pathologie des muqueuses chez l`enfant et l`adolescent

Transcription

pathologie des muqueuses chez l`enfant et l`adolescent
UFR Odontologie
/ UNIVERSITE de BORDEAUX \
Odontologie Pédiatrique
PATHOLOGIE DES MUQUEUSES
CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT
► CE QU’IL FAUT RETENIR…
• Il existe une spécificité pédiatrique des pathologies des muqueuses en raison :
‐ des particularités histologiques (moindre densité tissulaire) ou immunologiques (immaturité
du système immunitaire chez le petit enfant) mais aussi une capacité de régénération plus
importante
‐ des maladies propres à l’enfance (en principe) comme la scarlatine ou la rougeole.
• La nosologie s'aborde par :
‐ le type de lésions (ex : erythémateuses, vésiculo-bulleuses, ulcéreuses)
‐ l’étiologie (ex : microbienne, virale, systémique…)
‐ ou encore suivant une localisation particulière (ex : langue, lèvres)
• Il faut savoir discriminer les affections courantes des pathologies exceptionnelles :
‐ Aphtes, Herpès, Candidose, Impétigo, Herpangine…
‐ Carences, Hémopathies, Maladies auto-immunes, SIDA…
► PLAN
1. INTRODUCTION.....................................................................................................................................1
2. CONSULTATION DE DERMATOLOGIE BUCCALE...............................................................................2
3. CORPUS CLINIQUE...............................................................................................................................3
3.1 LESIONS COURANTES...................................................................................................................3
3.2 APPROCHE TOPOGRAPHIQUE.....................................................................................................5
3.2 APPROCHE ETIOLOGIQUE ...........................................................................................................5
►BIBLIOGRAPHIE
1. LASKARIS G. : Color atlas of oral diseases in children and adolescents. Thiemme, New
York 2000, 338p.
2. SZPIRGLAS H., BEN SLAMA L. : Pathologie de la muqueuse buccale. Elsevier Ed
Scientifiques et médicales 1999, 308p
3. BEAUNNAURE-MALLET M., GANDEMER V. : Oncologie pédiatrique et odontologie
pédiatrique ; Rev. Francoph. Odontol. Pediatr. 2007 ; 2(4) : 67-72.
Yves DELBOS MCU-PH, Odontologie Pédiatrique
Jean Christophe FRICAIN, MCU PH Pathologie
Université de Bordeaux
yves.delbos@u‐bordeaux2.fr v 3.01 ‐ août 2009
1/7
1.
INTRODUCTION
Les Spécificités pédiatriques des pathologies des muqueuses chez l’enfant et l’adolescent
peuvent se retrouver dans :
‐ des particularités histologiques (moindre densité tissulaire) ou immunologiques
(immaturité du système immunitaire chez le petit enfant) mais aussi une capacité de
régénération plus importante
‐ des maladies propres à l’enfance (en principe) comme la scarlatine qui se traduit par
une angine rouge importante et une glossite évoluant vers une langue lisse et
vernissée, ou la rougeole avec le signe de Koplick (macules jugales rouges à points
blancs-bleutés) ou le signe de Combry (érythème pointillé du voile du palais).
Il est difficile de trouver une classification satisfaisante. Il est possible d’aborder ces
pathologies par :
‐ le type de lésions (ex : erythémateuses, vésiculo-bulleuses, ulcéreuses)
‐ l’étiologie (ex : microbienne, virale, systémique…)
‐ ou encore suivant une localisation particulière (ex : langue, lèvres)
TYPE
DESCRIPTION
EXEMPLE
érosion
perte de substance superficielle sans nécrose sous-jacente
lichen érosif
ulcération
perte de substance plus profonde avec atteinte du tissu aphtes
conjonctif
vésicule
soulèvement intraépithélial rempli de liquide
herpès
pustule
soulèvement intraépithélial rempli de pus
Impétigo
bulle
Décollement epithélial >5 mm, rempli de liquide
pemphigus
macule
modification localisée de couleur (= plage si >0,5 cm)
lentigo
papule
lésion saillante sans liquide (=plaque si >0,5 cm)
kératose
nodule
relief saillant, arrondi
fibrome
gomme
Relief saillant inflammatoire
syphilis
Tableau 1 : Types de lésion en dermatologie buccale
2.
