Chaîne d`union et violence

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Chaîne d`union et violence
Ypsilon - Bruxelles
CHAINE D’UNION ET VIOLENCE
« Nous travaillons au progrès de l’humanité et concevons notre loge comme un laboratoire
d’idées et d’échanges ».
Notre loge est la loge Ypsilon, fondée en janvier 2008 et membre de la Confédération de
loges Lithos. Cette phrase est extraite de notre Déclaration de principes.
Le temps nous semble venu d’ouvrir les portes de ce laboratoire qu’est une loge afin
d’échanger, non plus seulement entre nous, mais aussi avec le monde extérieur.
Liberté, égalité, FRATERNITE
De ce trinôme emblématique de la maçonnerie adogmatique, nous avons choisi de traiter la
Fraternité et la forme symbolique qu’elle prend dans nos cérémonies : la Chaîne d’Union.
A la fin de chaque tenue, les Frères et les Sœurs forment un cercle, mains enlacées, évoquant
le lien qui les unit aux maçons du monde entier. Les maillons, c'est-à-dire les membres de
l’assemblée, doivent fermer la chaîne pour unifier et ne pas interrompre la transmission de
l’énergie de leur contact, cette énergie qui se répand et circule dans la chaîne. C’est un des
plus beaux symboles du rituel, établissant une relation fraternelle et anti-violente.
Mais de quelle fraternité s’agit-il ?
Voyons d’abord ce qu’elle ne peut et ne doit pas être.
Cette fraternité ne doit pas s’apparenter à l’esprit de clan : se serrer les coudes, être entre soi,
entre « bien-pensants ». Cela peut mener du compagnonnage superficiel aux pires dérives
(favoritisme, « affaires »)
Cette fraternité ne peut s’apparenter à du communautarisme : les membres d’une
communauté, qu’elle soit religieuse, politique, culturelle, linguistique, peuvent se sentir plus
forts en s’unissant entre eux. Ce communautarisme, loin de favoriser la richesse d’une société
multiculturelle, a souvent pour conséquence une ghettoïsation creusant des fossés, des
incompréhensions, et générant des violences tant morales que physiques.
Ce ne peut donc être une fraternité de repli sur soi, de réconfort, voire de protection ayant
pour seul objectif de ne pas être seul(e)s à affronter les périls extérieurs.
Ces formes de fraternité du clan, du repli, du communautarismes ne sont pas maçonniques car
la Maçonnerie a vocation d’universalité. Dans certaines Chaînes d’Union, il est rappelé que
tous les maçons, quelle que soit leur origine, ne forment qu’une seule famille de Frères et de
Sœurs répandus sur la surface de la terre.
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Certes, nous ne pêchons pas par idéalisme ou naïveté : nous n’ignorons pas qu’au sein même
de la maçonnerie mondiale ou tout simplement belge, il y a eu et il y a encore des divergences
de vision, des conflits voire des schismes.
Il n’empêche…Même si l’idéal est loin d’être atteint, il faut le poursuivre. La Fraternité ne se
décrète pas, elle se construit pierre après pierre.
Ce qu’est la fraternité : un idéal et un outil
Notre société manque de repères. Nous savons très clairement ce que nous ne voulons plus
mais ne savons pas toujours ce que nous voulons vraiment Les religions sont rejetées pour
leur côté « prêt à penser ». De même que les rôles traditionnels : un père de famille souhaite
devenir plus féminin avec ses enfants, mais pas trop ; la personne en situation de handicap
souhaite une égalité de respect, pas de charge ; le Belge de troisième génération souhaite
revendiquer ses racines, mais pas celles qui font de lui un étranger dans le pays de ses grandsparents. Face à la perte des repères qu’étaient la famille, la religion, l’idéologie politique,
beaucoup se sentent seuls et les dérives de notre société capitaliste, individualiste, de
consommation ne font qu’aggraver ce sentiment de solitude.
La chaîne d’union symbolise ce que devrait être notre humanité : libre égalitaire et
fraternelle, recherchant l’émulation dans la coopération et non dans la concurrence. Démarche
qui correspond à la nécessité de mettre fin à la séparation entre individus atomisés et l’espèce
à laquelle nous appartenons.
La chaîne d’union : un outil.
