En mémoire de Raymond Burger
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En mémoire de Raymond Burger
En mémoire de Raymond Burger 1 BURGER LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS 2 3 BURGER LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS Rédaction Anne Argyriou Ava n t- p r o p o s Installée dans la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines depuis le début du XVIIIe siècle, la famille Burger fait partie de celles, rares, qui sont parvenues à pérenniser leur entreprise sur plus de cinq générations, jalonnant ainsi l’aventure industrielle de la ville. Lié à une spécialisation historique dans la fabrication de pièces en bois pour l’industrie textile depuis 1847, son héritage est resté bien vivant. Mais ce qui fait davantage la réputation des établissements Burger, c’est leur capacité à se renouveler sur leur territoire d’origine, sans jamais perdre de vue leur héritage séculaire. Une aventure qui n’est pas terminée, et, si ce livre est un livre de mémoire, il est aussi une porte ouverte sur l’avenir ! 7 1 -1 9 8 6 e i r t s s r u 7 e d i 4 n e n i 8 1 ion ne ell P ’u v d ou n 9 1 « De la Mine d’argent de Leberthal », gravure de Sébastien Münster, extraite de la Cosmographie universelle, livre III, 1544. 2 « Le travail à la mine », gravure de Sébastien Münster, extraite de la Cosmographie universelle, livre III, 1544. Le textile… moteur d’industrie 1 Dès le début du XVIe siècle, l’exploitation des gisements argentifères fait du petit bourg de Sainte-Marie-aux-Mines une cité florissante. Centre industriel et commercial de la vallée, la ville abrite de nombreux corps de métiers : draperies, coutelleries, tanneries, bonneteries, fabriques de cobalt, galons d’or et d’argent font le renom de la cité. 2 Au début du XIXe siècle, l’exploitation des mines d’argent, qui a fait de Sainte-Marie-aux-Mines une cité florissante dès le début du XVIe siècle, a pratiquement disparu. La vallée trouve pourtant bientôt une compensation plus que suffisante dans l’industrie cotonnière qui lui succède. Le tissage y est déjà bien présent, et, au XVIIe siècle, de nombreux artisans, passementiers, faiseurs de bas, bonnetiers et tisserands de draps exercent leur métier à SainteMarie-aux-Mines et dans la vallée. Mais c’est en 1755 que la filature de coton est introduite dans la ville et les vallées environnantes par un industriel mulhousien, Jean-Georges Reber, qui y adjoint une fabrique de toile de lin, de coton et de chanvre. Les premiers tissages portent le nom de « siamoises », imitations assez grossières des étoffes importées à la cour du roi par l’ambassadeur du Siam. J.-G. Reber devient bientôt le manufacturier le plus important de la vallée. Son fils, Jean-Georges, et ses gendres, Jean Blech et Daniel Risler, continuent avec succès l’entreprise. Mais déjà leurs affaires prospères attirent d’autres entrepreneurs. L’apparition, en 1830, des premières machines à filer, venues remplacer le traditionnel filage au rouet, pratiqué le plus souvent à domicile, permet l’élaboration de nouveaux tissus, plus fins et de meilleure qualité. Puis l’introduction par Jacques Blech, vers 1840, de la fabrication de tissus mélangés en soie, coton et laine achève d’établir Sainte-Marie-aux-Mines comme la capitale incontestée du tissu de haute qualité. L’« article de Sainte-Marie », remarqué et primé dans Registre des gains par jour et par mois » tenu par Rodolphe Burger en « 1844. Entre les pages de ce cahier, Rodolphe a consigné des croquis de pièces à réaliser mais aussi des dictons et même un remède contre les maux de tête… maintes grandes foires parisiennes, gagne une réputation nationale et remporte de beaux succès à l’exportation, vers l’Europe et les États-Unis. Dès lors, l’industrie textile connaît une expansion telle qu’elle absorbe peu à peu la draperie, la bonneterie et une grande partie du travail artisanal du coton. De toutes parts s’égrènent d’importants établissements de tissage, de blanchiment et de teinture sur les traces laissées par les premières implantations et aux dépens des anciennes fabriques. L’industrie textile se développe tant et si bien qu’elle entraîne à sa suite toutes sortes de débouchés nouveaux et de véritables aubaines pour les hommes entreprenants. 