré dans un ensemble de contraintes, qui font poindre le retour de l’acteur étatique. Le cadre financier, réglementaire et législatif fixé par l’Etat – sous initiative européenne pour certains -, mais également les rapports de force locaux – qui nuancent le constat d’une gouvernance horizontale - limitent grandement les leviers d’action départementaux. La coopération et la coordination ne semblent pas avoir effacé le modèle de séparation et de hiérarchie 363 MABILEAU, 1995, op cit, p 18. 364 365 366 LAFORE Robert, op.cit, in AUBIN Gérard et GALINATO Bertrand (dir.), 2004 , op. cit, p 542-543. MASSARDIER, 2003, op. cit, p 85. AVENEL, WARIN, 2007, op. cit,p 61. BERT Delphine - 2010 87 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. 367 informelle . Le polycentrisme auquel nous avions conclu est en réalité quelque peu déséquilibré non au profit du département mais au profit de l’Etat, des relations verticales semblant réapparaître en filigrane. Le modèle-centre périphérie semble ainsi revivre sous le poids des ressources étatiques supérieures et contraignantes. La figure du notable perdure. Ce constat ne peut toutefois nous conduire à conclure à l’instrumentation du département du Rhône. Certes limité dans ses décisions et orientations politiques, le Conseil général se montre actif et volontaire à la recherche de marges de manœuvres. Le président du Conseil général représente certes la figure du notable local intercesseur mais s’avère également – à la faveur de la décentralisation – un élu pleinement décideur. Le département active ainsi un certain nombre de ressources, qui malgré l’impératif d’efficacité, confère à la politique départementale une dimension humaine indéniable. Toutefois, cette configuration politique, historique et institutionnelle particulière ne lui permet pas d’atteindre l’autonomisation souhaitée, elle n’agit que comme une tentative d’opposition à l’acteur central, l’Etat. Face à l’insuffisance de ces ressources dans l’activation de marges de manœuvre départementales, la clé de l’autonomisation totale serait ainsi ailleurs et d’un niveau plus complexe. Elle résiderait dans une maîtrise du cadre réglementaire et législatif. L’autonomisation départementale passerait ainsi par une adaptation locale de la politique nationale mais également par un renforcement des inégalités territoriales. Conférer, en effet, un tel pouvoir normatif aux départements ouvrirait la voie à de possibles disparités. 368 Accepter la différenciation, comme « rançon de la libre administration » et de l’autonomisation, telle est donc la question qui se pose et qui mériterait sans aucun doute plus qu’une simple évocation parachevant une conclusion. Toutefois, cette étude – comme tout travail universitaire – répond à des impératifs de temps et d’écriture. Il n’est pas possible d’aller plus en avant dans l’argumentation. Limité dans son expression, ce mémoire offre cependant un horizon d’ouvertures conséquent. Des limites inhérentes à notre étude, un objet en permanente évolution Des limites sous-jacentes à ce mémoire existent donc. La difficulté principale tient, en réalité, dans la nouveauté du dispositif étudié. En effet, le RSA n’est mis en œuvre que er depuis le 1 juin 2009, c’est ainsi un objet en évolution permanente. Nous avons ainsi 369 dû faire face « au syndrome du terrain interminable » , des analyses, informations ou données nouvelles apparaissant au fil des mois, ou même des jours. L’impression était celle de ne jamais avoir vraiment pu clôturer la phase de recueil de données : en cause l’évolution statistique et législative permanente. En effet, outre le volet principal de notre étude, l’allocation RSA, les versants connexes tels la réforme fiscale et des collectivités territoriales correspondaient à des objets au cœur de l’actualité. Il fut alors nécessaire de 367 Reprise de la citation de MENY et SUREL : « la coopération et la collaboration entre niveaux se substituent à la séparation et à la hiérarchie formelle », cité dans le chapeau du chapitre I. 368 369 88 RIHAL 2009, op. cit, p 205. BEAUD, WEBER, 2003, op cit. BERT Delphine - 2010 Conclusion prendre toute nouvelle information avec beaucoup de précaution. Travailler sur un sujet en train de se faire, voilà une des principales difficultés de ce mémoire dont résultent immanquablement des pistes de recherches inexplorées. Malgré une volonté de produire un travail le plus actualisé possible, des informations trop récentes n’ont pu être analysées dans le corps de cette étude. Elles trouveront ainsi place dans cette conclusion comme horizon d’ouvertures. Un horizon d’ouvertures Il est, cependant, à noter que les dimensions non explorées de ce mémoire ne le sont pas seulement pour des raisons de temps, mais également pour des