Vive le 6 cylindres

Transcription

Vive le 6 cylindres
Par Jérôme Belval - Photos Marc Mellet
Reportage
320/6 Vive le 6
Photo : DEF
C
Texte : Jérôme Belval
’était en 1975... Oui la série 3 est une
trentenaire puisqu’elle est apparue
cette année-là. Et si aujourd’hui on
redécouvre cette première génération
avec plaisir il faut se souvenir que le
modèle E21 a reçu un accueil contrasté. A
sa décharge il lui fallait mettre un terme à
la brillante carrière de la 2002, ce qui vous
l’avouerez n’était pas une partie gagnée
d’avance. D’autant que la passation des
pouvoirs va se faire sur fond de crise énergétique. Le phénomène n’est pas nouveau
(rire) et lorsque j’ai relu les essais d’époque
pour me rafraîchir la mémoire j’ai même
esquissé un sourire en lisant quelques lignes
qui auraient pu être écrites en 2006. Vous en
profiterez un peu plus loin. On se demande
alors si la 320i, le modèle le plus puissant de
la gamme en 1975, sera à la hauteur de son
illustre aînée, la 2002 tii. Equipée du quatre
cylindres M10 à injection elle est la seule
à pouvoir prétendre défendre l’excellente
renommée dont jouit BMW à cette époque.
Car les choses ont évolué depuis le début
des années 60 et BMW s’est forgé une
solide image de marque. Pour de nombreux
automobilistes le constructeur allemand se
distingue par sa capacité à produire des
autos rapides, au comportement dynamique
et d’une qualité de fabrication irréprochable.
Quel chemin parcouru car le lancement de la
nouvelle classe avec la berline 1500 n’a pas
été de tout repos pour les concessionnaires
de la marque. Ils ont eu raison de tenir bon
et ceux qui ont eu la bonne inspiration de
se «placer» au bon moment ne l’ont pas
regretté. La 320i comme les modèles moins
puissants de la gamme reprend dans les
grandes lignes ce qui avait été défini précédemment. Les dimensions, la mécanique,
le positionnement sont globalement dans la
lignée de la 2002 bien que le nom change,
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A la fin des années
70 la série 3 reçoit
un nouveau moteur
avec 2 cylindres
supplémentaires.
Peu significatif côté
performance cette
audace ouvre une
nouvelle ère synonyme
d’agrément, de
plaisir et bientôt de
performance. Bienvenu
à bord de la 320/6, la
première du genre.
e 6 cylindres !
Nous avons retrouvé la traçe d’une série
SPECIAL FRANCE. Bien qu’il soit difficile
d’avoir des certitudes à propos de cette
version numérotée le nombre de 1000
exemplaires circule. Commercialisé en
1982 cet exemplaire N° 249 se distingue
par sa couleur Schwarz mais aussi par
son équipement: direction assistée, jantes
alliage, boîte 5 économique et vitres
arrières ouvrantes. Affaire à suivre...
ce qui traduit tout de même une volonté de
changement... Avec le chiffre 3 apparaît un
style qui est tout de suite comparé à celui de
la série 5 avec sa calandre inclinée à quatre
phares, alors qu’à l’intérieur l’arrivée d’un
poste de conduite orienté vers le conducteur
est accueilli favorablement. Est-ce que ce
sera suffisant pour faire avaler la pilule ? Rien
ne le dit car le constructeur qui s’est engagé
à réduire les émissions et la consommation
a remplacé la célèbre injection Kugelfischer
par une Bosch K-Jetronic, ce qui fait perdre
5 chevaux et un peu de couple, et dire à
Gilles Dupré dans les colonnes d’Echappe-
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ment: « Les législateurs gagnent des points
de jour en jour» (Aujourd’hui ils nous en font
perdre !) Autre morceau choisi toujours du
même auteur, cette fois à propos du léger
recul de la vitesse de pointe de la 320i : «
Les derniers kilomètres/heure ou les derniers dixièmes, tout le monde s’en fout...
les gouvernements marquent des points
avec la limite de vitesse, moyen facile de se
décharger des responsabilités par une mesure aussi spectaculaire qu’inefficace « Ca
aurait été dommage de s’en priver, vous ne
trouvez pas ? D’accord il faut se contenter
de 125 ch à 5700 tr/mn (ce qui n’est pas si
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mal) et accepter le recul des performances
mais finalement ce n’est pas préjudiciable.
L’auto mieux profilée et plus confortable, qui
de surcroit ne subit toujours aucune concurrence extérieure, a conservé l’essentiel de
ses aptitudes sportives. Ce qu’elle perd d’un
côté elle le rattrappe de l’autre. Illustration
avec la suspension plus souple donc plus
sensible au roulis : la perte d’efficacité est
compensée par l’arrivée d’une direction
à crémaillère plus précise. La plupart des
clients apprécieront d’ailleurs ce mélange
d’efficacité et de confort. A tel point que
les carnets de commande se remplissent
facilement et que les chiffres de production
décollent !
QUEL AGREMENT !