1847 : Rodolphe Ier, le pionnier Chez les Burger, depuis plusieurs générations, on travaille le bois. Sans doute cette activité n’est-elle encore qu’un complément de ressources lorsque, à la mauvaise saison, le travail manque aux champs. C’est qu’il y a de nombreuses bouches à nourrir à la ferme de la Petite-Lièpvre, celle-là même où se sont installés les aïeuls, venus de Suisse un siècle plus tôt. Aussi, dès son plus jeune âge, Rodolphe apprend-il à la manière de son père, JeanNicolas, qui la tient lui-même de son grand-père, Rodolphe, l’art de fabriquer cuves, baquets et pièces de bois nécessaires à la vie simple et rude des paysans de la vallée. 3 3 Exemple de baquet utilisé par les teinturiers. « Teinturier, atelier et outils », gravure extraite de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, Ed. de Genève, XVIII e siècle. 6 89 -1 rs e i tr us e d ni in e 18 ion ne ell p ’u v d ou n 47 10 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS 11 1 Extrait de l’acte de vente du moulin de la Petite-Lièpvre, signé le 1er mai 1847. 2 Extrait de l’acte de naissance de Rodolphe, deuxième du nom, le 22 février 1861. © Archives municipales de Sainte-Marieaux-Mines. Déjà trois générations de Burger ont vécu à la Petite- C’est à Sainte-Marie-aux-Mines que Rodolphe épouse, le Lièpvre avant la naissance de Rodolphe. Le premier à s’éta- 27 juillet 1744, Jeanne Christine Jackin, une jeune fille blir en Alsace, dans la première moitié du XVIII siècle, por- originaire du même canton. De leur union naissent quatre te ce même prénom, transmis de génération en génération. enfants. Leur aîné, Rodolphe, voit le jour à Lunéville en 1752. Il est originaire d’un village du canton de Berne, en Suisse, Il est le premier Burger né sur le territoire français. Devenu comme nombre de réfugiés anabaptistes, qui forment en tisseur de lin, il se marie en 1775 avec Marie Wenger. Leur fils, Alsace les premières communautés mennonites. Jean-Nicolas, n’a que quatre ans lorsqu’il perd sa mère, en e 1782. L’année suivante, Rodolphe épouse en secondes noces Suzanne Wasser, dont il aura six autres enfants. Jean-Nicolas, qui exerce le métier de cuvelier, épouse Rosine Offolder le 5 janvier 1804. Leur fils, Rodolphe, né le 11 avril 1818 à Sainte-Marie-aux-Mines, est l’avant-dernier des huit enfants du couple, une fille et sept garçons. Il est le fondateur d’une longue lignée qui depuis associe le bois au nom de Burger. 2 © Fonds J. Horter. Le moulin à farine a été édifié semble-t-il sur l’emplacement d’une ancienne installation de traitement du minerai qui comprenait une fonde1 1 rie et une laverie. Ce bocard-laverie dit du Treyer aurait été exploité dans la deuxième moitié du XVIe siècle. C’est là que commence notre histoire, à la Petite-Lièpvre, lorsque Rodolphe apprend que le meunier Ancel veut se défaire du moulin à farine qu’il exploite au bord de la Lièpvrette, non loin de l’endroit où celle-ci prend sa source. À presque trente ans, il décide de quitter le giron familial et de s’établir à son compte avec sa future épouse, Marie-Barbe Dellenbach, fille d’un cultivateur de la Petite-Lièpvre. Du canal d’alimentation en énergie hydraulique utilisé par le moulin, ne restent que des vestiges archéologiques Le moulin est précieux : grâce à la roue à aubes dont il est pourvu, il fournirait la force motrice nécessaire à la scie mécanique qui débiterait ses planches. La forêt communale, située à pied d’œuvre, lui procurerait amplement sa matière première. Rodolphe n’hésite pas davantage et paraphe, le 1er mai 1847, l’acte de vente qui le rend propriétaire « d’un moulin à farine, canal et prise d’eau, cour, jardin, droits et dépendances, un pré et deux champs » pour la somme de 9 000 francs. visibles parallèlement à la rive gauche de la Lièpvrette. Du moulin, il subsiste encore les deux meules qui ornent l’entrée de la maison familiale de Sainte-Marie-aux-Mines. © Fonds J. Horter. 