La réponse de l`Europe à la mondialisation: où va la
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La réponse de l`Europe à la mondialisation: où va la
SPEECH/06/274 Peter Mandelson Commissaire européen au commerce La réponse de l'Europe à la mondialisation: où va la politique commerciale de l'Union européenne? Séminaire Globalisation, Wolfsberg Wolfsberg, Suisse, 4 mai 2006 Dans son discours prononcé devant un parterre de dirigeants politiques et de chefs d'entreprise à Wolfsberg, Suisse, M. Peter Mandelson, commissaire européen au commerce, définit les priorités de la politique commerciale de l'Union européenne après la conclusion du cycle de Doha. Selon lui, la politique commerciale de l'Europe se trouve «à la croisée de ces deux défis: la réponse extérieure et la réponse intérieure de l'Europe à la mondialisation». Il présente l'agenda de cette année et des années suivantes, «qui sera centré sur des priorités économiques rigoureuses et qui adapte notre réflexion aux réalités et aux défis de la mondialisation». Il invite la Commission européenne à donner la «direction pour induire le changement, même s'il est douloureux». La conclusion réussie du cycle de Doha. Le cycle de Doha demeure la «priorité absolue» de M. Mandelson. Selon lui, «le moment de vérité est arrivé» dans les négociations de Doha au cours desquelles les parties vont progresser rapidement vers «un accord global faisable et équilibré (…) ou subir les conséquences de remettre l'accord à plus tard». Il partage l'avis du négociateur commercial brésilien appelant à allier «ambition et réalisme». Il critique vivement les ONG pour avoir incité les pays en développement à quitter les négociations de Doha car, selon lui, «cette recommandation négative revient à permettre aux mieux lotis d'escalader l'échelle de la prospérité pour la tirer ensuite avant que d'autres n'aient eu la chance de suivre». L'approche rigoureuse de l'ouverture des marchés et de l'application des règles. D'après M. Mandelson, l'Union européenne adoptera une «approche ciblée et déterminée pour garantir l'ouverture réelle des marchés et l'application ouverte et transparente des règles internationales». Il précise vouloir adopter une «nouvelle approche stratégique de l'accès aux marchés» qui reconnaît la nécessité de réaligner la politique commerciale de l'Union européenne pour tenir compte de la croissance de l'Asie. Il ajoute que l'Union continuera à poursuivre l'élimination des barrières tarifaires tout en recherchant à réduire les barrières non tarifaires et à ouvrir de nouveaux marchés aux services. Il fait valoir que «ce n'est pas une course effrénée vers l'ouverture des marchés à tout prix. Ce n'est pas non plus une course vers le bas. Mais il ne faut jamais oublier qu'il s'agit bien d'une course». M. Mandelson annonce que la Commission européenne présentera à l'automne un document stratégique «cadre» sur la meilleure façon d'accroître la compétitivité extérieure de l'Union européenne. La réflexion sur les mesures antidumping dans un univers mondialisé. Tout en défendant fermement les règles antidumping qui sont nécessaires pour assurer la confiance du public dans le commerce équitable et les transactions équitables pour les entreprises européennes, M. Mandelson affirme qu'il est important que ces «règles soient adaptées à la complexité des marchés mondialisés (…) aux mutations constantes du commerce et de la production où les producteurs de l'Union européenne peuvent concurrencer les distributeurs européens ayant délocalisé la production, et où les consommateurs et autres producteurs espèrent profiter d'un plus grand choix et de prix plus bas». Il annonce le lancement d'une réflexion formelle sur l'application des mesures antidumping, probablement au second semestre 2006. Une stratégie du XXIe siècle pour la Chine. Appelant la Chine «le plus grand défi unique de la mondialisation dans le secteur commercial», M. Mandelson annonce que l'Union européenne présentera à l'automne une communication stratégique sur les relations UE-Chine. Faisant valoir que l'«Europe doit considérer la Chine comme une menace, une opportunité et un partenaire potentiel», le commissaire ajoute que la communication sera axée sur les «grands défis tels que la propriété intellectuelle, l'accès aux marchés et les possibilités d'investissement» et souhaite qu'elle «suscite un débat animé, dans l'Union européenne comme en Chine». 