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1 Du développement d`un logiciel de gestion des compétences à l
Du développement d'un logiciel de gestion des compétences à l'accompagnement de démarches sur le terrain: une expérience de partenariat avec des entreprises et organisations en Région francophone de Belgique Jean-Marie DUJARDIN Professeur UER Management HEC-Ecole de Gestion de L’Université de Liège Cet article présente les résultats d’un projet de recherche en Gestion des Compétences mené par HEC-Liège en collaboration avec le Centre de Recherche sur l’Instrumentalisation de la Formation et de l’apprentissage (CRIFA) de l’Université de Liège, de 1997 à début 2004, projet subventionné par 1 le Fonds Social Européen . Il présentera les concepts et méthodes utilisés dans la recherche, les outils développés dans le cadre du projet, en particulier un logiciel d’aide à la décision pour la gestion des compétences, dénommé "JOE", les réactions des entreprises par rapport à ces outils, ainsi que quelques démarches méthodologiques menées en partenariat avec des organisations en vue de faire progresser la gestion des compétences dans leur démarche managériale. L’article vise à mettre en évidence les facteurs de réussite pour le développement, le test et la diffusion d’un logiciel de gestion des compétences 1.Les approches théoriques retenues. Après un inventaire de la littérature très abondante consacrée à la gestion des compétences, l’équipe de recherche a fait le choix de deux approches, celles de Le Boterf et de De Witte, présentées ci-après. Celles-ci ont été retenues en raison de leur qualité conceptuelle, d’une part, et de leur caractère opérationnel, d’autre part. Pour Le Boterf (1997a, 1997b), être compétent c’est savoir combiner et mobiliser un certain nombre de ressources en situation professionnelle. Les ressources sont soit des ressources personnelles, "incorporées" (connaissances, savoir-faire, ressources physiologiques, etc.), soit des ressources de l’environnement (réseaux relationnels, réseaux informationnels, outils de proximité, etc.). C’est la combinaison et la mobilisation de ces ressources dans l’action qui génère la compétence. L’approche de Le Boterf (1997a, 1997b), outre sa définition, propose trois niveaux d’évaluation de l’individu qui ont inspiré la réalisation du logiciel : - l’évaluation de ses ressources qui permettent compréhension et savoir-faire ; l’évaluation de ses compétences en tant que mise en oeuvre de certaines ressources dans une activité déterminée : c’est le savoir - agir professionnel ; l’évaluation de son degré de professionnalisme : niveau de maîtrise de la fonction occupée. La méthode ADAC (Analyse des Activités et des Compétences) de De Witte (1998a) et De Witte et Mont (1998b) consiste en l’analyse d’un métier (via les interviews de titulaires de postes et de leur responsable hiérarchique) selon un ensemble d’activités. Chacune des activités principales ("activités cœur") est alors décrite en termes de compétences selon quatre grands types de savoirs : - savoir théorique (connaissances) : connaissances théoriques sans lien avec l’action ; 1 Projet ADAPT « DIFF-ROI-ADFP »(1997-1999), Projet Objectif 4 "Ingénierie du développement des ressources humaines et des actions de formation dans les PME wallonnes"(1998-1999), et Objectif 3 "Gestion des compétences et employabilité"(20002001 et 2002-2003). 1 - savoir procédural (procédures) : représentation de l’action sous forme d’un répertoire d’actes, de procédures ; savoir-faire : répertoires d’actes, mais élaboré par l’expérience et la familiarité à l’action ; savoir-faire pratique (expérience) : produit d’une longue familiarité avec l’action, il permet des jugements ou des diagnostics souvent justes mais non rationalisables. Les approches de Le Boterf et de De Witte ont été utilisées et programmées dans le cadre du logiciel comme méthodes pour la description et l’analyse des compétences (ces méthodes de description et d’analyse sont appelées "macro-structure" ou "système-auteur" dans le logiciel). 