rousseau comedie musicale ecrite par anouk chambille avec

Transcription

rousseau comedie musicale ecrite par anouk chambille avec
ROUSSEAU COMEDIE MUSICALE ECRITE PAR ANOUK CHAMBILLE AVEC LA
COLLABORATION ECLAIREE, LES CONSEILS AVISES ET L’HUMOUR PERTINENT DE
CAROLE POTIER
ACTE 1 : L’ECRIVAIN
Les personnages :
- Cornelius : « Clown blanc » lien temporel
- Barnabé : Faire valoir de Rousseau, autre lien temporel
- Rousseau adulte occupé à l’écriture des Confessions
- Victorine servante de Rousseau
- Voltaire en voix off
- Chœur
Décors :
Mobilier de scène qui peut se lire de plusieurs façons selon la mise en scène et les
éclairages : Un arbre, un mur d’une pièce etc. Hauteur suffisante pour masquer un homme ;
troué en son milieu pour permettre des effets de lumières. Posé en diagonale de la scène.
Mobilier de couleur gris clair uni. Dans ce premier acte, il doit permettre de figurer le bureau
de Rousseau, une table, une chaise, un tapis et un fauteuil complètent le décor. Sur la table
une bougie, un encrier, des papiers dispersés.
Scène 1 : Cornélius, Barnabé, Rousseau et Victorine
Cornélius et Barnabé sont assis en bord de scène, les jambes pendantes, Cornélius lit et
Barnabé fait « une réussite ».
Sur scène, Rousseau est à son bureau, il écrit. Une faible lumière l’éclaire, l’ambiance est
feutrée.
On entend un instrumental.
Lumière sur Cornélius et Barnabé (poursuite)
Barnabé : « Cornélius… ! »
Cornélius : « Mmmm… ? »
Barnabé plus fort : « Cornelius !!! »
Cornelius plus fort lui aussi : « «Mmmmmm… ? »
Barnabé : « C’est qui lui… ? »
Cornelius toujours la tête dans son livre : « Qui lui… ? »
Barnabé : se tournant vers Rousseau : « Ben ! Lui. ! » Montrant Rousseau d’un geste de la
tête.
Cornelius : lève son livre et montre le titre à Barnabé sans un mot.
Barnabé déchiffrant péniblement : « Rou…. Ss….eau confer..ssi..on intime appuyant sur la
dernière syllabe. J’vois pas le rapport ! »
Cornelius : « Tu ne vois pas le rapport !!! ?? Tu me poses une question, je te réponds !
Barnabé : « Non ! Tu ne me réponds pas, tu me montres un livre ! »
Cornelius : « Et c’est écrit quoi dessus ? »
Barnabé : « Je viens de te le dire, si tu veux me ridiculiser parce que j’ai un petit problème de
vue… »
Cornelius : « Un problème de vue. Tu ne sais pas lire oui ! »
Barnabé : …..Bien sûr ! Je sais lire et mieux que toi ! Lançant à la cantonade Rousseau,
Rousseau, Rousseau…
Chœur chanson 1 Rousseau :
Il brûle de 1000 idées
Mais parfois empêchées
Par de vives passions
Qui freinent la réflexion
Un goût pour la justice
Que chaque jour il tisse
À l’ombre d’émotions
Mais sans compromissions
Un homme partagé
Énervé, tiraillé
Entre un cœur trop ardent
Et un esprit brillant
Celui que l’on vous chante
Celui que l’on vous vante
Nous a livré des clés
Puisées dans l’encrier
On peut l’appeler Jean-Jacques
En fait c’est une arnaque
Ses écrits colossaux
Font de lui un « Rousseau »
Cornelius : « Alors… ? C’est bon ? Tu as compris de qui il s’agit ?
Barnabé : « Oui ! J’ai compris, mais je ne vois pas ce qu’on fait là ; lui, il est tranquillement
assis à écrire alors… »
Rousseau : se levant brusquement de sa chaise « En effet jeunes gens ! Et vos bavardages
incessants me contraignent à interrompre mon travail ! En clair, vous me dérangez ! Plus fort
sur la dernière phrase.
Barnabé impressionné, chuchotant « Tu vois, on le dérange… »
Cornelius : se levant et s’adressant à Rousseau « Permettez-moi de vous dire, Monsieur, que
vous ne devriez pas vous adresser à nous sur ce ton ! »
Rousseau : « Tiens donc ! Et…. Pourquoi pas ? »
Cornelius : Nous sommes ici pour vous permettre de toucher les générations futures, nous
sommes…. Cherchant ses mots…. Des…….. Transmetteurs ! »
Barnabé : hilare… « Des transmetteurs… n’importe quoi… »
Rousseau : « je ne sais pas de quoi vous parlez, ce mot m’est étranger, laissez-moi je vous
prie ! J’ai du travail ! Il se remet à sa table.
Victorine : sortant des coulisses un peu défaite et rougissante « Monsieur Rousseau, je vous
apporte votre thé et…. Mal à l’aise à voix plus basse Monsieur Voltaire est là, il souhaite vous
parler ».
Rousseau : « Voltaire !!! Ce traître, ce bourgeois à la langue vipérine ! Comment ose-t-il ?! »
Barnabé : « M’sieur, pourquoi êtes-vous tremblant ? C’est un type comme vous et moi ce
Voltaire !
Cornelius : « Laisse Barnabé, tu vois bien qu’il est dominé par ses émotions, ce n’est pas la
peine. »
Victorine : qui tentait de calmer son maitre, à voix basse à Barnabé « Oui, c’est vrai, posez
lui la question et vous comprendrez mieux qui il est »
Rousseau : » Mais ! Qu’est-ce encore que cette messe basse ? Victorine, si vous vous y
mettez aussi… !! D’abord, Messieurs s’adressant à Cornelius et Barnabé qui êtes-vous et que
faites-vous dans mon bureau ? »
Barnabé : très fier et prenant un ton le plus obséquieux possible « Nous sommes vos
transmetteurs !! »
Cornelius : à voix basse pour Barnabé seulement « C’est pas vrai … !!! Qui t’as demandé de
dire ça ?!! »
Barnabé : « Mais…interloqué c’est toi qui l’a dis tout à l’heure…. »
Cornelius : « Bref…puis s’adressant à Rousseau « Monsieur Rousseau, nous sommes
comme…hors du temps, nous sommes venu à votre rencontre pour comprendre qui vous êtes
et saisir peut –être un peu mieux la teneur de votre pensées »
Rousseau : « Mmmmm…. »
Barnabé : un peu pensif « Moi, personnellement, c’est pourquoi vous êtes si troublé qui
m’intéresse ».
Rousseau : »Bon, je vois ! Vous n’allez pas disparaître avant que je ne me dévoile, c’est
ça ? »
Cornelius et Barnabé : en chœur « C’est ça ! ».
Rousseau : s’adressant à Barnabé « Je vais répondre à ta question… mais….quel est ton
nom ? » L’interrogeant du regard sur son identité.
Barnabé : « Barnabé ».
Rousseau : « Barnabé, si je suis troublé, c’est que deux choses presque inalliables s’unissent
en moi sans que j’en puisse concevoir la manière ; un tempérament très ardent, des passions
vives, impétueuses, et des idées lentes à naître, embarrassées et qui ne se présentent jamais
qu’après coup. S’agitant, tournant en rond, comme seul dans ses pensées. Pendant ce temps,
Barnabé l’imite prenant la pose, mimant le texte.
On dirait que mon cœur et mon esprit n’appartiennent pas au même individu. Le sentiment,
plus prompt que l’éclair, vient remplir mon âme : mais au lieu de l’éclairer, il me brûle et
m’éblouit. Je sens tout et je ne vois rien. Je suis emporté, mais stupide ; il faut que je sois de
sang froid pour penser. Ce qu’il y a d’étonnant est que j’ai cependant le tact assez sûr, de la
pénétration, de la finesse même, pourvu qu’on m’attende ; je fais d’excellent impromptus à
loisir, mais sur le temps, rien n’est jamais fait ni dit qui vaille. »
Barnabé : très concerné « Ah ça … je comprends ! Pour moi aussi c’est comme ça, quand
Cornelius me fait la leçon, je voudrais lui dire sont fait et comme il m’énerve, ben… je trouve
les bons mots un quart d’heure après…, c’est pour ça que vous craignez de rencontrer
Voltaire… c’est votre Cornelius ?»
Cornelius : « mais pourquoi tu ramènes Voltaire ?! Tu vas l’énerver et on en saura pas
plus ! »
Barnabé : « Mais c’est pour lui rappeler, on ne va pas laisser Voltaire dans l’antichambre
pendant 2h ! »
Victorine réapparait à ce moment avec une lettre sur un plateau.
Victorine : « Monsieur, Monsieur Voltaire me fait dire qu’il repassera, il vous laisse une lettre
qu’il m’a fait promettre de vous remettre en mains propres ».
