21 IMPOSITION ET RELIGION MUSULMANE Oualid GADHOUM
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21 IMPOSITION ET RELIGION MUSULMANE Oualid GADHOUM
Imposition et religion musulmane IMPOSITION ET RELIGION MUSULMANE Oualid GADHOUM* Maître-assistant à la Faculté de Droit de Sfax Sommaire I- Les impôts proprement islamiques A- La Zakat B- La Jizya II- les impôts de l’Etat islamique A- Le Kharadj B- Al Ouchour ********** 1-Les religions se sont particulièrement intéressées à l’impôt. Dans la bible, par exemple, qui est loin d’être un traité des Finances, les métaphores financières ne manquent pas, elles abondent1. Le Coran, quant à lui, considère que le paiement de la « Zakat » constitue l’un des cinq piliers sans lesquels l’individu ne peut prétendre à la qualité de musulman2. Prévue par le livre sacré (avec la «Jizya», pour les non musulmans vivant sur la terre d’Islam), la «Zakat » continue jusqu’à l’heure actuelle à s’appliquer dans certains Etats qui appliquent la « Chariaa » comme l’Arabie saoudite, l’Iran ou le * 1 2 E-mail : [email protected] L. SCORDIA : «Rendez à César ce qui est à César », communication au colloque sur « La religion et l’impôt », Clermont Ferrand, 06 et 07 avril 2006 (non publiée). Les cinq piliers de l’Islam sont : -La croyance en un dieu unique dont Mohamed est l’envoyé. -La prière -La zakat -Le jeûne -Le pèlerinage à la Mecque (pour celui qui en a la possibilité). 21 Imposition et religion musulmane Soudan3. Dans ces pays, où un arsenal juridique a été élaboré (assiette, taux, liquidation, modalités de recouvrement), le paiement de la «Zakat» affranchit le croyant des châtiments de l’au-delà, mais aussi, des sanctions administratives et pénales4. 2-Certaines doctrines traditionalistes ont d’ailleurs tenté de démontrer le rôle précurseur de l’Islam, en se fondant sur une distinction entre la «Nafakah», la «Sadakah» et la «Zakat», pour conclure que le livre sacré a posé en premier le principe du consentement à l’impôt. Ces prétentions, qui ne font en réalité que nuire à l’Islam, puisqu’elles tentent d’islamiser des mécanismes qui lui sont bien postérieurs sont malheureusement peu convaincantes5. Sur ce point précis, on a pu écrire que « du temps du Prophète, il n’y avait ni impôts, ni taxes foncières, ni taxes sur les marchandises…La « zakat » était volontaire et était une aumône versée au prophète es qualité. La «Sadaka » et le «Fay» ou le « butin de guerre » étaient versés au Prophète, non pas en tant que gouvernant ou autorité politique, mais en sa qualité de messager de Dieu et en application des prescriptions claires du Coran »6. 3- A l’époque du prophète Mohamed, l’Etat n’était pas encore structuré et le rôle conféré au Prophète était plutôt spirituel7. Le Prophète n’a pas établi un gouvernement, ni créé des ministères. Il n’a 3 4 5 6 7 N. Mohamed Ali EL FAKIR : « La réforme fiscale dans les pays émergents : le cas de l’impôt sur le revenu des personnes physiques en Egypte », Thèse, Université de Droit, d’Economie et des Sciences d’Aix-Marseille III, 2004, p.32. Pour les sanctions encourues par ceux qui refusent de payer la « Zakat », voir : Mahmoud ATEF EL BANNA : « Le régime de la zakat et des impôts en Arabie Saoudite », Dar ElOuloum, 1982, p.200 et s. Slim CHELLI : « Impôt, liberté et développement : le cas tunisien », RTD, 1953-1983, p.317. M.S ACHMAOUI : « Le Califat islamique », Le Caire SINAI éditions, p.84et s. Voir : Yadh BEN ACHOUR : « Islam et constitution », RTD, 1974, p.86. Voir aussi : Mohamed CHARFI : « Islam et liberté-le malentendu historique », op.cit, p.169 et s. L’absence d’un Etat au moment prophétique était également la pensée de Ali Abderrazek .Elle lui a coûtée la radiation du corps des ulémas de la mosquée cairote Al Azhar. Il considérait que la religion musulmane est purement spirituelle et qu’elle n’a pas de rapport avec le pouvoir politique et l’exécution dans les affaires temporelles. 