L`alcoolisme et la toxicomanie au sein de la profession juridique

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L`alcoolisme et la toxicomanie au sein de la profession juridique
L’alcoolisme et la toxicomanie
au sein de la profession juridique
Adrian Hill, LSM
LPAC
Programme d’aide aux juristes
Me Adrian Hill, directeur général
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Ce document a été publié en 1998 par le Programme d’aide aux juristes. Il fait partie du
Programme de prévention de l’Association du Barreau canadien.
La traduction française a été assurée par le Programme d’Aide aux Membres du Barreau du
Québec.
Pour faciliter la lecture de ce document, le masculin englobe le féminin.
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Chapitre 1 – L’alcoolisme et la toxicomanie au sein de la
profession juridique
Introduction
L’alcoolisme est une maladie chronique, progressive et incurable, caractérisée par la perte de contrôle sur
l’alcool. Bien que l’alcoolisme soit incurable, il est possible de le traiter.1 Des millions de personnes en
Amérique du Nord souffrent des effets de l’alcoolisme. Il s’agit d’une maladie qui ne connaît pas de
frontières sociales ou économiques. Les juges et les avocats n’y font pas exception. En effet, la profession
juridique connaît un taux d’alcoolisme beaucoup plus élevé que la population adulte générale. La
dépendance aux médicaments et aux drogues illégales est beaucoup moins répandue, car l’alcoolisme
représente 95 p. 100 des dépendances chez les avocats et les juges. La plupart des professionnels
toxicomanes ont aussi une dépendance croisée à l’alcool.
La reconnaissance de l’alcoolisme à titre de problème important de santé et personnel au sein de la
communauté juridique a incité plusieurs barreaux nord-américains à se pencher sur la question au cours
des vingt dernières années. L’Association du Barreau canadien et l’American Bar Association ont adopté
des recommandations demandant aux autorités provinciales et d’État de mettre sur pied des programmes
de lutte contre l’alcoolisme en vue d’en favoriser l’éducation, l’identification et la réadaptation. Il existe
maintenant des programmes d’aide aux avocats dans toutes les provinces canadiennes et dans la plupart
des états américains.
Quelques renseignements permettront de constater l’étendue du problème. Il est reconnu et accepté que
10 p. 100 de la population adulte souffre d’alcoolisme.2 Un alcoolique est un homme ou une femme
dépendant de l’alcool, c’est-à-dire qu’il ou elle ne peut contrôler sa consommation d’alcool. De plus, pour un
alcoolique, la consommation d’alcool mène à l’ébriété de façon fréquente et répétée, produisant une
détérioration généralisée de sa santé, de sa qualité de vie et de sa compétence professionnelle.
Environ un tiers de la population adulte ne consomme pas d’alcool pour des motifs religieux, de santé ou
personnels.2 Parmi les deux autres tiers de la population adulte qui consomment de l’alcool, plus d’une
personne sur sept est alcoolique. Les alcooliques boivent plus de la moitié de tout l’alcool consommé. 2
Selon des études menées dans plusieurs régions différentes, le taux d’alcoolisme dans la communauté
juridique se situe entre 15 p. 100 et 24 p. 100. Grosso modo, un avocat sur cinq est alcoolique. Bien sûr, le
corollaire est vrai, c’est-à-dire que la majorité n’a pas de problème d’alcool.
Plusieurs autorités ont découvert qu’il existe une relation entre l’alcoolisme et les fautes professionnelles et
les poursuites en matière disciplinaire. Selon des études menées au Canada et aux États-Unis, dans
environ 60 p. 100 des poursuites en matière disciplinaire, il existe des problèmes d’alcoolisme. De la même
manière, dans environ plus de 60 p. 100 de toutes les poursuites pour faute professionnelle, il existe des
problèmes d’alcoolisme. De façon plus importante, une étude récente suggère que dans 90 p. 100 des
questions disciplinaires sérieuses, on retrouve une consommation abusive d’alcool. Il est évident que
l’alcoolisme au sein de la profession juridique constitue un problème qui coûte très, très cher.3
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Ces résultats s’appliquent aussi à la toxicomanie. Le développement de la maladie est similaire, quoique
parfois accéléré. Le traitement et le rétablissement se ressemblent aussi et l’abstinence appuyée par des
programmes de rétablissement de Douze étapes s’est révélée utile pour les deux types de dépendances.
Dans ce document, nous étudierons les effets de l’alcoolisme et de la toxicomanie dans la profession.
Certains lecteurs diront que les chiffres sont tout à fait exagérés. Des études réalisées au sein d’autres
professions, en particulier la médecine et l’art dentaire, indiquent que les taux d’alcoolisme et de
toxicomanie sont légèrement plus élevés que dans la profession juridique. Ne vous y trompez pas : dans
notre profession, l’alcoolisme et la toxicomanie sont des maladies très réelles, dangereuses et coûteuses. Il
est impossible d’en calculer les coûts pour l’alcoolique ou le toxicomane, sa famille, ses clients, notre
profession et la collectivité dans son ensemble.
Comme nous le verrons plus loin, il n’existe pas de remède pour l’alcoolisme ou la toxicomanie.
Néanmoins, il est possible de contrer la maladie en s’abstenant de toute substance intoxicante. Pour ceux
qui connaissent le domaine, le processus de réadaptation et de rétablissement peut produire des miracles
pour l’alcoolique ou le toxicomane, et ces miracles ont lieu. Dans notre profession, nous avons la chance
d’avoir une armée d’avocats bénévoles qui ont su surmonter leur dépendance et qui offrent du soutien,
sans frais et sans hésitation. Notre taux de succès au sein de ce groupe de pairs est vraiment remarquable.
Pourquoi les avocats sont-ils à risques ?
Dans notre profession et notre travail, nous devons être articulés, persuasifs, créatifs et cohérents. Nous
apprenons à faire preuve de professionnalisme et à cacher nos propres inquiétudes, nos peurs, notre
dégoût, notre répugnance, notre ennui, au cours de l’exercice de nos activités professionnelles. Nous nous
construisons une solide carapace extérieure et nous réprimons nos propres faiblesses. Nous apprenons à
recevoir peu de soutien de la part de nos collègues et à leur en offrir peu. Nous apprenons à travailler avec
d’autres avocats en tant que professionnels et non pas en tant qu’êtres humains. Il n’est donc pas
surprenant que plusieurs avocats se sentent isolés et seuls en tant que personnes, tout en maintenant une
identité bien définie à titre d’avocats au sein de la profession.
De façon générale, les professionnels conviendront que leur profession devient de plus en plus stressante
en raison de la concurrence, de la spécialisation, de la complexité des dossiers et des demandes qui leur
sont faites. Plusieurs théories ont été élaborées sur le niveau plus élevé des statistiques sur l’alcoolisme
chez les professionnels que dans la population générale. Certains affirmeront que les professionnels sont
étudiés de plus près que les autres métiers et qu’en réalité, les statistiques ne sont pas plus élevées.
D’autres diront que chez les professionnels, la progression de l’alcoolisme se poursuit sans interruption ni
intervention de la part des pairs parce qu'il y a une entente selon laquelle les collègues n’interviennent pas
les uns envers les autres pour ne pas brimer leur liberté. De plus, les professionnels sont rarement
assujettis à la supervision étroite qui est exercée dans d’autres emplois.
Pour l’alcoolique ou le toxicomane, qu’il soit un professionnel ou non, il est habituel de voir sa vie sociale et
familiale se détériorer, alors qu’il fait le maximum d’efforts pour préserver sa vie professionnelle. En outre,
les professionnels ont tendance à être intro-déterminés et perfectionnistes et par conséquent, ils sont très
réticents à offrir de l’aide ou à en demander. Les avocats sont habituellement bien articulés, agressifs et
bien en mesure de manipuler ou de contrôler les réunions, les discussions et les relations. Ils sont aussi
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capables de changer le sujet de conversation lorsqu’ils sont l’objet de la discussion. Les avocats sont
formés de manière à devenir imperturbables et implacables face aux problèmes personnels.
L’alcoolisme, les drogues et les avocats
Qu’on le veuille ou non, les avocats qui boivent ou qui consomment des drogues sont beaucoup plus à
risques de perdre le contrôle que la population générale.4 Les études indiquent que le droit, ainsi que
d’autres professions d’assistance à autrui, comme la médecine, l’art dentaire et le travail social, ont
tendance à attirer un plus grand nombre de personnes susceptibles de développer des
chimiodépendances, dont l’alcoolisme en particulier.
L’alcoolisme et la toxicomanie, en tant que maladies, suivent un cours prévisible, avec des symptômes
communs apparaissant à chaque étape, peu importe le type de substance psycho-active et la fréquence de
consommation. Si ces maladies ne sont pas traitées, leur développement mènera inévitablement à une
perturbation sociale, physiologique et émotionnelle extrême et provoquera souvent la mort. Il est très facile
de reconnaître l’alcoolisme et la toxicomanie dans leurs phases avancées.
Il est cependant plus difficile de reconnaître et de diagnostiquer les débuts de la maladie car, comme bon
nombre de pathologies chroniques, la progression se mesure en termes d’années, souvent de 15 à 20 ans
ou plus, entre la première consommation et l’apparition de symptômes indéniables et très apparents.
Toutefois, les dernières années ont vu apparaître les drogues comme la cocaïne et le crack qui détruisent
complètement un mode de vie et souvent cette destruction se mesure en termes de mois à partir de la
première consommation.
Le déni fait partie intégrante de la vie de la personne qui souffre d’alcoolisme ou de toxicomanie. Les
organismes juridiques ont fait preuve du même déni face à l’alcoolisme. Bien que l’alcoolisme ait été une
cause importante de poursuites pour faute professionnelle et de plaintes disciplinaires dans notre
profession depuis un très grand nombre d’années, ce n’est que tout récemment que les barreaux ont
assumé la responsabilité d'y faire face. Alors que l’American Medical Association a mis sur pied un
programme d'aide pour les médecins en 1972, l’American Bar Association a attendu jusqu’en 1988 pour
établir sa Commission on Impaired Attorneys. Ce n’est qu’en 1990 que l’Association du Barreau canadien a
mandaté un comité d’étude sur l’alcoolisme et la toxicomanie. Au moment où les barreaux nationaux ont
commencé à étudier et se concentrer sur la maladie de l’alcoolisme et de la toxicomanie, les barreaux
provinciaux et d’État ont aussi commencé à examiner ce qu’ils pouvaient faire pour les avocats souffrant
d’alcoolisme et de toxicomanie.
L’avocat alcoolique et toxicomane type
Plusieurs continuent de croire que l’alcoolique est un sans-abri, un vagabond, un clochard. Moins de
5 p. 100 des alcooliques et des toxicomanes sont des clochards. La plupart ont une famille, un toit, un
travail et une carrière. Plusieurs avocats peuvent encore penser qu’ils ne peuvent pas être alcooliques ou
toxicomanes puisqu’ils ont encore leur maison, leur famille, leur bureau et leur pratique.
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L’identification de l’alcoolisme et de la toxicomanie peut être difficile pour les gens qui ne sont pas familiers
avec le problème.5 La plupart des avocats, des juges et des membres de comité de discipline ne bénéficient
d’aucune formation pour reconnaître les symptômes de l’alcoolisme et de la toxicomanie. Dans la vie
professionnelle d’un avocat, peu seront exposés de façon constante à un avocat alcoolique ou toxicomane
et ils n’auront pas l’occasion d’observer l’avocat en question de manière à pouvoir déceler chez lui les
symptômes évidents de l’alcoolisme ou de la toxicomanie.
Les pressions et les difficultés de la pratique offrent des excuses toutes faites pour les crises de colère, la
confusion, les retards, l’épuisement, l’inattention ou l’anxiété. Un avocat verra rarement au cours de sa vie
professionnelle un de ses collègues manifester toute la gamme de symptômes. Puisqu’un avocat alcoolique
ou toxicomane peut consciemment tenter de cacher le problème, particulièrement auprès des personnes en
autorité, peu peuvent s’attendre à voir plus qu’une petite partie du problème.
De plus, les autres avocats ou membres du personnel peuvent être réticents à discuter des symptômes de
l’alcoolisme et de la toxicomanie avec une autre personne, sans doute parce que, consciemment ou
inconsciemment, ils protègent l’alcoolique ou le toxicomane.
Une connaissance de l’alcoolisme et de la toxicomanie peut en aider plusieurs dans la profession à
reconnaître les signes de danger chez les amis et les confrères. Néanmoins, peu nombreux sont ceux qui
s’attendent à être remerciés d’avoir reconnu les symptômes et personne ne peut espérer des
remerciements immédiats pour les avoir signalés ou avoir pris des mesures à leur égard.
L’alcoolisme est une maladie progressive et un avocat peut pratiquer le droit et être un buveur mondain,
sans subir de difficultés, ni de répercussions pendant très, très longtemps. Après peut-être 20 ans ou plus,
cet avocat peut franchir la ligne distinguant le buveur mondain du buveur problème. Il peut se passer
encore cinq ou dix ans avant que celui-ci ne devienne un alcoolique. De façon caractéristique, l’avocat âgé
de 40 à 55 ans est plus à risques de devenir un alcoolique.
La maladie peut s’installer très, très graduellement. Il est possible que les collègues, les employés et les
membres de la famille ne remarquent pas le changement graduel qui se produit sur plusieurs années. Le
début de la maladie peut se manifester par une consommation accrue sur une base quotidienne ou une
consommation excessive les fins de semaine ou des cuites qui durent des fins de semaine entières à tous
les quelques mois. L’alcoolisme peut se manifester par une consommation constante, y compris les trous
de mémoire (« black-out »).6
L’alcoolique peut être un juge de 50 ans, un jeune avocat de 26 ans, un homme ou une femme. Le nombre
et la proportion d’avocats alcooliques augmentent avec l’âge. Ainsi, le taux d’alcoolisme le plus lourd et le
plus élevé se situe chez les avocats les plus âgés.
La maladie n’a de respect ni pour l’âge, ni pour le statut. Elle a touché des avocats réputés, des juges, des
chefs de gouvernement, des premiers ministres et des présidents. Plusieurs souffrent actuellement
d’alcoolisme. Il y a les avocats réputés, au sommet de leur profession, qui consomment 40 onces de
boisson très alcoolisée tous les jours. Ils ne croient pas qu’ils sont alcooliques parce qu’ils continuent de
fonctionner au bureau et de produire. Voici quelques exemples qui aideront à comprendre la maladie et le
coût qu’elle entraîne.
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Exemple no 1. Louise travaille pour le plus important cabinet de fusions et d’acquisitions de la ville depuis
qu’elle est sortie d’une école de droit réputée, au premier rang de sa promotion. Organisée, pleine
d’assurance, articulée et ingénieuse, elle sera la plus jeune avocate salariée à se voir offrir l’association. La
fille d’un juge à la retraite, elle a évité la façon abusive de boire pour laquelle son père était connu. Louise
ne boit jamais au déjeuner, ni au travail. Un verre de vin à la réception de Noël du bureau révèle qu’elle n’a
pas une attitude rigide envers l’alcool.
Mais ses collègues, les membres de sa famille et ses clients ne savent pas que Louise boit une bouteille de
vin blanc tous les soirs, seule dans son luxueux condo d’une tour d’habitation. Une alcoolique depuis son
premier verre d’alcool à l’âge de 13 ans, elle boit tous les jours depuis sa première année de droit. Si Louise
continue de boire à ce rythme, elle mourra à l’âge de 37 ans des suites d’une hémorragie de l’oesophage et
de l’estomac. Si elle survit à l’hémorragie, les lésions au foie la tueront au cours des deux années
suivantes.