2.Le développement de l’outil informatique : le logiciel JOE (Job Orientation and Evolution) Le projet Fonds Social Européen ADAPT-DIFF-ROI-ADFP avait pour objectif principal l’élaboration, le test et la diffusion d’un logiciel de gestion des compétences en relation avec les pratiques managériales des entreprises belges. La réalisation du cahier des charges du logiciel JOE a été fondée sur les attentes déclarées par les entreprises en matière d’outil d’aide à la gestion des compétences. Ces attentes ont été cernées par : - - des entretiens avec les responsables Ressources Humaines des onze entreprises 1 partenaires et avec le responsable des Ressources Humaines de la Fédération wallonne des entreprises (Union Wallonne des Entreprises) ; une enquête (Colot, Reggers, & Dujardin, 1999) auprès de 44 entreprises, représentatives de l’univers des entreprises de la région francophone de Belgique, dont la moitié comptant plus de deux cents personnes . Cette dernière enquête a montré que 26 entreprises sur 44 se sont déclarées intéressées par l’utilisation d’un logiciel de support et de traitement de référentiels de compétences liés à des grandes familles de métiers. Ces entreprises ont souhaité bénéficier d’un outil de gestion des compétences pour atteindre les objectifs suivants : - mieux décrire les métiers dans leur entreprise ; décrire de manière systématique les compétences de leur personnel ; mieux connaître les compétences de leur personnel pour prendre des décisions adéquates en matière de recrutement, de mobilité horizontale et verticale ; cerner les besoins de formation et vérifier l’adéquation des programmes de formation par rapport à ceux-ci. Un premier cahier des charges a été élaboré. Des rencontres d’experts (chercheurs et consultants en gestion des compétences) ont permis d’affiner les attentes et de définir les concepts et approches méthodologiques. Différentes versions du prototype se sont succédées, les améliorations apportées étant liées au feed-back des entreprises utilisatrices. Elles ont abouti à la version prototype finale de JOE, téléchargeable sur le site http://www.hec.be/competences, qui est un outil d’aide à la décision pour l’entreprise. Nous donnons ci-après une brève description des finalités proposées dans le logiciel JOE. Celui-ci permet : - la création de référentiels métiers ; 1 AXA Belgium, CHR de la Citadelle, CMI , Cockerill SAMBRE (aujourd’hui dans le groupe ARCELOR), FN Herstal, GALLER, Générale de Banque (aujourd’hui FORTIS), Lutosa , Smithkline Beecham (aujourd’hui Glaxosmithkline Beecham), Techspace Aero et Vamos. 2 - la gestion et le traitement de l’évaluation des compétences pour un ensemble de titulaires de poste ; une aide à la décision quant aux priorités à donner aux développements des compétences (pour un ou plusieurs titulaires) ; l’élaboration, avec l’assistance d’un tuteur, et le suivi d’un plan de développement des compétences (actions, timing, coûts, indicateurs de résultats) ; des requêtes qui permettent la mise au point de bilans de progression individuels, de bilans de recrutement, d’analyses de remplacement de titulaires ou d’analyses de proximité entre un métier existant et un métier-cible. Le logiciel a fait l’objet d’un test auprès de onze organisations partenaires déjà citées et auprès 1 d’une dizaine d’autres entreprises qui ont manifesté de l’intérêt pour notre projet de recherche. Dans chaque cas, une démonstration du logiciel a été réalisée, suivie d’une formation d’un utilisateur interne. Nous avons demandé à chaque entreprise de tester le logiciel au moins sur une famille de métiers particulière, en utilisant les principales fonctionnalités présentées ci-avant. Une évaluation du logiciel a été demandée à chaque partenaire. L’équipe de recherche a résumé ainsi de manière synthétique les réactions et critiques des entreprises : ? il existe une très forte demande de lien, d’interaction : - - - - avec les bases de données existant dans l’entreprise à propos du personnel (données administratives, fonctions, évaluations annuelles, actions de