22 Imposition et religion musulmane pas non plus crée des structures administratives ou gouvernementales, une police organisée, un système juridictionnel permanent ou un système monétaire spécifique8. Envoyé de Dieu et chargé de la révélation, le Prophète, n’a créé ni taxe, ni impôt. N’étant pas détenteur du pouvoir politique, il n’a pas élaboré une constitution et n’a pas créé une administration fiscale. « Ce qu’il recevait des produits de la «Sadaka », des tributs de paix ou des dépouilles de guerre, c’est en tant que messager de Dieu et non point en tant que chef politique ou chef d’Etat, qu’il le recevait et qu’il le distribuait »9. 4-Cette approche, même si elle ne plaît pas à certains orientalistes et ulémas qui, à tort, considèrent que le prophète a fondé un Etat, est défendable sur plus d’un point. Il suffit de revenir aux écrits du grand penseur égyptien Ali ABDERRAZEK pour y trouver un fondement illustratif10. Pour cet auteur, la religion musulmane est d’abord purement spirituelle et n’a pas de rapport avec le pouvoir politique et l’exécution dans les affaires temporelles, et qu’ensuite, la mission du prophète Mohamed était purement religieuse sans considération de pouvoir et d’exécution et qu’enfin, le gouvernement d’Abu Bakr, premier calife du prophète, n’était pas non plus un gouvernement religieux11. Sur la question de la « Zakat », de la « Jizya » et des « Ghanaim », et d’une façon générale, sur l’administration financière en général, l’auteur considère que cette fonction est incompatible avec la mission noble de Mohamed et ne le concerne pas en tant que prophète. 5- Plus tard, les grands califes qui ont succédé au prophète vont se rendre à l’évidence de la nécessité de l’impôt et veilleront personnellement à ce que les croyants et les mécréants payent l’impôt. La guerre des apostats, les conquêtes de l’Islam, l’entretien de l’armée et bien d’autres évènements d’ordre politique, ont obligé ces califes 8 9 10 11 M.S ACHMAOUI : « Le Califat islamique », le Caire, SINAI édition, 1992, p. 84 et s. Ibid. Ali ABDERRAZEK, théologien et cheikh à la célèbre et influente mosquée égyptienne d’Al Azhar. Ali ABDERRAZEK : « L’Islam et les fondements du pouvoir. Enquête sur le Califat et le gouvernement en Islam », 1ère édition, 1925. 23 Imposition et religion musulmane non seulement à collecter l’impôt, mais aussi, à prévoir d’autres impôts comme le «Kharaj» ou «Al Ouchour». 6-Le premier grand calife «Abu Bakr», a dû affronter une guerre dite « la guerre d’apostasie » que certains considèrent d’origine fiscale puisque les renégats ont refusé de continuer à payer la «Sadaka», aumône payée au prophète de son vivant12. Quant au deuxième grand calife Omar, qui a eu plus de chance de rester au pouvoir que son prédécesseur (trois ans seulement) est allé jusqu’à créer un nouvel impôt baptisé «Al kharaj». En annonçant la guerre contre les mécréants, il laissait les propriétaires des terres conquises continuer à les exploiter mais les obligeait à payer le «Kharaj». 7-A cette époque précise, le butin amassé au moment de la guerre d’apostasie témoigne de l’efficacité de « la machine fiscale »13.Il en a été de même après avec les conquêtes islamiques14. Mieux encore, le calife Omar est allé jusqu’à créer,après la concertation avec certains de ses proches,« Diwan Al Ataa », l’équivalent de l’office des pensions, ayant pour fonction la redistribution de l’argent collecté de l’impôt15. 