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UNIVERSITE PARIS IV – SORBONNE
ECOLE DOCTORALE 6 : Archéologie et Histoire de l’Art
THESE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITE PARIS IV
Discipline : Histoire de l’Art
Présentée et soutenue publiquement par
Corinne BESSON
Le 8 décembre 2007
LA BIJOUTERIE GALLO-ROMAINE EN OR :
Recherches sur les techniques de fabrication
et essais de typologies
« Position de thèse »
Directeur de thèse : Monsieur François BARATTE
JURY
M. François BARATTE
M. Jean-Noël BARRANDON
Mme Nathalie DE CHAISEMARTIN
Mme Catherine METZGER
Mme Hélène GUIRAUD
M. Gérard NICOLINI
L’or, métal inaltérable, inattaquable aux acides, particulièrement malléable et ductile, s’alliant
à d’autres métaux pour mieux résister aux déformations et aux coups, est le matériau le plus
approprié pour allier finesse, ingéniosité et originalité. Ce métal se prête à tous les traitements
techniques : fils, feuilles, fontes, soudures, décorations, montages… et bien qu’il s’agisse
souvent de techniques similaires, les résultats sont pourtant très variés. Ces qualités se prêtent
à l’inventivité des bijoutiers et aux mélanges des genres.
L’Empire romain n’a duré que quelques siècles mais les productions de bijoux en or pendant
cette période montrent une diversité des formes démultipliée par les territoires conquis. Bien
que des modèles de bagues ou de mailles circulent et se retrouvent dans tout l’Empire, chaque
province affirme son identité en ajoutant à cette production des éléments appartenant à sa
culture qui contribuent à la singulariser de sa voisine. Ce fond indigène constitué par des
formes, des décorations et/ou des techniques spécifiques, a donné une impulsion particulière à
la bijouterie romaine qui est difficile à mettre en valeur et oblige à un travail en profondeur
sur chaque bijou étudié. Comment reconnaître une production gallo-romaine d’une production
romaine ? La provenance connue des bijoux ne nous fournit que le lieu de découverte et non
pas celui de la production. Il faut plusieurs bijoux présentant des caractéristiques communes
et provenant du même endroit, de la même ville ou de la même région pour qu’une hypothèse
soit proposée. L’étude technique des bijoux permet-elle ce genre de comparaison ?
La recherche et la localisation des bijoux en or gallo-romains ont débuté auprès des
différentes institutions culturelles, il ne s’agit donc pas d’un inventaire exhaustif. Le catalogue
s’est constitué au fur et à mesure des autorisations d’étude des bijoux dans les musées,
pendant plus de trois années grâce à une allocation de recherche.
Les limites du sujet, le territoire français du Ier au IVe siècles, s’appliquent aux deux cent dixsept pièces du catalogue. Les bijoux conservés dans les musées ont généralement été trouvés
en France. Les pièces de provenance inconnue ont été laissées dans le catalogue parce qu’elles
peuvent avoir été fabriquées sur le territoire. A côté de ce catalogue, cent soixante-dix autres
bijoux étudiés, dont une très grande partie de provenance inconnue, ont contribué aux
comparaisons techniques. Quant à la période impériale romaine, les datations des bijoux sortis
de leur contexte sont rares quand elles ne sont pas imprécises. La datation du contexte
archéologique sert souvent à la datation de ce mobilier sans étude approfondie, les pièces de
monnaies étudiées depuis longtemps et par un grand nombre de chercheurs fournissent ces
datations ponctuelles avec des terminus post quem ou a quo. L’étude de la forme de chaque
bijou ne devrait-elle pas s’enrichir de remarques techniques facilitant et confirmant ou non les
rapprochements avant un essai de datation plus précis ? Bien que les techniques utilisées ne
puissent pas dater les bijoux, elles devraient permettre de cerner quelques productions et à
long terme avec un grand nombre d’études d’affiner les datations.