La recherche constante d’agrément, de
douceur d’utilisation et de puissance (ultérieurement) va pousser BMW à équiper la
série 3 d’un 6 cylindres à partir de 1977. Pas
un bloc lourd et encombrant comme le M30
des berlines 2500, 2800, 3.0 et 3.3 mais
un moteur d’une cylindrée plus modeste,
le M20. Ce dernier commence sa carrière
avec une cylindrée de 1990 cc et donne
naissance à la 320/6 qui sera présentée à
Francfort en même temps que la fameuse
323i, le chiffre 6 permettant de distinguer la
nouvelle six cylindres de 122 ch de la 320
à moteur quatre cylindres M10. Elle n’est
ni plus puissante, ni plus rapide mais elle
apporte cependant ce qu’un modèle quatre
cylindres ne peut offrir, la souplesse... L’architecture du 6 permet à BMW, qui a investi
lourdement dans le projet, d’apporter à ses
clients une motorisation irréprochable. Selon
les ingénieurs de l’époque il ne fallait pas
dépasser la cylindrée de 1,8 litres en quatre
cylindres, soit 45 cc par cylindre pour éviter
la «rugosité». Tout le monde est convaincu
au sein de la maison allemande que le
«petit six» dispose de toutes les qualités et
c’est avec une confiance inébranlable que
le grand patron de l’époque, Eberhard von
Kuenheim, a accueilli quelques journalistes privilégiés avant le Salon de Francfort
77. Tout le monde a rapidement compris
pourquoi ! Avez-vous déjà eu la chance
d’entendre et de profiter de ce moteur ? Si
ce n’est pas encore fait il faut y remedier et
vous allez en redemander. Mes premiers
souvenirs automobiles en tant qu’émotions
fortes remontent au début des années 80. Il
y a bien la 2cv de mon grand-père qui m’a
impressionné petit, mais c’était davantage
par le gîte qu’elle acceptait en courbe que
par l’explosivité de son moulin... A l’arrière
de la 323i, ce n’était pas la même chanson
lorsque je profitait des longs trajets sur
autoroute, son terrain de prédilection. Je me
souviens encore de la mélodie incroyable et
des ressources de ce moteur, qui un peu
comme les mômes à l’arrière, ne se fatiguait
jamais. Ces qualités et ses souvenirs je les
ai redécouvert au volant d’une superbe
320/6 à carburateur. Toutes les louanges
que l’on décerne au six cyindres BMW
moderne, on pouvait déjà dire à propos du
M20. Un tour de clé et c’est parti. L’énorme
double carburateur Solex caché sous le
gigantesque couvercle rond envoie ce qu’il
faut d’essence pour faire ronronner les six
cylindres. Je prend le temps d’apprécier le
moment, de détailler cette superbe planche
de bord avec ses deux gros compteurs. En
frôlant la pédale d’accélérateur je fais grimper l’aiguille du compte-tours dans la zone
verte. On reproche souvent aux habitacles
allemands une certaine austérité. Celui-là
vous invite à penser le contraire. Tout n’est
que plaisir au volant de cette E21 qui ne
peut laisser pas indifférent. Son agrément
moteur est incomparable avec un dosage
parfait entre la souplesse et la puissance. On
dit souvent que la manière dont est délivrée
la puissance est parfois plus importante que
la puissance elle-même. Le propos prend ici
tout son sens et suffit à expliquer le succès
rencontré par les versions 6 cylindres de la
série 3 E21 malgré une certaine imprecision
du châssis. (Cela a son charme !) De 1978 à
1980, soit durant trois années consécutives,
la 320/6 a été le modèle le plus vendu. Au
total plus de 270 000 exemplaires seront
produits. Moins recherchée qu’une 323i,
la 320/6 se négocie sous les 3000 Euros.
Attention toutefois car en Allemagne la
tendance de cette auto à redécouvrir absolument est à la hausse.
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La manière dont est délivrée la
puissance est plus importante
que la puissance elle-même.
Illustration parfaite au volant
de la 320 six cylindres.
FICHE TECHNIQUE 320/6
Moteur
Type6 cyl. en ligne
Arbre à cames en tête
Alésage x course (mm) 80 x 66
Cylindrée (cc)1990
Puissance (ch@tr/mn)
122@6000
Couple (mkg@tr/mn)
16@4000
Taux de compression
9.2:1
SoupapesSoupapes suspendues
AlimentationDouble carburateur
double corps Solex 4A1
Transmission
EmbrayageMonodisque à sec
Boîte5 + R
Rapport de pont3.64 :1
Système électrique
Alternateur770 W tri-phasé
Batterie12 v - 44 Ah
Chassis
CoqueAutoporteuse acier
Suspension avant
Mc Pherson
Bras oscillants
Suspension arrière
Bras oscillants
Amortisseurs
Freins avantDisques 255 mm
Freins arrièreTambours 250 mm
Jantes5,5 J 13
Pneus185/70 HR 13
Dimensions
L x l x h (mm)4355 x 1610 x 1380
Empattement (mm)
2563
Voies av/ar (mm)
1387/1396
Réservoir (litres)58
Poids à vide (kg)
1090
Consommation (l/100 km) 10.1 (120km/h)
Les proportions et les volumes de la
2002 sont respectés mais la série 3
possède son propre style.
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Le double carburateur Solex est bien caché
sous la grosse «gamelle» qui contient le
filtre à air.
Performances
Vitesse maxi (km/h)
181
0-100 km/h (sec)10,7
Production (années)
1977 - 1982
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