raisons liées à des choix de recherche, des choix tenant à des impératifs de temps certes mais aussi à une volonté de clarté de la problématique exposée. Ainsi, l’annonce le 6 juillet dernier de mesures relatives à la simplification et à l’amélioration du dispositif par Marc-Philippe Daubresse, nouveau ministre de la Jeunesse 370 et des Solidarités Actives constitue un des éléments clés qui aurait du faire l’objet d’une analyse et incorporation au sein de ce travail. De même, la mise en œuvre du « RSA jeune 371 » dès septembre 2010 pour des personnes de moins de 25 ans ayant travaillé au moins deux ans – soit l’équivalent de 3600 heures – sur une période de référence de trois ans aurait pu trouver sa place dans ce mémoire. Par choix également, certains pans du sujet n’ont pas ou peu été évoqués dans ce travail. Ici est fait notamment référence à toute la « dimension bénéficiaires », qui ne correspond pas à l’angle d’enquête choisi, même si des aspects relevant de ce domaine ont été abordés. Nous pensons aux relations bénéficiaires et administration analysées au travers du concept de « magistrature sociale ». Le RSA fut toutefois considéré – dans ce travail - comme un prisme, pour analyser les relations département/Etat, la configuration institutionnelle et non pas les rapports bénéficiaires/administration. Il serait ainsi possible d’analyser le RSA au travers de l’accès aux droits des bénéficiaires, de la problématique du 372 373 « non-recours » , ou de celle de l’administration au quotidien . Des entretiens avec des bénéficiaires constitueraient à cet égard un matériau très intéressant. La réalisation d’un travail en ce sens paraît aujourd’hui d’autant plus intéressante qu’un premier bilan quantitatif a été dressé et s’est révélé relativement décevant. Un élargissement en termes d’acteurs mais également en termes géographiques aurait pu être pertinent. Il aurait en effet été intéressant de compléter notre travail par l’étude d’un autre département voire de plusieurs autres Conseils généraux. Cette analyse comparative 370 Le 22 mars 2010, le haut commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté et le haut commissariat à la jeunesse deviennent le 371 ministère de la Jeunesse et des Solidarités actives , et Marc-Philippe Daubresse remplace Martin Hirsch. Sur la nécessité d’un RSA pour les jeunes: ALFANDARI Eric, « Le revenu de solidarité active et les jeunes », Revue de droit sanitaire et social, n°2, mars-avril 2009, pp 235-340. 372 373 DUVOUX, op. cit, 2010 et WARIN, op. cit, 2010. Cf. SIBLOT Yasmine, Faire valoir ses droits au quotidien. Les services publics dans les quartiers populaires, Presses de Sciences Po, 2006. DUBOIS Vincent, La vie au guichet, Paris, Economica, 1999. BERT Delphine - 2010 89 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. aurait permis de renforcer la légitimité et scientificité de nos propos quant à la spécificité du département du Rhône. Ainsi ce mémoire – à la fois porteur d’analyses inédites mais également de limites intrinsèques – laisse entrevoir un « horizon d’ouvertures »… à qui voudra le saisir… 90 BERT Delphine - 2010 Annexes Annexes Précision Vous ne trouverez pas dans les annexes les textes législatifs et réglementaires correspondant à notre sujet, les références sont précisées dans le cœur du mémoire et dans la bibliographie. Il ne m’est pas apparu comme pertinent de les publier ici au vu de la complexité et la longueur de ces documents. J’ai préféré utiliser des schémas et autres simplifications pour faire ressortir les dispositions législatives et réglementaires importantes. Annexe 1 : Organigramme du Conseil général du Rhône BERT Delphine - 2010 91 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Source : Site du Conseil général du Rhône. Annexe 2: Evolution schématique de l’organisation du RMI/RSA dans le département du Rhône RMI centralisé (1988-2003) 92 BERT Delphine - 2010 Annexes RMI décentralisé (2004-2009) RSA (2009-) BERT Delphine - 2010 93 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Annexe 3 : Typologie des référents 94 BERT Delphine - 2010 Annexes Annexe 4 : Découpage territorial du Rhône en CLI BERT Delphine - 2010 95 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Source : Documentation interne au Conseil général Annexe 5 : Etapes d’une demande RMI Annexe 6 : Etapes d'une demande RSA /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ 96 BERT Delphine - 2010 Annexes Annexe 7 : Les instances RSA /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ Annexe 8 : Rapports relatifs aux Programmes Départementaux d’Insertion 2010 RAPPORT AU CONSEIL GENERAL DIRECTION GENERALE DES SERVICES DEPARTEMENTAUX DIRECTION DE L’INSERTION Programmation référents RSA de janvier à juin 2010 Mesdames, Messieurs, Ce