Comme plusieurs buveurs qui se cachent, Louise est trop terrifiée pour demander de l’aide. Dans
pratiquement chaque tour d’habitation, il existe quelqu’un comme Louise. Étant une femme seule, sans
conjoint ni enfant, les chances de s’en sortir, le pronostic et le rétablissement de Louise sont statistiquement
les pires de n’importe quel groupe.
Exemple no 2. Depuis 20 ans, Pierre pratique le droit dans une petite municipalité. Ancien buveur de
bière après la partie de hockey avec les amis, et un buveur mondain, sa consommation d’alcool s’est
lentement accrue au fil des ans. Il boit tous les jours et, souvent le matin, il a besoin d’un remontant pour
faire face au bureau. De plus en plus de clients se plaignent de ses retards dans les dossiers, de son travail
bâclé et de sa temporisation : report de procès, annulation à la dernière minute de rendez-vous et
d’interrogatoires préalables.
La réduction des honoraires lui impose des contraintes financières plus importantes. Il a commencé à
emprunter en mettant en garantie les sommes en fiducie, sachant qu’il fera le travail éventuellement et que
ses clients y trouveront leur compte. Le Barreau lui a transmis trois lettres concernant des plaintes de
clients à son endroit. Celles-ci sont demeurées sans réponse.
Tous ceux qui le connaissent n’oseraient décrire Pierre comme un alcoolique, même s’il en est un depuis
six ans. Tout son entourage sait que sa consommation d’alcool lui cause du tort, altère son rendement et
ses relations. Sa femme, ses enfants, ses employés, ses clients, les greffiers ne savent pas jusqu’à quel
point sa consommation d’alcool a une incidence dans tous les domaines de sa vie. Si quelqu’un pouvait voir
l’ensemble de la situation, il saurait que Pierre est au bord de la catastrophe.
Au cours des trois prochaines années, Pierre dépensera jusqu’à 250 000 $ de l’argent en fiducie provenant
des clients, à titre d’honoraires versés à l’avance. Éventuellement, il sera accusé d’abus de confiance au
criminel et le Barreau le radiera pour cause de détournement de fonds et de pertes résultant de sa
négligence professionnelle. Il y a un grand nombre d’hommes et de femmes comme Pierre dans la province
où il pratiquait. Il en est de même dans toutes les autres provinces et États de l’Amérique du Nord.
Exemple no 3. Erica est un juge du tribunal de la famille depuis six ans. Elle adore son travail et est fière
de ses excellentes connaissances juridiques et du contrôle judicieux qu’elle exerce dans sa cour. Aussi
exigeante qu’elle puisse être à l’égard des avocats, elle l’est encore plus envers elle-même, faisant ses
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propres recherches sur les points de droit et rédigeant des jugements bien étoffés. Elle rêve d’être nommée
à la Cour d’appel où sa discipline et sa compétence pourront être mieux mises à contribution.
Les autres juges ont commencé à éviter Erica et ont moins souvent le temps d’aller déjeuner avec elle.
Leurs sorties du jeudi soir dans un bar à la mode semble être chose du passé. Le changement dans sa
relation avec les autres juges contrarie Erica. Elle se sent seule et abandonnée. En réalité, les autres juges
évitent de déjeuner avec Erica parce qu’elle prend toujours un ou deux verres de trop et son intellect bien
aiguisé devient une arme mortelle. Maintenant, elle boit souvent seule. Elle continue de prendre les
médicaments contre la douleur que son médecin lui a prescrits à la suite d’un accident de ski où elle s’est
blessée au genou. Elle prend aussi d’autres médicaments pour sa fatigue constante, les mélangeant avec
du scotch.
En réalité, elle sent qu’elle devrait réduire sa consommation d’alcool, mais ses efforts sont demeurés sans
succès. Après deux semaines d’abstinence, elle constate que son besoin d’alcool est plus grand dès qu’elle
reprend un verre. En peu de temps, elle consomme autant qu’avant et son mari est encore sur son dos. Il
n’est ni avocat, ni juge, comment peut-il comprendre les pressions qu’elle subit ?
Erica a besoin d’aide, mais sa capacité de contrôler les autres est grande et, avec sa langue bien pendue,
personne n’ose faire quoi que ce soit. Quelqu’un a laissé sur son bureau un dépliant sur le programme
d’aide, le numéro de téléphone de la ligne d’assistance encerclé en rouge…
Exemple no 4. Jean est associé dans un cabinet de taille moyenne. Il est membre du conseil
d’administration de plusieurs sociétés importantes, il est un ancien président d’un grand organisme
d’entraide et, grâce à lui, plusieurs clients importants ont retenu les services de son cabinet au cours de ses
25 ans de pratique. Peu après son admission au Barreau, Jean est devenu un buveur irrégulier : tous les
trois ou quatre mois, il passait une longue fin de semaine au chalet ou une semaine en Floride à boire
jusqu’à l’ivresse.
Jean s’est rendu compte qu’il ne supportait pas l’alcool et il évitait toujours de boire au bureau et même à la
maison, sauf pour ses cuites épisodiques. Avec le temps, cependant, les cuites se sont rapprochées et au
cours des dernières années, elles ont lieu tous les mois. Les associés de Jean ont appris à le protéger : il
est en vacances ou à l’hôpital. C’est en partie vrai : l’an dernier, Jean a secrètement fait un séjour dans un
hôpital du Sud après une longue cuite.
Jean sait qu’il a un problème, mais il ne sait pas qu’il est alcoolique. À l’hôpital, les médecins lui ont dit qu’il
était un alcoolique. Mais, selon Jean, ils voulaient simplement lui vendre un programme de rétablissement
de 28 jours, au coût de 17 000 $, et dont il n’a certes pas besoin. Les murs se referment sur Jean et il ne
sait pas vers qui se tourner.
Jean ignore que ses associés ont discuté de son expulsion du bureau. Les cuites de Jean s’aggraveront et
ses associés l’expulseront deux ans plus tard. Avant cela, sa femme l’aura quitté. Seul, Jean amorcera
chez lui une cuite qui durera 18 mois, refusant de répondre à la porte et au téléphone.
Il n’existe pas d’avocat alcoolique ou toxicomane type. Les comportements et les apparences des
alcooliques sont aussi variés et nombreux que dans n’importe quel groupe de personnes. Dans les débuts
de l’alcoolisme, une personne peut ne présenter aucune difficulté ou aucun problème face aux clients, aux
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collègues ou même aux amis et aux membres de la famille. Voici un dernier exemple illustrant les débuts de
l’alcoolisme.
Philippe, 35 ans, vivait à Toronto et était l’associé senior d’un petit bureau qui connaissait beaucoup de
succès et qui était très rentable. Au cours de ses 12 années de pratique, il avait attiré des clients nationaux
et internationaux fidèles. Financièrement à l’aise et sans aucune dette, son chiffres d’affaires était élevé et il
bénéficiait d’un des plus hauts revenus de la profession. Un avocat dévoué, il était un père tout aussi
dévoué envers ses deux enfants qu’il élevait seul. Outre son rôle d’avocat et de chef de famille
monoparentale, il n’avait pas de vie personnelle.
Il était un buveur mondain depuis 20 ans et vous n’auriez jamais pensé le qualifier de buveur problème. Il
buvait rarement au déjeuner, sauf pour des occasions spéciales, et vous ne l’auriez jamais vu en état
d’ébriété. Il semblait parfois avaler son verre d’un seul coup lors de réceptions mondaines, mais il s’arrêtait
de boire rapidement.
Aucun client, ami ou membre de sa famille n’aurait songé à qualifier Philippe d’alcoolique. Si quelqu’un
avait avancé une telle allégation, ses clients, amis, collègues et les juges auraient été outrés d’une telle
insinuation et ils auraient pris la défense de Philippe et de sa réputation. Trois ans plus tard, à l’âge de
38 ans, Philippe surprenait et, dans certains cas, choquait, sa famille, ses amis et clients en leur disant qu’il
avait décidé de s’abstenir de consommer de l’alcool pour toujours, la seule façon d’arrêter son alcoolisme.
Mais son entourage ignorait la situation véritable de Philippe. Il travaillait au bureau toute la journée, rentrait
à la maison et préparait le souper des enfants et les mettait au lit. Une fois au lit, à 21 heures, il commençait
à boire et consommait habituellement l’équivalent de six onces de boisson très alcoolisée tous les soirs.
Ivre au moment d’aller au lit, il s’endormait et recommençait le même jeu le jour suivant.
Entre l’âge de 35 et de 38 ans, la consommation d’alcool de Philippe est devenue plus systématique, pour
atteindre 12 onces par jour. Boire était devenu un aspect important de sa vie et il planifiait ses vacances et
ses congés en fonction des occasions de boire. Même s’il savait qu’une consommation d’alcool au-delà de
cinq ou six onces par jour était dangereuse pour la santé, Philippe faisait fi de cette information et se
convainquait que l’alcool était un bon remède à sa solitude, son absence d’épanouissement, la douleur
causée par l’arthrite et tout autre prétexte qu’il pouvait rationaliser et justifier.
À l’occasion, Philippe s’abstenait de boire. Il a remarqué qu’il tenait rarement aussi longtemps qu’il l’avait
prévu. Dès qu’il recommençait à boire, il revenait à son niveau de consommation antérieur en quelques
jours. Cependant, il ne croyait pas souffrir d’alcoolisme puisqu’il n’avait pas de symptômes de sevrage.
Au retour d’une semaine de vacances au cours de laquelle il avait bu de façon constante, Philippe s’est
demandé dans quelle direction s’en allaient sa vie et sa santé. Il a tout d’abord décidé de s’abstenir de boire
et d’obtenir ensuite des renseignements sur l’alcoolisme. Après avoir tardé à le faire pendant plusieurs
semaines, il a composé le numéro de la ligne d’assistance du Barreau de l’Ontario et y a laissé son nom et
son numéro de téléphone. En une heure, trois avocats communiquaient avec lui et l’un d’entre eux acceptait
de le rencontrer le lendemain.
Ce jour-là, Philippe a rencontré Jim, un avocat abstinent depuis plus de 12 mois, après des années de
consommation excessive qui lui avaient coûté cher et qui ont mené à sa radiation. Jim lui a parlé de sa
compulsion de boire et Philippe s’est rapidement identifié à cette façon de boire. Pour Philippe, Jim illustrait
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parfaitement la direction dans laquelle il s’en allait et a réalisé que sa décision d’être temporairement
abstinent devait se transformer en décision permanente. Philippe s’est joint à un groupe d’entraide et a
entrepris un programme de rétablissement personnel qui le mettait en contact avec d’autres alcooliques en
rétablissement au sein de la profession et ailleurs.
Sans le programme de lutte contre l’alcoolisme du Barreau, nous ne saurons jamais si Philippe aurait trouvé
les renseignements dont il avait besoin sur l’alcoolisme, s’il aurait reconnu les dangers de sa propre
maladie et s’il aurait décidé de demeurer sobre jusqu’à la fin de ses jours, une journée à la fois. Mais, cela
est arrivé et Philippe a été en mesure d’arrêter sa maladie dès ses débuts. Il ne perdrait jamais sa pratique,
ni sa famille, ni sa santé. Philippe a eu de la chance et jusqu’à ce jour, il est reconnaissant envers ces trois
avocats, au programme de lutte contre l’alcoolisme du Barreau et son groupe d’entraide. Pour ceux qui ne
l’auraient pas déjà deviné, l’histoire de Philippe est la mienne.
J’espère que ces exemples mettent en lumière plusieurs vérités : la première, l’alcoolisme peut être arrêté
dans ses débuts ou plus tard, grâce à l’information, la compréhension et au soutien. Un programme d’aide
par les pairs est la meilleure façon que je connaisse d’offrir tout ceci aux avocats en difficulté.
Les étudiants des facultés de droit doivent aussi avoir accès à cette information, peut-être sous la forme
d’un document comme celui-ci. En informant les jeunes avocats, avant et après l’obtention de leur diplôme,
sous le leadership des programmes de lutte contre l’alcoolisme et grâce à leur soutien, il est possible de
mettre un frein à cette maladie dès ses débuts et éviter que nos collègues ne souffrent inutilement. De plus,
il est possible d’offrir aux avocats gravement atteints d’alcoolisme ou de toxicomanie des programmes de
rétablissement individuels. Les économies qu’ils entraînent, tant financières que personnelles au sein de la
profession, produiront des dividendes bien plus élevés que l’investissement de départ.
L’alcoolisme, la toxicomanie et la responsabilité professionnelle
La plupart des avocats qui souffrent d’alcoolisme et de toxicomanie ne feront jamais l’objet d’une mesure
disciplinaire. À tout le moins, les avocats alcooliques ne pourront jouir de leur plein potentiel. C’est un
processus qui appauvrit les clients, la profession et la collectivité en général. Au pire, les avocats
alcooliques mentiront, tricheront et voleront, entraînant ainsi des conséquences pour leurs clients, dénigrant
la profession et détruisant leur carrière et leur profession. Ces commentaires s’appliquent tout autant aux
toxicomanes.
Dans plusieurs cas, l’avocat alcoolique ou toxicomane ne commettra pas de faute grave, mais des
infractions mineures portant sur les délais, la procrastination et le travail bâclé. Dans de telles
circonstances, le processus disciplinaire ne peut jamais être mis de l’avant pour aider l’avocat à commencer
son rétablissement. Néanmoins, l’avocat, ses clients et la profession, ainsi que la collectivité, y perdent
tous.
Les comités de discipline et les tribunaux ne peuvent intervenir que lorsque des accusations d’inconduite
professionnelle sont logées contre l’avocat et qu’il y a audition, condamnation et imposition de sanction. Un
avocat avec un sérieux problème d’alcool ou de drogues peut être accusé et acquitté, sans que le
processus disciplinaire n’impose de sanction concernant son alcoolisme ou sa toxicomanie. L’avocat peut
être même condamné sans qu’aucune attention ne soit portée à sa réadaptation et à son rétablissement.
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Comme nous le verrons un peu plus loin, l’alcoolisme et la toxicomanie sont des maladies progressives et
dégénératives qui vont toujours en empirant et qui ne s’améliorent jamais. Un avocat qui a un problème
d’alcool ou de drogues ne peut jamais se rétablir en diminuant sa consommation ou en la ralentissant. Le
seul traitement contre l’alcoolisme et la toxicomanie est l’abstinence complète, inconditionnelle, pour
toujours, une journée à la fois.
Chapitre 2 – Qu’est-ce l’alcoolisme ?
L’alcoolisme : une maladie chronique progressive
L’alcoolisme est une maladie chronique, progressive et incurable, caractérisée par la perte de contrôle sur
l’alcool. La consommation compulsive d’alcool augmente progressivement, causant une multitude de
maladies secondaires.7 Bien que l’alcoolisme soit incurable, il est possible de le traiter. Des millions de
personnes en Amérique du Nord souffrent des effets de la consommation abusive d’alcool. Il s’agit d’une
maladie qui ne connaît pas de frontières sociales ou économiques. Les juges et les avocats n’y font pas
exception. En effet, la profession juridique connaît un taux d’alcoolisme qui se situe à plus de deux fois celui
de la population adulte générale.
Pour l’alcoolique, l’alcool devient le centre de sa vie et il comprend de moins en moins ce qui lui arrive.