2 Il m'arrive d'accepter avec plaisir de prononcer un discours des mois auparavant sans avoir eu d'idée précise sur son contenu. Je me berce dans l'illusion que, d'une façon ou d'une autre, le discours s'écrira de lui-même en fonction de l'actualité. Puis, quelques semaines avant le jour fatidique, je dois me rendre à l'évidence: le discours ne s'écrira pas tout seul. Et qu'il faut un thème. En l'occurrence, le calendrier me semble significatif. Quelque vingt mois se sont écoulés depuis que je me suis présenté la première fois devant le Parlement européen en tant que commissaire désigné au commerce: cette période correspond en fait à un tiers du mandat de cinq ans de la Commission. J'en suis au point où je ne n'ai plus d'excuse pour ne pas être parfaitement familiarisé avec ma fonction, mais je peux encore me permettre d'élaborer un agenda pour l'avenir et espérer son adoption. Telle est l'analyse que je propose de vous livrer aujourd'hui. Aujourd'hui, de nombreux défis nous attendent: terrorisme, changement de l'environnement, pénuries de ressources, etc. Le défi absolu qui les sous-tend tous est celui de la mondialisation, c'est-à-dire la circulation effrénée des marchandises, des services, des capitaux, des technologies, des idées et des personnes à travers le monde. Ce phénomène marque notre époque. Dans l'économie internationale, nous le ressentons avec force dans l'essor de l'Asie et dans notre réponse en tant qu'Européens. Sur le plan interne, le grand défi de l'Europe que la Commission est appelée à relever est de faire preuve de notre pouvoir de façonner la réponse de l'Europe à la mondialisation et de redonner une finalité à la politique européenne après les sérieux revers des référendums français et néerlandais en 2005. En tant que commissaire au commerce, j'ai l'impression de me trouver à la croisée de ces deux défis: la réponse extérieure et la réponse intérieure de l'Europe à la mondialisation. L'attitude de l'Europe face à la mondialisation Permettez-moi de présenter quatre observations sur l'attitude de l'Europe face à la mondialisation. Tout d'abord, le facteur essentiel de notre capacité en tant qu'Européens de relever le défi de la mondialisation est de savoir si nous réussirons ou non à cultiver les valeurs d'ouverture, c'est-à-dire non seulement les marchés ouverts, mais également l'ouverture d'esprit, la créativité, le cosmopolitisme et la tolérance. En deuxième lieu, l'aptitude à défendre ces valeurs d'ouverture sera jugée à l'aune de la capacité des États membres de l'Europe de poursuivre les réformes nécessaires au renforcement de l'ouverture économique et, en même temps, d'élaborer un agenda social moderne qui multiplie les possibilités et les espérances, en lieu et place de l'insécurité et de l'angoisse qui alimentent les populismes. En troisième lieu, les institutions européennes passeront l'épreuve de leur capacité de mobiliser les États membres pour poursuivre les réformes nécessaires, exploitant le plein potentiel des traités en vue de défendre les valeurs d'ouverture. Enfin, le principal défi pour le commissaire au commerce aujourd'hui est d'élaborer un agenda de la compétitivité extérieure de l'Europe. Il s'agit d'un nouvel agenda de la politique commerciale, englobant et allant au-delà du cycle de Doha, qui soit apte à promouvoir l'ouverture tant sur nos propres marchés que dans le reste du monde. 