rapport a pour objectif de présenter la programmation référents RSA pour la période de janvier en juin 2010. er La loi du 1 décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion m’oblige à désigner, dès l’attribution de l’allocation RSA, un référent chargé de l’accompagnement individualisé du bénéficiaire soumis aux droits et devoirs dans son parcours d’insertion sociale et/ou professionnelle. Le dispositif que nous avons mis en place depuis 2004 doit donc s’adapter au nouveau contexte réglementaire. J’ai souhaité que cette programmation se fasse sur six mois dans l’attente de la mise en place de Pôle emploi comme référent unique, du résultat de l’étude que j’ai demandée sur le suivi des bénéficiaires par les référents et du résultat de l’étude menée par l’Observatoire départemental sur les coûts salariaux des référents. En 2009, la programmation référents a fait l’objet de deux rapports : un premier en janvier 2009, qui a permis de mettre en place 11 944 places pour un total de 2 814 782,47 € pour la période de janvier à mai 2009 ; un second en juin 2009, qui a permis de prolonger l’intervention de 83 organismes référents socioprofessionnels représentant 9 093 places et un montant financier de 3 062 195,72 €, et 42 organismes à caractère social représentant 2 821 places et un montant de 868 336 €. Ce rapport intègre l’ensemble des demandes 2010 des organismes d’insertion sur la base des cahiers des charges qui leur ont été envoyés en novembre 2009. Elles ont été examinées par toutes les CLI et ont été validées par les PLIE. Elles ont été présentées à une réunion des présidents de CLI le 10 mars 2010. À l’échéance de janvier 2010, le nombre de bénéficiaires du RSA du département du Rhône est de 25 015 RSA socle (23 283 en juin 2009), 4 582 RSA socle et activité (3 009 en juin 2009) et 9 787 RSA activité (5 404 en juin 2009). Il est probable que cette augmentation se poursuive dans les mois à venir compte-tenu du contexte économique actuel et de l’arrivée dans le dispositif RSA de nombreux demandeurs d’emploi en fin de BERT Delphine - 2010 97 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. droit ASSEDIC. 29 013 personnes sont suivies par un référent : MDR (10 232), Pôle emploi - convention et organismes conventionnés (17 885) et Pôle emploi droit commun (896). er La loi du 1 décembre 2008 a modifié la place de Pôle emploi dans sa mission de service public de l’emploi. Cet organisme peut maintenant devenir référent unique pour des bénéficiaires du RSA soumis aux droits et devoirs en recherche active d’emploi. À ce jour, 16 983 bénéficiaires du RSA sont inscrits à Pôle emploi, dont 13 272 en catégorie A. Il sera nécessaire de prendre en compte cette évolution dans le cadre de la programmation du deuxième semestre 2010. Par ailleurs, le travail en cours avec l’Observatoire départemental nous permettra d’être au plus prêt de la charge réelle qu’implique, pour les organismes conventionnés, l’exercice de la mission de référents. Je vous prie, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir délibérer sur ces propositions. Le Président RAPPORT AU CONSEIL GENERAL DIRECTION GENERALE DES SERVICES DEPARTEMENTAUX DIRECTION DE L’INSERTION Programmation référents RSA de janvier à juin 2010 Mesdames, Messieurs, Ce rapport a pour objectif de présenter la programmation référents RSA pour la période de juillet à décembre 2010. er La loi du 1 décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion m’oblige à désigner, dès l’attribution de l’allocation RSA, un référent chargé de l’accompagnement individualisé du bénéficiaire soumis aux droits et devoirs dans son parcours d’insertion sociale et/ou professionnelle. Le dispositif que nous avons mis en place depuis 2004 doit donc s’adapter au nouveau contexte réglementaire. J’ai souhaité que la programmation se fasse sur le premier semestre 2010 dans l’attente de la mise en place de Pôle emploi comme référent unique et du résultat de l’étude menée par l’Observatoire départemental sur les coûts salariaux des référents. En ce qui concerne la désignation de Pôle emploi droit commun comme référent, le mouvement est maintenant engagé et, à ce jour, 2 848 bénéficiaires sont suivis dans ce cadre en accompagnement individualisé et ont un projet personnalisé d’accès à l’emploi PPAE. Il devrait s’amplifier dans les mois prochains. Actuellement, 10 854 bénéficiaires du RSA sont suivis par un référent MDR et 18 276, par des référents associatifs, les CCAS et Pôle emploi dans le cadre de la convention 2010. Par ailleurs, l’étude faite par l’Observatoire départemental a confirmé l’importance des frais de structure dans les associations d’insertion et les difficiles conditions salariales des chargés de suivi en insertion. À ceci s’ajoute