8- Après la désintégration de l’empire musulman, les Etats créés se caractérisaient par une organisation, mais aussi, par « une puissance administrative et financière » assez importante16. Sous le règne des monarchies Omeyyades et Abbassides, un personnel nombreux, spécialisé et hiérarchisé, sous le pouvoir « le plus personnel 12 13 14 15 16 Sadok BELAID : « Système fiscal et système politique : quelques enseignements à partir de l’histoire arabo-musulmane », Mélanges Habib AYADI, CPU, 2000, p.51 Sadok BELAID, op cit. p56. A titre d’exemple, le « Kharaj » prélevé sur les terres de « Sawad » (région située entre le Tigre et l’Euphrate) a rapporté la 1ère année 80 millions de dirhams. Dans la région de « Kabel », le « Kharaj » aurait rapporté 120millions de dirhams.Voir sur la question : Sadok BELAID : « Système fiscal et système politique », op.cit., p.62. Le calife Omar, époustouflé par le montant du tribut payé par une petite province (Bahreïn), a demandé conseil à un certain nombre de personnes afin de faire un bon usage de l’argent collecté. Voir sur la question M.A. El JABRI, « La raison politique arabe, ses déterminants et ses limites », en arabe, centre culturel arabe, Casablanca, 1990, p.206. Habib AYADI : « Droit fiscal », CERP, 1989, p.15. 24 Imposition et religion musulmane et le plus absolu d’un souverain qui se tient pour calife successeur du prophète et représentant de dieu sur terre », était affecté17. 9-L’administration centrale était prolongée sur le plan régional par une administration fiscale puissante qui avait la charge de tenir à jour les registres des populations et des propriétés imposables, et en cas de difficultés, de mobiliser des troupes en vue d’assurer par la force la collecte des impôts et de mâter les fréquentes insurrections populaires contre les impôts excessivement lourds18. 10-L’évolution économique qui se dessinait en Europe n’a pas empêché les souverains musulmans de continuer « à exercer le pouvoir le plus personnel et le plus absolu, à renforcer l’appareil de contrainte, à décider à leur guise des impôts, à prélever et à aggraver la pression fiscale »19. L’aggravation des charges fiscales n’était pas toujours accompagnée de règles précises définissant les modalités d’assiette et de recouvrement des impôts et les individus, toujours méfiants, continuaient à subir les caprices du souverain et les abus des agents du fisc20. 11-Ce contexte a permis aux agents du fisc « d’exercer une autorité absolue sur les paysans, les artisans et les marchands et de déterminer l’assiette de l’impôt en fonction d’impressions vagues avec tout ce que cette méthode comporte de faveurs et de privilèges »21. Sur ce point, l’illustre sociologue Ibn KHALDUN attribuait, dans son livre « la Mukaddima », la responsabilité aux souverains musulmans qui ont réussi, pour satisfaire des caprices personnels, d’avoir instauré « une fiscalité parallèle ». Cette dernière n’était en réalité qu’une fiscalité oppressive puisqu’elle était surtout liée aux exigences personnelles et militaires du souverain et à son arbitraire. Certains souverains iront jusqu’à contredire les versets du Coran. L’exemple de « Hajjaj Ibn 17 18 19 20 21 Habib AYADI, op.cit, p18. Sadok BELAID : « Système fiscal et système politique : Quelques enseignements à partir de l’histoire arabo-musulmane », op.cit., p.80. Habib AYADI « Droit fiscal », op.cit., p.22. Ibid. Ibid 25 Imposition et religion musulmane Youssef » est accablant puisqu’il a obligé les convertis à l’islam à payer la «Jizya», impôt dû par les non-musulmans22. 