Ce travail débute par une description très précise par l’intermédiaire de la fiche catalogue où
est présenté le bijou. Après la provenance, la date de découverte, le numéro d’inventaire et
l’entrée au musée, sont précisées les dimensions du bijou et des éléments le composant pour
le différencier d’autres pièces similaires et permettre son étude technique et les comparaisons.
Ces dimensions au centième de millimètre paraissent peut-être excessives mais elles sont
nécessaires pour les éléments du bijou : fils, granules, fond de culot, anneau de suspension,
aplatissement des mailles… Ces détails confirmeront l’homogénéité du montage, les
réparations, les cassures et peut-être le montage d’éléments modernes. Suivent ensuite le
poids, la datation le plus souvent du contexte archéologique, les références bibliographiques,
l’état de conservation et les matières composant le bijou. La description parfois longue met en
place l’observation minutieuse de chaque partie constituant le bijou avec les remarques et
hypothèses techniques qui ont déterminé sa forme actuelle. Certaines se vérifieront dans
l’étude technique. Une annexe en fin de volume sur le vocabulaire aide à la mise en place des
termes professionnels et techniques.
Ces descriptions et les chapitres consacrés aux techniques sont accompagnés d’un grand
nombre de photographies1 argentiques2 faites dans les musées qui appuient le travail effectué
sur les bijoux. Les techniques de fabrication sont expliquées par type d’apprêt, feuilles et fils,
et en respectant les étapes de fabrication jusqu’au sertissage des pierres et pastilles. Un essai
de reconstitution en argent par des procédés modernes, des bracelets de Poiré-sur-Vie
conservés au Musée Dobrée de Nantes, vient à l’appui des observations techniques.
A travers la partie suivante, les techniques et leurs utilisations ont été confrontées en tenant
compte des formes qui sont jusqu’à présent les seuls éléments datant. Le rôle des dimensions
et leurs interprétations favorisent les rapprochements par éléments indépendamment des
bijoux et donnent parfois une idée des dimensions des apprêts. Les bijoux du catalogue ont été
comparés entre eux, avec des bijoux étudiés non versés au catalogue puis à ceux romains.
Mais au fur et à mesure de l’avancement de l’étude, les références bibliographiques ont mis
en évidence la pénurie des études techniques de bijoux et la multiplication des publications de
mêmes bijoux comme ceux des trésors par exemple. Pour accumuler le plus de bijoux, de très
nombreuses références ont donc été nécessaires, les trouver et les localiser n’a pas toujours été
simple malgré les moyens informatiques, mais le temps nécessaire à leur obtention a rendu
cette démarche particulièrement lente et décourageante. Finalement à peine un tiers de la
bibliographie demandée a pu être obtenue. Avec ces articles et ouvrages, des ébauches de
typologies ont été élaborées en tenant compte de la composition de chaque bijou. Tous les
types et les variantes sont loin d’être représentés mais ce classement permet une première
appréciation des formes, des apprêts, de la décoration et du montage. A partir de cet exercice
et avec un nombre suffisant de bijoux de même nature, comme les bagues et anneaux, un
classement typologique et technique est mis en place. Dans ce dernier cas, il ne s’agit pas de
faire un inventaire des formes existantes mais de « ranger » les bagues et anneaux du
catalogue pour mettre en valeur des cohérences techniques et formelles, faire des
rapprochements qui pourraient mener à la production dans un même atelier ou a des
caractéristiques propres à une ville, une région ou à une province romaine. Les autres bijoux,
colliers, bracelets, boucles et pendants d’oreille, ne sont pas assez nombreux pour aboutir à
cette classification, ils en constituent seulement des petites parties, qui sont négligeables pour
les pendentifs et inexistantes pour les « divers ».