3 Dans tous ces domaines, il convient d'éviter deux pièges. D'une part, penser que l'Union européenne est principalement un instrument de défense ou un rempart contre la mondialisation. Cela revient à considérer la mondialisation comme une menace et non une opportunité, et ce non seulement pour le monde dans son ensemble de devenir plus riche, mais également pour des millions d'êtres humains vivant dans la pauvreté extrême d'accéder à une vie meilleure et à plus de liberté. L'autre piège est de penser que la mondialisation a rendu l'intégration européenne inutile au regard de la capacité des nations européennes de tirer parti de ces opportunités. Ce ne serait vrai que si l'Europe tombait dans le premier piège de vouloir rejeter au lieu d'accepter la mondialisation. Ou si la réponse aux suppressions d'emplois devait consister à incriminer la nouvelle concurrence puis à céder à la pression d'y résister. Or, en fait, l'Union européenne nous donne le pouvoir de façonner positivement la mondialisation dans une mesure inimaginable même pour nos plus grands États nations. Pour influencer les taux de change et la lutte contre les déséquilibres mondiaux, pour mener, avec force, des négociations commerciales en vue d'assurer un meilleur accès aux marchés au profit des producteurs européens et des règles du commerce équitable, pour promouvoir le développement de l'Afrique, pour contribuer à la paix au Proche-Orient et à la sécurité du voisinage de l'Europe, pour protéger notre approvisionnement en énergie et développer des solutions innovantes pour la conservation de l'énergie et le changement climatique. Nous avons beaucoup à offrir. L'Union européenne est la première puissance commerciale du monde. Elle est le principal pourvoyeur d'aide et d'accès préférentiel aux marchés en faveur des pays en développement. Cela peut se traduire en un vrai levier pour assurer la justice sociale et les droits humains. Quant à l'environnement et au développement durable, le bilan de l'Union européenne est plus positif que celui des États-Unis s'agissant de trouver des solutions multilatérales. Pourquoi? L'Union européenne est née de la fusion des forces et des traditions des pays qui la composent. Notre intégration a produit des instruments uniques législation, règles de concurrence, programmes de financement - qui font de l'Union européenne un acteur intermédiaire doté d'une capacité unique - entre l'action nationale et les règles internationales. L'Union est en fait un exemple réussi d'une «mondialisation» à l'échelle régionale. Elle a constitué l'espace idéal qui a fait naître une réglementation et une solidarité authentiques et dans lequel l'intégration régionale donne à nos citoyens et entreprises une meilleure chance de tirer parti de la mondialisation tout en tendant un filet de sécurité contre les effets préjudiciables du changement. L'élargissement a renforcé ce rôle. Les arguments en faveur de davantage d'intégration - et non pas moins d'intégration - se trouvent renforcés. Il a contribué de manière décisive à redynamiser les économies des pays adhérents en les aidant à poursuivre les réformes difficiles mais nécessaires et à étendre ces bénéfices à travers le marché unique dans son ensemble. Comment la mondialisation nous affecte-t-elle? La mondialisation n'est pas un fait nouveau. Des pays comme la Suisse qui se trouve au cœur de l'Europe sont la preuve de liens mondialisés séculaires. La mondialisation telle que nous la vivons aujourd'hui se caractérise par son rythme et son ampleur. Elle affecte tous les peuples de tous les continents. 4 Depuis la seconde guerre mondiale, la libéralisation progressive du commerce et de l'investissement a produit un développement économique soutenu en faveur de pays de plus en plus nombreux, le commerce mondial ayant été multiplié par quinze et le revenu mondial par habitant ayant doublé. Le taux de croissance de l'économie mondiale s'est monté à 3,5 % par an au cours des quatre dernières décennies du XXe siècle. Dans le monde développé, cette croissance a permis de réaliser des progrès majeurs dans le domaine social, en matière de bien-être et de santé ainsi que des améliorations significatives de l'environnement. Cependant, le bilan n'est pas universellement positif. De nombreux êtres humains sont exclus du progrès. Même si, depuis 1980, le nombre de pauvres absolus a reculé de 200 millions, le bilan est mitigé. Si l'Asie du Sud-est a tiré son épingle du jeu, d'autres régions, notamment l'Afrique subsaharienne, n'ont connu que peu d'améliorations et 1,2 milliard