Ainsi, un système de rationalisation et de déni se développe pour protéger l’alcoolique contre la gêne et la
honte. Ces mécanismes de défense empêchent l’alcoolique d’obtenir l’aide dont il peut avoir besoin.8
Puisque l’effet de l’alcool sur le système nerveux est insidieux et progressif, il n’est pas surprenant que
l’alcoolisme se caractérise par la perte de contrôle de la consommation et l’accoutumance et la dépendance
à l’alcool. Au fur et à mesure que l’intoxication devient abusive ou une dépendance, des changements de
comportement négatifs causés par l’absorption d’alcool se produisent plus fréquemment et de façon plus
intense. Ces changements peuvent comprendre l’agressivité, l’altération du jugement, la diminution de la
concentration, l’irritabilité, la dépression, la labilité émotionnelle (imprévisibilité) et d’autres manifestations
d’un fonctionnement social et professionnel altéré. Les signes psychologiques caractéristiques
comprennent les troubles de l’élocution, le manque de coordination, l’équilibre instable, le nystagmus et des
rougeurs.
L’alcool est la seule substance intoxicante qui est à la fois un aliment et une drogue. Il est socialement
accepté et fait partie de plusieurs traditions culturelles et familiales. Il est relativement peu coûteux et offert
en toute légalité. Il se conserve bien et est offert en une variété de pourcentage d’alcool et de saveurs. Les
auteurs de science-fiction souhaitant créer la substance intoxicante parfaite n’ont pas besoin d’aller au-delà
de l’alcool.
L’alcool est associé à de nombreux sentiments positifs. Il réchauffe, il réconforte et il rassure. Il stimule et il
excite. Il fortifie et il redonne des forces. La maîtrise de l’alcool est synonyme de force virile et l’intoxication
par l’alcool est synonyme d’une personnalité plaisante et agréable. Il réconforte la nature humaine et est un
fléau de la civilisation.
11
L’alcool fait partie des repas fins, des réceptions mondaines, des célébrations, des rencontres. Il fait partie
du deuil et de la peur et soigne les maladies. L’alcool se fait attribuer de grandes qualités, augmentant ainsi
sa puissance et son efficacité. De nos jours, l’alcool est associé à un style de vie agréable, sportif, détendu
et attirant. L’alcool offre des caractéristiques positives de bien des manières. C’est un plaisir à déguster
après le travail.
Contrairement aux stéréotypes populaires, les alcooliques n’ont pas tous le même comportement, ils ne se
ressemblent pas, ils ne boivent même pas tous de la même façon et ils ne partagent pas le même genre de
vie. Certains alcooliques boivent tous les jours, d’autres de façon épisodique, demeurant abstinents entre
les cuites. Certains boivent d’énormes quantités d’alcool, d’autres, relativement peu. Certains alcooliques
ne boiront que du vin ou de la bière, d’autres uniquement des boissons très alcoolisées (communément
appelées « boissons fortes »).
Au niveau de la carrière, la maladie offre des modèles tout aussi variés, apparaissant très tôt dans la vie de
certains et plus tard chez d’autres. Il y a des personnes qui affirment avoir commencé à boire de façon
alcoolique à partir de leur tout premier verre. Plusieurs autres déclarent avoir bu pendant 15 ou 20 ans
avant de franchir la ligne invisible qui sépare la consommation d’alcool mondaine de la consommation
alcoolique.
Lorsque nous examinons les conséquences de l’alcoolisme, la variabilité constitue encore ici la règle. Il
n’existe pas un ensemble unique de conséquences apparentes dans la vie extérieure des alcooliques. Tous
les alcooliques ne deviennent pas fous, ne vont pas en prison et ne meurent pas des suites d’une
consommation abusive soutenue. La plupart des alcooliques arrivent au bout de leur vie sans jamais avoir
vu l’intérieur d’une cellule de dégrisement dans un poste de police, ni un établissement psychiatrique, ni un
département de désintoxication dans un hôpital, ni un centre de réadaptation.
Néanmoins, selon certaines études, l’espérance de vie d’un homme alcoolique actif (c.-à-d. qui boit) est de
56 ans. L’âge moyen des décès dus à la cirrhose du foie est de 39 ans.9 De façon générale, l’espérance de
vie d’un alcoolique est diminuée de dix ou 20 ans. L’alcool est un facteur important dans :
a)
b)
c)
d)
e)
f)
g)
50 p. 100 de tous les accidents de voiture mortels;
83 p. 100 de tous les décès dans les incendies;
70 p. 100 des toutes les noyades;
50 p. 100 de tous les accidents domestiques graves;
50 p. 100 de tous les suicides réussis;
50 p. 100 de tous les homicides;
70 p. 100 de la violence conjugale, y compris les homicides.
On estime que 10 p. 100 de la population adulte boit de façon alcoolique. De plus, environ 30 p. 100 des
personnes qui ont l’âge pour boire ne boivent pas du tout pour des motifs religieux ou d’autres motifs. Parmi
les adultes qui boivent de l’alcool, un adulte sur sept est alcoolique. Néanmoins, la majorité des gens boit
avec modération, sans développer la maladie de l’alcoolisme.10
Aussi tôt qu’en 1957, l’American Medical Association a officiellement reconnu l’alcoolisme comme une
maladie. Malgré une longue période de préoccupation de la profession médicale à l’égard de cette maladie,
les médecins ne diagnostiquent pas toujours l’alcoolisme avec exactitude.11
12
Il est possible que les médecins ne diagnostiquent pas, ni même reconnaissent l’alcoolisme, faute de
renseignements : ils peuvent avoir une idée erronée de l’alcoolisme et de ses symptômes. De plus, ils
peuvent avoir une fausse idée de ce à quoi un alcoolique devrait ressembler. Pour les médecins, un
alcoolique peut être le clochard ou le sans-abri qu’ils ont examiné lors de leur internat à l’urgence ou le
cadavre qu’ils ont disséqué lors du cours d’anatomie. Dans la plupart des facultés de médecine, les
étudiants reçoivent moins de trois heures de formation sur l’alcoolisme.
Certains médecins éviteront ce diagnostic parce qu’ils ne veulent pas confronter un patient estimé et faire
face à la réaction négative ou hostile du déni. D’autres peuvent croire que l’alcoolisme ou la toxicomanie
constitue une faiblesse de caractère ou une affaire tout à fait personnelle. Cette attitude leur permet de
juger la faiblesse de leur patient et de garder leurs distances. D’autres encore peuvent penser qu’il ne peut
y avoir de traitement efficace, puisque la médecine n’offre aucun remède.
Enfin, la profession médicale nous indique qu’entre 14 et 26 p. 100 des médecins sont eux-mêmes atteints
d’alcoolisme et de toxicomanie. Si le médecin est lui-même un buveur problème, il ne diagnostiquera pas
l’alcoolisme chez son patient, en raison de sa propre rationalisation et de son déni.
La notion de maladie en ce qui a trait à l’alcoolisme a subi des contrecoups. Pour certaines personnes et
certains experts, la notion de maladie attribue aux patients un rôle passif et d’irresponsabilité, leur
fournissant une excuse tout faite pour leur consommation. Ceux qui adhèrent à la notion de maladie
contrent cet argument en soulignant que l’élimination du sentiment de culpabilité pour être devenu un
alcoolique ne soustrait pas le patient de la responsabilité qui lui incombe de suivre un traitement et de
prendre les mesures nécessaires à son rétablissement. L’alcoolisme diffère très peu des maladies
chroniques à l’égard desquelles le patient est entièrement responsable de suivre un régime alimentaire, de
faire les exercices prescrits, de prendre ses médicaments, de participer aux séances de thérapie et d’éviter
certains environnements qui peuvent présenter des dangers.
La définition qu’attribue la médecine à la maladie convient tout à fait à l’alcoolisme. Les conséquences
physiques de l’alcoolisme sont bien documentées et connues : inflammation du pancréas, cirrhose du foie,
anémie, maladie cardiaque, malnutrition, lésions au système nerveux, lésions au système musculaire,
impuissance et toute une gamme de cancers. Un très, très grand nombre de nos voisins sont morts
d’alcoolisme, nonobstant un certificat de décès qui indiquait que le décès avait été causé par une crise
cardiaque, un cancer ou un accident.12
La plupart des experts s’accordent à dire que les problèmes psychologiques caractéristiques des
alcooliques sont le résultat de la maladie, plutôt que sa cause. Les changements neurobiologiques que
causent la consommation et l’abus d’alcool expliquent les nombreuses perturbations du comportement et
une grande part de l’incapacité mentale caractéristique du véritable alcoolique. Au fil du temps, la
consommation abusive d’alcool affecte le fonctionnement des cellules du cerveau et détruit les circuits et
les tissus nerveux.
Il ne fait aucun doute que l’alcoolisme est une maladie qui atteint toute la famille. Des études menées à
travers le monde ont démontré hors de tout doute que l’alcoolisme est une maladie héréditaire et que les
enfants d’alcooliques sont beaucoup plus susceptibles de devenir eux-mêmes des alcooliques. Les
conclusions des études récentes ne s’accordent pas pour lier la cause de l’alcoolisme à un gène ou un
code génétique particulier. Des études réalisées en Scandinavie sur des jumeaux séparés à la naissance
13
ont démontré que les enfants naturels d’alcooliques, éloignés de l’influence de leurs parents, sont encore
plus susceptibles de devenir des alcooliques. En résumé, l’alcoolisme ou la tendance à l’alcoolisme semble
être héréditaire.
Voici un extrait du manuel sur l’alcoolisme de l’American Medical Association qui décrit le progrès
implacable de la maladie :
[Traduction] « Le début de l’alcoolisme est habituellement suffisamment insidieux et graduel qu’il est difficile
de distinguer l’alcoolique du gros buveur, quoique la distinction puisse être évidente dès le départ. En
comparaison de la personne non alcoolique, l’alcoolique a une réaction émotionnelle plus grande face à
l’alcool et y accorde souvent une importance excessive, souvent à compter du premier verre et
progressivement, permet à la maladie de se développer. Un des tout premiers signes de l’alcoolisme est la
consommation d’alcool qui précède plutôt que d’accompagner le plaisir que peut ressentir une personne et
les réceptions mondaines lui permettent de continuer à boire et ce, jusqu’à l’excès. L’alcool devient
graduellement nécessaire pour avoir véritablement du plaisir et être heureux, et l’alcoolique s’assure d’en
avoir suffisamment en buvant avant de se rendre à une réunion mondaine … Il trouve rapidement d’autres
raison pour consommer de l’alcool, comme pour contrer le stress et l’anxiété. La fréquence et le niveau
d’ébriété augmentent et sont parfois tout à fait inappropriés aux circonstances. Il s’enivre gravement sans le
vouloir, mais de plus en plus fréquemment. Il est susceptible d’être d’irritable et malveillant à l’endroit de
ceux qui font des commentaires sur sa consommation et le comportement qui en découle, particulièrement
s’ils se disent inquiets.
« Au cours de la deuxième phase importante du progrès de la maladie, l’alcoolique commence à boire en
cachette, plus rapidement et plus tôt dans la journée et s’enivre régulièrement. Il boit son verre d’un coup,
tout en donnant plus de raisons (moins valables) pour boire. Parallèlement à sa préoccupation croissante à
l’égard de l’alcool, il commence à se sentir indubitablement coupable, ce qui l’amène à trouver des
prétextes pour boire et justifier sa consommation.
« De façon caractéristique, il devient de plus en plus sur la défensive concernant sa façon de boire et fait
souvent preuve d’hostilité et de colère à l’égard de ceux qui y font simplement allusion. À ce stade, il sera
soucieux de reprendre le contrôle en changeant de marque ou de sorte de boisson, recherchant la
compagnie d’autres personnes, rationnant sa consommation ou la limitant à des heures précises de la
journée. Peut-être jurera-t-il qu’il peut démontrer qu’il peut s’arrêter à son gré. Malheureusement à cette
étape, il pourra tenter de demeurer abstinent en remplaçant l’alcool par d’autres drogues, comme les
barbituriques et les amphétamines. Il pourra les prendre seules, ou en combinaison avec l’alcool.
« Ensuite, l’alcoolique perd le contrôle de sa consommation d’alcool et boit souvent jusqu’à l’ivresse et
l’hébétude. La consommation d’alcool ne réalise plus l’objectif de départ, mais devient progressivement un
outil de destruction. L’alcoolique commence à planifier sa vie en fonction de l’alcool, se donnant beaucoup
de mal pour avoir suffisamment de provisions, cherchant des excuses pour quitter le travail et s’échapper
des autres, afin de maintenir son niveau de consommation. La consommation d’autres drogues augmente.
« Il n’est pas rare qu’il laisse tomber de vieux amis ou qu’il quitte son emploi, sentant peut-être un renvoi
imminent. Il pare les coups en prenant l’initiative de quitter et en remplaçant son emploi par un travail de
qualité inférieure. Les problèmes conjugaux et familiaux s’aggravent. Il peut se faire arrêter pour ivresse ou
conduite en état d’ébriété. Nous assistons habituellement à une détérioration sociale, professionnelle,
mentale et morale, car l’alcoolique s’isole de plus en plus. Sa tolérance à l’alcool est de moins en moins
14
grande et les complications physiques plus graves de la maladie commencent souvent à prendre le dessus
sur les problèmes psychologiques et sociaux. Il atteint finalement le point zéro. »
Quatre choses à savoir sur l’alcoolisme
1. L’alcoolisme est une maladie progressive. Il empire et ne s’améliore jamais.
2. L’alcoolique tente habituellement de soulager son anxiété et sa tension intérieure en consommant
principalement de l’alcool.
3. La consommation répétitive d’alcool pour se soulager ancre solidement la progression de la maladie.
Lorsque l’alcoolique consomme de nouveau, même après une longue période d’abstinence, son état
devient aussi lamentable ou pire qu’au moment où il s’est arrêté.
4. L’effet de l’alcool chez les femmes est beaucoup plus grave et le délai avant que ne se produisent des
conséquences physiques sérieuses est beaucoup plus court que la documentation scientifique
traditionnelle ne le laisse entendre (les données portant presque toutes sur les hommes).
L’alcool : faits et équivalences
Un verre :
12 onces de bière = 5 onces de vin = 1,5 once d’alcool = 3 onces de vin viné (vin auquel on ajoute de
l’alcool).
Différentes boissons alcoolisées comportent un pourcentage d’alcool éthylique varié : une boisson très
alcoolisée (« boisson forte ») contient 40 p. 100 d’alcool.
La bière ordinaire contient 5 p. 100 d’alcool, alors que la bière légère en contient habituellement 4 p. 100 et
la bière extra-légère, 2,5 p. 100. Le vin ordinaire contient 11 p. 100 d’alcool et les vins vinés, comme le
porto et le sherry, contiennent environ 15 à 17 p. 100 d’alcool.
Carte de pointage des buveurs de la Fondation de recherche sur
l’alcoolisme et la toxicomanie (Ontario)
[Traduction]
a)
1 à 2 verres par jour : vous buvez avec modération; les risques pour la santé sont minimes si votre
consommation n’augmente pas.
b)
3 à 4 verres par jour : une certaine augmentation des risques pour la santé dans le cas d’un tel
niveau de consommation à long terme. Faites attention, mais n’augmentez pas la consommation
d’alcool. Informez-vous sur les effets de l’alcool.
c)
5 à 6 verres par jour : consommation dangereuse : risque d’alcoolisme ou de dépendance physique
ou psychologique. Consultez un professionnel concernant votre consommation d’alcool.
d)
7 à 8 verres par jour : consommation nocive : graves risques pour la santé, cirrhose du foie,
maladie cardiaque et cancer. Diminuez votre niveau de consommation et consultez votre médecin.