Les bijoux sont ensuite remis dans leur contexte de découverte mais la présentation choisie
par départements place chaque bijou au milieu d’autres sans tenir compte de l’importance de
son contexte, trésor ou découverte isolée. La mise en parallèle avec le dépouillement de la
collection des Cartes archéologiques de la Gaule met en valeur le nombre de bijoux
répertoriés par rapport aux bijoux étudiés laissant le champ ouvert à un grand nombre
d’études.
Les états de surface actuels existaient peu à l’époque, tout du moins pas sur les bijoux étudiés,
ce qui a grandement facilité l’observation qui pourrait être complétée par un examen au
microscope binoculaire et des radiographies selon la pièce, mais certaines techniques m’ont
persuadée de la nécessité des analyses scientifiques qui confortent ou non les hypothèses de
façon définitive.
1
Le matériel servant à la prise de vue est un appareil Nikon F-601 muni d’un objectif Micro-Nikkor de 60 mm
permettant un rapport de reproduction de 1:10 à 1:1, avec un soufflet Nikon PB-6 et un flash annulaire Macrolite
Starblitz. Plus de six milles clichés ont été pris dans les musées, quatre mille environ sont versés dans cette
étude.
2
La photographie numérique ne permettait pas la prise de vue de détail et l’investissement nécessaire pour avoir
un matériel performant était disproportionné.
Les quelques analyses présentées en annexe aident à la compréhension de la technique et
donnent des indications complémentaires sur les ateliers et sur l’origine des gemmes. Elles
montrent avec quelles matières, origines et alliages, travaillait l’artisan ; dans quelles mesures
dépendent-elles de lui ? Peut-il choisir son alliage et ses pierres – origine, taille et couleur – ?
L’alliage est-il de composition différente selon les ateliers, selon les provinces, selon les
pays? Alors que les lingots sont marqués, pourquoi les bijoux ne portent-ils pas de poinçons
de fabricants ? En énumérant les artistes ciselant l’argent, Pline remarque que personne n’a
acquis la même renommée en travaillant l’or3.
L’accessibilité aux noyaux ou âmes en partie découverts des bagues, anneaux, bracelets…
devrait également faciliter des projets d’analyses pour dresser un catalogue de références et
peut-être à long terme pour découvrir la spécialité d’un atelier ou d’un artisan.
L’utilisation de la fonte a souvent été difficile à déterminer. En revanche, les fils dans les
sertis clos, les corps dans les bâtes, les ardillons chaussés, l’enrichissement des mailles, les
sertissages des pièces de monnaies … sont des indices techniques dans l’évolution des formes
dont il faut essayer de trouver l’importance dans la production romaine. La sous-traitance
permettrait d’avoir des produits semi-finis et des réparations à moindres frais pour les
vendeurs. Le rôle des marchands ambulants expliquerait plusieurs réparations réalisées
sommairement.
Le bijou ne conduit pas toujours aux différentes étapes de fabrication et aux outils utilisés,
dans certains cas, plusieurs solutions sont envisageables. Pour la bague de la Côte de Delme
par exemple, les techniques avancées pour sa fabrication ont été départagées par
l’expérimentation avec finalement une plus grande rapidité d’exécution en travaillant
directement sur la bande d’or ce qui n’autorise pas à oublier le processus de fonte. La
recherche de modèles similaires s’est avérée vaine pour l’instant même si le type de bague en
fil est composé d’un nombre de variantes très important et vouloir absolument la comparer à
d’autres étudiées obligerait à oublier une ou plusieurs de ses caractéristiques ce qui risquerait
d’entraîner des erreurs de datation. Pour ces pièces non datées, les recherches ne doivent pas
se borner à la période romaine impériale, puisque certaines non versées au catalogue étaient
antérieures ou postérieures. Quoi qu’il en soit d’autres bijoux apporteront des éléments de
réponses avec une technique de fabrication similaire ou non synonyme d’un même lieu de
production ou non. D’autres pièces comme les boucles d’oreille 312 sont plus simples
techniquement mais semblent déplacées dans un contexte romain. D’autres encore ont une
fonction mal définie comme la boucle de ceinture ou fibule annulaire 601 et le collier 202.