Barnabé : à Cornelius doucement « Tu vois… ! Il s’est impatienté Monsieur Voltaire ! »
Cornelius : « Tais- toi ! Le moment est crucial… »
Rousseau : a Victorine « Laissez cela sur mon bureau, j’en prendrai connaissance plus tard ».
Barnabé : « Mince alors, il s’est même pas énervé ».
Cornelius fusille Barnabé du regard, celui-ci se fait tout petit.
Rousseau : « Cher Barnabé, Barnabé se redresse et pavoise pour énerver Cornelius vous me
disiez tout à l’heure que vous compreniez mon trouble quand il s’agit de parler, mais sachez
que cette lenteur de penser, jointe à cette vivacité de sentir, je ne l’ai pas seulement dans la
conversation, je l’ai même seul et quand je travaille. Mes idées s’arrangent dans ma tête avec
la plus incroyable difficulté : elles y circulent sourdement, elles y fermentent jusqu’à
m’émouvoir, m’échauffer, me donner des palpitations ; et, au milieu de toute cette émotion, je
ne vois bien nettement, je ne saurais écrire un seul mot, il faut que j’attende.
Insensiblement ce grand mouvement s’apaise, ce chaos se débrouille, chaque chose vient se
mettre à sa place, mais lentement, et après une longue et confuse agitation.
Barnabé : « pourtant là, si je puis me permettre quand vous parlez de l’écriture, ça a l’air
d’être assez clair dans votre tête… »
Cornelius : amusé « Ah oui, t’as compris ce que Monsieur Rousseau t’explique ? »
Barnabé : pas très sûr de lui « Ben… je crois… »
On entend une pièce de Rameau extraite des « nouvelles suites « L’enharmonique ». N° 20
(Alexandre Tharaud joue Rameau) sur le texte de Rousseau.
Rousseau : reprenant « Et bien, Barnabé, voici qui illustrera mon propos… n’avez-vous point
vu quelque fois l’opéra en Italie ? Dans les changements de scène il règne sur ces grands
théâtres un désordre désagréable et qui dure assez longtemps ; toutes les décorations sont
entremêlées ; on voit de toutes part un tiraillement qui fait peine, on croit que tout va
renverser : cependant, peu à peu tout s’arrange, rien ne manque, et l’on est tout surpris de voir
succéder à ce long tumulte un spectacle ravissant. Cette manœuvre est à peu près celle qui se
fait dans mon cerveau quand je veux écrire. Si j’avais su premièrement attendre, et puis rendre
dans leur beauté les choses qui s’y sont ainsi peintes, peu d’auteurs m’auraient surpassé.
Barnabé : « Là, je comprends mieux et, vous savez, Monsieur Rousseau, vous êtes pas le seul
dans votre genre, y’a pas de quoi vous complexer… »
Cornelius : « Tu es un grand malade ! Tu t’adresses à Jean-Jacques Rousseau ! Pas au
charcutier du coin !!
Rousseau : s’adressant à Cornelius « Laissez jeune homme…. D’ailleurs comment vous
nomme-t-on ?
Cornelius : « Cornelius, Monsieur, on m’appelle Cornelius »
Rousseau : « C’est charmant ! »
Barnabé : « Et moi ? Barnabé ?… c’est pas charmant… ? »
Rousseau : impatient et passionné « Peu importe vos noms, ce qui m’intéresse, c’est votre
capacité à toucher les hommes, serez-vous aptes à transmettre mes idées au plus grand
nombre ? »
Cornelius : « Nous tenterons, Monsieur.
Chanson 2 « mission » :
Nous reprendrons vos grandes idées
Les transmettrons dans la foulée
Avec une grande modestie
Nous parlerons démocratie
Peut-être croiserons nous Voltaire
Dans une discussion salutaire
Et comprendrons enfin la guerre
Dont vous êtes les cosignataires
Nous défendrons la mélodie
Au détriment de l’harmonie
Lirons vos traités théoriques
Et écouterons votre musique
Un mot sur Madame de Warens
Qui traversa votre existence
Et que vous appeliez maman
Bien que vous fussiez son amant
De vous un portrait sera fait
Bien sûr il sera imparfait
Mais nous gageons que sur la fin
Nous aurons su tisser des liens
Rousseau : « Me promettez-vous que vous saurez dire ma pensée ? »
Barnabé : « Ils sauront tout Monsieur,… enfin… presque.
Cornelius : « Pour commencer, Monsieur Rousseau, quelle est donc cette querelle qui vous
unit à Voltaire ? »
Rousseau : « Qui m’unit ? Êtes-vous fou ? Nous sommes aussi différents qu’il est possible de
l’être. Tout nous sépare, la naissance et le rang social mais aussi le genre de talent et les
idées ! »
Barnabé : « vraiment.. »
Rousseau : « Mais oui, jeune homme, Voltaire défend l’usage de la raison et le droit à la
rébellion individuelle… »
Barnabé : un peu provocateur « Et alors… ça a l’air plutôt bien… »
Rousseau : passionné « Mais, jeune homme, l’homme est fondamentalement constitué de
sentiments spontanés, de passions et d’une bonté foncière, et ceci par ses instincts naturels »
Cornelius : illuminé « Ah… Monsieur Rousseau, je commence à comprendre l’importance de
votre pensée et ce qui vous oppose à Voltaire. »
Barnabé : regardant son amis avec une admiration feinte « Ho la la, comment tu t’la joues …
t’as rien compris oui ! »
Cornelius : ignorant la remarque de Barnabé « Voltaire encourage la raison, la pensée et les
concepts alors que vous, vous préférez le sentiment, les passions et les instincts naturels de
l’homme… »
Rousseau : « Ce que je pense, c’est que l’homme est né bon et que le fait de vivre en société
le corrompt. »
Barnabé : hilare et déconfit à la fois « Alors là…moi… je suis très corrompu ! »
Cornelius : regardant son ami avec dédain « Là, y’a pas de doutes ! »
Rousseau : très habité « Comprenez-moi, une fois l’homme engagé dans le processus de
civilisation, il n’a plus la possibilité de revenir à l’état primitif, c’est à dire à l’état de « Bon
sauvage ». »
Barnabé : très fier « ça je connais ! je l’ai lu ! c’est la phrase qu’on apprend à l’école
prenant un ton très professoral « l’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt, …
Rousseau »
Cornelius : se moquant de Barnabé « Bien ! Bravo ! Bel effort ! Tu vas réussir à la
transmettre cette idée ? »
Barnabé : avec un air de dédain « Evidemment, je maîtrise et pas qu’un peu… ! »
Rousseau : s’approchant de Barnabé et le prenant par les épaules « Ce qu’il faudra dire,
Barnabé, c’est que je pense au fond, qu’il faudrait civiliser la civilisation. »
Barnabé : un peu inquiet « Civiliser la civilisation… ? »
Rousseau : « Oui, il faudrait la changer de manière à ce que nos instincts naturels et nos
sentiments trouvent une expression plus complète et plus libre ; encourager l’expression et le
développement de nos inclinations naturelles, voyez-vous ? »
Barnabé : « Vous savez, Monsieur Rousseau, moi, des inclinations naturelles, j’en ai… mais
ce serait plutôt pour Victorine… et là, j’peux vous dire que la raison… ben… elle intervient
pas… ! »
Cornelius : regardant son ami avec pitié « toujours la remarque adéquate, hein Barnabé …
mais, Monsieur Rousseau, vous n’avez peut- être pas les mêmes idées que Voltaire mais est-ce
une raison suffisante pour le détester à ce point ? »
Rousseau : « Une raison suffisante ? Savez-vous qu’en plus de nos pensées opposées, ma
Patrie, Genève, préfère être corrompue par ce brillant Voltaire plutôt que d’être guidée par un
homme de vertu, son fils méconnu, moi-même. »
Barnabé : « Ma parole vous êtes jaloux s’adressant à Cornelius à voix basse « Oui, oui… il
est jaloux je te dis ! »
Cornelius : »Barnabé, fais preuve d’humilité, tu n’es pas dans la tête de Rousseau et tu ne
connais pas Voltaire ! »
Barnabé : « Oui ben… je ne demanderais pas mieux que de le connaître mais à force de
laisser dans l’antichambre eh ben… on l’a perdu … et voilà… »
Rousseau : « Vous savez, jeunes gens, et ceci est l’illustration de ce dont nous parlions,
Voltaire a tenté l’entreprise de faire goûter le théâtre dans ma patrie… plus fort et avec
insistance Dans ma patrie !!! »
Cornelius : un peu moqueur « Mon Dieu ! Mais quelle horreur ! Du théâtre ! »
Barnabé : visiblement énervé « Ho Cornelius ! Ça c’est mon genre de répliques ! Reste à ta
place d’intellectuel ! Je reprends donc : Mon Dieu, mais quelle horreur, du théâtre singeant
Cornelius.