15
e)
9 à 10 verres par jour : consommation extrêmement dangereuse : votre espérance de vie peut être
réduite de dix à 12 ans. Il y a de bonnes chances que vous soyez alcoolique. Un traitement
professionnel est nécessaire.
Qu’est-ce que la toxicomanie ?
Les médicaments prescrits
Les médicaments jouent un rôle important dans un traitement médical et la santé, y compris prévenir et
freiner la maladie, soulager la douleur, contrôler les problèmes psychologiques et accélérer le
rétablissement à la suite d’une maladie ou d’une intervention chirurgicale. Mais ils jouent un rôle
dévastateur dans la vie de ceux qui en deviennent dépendants ou qui deviennent toxicomanes. Plusieurs
médicaments prescrits peuvent causer la dépendance ou la toxicomanie.
Selon certains mythes populaires, les gens deviennent toxicomanes en raison de certains traits de leur
personnalité ou seulement les jeunes ont des problèmes de drogues ou encore, uniquement les drogues
illégales créent une dépendance ou sont dangereuses. En réalité, la majorité des professionnels
toxicomanes ou dépendants des drogues consomment des médicaments prescrits légalement. Environ
3 p. 100 des avocats et juges toxicomanes sont accrochés à des médicaments prescrits. Les gens âgés
semblent constituer le groupe de population chez qui la dépendance ou la toxicomanie croît le plus
rapidement.
Les avocats et les juges deviennent habituellement toxicomanes ou dépendants des médicaments prescrits
à la suite d’une consommation légitime sur l’ordonnance d’un médecin. Le patient ignore souvent les
risques de dépendance avant qu’il ne soit trop tard. Les analgésiques ou les psychotropes comme le
Valium® ouvrent communément la voie à la dépendance aux médicaments prescrits.
Il existe trois grandes catégories ou types de médicaments qui causent la dépendance : les narcotiques, les
stimulants et les neurodépresseurs.
Parmi les narcotiques, nous trouvons des médicaments comme la codéine, le Demerol® et le Percodan®,
tous utilisés pour contrôler la douleur. Une utilisation prolongée sous supervision médicale a entraîné
plusieurs cas de toxicomanie, même lorsque les patients suivaient les directives de leur médecin à la lettre.
Tant chez les médecins que chez les patients, un meilleure connaissance de la possibilité d’une telle
situation a aidé à réduire la fréquence d’une telle tragédie au cours des dernières années, mais de
nouveaux cas se produisent encore. En réalité, la plupart des médecins sont peu renseignés sur la
toxicomanie et plusieurs n’en comprennent tout simplement pas les risques, surtout pendant les longues
périodes de consommation de médicaments.
Dans la famille des stimulants, nous trouvons la Benzédrine®, la méthamphétamine (Dexédrine®) et le
méthylphénidate (Ritalin®), pour contrôler le comportement et souvent prescrits à long terme. Bien que les
médecins fassent beaucoup plus attention qu’auparavant lorsqu’ils prescrivent ces médicaments, la
possibilité de développer une dépendance est sérieuse et les mises en garde ne sont pas suffisantes.
16
Les neurodépresseurs sont utilisés pour traiter l’insomnie, les douleurs mineures et les convulsions. Dans
cette catégorie, nous trouvons le Nembutal®, le Seconal®, le Butisol®, le phénobarbital et le Tuinal®. La
tolérance à ces médicaments peut entraîner une dose plus élevée et ainsi engendrer une dépendance tant
physique que psychologique. Il y a aussi les anxiolytiques, dont Librium®, Valium®, Halcion® et Tranxene®.
Tout comme dans le cas des stimulants, ils peuvent engendrer une dépendance à la fois physique et
psychologique, ainsi que de graves symptômes de sevrage.
L’alcool accompagne souvent la consommation de médicaments prescrits et l’effet de cette combinaison
peut être extrêmement dangereux.
Les drogues illégales
Bien que l’alcoolisme constitue la plupart des cas de dépendance chez les avocats et les juges, environ
2 p. 100 des cas de toxicomanie sont causés par la consommation de drogues illégales. Souvent, le drame
et la destruction des avocats aux prises avec la toxicomanie font la une des journaux et sont très publicisés,
laissant croire que les problèmes de drogues sont plus répandus qu’en réalité. Par ailleurs, ces histoires
tragiques illustrent avec exactitude les conséquences et les souffrances terribles que cause toute forme de
dépendance.
Les avocats interpellés devant les autorités disciplinaires consomment le plus souvent de la cocaïne et du
crack. Quoique la consommation de drogues illégales soit peu répandue au sein de la profession, l’histoire
des avocats cocaïnomanes connaît une issue tragique. Leurs clients et leur famille sont aussi très touchés
et ces cas ont entaché la réputation de la profession.
La cocaïne et le crack sont des drogues qui engendrent rapidement une dépendance et certains deviennent
toxicomanes dès la première fois qu’ils en consomment. La cocaïne que l’on croyait autrefois sûre, ne
créant pas de dépendance, et populaire chez les musiciens, les artistes et les personnalités du cinéma, est
devenue la drogue de choix des années 1980, bien avant que l’on en comprenne les dangers et les
ravages. Aujourd’hui, elle constitue la drogue populaire qui crée le plus rapidement une dépendance.
Les amphétamines sont des drogues illicites répandues, mais peu utilisées par les avocats ou les juges,
sauf par ceux dont la toxicomanie est avancée.
Les narcotiques illégaux comme l’opium, la méthadone et l’héroïne avaient presque disparus du paysage,
mais ont refait surface dans les années 1990. Peu d’avocats consomment cependant ces drogues, sauf
ceux dont la toxicomanie est avancée.
Les hallucinogènes et les drogues psychédéliques comprennent le LSD, la psilocibine, la phencyclidine
(PCP) et les substances inhalées (colle, peinture, essence). La marijuana et le haschisch peuvent être
considérés comme des hallucinogènes ou des neurodépresseurs et demeurent populaires chez les avocats
d’âge moyen ou très jeune. La consommation de marijuana est parfois associée à l’alcoolisme ou à la
dépendance à une autre drogue. Il arrive souvent que les cocaïnomanes consomment à la fois de l’alcool,
de la marijuana et d’autres drogues en vue de contrôler la consommation de cocaïne ou de l’augmenter.
17
Le traitement et le rétablissement des toxicomanes sont beaucoup plus problématiques que pour les
alcooliques et les rechutes répétées sont souvent la règle. Grâce à un traitement dans un centre reconnu
(p. ex., Bellwood, Homewood et Edgewood au Canada; Hazelden et Betty Ford aux États-Unis) et un bon
programme de suivi, accompagné du soutien des pairs, la plupart des avocats et des juges toxicomanes
arrivent à se rétablir et à mener une vie sans consommer. Il faut accepter que les toxicomanes devront
peut-être avoir besoin de traitements internes répétés et prolongés, de programmes de suivi intensifs avant
de se rétablir vraiment. Pour la plupart des toxicomanes, le rétablissement exigera un engagement à vie à
joindre à des groupes de rétablissement de Douze étapes, obtenir le soutien des pairs et participer
activement à des activités d’entraide avec d’autres avocats.
L’historique de la notion de maladie de l’alcoolisme
Plusieurs personnes présument que la consommation d’alcool en Amérique du Nord progressent de façon
continue. En réalité, la consommation d’alcool en Amérique du Nord a atteint son sommet entre 1750 et
1850. Certains historiens laissent entendre que la consommation d’alcool a atteint son plus haut niveau,
équivalant à 10 onces de boisson très alcoolisée par personne par jour, au sein de la population qui avait
l’âge pour boire en 1830. Par la suite, cette consommation aurait diminué de façon constante pour atteindre
la moitié de ce niveau en 1900. En 1980, la consommation d’alcool avait diminué et représentait l’équivalent
de trois verres de boisson très alcoolisée par personne par jour chez les personnes qui avaient l’âge pour
boire. Comme bien des statistiques, les renseignements qu’elles offrent sont trompeurs. En réalité, la moitié
des alcooliques et des personnes qui abusent de l’alcool boivent la moitié de l’ensemble de la
consommation de boisson très alcoolisée, de bière et de vin.
Historiquement, les périodes de grande consommation d’alcool ont tendance à avoir été suivies de
contrecoups prenant la forme de mouvements de tempérance et d’abstinence. Un tel mouvement de
tempérance était très en vue en Amérique du Nord après 1830. Le dernier mouvement de tempérance
important a réussi à faire imposer la prohibition aux États-Unis au début du siècle dernier.
La compréhension de l’alcoolisme a grandement échappé aux communautés médicales et scientifiques.
Néanmoins, aussi tôt qu’en 1784, le docteur Benjamin Rush de Philadelphie publiait un important document
dans lequel il identifiait l’alcool comme une drogue et une substance engendrant une dépendance. Selon sa
description, l’ébriété habituelle était involontaire et il proposait l’abstinence totale comme unique remède. À
son époque, le docteur Rush était une voix dans le désert et son avertissement n’a pas tété entendu.13
Ce n’est que presque 200 ans plus tard que la profession médicale a reconnu l’alcoolisme comme une
maladie. Cette notion de maladie a aidé les médecins à comprendre la nature progressive de l’alcoolisme.
Comme nous l’avons déjà souligné, la reconnaissance de l’alcoolisme à titre de maladie n’est pas sans
controverse.
Au cours de ces 200 ans, plusieurs médecins, psychologues et autres auteurs ont répété l’hypothèse que
l’alcoolisme était une maladie. L’idée a fait son chemin aux sein des professions de la santé, grâce aux
écrits de Bill Wilson, le cofondateur des Alcooliques Anonymes (AA). La croissance rapide et la
reconnaissance des AA ont donné de la crédibilité à la notion de maladie, ainsi qu’à son traitement au
moyen de l’abstinence totale, le soutien des pairs et le renouveau et la croissance spirituels.
18
Les causes de l’alcoolisme et de la dépendance
Il existe un nombre infini de théories qui tentent d’expliquer la cause ou la source de l’alcoolisme. Il n’en
reste pas moins mystérieux que certains peuvent boire de façon sûre et que d’autres deviennent la proie de
l’alcool et de ses propriétés engendrant une dépendance. Il est beaucoup plus facile de prévoir qui est plus
susceptible de devenir alcoolique que d’expliquer les causes de l’alcoolisme.14
Les recherches pour trouver un fondement génétique de l’alcoolisme ou une cause physiologique ont
donnée lieu a autant de théories que le nombre de subventions gouvernementales accordées pour
examiner le problème. Au cours des dernières années, diverses théories scientifiques ont vu le jour. Les
études sur la nature humaine permettent rarement une investigation scientifique dans le sens classique. Il
est peu probable que la science médicale identifiera une cause physiologique, neurologique ou biochimique
particulière qui mènera à un remède miracle. L’alcoolisme est une malédiction qui se retrouve pratiquement
dans toutes les couches sociales, les races, tous les âges et les deux sexes. Dans tous les cas, l’alcoolisme
peut être arrêté par l’abstinence, peu importe la cause, réelle ou imaginaire.
L’approche du comportement appris
Les croyances sociales et les attentes des buveurs semblent jouer un rôle important dans la définition des
effets de l’alcool. Pour les alcooliques, les attentes concernant les effets de l’alcool sont plus grandes que
chez les non-alcooliques. Les alcooliques croient que l’alcool transforme leur personnalité, qu’il les rend
plus attirants, plus détendus, plus alertes et plus sexuellement performants, même si chez eux l’effet
contraire est habituellement la norme. Les attentes quant aux effets de l’alcool tirent leur source des
influences familiales, culturelles et celles de l’entourage.15
La notion la plus utile pour étudier la cause de l’alcoolisme est peut-être d’en examiner l’aspect
opportuniste. Il est raisonnable de présumer que le taux d’alcoolisme sera moins élevé là où la
consommation d’alcool n’est pas encouragée. Une prohibition légale ou une tradition religieuse ou culturelle
peuvent créer une interdiction à l’égard de l’alcool. La société dans son ensemble peut décourager la
consommation d’alcool ou sa consommation excessive.
Les Forces armées constituent un bon exemple d’approche opportuniste. Prenons les jeunes soldats de
l’armée américaine ou canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale. Présumons que dans n’importe
quel groupe de 100 personnes, nous aurions un échantillon représentatif d’hommes très jeunes. Certains
auraient grandi dans des famille où l’alcool était présent, alors que chez d’autres, l’alcool aurait été absent.
Peu importe leurs antécédents, tous ces jeunes soldats seraient exposés à de nombreuses occasions de
consommer de l’alcool. Il était offert à un coût peu élevé au mess et à l’économat. Les rencontres de ces
hommes en ces endroits étaient souvent pour eux la seule forme d’activité sociale. Participer à ces
festivités signifiait se joindre au groupe et créer des liens avec les membres de l’unité de combat. Les
pressions, la terreur et la peur de la guerre constituaient une occasion parfaite de consommer de l’alcool
pour anesthésier ces émotions.
19
Il n’est donc pas surprenant de constater que le taux d’alcoolisme chez ceux qui quittaient les Forces
armées était beaucoup plus élevé que chez ceux qui y arrivaient, et il était beaucoup plus élevé que dans la
population générale.
Le Programme d’aide aux juristes a réalisé une étude sur l’usage de l’alcool chez les étudiants de troisième
années d’une importante faculté de droit. Chaque étudiant devait remplir le questionnaire sur l’alcool de
Johns Hopkins et les étudiants ont pris cet exercice très au sérieux.
Les résultats ont indiqué que deux étudiants sur trois consommaient de l’alcool de façon abusive et que leur
niveau et leur fréquence de consommation équivalait à de l’alcoolisme actif. Bien sûr, plusieurs d’entre eux
mettront fin à leur consommation abusive une fois revenus à la réalité, au début de leur carrière d’avocat.
Par contre, tout étudiant en droit ayant une prédisposition à l’alcoolisme trouvera de nombreuses occasions
de nourrir cette dépendance et de devenir alcoolique.
Pourquoi l’alcool ?
Nous avons souligné plus tôt que l’alcool était la seule substance intoxicante qui était à la fois un aliment et
une drogue. Il est grandement reconnu à ces deux titres. Nous avons tendance à considérer l’alcool comme
une récompense ou un plaisir. Il soulage agréablement le stress, les pressions, l’inconfort professionnel et
personnel. Il nous permet de descendre du poste de commande et de prendre une pause.
Pour l’avocat, le médecin, le dentiste, l’architecte ou l’homme d’affaires occupé, l’alcool constitue la
meilleure forme de récréation. Il est une récompense après une dure journée de travail. Il permet de
célébrer la fin d’une semaine difficile. Il ne requiert aucune planification, aucun horaire, aucune installation
particulière ni aucun équipement. Il est possible de boire seul ou avec d’autres. Son prix est raisonnable et il
est tout fait légal. Pour plusieurs, l’alcool est même déductible au titre de frais de représentation. Il est
possible de le consommer à la maison ou dans un bar.
Grâce à l’alcool, l’avocat peut prendre de courtes de vacances lorsqu’il a besoin de s’éloigner des pressions
de son travail. Pas besoin de faire les bagages, ni de donner d’explications. Ces vacances peuvent durer de
deux à quatre heures, et se terminer par un sommeil réparateur.16
Le stress cause-t-il l’alcoolisme ou la toxicomanie ?
La pratique du droit est extrêmement stressante. On ne discute pas non plus le fait que le niveau
d’alcoolisme chez les avocats est beaucoup plus élevé que dans la population générale. Le taux
d’alcoolisme chez les médecins et les dentistes est tout aussi élevé que dans notre profession. Le stress et
l’alcoolisme sont intimement liés, mais non pas de la façon à laquelle vous penseriez.