12-Basée, selon Ibn KHALDUN, sur la spoliation des biens, les corvées, les extorsions de fonds, les impôts illégaux et la corruption, la fiscalité instaurée par les souverains était la cause de plusieurs insurrections contre les impôts excessivement lourds et contre les mauvaises utilisations des ressources de l’Etat23. Ibn KHALDUN en impute la cause principale au «Dhoulm », c'est-à-dire à l’injustice des gouvernants dans le domaine fiscal et à leur mauvaise politique économique24. 13- Jalonnée par l’impôt, l’histoire arabo-musulmane a connu la «Zakat» et la «Jizya», deux impôts islamiques prévus par le Coran (I). Leur rendement devenu très vite insuffisant pour l’entretien de l’armée et la couverture des charges publiques, a poussé les grands califes successeurs, qui devaient affronter des dépenses sans cesse croissantes, à élaborer d’autres impôts comme le «Kharaj» et «Al Ouchour» pour la pérennité de l’Etat Islamique (II). I- LES IMPOTS PROPREMENT ISLAMIQUES 14-Le Coran n’a parlé que de la « Zakat », comme contribution obligatoire pour les musulmans (A) et son équivalent la «Jizya» pour les non musulmans afin de sauver leurs vies et conserver leur statut personnel (B). 22 23 24 Voir : Sadok BELAID : « Islam et Droit- une nouvelle lecture des versets prescriptifs du Coran », CPU, 2000, p.163. Sadok BELAID : « système fiscal et système politique », op.cit., p.83. D’après Ibn Khaldun le « Dhoulm » : « c’est commettre une injustice que de prendre les biens de quelqu’un, ou de le faire travailler de force, ou de lui réclamer autre chose que son dû, ou de le soumettre à une obligation illégale. Les perceptions sont injustes si leurs impôts ne sont pas autorisés. Ceux qui attaquent le droit de propriété sont injustes. Ceux qui dépouillent les autres de leurs biens sont injustes. Ceux qui, en général, prennent de force le bien d’autrui sont injustes. Et c’est l’Etat qui en pâtit car cela ruine la civilisation qui est la substance même de l’Etat ». AL Mukaddima, Discours sur l’histoire universelle, Tome II, traduction, V. Monteil, Beyrouth, 1968, p.570. 26 Imposition et religion musulmane A- La «Zakat» 15-Mentionnée 32 fois dans le Coran, la «Zakat» fait partie des cinq piliers de l’islam25. Il s’agit d’une contribution obligatoire que le livre sacré n’a cessé de rappeler en reprenant toujours la même formule ou presque «donner la Zakat»26. Aumône légale, la «Zakat» est un acte de foi et un geste de bienfaisance. C’est un acte de purification des richesses des nantis mis à la disposition des démunis. Elle est destinée aux orphelins, aux pauvres et aux déshérités auxquels le livre sacré a consacré une attention particulière27. 16- Devoir religieux, la «Zakat» est un prélèvement obligatoire opéré par le musulman sur ses biens propres afin de mériter la grâce de Dieu. Considérée comme une offrande à Dieu, et par conséquent un acte touchant la foi, la «Zakat» est « une contribution de charité » ayant pour but de venir en aide aux nécessiteux et aux classes défavorisées28. Il s’agit au demeurant d’une recette affectée. De par son caractère obligatoire et autoritaire, la «Zakat» peut être recouvrée par la force. Dans un hadith, le prophète disait « à celui qui fraude sur la dîme j’enlèverai celle-ci avec la moitié de son bien ce qui est un ordre émanant d’Allah ». 