Homélie funerailles Pierrick Haudidier110622
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Homélie funerailles Pierrick Haudidier110622
Célébration des obsèques du Dr Pierrick Haudidier cathédrale Saint-Charles – 22 juin 2011 Introduction de la célébration par l’évêque : Chère Sophie, chères Juliette, Charlotte, Pauline sans oublier la petite Joséphine. Chers parents, Notre nombreuse assemblée vous dit ce que vous saviez : le choc immense que représente, à SaintEtienne et au-delà, la disparition dramatique de votre époux, de votre papa, de votre fils, de votre frère et beau-frère, le docteur Pierrick Haudidier. Mais, chacun est là, je peux vous l’assurer, en pensant d’abord à vous et au bouleversement que nous ne pouvons que deviner à moins d’être déjà passés par cette épreuve. Nous voulons vous respecter infiniment, vous famille de Pierrick. Frères et sœurs du mouvement scout, des équipes Notre-Dame et de l’ordre de Malte, chers amis pompiers et des établissements de santé, Haut-représentant de l’Etat et des collectivités territoriales, chers tous, l’épreuve que nous partageons ce matin est bien celle de la famille de Pierrick, la famille, creuset du mystère de la vie, reçue et donnée. Nous sommes tous mêlés à ce mystère de vie reçue, donnée et, aujourd’hui, interrompue brutalement. Que chacun et chacune d’entre nous soit profondément respecté, dans son émotion, dans ses interrogations, dans sa foi. Ce moment est intense, ce moment où notre cœur ouvert violemment a tant besoin de présence et de silence. Si nous le pouvons, mettons-nous en présence de Dieu qui pardonne. Homélie 1 Jn 3, 14-20 ; Ps 129 Lc 10, 25-37. Pour mettre Jésus à l’épreuve, un docteur de la loi posa cette question, raconte St Luc (11, 25). Ce matin, nous sommes légitimes à demander à Dieu si ce n’est pas Lui qui nous met à l’épreuve. La question posée à Jésus était celle de la vie éternelle : Maître que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? La nôtre est celle de la vie tout court, celle de la vie qui connaît la mort, alors même que notre instinct, notre cœur, notre élan nous font lutter de toutes nos forces contre la mort et tout ce qui sent la mort. Cela est vrai pour tout personne humaine quelque soit son âge, quelque soit sa profession. Mais, évidemment, le médecin formé par le scoutisme, qui plus est pompier volontaire engagé dans l’ordre de Malte, soucieux de vivre sa vie de couple et de famille à l’école de l’évangile et du Magnificat, en est un témoin éloquent. A la question, Jésus ne réponds pas directement. Il invite son interlocuteur à chercher la réponse dans ce qu’il a reçu de plus précieux: dans la Loi qu’y a-t-il d’écrit ? Que lis-tu ? Le docteur de la loi nous dit aujourd’hui la vocation de Pierrick qui est la nôtre à tous : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même (11, 27). 1 Y a-t-il une question qui ne trouve là, sinon sa réponse, du moins un chemin pour que la vérité advienne ? L’amour est vérité et la vérité est amour. Notre vie –notre vie tout court !- est une énigme qui se déchiffre par l’amour. Lorsque la société ne sait plus quoi faire, elle doit se tourner vers l’amour pour que son chemin s’éclaire. L’amour humain, cependant, semble avoir ses limites qu’expérimentent aussi bien le couple ou la famille que les communautés professionnelles, associatives ou territoriales. La vie tourne bien souvent court, et pas seulement par la mort corporelle. Je pense à ce dont j’ai été personnellement témoin lorsque Pierrick a voulu participer à l’accompagnement d’une famille Rrom. Nos limites humaines sont ici évidentes. Pierrick a voulu aimer et pas seulement en paroles, mais en acte et en vérité (Cf. 1 Jn 3, 18). C’est bien la seconde question que pose le docteur de la loi : Et qui donc est mon prochain ? Autrement dit, jusqu’où aimer ? Jésus nous emmène sur un chemin qui va de Jérusalem à Jéricho, de la montagne à la vallée, de la ville au village, du haut vers le bas. Nous reconnaissons en cette histoire proposée par Jésus une invitation à dépasser des limites et des frontières que, facilement, nous adoptons voire nous créons. Jésus, en fait, va plus loin. Il renverse la perspective. Jésus ne reprend pas la question du docteur de la loi : qui est mon prochain ? Il demande : qui a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits (11, 36). Pour Jésus, le prochain n’est pas d’abord le malade ou le blessé ou celui qui est en panne ; c’est celui qui s’en approche qui devient le prochain, qui se transforme lui-même en prochain. Alors, l’autre devient prochain. L’amour transforme d’abord celui qui aime, celui qui aime dans l’épreuve comme dans la joie. Dieu ne veut pas la maladie, ne veut pas la mort brutale, ne veut pas la dépendance de la vieillesse. Il veut que l’homme, la femme, l’enfant, la personne âgée aime … et aime à l’infini. Notre question ce matin n’est-elle pas celle de l’infini de l’amour, de l’infini de l’amour devant ses multiples occasions d’être interrompus jusqu’à sembler l’être définitivement par la mort ? Notre question n’est-elle pas au fond celle de la vie éternelle, celle du docteur de la loi de l’évangile ? Jésus nous emmène sur le chemin de l’amour. Jésus a pris ce chemin qui, pour lui, va de haut en bas. Lui qui est de condition divine se fait le prochain de l’homme blessé que nous sommes. Jésus ira jusqu’à se faire proche de tout homme non seulement blessé mais aussi mort, en acceptant de mourir sur la croix. Jésus a donné sa vie pour nous, dit St Jean. Voilà à quoi nous avons reconnu l’amour ! Cet idéal était et est celui de Pierrick. Dans la foi, il savait qu’en Jésus cet idéal était chemin de vérité et de résurrection, de vie et d’amour infini, pour tout homme et toute femme. Chacun d’entre nous est sur un chemin entre Jérusalem et Jéricho. Il est à la fois l’homme blessé et l’étranger qui a envie de se faire le prochain de l’autre. L’accepter, c’est déjà s’aimer soi-même, condition que Dieu semble mettre à l’amour des autres. Frères et sœurs, chers amis, dans cette circonstance comme en toute circonstance, y a-t-il un autre chemin ? Laissons-nous aimés ! Aimons l’amour ! Un jour, le chemin s’inverse : la mort rejointe est vaincue ; la douleur s’efface devant la paix. Nous le croyons : parce que nous aimons, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie (1 Jn 3, 14)! 2 DOMINIQUE LEBRUN Evêque de SAINT-ETIENNE. 3