Rousseau : très énervé « mais vous ne comprenez pas ? L’installation d’une salle de spectacle
changerait les mœurs des Genevois, elle amènerait de l’oisiveté chez un peuple travailleur,
des dépenses de luxe chez un peuple frugal… »
Barnabé : en même temps que Rousseau « On est frugal et travailleur…vraiment… ? »
Rousseau : continuant « et finalement le désir de se distinguer dans une république
égalitaire…, aussi ai-je fais part à Voltaire de mon désaccord en écrivant une lettre contre
l’établissement de la Comédie à Genève. »
Barnabé : très fier « La Comédie !!! Je connais, je sais où c’est ! »
Cornelius : énervé « C’est clair… la géographie n’a aucun secret pour toi…. Il y a beaucoup
d’images, des plans, des photos…pas besoin de lire pour comprendre… »
Barnabé lui tire la langue et s’en va bouder dans un coin.
Victorine toque à la porte et entre avec une corbeille de fruits, du vin et 3 verres.
Victorine : « ça doit avoir le gosier bien sec ces Messieurs à force de causer comme ça et
puis… Voltaire y nous donne des maux de tête à mon maître, faut pas trop le lancer sur le
sujet… »
Cornelius : « Sachez, Victorine, que maux de tête ou pas, nous voulons savoir, au moins
comprendre et puis… avec votre délicieux nectar, Monsieur Rousseau va se détendre… »
Barnabé singe Cornelius Barnabé : « Avec votre délicieux nectar… nananananana… »
Victorine s’en va, Barnabé la poursuit de ses avances, ils flirtent alors que Cornelius et
Rousseau reprennent leur conversation.
Cornelius : Très énervé par l’attitude de Barnabé « Vous disiez Monsieur Rousseau ? »
Rousseau : « Vous rendez-vous compte, Cornelius ! Ouvrir un théâtre ! »
Cornelius : « A dire vrai… les dangers d’une telle entreprise m’échappent… »
Rousseau : « mais enfin ! Ils sont clairs ! Comme je vous l’ai dit, Le théâtre cherche à plaire
plutôt qu’à instruire, donne trop de place à l’amour…..agité et gesticulant et la tragédie nous
intéresse à des scélérats, des héros surhumains ou passionnée, la comédie rend le vice plaisant
et fait rire de la vertu…. Et…
Rousseau est interrompu par l’arrivée de Barnabé qui, croquant une pomme l’interrompt la
bouche pleine.
Barnabé : « Alors ! Mâchant sa pomme pendant qu’il parle on en est à quoi… ? Toujours
contre le théâtre… ? »
Cornelius : lassé par les interruptions de Barnabé « Qu’est-ce que tu racontes, tu n’as rien
écouté, tu préfères trousser les bonnes. »
Barnabé : « He oui… ! Je suis vivant, moi ! D’ailleurs, je le trouve un peu coincé ton
Rousseau, faudrait qu’il se détende. »
Cornelius : outré « Coincé ?! C’est un des plus grand penseurs du Siècle des Lumières
comment peux-tu dire ça ? »
Barnabé : « J’dis ça….j’dis rien… »
Cornelius : « oui et bien… Ne dis rien ! Ça vaudra mieux !»
Barnabé : « T’as tort de me parler comme ça… faisant la gracieuse moi, Monsieur, je sais
des choses… »
Rousseau et Cornelius se tournent vers Barnabé un peu dubitatifs
Cornelius : « Voyez-vous ça… »
Barnabé : « Eh oui… tu crois que je trousse les bonnes, mais j’ai parlé avec Victorine et elle
m’a dit des tas de choses… ! Minaudant, tournant autour de Rousseau et de Cornelius en
jouant avec leur cravate.
Cornelius : passablement irrité par l’attitude de Barnabé « Nous t’écoutons ! »
Barnabé : Monsieur Rousseau, Voltaire et vous-même vous êtes querellés toute votre vie et…
vous non plus n’avez pas été tendre avec lui…. » Prenant un air de détective.
Rousseau : « C’est vrai, mais il a été jusqu’à me persécuter lors de la sortie de mes livres
l’ »Emile » et le « Contrat social » !
Barnabé : « Balivernes ! C’est le parlement de Paris et le conseil de Genève qui ont organisé
cette persécution, Voltaire n’y est pour rien ! D’ailleurs… écoutez-le »
Voltaire apparaît comme un fantôme, lumière bleutée, instrumental pianissimo.
Voltaire : « Je ne suis point ami de Monsieur Rousseau, je dis hautement ce que je pense sur
le bien et sur le mal de ses ouvrages : mais, si j’avais fait le plus petit tort à sa personne, si
j’avais servi à opprimer un homme de lettre, je me croirais trop coupable »
Barnabé : « Vous entendez ! Ce n’est pas lui, il attaque vos livres, pas vous ! »
Rousseau : « Mmmm… entre ses dents Il n’a de cesse de me ridiculiser »
Barnabé : « Ecoutez, écoutez donc ... ! »
Voltaire : « Rousseau est un grand fou et un bien méchant fou d’avoir voulu faire accroire
que j’avais assez de crédit pour le persécuter et que j’avais abusé de ce prétendu crédit. »
Barnabé : pour lui-même… méchant fou… comme il y va… »
Cornelius : « Chut !
Voltaire : « Il s’est imaginé que je devais lui faire du mal, parce qu’il a voulu m’en faire, et,
peut-être parce qu’il lui était revenu que je trouvais son « Héloïse » pitoyable, son « Contrat
social » très insocial…interrompu par Barnabé
Barnabé : « «ça existe insocial ? »
Cornelius : exaspéré Mais CHUT ! »
Rousseau : hors de lui « Vous entendez ! Vous entendez !! Rien de ce que j’écris ne trouve
grâce à ses yeux, je vous l’ai dit »
Cornelius : essayant de calmer Rousseau « Il est vrai que vous n’avez pas vraiment le même
point de vue…, mais vos idées, aussi différentes soient-elles ont contribué au développement
de la société dans laquelle, Barnabé et moi, nous vivons »
Barnabé : souhaitant avoir le dernier mot « ça c’est vrai !poil au menton ! »
Chanson 3 Rousseau/Voltaire : deux groupes, l’un « pro-Rousseau », l’autre « pro-Voltaire », refrain en
commun.
Il est brillant causeur
Votre contradicteur
Sa plume est acérée
Et c’est un homme bien né
Voltaire contre Rousseau
Querelle de haut niveau
Dont nous sommes ici
Les témoins éblouis
Philosophe, écrivain
Et de plus musicien
Vous êtes novateur
Et un très grand penseur
Voltaire contre Rousseau
Querelle de haut niveau
Dont nous sommes ici
Les témoins éblouis
Symbole du raffinement
Aristocratiquement
Il se moque de vous
Et vous traite de fou
Voltaire contre Rousseau
Querelle de haut niveau
Dont nous sommes ici
Les témoins éblouis
Epris de liberté
Sans cesse vous luttez
Pour affirmer bien haut
Vos fiers idéaux
Voltaire contre Rousseau
Querelle de haut niveau
Dont nous sommes ici
Les témoins éblouis
Fin acte 1
ROUSSEAU
Acte 2 : LE PENSEUR
Les personnages :
- Cornelius
- Barnabé
- Victorine
- Rousseau
- Chœur
- Mme de Warens
Le rideau s’ouvre sur le chœur qui démarre immédiatement la chanson. Rousseau, marche un
livre à la main. Barnabé et Cornelius sont de l’autre côté du décor (qui est en diagonale, on
les distingue donc) en grande discussion avec Victorine.
Chanson 4 « politique » :
Parlons un peu de politique
Comprenons mieux la polémique
Que déclencha Monsieur Rousseau
En écrivant fort à propos
Ces articles du « Contrat social »
Gravés en lettres capitales
Et qui enfin proposent aux hommes
De vivre en étant autonome
Rendons hommage au philosophe
Qui, sans user de l’anastrophe
Brisa les chaînes monarchiques
Pour des idées démocratiques
Chacun pour tous et tous pour un
La liberté comme un parfum
Un effluve par lui dispersé
Et qui changea nos destinées
Rendons hommage au philosophe
Qui, sans user de l’anastrophe
Brisa les chaînes monarchiques
Pour des idées démocratiques
Lumière sur Barnabé et ses deux comparses.
Barnabé : « Victorine, servez moi encore un peu de ce…. Délicieux nectar… » Prenant un
petit accent pointu sur les derniers mots pour se moquer de Cornelius.
Victorine : rougissante « Tenez Monsieur Barnabé, buvez, buvez et vous connaîtrez mes
pensées » elle use de tous ces charmes.
Cornelius : « Vos pensées ! Ce ne sont pas les vôtres qui nous intéressent, mais bien celles
de Jean-Jacques ! »
Barnabé : feignant l’admiration « Ho, ho, t’es devenu son copain ? Tu l’appelles JeanJacques maintenant… » Il siffle d’admiration.
Victorine : « Vous savez, Barnabé, même Voltaire l’appelle ainsi ».