17-La «Zakat» se rapproche de «la Sadaka», également mentionnée dans le coran, et qui est une aumône dans le sens précis d’une donation de charité et de solidarité29. Les deux aumônes traduisent un geste de solidarité envers des bénéficiaires dont la liste a 25 26 27 28 29 Le mot « Zakat » vient de la racine « Zaka » qui signifie purifier. Voir à titre d’exemple : -Verset 34, sourate la vache. -Verset 110, Sourate la vache. -Verset 86, sourate III. Le verset 19 de la sourate « les vents qui dispersent », 51, parle de ceux qui « accordaient sa part, sur leurs biens, au mendiant, et au déshérité. Il en est de même du verset 26 de la sourate « le voyage nocturne », 17, qui dit : « donne leur dû à ton proche, au pauvre, au voyageur ; mais évite cependant toute prodigalité ».Dans le verset 177 de la sourate « la vache », 2, il a été également dit « pour l’amour de Dieu, donne de ton bien aux proches, aux orphelins, aux pauvres, aux voyageurs, aux mendiants et pour le rachat de captifs ». Sadok BELAID : « Islam et Droit », CPU, 2000, p.124. Sadok BELAID : « Système fiscal et système politique », op.cit., p. 37. 27 Imposition et religion musulmane été d’ailleurs prévue par le Coran30. Alors que la «Sadaka» est une créance que présente le donateur à Dieu, qui lui rendra double le jour du jugement dernier, la «Zakat» est un acte de purification des richesses31. Le Coran a d’ailleurs mentionné cette idée en disposant que : « opère sur leurs biens, un prélèvement par lequel tu en purifieras les propriétaires et accroîtra leurs mérites, prie pour eux et tes prières leur donneront la paix »32. 18-Contribution de charité, la «Zakat» désigne dans l’islam un système de taxation qui comprend une série de contributions frappant annuellement, tantôt le revenu, tantôt la fortune des particuliers33. Il s’agit d’une contribution annuelle qui frappe le capital à savoir les produits agricoles de toute sorte de récoltes, le cheptel, les animaux de trait, l’or, l’argent ainsi que les trésors et les mines. Mais la «Zakat» n’est due que si l’on atteint le «Niçab», c'est-à-dire le minimum imposable. C’est ainsi que ce minimum est de cinq têtes pour les chameaux, de trente têtes pour les bovins, de 16 hl pour le blé, l’orge et les olives, de 84 grammes pour l’or, de 588 grammes pour l’argent ou de leur équivalent pour les billets de banques34. 19-Les taux de la «Zakat» sont variables. A titre d’exemple, il est de 10% du revenu brut pour les produits de la terre. Ce taux est réduit de la moitié lorsque ces produits proviennent d’une culture irriguée. L’argent, l’or et l’actif net des marchands sont, quant à eux, soumis à un taux de 2.5%. Les mines et les trésors subissent un taux de 20%35. 30 31 32 33 34 35 Selon le verset 60 du chapitre « l’immunité », IX, la liste des destinataires de la « Zakat » et de la « Sadaka » est la suivante : « les pauvres et les nécessiteux, ceux qui sont chargés de recueillir et de répartir ces aumônes, ceux dont les cœurs sont à rallier ; elles sont destinées au rachat des captifs, à ceux qui sont chargés de dettes ; elles sont destinées à la lutte dans le chemin de Dieu, et au voyageur ». Taha HUSSEIN : « Fi al adab al jahili, De la littérature préislamique », Dar El Maaref, Le Caire, 1958, p.76. Coran sourate 4 verset n°104. Habib AYADI : « Droit fiscal », op.cit, p.15. Voir : Habib AYADI : « Droit fiscal », op.cit., p.15 Voir aussi : « Mahmoud Atef ELBANNA : « Le régime de la zakat et des impôts en Arabie saoudite », op.cit., p. 42 et s. Ibid. 28 Imposition et religion musulmane 20- L’imposition des richesses est annuelle. L’or, l’argent et les métaux précieux ne sont soumis à la «Zakat» que lorsque le croyant les détient pendant une année. Toutefois, ne sont pas soumis à la «Zakat», les bijoux et parures en or ou en argent affectés à l’usage personnel. La «Zakat» frappe, en somme, l’or, l’argent et les billets de banques thésaurisés. B- La « Jizya » 21- Redevance de capitation, la «Jizya» a été également citée par le Coran, mais une seule fois. Aux termes du verset 29 du chapitre « L’immunité », IX, il a été dit que « n’hésitez pas à combattre ceux qui ne croient ni à Dieu ni au jour dernier, n’admettent pas pour illicite ce que Dieu et son prophète ont formellement interdit et ne pratiquent pas la vraie religion. Combattez-les jusqu’à ce qu’ils viennent payer le tribut de leurs propres mains, et fassent acte de soumission »36. 