l’obligation qu’aura le Département de se mettre en conformité avec la réglementation européenne dans ses relations avec les associations intervenant dans les politiques sociales. Toutes ces questions seront examinées lors d’une journée de travail prévue en septembre, qui permettra de clarifier les orientations 2011. En 2009, la programmation référents a fait l’objet de deux rapports : un premier en janvier 2009, qui a permis de mettre en place 11 944 places pour un total de 2 814 782,47 € pour la période de janvier à mai 2009 ; 98 BERT Delphine - 2010 Annexes un second en juin 2009, qui a permis de prolonger l’intervention de 83 organismes référents socioprofessionnels représentant 9 093 places et un montant financier de 3 062 195,72 €, et 42 organismes à caractère social représentant 2 821 places et un montant de 868 336 €. En 2010, pour le premier semestre ont été validées par l’assemblée du 26 mars 2010 : 2 381 places de référent social pour un total de 626 717 € ; 9 054 places de référent socioprofessionnel pour un total de 2 592 120,30 €. Ce rapport intègre l’ensemble des demandes 2010 des organismes d’insertion sur la base des cahiers des charges qui leur ont été envoyés en novembre 2009. Elles ont été examinées par toutes les CLI et ont été validées par les PLIE. Elles ont été présentées à une réunion des présidents de CLI le 10 mars 2010. Il est proposé une reconduction à l’identique pour le deuxième semestre. Le nombre de places en moins est lié au retrait du CCAS de Tarare. La variation financière est due à la prise en compte sur 6 mois de places qui l’avaient été sur 3 mois en mars 21010. La demande d’un nouvel organisme a été introduite sur la CLI 14 mais n’a pas fait l’objet d’un accord. Le montant total des propositions du rapport s’élève à 3 241 119,10 € pour 11 405 places. Je vous prie, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir délibérer sur ces propositions. Le Président Source : Site du Conseil général du Rhône Annexe 9: Cahier des charges, référents socioprofessionnels RSA/PDI 2010 /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ Annexe 10 : Note de cadrage 2010 RSA/PLIE /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ Annexe 11 : Cahier des charges PLIE «accompagnement renforcé personnalisé, référent de parcours » Source : Site du PLIE UNI-EST BERT Delphine - 2010 99 La départementalisation de l’action sociale. L’exemple du RSA au Conseil général du Rhône. Annexe 12 : Liste des entretiens /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ Annexe 13 : Grilles d’entretien /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ 100 BERT Delphine - 2010 Sources Sources Sources écrites Textes législatifs et réglementaires « Arrêté du Président du Conseil général du Rhône du 10 juillet 2009 portant désignation des membres des équipes pluridisciplinaires dans le cadre de la mise en œuvre territoriale du Revenu de solidarité active ».[en ligne] [page consultée le 20.01.2010] < www. rhone .fr/content/download/36742/.../recueil_0907.pdf > « Code de l’action sociale et des familles » [en ligne] [page consultée le 17.10.2009] < http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do? cidTexte=LEGITEXT000006074069&dateTexte=20100721 > « Décret n° 2009-404 du 15 avril 2009 relatif au revenu de solidarité active » [en ligne] [page consultée le 17.10.2009] < http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do? cidTexte=JORFTEXT000020521930&dateTexte=&categorieLien=id > « Décret n°88-1106 du 7 décembre 1988 instituant une délégation interministérielle au revenu minimum d’insertion » [en ligne] [page consultée le 1.11.2009] < http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp? numJO=0&dateJO=19881208&numTexte=&pageDebut=15375&pageFin= > « Loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion » [en ligne] [page consultée le 16.10.2009] < http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do? cidTexte=JORFTEXT000019860428 > « Loi n°2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité » [en ligne] [page consultée le 17.10.2009] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do? cidTexte=JORFTEXT000000795529 « Loi n°88-1088 du 1 décembre 1988 relative au Revenu Minimum d’Insertion » [en ligne] [page consultée le 17.10.2009] < http://legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp? numJO=0&dateJO=19881203&numTexte=&pageDebut=15119&pageFin= > MINISTERE DE L’INTERIEUR, « Projet de loi de réforme des collectivités territoriales », [en ligne] [page consultée le 20.04.2010] http://www.interieur.gouv.fr/sections/ reforme-collectivites/projets-loi/projets-loi/downloadFile/attachedFile/01_BERT Delphine - 2010 101 La départementalisation de l’action sociale. 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