Cornelius : « En effet, mais cela lui permet de le ridiculiser, comme s’il était un enfant ou un
fou…»
Barnabé : la tête penchée, l’air pensif « Quand même, il n’exagère pas un peu ? Accuser
Voltaire de tous les maux, c’est lui qui s’est mis dans les ennuis avec son livre «Le Contrat
social ».
Rousseau se retourne d’un bon et fait le tour du décor et, hors de lui, s’adresse à Barnabé :
Rousseau : « Mis dans les ennuis il hurle de colère vous vous moquez Monsieur ? Je suis un
novateur et comme tous, je suis un incompris ! Le gouvernement Genevois s’est acharné
contre moi et m’a contraint à l’exil ».
Cornelius : « Certes, certes… mais… pourquoi donc ? Qu’avait donc votre texte de si
subversif ? »
Barnabé : « Oui… c’est quoi le problème… ? »
Victorine : défaite par la tournure que prend la conversation »Oh là là, si vous le lancez sur
le sujet, on n’est pas sorti de l’auberge… »
Cornelius : l’air réprobateur « Victorine ! À force de côtoyer Barnabé, vous en prenez les
manières… ! »
Victorine rougit et, mal à l’aise
Victorine : « C’est que, Monsieur Cornelius, le contrat social,…. Comment vous dire… c’est
un peu….sensible pour Monsieur Rousseau… » À voix basse sur « sensible ».
Barnabé : exaspéré « Sensible… ?! Mais, tout est sensible pour lui !!!? »
Cornelius : « Barnabé ! Te rends-tu comptes de ce que tu dis? Tu parles de Monsieur
Rousseau comme si son œuvre était une bluette, alors qu’il parle de la souveraineté du peuple
et de l’importance de la loi»
Barnabé : au bord du désespoir « Et voilà… ! C’est encore pour ma pomme ! »
Rousseau tourne autour de Barnabé avec un air de défi. Regard noir et fureur rentrée.
Rousseau : « Oui Monsieur, c’est un sujet sensible ! J’étais fier de me présenter comme
citoyen Genevois sur la première page de mon « Contrat social » et qu’ai-je récolté ? De rage
il fait valser tous les papiers de son bureau La haine de mes compatriotes ! Les Genevois ont
considéré mon texte comme dangereux pour l’ordre public ! »
Cornelius : s’approchant de Rousseau et à voix douce comme on parle à un enfant « Et…
l’était-il ? »
Rousseau : à voix plus basse mais toujours en colère « certes non ! Je m’intéresse comme
penseur aux idées politiques, mais je n’ai jamais eu la moindre intention d’engager une lutte
ou de gouverner. »
Barnabé : vexé, prenant un ton délibérément doucereux « Oui,… vous êtes quand même un
peu un donneur de leçons, on peut pas dire que vous soyez dans l’action… »
Rousseau : affrontant Barnabé du regard « Je suis un penseur insistant sur le mot Monsieur,
sachez que si j’étais prince ou législateur, je ne perdrais pas mon temps à dire ce qu’il faut
faire, je le ferais ou je me tairais ! »
Barnabé : ravi d’avoir fait sortir l’homme de ses gonds « Ben voilà ! Ça, au moins, c’est
clair ! »
Cornelius est, une fois de plus, outré par les manières de Barnabé, il se prend la tête dans les
mains, figurant le plus grand des désespoirs en regardant son ami.
Barnabé : percevant la réprobation de son ami « Ben quoi.. ? Qu’est-ce que j’ai encore
dit ? »
Cornelius : avec lassitude « Rien Barnabé, rien… »
Barnabé se retourne vers Victorine qui assistait à la scène, il s’adresse à elle.
Barnabé : « C’est pas vrai ! On dirait que de ma bouche ne sortent que des bêtises pourtant
on me dit vif d’esprit et… »
Victorine : l’interrompant et le regardant avec admiration « Vous l’êtes monsieur Barnabé et
de plus, vous êtes plutôt bien fait de votre personne… » Minaudant
Barnabé : se redressant plutôt fier « C’est bien vrai Victorine et… vous n’êtes pas mal non
plus… »
Barnabé saisit Victorine par la taille la faisant tournoyer, ils dansent ensemble se mêlent à
eux d’autres danseurs.
Durant cet intermède, Rousseau et Cornelius sont en grande conversation, Rousseau lui
montre ses livres, des papiers, s’agite ; on entend quelques exclamations.
Fin de l’intermède, Rousseau s’est rassis à sa table, la tête entre les mains, pensif il semble
loin de tout, Cornelius, se grattant la tête cherche à renouer le contact.
Cornelius : « Monsieur Rousseau…? »
Rousseau : « Mmm ? »
Cornelius : « Dites-moi, Monsieur Rousseau, quelles sont les idées du Contrat Social ? »
Rousseau : tournant la tête vers Cornelius mais sans conviction « Cela vous intéresse ? Vaisje chez vous, déclencher la même haine que chez mes concitoyens ? »
Cornelius : « Ne craignez rien, de là d’où je viens, vos idées ont fait leur chemin »
Rousseau : se levant et marchant de long en large « Et bien….. Je suis convaincu que
l’organisation des hommes en société est un mal nécessaire… »
Cornelius : « J’entends bien, poursuivez, je vous en prie. »
Rousseau : « Pour tout vous dire, Cher Cornelius, cela a pour origine que je conteste
fermement les valeurs et les structures de la société monarchique comme je vous l’ai déjà dit,
je défends l’idée d’un peuple souverain. »
Barnabé qui revient vers eux, entend la dernière phrase.
Barnabé : « AH oui, la monarchie ! Moi, j’aime bien les rois et tout leur tralala, les mariages
magnifiques, le décorum, ça fait rêver…. »
Cornelius : détruit… « Barnabé, nous ne parlons pas de la reine d’Angleterre, ni des frasques
des couronnes contemporaines… mais des fondements de notre société démocratique, de
justice et d’égalité !»
Rousseau : « Voilà Cornelius ! Voilà le bon mot, une nouvelle forme de société, c’est
exactement cela ! »
Cornelius : « Merci Monsieur, mais quelles sont les lignes directrices de votre pensée ? »
Rousseau : « Cher Cornelius… dans mon « Contrat social », j’explique que les relations entre
les hommes sont le fruit de conventions. »
Cornelius : « De conventions ?»
Rousseau : « Oui, cher ami, il se tourne vers Barnabé et Victorine « Victorine, venez ici et si
vous voulez bien, lisez ce passage afin d’éclairer nos amis » il tend le livre à Victorine très
contrariée.
Victorine : « Bien Monsieur. »
Elle fait mine de s’assoir, mais Barnabé lui fait signe de venir s’asseoir sur ses genoux,
Victorine retrouve le sourire et s’installe.
Victorine : lit un extrait du Contrat Social :
« L’ordre social est un droit sacré, qui sert de base à tous les autres. Cependant ce droit ne
vient point de la nature… il est donc fondé sur des conventions, il s’agit de savoir quelles sont
ces conventions. »
Barnabé : « trop fort ! Même moi j’ai compris, en fait … pour que ça marche, il faut des
lois ? »
Rousseau : En effet, Barnabé, il faut des lois, mais elles doivent être librement choisies par
les hommes »
Cornelius : « Monsieur Rousseau, si je comprends bien, les hommes ne peuvent pas vivre et
se conserver dans l’état de nature, en fait, ils ne peuvent pas survivre dans un état primitif
donc, le genre humain périrait s’il ne changeait sa manière d’être.»
Barnabé : « périrait…carrément… ! »
Cornelius : « Pour se conserver, les hommes doivent donc s’unir, créer une somme de forces
par le concours de plusieurs. »
Barnabé : « ah oui ! …s’unir… que les gens vivent ensemble, créer une société quoi…»
Rousseau : « Ce que vous dites, Cornelius, est exact et soulève une question importante : La
force et la liberté de chaque homme étant les premiers instruments de sa conservation,
comment garder sa liberté lorsque l’on s’unit aux autres. »
Barnabé : « Conservation… on parle de haricots… ? »
Cornelius : « Barnabé ! En l’occurrence il ne s’agit pas de nourriture mais de survie de l’être
humain. »
Rousseau : « C’est exactement cette idée là que j’exprime dans mon Contrat social ;
Victorine, pourriez-vous nous lire ce passage » dit-il en lui tendant le livre.