formation, etc.) ; avec les visions stratégiques de l’entreprise : quels besoins de compétences nouveaux si l’entreprise désire poursuivre telle ou telle orientation stratégique ? avec la formation, les cours, les expériences : quelle relation entre l’évaluation des compétences et le développement de celles-ci en aval ? Comment assurer un développement efficace ? avec la gestion de la rémunération : comment tenir compte des compétences, et particulièrement de la progression des compétences, des individus dans la fixation de leur rémunération ? avec la gestion globale des carrières et avec le suivi individuel des carrières (compétences, formations, postes, etc.) : le logiciel permettant une bonne connaissance du "portefeuille de compétences" de l’entreprise et du bagage de compétence individuel, comment prendre de meilleures décisions de gestion de carrières (affectation de postes, préparation à la mobilité, etc.) ? ? par ailleurs, les entreprises demandent d’améliorer la convivialité et l’ergonomie du logiciel ; ? elles souhaitent également pouvoir adapter les concepts utilisés dans le logiciel à la "terminologie compétences" de l’institution ; ? elles demandent une utilisation possible du logiciel à partir d’internet : partages entre utilisateurs d’une même entreprise, y compris avec accès en dehors de l’entreprise (à distance), partage d’informations (ex. banques de référentiels métiers) entre entreprises différentes via internet. Le timing et le budget de la recherche n’ont pas permis de tenir compte de l’ensembles de ces remarques. L’équipe a dû fixer son cahier des charges , fin juin 2002, et a fait réaliser une version prototype complète et déboguée. Celle-ci est, rappelons-le, téléchargeable sur le site http://www.hec.be/competences 1 Aegist Consult , Ajinomoto- Euro-aspartame, Burodep , Cockerill Mécanique Prestations, Centre de Coopération Technique et Pédagogique (CECOTEPE) de l’Enseignement de la Province de Liège, Centre Hospitalier Psychiatrique de Liège, Centre de Recherche Public Henri TUDOR, Champion Mestdagh, Knauf Alcopor, Test Achat, T intérim, TNT Eurohub, William M. MERCER. 3 3.Questions méthodologiques liées au développement et à l’utilisation du logiciel JOE Suite à la phase de test dans les entreprises, Piette (2003) a particulièrement analysé différents problèmes méthodologiques liés au logiciel JOE, dont nous présentons ici une synthèse commentée : a) La question de l’évaluation Le logiciel JOE offre à son utilisateur beaucoup d’ouverture en ce qui concerne l’évaluation : choix de l’évaluateur (auto-évaluation, hétéro-évaluation par la DRH, la hiérarchie, etc.). Cependant, le logiciel se contente d’enregistrer et de traiter le résultat des évaluations. Ces évaluations peuvent provenir de différentes sources : observations, simulations, questionnaires, autoévaluations. La question de la validité des évaluations ainsi récoltées se pose donc. Pour résoudre cette difficulté, un nouveau projet de recherche, financé par la Région wallonne de Belgique (WIST-E C&QST), a été lancé avec le SMART (Système Méthodologique d’Aide à la Réalisation de Tests) de l’Université de Liège, qui a pour objectif de créer un logiciel qui assistera tout concepteur lors de la création et de la passation d’évaluations standardisées, en assurant la qualité à chacune des étapes du processus. b) Le plan de développement Suite à l’évaluation des compétences d’un titulaire, et à la détection d’écarts de compétences à gérer en priorité, le logiciel propose à un titulaire, ou à un groupe de titulaires, des actions de développement et vise à mesurer ex post les impacts des actions en termes d’évolution des compétences. L’équipe de recherche a pu constater que cette démarche ne suffit pas : a. b. il faut également susciter la motivation de la personne, lui proposer des opportunités de développement et lui apporter les ressources nécessaires, l’évaluation doit porter sur l’évolution des compétences, mais également sur leur transfert dans la pratique professionnelle, en termes de performance. Dans cette évaluation, le retour