La pratique du droit est empreinte de malaises. À titre d’avocats, nous sommes souvent en présence de
gens en difficulté : en difficulté avec la police, le percepteur d’impôts ou avec d’autres employés,
employeurs, clients, fournisseurs, associés ou membres de la famille. Nous travaillons habités de conflits
interpersonnels, dans des conditions qui mènent à l’inconfort moral. Notre profession est une profession où
20
règnent l’agressivité, la contestation, la concurrence et la combativité. Nous critiquons nos collègues sans
hésitation et sans pitié.
Nos carrières sont constituées de succès et d’échecs et notre pratique évite ou détruit les occasions
d’obtenir le soutien des pairs. Les avocats qui ne font pas de litige se retrouvent engloutis sous un amas de
documents qui engourdissent l’esprit et dont les détails détruisent l’âme. L’intuition, la créativité, l’ingéniosité
et l’instinct peuvent se manifester dans nos passe-temps, mais rarement dans la pratique du droit.
En raison des attentes de plus en plus exigeantes du public à l’égard du rendement et du niveau de la
qualité, accompagnées d’un respect, d’une tolérance et d’une compréhension de moins en moins grandes,
les avocats sont isolés et pleins de ressentiment.
Plusieurs choisissent de pratiquer seuls. D’autres travaillent dans de très petits cabinets, avec peu de
contacts avec leurs collègues. Même dans les très grands cabinets, le sentiment d’isolement est répandu.
Compte tenu d’un tel contexte, il serait facile de croire que le stress auquel nous sommes assujettis comme
avocats cause l’alcoolisme. Ce n’est tout simplement pas le cas. En réalité, le genre de personne
intelligente, ingénieuse et travaillante qui décide d’entrer à la faculté de droit et de devenir avocat est le
type-même de personne qui est plus susceptible de devenir alcoolique, peu importe la profession choisie.
Nous avons tendance à être des personnes entreprenantes, dynamiques et très performantes. Nous
sommes plus susceptibles devenir alcooliques si nous avons ces caractéristiques.17
Par contre, il est vrai que l’alcoolisme est une source de stress. Il cause un stress énorme incroyable.
Tenter de fonctionner comme professionnel en même temps que consommer une exceptionnelle quantité
d’alcool est un lourd fardeau. Tenter d’entretenir des relations professionnelles et personnelles dans ces
conditions est écrasant. La culpabilité, l’isolement, la peur empêchent tous l’alcoolique d’entretenir de
véritables amitiés et de demander de l’aide. Même l’intervention des autres sera accueillie par le déni, des
attitudes évasives, la rouerie et l’agressivité.
L’alcoolisme est tout simplement causé par une trop grande consommation d’alcool. Pourquoi certains
continuent à boire alors que l’alcool détruit leur vie est un mystère. C’est un miracle de voir la transformation
d’un alcoolique qui devient sobre. Il est tout à fait étonnant de voir les facteurs de stress de l’alcoolique
disparaître au moment du rétablissement. C’est la même chose pour les toxicomanes qui cessent de
consommer.
Dans AA, il y a l’histoire de ce conférencier qui décrivait les dangers de sa profession. Il soulignait son
travail difficile, assorti de demandes terribles, de hauts et de bas, de déceptions fréquentes et d’échéances
constantes. Il dit au groupe : « Je n’ai jamais vu autant de gens boire pour continuer à avancer. Dans ma
profession, il y a plein d’alcooliques. » À la fin de la réunion, un autre membre AA s’est approché du
conférencier croyant qu’il devait être médecin, avocat ou cadre supérieur. Demandant au conférencier dans
quel domaine il travaillait, ce dernier lui répondit : « Je suis rembourreur. »
21
Chapitre 3 – Reconnaître l’alcoolique : signes et symptômes
Les signes et les symptômes
L’identification de l’alcoolisme peut être difficile pour les gens qui connaissent peu le problème. La plupart
des avocats, des juges et des membres de comité de discipline ne bénéficient d’aucune formation pour
reconnaître les symptômes de l’alcoolisme. Dans la vie professionnelle d’un avocat, peu seront exposés de
façon constante à un avocat alcoolique et ils n’auront pas l’occasion d’observer l’avocat en question de
manière à pouvoir déceler chez lui les symptômes évidents de l’alcoolisme ou de la toxicomanie.18
Les pressions et les difficultés de la pratique offrent des excuses toutes faites pour les crises de colère, la
confusion, les retards, l’épuisement, l’inattention ou l’anxiété. Un avocat verra rarement au cours de sa vie
professionnelle un de ses collègues manifester toute la gamme de symptômes. Puisqu’un avocat alcoolique
peut consciemment tenter de cacher le problème, particulièrement auprès des personnes en autorité, peu
peuvent s’attendre à voir plus qu’une petite partie du problème. De plus, les autres avocats ou membres du
personnel peuvent être réticents à discuter des symptômes de l’alcoolisme avec une autre personne, sans
doute parce que, consciemment ou inconsciemment, ils protègent l’alcoolique.
Une connaissance de l’alcoolisme et de la toxicomanie peut en aider plusieurs dans la profession à
reconnaître les signes de danger chez les amis et les confrères. Néanmoins, peu nombreux sont ceux qui
s’attendent à être remerciés d’avoir reconnu les symptômes et personne ne peut espérer des
remerciements spontanés pour les avoir signalés ou pour avoir pris des mesures à leur égard.
La présence d’au moins un des critères diagnostiques suivants déterminera la présence ou non de
l’alcoolisme : la consommation continue d’alcool tout en sachant que cette consommation cause des
problèmes sociaux, professionnels ou psychologiques persistants ou récurrents; ou, la consommation
répétée dans des situations dangereuses (par exemple, conduire en état d’ébriété).
L’American Medical Association offre aux médecins une liste résumant les signes et les symptômes
possibles d’alcoolisme chez un patient :
a) consommation d’alcool accrue, sur une base régulière ou sporadique, avec des épisodes
d’intoxication fréquents, et peut-être involontaires;
b) consommer de l’alcool pour régler des problèmes ou soulager des symptômes;
c) une préoccupation évidente à propos de l’alcool et le besoin très net de boire, particulièrement
s’il s’agit d’une habitude;
d) boire en cachette ou boire son verre d’un coup;
e) tendance à offrir des prétextes ou des excuses médiocres concernant la consommation
d’alcool;
f) refuser de reconnaître une consommation qui est de toute évidence excessive et être contrarié
lorsque le sujet est abordé;
g) absences fréquentes du travail, particulièrement si elles se produisent de façon régulières,
comme après les fins de semaine et les congés (la grippe du lundi matin);
h) changements d’emploi fréquents, particulièrement si ceux ceux-ci sont de moins en moins
importants, ou si l’emploi est au-dessous du niveau de compétence, de formation et
d’expérience;
22
i)
apparence débraillée, soins personnels médiocres, et comportement et adaptation sociale ne
correspondant pas aux niveaux ou aux attentes antérieurs;
j) maux persistants, vagues et somatiques, sans cause apparente, particulièrement l’insomnie,
les problèmes gastro-intestinaux, les maux de tête, l’anorexie;
k) nombreux contacts avec le système de santé pour des problèmes causés par l’alcool ou qui y
sont liés;
l) problèmes familiaux et conjugaux persistants, peut-être plusieurs mariages;
m) mises en état d’arrestation pour conduite en état d’ébriété ou avec facultés affaiblies.
Le docteur E.M. Jelinek, un pionnier de l’analyse scientifique de la consommation d’alcool et de
l’alcoolisme, a offert un modèle de progression de l’alcoolisme en quatre phases :
La phase 1 se caractérise par une consommation d’alcool pour se détendre et faire face aux
tensions et aux angoisses quotidiennes de la vie.
Dans la phase 2, la personne a des trous de mémoire, consomme en cachette, accorde une plus
grande importance à l’alcool et aux occasions de boire, est sur la défensive, rationalise et se sent
coupable.
La phase 3, la phase critique, représente l’alcoolisme. La dépendance physiologique est tout à fait
évidente, et il y a la perte de contrôle, la perte d’emploi, les conflits conjugaux, la séparation, le
divorce, les difficultés interpersonnelles générales et un comportement de plus en plus agressif. La
personne est prête à tout perdre pour continuer à boire.
La phase 4 est la phase chronique de l’alcoolisme : maladies physiques graves, sevrage,
dépression majeure, comportement maniaque, désespoir, idées suicidaires, panique et haine de
soi.
L’alcool est un neurodépresseur chimique puissant dont les effets physiologiques se manifestent de
plusieurs façons, souvent causant des troubles physiques et psychologiques. Voici les symptômes :
L’ivresse. La personne qui consomme de l’alcool est plus ou moins ivre. Le moindre niveau de
consommation désinhibe. Une consommation plus importante peut entraîner la perte de conscience qui
varie entre le sommeil et le coma. Une très grande consommation d’alcool produit une intoxication
alcoolique aiguë qui peut causer la mort à la suite d’une paralysie respiratoire. Les phases de l’ivresse
ressemblent à celles de l’anesthésie. L’alcool est l’un des aliments relativement simples pouvant être
absorbés directement par le système sanguin depuis l’estomac. La vitesse d’absorption de l’alcool a
habituellement une incidence sur la rapidité avec laquelle une personne devient ivre. À l’inverse, la vitesse
d’oxydation de l’alcool a une incidence sur la rapidité à redevenir sobre. Le taux d’oxydation peut avoir une
faible incidence sur la tolérance à l’alcool, mais il n’y a pas de différences importantes en ce qui a trait à la
capacité d’oxydation de l’alcool d’un alcoolique et d’un non-alcoolique. En règle générale, le nombre
d’heures nécessaires pour redevenir complètement sobre équivaudra au nombre de verres consommés.
Les trous de mémoire (black-out). Les trous de mémoire sont les périodes d’amnésie temporaire (tout en
étant tout à fait éveillé) qui se produisent chez une personne alcoolique. Sa caractéristique principale est la
présence de l’amnésie, même si la personne semble tout à fait sobre et fonctionnelle. En raison de la
fréquence des trous de mémoire dans le cas des alcooliques et de leur rareté dans d’autres circonstances,
23
les trous le mémoire peuvent être considérés comme la marque de l’alcoolisme. Cependant, tous les
alcooliques n’ont pas de trous de mémoire.
La tolérance. La tolérance est le résultat d’une consommation d’alcool constante. Il s’agit du besoin de
consommer une quantité de plus en plus importante pour obtenir l’effet désiré.
L’anxiété. L’anxiété surgit lorsque d’importantes quantités d’alcool sont consommées pendant une longue
période.
La dépression. La dépression et le sentiment d’impuissance, de futilité, d’inutilité et d’absence totale de
qualités viennent compliquer la vie intérieure des alcooliques. L’alcool est lui-même un dépresseur,
augmentant ainsi la profondeur de la dépression.
Les problèmes neurologiques. Il est depuis longtemps reconnu que la consommation excessive d’alcool
entraîne une dysfonction grave et chronique du cerveau et du système nerveux périphérique.
Les maladies cardiaques. L’alcool réduit la fonction cardiaque, augmente la tension artérielle et diminue
l’efficacité du coeur, tous produits par une consommation d’alcool abusive et répétée.
Les maladies du foie. La première et la plus répandue des insuffisances fonctionnelles du foie est
l’accumulation de plus en plus importante de gras dans le foie, le faisant grossir et l’empêchant de
fonctionner adéquatement. Au moment opportun, cette insuffisance fonctionnelle entraînera l’accumulation
de tissus nécrotiques (morts), l’inflammation et le développement de l’hépatite alcoolique. La cirrhose est
plus rare et représente une fibrose avancée, associée à un désordre dans l’architecture normale du foie et à
la formation de nodules. La plupart des maladies du foie non traitées causent des lésions irréversibles.
Le sevrage. Les principales caractéristiques les plus répandues du sevrage d’alcool sont l’anxiété,
l’anorexie, l’insomnie et les tremblements. Le delirium tremens constitue le symptôme de sevrage le plus
grave. Il est caractérisé par des tremblements évidents, l’anxiété, l’insomnie, l’anorexie, la paranoïa et la
désorientation. Les hallucinations sont communes.
Trois questionnaires et un test pour déterminer si une personne est
alcoolique ou non
Le questionnaire des Alcooliques anonymes
1. Avez-vous déjà résolu d’arrêter de boire pendant une semaine ou deux, sans pouvoir tenir plus que
quelques jours ?
2. Aimeriez-vous que les gens se mêlent de leurs affaires concernant votre façon de boire – qu’ils cessent
de vous dire quoi faire ?
3. Avez-vous déjà changé de sorte de boisson dans l’espoir d’éviter de vous enivrer ?
4. Vous est-il arrivé au cours de la dernière année de devoir prendre un verre le matin pour vous lever ?
5. Enviez-vous les gens qui peuvent boire sans s’occasionner d’embêtements ?
6. Avez-vous eu des problèmes reliés à l’alcool au cours de la dernière année ?
24
7. Votre façon de boire a-t-elle causé des problèmes à la maison ?
8. Vous arrive-t-il, lors d’une soirée, d’essayer d’obtenir des consommations supplémentaires parce qu’on
ne vous en donne pas suffisamment ?
9. Vous dites-vous que vous pouvez cesser de boire n’importe quand, même si vous continuez à vous
enivrer malgré vous ?
10. Avez-vous manqué des journées de travail à cause de l’alcool ?
11. Avez-vous des trous de mémoire (un trou de mémoire, c’est l’oubli de certaines heures ou journées
passées à boire) ?
12. Avez-vous déjà eu l’impression que la vie serait plus belle si vous ne buviez pas ?
Si vous avez répondu OUI quatre fois ou plus, vous avez probablement un problème d’alcool.
Le questionnaire de l’Université Johns Hopkins
[Traduction]
1. Vous absentez-vous du travail parce que vous buvez ?
2. Votre consommation d’alcool rend-elle votre vie familiale malheureuse ?
3. Buvez-vous parce que vous êtes gêné ?
4. Votre façon de boire a-t-elle une incidence sur votre réputation ?
5. Vous êtes-vous déjà eu des remords après avoir bu ?
6. Avez-vous connu des difficultés financières parce que vous buviez ?
7. Lorsque vous buvez, vous tenez-vous avec des gens de condition moindre et dans des endroits moins
bien ?
8. Votre façon de boire vous rend-elle insensible au bien-être de votre famille ?
9. Avez-vous moins d’ambition depuis que vous buvez ?
10. Ressentez-vous un grand besoin de boire à une heure particulière de la journée ?
11. Avez-vous envie d’un verre le lendemain matin ?
12. L’alcool perturbe-t-il votre sommeil ?
13. Êtes-vous moins efficace depuis que vous buvez ?
14. Votre façon de boire compromet-elle votre travail ou votre entreprise ?
15. Buvez-vous pour échapper aux préoccupations et aux problèmes ?
16. Buvez-vous seul ?
17. Avez-vous des trous de mémoire causés par l’alcool ?
18. Votre médecin vous a-t-il soigné parce que vous buviez ?
19. Buvez-vous pour vous donner confiance ?
20. Avez-vous déjà été hospitalisé ou institutionnalisé parce que vous buviez ?
Si vous avez répondu OUI à l’une de ces questions, il s’agit d’un avertissement : il se peut que vous soyez
un alcoolique.
Si vous avez répondu OUI à deux questions, vous êtes probablement un alcoolique.