d'êtres humains vivent toujours avec moins d'un dollar par jour. Pour être durable, la mondialisation doit profiter aux plus pauvres. L'Union européenne a prospéré au cours de ce processus. Nous sommes désormais le premier acteur du commerce mondial. Mais la situation évolue rapidement. Le Brésil, l'Inde et la Chine progressent dans le commerce mondial et sur la scène politique internationale. La Chine a enregistré un taux de croissance annuel du commerce de 17 % au cours de la période 1994-2004, et son commerce atteint désormais le niveau de l'Union européenne en 1994. Il y a vingt ans, tout juste 10 % des produits manufacturés provenaient de pays en développement et de pays émergents. En 2020, la part de la Chine et de l'Inde pourrait à elle seule s'élever à 50 %. C'est une évolution spectaculaire des structures de production et de commerce. Les connaissances les plus pointues ne sont plus l'apanage de l'Europe ou de l'Amérique du Nord. Les universités indiennes forment chaque année plus de 250 000 ingénieurs. En Chine, le niveau d'investissement dans le secteur de la recherche devrait rattraper en 2010 celui de l'Union européenne. En tant que commissaire européen au commerce, je suis pris sous le feu croisé de la mondialisation: allant des textiles aux chaussures et aux produits chimiques. Le récent dossier des importations de chaussures chinoises et vietnamiennes nous a donné une leçon de la complexité des questions soulevées. Les producteurs européens, dont de nombreuses PME, ont perdu des parts de marché, des capitaux et des emplois à la suite des importations faisant l'objet de dumping; souvent, d'autres marques européennes de chaussures sont créées et dessinées ici alors que leur production est délocalisée en Chine ou au Vietnam. Les consommateurs sont pris entre deux feux: les ménages défavorisés profitent de prix plus bas alors qu'en général les consommateurs paient aux distributeurs des prix allant de 35 à 100 euros pour des chaussures importées pour moins de 10 euros. L'équilibre des intérêts et la défense des droits des entreprises européennes sont autant de tâches complexes. Le défi consistant à plaider pour une Europe ouverte et un monde ouvert est que si les bénéfices sont souvent répartis dans la société, la douleur parfois causée est intense et ciblée, frappant des secteurs particuliers et des régions particulières. 5 Si nous pouvons donner la bonne réponse - et je crois que nous le pouvons - la discipline imposée par la concurrence mondialisée peut jouer un rôle positif. Distribuer les fruits de la prospérité. Élargir les perspectives. Lutter contre la pauvreté. Assurer une plus grande stabilité politique et sociale. Mais les citoyens doivent entendre les arguments en faveur du changement. Ils ont besoin d'une direction, d'une vision de la part de nos dirigeants politiques, de nos chefs d'entreprise et de la Commission: d'une direction pour induire le changement, même s'il est douloureux, d'une vision pour formuler les bonnes règles propres à atténuer les rigueurs de la mondialisation et élaborer les politiques capables de préparer les plus vulnérables à soutenir le rythme des changements en cours. Que faire? L'Europe doit poursuivre un agenda positif de réforme et d'ajustement chez elle et rechercher les marchés ouverts à l'extérieur. Ce n'est pas une course effrénée vers l'ouverture des marchés à tout prix. Ce n'est pas non plus une course vers le bas. Mais il ne faut jamais oublier qu'il s'agit bien d'une course. Jadis, nous devions courir pour rattraper la productivité plus forte des États-Unis. Désormais nous devons courir en observant d'un coin de l'œil ceux qui nous précèdent et de l'autre les nouveaux pays - Chine, Inde, Brésil - lancés à notre poursuite. Ce n'est guère confortable à moins d'avoir un rétroviseur! Sur le plan interne, en Europe, vous connaissez notre agenda de Lisbonne pour la croissance et l'emploi. Il vise à maîtriser le processus de réforme, à favoriser la compétitivité, à améliorer la réglementation et à libérer le potentiel de nos entreprises et de nos travailleurs en tablant sur la réussite économique pour