12 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS 6 89 -1 rs e i tr us e d ni in e 18 ion ne ell p ’u v d ou n 47 13 « Département du Haut-Rhin », extrait de : Victor Levasseur, Atlas national illustré des 86 départements et des possessions de la France, Paris, 1876. Le travail de cartographie de Victor Levasseur, ingénieur géographe du milieu du XIXe siècle, est un témoignage sur la vie des régions françaises. Ses cartes aquarellées sont encadrées par de précieuses statistiques et notes historiques. De très belles illustrations représentent les principales activités économiques, curiosités, spécialités locales et même certains hommes célèbres de chaque département français de l’époque. 6 89 -1 rs e i tr us e d ni in e 18 ion ne ell p ’u v d ou n 47 14 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS 15 1 « Sainte-Marie-aux-Mines », héliotypie, extrait de : À travers l’Alsace, Imprimerie Alsacienne, non daté. 2 Atelier de tissage à la « Manufacture de tissus Nouveautés Kling & Cie », rue Saint-Louis à SainteMarie-aux-Mines, 1898. © Fonds J. Horter. Entre 1842 et 1880, plus de 23 000 kilomètres de nouvelles lignes ferroviaires voient le jour en France, favorisant la circulation des marchandises. Pour la seule année Sainte-Marie-aux-Mines change de visage En quelques années, l’industrie textile se déploie de manière quasi impérieuse. En effet, les manufacturiers tirent rapidement parti du potentiel hydraulique de la vallée… C’est ainsi que tout un chapelet de petites fabriques faisant appel à la force motrice de l’eau s’étire le long des deux cours d’eau : au nord, le long du Liversel, et au sud, entre la Petite-Lièpvre et Sainte-Marie-aux-Mines ainsi que le long des canaux aménagés. Moulins à farine mais aussi à huile et à écorce, foulons, papeteries, scieries et taillanderies séculaires se voient peu à peu réutilisés au profit de l’industrie textile et autres établissements d’impression, de blanchiment ou de teinture. Plus de trente fabricants de tissus, une dizaine de teintureries, des manufactures d’apprêts… : près de huit mille personnes, soit les trois quarts de la population, sont occupées dans cette activité en 1836. Dans les hameaux, les tisserands, qui ont toujours travaillé en famille, colportant eux-mêmes leurs marchandises, se convertissent peu à peu, travaillant à domicile pour le compte des fabriques. Attirée par cet élan économique, la population emboîte rapidement le pas de l’industrie. Le petit bourg de 6 300 habitants en 1801 devient une petite ville de 11 500 habitants en 1846 ! 1860, les Chemins de Fer de l’Est acheminent de Paris en Alsace 43 916 tonnes de coton pour une valeur de 1 689 216 francs. À Sainte-Marie-aux-Mines, l’inauguration, le 29 décembre 1864, de la ligne reliant la ville à Sélestat donne une nouvelle impulsion à la croissance de l’industrie locale. On a coutume de dire que « le textile francisa Sainte-Marie-aux-Mines plus que 2 ne l’avait fait le traité de Westphalie ». Sainte-Marie-aux-Mines s’est taillé une place incontournable pour l’approvision 1 Sainte-Marie-aux-Mines a bel et bien revêtu les allures d’une cité usinière. Les Blech, Lacour, Baumgartner, Koenig, Dietsch et d’autres encore forment un patronat puissant et déploient une activité remarquable dans tous les domaines de la vie économique et sociale. La ville se dote de tous les équipements urbains de l’époque : halle, abattoirs, bureau de poste, télégraphe, banque et, dès 1858, éclairage public au gaz des rues et des places. Sainte-Marie-aux-Mines forme le centre de tout un réseau sillonné par les commissionnaires et négociants, voué à la seule production du tissu de coton teint puis des tissus mélangés. En effet, le succès obtenu par les nouvelles étoffes, croisé mi-laine, jacquard, mousseline, est fulgurant. Les récompenses obtenues aux expositions nationales et internationales confirment d’ailleurs la réussite de cette industrie. Ces produits « haut de gamme » permettent aux entreprises sainte-mariennes de développer une production originale capable de concurrencer les centres de tissage fortement mécanisés de Mulhouse. nement en tissus de haute qualité. Très tôt, les grandes maisons de haute couture parisiennes ont étroitement associé les fabriques de la ville au marché de la capitale, et les étoffes de chez Blech, Koenig, Kayser, s’illustreront durablement dans les grandes expositions commerciales. 