Si vous avez répondu OUI à trois questions ou plus, vous êtes définitivement un alcoolique.
25
Le questionnaire du programme d’aide du Barreau de l’Ontario
[Traduction]
1. Mes associés, mes clients ou ma secrétaire prétendent-ils injustement que ma façon de boire nuit à
mon travail ?
2. Est-ce que je planifie mon travail de bureau et mes rendez-vous en fonction de l’alcool ?
3. Est-ce que je me convainc que les déjeuners d’affaires au cours desquels je bois sont vraiment
nécessaires ?
4. Est-ce que je ressens le besoin de boire pour faire face à certaines situations ?
5. Est-ce que je bois seul ?
6. Ai-je connu des trous de mémoire à cause de ma façon de boire ?
7. Ai-je moins d’ambition et suis-je moins efficace depuis que je bois ?
8. Est-ce que je bois avant une réunion ou avant de me présenter en cour pour me calmer, me donner du
courage ou améliorer ma performance ?
9. Est-ce que je veux un verre le lendemain matin ? Est-ce que je prends un ?
10. Ai-je raté ou reporté la conclusion de transactions, des présences en cour ou d’autres rendez-vous à
cause de ma façon de boire ?
11. L’alcool m’a-t-il fait ressentir un des sentiments suivants : la peur, le remords, la culpabilité, la grande
solitude, la dépression, l’anxiété aiguë, la terreur ou le sentiment d’une catastrophe imminente ?
12. Ma façon de boire me rend-elle insensible au bien-être de ma famille ou à d’autres responsabilités ?
13. Ma façon de boire me mène-t-elle à me tenir dans des endroits moins bien et avec des compagnons de
condition moindre ?
14. Ai-je jamais eu vraiment envie d’un verre ou ai-je jamais eu besoin de boire pour me calmer ?
15. Ai-je déjà négligé l’administration de mon bureau ou ai-je détourné des fonds à cause de l’alcool ?
16. Suis-je de plus en plus réticent à faire face à mes clients et à mes collègues pour cacher les effets de
ma consommation d’alcool ?
17. Ai-je déjà eu des tremblements, des sueurs ou des hallucinations en raison de ma façon de boire ?
18. Est-ce que je mens pour cacher ma véritable consommation d’alcool ?
19. Mon sommeil est-il occasionnellement ou fréquemment perturbé ou agité à cause de l’alcool ?
20. Ai-je déjà été hospitalisé ou soigné à cause de ma façon de boire ?
Si j’ai répondu OUI à trois questions ou plus, j’ai l’obligation envers moi-même, ma famille, ma profession et
mes clients de demander de l’aide immédiatement.
AVERTISSEMENT : L’alcoolisme est une maladie progressive. Il s’aggravera, jamais il ne
s’améliorera. Les buveurs mondains n’ont pas besoin d’arrêter de boire pendant une certaine
période de temps pour contrôler leur consommation d’alcool.
Le boire contrôlé
Ce test est auto-administré et est proposé à la personne qui tente de déterminer si elle est vraiment
alcoolique. Ce test peut surprendre car il exige que la personne boive.
Il faut respecter les règles de ce test de façon stricte. La personne doit consommer une quantité précise
d’alcool pendant 60 jours, sans y déroger. Elle peut choisir de boire un verre, deux verres ou trois verres
26
par jour. Une fois le choix arrêté, la personne doit s’en tenir à cette quantité, chaque jour, tous les jours. La
personne ne peut boire ni plus, ni moins, que la quantité prévue.
Rappelez-vous, selon nous, un verre représente une bouteille de bière, 5 onces de vin ordinaire ou
1,5 once de boisson très alcoolisée. Encore une fois, il faut boire la quantité exacte chaque jour, tous
les jours.
Si la personne peut s’en tenir à la quantité prescrite sans y déroger, elle a réussi le test et n’est sans doute
pas alcoolique. Aucun alcoolique ne pourrait respecter cette façon de boire.
Plusieurs alcooliques se leurrent en niant leur état et leur maladie, en s’abstenant de boire et ce, parfois
pendant de longues périodes. L’alcoolique renonce à l’alcool pour une semaine, un mois, un an. Voyez, je
ne peux pas être un alcoolique parce que je contrôle ma consommation d’alcool. Les alcooliques peuvent
être des experts sur l’abstinence.
Il faut souligner que les buveurs mondains n’ont pas besoin de s’abstenir de consommer de l’alcool. Il n’y a
que les alcooliques qui s’abstiennent. Une fois que l’alcoolique recommence à boire, sa consommation
redevint rapidement ce qu’elle était ou sera plus importante.
Comme nous l’avons mentionné au départ, ce test peut vous surprendre. Il peut sembler n’être qu’une
invitation lancée à l’alcoolique pour continuer à boire. Ceux d’entre nous qui travaillons dans le domaine du
rétablissement de l’alcoolisme pouvons vous affirmer avec certitude qu’aucun alcoolique ne réussirait ce
test.
Inutile de vous dire que si vous pensez avoir un problème d’alcool, vous avez sans doute raison.
Communiquez avec votre programme d’aide aux avocats ou avec Alcooliques anonymes, dont le numéro
se trouve dans les pages blanches de l’annuaire. Vous pouvez obtenir de l’aide confidentielle en quelques
heures. Cela pourrait vous sauver la vie.
Les deux types d’alcoolisme
L’alcoolisme de type un. La progression de l’alcoolique de type un est lente depuis la première
consommation d’alcool. Habituellement, celle-ci s’étend sur une période de 15 à 30 ans, et l’alcoolique de
type un caractéristique est âgé entre 40 et 55 ans. Cette lente progression ne permet pas vraiment aux
associés, à la famille, aux clients, aux juges et aux médecins de remarquer un changement de
comportement soudain. Pour les alcooliques de type un, les chances de rétablissement sont très élevées,
dans les cas où le traitement approprié est dispensé.
L’alcoolisme de type deux. L’alcoolique de type deux est souvent le fils ou la fille d’un père qui est aussi
un alcoolique de type deux. Ces personnes ressentent immédiatement un effet au moment du premier verre
et se souviennent souvent de leur toute première consommation d’alcool, même de nombreuses années
plus tard. Chez les alcooliques de type deux, la progression atteint rapidement les deuxième et troisième
phases de l’alcoolisme, souvent à l’âge de 20 ou 30 ans. Pour ces alcooliques, les chances de
rétablissement sont aussi très élevées, dans les cas où le traitement approprié est dispensé.
27
La façon de boire et la progression de l’alcoolisme peuvent aussi être différentes dans le cas de chaque
personne. Néanmoins, les alcooliques auront tendance à manifester les symptômes correspondant aux
phases suivantes.
Les premiers signes caractéristiques de l’alcoolisme ou de la toxicomanie
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
Importance accordée à l’alcool ou aux drogues.
Tolérance accrue.
Consommation rapide de l’alcool ou des drogues.
Alcool consommé en solitaire ou drogues consommées en cachette.
L’alcool ou les drogues servent de médicaments, pour alléger le stress.
Trous de mémoire.
Protection ou cachette des provisions.
Utilisation non préméditée.
« Une maladie chronique, progressive et mortelle. »
Chapitre 4 – Le traitement et le rétablissement
Introduction
Toute démarche de traitement et de rétablissement de l’alcoolisme et de la toxicomanie doit reconnaître
que la dépendance n’existe pas en soi et qu’elle n’est qu’une partie d’un ensemble complexe de difficultés
personnelles. Le succès du traitement de l’alcoolique ou du toxicomane dépendra en grande partie des
ressources, de l’initiative, de la motivation et de la capacité de changement de la personnalité de
l’alcoolique ou du toxicomane.
La première étape du traitement et du rétablissement consiste en un effort de demeurer abstinent une
journée à la fois. Un alcoolique ou un toxicomane qui demeure abstinent pendant deux ans a 90 p. 100 de
chances de demeurer sobre pour une longue période. Les avocats en rétablissement manifestent un taux
de succès très supérieur à la moyenne générale.19
Le traitement doit être évalué en fonction de l’âge et du statut social, professionnel et économique. Les
patients qui réussissent le mieux à l’occasion d’un traitement sont âgés entre 40 et 45 ans, sont mariés,
cultivés, compétents professionnellement, ont un travail stable et n’ont pas de démêlés avec la justice.
Lorsqu’ils bénéficient du soutien de leurs pairs, les avocats et autres professionnels connaissent un taux de
rétablissement parmi les plus élevés.
L’alcoolique ou le toxicomane est une personne qui s’est tournée vers l’alcool ou les drogues parce qu’elle
ne pouvait vivre autrement et qui en est ensuite devenue dépendante en remplacement des réactions
d’adaptation rationnelles et réalistes. Renoncer à l’alcool ou aux drogues signifie un retour à une douleur
28
psychique intolérable sans pouvoir l’anesthésier ou y échapper : la simple idée de vivre sans alcool ou sans
drogues est tout simplement terrifiante.
Le traitement de l’alcoolisme et de la toxicomanie exige une énorme force émotionnelle et intellectuelle pour
surmonter une compulsion qui a tenu l’alcoolique ou le toxicomane prisonnier pendant longtemps. Nous
devons reconnaître la souffrance de l’alcoolique ou du toxicomane lorsqu’il ne consomme plus d’alcool ou
de drogues : nous devons l’aider à trouver une façon moins destructrice de faire face à ces problèmes.
L’alcoolique ou le toxicomane nouvellement abstinent est extrêmement mal à l’aise. Les conflits personnels
et interpersonnels perdurent sans cesse, maintenant la détresse qu’il doit soulager. L’alcoolique et le
toxicomane ont appris, bien que les conséquences aient été amères, que seuls l’alcool et les drogues
apportaient un soulagement immédiat. Un traitement réussi doit permettre à l’alcoolique et au toxicomane à
trouver des solutions appropriées à ses difficultés et à développer des techniques d’adaptation efficaces.
Lorsque l’alcoolique ou le toxicomane demande de l’aide, soit de lui-même, soit parce que sa famille ou son
employeur l’exige, une partie de lui souhaite de l’aide et l’autre n’en veut pas. L’idée de tenter de vivre sans
alcool et sans drogues est terrifiante. Rongé par un grand sentiment de solitude, d’incapacité, d’échec et
l’absence de confiance en lui, l’alcoolique ou le toxicomane souhaite ardemment de l’aide, mais la
culpabilité, la honte et la méfiance l’inciteront parfois à refuser l’aide offerte.
Le processus de rétablissement signifie l’identification du problème de consommation abusive, l’intervention
(si nécessaire), le traitement, des soins soutenus et le soutien, le tout reposant sur la confidentialité.
Évidemment, la première étape consiste en l’identification de l’alcoolisme ou de la toxicomanie. Certains
admettront leur problème de consommation abusive ou du moins percevront la possibilité d’un tel problème.
Toutefois, le déni et la peur des représailles empêchent souvent une personne d’admettre son problème ou
de demander de l’aide.
Pour les personnes non familières avec ce problème, il est difficile de reconnaître que pour l’alcoolique ou
le toxicomane il est préférable de continuer à consommer ou de mourir plutôt que de choisir de vivre sans la
substance. Parallèlement, parce que le déni et les cachotteries font partie de la maladie de l’alcoolisme et
de la toxicomanie, les collègues et même les amis peuvent ne pas se rendre pleinement compte que la
consommation excessive d’alcool ou de drogues puisse être le problème. Voici quelques symptômes qui
peuvent laisser entrevoir un problème d’alcoolisme ou de toxicomanie :
1. les retards fréquents;
2. les absences fréquentes ou inexpliquées (particulièrement au début ou à la fin de la semaine de
travail);
3. le retrait ou l’isolement du personnel ou des collègues de travail;
4. les rendez-vous ratés;
5. les changements d’humeur importants;
6. la colère, la dépression, l’anxiété ou la rage;
7. une moins grande efficacité au travail;
8. les excuses invraisemblables pour les erreurs;
9. l’oubli de procédures ou d’événements importants;
10. la détérioration des relations et les conflits, tels que les problèmes familiaux ou conjugaux, les
problèmes financiers ou juridiques et les problèmes médicaux ou émotionnels;
29
11. les plaintes des collègues ou des clients concernant l’inefficacité et le défaut de terminer le travail
promis, l’insouciance accrue, et le comportement inapproprié, dont les réactions démesurées à des
situations habituelles ou à la critique;
12. les maladies physiques plus nombreuses, exigeant des médicaments ou l’hospitalisation.
L’intervention
L’intervention est souvent une option de choix dans le cas où la personne ne se soumettra pas
volontairement à un traitement. Il s’agit d’un processus selon lequel les membres de la famille, les amis et
les collègues inquiets se réunissent et, avec l’aide d’un bénévole ou d’un professionnel compétent,
confrontent la personne à son problème de façon positive. Les recherches ont démontré qu’une intervention
de groupe est plus susceptible de réussir, alors qu’une intervention individuelle est souvent inutile. Les
interventions réalisées par des groupes de pairs ont fait preuve d’un taux de succès très élevé.
De façon caractéristique, on demandera à un groupe formé de membres de la famille, de collègues, d’amis
et de juges, tous inquiets du sort de l’alcoolique ou du toxicomane, de participer à l’intervention avec l’aide
d’une personne formée à cet effet. Le groupe se rencontre avant l’intervention pour discuter de la technique
de confrontation. Chaque participant dresse la liste des cas où la consommation d’alcool ou de drogues de
la personne l’a embarrassé ou l’a blessé. Les incidents sont mis par écrit et présentés de façon factuelle,
sans accusation, et la rencontre se termine sur l’inquiétude ressentie par les participants et leur désir que la
personne obtienne de l’aide. Le groupe rencontre ensuite la personne.
Au cours de l’intervention, chaque membre du groupe présente à l’alcoolique ou au toxicomane les cas de
comportement problématique, d’une manière aimante et bienveillante et insiste auprès de la personne pour
qu’elle se fasse soigner. Une intervention bien planifiée prévoira des modalités de traitement immédiat,
comme un séjour dans un centre de réadaptation pour alcooliques et toxicomanes ou le vaste soutien d’un
groupe de pairs.
L’intervention est destinée à faire en sorte que la personne se fasse soigner le plus rapidement possible.
Bien qu’un traitement puisse se faire à l’interne ou à l’externe, la personne qui exige une intervention aura
besoin d’un traitement à l’interne. Par conséquent, on demande habituellement à un membre de la famille
de préparer une valise, de participer à l’intervention et d’avoir déjà réservé une place dans le centre de
traitement approprié.
Après l’identification du problème et l’intervention, vient ensuite le traitement. Il sera souvent nécessaire
d’évaluer les besoins personnels de l’alcoolique ou du toxicomane, dont ses ressources financières, les
assurances dont il dispose, le coût du traitement possible et les recommandations propres au programme
de traitement individuel. L’alcoolique ou le toxicomane peut aussi avoir besoin d’une aide temporaire ou
prolongée pour assumer ses responsabilités professionnelles envers ses clients pendant la période du
traitement.
30
Le traitement à l’interne
Un programme de traitement à l’interne dure habituellement 21 ou 28 jours, parfois plus longtemps, selon la
gravité du problème. Le programme commence par la désintoxication, qui peut durer de deux à cinq jours.
Les programmes qui connaissent le plus de succès comportent un contact soutenu avec les Alcooliques
anonymes ou les Narcotiques anonymes et l’exigence de participer aux réunions de ces groupes d’entraide.