Victorine : prend le livre et commence à lire :
« iL s’agit de trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force
commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous
n’obéissent pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant, seul le contrat social
permet aux hommes de s’associer sans perdre leur liberté naturelle. »
Barnabé : « Je ne vois pas où est le problème … »
Cornelius : « Evidemment ! Tu vis en démocratie depuis ta naissance, pour toi c’est évident,
mais sache que cela ne serait certainement pas le cas sans un penseur comme Rousseau »
Barnabé : « Tout de suite les grands mots, on a compris que c’est un homme extraordinaire
il force le trait sur extraordinaire ton Rousseau, mais il s’est quand bien fait secouer avec ses
idées nouvelles. »
Chanson 5 exil :
Victime d’un doigt accusateur
Pour des propos trop novateurs
Vous fûtes condamné à l’exil
C’est là votre talon d’Achille
Vous vous sentîtes incompris
Quand vous subîtes le mépris
De ces citoyens de Genève
Qui s’attaquèrent à vous sans trêve
L’Emile ou le Contrat social
Les deux furent objet de scandale
Mais vos ouvrages téméraires
Servirent les révolutionnaires
Sans vos écrits, point de Salut
Nous aurions été maintenus
Dans le sommeil et l’ignorance
Merci de votre clairvoyance
Cornelius : « Monsieur Rousseau, sachez que vos idées nous accompagnent encore, vos
écrits sont plus que jamais d’actualité dans notre monde »
Barnabé : il regarde son ami et, faisant le geste de beurrer une tartine « Vas-y… vas y, passe
lui la pommade, encore et encore… »
Cornelius : percevant la dernière phrase de Barnabé « Quelque chose à ajouter Barnabé ? »
Barnabé : Innocemment « Non, non…. C’est parfait comme cela… »
Rousseau : ravi d’avoir l’occasion de « coincer » Barnabé « Pourtant, jeune homme, j’ai cru
comprendre que vous ne partagiez pas l’avis de votre ami… »
Barnabé : Mais ma parole, c’est l’inquisition !... pas du tout Monsieur Rousseau, mais voyezvous,… comment vous dire… ?»
Cornelius : « Simplement, Barnabé, simplement, tu fais une phrase, avec sujet, verbe et
complément… »
Barnabé : « Ca va ! Il marche de long en large visiblement contrarié « Monsieur Rousseau,
nous savons tous que vous êtes un grand penseur, que vos idées ont servi la révolution
Française et… »
Cornelius : l’interrompant « qu’elles sont le terreau des démocraties »
Barnabé : Très énervé « Oui, voilà, on sait tout ça, mais, moi, je suis intrigué par autre
chose… »
Rousseau : « Dites-moi mon jeune ami… ma musique je parie !
Barnabé : très ennuyé … »Non »
Rousseau : « Mon point de vue sur l’éducation… ? »
Barnabé est désespéré de ne pas arriver à mener Rousseau ou il le voudrait, il se tord les
mains.
Rousseau : « Mais alors… ? Haussant le ton Dites que diable ! »
Cornelius : il s’approche de Barnabé, tourne autour, le taquine « Ah, ah… je sais… polisson
comme tu l’es, il s’agit certainement des femmes… ! »
Barnabé : libéré, un grand sourire aux lèvres « Oui ! » avec un soupir de soulagement.
Rousseau : éclate de rire et prend Barnabé par les épaules « les femmes…les femmes... rien
d’autre de ma vie ne vous intéresse ? »
Barnabé : « Si si, mais après la politique… les femmes… quoi de plus logique… ? »
Cornelius : s’adressant à Rousseau « ça, Monsieur, c’est une logique toute
Barnabéenne… ! »
Rousseau : »Barnabé ! Sache que la quête de plaisir te perdra ! »
Barnabé : fataliste « Oh, vous savez, je suis déjà perdu… alors Monsieur Rousseau, on en
parle…des femmes ?
Rousseau : amusé par la tournure que prend la conversation « Quoi te dire Barnabé… »
Cornelius : hésitant parce qu’un peu craintif de déclencher la colère de Rousseau « Et
bien… j’ai ouï dire que l’on vous reproche, dans votre Emile, d’être un peu….
antiféministe… est-ce vrai ? »
Rousseau : Interloqué « Antiféministe ? Qu’est-ce à dire ? Je m’en réfère à la nature et vous
savez qu’elle est centrale dans mes réflexions… »
Barnabé : Très concentré « Je comprends rien, que vient faire la nature dans notre affaire ? »
Cornelius : « Si tu t’étais documenté comme je te l’ai suggéré avant notre entreprise, tu
saurais que la théorie de Monsieur Rousseau sur les femmes repose sur son observation de la
nature ! »
Rousseau : « En effet, et je ne vois rien d’antiféministe là-dedans ! »
Barnabé : « Ben…comme j’ai pas lu… »
Rousseau : « Cher Barnabé, je déclare dans mon livre 5, « Sophie où la femme », que tous
les principes sociaux du caractère humain sont trouvables dans la nature et dérivables de
celle-ci. »
Barnabé : attentif « jusque-là… ça va. »
Rousseau : « De ce point de vue, beaucoup d’éléments, dans la constitution de l’esprit
humain, se voient influencés par l’appartenance sexuelle »
Cornelius : « Et… »
Victorine arrive à ce moment, toute essoufflée, elle entend la dernière phrase de Rousseau.
Rousseau : « La différence naturelle entre les deux sexes implique une différenciation dans
l’éducation des hommes et des femmes, notamment du point de vue moral, voilà tout. »
Victorine : prenant la parole très énervée « Pardon Monsieur, mais vous allez bien plus loin
dans vos écrits, souvenez-vous de nos querelles à ce sujet, vous défendez que ma poitrine
généreuse me cantonne à l’allaitement, ce serait là mon seule rôle ? Permettez-moi de vous
dire, Monsieur, que si vous observiez la nature avec une véritable attention … vous verriez
que mâles et femelles participent ensemble à ce chef d’œuvre qu’est la nature! »
Barnabé : sidéré d’entendre Victorine « Ouah ! Ben ça alors ! »
Rousseau : Jetant sur Victorine un regard méprisant « Là n’est pas la question ! J’imagine
Victorine que votre venue n’est pas motivée par votre esprit contradicteur… ? »
Victorine : insistant « Non, Monsieur, mais vous comprenez bien que les différences
physiques dont la nature nous a dotés n’ont aucun lien avec notre capacité de raisonner ! Nous
savons et nous voulons construire des droits égaux pour les femmes et pour les hommes !
L’éducation nous permettra d’y arriver, je me battrai Monsieur. »
Rousseau manifeste son énervement d’un geste.
Victorine : sur un ton un peu froid « Cela dit Monsieur, je venais vous avertir que Madame de
Warens est ici » elle quitte la scène avec énervement.
Barnabé : envoyant un baiser à Victorine, en aparté, se frottant les mains « Magnifique « On
va enfin passer de la théorie à la pratique… ! »
Cornelius : avec un air réprobateur « Ce n’est pas possible ! Tu n’as pas envie
d’apprendre ? »
Barnabé : Hilare « SI, si, mais moi Monsieur le lèche botte, je suis dans l’action ! »
Cornelius : « essaie un peu la réflexion… pour voir… »
Barnabé danse en riant et tire la langue à Cornelius.
Rousseau : « s’adressant à Victorine «Victorine, Dites à Madame de Warens que je suis à
elle dans quelques minutes et servez lui une collation dans le salon »
Barnabé : curieux et provocateur, « Dites donc, Monsieur Rousseau, elle a pas l’air très
d’accord avec vos propos la douce Victorine… »
Rousseau : avec un geste de la main signifiant son peu d’intérêt pour l’avis de Victorine «
Victorine n’accepte pas que son état de femme fasse d’elle un être faible par essence comme
je l’ai dit tout à l’heure, c’est faire bien peu de cas de la nature ! »
Barnabé : « Faible…faible, c’est vite dit… ses atours la rendent parfois drôlement forte… »
Rousseau : « J’en conviens, Je pense seulement que la femme est faite pour plaire à
l’homme ; si l’homme doit lui plaire à son tour, c’est d’une nécessité moins directe, son
mérite est dans sa puissance, il plait par cela seul qu’il est fort. Ce n’est pas ici la loi de
l’amour, j’en conviens ; mais celle de la nature, antérieure à l’amour lui-même »
Barnabé : « Oh là là, courant vers Rousseau pour lui bâillonner la bouche avec sa main
« Mais vous êtes fou ! On va nous entendre ! Que dites-vous ! »
Cornelius : « Il est vrai que notre regard est quelque peu différent du vôtre mais … autre
temps autre mœurs… »
Barnabé : en aparté « Ben moi, je trouve que Victorine, elle a bien raison ! »
Victorine arrive à ce moment là
Victorine : « Monsieur Rousseau, Mme de Warens s’impatiente…. »
Barnabé : « Ah non ! Vous n’allez pas la laisser filer comme Monsieur Voltaire ! Nous
voulons la connaître ! »
Rousseau : s’adressant à Victorine « Faites entrer Mme de Warens Victorine, que je la
présente à ces Messieurs. »
Victorine s’en va chercher Mme de Warens, on entend alors une douce musique, gracieuse,
figurant une femme de qualité.
Rousseau, Barnabé et Cornelius continuent à discuter, Barnabé est très joyeux et impatient de
rencontrer Mme de Warens.
Victorine revient, accompagnée de Mme de Warens, la musique s’éteint doucement, fade out.