22- L’équivalent de la «Zakat» pour les musulmans, la «Jizya» est un impôt de capitation que les populations juives et chrétiennes devaient payer pour qu’ils aient une liberté entière d’exercer leur culte et conserver leur statut personnel. Il s’agissait d’un impôt payé par les populations conquises et vaincues pour avoir la « vie sauve » disait Al TABARI37. Lorsque les musulmans se sont engagés dans les conquêtes islamiques, le calife Omar disait aux populations conquises : « à vous l’obligation de la reddition, à nous l’obligation de garantie de votre sécurité ». Imposée aux «Dhimmis», c'est-à-dire les minorités, la «Jizya» n’était pas acceptée des renégats. Ces derniers devaient soit se reconvertir à l’Islam, soit s’attendre à être tués. 23-Au demeurant, la «Jizya», n’est pas une forme de discrimination imposée aux non musulmans dans le seul but de les humilier. Elle représente plutôt le prix de la sécurité et de la protection. La conversion à l’Islam entraînait l’exonération de cet impôt et l’assujetti devient alors assujetti de la «Zakat». 36 37 Traduction de Sadok MAZIGH, maison tunisienne de l’édition, Tunis. Al TABARI : « Commentaire du Coran », en langue arabe, sous le chapitre l’Immunité, IX, vol.10, p.77. 29 Imposition et religion musulmane 24- Le montant de la «Jizya» était fixé tantôt par les traités de capitulation, et dans ce cas ledit montant ne peut pas être modifié, tantôt, selon la volonté du vainqueur en cas d’annexion pure et simple des territoires38. Les mineurs, les vieillards, les femmes, les handicapés et les ministres de culte n’étaient pas redevables de la «Jizya». A l’époque du calife Omar, la « «Jizya » était payée, en l’absence d’un traité de capitulation, en fonction de la faculté contributive de ceux qui voulaient avoir la vie sauve39. II- LES IMPOTS DE L’ETAT ISLAMIQUE 25-Il s’agit entre autres du «Kharadj», impôt foncier perçu sur les terres conquises par les musulmans (A) et du «Al Ouchour», impôt indirect et équivalent des droits de douane actuels, qui frappe les entrées et sorties des marchandises circulant sur la terre de l’Islam (B). A- Le Kharadj 26-Le «Kharadj» est ce qui est dû sur la terre conquise par la force ou par convention par les musulmans. Ce sont les «Dhimmis » qui y sont assujettis, c’est à dire les minorités40. Le terme «Kharadj» était à un moment donné utilisé comme un terme générique pour désigner l’ensemble des revenus fiscaux, ou ce qui est dû par les non musulmans comme impôt (Jizya compris).Pourtant la différence est capitale. Alors que la «Jizya» est un impôt de capitation, le «Kharadj» est un impôt foncier. 27- Cet impôt foncier n’a aucun fondement dans le Coran. Le livre sacré ne contient pas un seul verset sur le « Kharadj » malgré le verset 141 du chapitre les troupeaux, VI, qui parle de « droits sur les récoltes ». La plupart des exégètes traditionalistes ont assimilé ledit droit à la « Sadaka » ou à la «Zakat ». Certains d’entre eux, ont même affirmé que le verset sus indiqué a été abrogé par le verset sur la «Zakat »41. 38 39 40 41 Voir : Habib AYADI : «Droit fiscal», op.cit, p.17. Mahmoud Atef ELBANNA, op.cit., p.42 et s. Yadh BEN ACHOUR : « Ummah Islamique et droits des minorités », op.cit., p.288. Ibn Al-ARABI : « Les versets prescriptifs du coran », Dar El FIKR, 1972, volumel0 .II, p. 757-765. 