consolider - et financer - les systèmes sociaux modernes et la chance d'une amélioration de la qualité de la vie. Permettez-moi d'être clair à ce propos. Les systèmes sociaux modernes et l'amélioration de la qualité de la vie ne sont pas des sous-produits. Ils font partie intégrante d'un dispositif global qui doit générer une réponse politique durable à la mondialisation. Il nous faut une nouvelle Europe plus sociale. Mais une Europe qui propose des choix et des opportunités et non une Europe réfractaire au changement inévitable. Il nous faut des actions publiques qui soutiennent le changement et, par des fonds tels que notre nouveau Fonds d'adaptation à la mondialisation, accompagnent le changement à venir. Il nous faut des politiques actives du marché du travail aidant les chômeurs à réintégrer rapidement le monde du travail. Il nous faut des mesures qui encouragent les individus à occuper des emplois initialement moins rémunérateurs mais leur permettant de se qualifier en entreprise ou par la formation continue afin d'augmenter leurs perspectives salariales. Cette Europe sociale sera différente de celle que nous avons promue aux premiers jours du marché intérieur lorsque nous avons privilégié un ensemble commun de normes sociales de base. Aujourd'hui, il convient de protéger les personnes et non les emplois. Nous devons aider les exclus à trouver du travail et non pas défendre à tout prix les droits des travailleurs à conserver leur emploi. Nous devons donner aux citoyens les moyens de faire face aux mutations du marché du travail et leur offrir de nouvelles perspectives. 6 Nous devons aussi encourager l'innovation et assurer que l'Europe est un centre de connaissances les plus pointues où les nouvelles idées sont stimulées et soutenues. Le Conseil européen de la recherche et l'Institut européen de technologie proposés par la Commission sont les piliers de l'infrastructure qui sous-tend l'économie de la connaissance. La modernisation de l'État providence et la réforme des marchés du travail sont principalement de la responsabilité des États membres. L'Union européenne elle-même a un rôle central de défendre et d'étendre le marché unique. Ici, la Commission doit défendre fermement les valeurs d'ouverture. Ces derniers mois, nous avons vu le Parlement européen mettre en péril la directive sur les services, une vive résistance à plusieurs reprises transfrontalières, la défense des champions nationaux et le débat sur le patriotisme économique. Il va de soi que les États membres seront toujours tentés de blâmer les institutions européennes pour des politiques impopulaires - même si ces politiques sont les bonnes. C'est l'une de nos raisons d'être. Mais nous devons repousser ces attaques et garder une vision et des objectifs clairs. Vers un nouvel agenda de la politique commerciale Comment, en ma qualité de commissaire au commerce, vais-je poursuivre cet agenda d'ouverture au cours de la suite du mandat de la Commission? Comment pouvons-nous assurer que ce que l'Union fait au-delà de ses frontières nous renforce à l'intérieur, tout comme nos politiques intérieures contribuent à la compétitivité extérieure de l'Union dans son ensemble? Le moment est venu d'y réfléchir, d'une part, parce que nous entamons la dernière manche des négociations commerciales mondiales de Doha et, d'autre part, parce que la Commission Barroso a beaucoup fait au cours des dix-huit premiers mois de son mandat pour renforcer notre compétitivité intérieure - et notre réflexion extérieure a un léger rattrapage à faire. Ma priorité absolue demeure la conclusion d'un accord large et équilibré du cycle de Doha. Il doit assurer une réelle ouverture des marchés et libéralisation du commerce et offrir des possibilités réelles de développement aux pays les plus pauvres du monde. Le libre-échange a un prix et c'est pourquoi la libéralisation proportionnée et progressive est souhaitable pour les pays en développement. Le protectionnisme et la fermeture des marchés ont un coût bien plus élevé - pour tous dans l'économie mondialisée, y compris les pays en développement. Quelques commentateurs et