CONSULTATION DE DERMATOLOGIE BUCCALE
• La consultation commence par l’anamnèse et l’interrogatoire du patient :
‐ Evaluation de l’état général et appréciation des antécédents médicaux (fièvre, asthénie,
anémie, immunodépression, maladie systémique…
‐ Impact des traitements en cours : antiépileptique (dihydan®) mais aussi barbituriques,
(phénobarbital) benzodiazépine (rivotril®), carbamazépine…
‐ Recherche des circonstances d’apparition : traumatisme ou blessure, lésion
chronique…
UFR Odontologie
/ UNIVERSITE de BORDEAUX \
Odontologie Pédiatrique
• Elle se poursuit par l’observation clinique
‐ qui précise la typologie, suivant des lésions élémentaires : rouge ou blanche, érosive,
ulcérative, bulleuse, plaque, nodule…
‐ Leur nombre : simple ou multiple (lésion unique ± étendue ou non, mono ou bilatérale,
tropique…
‐ Leur localisation buccale & extra-buccale (vestibulaire, palatine, linguale, lèvre et…)
• Elle débouche sur une prise encharge et un traitement approprié (CAT)
‐ après investigations nécessaires : prélèvement, biopsie, voire radiographie et bilan
biologique,
‐ et une prescription symptomatique et/ou curative (AB, AV, AI, vit…) et les conseils de
prévention ou d’hygiène de vie.
‐ avant une éventuelle exérèse chirurgicale après diagnostic (ou sous forme de biopsie exérèse
avant).
3.
CORPUS CLINIQUE
3.1.
3.1.1
‐
‐
‐
‐
‐
‐
‐
Aphtes
type : ulcération + liseré rouge, forme banale (3 à 6 mm) géante (1 à 2 cm), herpétiforme
(1 à 2 mm)
localisation : de la lésion isolée (vestibule, lèvre, bord langue) à la gingivo-stomatique
étiologie inconnue : mais très répandu (prévalence :10 à 30 %)
favorisée par les traumatismes, certains aliments, carence B12 ou folates, troubles hémato,
SIDA, le stress…etc
contagiosité : non
traitement : curatif (colchicine, en milieu hospitalier) ou symptomatique (corticoïde) +
soulagement local (pyralvex®), éventuellement complété par immudon® ou Lyso-6 ® ?
3.1.2
‐
‐
‐
‐
‐
‐
LESIONS COURANTES
Herpès
type : érosion ou ulcération + liseré rouge, vésicules groupées en bouquet
localisation : de la lésion isolée (bouton de fièvre) à la gingivo-stomatique herpétique aigue
étiologie virale : HSV 1 en primo-infection ou récurrence
favorisée par le stress, le soleil…etc
contagiosité : contamination muqueuse ou salivaire avant
attention aux complications de la maladie herpétique chez la femme enceinte, le nouveau-né
et l’atopique.
traitement : valaciclovir=zelitrex® en priorité ou aciclovir=zovirax® (200mg 5x/j)
3/7
UFR Odontologie
/ UNIVERSITE de BORDEAUX \
Odontologie Pédiatrique
3.1.3
‐
‐
‐
‐
‐
‐
type : pustules, bulles
rougeur puis petites "cloques d’eau" en grappes suintantes, puis des croûtes « mélicériques »
couleur miel. L’impétigo bulleux = forme caractéristique du nouveau-né et du nourrisson
(staphylococcique +++)
localisation : visage +++ (nez, bouche), extrémité des membres
étiologie bactérienne : strepto β-hémolytique Gr A ou staphylo
peut faire suite à des lésions cutanées (piqûres d’insectes, gale, pédiculose, eczéma…).