sur investissement de la formation peut être considéré, en termes de coûts, d’indicateurs d’impacts pour l’entreprise et de contraintes organisationnelles nécessaires à l’efficacité de la formation. Certains éléments du logiciel ROI (Return on investment de la formation), développé dans un précédent projet FORCE (Dujardin, 1996) ont été repris dans le module plan de développement du logiciel JOE. c) Le recrutement et la mobilité La comparaison entre les besoins en compétences de l’entreprise pour un poste donné et le "portefeuille de compétences" d’un titulaire, est une aide à la décision précieuse tant pour le recrutement que pour la mobilité horizontale et verticale. L’équipe de recherche a pourtant mis en évidence les difficultés et les limites de ce type d’approche. Ainsi, Piette et Orban (2003) ont montré qu’il est difficile de formaliser des compétences aux intitulés apparemment "limpides". Un même intitulé dans une liste de compétences (ex. "connaître les normes de paramètres adaptés aux patients") recouvre souvent des activités ou des savoirs différents d’un hôpital à l’autre, voire d’un service à l’autre dans un même hôpital (p. ex. : compétences d’infirmier(e)s travaillant dans deux services différents). 4 Ce constat pose donc la question de la validité des données récoltées et entrées dans le logiciel et que celui-ci va permettre d’interpréter. Tout comme on a mis en évidence les précautions à prendre en ce qui concerne l’évaluation (point a, cf. supra), on insistera sur la nécessaire vérification de la compréhension et de l’interprétation des listes de compétences utilisées pour l’évaluation auprès de tous les acteurs concernés par celle-ci. d) Un outil d’aide à la négociation en gestion des compétences L’objectif de notre recherche était de développer un outil de gestion des compétences négociée : l’entreprise demande (explicite) les compétences individuelles et collectives reprises pour atteindre ses objectifs de performance ; le travailleur offre son "portefeuille de compétences" à celle-ci, le logiciel permet une rencontre négociée entre offre et demande de compétences. Piette (2003) montre que cette logique de négociation peut fonctionner à deux conditions : 1. le travailleur doit avoir accès à la liste actualisée des compétences requises par l’entreprise pour ses différents métiers, et pouvoir s’auto-évaluer régulièrement par rapport à celles-ci ; 2. l’entreprise doit avoir mis en place un système d’évaluation des compétences des travailleurs : compétences possédées mais latentes, compétences à acquérir. Ces deux conditions appellent des commentaires importants : a. un tel système nécessite un travail lourd et de longue haleine pour les services RH de l’entreprise. Notre expérience auprès des partenaires nous montre que les entreprises hésitent dans certains cas à consentir un tel investissement de temps et d’organisation. b. un tel système risque de générer des craintes et des tensions auprès des travailleurs et de leurs représentants. Il s’agit de prendre des précautions en termes de communication et de gestion de ce projet de changement. Cette analyse montre qu’un outil d’aide à la négociation en gestion des compétences ne s’improvise pas : il faut à la fois être conscient des conditions de réussite nécessaires et en assumer tant les coûts que les risques. 4.Conclusions a. Concernant l’outil informatique: son potentiel, ses limites Il est clair que des outils informatiques tels que JOE, bien utilisés, comme nous venons de le préciser, constituent une aide à la décision importante pour le recrutement, la mobilité horizontale, la mobilité verticale, la rémunération, la gestion de la performance et le développement des compétences. La plupart des demandes et des critiques des entreprises allaient dans ce sens (cf. supra) : il y a donc intérêt à construire une application intégrée de gestion en ressources humaines, avec un module gestion des compétences. Dans ce cas, l’outil informatique doit pouvoir être utilisé en réseau, non seulement dans la DRH mais aussi dans toute l’entreprise (dans ses filiales, établissements à l’étranger, …). Une application gestion des compétences doit être en interaction avec la base de données du personnel (ex. informations concernant les postes déjà occupés par un titulaire), avec l’application informatique 5 "rémunérations", avec celle qui gère les évaluations annuelles des performances, de même qu’avec l’outil informatique de gestion des formations. Qu’il soit ou non intégré, nous remarquerons qu’un outil informatique tel que JOE peut être la meilleure comme la pire des choses. Bien utilisé, il peut apporter une aide considérable à l’entreprise. La recherche a mis en évidence les conditions de réussite suivantes : l’entreprise doit avoir une démarche de gestion des compétences proche du fil conducteur du logiciel ; il importe qu’elle consacre à cette démarche le temps et les ressources nécessaires, surtout si elle veut développer un outil négocié de gestion des compétences ; il est nécessaire qu’elle prenne les précautions pour assurer la validité des données d’évaluation récoltées pour traitement par le logiciel, de même qu’il est important qu’elle communique bien auprès de tous les partenaires du projet afin de faire comprendre les enjeux du projet, de même que le vocabulaire commun qui sera utilisé, notamment dans les listes de compétences. On peut facilement imaginer une utilisation moins adéquate du logiciel et envisager les conséquences néfastes qui peuvent découler de la non vérification des conditions ci avant énoncées : démarche de type "discours", sans vraie mise en pratique, manque de validité des données récoltées et donc non fiabilité des résultats finals ; incompréhension de certains acteurs par rapport à la démarche, résistance forte par rapport à l’utilisation de l’outil. Ensuite, il convient d’être attentif à assurer la qualité des résultats produits par le logiciel. Pour ce faire, trois conditions ou critères doivent être vérifiés attentivement : - la compréhension similaire des listes de compétences par tous les acteurs, en particulier ceux qui sont amenés à formuler une évaluation ; la validité des informations recueillies par des sources telles que observations, simulations, questionnaires, auto-évaluations ; la pertinence du traitement des données (choix de la fonctionnalité adéquate du logiciel) par rapport aux objectifs de recherche et/ou aux attentes des entreprises. Enfin, nous noterons qu’un des avantages d’un logiciel de gestion des compétences bien utilisé, est qu’il permet de systématiser, de structurer et de stabiliser les démarches et outils existants dans l’entreprise. Un autre avantage non négligeable est bien sûr sa puissance de calcul, la visualisation des cartes de compétences qu’il propose, les possibilités de simulation et les requêtes disponibles. A contrario, un logiciel de gestion des compétences risque non seulement de stabiliser, mais également de figer l’approche de la gestion des compétences dans l’organisation .Il faut donc éviter que le logiciel "dicte" la méthode au management et que ses utilisateurs soient pris dans un carcan rigide. Voilà pourquoi nous avons constaté que certaines entreprises préfèrent continuer à travailler avec des "outils papier" ou avec des applications informatiques plus simples (tableaux Excel, bases de données "descriptives", etc.). b. Concernant la démarche d’innovation Les expériences relatées dans l’article montrent bien que l’introduction d’un logiciel de gestion des compétences dans une entreprise est une démarche d’innovation. La recherche a permis de discerner les différentes conditions pour que cette innovation ne génère pas trop de craintes, d’incertitudes et de tensions parmi tous les acteurs concernés (direction de l’entreprise, DRH, hiérarchiques, titulaires, représentants syndicaux) : - une bonne communication sur les enjeux exacts de la démarche (p. ex. : à quoi serviront les évaluations ? Par qui et dans quels contextes seront-elles menées ?). une appropriation progressive des concepts, du vocabulaire, et des méthodes liées à l’utilisation de l’outil, ce qui