Mme de Warens : se précipitant vers Rousseau « Mon enfant ! Quel plaisir de vous revoir ! »
Barnabé : très surpris « mon enfant ! Comme elle y va ! Il a plus 10 ans… !
Cornelius : « Barnabé ! C’est une habitude entre eux, rien de répréhensible ! »
Rousseau : très ému « Madame ! Le plaisir est partagé croyez-moi ! Puis, se tournant vers
Barnabé et Cornelius permettez-moi de vous présenter mes deux nouveaux amis, Cornelius
et Barnabé. »
Les deux comparses font une révérence alambiquée, ce qui fait sourire Mme de Warens qui
les relève.
Mme de Warens : « Ravie Messieurs » tendant sa main.
Cornelius et Barnabé s’empressent de lui faire un baisemain.
Barnabé : « Permettez-moi, Madame, de vous dire que nous sommes ravis de faire la
connaissance de celle qui fit l’éducation sentimentale de Monsieur Rousseau ! »
Cornelius : « Ah ! Ça tu l’as lu hein ?! »
Barnabé : coquin. »He oui… »
Mme de Warens : s’adressant à Barnabé « Pas uniquement sentimentale, Monsieur, quand
j’ai rencontré Jean-Jacques il n’avait 16 ans et, je me suis occupée de son éducation tant
spirituelle qu’artistique, sachez-le ! »
Rousseau : « Ho, Madame, ce fut un enchantement et les quelques années que j’ai passé aux
Charmettes auprès de vous, restent gravées dans ma mémoire »
Barnabé : » Eh, hé… il semble bien amoureux, le père Rousseau… »
Une fois de plus, Cornelius fusille Barnabé du regard.
Cornelius : « pardon, Madame,…. Gêné mais, pourquoi Monsieur Rousseau vous appelait-il
Maman ? »
Mme de Warens : « Eh bien, je vous l’ai dit, Jean-Jacques n’avait que 16 ans, il était seul,
dépourvu de tout liens familiaux ou affectifs véritables, j’ai été…. Une sorte de famille de
substitution… »
Rousseau : « Ho, Madame, vous fûtes bien plus que cela ! Il m’en souvient de notre rencontre
et du ravissement que je ressentis. »
Mme de Warens : Emue et tendant vers lui les deux mains « Cher Jean-Jacques ! »
Barnabé : impatient d’en savoir plus « racontez ! Monsieur, racontez-nous votre rencontre »
Rousseau : « Je ne trouvais point Madame de Warens : on me dit qu’elle venait de sortir pour
aller à l’église… »
Barnabé : très intéressé « Et ? »
Rousseau : « Je cours pour la suivre, je la vois, je l’attends… »
Cornelius : « Oui… ? »
Rousseau : « Que devins-je à cette vue ! Je m’étais figuré une vieille dévote bien rechignée…
je vois un visage pétri de grâce, de beaux yeux bleus plein de douceur, un teint éblouissant, le
contour d’une gorge enchanteresse… »
Mme de Warens : sur un air de faux reproches « Jean-Jacques ! »
Barnabé : très impatient de savoir la suite « Et que s’est-il passé, Bon sang ! »
Mme de Warens : Je me suis adressée à lui « hé mon enfant » ai-je dit « Vous voilà courant le
pays bien jeune ; c’est dommage en vérité allez chez moi m’attendre, dites qu’on vous donne
à déjeuner : après la messe, j’irai causer avec vous. »
Rousseau : « Vous m’avez accueilli avec tant de grâce, Madame, je vous reste attaché pour la
vie. »
Barnabé : ravi « Ben voilà ! Ça c’est du sentiment !
Chœur et solistes uniquement féminin et prenant a parti Rousseau.
Chanson 6 : les femmes
Vous avez des avis tranchés
Par la nature sans doute, dictés
Aux hommes, le génie, la puissance
Aux femmes la faiblesse, l’insouciance
L’observation de la nature
N’a pas valeur de dictature
Et nous réclamons la parole
Une vraie place et un vrai rôle
Nous condamnons de tels écrits
Qui discréditent nos esprits
Nos droits aux vôtres sont égaux
Nous nous battrons, Monsieur Rousseau
Pourtant vous fûtes amoureux
Sensible aux décolletés gracieux
Auprès d’un fort charmant visage
Débuta votre apprentissage
L’observation de la nature
N’a pas valeur de dictature
Et nous réclamons la parole
Une vraie place et un vrai rôle
Jouons ensemble ce duo
Sur un changement de scénario
Écrivons une nouvelle histoire
Sur laquelle construire un espoir
Fin acte 2
ROUSSEAU
ACTE 3 : LE MUSICIEN
Les personnages :
- Cornelius
- Barnabé
- Rousseau
- Victorine
- Rameau
Le rideau s’ouvre, Rousseau est dans son fauteuil un verre à la main. Barnabé et Cornelius
sont assis à ses pieds.
Barnabé : « Vous avez l’air pensif, Monsieur Rousseau »
Rousseau : « Cher Barnabé, j’ai dans la tête un air qui court et qui seul me fait oublier le
départ de Mme de Warens… »
Barnabé : tentant de le consoler « Elle a promis qu’elle reviendrait. »
Cornelius : « Monsieur, quel est cet air qui semble vous ravir ? »
Air « Caro perdonna me placa lo sdegno »
Rousseau : comme pour lui seul « quelle grâce, quel naturel, je me souviens de cette
représentation avec grand plaisir »
Barnabé : impatient et un peu vexé « c’est pas vrai ! Il veut pas répondre ! »
Rousseau ferme les yeux et balance la tête au rythme de la musique
Barnabé : se levant, s’approchant de Rousseau et lui criant dans les oreilles « Ho ! On vous
a demandé quelle est la musique qui vous met dans cet état ! »
Rousseau : sursautant « Pardon jeune homme, que me demandiez-vous ? »
Barnabé : se tournant vers Cornelius « Oui… cette fois on l’a perdu… il est au bout… ! »
Cornelius : avec colère « Barnabé !!! » puis, s’adressant à Rousseau avec douceur comme à
un malade « Nous nous demandions à quel air vous pensiez, Monsieur. »
Rousseau : « Monsieur, je pense à la » serva padrone » de Pergolesi, quelle merveilleuse
langue que l’italien, quelle merveilleuse musique, pas d’ajouts inutiles dans la partition, la
nature à l’état pur, la simplicité, le bonheur de la mélodie ! »
Cornelius : provocateur « Oui… ce n’est pas comme la musique de Monsieur Rameau… »
Rousseau : se levant d’un bond « Que me parlez-vous de Rameau ? Ce théoricien qui fait
partie du coin du Roi et dont la musique, trop savante, donne à souffrir à nos oreilles ! »
Barnabé : doucereux « mais, moi, sans vous offenser, j’ai lu que Rameau est considéré
comme un des plus grands musiciens français…. »
Cornelius : encore plus ennuyé que Barnabé et à voix très basse « Oui, Monsieur… et aussi
comme… le premier théoricien de l’harmonie classique… »
Rousseau : très énervé « Balivernes ! L’harmonie… parlons-en ! Et puis, êtes-vous là pour
défendre Rameau ? »
Cornelius : timidement « Non Monsieur, nous essayons d’être juste…. »
Barnabé : en aparté « Hou là la… j’ai l’impression qu’on touche un point sensible… »
Victorine arrive à ce moment
Victorine : gaiement « Messieurs, le dîner va être servi et il promet d’être bon… »
Rousseau : resté sur la remarque de Cornelius et très en colère « Rameau est un musicien qui
défend la musique française, il écrit des traités sur le rapport entre les intervalles, il fait de la
musique une science physico-mathématique ! Qu’en est-il de la nature même de la musique,
la mélodie !? »
Victorine : qui attendait une réponse et qui assiste désespérée au débat « Oh non ! Ça va pas
recommencer ! S’adressant alors aux deux amis « Après Voltaire, Rameau, c’est pas Dieu
possible ! Vous allez nous refaire la querelle des bouffons, ma parole ! » Elle part très
énervée et en chemin « «En tous cas, je vous préviens ! Bouffons ou pas, mangeons ! »
Barnabé : admiratif « Quelle femme ! … réfléchissant Au fait, Monsieur c’est quoi cette
histoire de Bouffon ? »
Rousseau : « »Oh, mais cela est simple… quand la troupe italienne de Manelli et Tonelli s’est
installée à l’Académie Royale à Paris, ce fut un scandale ! »
Barnabé : « Et…pourquoi donc ? »
Cornelius : « Eh bien, l’intrusion dans le temple de la musique française de ces « Bouffons
italiens » a divisé les Parisiens en deux clans. »
Barnabé : hilare « Oui… ben ça, ça leur va bien, deux clans… j’y crois pas, comme les
petits … Bouffons hé… ! »
Cornelius : « Rien à voir ! Les Bouffons sont des chanteurs, ce ne sont pas des clans! »
Barnabé : Ben… c’est un tort ! »
Rousseau : « Toujours est-il que tout Paris se divisa en deux parties plus échauffées que s’il
ne se fût agi d’une affaire d’état ou de Religion ; l’une, puissante, plus nombreuse, composée
de grands, de riches et de femmes, soutenant la musique française. Ce parti trouvait son foyer
principal sous la loge du Roi.»