contagiosité +++ : hygiène des mains, éviction scolaire
traitement : AS + AB locaux + AB (synergistine =pyostacine®, pénicilline M :
Cloxacilline=Orbenine®, Oxacilline=Bristopen®
3.1.4
‐
‐
‐
‐
‐
‐
‐
‐
‐
‐
Candidose
type : érythème + pseudo-membranes +++
rougeur (sécheresse buccale, brûlure, goût métallique) pouvant se recouvrir d’un enduit
blanchâtre (muguet +++ chez le petit enfant)
localisation : lèvre (perlèche), langue (glossite), CB (stomatite)
étiologie mycosique : infection opportuniste à candida albicans +++
macération, irritation, baisse pH, immudépression, médicaments…
traitement : AF locaux (sauf immunodépression) longue durée
nystacione=mycostatine®, amphotéricine B=fungizone®, miconazole=daktarin®
3.1.5
‐
‐
‐
Impetigo
Herpangine
type : erythème diffus + vésicules (2 à 6 mm) qui s’ulcèrent rapidement (douloureux)
localisation : voile du palais+++, luette, vestibule et langue
étiologie virale : entérovirus non poliomyélitiques comme les virus Coxsackie A 1, 6, 8, 10,
22
contagiosité : oui
traitement : symptomatique
début brutal, dysphagie, fièvre, asthénie, troubles digestifs.
4/7
UFR Odontologie
/ UNIVERSITE de BORDEAUX \
Odontologie Pédiatrique
3.2.
3.2.1
APPROCHE TOPOGRAPHIQUE
Atteinte des lèvres
On retrouve chez l’enfant des atteintes des lèvres comme :
‐ les diapneusies (tic de mordillement)
‐ les kystes mucoïdes
‐ chéleites solaires, allergiques
‐ perlèche (intertrigo candidosique)
‐ maladie de Crohn : granulomatose oro-faciale, œdème labial caractéristique (rare chez
l’enfant).
On peut également y ranger les hypertrophies du frein labial (cf cours paro)
3.2.2
‐
‐
Pathologie de la langue
ankyloglossie : rétention linguale en présence d’un frein trop court. La langue peut être
bifide et ne permet pas le contact avec le palais. La protraction est limitée et souvent
douloureuse par frottement du frein sur le bord incisif.
glossite exfoliatrice : langue géographique (glossite marginée) ou
atrophie papillaire centrale (glossite médiane losangique).
3.3.
3.3.1
APPROCHES ETIOLOGIQUES
Eruptions dentaires
• En dehors de la folliculite expulsive qui se traduit par une perte prématurée de la denture
temporaire, les eruptions dentaires sont une source fréquente et banale d’atteinte des muqueuses :
‐ gingivo-stomatite d’éruption erythémateuse ou pultacée)
‐ kyste folliculaire d’éruption
‐ péricoronarite
• Certaines causes restent inconnues (idiopathiques) comme dans le cas des epulis qui se
matérialisent sous la forme d’une hyperplasie gingivale au niveau d’une papille ou en placard
localisé sur le parodonte vestibulaire.
3.3.2
Traumatismes
Les traumatismes maxillo-faciaux sont fréquents chez l’enfant avec des plaies contuses au niveau
des lèvres, des déchirures du frein labial. Les morsures involontaires (post-anesthésie) ainsi que les
accidents domestiques (blessures chimiques par ingestion de toxiques ou brûlures par exposition au
courant électrique). Signalons enfin le cas dramatique des auto-mutilations caractéristiques du
syndrome de Lesh Nayan.
polype gingival post traumatique
5/7
UFR Odontologie
/ UNIVERSITE de BORDEAUX \
Odontologie Pédiatrique
3.3.3
Carences et pathologies diverses
• les avitaminoses peuvent être également source de pathologies des muqueuses :
‐ B2 : chéléite angulaire, perlèche, glossite
‐ PP : glossite et stomatite
‐ C : gingivite d’éruption
• De même que les certains médicaments :
‐ hyperplasie gingivale due à la diphénylhydantoïne (dihydan®) mais de moins en moins
utilisé dans le traitement de l’épilepsie.
‐ hyperpigmentation par certains traitement anti VIH.
‐ toxidermies médicamenteuses : S. de Stevens & Johnson, S. de Lyell, rares mais
dramatiques et susceptibles d’être provoqués par des médicaments courants (paracétamol,
salicylés, AINS)
• Des maladies systémiques auto-immunes peuvent être impliquées dans des pathologies
muqueuses, citons par exemple :
‐ le lupus érythémateux : maladie auto-immune (rare avant 7 ans)
lésion erythémateuse en “loup” sur le visage + éventuelles lésions buccales érosives.