ONG ne partagent pas ce point de vue et conseillent aux pays en développement de rejeter l'accord de Doha. Je leur réclame une seule preuve historique d'un pays en développement qui peut se targuer d'une croissance économique sans être intégré dans l'économie mondialisée. Cette recommandation négative revient à permettre aux mieux lotis d'escalader l'échelle de la prospérité pour la tirer ensuite avant que d'autres n'aient eu la chance de suivre. Les négociations de Doha sont dans une phase critique et le moment de vérité est arrivé. Nous allons aboutir à un accord faisable et équilibré répondant à nos besoins économiques respectifs - allier ambition et réalisme pour citer les propos du négociateur en chef brésilien cette semaine - ou subir les conséquences de remettre un accord à plus tard. Quelles en seraient les conséquences? 7 Premièrement, ce serait un échec pour les principes et le processus du multilatéralisme qui réunit la communauté internationale, et ce non seulement dans le domaine commercial. En deuxième lieu, nous risquons de différer voire de perdre à jamais les réductions tarifaires globales, la vaste élimination des subventions et le renforcement des règles commerciales qui peuvent seulement être atteints par la négociation multilatérale et non par la négociation bilatérale. Et, troisièmement, face à nos électeurs européens, je me permets d'ajouter que si un cycle commercial réussi sera synonyme de concurrence accrue sur nos marchés - et de perte réelle pour le monde agricole - elles seront compensées par les avantages que l'industrie et les services tireront des marchés mondialisés plus dynamiques et des nouvelles possibilités ouvertes aux entreprises européennes. L'échec aurait un coût d'opportunité énorme. C'est pourquoi l'Union européenne poursuivra ses efforts pour œuvrer en faveur d'un accord rapide et, en particulier, d'un accord qui soit pleinement conforme à l'ensemble et non à une partie du cadre de Doha. L'agenda post-Doha Ma seconde priorité commerciale est de me projeter au-delà de la conclusion réussie du cycle de Doha. Je mettrai à profit le second semestre de cette année pour définir un nouvel agenda tourné vers l'avenir qui nous aide à stimuler notre compétitivité chez nous et ailleurs, un agenda qui sera centré sur des priorités économiques rigoureuses et qui adapte notre réflexion aux réalités et aux défis de la mondialisation. Cette approche sera définie au début de l'automne dans une communication cadre de la Commission sur les aspects extérieurs de la compétitivité de l'Europe. Elle examinera dans quelle mesure la future politique commerciale pourra contribuer à nos politiques de compétitivité intérieure et quelles seront les tâches prioritaires qui nous attendent en vue d'établir des marchés mondialisés nouveaux et sûrs pour nos investissements et notre commerce. Cet agenda post-Doha comporte trois grands volets. Tout d'abord, l'Europe doit adopter une approche ciblée et déterminée pour garantir l'ouverture réelle des marchés et l'application ouverte et transparente des règles internationales. Il n'y va pas seulement de notre intérêt propre ou de la défense des droits des entreprises européennes - même si ces éléments sont importants. Il convient de garantir les possibilités commerciales durables à long terme qui permettent aux entreprises de s'engager en toute connaissance de cause pour opérer sur des marchés en constante évolution produits par la mondialisation. D'une part, je proposerai une nouvelle approche stratégique de l'accès aux marchés. Nous examinerons le sort qu'il conviendra de réserver aux barrières sur les marchés étrangers - et non seulement les tarifs sur les marchandises, mais également les barrières non tarifaires qui constituent un défi bien plus grand, en particulier celles qui opèrent derrière les frontières sur les marchandises et, point plus crucial, sur les services. Nous devons veiller à disposer de tous les outils indispensables pour répondre aux barrières déloyales - qu'il s'agisse de normes locales, de restrictions à la concurrence ou de discrimination au niveau des marchés publics. D'autre part, j'entreprendrai un réexamen du mode de fonctionnement des instruments de défense commerciale face à la mondialisation. 