30 Imposition et religion musulmane 28- Le «Kharadj» est l’œuvre du calife Omar. Nommé après le décès du calife Abou Bakr, Omar devait trancher la question des revenus des terres conquises par les musulmans. Pour certains, ces terres devaient revenir aux musulmans. Pour d’autres, dont le calife Omar, il fallait plutôt les laisser entre les mains des indigènes du pays conquis et leur imposer le «Kharadj». 29- L’imposition du «Kharadj» a permis de réaliser un certain nombre d’objectifs dont notamment 42: - Avoir des ressources permanentes pour le trésor pour affronter les dépenses sans cesse croissantes pour l’entretien de l’armée engagée dans les conquêtes. - Laisser les propriétaires exploiter les terres conquises surtout que ces derniers ont plus de connaissance et d’expérience en la matière que les guerriers musulmans qui doivent se consacrer au «Jihad» et non au travail de la terre. - Maintenir des revenus fixes et durables pour les futures générations musulmanes. 30- Le «Kharadj», payé soit en nature, soit en numéraire, soit les deux à la fois, est perçu de deux façons : soit sur la terre en tenant compte de sa superficie et de ce qui peut pousser sur cette dernière, soit également sur la terre semée ou délaissée par son propriétaire. Par contre, le «Kharadj» n’est pas dû en cas de sécheresse ou en cas d’épidémie ravageant la récolte. B- Al Ouchour 31- «Al Ouchour» est un impôt indirect qui frappe les marchandises et d’une façon générale, les denrées qui peuvent entrer dans le commerce à l’occasion de leur entrée ou sortie de la terre d’Islam. Il est l’équivalent des droits de douane actuels avec la remarque que cet impôt n’est perçu qu’une seule fois par an43. Encore une fois, c’est le calife Omar qui l’a instauré. Ce dernier, clairvoyant, a remarqué que la terre de l’Islam est devenue si vaste, après les conquêtes, qu’il est opportun d’instaurer « Al Ouchour »44. Les entrées et les sorties 42 43 44 Mahmoud ATEF ELBANNA, op.cit., p.48 et s. Voir sur « Al Ouchour » Mahmoud ATEF EL BANNA, op.cit, p.49 et s. Beaucoup de commerçants étrangers sont venus faire des affaires sur la terre d’Islam et ont réalisé des bénéfices assez élevés. 31 Imposition et religion musulmane fréquentes des commerçants musulmans et non musulmans étaient l’une des causes principales de l’instauration d’«Al Ouchour». 32- «Al Ouchour» n’est dû que sur les marchandises à vocation commerciale. Par contre, celles qui n’ont pas une vocation commerciale comme les cadeaux et les bagages personnels ne subissent pas «Al Ouchour ». Cet impôt n’est pas dû non plus lorsque le propriétaire de la denrée n’a pas l’intention de faire le commerce. C’est le cas par exemple de quelqu’un qui se déplace avec son troupeau pour que ce dernier puisse se nourrir. Par contre, «Al Ouchour» est dû sur le vin, le porc… 33-Le paiement de «Al Ouchour» ne se faisait pas de la même façon pour tous les contribuables. Il est du quart pour les musulmans, de la moitié pour les «Dhimmis» et du dixième pour les guerriers. Encore faut-il qu’il y ait un minimum imposable pour que ledit impôt soit payé. A l’époque du calife Omar, le minimum imposable pour le musulman était 200 dirhams ou vingt dinars. 34- Même si « Al Ouchour » est considéré comme un impôt indirect, son paiement dépend de la situation personnelle du contribuable. En effet, pour sa perception, on tient compte de la situation particulière et personnelle du contribuable. Le minimum imposable, les exonérations de certains contribuables et le non prélèvement de cet impôt lorsque le musulman ou le «Dhimmi» est débiteur d’une dette sont des exemples qui laissent présumer que cet impôt est indirect, mais aussi, personnel45. 45 Voir à titre d’exemple : Mahmoud Atef EL BANNA, op.cit, p.52. 32