Barnabé : impatient « Et l’autre… ? »
Rousseau : pressé par le ton de Barnabé « J’y viens ! L’autre partie pour la musique
italienne, était plus vive, plus fière, plus enthousiaste, et composée de vrais connaisseurs, des
gens de talent, des hommes de génie qui se rassemblaient à l’opéra sous la loge de la Reine »
Barnabé : « Et vous en faisiez partie j’imagine… »
Rousseau : espiègle « Oui… »
Barnabé : dubitatif « et tout ça pour trois notes de musiques… eh ben… ! »
Chanson 7 : les bouffons
Cette controverse parisienne
Dont l’histoire s’est faite la gardienne
De trublions a pris le nom
C’est « la querelle des bouffons »
Musique française pour Sieur Rameau
Pour l’italienne, Monsieur Rousseau
Chacun son coin, son souverain
Sourdes rancunes en contrepoint
C’est votre goût pour la nature
Qui vous fait dire « Quel imposture ! »
Qui privilégie l’harmonie
Est sans nul doute votre ennemi
Que de pamphlets ont animés
Un débat par vous suscité
Une lettre très virulente
Clôra cette guerre piquante
Barnabé : « je continue de penser ce que je pense, Se bagarrer pour ça ! c’est pas haut
comme niveau. ! »
Cornelius : « Je crois, Barnabé, que les choses sont plus compliquées que cela… »
Rousseau : « En effet, cela frisa l’affaire d’état, nous touchions là à des notions esthétiques,
politiques et philosophiques… »
Barnabé : « Eh ben… »
Rousseau : « Oui, il y avait d’une part la rationalité et l’harmonie de Rameau et d’autre part
les passions et la mélodie de l’opéra italien. »
Cornelius : « Permettez-moi, Monsieur, de vous rappeler que vous avez envenimé le débat
avec la publication de votre essai : « Lettre sur la musique française »… »
Barnabé : sidéré de ce qu’il entend « Encore ? Mais vous cherchez des bâtons pour vous faire
battre ma parole ! »
Rousseau : ignorant le commentaire de Barnabé « Plus que tout, chers amis, je suis un
musicien »
On entend une voix des coulisses « Piètre musicien, musicien raté… »
Rousseau : ivre de colère « QUOI ! Qui se permet… qui est là ? »
Victorine accourt affolée devant elle, Rameau fait son entrée, elle tente de le retenir, mais
sans succès
Victorine : « Monsieur Rameau, Monsieur Rameau, je vous en prie ! »
Rameau : « Laissez-moi, demoiselle, donner à ce Rousseau, musicien de pacotille, une bonne
leçon »
Les deux hommes se défient du regard…
Victorine : défaite et s’adressant à Rousseau « J’ai essayé de le retenir mais il agitait votre
lettre, hors de lui, je n’ai rien pu faire… »
Barnabé : assez amusé par la scène « Bon sang de bonsoir… là, on n’est pas loin de la
guerre… ! »
Cornelius : « Barnabé ! On est venu pour se cultiver et ce sont des hommes de qualité, le
combat à main nue, ce n’est certainement pas leur style. »
Barnabé : d’un air coquin « Flûte ! Ça aurait mis de l’animation… »
Cornelius : professoral « Si tu avais lu Rousseau, tu saurais que la loi du plus fort n’est pas
une loi mais simplement un rapport de force qui ne mène à rien parce qu’il y a toujours un
plus fort que soi ! »
Barnabé : « Ho la la, on sait que tu sais tout, mais je pense quand même que ça aurait mis de
l’animation ! »
Rameau : « Vous voulez de l’animation ? Ecoutez ce que Rousseau écrit sur la langue et la
musique française, lisant la lettre de Rousseau: Il n’y a ni mesure, ni mélodie dans la
musique française, parce que la langue n’en est pas susceptible ; que le chant français n’est
qu’un aboiement continuel, insupportable à toute oreille non prévenue » Rameau regarde tout
le monde d’un air de défi.
Barnabé : se tournant vers Rousseau « Vous avez dit ça ? » incrédule.
Rousseau : avec assurance « Je l’ai écrit et je le maintiens, seule la langue italienne est une
langue musicale, je ne m’attaque pas à vos œuvres, Monsieur Rameau ! »
Rameau : visiblement contenu « Ah non ? Et quand vous dites de la musique française que
l’harmonie en est brute, sans expression et sentant uniquement le remplissage d’écolier ; que
les airs français ne sont point des airs, que le récitatif français n’est point du récitatif et que
vous concluez que les Français n’ont point de musique et n’en peuvent avoir, ou que, si jamais
ils en ont une, ce sera tant pis pour eux » De qui parlez-vous ! De quelles œuvres ? »
Rousseau : piqué « Je défends le naturel, la simplicité et la mélodie de la musique italienne
devant les harmonies trop savantes de la musique française, c’est tout Monsieur ! »
Rameau : hurlant sa colère « Fatras d’idioties ! Vous n’êtes qu’un piètre musicien, Monsieur
Rousseau, vos articles sur la musique dans l’Encyclopédie sont à pleurer !» Restez penseur et
écrivain, c’est là votre vrai talent ! » Il jette les feuillets de la lettre.
Rousseau : « Sachez, Monsieur, que j’ai été copiste pendant de nombreuses années, j’ai une
grande connaissance de la musique ! »
Rameau : « Copiste… quel magnifique occupation… ce n’est pas en recopiant des partitions
que l’on devient musicien, monsieur ! Obnubilé par la musique italienne vous condamnez la
musique française sans même vous pencher sur elle ! »
Rousseau : « Je suis aussi musicien, compositeur, théoricien de la musique ; j’ai inventé un
nouveau système de notation, je sais de quoi je parle Monsieur !!! »
Rameau quitte la scène très énervé ; un geste de la main signifiant son mépris pour les
propos de Rousseau.
Barnabé : un peu mal à l’aise et s’adressant à Rousseau « Vous ne pensez vraiment que du
mal de la musique française ? »
Rousseau : « Non, Barnabé, je me suis ravisé en entendant « L’iphigénie en Aulide » de
Gluck. J’en ai vivement apprécié les contours. »
Cornelius : étonné « vraiment …»
Rousseau : « Oui, j’ai même écris à Gluck, qu’en sortant de la répétition de son opéra. J’étais
enchanté et qu’il avait réussi ce que j’avais cru impossible jusqu’à ce jours. »
Barnabé : « En fait, ce qui vous énerve, c’est que Rameau défende l’harmonie ? C’est pas la
musique française… ? »
Rousseau : « L’harmonie se construit sur l’acquis culturel, l’artificiel et la raison, Barnabé, et
la musique française s’en réclame.»
Cornelius : « Vous venez pourtant de dire que vous aviez apprécié l’opéra de Gluck… »
Rousseau : «En effet, je pense que l’harmonie est un apport pour la musique, mais elle ne
doit pas en être le cœur, l’idéal serait que les Français comment dire… italianisent quelque
peu leur musique. »
Extrait de l’air de Pergolesi
Victorine revient, un peu empruntée, elle souhaite vivement que son repas soit servi
maintenant …
Victorine : « Bon… ben… c’est pas tout ça, mais mon gigot est prêt, il n’attend plus que
vous… »
Cornelius : très emprunté, un peu artificiel « que voilà une bonne nouvelle, Victorine, nous
nous réjouissons d’y goûter ! »
Victorine lui fait une révérence et quitte la scène.
Pendant ce temps, Rousseau s’est rassis, il est pensif la tête dans son menton.
Barnabé : regardant Rousseau et le montrant d’un geste de la main « Pourquoi il est comme
ça ? »
Cornelius : montant le ton énervé « Quoi, comme ça ? »
Barnabé : réfléchissant « Ben, je sais, pas on dirait qu’il est un peu triste… »
Cornelius : « Il n’est pas triste, il est habité.»
Victorine revient à ce moment, les bras chargé d’une nappe et d’assiettes
Victorine : « Allez, ces messieurs, venez m’aider à préparer la table plutôt que d’échafauder
je ne sais quel plan désastreux »
Elle pose ce qu’elle porte sur la table, les deux amis se dirigent vers elle.
Rousseau : « Mais que faites-vous, Victorine ! »
Victorine : protectrice « Oui, ben,… penser c’est bien mais, il faut bien le nourrir votre
cerveau ! Allez Monsieur Rousseau, laissez-nous faire ! »
Victorine et Barnabé débarrassent la table des papiers et installent le repas.