Au cours du programme de traitement à l’interne, la personne reçoit de l’information sur l’alcoolisme ou la
toxicomanie et examine les émotions et les situations qui la mènent à une consommation excessive. Les
patients participent à des séances quotidiennes de thérapie de groupe, en même temps qu’ils assistent à
des conférences et des rencontres. Le traitement offre aussi au patient l’occasion de rencontrer d’autres
personnes qui ont souffert de la même façon, ce qui lui permet de voir le reflet de sa propre maladie chez
les autres. Ceci l’aide à surmonter le déni et facilite la pleine acceptation du processus de rétablissement.
Les programmes à la suite d’un traitement à l’interne
Après le traitement, le rétablissement peut commencer d’emblée, puisque l’alcoolique ou le toxicomane
apprend à vivre sans consommer de substances psychodysleptiques. La plupart des programmes de
traitement offre une forme de programme de suivi qui consiste en séances de thérapie une ou deux fois par
semaine. L’objectif premier des Alcooliques anonymes et des Narcotiques anonymes est d’aider au
rétablissement. Il est fortement recommandé à l’alcoolique ou au toxicomane en rétablissement d’assister à
une réunion par jour, pendant au moins les 90 premiers jours, pour établir le réseau de soutien qui lui
permettra de demeurer abstinent.
Le soutien des pairs
Lorsqu’un alcoolique ou un toxicomane commence son traitement, il est très important de lui désigner un
« ami » temporaire provenant d’un réseau d’avocats bénévoles en rétablissement. Cet ami offre du soutien
tout au long du processus. Il peut aussi constituer un modèle de rétablissement positif dont a tant besoin la
personne pour être rassurée.
Après le traitement, cet ami peut continuer à offrir un soutien émotionnel et peut aider l’avocat en
rétablissement à reprendre ses activités professionnelles. La reprise de la pratique après un traitement
exige souvent une période d’ajustement tant pour l’alcoolique ou le toxicomane que pour ses collègues ou
son cabinet.
En raison du stress associé au début du rétablissement, on suggère souvent que l’avocat reprenne ses
activités de façon progressive. Au moment opportun et avec du soutien, l’avocat voué à son rétablissement
devrait être en mesure d’exercer pleinement ses activités, de façon efficace. Le cabinet et les collègues de
l’avocat qui revient doivent aussi s’adapter. Il arrive souvent que la consommation d’alcool ou de drogues a
eu des effets négatifs sur le travail et les relations avec les collègues de l’avocat alcoolique ou toxicomane
et ces derniers se sentent souvent mal à l’aise ou méfiants au moment de son retour au travail.
31
Encore ici, il est utile que l’avocat en rétablissement prévoit du counseling pour les membres du cabinet ou
des collègues particuliers afin de les renseigner, de diminuer leur inquiétude et d’aider à planifier la période
d’adaptation. Un avocat rétabli peut constituer un excellent modèle et offrir de judicieux conseils aux
membres du cabinet et aux collègues, de même que les rassurer.
De nombreux avocats et juges connus et renommés sont membres des Alcooliques anonymes, sans que
cela soit connu de toute la profession. Une telle personne peut se faire très rassurante en démontrant que
le rétablissement est possible et souvent probable.
La confidentialité
Pour ceux qui demandent de l’aide, la confidentialité doit être maintenue tout au long du processus de
rétablissement, ainsi que par la suite. Il appartient à la personne en rétablissement de divulguer sa
situation. L’avocat en rétablissement doit être assuré que les autres personnes participant au processus de
rétablissement respecteront son anonymat en tout temps.20
Chapitre 5 –
Qui sont les Alcooliques anonymes ?
Qui sont les Narcotiques anonymes ?
Qui sont les Alcooliques anonymes ?
Les Alcooliques anonymes sont une association d’hommes et de femmes qui partagent entre eux leur
expérience, leur force et leur espoir dans le but de résoudre leur problème commun et d’en aider d’autres à
se rétablir de l’alcoolisme.
La seule condition requise pour être membre est le désir d’arrêter de boire. Les AA ne demandent ni
cotisation ni droit d’entrée; chaque groupe subvient à ses besoins par ses propres contributions. Les AA ne
sont associés à aucune secte, formation religieuse ou politique, aucun organisme ou établissement. Leur
but premier est de demeurer sobres et d’aider d’autres alcooliques à le devenir.
Il est généralement reconnu que plus d’alcooliques sont devenus sobres grâce aux Alcooliques anonymes
que par toute autre méthode de traitement. La reconnaissance et l’acceptation universelles des AA
témoignent de leur efficacité. Pratiquement toutes les cliniques et tous les hôpitaux d’Amérique du Nord qui
soignent des alcooliques ont des groupes AA qui tiennent régulièrement des réunions dans leur
établissement. Pratiquement tous les programmes d’aide aux avocats alcooliques s’appuient sur des
avocats bénévoles qui participent activement aux AA.
Les AA sont une association ayant des cadres souples et composés de bénévoles dont les membres se
réunissent uniquement pour demeurer sobres et aider les autres à le devenir. Pour être membre des AA, il
n’y a qu’une seule condition : le désir d’arrêter de boire.
32
Habituellement, les membres ne sont pas sollicités : l’alcoolique doit demander de l’aide de lui-même.
Généralement, des membres AA d’expérience et comptant une longue période de sobriété répondront à
une telle demande d’aide. Dans les AA, répondre aux demandes d’aide s’appelle faire de la douzième
étape, en raison des Douze étapes des AA vers la sobriété.
Les Alcooliques anonymes ont débuté en 1935, lorsque Bill Wilson, un ivrogne invétéré, désespéré de
demeurer sobre, s’est rendu compte que la meilleure façon de demeurer sobre était de donner de lui-même
et d’aider un autre alcoolique. Seul, à l’occasion d’un voyage d’affaires en Ohio, Wilson a fait une série
d’appels téléphoniques qui lui ont permis de rencontrer le Dr Robert Holbrook Smith ou le Dr Bob, nom sous
lequel il serait connu plus tard.
Le Dr Bob était un alcoolique chronique dont la carrière médicale et la santé étaient détruites et il était au
bord de la catastrophe à la suite d’une série de séjours en hôpital qui n’avait donné aucun résultat. Le
Dr Bob était réticent à rencontrer Bill Wilson et lui a clairement affirmé que tout effort pour l’aider serait une
perte de temps. Bill a renversé les rôles en déclarant qu’en lui parlant, le Dr Bob l’aiderait à demeurer sobre
plutôt que l’inverse.
La rencontre qui devait durer 15 minutes s’est prolongée pendant cinq heures. Plusieurs semaines plus
tard, le Dr Bob renonçait à l’alcool et Bill Wilson et lui ont terminé leur vie dans la sobriété. Pour demeurer
sobres, il ont répandu la bonne nouvelle et ont aidé d’autres alcooliques. Différents groupes ont été mis sur
pied en Ohio et en Amérique du Nord.
Aujourd’hui, les Alcooliques anonymes sont présents dans pratiquement tous les pays de la planète. Il
existe maintenant des milliers de groupes au Canada et aux États-Unis, comptant des millions de membres.
Uniquement à Toronto, il y a plus de 250 réunions AA par semaine, tout au long de l’année. [Note du
traducteur : dans Montréal et la région, il y a plus de 500 réunions AA par semaine et il y en a pratiquement
partout au Québec.]
Les membres des AA sont sobres depuis des périodes de temps qui varient en longueur. À l’occasion d’une
réunion AA, il n’est pas rare de rencontrer des membres comptant dix, 20, 30 ou 40 ans de sobriété
continue. D’autres membres trouvent difficile de demeurer sobres. Certains continuent de boire ou même
sont ivres.
Le fonctionnement des AA ne comporte pas de secret. Selon une de leurs traditions, les AA n’expriment
aucune opinion sur des sujets étrangers et ne font pas de promotion, ni de publicité. Chaque groupe AA est
autonome et subvient entièrement à ses besoins. Il existe des traditions pour aider les groupes à exercer
leurs activités, mais il n’y a pas de gouvernement de quelle que sorte que ce soit. Les AA ont mis sur pied
des comités de service et de publication, mais leurs responsabilités sont très limitées et ils n’ont aucune
autorité sur les groupes AA, ni aucune responsabilité à leur égard.
L’appartenance aux groupes AA est tout à fait ouverte et inconditionnelle. Néanmoins, des personnes avec
des intérêts particuliers peuvent constituer leur propre groupe et il n’est pas rare de voir des groupes de
policiers, de pompiers, de médecins, d’avocats, de camionneurs, et ainsi de suite. De la même façon, des
groupes ethniques se sont formés pour les Noirs et les Amérindiens. Les homosexuels, les lesbiennes, les
prisonniers, ceux en libération conditionnelle, ainsi que les prêtres, les religieuses et les ministres du culte
ont créé leurs propres groupes. Toutefois, la plupart des groupes AA n’ont pas d’orientation particulière,
bien que les groupes non-fumeurs soient de plus en plus populaires.
33
Il y a une idée fausse largement répandue selon laquelle les AA ont une relation secrète et tacite avec la
religion. Il est vrai que les Douze étapes des AA suggèrent à l’alcoolique de s’en remettre à une puissance
supérieure ou à Dieu. Il n’y a aucune définition de l’une ou l’autre notion et le membre peut en avoir une
idée tout à fait personnelle, qui lui convient. Pour certains, la puissance supérieure est simplement l’amour,
le soutien et l’acceptation qu’ils trouvent dans les groupes. Plusieurs membres des AA ont la vision
traditionnelle du Dieu chrétien ou du dieu d’une autre des grandes religions. Il n’est pas nécessaire
d’adhérer à une telle croyance pour appartenir aux AA ou participer à leur programme de rétablissement.
Une des caractéristiques les plus frappantes de l’alcoolisme est que l’alcoolique s’isole complètement des
autres êtres humains et utilise l’alcool comme substitut. À titre de mouvement d’entraide, les Alcooliques
anonymes offrent un moyen efficace qui permet à l’alcoolique de réétablir des relations interpersonnelles.
Dans un groupe AA, l’alcoolique peut se sentir accepté et compris, probablement pour la première fois
depuis de très nombreuses années, sinon pour la première fois de sa vie.
De plus, les groupes AA offrent une source constante de modèles de rétablissement. Comme nous l’avons
souligné, il n’est pas rare d’y rencontrer des gens comptant plusieurs années et plusieurs décennies de
sobriété et qui participent activement aux réunions hebdomadaires. Certains membres AA, sobres depuis
un long moment, demeurent très actifs au sein des AA, assistant à plusieurs réunions toutes les semaines.
Les Douze étapes des Alcooliques anonymes21
1. Nous avons admis que nous étions impuissants devant l’alcool – que nous avions perdu la maîtrise de
nos vies.
2. Nous en sommes venus à croire qu’une Puissance supérieure à nous-mêmes pouvait nous rendre la
raison.
3. Nous avons décidé de confier notre volonté et nos vies aux soins de Dieu tel que nous Le concevions.
4. Nous avons courageusement procédé à un inventaire moral, minutieux de nous-mêmes.
5. Nous avons avoué à Dieu, à nous-mêmes et à un autre être humain la nature exacte de nos torts.
6. Nous avons pleinement consenti à ce que Dieu élimine tous ces défauts de caractère.
7. Nous Lui avons humblement demandé de faire disparaître nos déficiences.
8. Nous avons dressé une liste de toutes les personnes que nous avions lésées et consenti à leur faire
amende honorable.
9. Nous avons réparé nos torts directement envers ces personnes partout où c’était possible, sauf
lorsqu’en ce faisant, nous pouvions leur nuire ou faire tort à d’autres.
10. Nous avons poursuivi notre inventaire personnel et promptement admis nos torts dès que nous nous en
sommes aperçus.
11. Nous avons cherché par la prière et la méditation à améliorer notre contact conscient avec Dieu, tel que
nous Le concevions, Lui demandant seulement de connaître Sa volonté à notre égard et de nous
donner la force de l’exécuter.
12. Ayant connu un réveil spirituel comme résultat de ces étapes, nous avons alors essayé de transmettre
ce message à d’autres alcooliques et de mettre en pratique ces principes dans tous les domaines de
notre vie.
34
Les Douze traditions des Alcooliques anonymes21
1. Notre bien-être commun devrait venir en premier lieu; le rétablissement personnel dépend de l’unité des
AA.
2. Dans la poursuite de notre objectif commun, il n’existe qu’une seule autorité ultime : un Dieu d’amour tel
qu’il peut se manifester dans notre conscience de groupe. Nos chefs ne sont que des serviteurs de
confiance, ils ne gouvernent pas.
3. Le désir d’arrêter de boire est la seule condition pour être membre des AA.
4. Chaque groupe devrait être autonome, sauf sur les points qui touchent d’autres groupes ou l’ensemble
du Mouvement.
5. Chaque groupe n’a qu’un objectif primordial, transmettre son message à l’alcoolique qui souffre encore.
6. Un groupe ne devrait jamais endosser ou financer d’autres organismes, qu’ils soient apparentés ou
étrangers aux AA, ni leur prêter le nom des Alcooliques anonymes, de peur que les soucis d’argent, de
propriété ou de prestige ne nous distraient de notre objectif premier.
7. Tous les groupes devraient subvenir entièrement à leurs besoins et refuser les contributions de
l’extérieur.
8. Le mouvement des Alcooliques anonymes devrait toujours demeurer non professionnel, mais nos
centres de service peuvent engager des employés qualifiés.
9. Comme Mouvement, les Alcooliques anonymes ne devraient jamais avoir de structure formelle, mais
nous pouvons constituer des conseils ou des comités de service directement responsables envers ceux
qu’ils servent.
10. Le mouvement des Alcooliques anonymes n’exprime aucune opinion sur des sujets étrangers; le nom
des AA ne devrait donc jamais être mêlé à des controverses publiques.
11. La politique de nos relations publiques est basée sur l’attrait plutôt que sur la réclame; nous devons
toujours garder l’anonymat personnel dans la presse écrite et parlée de même qu’au cinéma.
12. L’anonymat est la base spirituelle de toutes nos traditions et nous rappelle sans cesse de placer les
principes au-dessus des personnalités.
Qui sont les Narcotiques anonymes ?
Les Narcotiques anonymes (NA) ont commencé leurs activités il y a un certain nombre d’années, basées
sur le modèles des AA du rétablissement en Douze étapes. II existe maintenant des centaines de groupes
NA en Amérique du Nord. Les deux programmes sont presqu’identiques et plusieurs toxicomanes sont
aussi membres des AA. Tout comme chez les AA, le numéro de téléphone des Narcotiques anonymes est
inscrit dans la plupart des annuaires et ils offrent des dépliants, des livres et de la documentation sur la
toxicomanie, le rétablissement et le programme de Douze étapes.
[…]
35
Chapitre 7 –
L’alcoolisme, la toxicomanie et les troubles
psychiatriques chez les avocats et les juges
À la recherche de données sérieuses
Selon une étude récente portant sur les causes en matière disciplinaire en Ontario (Canada), 50 p. 100 des
avocats faisant face à des sanctions disciplinaires graves ont admis souffrir soit d’alcoolisme, soit de
toxicomanie, soit de troubles psychiatriques. Il y a donc des motifs sérieux de croire que le taux réel
d’alcoolisme, de toxicomanie ou de troubles psychiatriques chez les avocats faisant face à des inconduites
professionnelles graves est plus élevé que 50 p. 100. Néanmoins, les données de cette étude démontrent
aisément la gravité de la situation au sein de la profession et la valeur des programmes d’aide aux avocats.
Cette étude offre aussi un modèle pour d’autres recherches rentables et fiables.