8 Ces règles font partie du système commercial international et des règles claires sont essentielles pour maintenir la confiance du public et des entreprises dans la mondialisation. Il n'est pas question de remettre en cause les avantages comparatifs des économies émergentes, mais nous agirons si - sur la base d'une enquête approfondie - nous constatons que ces avantages sont complétés par des pratiques déloyales. Ce sont des instruments importants et nécessaires. Néanmoins, nous devons veiller à ce que de telles règles soient adaptées à la complexité des marchés mondialisés. Et aux mutations constantes du commerce et de la production où les producteurs de l'Union européenne peuvent concurrencer les distributeurs européens ayant délocalisé la production et où les consommateurs et autres distributeurs espèrent profiter d'un plus grand choix et de prix plus bas. Je n'ai aucune idée préconçue sur les résultats de ces travaux, mais je suis convaincu que cette réflexion devra être engagée. La solution idéale sera d'œuvrer sur le plan multilatéral pour garantir qu'un maximum de partenaires commerciaux adoptent des approches communes s'agissant du recours aux instruments de défense commerciale. Le deuxième volet du réexamen de la politique commerciale sera de réfléchir sur la manière d'aborder les relations stratégiques clés à la fois multilatérales et bilatérales. Je suis un multilatéraliste convaincu. Il est évident que de nombreux des problèmes les plus pressants posés par la mondialisation, qu'il s'agisse du changement climatique ou de la sécurité internationale, appellent des réponses internationales. Toute autre solution serait un pis-aller. Or, Doha montre également que la politique commerciale offre des possibilités de bâtir sur les acquis multilatéraux. Nous pouvons et nous devons aller plus loin et défendre les besoins et les intérêts des entreprises européennes dans des régions particulières du monde ou des domaines politiques particuliers. J'ai été frappé à cet égard par le patchwork de relations dont j'ai hérité. Nous privilégions les accords et les négociations en cours en Afrique, dans le Golfe, avec certains partenaires de l'OCDE et d'Amérique du Sud. Ainsi, par exemple, l'Union européenne n'a pas encore défini de relations commerciales étroites avec l'Asie alors que cette région enregistre la croissance économique la plus dynamique. Cette question mérite d'être étudiée. Troisième point de mon agenda, nous devons examiner - dans la perspective du sommet UE-Chine de septembre - nos relations politiques et économiques avec la Chine. La Chine est le plus grand défi unique de la mondialisation dans le secteur commercial. Je présenterai à l'automne une communication sur le commerce et l'investissement en Chine qui analysera l'impact de la Chine sur l'économie mondialisée et la réponse de l'Union. Je m'attacherai, en particulier, aux grands défis tels que la propriété intellectuelle, l'accès aux marchés et les possibilités d'investissement. L'Europe doit considérer la Chine comme une menace, une opportunité et un partenaire potentiel. J'espère que notre communication suscitera un débat animé, dans l'Union européenne comme en Chine. 9 Conclusion Cet agenda est vaste et ambitieux. Selon moi, il offre la bonne solution au bon moment. Nous devons aller de l'avant. Nous devons pouvoir démontrer que nos politiques commerciales peuvent produire, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Union, le dividende de la croissance et des emplois au profit des entreprises et des citoyens. Certes, il y a des risques, mais une seule voie conduit au succès: construire une Union ouverte à elle-même et aux autres, compétitive et capable de changement. C'est pour cette Europe que je m'engage et c'est elle seule qui, selon moi, peut vaincre le scepticisme ambiant et mobiliser les bonnes volontés. Une Europe qui tire parti de l'ouverture des marchés et de l'ouverture d'esprit. Une Europe du dynamisme économique et de la justice sociale. 10