Les comparaisons ont amené les datations des types et variantes auxquels se raccrochent les
bijoux étudiés. Par le biais des techniques, l’appréciation des formes a généré une
multiplication de modèles qui passaient inaperçus. Sont apparus des bijoux dont les
techniques ont influencé les productions de Grande-Bretagne et d’Allemagne, des bijoux qui
s’insèrent dans une évolution des formes romaines, et beaucoup d’autres aspects sont encore à
découvrir et à vérifier. Certains éléments comme les types de mailles les plus courants sont
comparés avec des colliers hellénistiques entre autres sans grand résultat. Les études
techniques peu nombreuses ne permettent pas de s’approcher assez près du bijou pour le
différencier de ceux trouvés sur le territoire français contrairement aux catalogues de plus en
plus nombreux.
Le travail sur les bijoux du catalogue n’est pas terminé, les comparaisons indépendamment
des natures de bijoux n’étant pas exploitables pour l’instant.
Les bas-reliefs, les mosaïques et les peintures présentent les personnes qui achètent et portent
ces bijoux. Parfois nombreux, ils participent à l’image que veut donner le propriétaire, les
bijoux ont alors une fonction de représentation et de reconnaissance sociale. Des pièces
3
MARTIAL, IV, 39, IX, 59 ; PLINE, XXXIII, LV, 154-158.
élaborées peuvent avoir été justement choisies pour ces représentations, elles donnent une
vision de la bijouterie de l’époque. Le récapitulatif des modèles et des motifs indiquent quel
bijou était à la mode et où, et il participe à la réflexion sur les influences.
Les propositions de production dans un même atelier devront être vérifiées entre autres avec
les représentations figurées dépouillées, pour faire un catalogue de forme à partir desquelles
les interprétations techniques seront développées et mises en confrontation avec les
productions locales, provinciales et romaines.
Ces recherches contribuent à la reconnaissance des ateliers et de l’artisan bijoutier : la place
de l’atelier en ville, la corporation, la définition du travail en atelier, les différentes façons de
travailler, les situations professionnelles, l’organisation et les statuts, l’approvisionnement en
matières premières, la gestion du stock…
Plusieurs trésors et découvertes présentent ce qui pourrait constituer une petite partie de la
production gallo-romaine :
- il ne s’agit pas systématiquement de création mais de modèles ayant une évolution technique
et/ou formelle particulière.
- certains bijoux sont issus du même atelier, romain ou gallo-romain, mais pas forcément
fabriqués par le même artisan.
- dans un même trésor, des bijoux en plusieurs exemplaires sur le territoire gallo-romain
côtoient des pièces romaines beaucoup plus rares.
…
Il paraît évident, malgré ce travail à peine ébauché, que la bijouterie gallo-romaine existe, il
reste à la définir avec les productions françaises et à comprendre les influences générées.
Avec si peu de bijoux étudiés, seules quelques directions sont apparues au fur et à mesure de
l’étude, les essais de typologies en sont la preuve. D’autres bagues, colliers et autres aideront
à la compréhension de l’évolution et confirmeront ou non ces hypothèses. Plus de mille
bijoux sont répertoriés dans la dernière collection des Cartes archéologiques de la Gaule. La
liste est à compléter avec les plus anciennes, les répertoires et inventaires archéologiques
régionaux et départementaux, les mobiliers conservés dans les musées et les services
archéologiques, les collections particulières,…
La bijouterie romaine est également à étudier selon les mêmes critères parce que des modèles
gallo-romains ont été enfouis en dehors de la France au même titre que les exemplaires
romains en France. Les recherches sur les métaux autres que l’or servant à la bijouterie
complèteront la typologie des formes et mettront en évidence les « spécialités » de chaque
métal.