Pendant près de 20 ans, les professionnels participant à des programmes d’aide aux avocats aux Canada
et aux États-Unis ont présumé que le taux d’alcoolisme, de toxicomanie et de troubles psychiatriques était
beaucoup plus élevé chez les avocats et les juges que dans le reste de la population adulte.
Ces présomptions, s’appuyant sur des observations et des renseignements non scientifiques, ont donné
lieu à deux hypothèses de travail chez le personnel des programmes d’aide aux avocats. Selon la première,
le taux d’alcoolisme et de toxicomanie et le taux de troubles psychiatriques chez les avocats et les juges se
situent à environ 15 p. 100. En vertu de la deuxième hypothèse, environ le tiers de chacun des groupes
d’avocats et de juges dans les deux catégories forme un taux combiné de 25 p. 100
d’alcoolisme/toxicomanie et (ou) de troubles psychiatriques.
Les données statistiques du domaine et de nombreuses autres études informelles nous indiquent que ces
hypothèses de travail sont raisonnables. À titre d’exemple, il est reconnu que 10 p. 100 des adultes en âge
de travailler sont alcooliques, c’est-à-dire qu’ils sont dépendants de l’alcool. Ce pourcentage est beaucoup
plus élevé si les personnes qui ont une consommation excessive d’alcool et qui se dirigent vers l’alcoolisme
entrent dans le compte.
Comme nous l’avons déjà souligné, le taux semble beaucoup plus élevé chez les avocats et les juges.
D’autres groupes de professionnels, dont les médecins et les dentistes, en sont venus à croire que le taux
chez ces professionnels se situe au même niveau, à environ 25 p. 100. Chez les professionnels qui
comptent un grand nombre d’années d’exercice, le pourcentage paraît encore plus élevé, démontrant la
nature progressive de l’alcoolisme et des autres types de dépendances ou de troubles.
Aux États-Unis, la Commission on Lawyer Assistance Programs de l’American Bar Association (ABA) laisse
entendre que 90 p. 100 des causes sérieuses en matière disciplinaire portant sur les fonds en fiducie
avaient un lien avec la consommation d’alcool et de drogues, principalement l’alcoolisme. Selon une étude
récente du Washington State Bar Association, plus de 18 p. 100 des avocats étaient alcooliques ou
l’avaient été et qu’un pourcentage identique d’avocats avaient souffert de dépression. L’État de la Géorgie
estime que dans plus de 80 p. 100 des causes disciplinaires portant sur l’utilisation des fonds en fiducie des
clients, les avocats avaient un problème d’alcoolisme ou de toxicomanie. Selon des études informelles
36
réalisées dans d’autres États ou provinces, les conclusions laissent croire que le taux d’alcoolisme, de
dépression ou d’autres troubles est sensiblement le même.
Aucune des recherches menées jusqu’à ce jour ne répond aux critères exigeants de la méthodologie
scientifique. Les demandes préliminaires de l’ABA et de l’ABC pour obtenir des statistiques ou des données
scientifiques se sont rapidement heurtées aux coûts très élevés de telles recherches. De plus, l’on craint
qu’une étude scientifique formelle ne serait pas fiable quant à la quantification de l’alcoolisme, de la
toxicomanie ou d’autres troubles chez les professionnels, puisque ceux-ci préservent leur intimité et
cachent leur état à tout prix. Enfin, on a constaté que la profession juridique elle-même a fait preuve d’une
forme de déni institutionnel qui a permis de cacher les membres en difficulté.
L’Association du Barreau canadien et l’American Bar Association ont cherché en vain une méthode
économique en vue de déterminer les taux réels d’alcoolisme et de toxicomanie, ainsi que ceux d’autres
troubles. L’alcoolisme, la toxicomanie et les troubles psychiatriques se caractérisent par le déni de ceux qui
en souffrent, de même que celui des membres de leur famille, de leurs amis, de leurs collègues et des
clients.
La collecte de données fiables s’est révélée difficile. Le coût d’une recherche, d’une analyse et d’un rapport
scientifiques complets serait prohibitif. On peut cependant largement utiliser les données déjà disponibles
sur la population générale, mais les programmes d’aide aux avocats et les organismes qui les financent
tireraient avantage de données spécifiques sur les taux d’alcoolisme, de toxicomanie et de troubles
psychiatriques dans la profession juridique.
Les organisateurs, les coordonnateurs, les administrateurs et les organismes de financement des
programmes d’aide aux avocats se sont grandement intéressés au lien entre l’alcoolisme, la toxicomanie et
les troubles psychiatriques et le coût des poursuites pour négligence professionnelle, des causes en
matière disciplinaire, des indemnités pour détournement de fonds en fiducie et les coûts connexes. Les
programmes d’aide aux avocats et ceux qui les appuient croient que le financement des programmes,
représentant habituellement entre sept et dix dollars par avocat en exercice, par année, est justifié par les
économies dont bénéficient les barreaux, les fonds d’indemnisation, les compagnies d’assurance pour
responsabilité professionnelle et les compagnies d’assurance pour soins médicaux.
Les programmes d’aide aux avocats, ainsi que l’ABA et l’ABC, ont cherché des statistiques ou autres
données qui indiqueraient selon eux, la présence du très haut taux d'alcoolisme, de toxicomanie et de
troubles psychiatriques au sein de la profession juridique. Comme nous l’avons déjà mentionné, ils ne sont
pas les seuls à désirer obtenir de telles données. Les médecins et les dentistes en sont venus à estimer
que le taux d’alcoolisme, de toxicomanie et de troubles psychiatriques est aussi élevé que 25 p. 100, et qu’il
est encore plus important chez les professionnels plus âgés.
Une étude récemment réalisée en Ontario (Canada) révèle que les décisions rapportées des procédures en
matière disciplinaire peuvent offrir une source de données permettant une évaluation quantifiable des taux
d’alcoolisme et de toxicomanie et de troubles psychiatriques dont souffrent les avocats qui doivent se
présenter devant les organismes disciplinaires. L’étude ontarienne a étudié et évalué toutes les procédures
disciplinaires rapportées par le Barreau du Haut-Canada dans le Disciplinary Digest sur une période de
trois ans. Les données disponibles répondent à trois critères importants :
37
1. Les données sont en soi fiables, malgré le fait que cette source aura tendance à minimiser l’existence
de l’alcoolisme, de la toxicomanie ou des troubles psychiatriques.
2. Les données ont une valeur probante, en ce que la relation entre l’alcoolisme, la toxicomanie et les
troubles psychiatriques et l’inconduite professionnelle est inévitablement établie.
3. Les données sont disponibles et peu coûteuses à récupérer.
L’étude ontarienne
Un avocat plaideur compétent a examiné toutes les procédures en matière disciplinaire rapportées par le
Barreau du Haut-Canada, l’organisme responsable de la supervision et de la discipline des avocats en
exercice en Ontario. Le Barreau publie le Disciplinary Digest qui rapporte les allégations, la preuve et les
décisions de toutes les procédures en matière disciplinaire sérieuses concernant les avocats. Ces
procédures ont été examinées sur une période de trois ans (d’octobre 1992 à octobre 1995), constituant
172 causes. Chacune de celles-ci a été étudiée avec soin en ce qui a trait à la mention de problèmes
d’alcool, de toxicomanie et de troubles psychiatriques (y compris la dépression, le stress et des problèmes
personnels graves). Quatre catégories de décisions ont été établies pour ces 172 causes (voir le tableau 1).
Tableau 1 – Catégories de décisions en matière disciplinaire
Décisions
Nombre de cas
1. Radiation
2. Démission permise
3. Suspension de 12 mois ou plus
4. Autres décisions
29
25
16
102
Total 172
Source : Disciplinary Digest, Barreau du Haut-Canada, octobre 1992 à octobre 1995.
Le chercheur a établi ces quatre catégories de façon arbitraire pour lui permettre de quantifier et d’évaluer
les décisions selon des rubriques définies. Des chercheurs d’expérience pourraient sans doute réaliser une
étude plus soignée et plus professionnelle et développer et définir des catégories différentes plus précises.
Cependant, l’étude ontarienne offre un modèle de départ utile.
Voici quelques explications sur ces quatre catégories.
1. Radiation. La radiation est imposée dans le cas d’infractions graves ou d’une série d’infractions
moindres, laissant croire que l’avocat est « ingérable ». Les 29 causes de cette catégorie comprenaient des
avocats qui ont fait défaut de participer aux procédures ou qui refusaient de le faire, ainsi que des avocats
qui se sont défendus avec ardeur et qui ont tenté de contrer les allégations les concernant jusqu’à la fin. En
réalité, pratiquement tous les avocats de cette catégorie semblent n’avoir rien admis et avoir tout contesté.
2. Démission permise. Cette catégorie découle directement de la loi applicable. En Ontario, un avocat ne
peut démissionner sans la permission du Barreau, et ce dernier refuse cette permission dans les cas où des
questions disciplinaires sont en suspens, jusqu’à ce qu’elles soient réglées.
38
Très souvent dans ces cas, le membre du Barreau fait face à des accusations disciplinaires sérieuses et
présente une preuve précise pour démontrer l’alcoolisme, la toxicomanie ou les troubles psychiatriques à
titre d’excuse ou d’explication des problèmes disciplinaires en cause. Il espère obtenir la permission de
démissionner plutôt que de se voir imposer la radiation. À titre d’exemple, la permission de démissionner
peut être accordée dans le cas où les fonds détournés ont été restitués et qu’il existe des problèmes
flagrants d’alcoolisme ou de toxicomanie ou des troubles psychiatriques. En résumé, si l’avocat n’a pas
présenté une telle preuve en mitigation, la radiation serait habituellement imposée. Par conséquent, la
radiation et la permission de démissionner peuvent être considérées comme deux catégories portant sur
des cas similaires d’inconduite professionnelle grave. Dans le cas de la radiation, l’avocat ignore les
procédures ou conteste les allégations et le poursuivant doit prouver la plainte de façon stricte. Par contre,
dans la catégorie « démission permise », l’avocat reconnaît son inconduite, tout en présentant une
explication pour la mitiger.
3. Suspension de 12 mois ou plus ou suspension indéfinie. Cette catégorie est tout a fait arbitraire et
vise à distinguer les suspensions prolongées des suspensions de plus courte durée. L’examen du
Disciplinary Digest révèle que l’inconduite pour laquelle une telle décision est rendue est habituellement très
grave ou chronique, ou les deux. Cette catégorie ressemble à celle de la démission permise et peut être le
cas d’une audition contestée ou l’équivalent d’un plaidoyer ou d’une admission de culpabilité.
En général, les faits sur lesquels repose la plainte contre l’avocat sont moins graves et le comité de
discipline semble croire qu’il y a espoir de réadaptation. L’avocat a souvent présenté une preuve probante
de troubles psychiatriques ou autres et un examen attentif des causes indique que la suspension prolongée
ou indéfinie a été imposée à titre de réponse éclairée à l’égard de l’avocat qui peut réagir avec succès à un
traitement.
L’imposition d’une suspension de très longue durée à titre de sanction grave semble plus rare. Les
suspensions pour permettre le rétablissement ou la réadaptation constituent la grande majorité des cas de
cette catégorie.
5. Autres décisions. Cette catégorie fourre-tout comprend un large éventail de décisions en matière
disciplinaire. Elle regroupe toutes les décisions allant de la réprimande in camera aux amendes élevées,
aux suspensions (de moins d’un an), en passant par tout ce qui a été imposé entre ces deux pôles.
Voici les données de l’étude ontarienne (voir le tableau 2).
Tableau 2 – Taux d’alcoolisme, de toxicomanie, de troubles psychiatriques chez les avocats
Nbre de cas
Alcool/drogues
Troubles psychiatriques
1. Radiation
29
2
2
2. Démission permise
25
6
6
3. Suspension prolongée
16
1
7
4. Autres décisions
102
1
14
Source : Disciplinary Digest, Barreau du Haut-Canada, octobre 1992 à octobre 1995.
Total
%
4
12
8
15
14 %
48 %
50 %
15 %
Selon l’étude ontarienne, l’alcoolisme, la toxicomanie et les troubles psychiatriques ont été allégués dans
22,6 p. 100 de toutes les procédures disciplinaires. Le taux augmente à 48 p. 100 dans la deuxième
39
catégorie (démission permise). Dans la troisième catégorie (suspension de douze mois ou plus ou
suspension indéfinie), le taux est de 50 p. 100. Pour l’ensemble de toutes les causes, le taux représente
plus de 50 p. 100.
Bien que le taux de radiation n’est que de 14 p. 100, il faut conclure inévitablement à une importante sousdéclaration. Une observation du chercheur appuie cette hypothèse. Vingt-neuf avocats ont été radiés au
cours de la période étudiée. Dans quatre des causes, on rapportait l’alcoolisme ou des troubles
psychiatriques, soit 14 p. 100.
Le chercheur était personnellement au courant de deux autres cas d’alcoolisme grave et de deux autres cas
de troubles psychiatriques sérieux, aucun n’étant rapporté dans le Disciplinary Digest. Si ces
renseignements étaient inclus, le taux s’élèverait à 28 p. 100 !
Il est raisonnable de conclure que le taux réel est au moins aussi élevé que dans les deuxième et troisième
catégories, soit environ 50 p. 100. Une recherche plus approfondie révélerait sans aucun doute un taux
beaucoup élevé. Les discussions entre le chercheur et l’avocat principal du comité de discipline du Barreau
du Haut-Canada ont confirmé que l’examen des dossiers disciplinaires (par opposition au Disciplinary
Digest) indiquerait un taux beaucoup plus élevé d’alcoolisme, de toxicomanie et de troubles psychiatriques.
Dans un tel cas, cela signifierait que le taux d’incidence d’alcoolisme et de troubles psychiatriques de
50 p. 100 constitue une sous-déclaration du taux réel.
Le chercheur a passé environ cinq heures, ainsi que sa secrétaire, pour réaliser la recherche sur laquelle
s’appuie ce document et qu’il a appelée la recherche ontarienne. Aucuns autres frais de recherche,
dépenses et déboursés n’ont été engagés. Comme point de départ, cette courte étude réalisée en Ontario
offre des données utiles et significatives. De plus, elle constitue un modèle utile pour une recherche future.
On pourrait par exemple étendre l’examen des 172 causes en matière disciplinaire à l’étude des dossiers
eux-mêmes, à des discussions avec la poursuite et les avocats de la défense ou même des entrevues avec
les avocats radiés, ceux à qui on a permis de démissionner, ou les avocats suspendus ou ayant fait l’objet
d’une autre mesure disciplinaire. Ces recherches et entrevues mèneraient presqu’inévitablement à
l’identification d’un plus grand nombre de cas d’alcoolisme, de toxicomanie et de troubles psychiatriques.
La conclusion sans doute la plus importante que l’on peut tirer de l’étude ontarienne est que 50 p. 100 des
avocats faisant face à des accusations graves en matière de discipline ont admis l’alcoolisme, la
toxicomanie ou des troubles psychiatriques. Ceci offre certainement un point de départ pour des recherches
plus étendues et une plus grande compréhension du rôle et de l’importance des programmes d’aide aux
avocats dans la profession.
[…]
40
Notes
1
Goby, Marshall J., Ph.D., Alcoholism: Treatment and Recovery, CHAUS (1984).
2
DIAGNOSTIC AND STATISCAL MANUAL OF MENTAL DISORDERS (Third Edition Revised) DSM-III-R,
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3
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ABA, Law Office Management and Admin, #88, 10 octobre 1998.
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(printemps 1990, no 2).
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