Barnabé : Posant une pile d’assiette sur la table « Moi, j’ai quand même pas bien compris
pourquoi il aime pas l’harmonie…»
Victorine : tout en traversant la scène pour aller prendre un livre dans la bibliothèque
« attendez, Monsieur Barnabé ,à voix plus basse depuis le temps que j’entends Monsieur
Rousseau s’énerver à ce sujet je crois que je peux répondre à votre question, revenant vers
Barnabé un livre à la main, Ecoutez ce que Monsieur Rousseau a écrit dans son « Essai sur
l’origine des langues »: « A l’ origine, Dire et chanter étaient la même chose et seule la
mélodie existait. Mais c’est parce que la musique s’est séparée de la langue et que l’harmonie
a succédé à la mélodie que la voix parlante s’est dissociée de la voix chantante et que les deux
langages ont perdu leur caractère et leur énergie.»
Barnabé : « j’avoue, c’est un peu barbare…. La voix parlante ? »
Rousseau : en s’adressant à Barnabé « Soit, essayons d’être plus clair, comme je l’ai dit tout
à l’heure : l’harmonie relève de l’artificiel, de la culture et de la raison. Alors que l’homme est
sentiment, il sent le monde. »
Barnabé : « Si vous le dites… »
Rousseau : « Oui, et l’origine de la langue se trouve dans le cri, expression de nos passions,
de nos sentiments. Je pense que le fait que nous parlions vient des passions que nous
ressentons. La mélodie de la langue et donc les mélodies que nous chantons, trouvent leur
origine dans notre nature passionnée.»
Cornelius : « Je comprends mieux, vous soutenez, en fait que la mélodie vient de la nature
profonde de l’Homme.»
Rousseau : « C’est cela et c’est une nature tournée vers l’intérieur, celle qui se rapporte à
l’homme et aux profondeurs intimes de son être, voyez-vous »
Chanson 8 : mélodie
Elle marque les traits et les figures
D’une suite de sons elle transfigure
Elle donne du sens, de l’éloquence
Évoque d’un trait ce que l’on pense
Mélodie, mélodie, mélodie
Lignes douces et contours précis
D’elle vous êtes à la merci
Fidèle aux mouvements de l’âme
Tout, en vous, crie et la réclame
Mélodie, mélodie, mélodie
Vous chantez sa simplicité
Vantez ses grandes qualités
Faites d’elle l’expression sublime
De tous nos mouvements intimes
Mélodie, mélodie, mélodie
Pendant ce temps, Barnabé a terminé de dresser la table elle y a ajouté du vin, des verres et
le gigot qui trône au milieu de la table.
Victorine : « Après toutes ces discussions, n’avez-vous pas un sentiment de faim ? Asseyezvous Messieurs et cessez de parler un moment, vous verrez qu’il fait aussi bon manger, c’est
la mélodie des papilles ! »
Barnabé : s’assied et en profite pour caresser la main de Victorine « Ma douce Victorine,
vive d’esprit, et cordon bleu ! Quel délice ! »
Victorine sourit, ravie de la remarque de Barnabé, Rousseau et Cornelius s’assoient. Elle sert
les trois amis de vin et de viande.
Victorine : « Alors ces messieurs, qu’est-ce qu’on dit de mon gigot ? »
Barnabé : avec gourmandise « Mmm, il est délicieux… regardant Rousseau du coin de l’œil
Comme un air d’opéra italien…»
Victorine : complice et riant de l’allusion de Barnabé faite à Rousseau «Merci Monsieur
Barnabé…laissons alors chanter le dessert, maintenant… »
Elle fait mine de se retirer quand Cornelius prend la parole…
Cornelius : « Victorine, vous nous avez accompagné, écouté, instruits tout autant que
Monsieur Rousseau, venez- vous joindre à nous. Cela vous agrée-t-il, Monsieur Rousseau ? »
Rousseau : « Avec grand plaisir, à vrai dire, Victorine est comme un contrechant dans mon
existence ; ses remarques et sa présence d’esprit valorisent ma réflexion, sans elle, la mélodie
de ma pensée ne serait pas aussi riche. »
Victorine s’incline, rougissante devant les propos de Rousseau.
Barnabé : « Moi, j’ai quelque chose à dire … »
Cornelius : se moquant de Barnabé « vraiment ? »
Barnabé : « Oui, Monsieur ! »
Cornelius : « Alors… dis ! »
Barnabé : se levant son verre à la main, tendant le bras comme pour porter un toast,
solennellement « Maintenant, je sais que j’ai quelque chose à dire. »
Cornelius : « Sérieusement, tu as retenu quelques chose ? »
Barnabé : « Eh oui, très cher, puis se tournant vers Rousseau En fait, tout tourne autour des
émotions, c’est un peu votre truc … non ? »
Rousseau : interloqué « Il ne s’agit pas d’un « truc » comme vous dites, même si j’ignore la
signification du mot, j’en perçois la nature négative, jeune homme ».
Cornelius : amusé « Rassurez-vous, Monsieur, il ne s’agit là que de l’illustration de la
pauvreté du langage de Barnabé »
Barnabé : vexé « Pauvreté … toi-même… ! »
Cornelius : attendri par son ami « Ce que veut dire Barnabé, je crois, c’est que votre
philosophie bâtie sur les sentiments est présente dans tous les domaines que vous touchez. »
Rousseau : concentré « En effet, la nature de l’Homme est centrale dans mes réflexions, qu’il
s’agisse de politique, d’éducation ou de musique. Vous savez, je puise ma pensée dans le
cœur de l’Homme et dans sa sagesse intérieure.»
Barnabé : « Faut pas pousser ! Les passions c’est bien, mais la raison, faut pas l’oublier ! »
Cornelius : amusé « Et c’est toi qui dit ça…. »
Barnabé : excédé par les allusions de Cornelius « Flûte à la fin ! Qui de nous deux va le
mieux transmettre l’information aux générations futures ? Toi avec ton langage ampoulé ? Ou
moi qui suis d’une clarté limpide dans mes propos ? »
Cornelius : « Enfin Barnabé ! Mes phrases sont bien plus construites que les tiennes et tu
connais la richesse de ma culture ! »
Rousseau : « Permettez-moi messieurs de douter de vos capacités à tous deux… »
Cornelius et Barnabé : en chœur « Et pourquoi donc ? »
Rousseau : « Dois-je vous rappeler ce que je défends ? »
Cornelius et Barnabé : « Ben…. »
Victorine : prenant un ton moralisateur « la loi du plus fort n’est pas une loi… »
Barnabé : « parce que la bagarre n’est pas la réflexion… » Tirant la langue à Cornelius Tu
vois ! Moi je maîtrise ! »
Victorine : passionnée provocatrice et amusée à la fois « Permettez, Messieurs que je mette
mon grain de sel ! Il vous faudra aussi transmettre l’idée qu’en aucun cas l’observation de la
nature ne doit servir d’excuse regardant Rousseau à des arguments fallacieux justifiant la
place et le droit des femmes dans la société ! »
Barnabé : « Bien dit ! »
Rousseau : « Madame… »
Barnabé : à Victorine admiratif « Tu vois, il t’appelle « Madame » ! Respect ! »
Rousseau : reprenant « Et Messieurs, souffrez d’entendre que la philosophie est une façon de
penser le monde, ce sont des idées, des réflexions qui devraient servir à affiner notre
compréhension et notre construction du monde ; celle que je propose est mienne, si je peux la
faire partager, sans l’imposer, susciter des débats, dans le respect mutuel, alors je serai
heureux, sinon…. »
Cornelius : « Sinon quoi… ? On aurait fait tout ce voyage pour rien ? La pensée ne servirait à
rien ?»
Barnabé : très fier et prenant un ton solennel « Mais si, mon cher, elle sert à débattre, à faire
réfléchir, à questionner nos idées. Il s’agit d’éclairer, très impliqué … tu vois… nous, comme
transmetteur… on a du boulot… ! »
Cornelius : « Ma parole ! Tu es devenu philosophe ! »
Rousseau et Victorine : « C’est dans sa nature ….
Chanson 9 : conclusion
Il faut juste repousser les murs
Donner du sens au mot futur
Ouvrir les yeux, le cœur, l’esprit
D’autres idées tirer profit
Se détacher des préjugés
Le questionnement apprivoisé
Apprendre à négocier le doute
Sans crainte de faire fausse route
De Rousseau prendre le meilleur
Pour ensuite aller vers ailleurs
Toujours attentif et curieux
De la pensée être amoureux
Si vous avez appris ce soir
A la mélancolie surseoir
A être parfois emporté
Par les bons mots de Barnabé
Si Cornelius et sa culture
Vous ont fait changer de posture
Alors nos rôles de transmetteur
Auront été vraiment porteur
Et n’oublions pas Victorine
Une femme à l’âme si fine
Dont la parole a enrichi
Un débat par elle infléchi
Nous remercions Monsieur Rousseau
Pour la richesse de ses propos
Et c’est avec ce dernier mot
Que nous fermerons le rideau
FIN
FIN !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!