‐ le pemphigus & pemphigoïde : maladie bulleuse auto-immune (rare chez l’enfant).
‐ la maladie de Crohn : œdème labial, aphtes et ulcérations buccales, hyperplasie gingivale
granulomateuse (rare chez l’enfant).
• Hémopathies
Les leucémies regroupent des affections malignes hétérogènes des tissus hématopoïétiques. Les
manifestations buccales sont possibles dans tous les types d’hémopathies:
‐ ulcérations, pétéchies, ecchymose, gingivorragies
‐ surinfections herpétique ou candidosique
‐ hyperplasie gingivale (leucémie myelomonocytaire)
‐
thrombopénie & neutropénie
‐ Lorsque le taux de neutrophiles < 2000 /mm3, la défense contre les infections est
réduite, ce qui favorise les parodontopathies et les ulcérations buccales en rapport
avec les bactéries opportunistes (discret halo inflammatoire erythémateux) voire des
gangrènes chez les sujets acatalasiques
‐ Lorsque le taux de plaquette <50 000mm3, on peut observer des gingivorragies
spontanées , des pétéchies à la face interne des joues, sur les bords latéraux de la
langue, ou à la limite du palais dur et du voile ; des ecchymoses buccales et
cutanées ; un purpura (accumulation d’hématies dans le derme).
‐
la granulomatose chronique ou septique (syndrome de Bridges et Good)
“La granulomatose septique chronique est une maladie héréditaire caractérisée par un
défaut de destruction des bactéries et des champignons phagocytés par les polynucléaires
neutrophiles et les macrophages, lié à une anomalie de la NADPH oxydase, productrice de
6/7
UFR Odontologie
/ UNIVERSITE de BORDEAUX \
Odontologie Pédiatrique
radicaux d'oxygène libre. L'incidence est de l'ordre de 1 sur 500 000. Le mode de
transmission de cette maladie est de type récessif liée à l'X ou autosomique récessif.”
orphanet, 2005
• SIDA
Les manifestations buccales sont souvent plus précoces chez l’enfant et sont très diverses :
‐ candidose +++ (erythème gingival linéaire)
‐ leucoplasie orale chevelue (virus Epstein Barr - MNI)
‐ gingivite simple ou ulcéronécrotique, voire parodontite ou stomatite nécrotique fulminante
‐ aphtes, herpès, verrue buccale…
On retrouve également des lésions tumorales :
‐ maladie de Kaposi : macule violacée palatine au niveau du maxillaire (palais+++) qui
évolue en s’infiltrant, et se complexifie en papule, nodule puis en ulcère
‐ lymphome malin non hodgkinien (type Burkitt) où l’on retrouve très fréquemment des
ulcérations buccales cicatrisant difficilement, des tuméfactions non spécifiques, surtout à la
mandibule.
• Le lymphome de Burkitt « est une tumeur du système lymphatique à cellules B matures d'aspect
très caractéristique. Il représente plus de la moitié des lymphomes de l'enfant. Deux formes existent
: l'une est endémique (Afrique noire), liée au virus Epstein Barr (EBV), et se présente sous forme
d'une tumeur de la joue ; l'autre est sporadique, non liée à l'EBV et se développe dans l'abdomen. »
Orphanet 2002
• Le noma ou « cancrum oris » est une forme de gangrène foudroyante qui détruit les tissus mous
et les os de la face. C’est une maladie de la pauvreté, qui frappe essentiellement les jeunes enfants
qui résulte de la combinaison de plusieurs facteurs nutritionnel et infectieux (rougeole, herpès,
typhoïde, paludisme, parasitoses) qui induisent une immunodéficience. Cette conjonction conduit à
l’installation d’une gingivite nécrosante et ulcérée qui fait le lit d’une infection locale
polymicrobienne responsable des lésions. Il a disparu d’Europe à la fin du XIXe siècle mais reste
endémique en Afrique sub-sahélienne. Durant la Seconde Guerre Mondiale, certains cas sont décrits
dans les camps de concentration et plus récemment chez des patients atteints du SIDA.
7/7