présuppose une formation adéquate des acteurs concernés. la mise en évidence des "bénéfices" engendrés par la démarche pour les acteurs (ex. clarification des rôles, meilleure compréhension des conditions de mobilité, prise de 6 - conscience des chemins de carrière, identification des moyens de développement possibles, etc.). une approche professionnelle de l’outil de gestion des compétences, tant du côté des spécialistes de la GRH que des informaticiens, ainsi qu’un investissement lucide de l’entreprise (se donner les moyens de la démarche et en assumer les risques). c. Concernant les limites rationnelles de la gestion des compétences Notre approche de la gestion des compétences est très rationnelle, qu’elle soit ou non supportée par un outil informatique : l’entreprise définit des postes et des compétences associées ; les individus disposent d’un bagage de compétences. La comparaison met en évidence des écarts de compétences qui permettent de prendre des décisions d’affectation des titulaires ou qui déclenchent des programmes de formation ou d’autres moyens de développement. L’individu ne se réduit pourtant pas à cette analyse rationnelle. Nous avons vu que les compétences sont des construits, des représentations, qui peuvent être très variables selon les individus et/ou les organisations. De plus, l’évaluation menée à l’aide d’un logiciel, qu’elle que soit sa qualité, présente un caractère subjectif, puisqu’il s’agit d’une appréciation qualitative qu’un individu par rapport à un autre individu ou par rapport à lui-même (Piette, 2003). Par ailleurs, une décision d’affectation de personnel ou de développement d’un titulaire prise sur une approche très rationnelle avec un logiciel de gestion des compétences, a sans doute une certaine probabilité de se révéler adéquate. Mais bien des contre-exemples sont possibles : ainsi, a-t-on bien cerné tout le potentiel de créativité du titulaire ? Celui-ci a-t-il la motivation et les ressources adéquates ? Y aura-t-il des "atomes crochus" avec ses nouveaux collègues ? Comment l’annonce d’une action de développement sera-t-elle accueillie ? Comment une décision prise via un logiciel sera-t-elle ressentie par l’individu ? Autant de facteurs subjectifs, irrationnels, qui montrent que l’individu ne se réduit pas à une collection de savoirs rationnels et systématisés. Et donc qui relativisent l’utilisation et l’efficacité des démarches de gestion des compétences, qu’elles soient ou non supportées par un outil informatique. 7 Références Colot, D., Reggers, T., & Dujardin, J.M. (1999). Enquête sur les pratiques de gestion des compétences des entreprises wallonnes. Rapport de recherche, projet objectif 4, "Ingénierie du développement des ressources humaines et des actions de formation dans les PME wallonnes" (1998-1999), Fonds Social Européen. De Witte, S. (1998a, février). La méthode d'Analyse de l'Activité et des Compétences (ADAC). Communication présentée dans le cadre d’une conférence à l'attention des dirigeants d'entreprises wallonnes, HEC-Liège, Belgique. De Witte, S.& MONT,V.(1998b). Prés entation synthétique de la méthode d'analyse de l'activité pour l'analyse des compétences (ADAC). Centre FFPS (Fonction Formation et Prévision Sociale), Conservatoire National des Arts et Métiers, Paris. Dujardin, J.M., (1996). Quelles nouvelles approches pour évaluer la performance de la formation en entreprise? Le projet FORCE-ROI. Gestion 2000, 5, pp. 31-43 . Le Boterf, G. (1997a). De la compétence à la navigation professionnelle. Paris : Les Editions d'Organisation. Le Boterf, G. (1997b, novembre). Nouveaux concepts et nouvelles démarches en gestion des compétences. Communication présentée dans le cadre d’une conférence à l'attention des dirigeants d'entreprises wallonnes, HEC-Liège, Belgique. Piette, S.A. (2003). Réflexions méthodologiques à la base du cahier des charges JOE. Rapport interne dans le cadre du projet FSE en gestion des compétences (n° W1001187). Piette, S.A., & Orban, M. (2003). Formation tutorale de nouveaux agents infirmiers. Personnel et Gestion, 7, pp. 2-10 8