En maçonnerie, contrairement aux discussions du monde profane, nous acquérons l’usage
d’écouter sans interrompre et de parler sans être interrompu. C’est une discipline strictement
respectée. Nous apprenons à accepter des critiques bienveillantes et à formuler des propos
forts mais à lame émoussée. Le fait que la prise de parole soit réglementée nous protège de
nos pulsions naturelles, nous force à écouter l’autre et donc à réagir avec plus de sérénité.
Cette pratique de la prise de parole est d’une grande efficacité, non seulement pour le groupe
dont elle écarte toute communication violente mais aussi pour chacun de ses membres. Elle
implique de lutter contre ses préjugés, voire de dépasser ses complexes (de supériorité ou
d’infériorité). Comprendre comment je fonctionne pour essayer de comprendre comment
l’autre fonctionne. Se connaître soi-même pour comprendre les motivations de l’autre et aller
au-delà de la peur et de l’agressivité qui en découle souvent. Dans la chaîne d’union se
concrétise ce désir de communication non-violente et apaisante, basée tant sur la raison que
sur l’émotion.
Un outil : pour quoi faire ?
Nous, membres de la loge Ypsilon, ne voulons pas être des ermites retranchés de la société.
Se perfectionner soi-même n’est qu’une étape. Il faut aussi réfléchir sur le fonctionnement le perfectionnement - de la Cité. Il est temps d’ouvrir vers l’extérieur le laboratoire.
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Les chantiers sont nombreux. Nous avons jusqu’à présent travaillé sur les thèmes symboliques
et philosophiques mais aussi économiques et sociétaux (résistance, laïcité, résilience …).
La violence
La violence est multiforme : elle se produit au niveau des rapports entre les gens, entre les
peuples, violence économique, violences sociales, ethniques. Concentrons-nous sur la
violence économique et par là, sur les violences qu’elle engendre au sein de la Cité.
La violence est la manifestation d’une émotion suite à une blessure, à une frustration.
Longtemps canalisée dans des projets de transformation de la société voire dans des guerres,
elle s’exprime maintenant en violence sociale, celle que nous voyons aux journaux télévisés
ou vivons dans certains quartiers de nos villes.
Sont-ce de simples actes criminels ou de réelles révoltes sociales mues par la colère ? Ces
mouvements s’inscrivent dans des contextes de quartiers où il y a de la ségrégation raciale, de
la pauvreté et de l’exclusion économique. Ils présentent un mélange de rage contre un ordre
social considéré comme discriminatoire, d’appels à la reconnaissance de citoyens invisibles
parce que tenus à l’écart… La police est considérée comme un condensé de l’injustice et de
l’arbitraire. Elle incarne la défense des classes privilégiées, la démission ou l’impuissance des
politiques devant l’ordre économique mondial.
Notre civilisation ne tiendrait qu’à un fil ? Démocratie, liberté, égalité sont-ils devenus des
mots creux ? Et la fraternité une utopie pour bien-pensants ?
La chaîne d’union comme réponse à la violence
Quelle pourrait-être la nature du lien entre la franc-maçonnerie et l’action politique ?
Elle se trouve, selon nous, dans une certaine faculté de rayonnement. Les francs-maçons
apprennent à travailler de manière collective et donc à développer cette faculté d’empathie qui
fait tellement défaut dans le monde individualiste contemporain. Ils apprennent aussi un mode
particulier d’expression, plein de pondération et de respect de la parole de l’autre. Plus encore,
la méthode initiatique leur enseigne qu’en toutes circonstances, il convient de rechercher le
dépassement de soi-même.
Devenir franc-maçon, c’est s’engager dans la difficile recherche d’un idéal fait de fidélité, de
tolérance et d’amour. Pour y progresser nous avons choisi de nous aider de symboles c’est-àdire de signes dans lesquels chacun peut projeter sa propre vision mais qui ont tous pour objet
de créer une symbiose entre le contingent et l’absolu. La chaîne d’union est un symbole de
fraternité. Il engendre une force qu’il s’agit d’utiliser non seulement pour notre propre travail
intérieur mais aussi pour nous aider à accomplir notre devoir au sein de la cité.
Avec infiniment de modestie, mais avec une conviction sans faille, les francs-maçons
contribuent à la lutte contre la violence, et se prennent à rêver du jour où ils pourront
s’inscrire dans une chaîne d’union universelle.
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