6 89 -1 rs e i tr us e d ni in e 18 ion ne ell p ’u v d ou n 47 16 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS 17 1 « Métier de camelot et à la petite navette », extrait de l’ Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, Ed. de Genève, XVIII e siècle. 2 « Métier à drap », extrait de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, Ed. de Genève, XVIII e siècle. 3 « Tisserand du Val de Lièpvre », dessin de Lix, extrait de Charles Grad, L’Alsace, 1889. 4 « Métier de tisserand », extrait de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, Ed. de Genève, XVIII e siècle. 5 « Métier de toile et de toilerie », extrait de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, Ed. de Genève, XVIII e siècle. La vallée vit au rythme du textile. Les conditions sont donc très favorables au jeune Rodolphe Burger, qui ne tarde pas à se spécialiser dans la fabrication d’accessoires en bois pour l’industrie textile. Une industrie qui fait encore la part belle aux métiers à bras, dans les fabriques mais aussi dans les campagnes, où plusieurs milliers de tisserands travaillent à domicile pour les manufacturiers. Le travail ne manque pas. À part la scie de long qui fonctionne grâce à l’énergie hydraulique et quelques bielles, aucune machine ne rythme encore la marche de l’atelier. Tout est fonction du tour de main, du coup d’œil de l’artisan pour distinguer telle ou telle courbe qu’il ne faut pas manquer. Rodolphe Burger est bientôt épaulé par son fils Rodolphe, deuxième du nom, né en 1861. Celui-ci travaille très tôt aux côtés de son père, se familiarisant progressivement avec tous les aspects du métier de tourneur. Ce n’est qu’après avoir complété son apprentissage chez un ébéniste qu’il est associé étroitement à la marche de la fabrique. Rodolphe II a développé de solides compétences techniques et montre vite une extrême ingéniosité en perfectionnant les outils pour les adapter aux besoins de plus en plus variés de l’industrie textile : battants de métiers, chasse-navettes, ensouples, bobines, font désormais partie de la production de Burger père et fils. Le métier à tisser est un assemblage de pièces de bois, sans vis ni clous métalliques. Il peut aisément être démonté lorsque le travail vient à manquer pendant quelques mois consécutifs. Le métier est fabriqué par un menuisier, mais certaines pièces nécessitent l’intervention du tourneur. Il existe des métiers à tisser de différentes tailles, l’élément variable étant sa largeur. Ici, le tisserand est encore assis, actionnant ses pédales avec les pieds. Le métier à tisser « à bras » sera constamment amélioré au cours des XVIIIe et XIXe siècles, notamment par un système de commande du harnais, permettant la réalisation de textures plus complexes. 1 3 2 4 5 6 89 -1 rs e i tr us e d ni in e 18 ion ne ell p ’u v d ou n 47 18 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS 19 Ce sont eux les pionniers de l’entreprise… une poignée d’hommes, ici avec leurs épouses, qui posent devant l’objectif. Il n’était pas rare, en ce temps-là, que les ouvriers soient aussi des paysans, possèdent une vache ou cultivent un lopin de terre. © Fonds J. Horter. 6 89 -1 rs e i tr us e d ni in e 18 ion ne ell p ’u v d ou n 47 20 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS 21 1 Vue de l’intérieur de l’atelier à la Petite-Lièpvre, vers 1895. On travaille chaussé de lourds sabots… autre métier du bois couramment répandu jusqu’à la Seconde Guerre mondiale et l’arrivée, avec les Américains, de la botte en caoutchouc. © Fonds J. Horter. 2 Cahier daté de 1871. Rodolphe II, âgé de 10 ans, y fait des exercices de calligraphie. Alors que les cours sont en chute, de nombreux tissages ont recours au chômage partiel. Seule solution, la pénétration sur le marché allemand, qui impose rapidement la fabrication de produits de moindre qualité et moins coûteux, notamment la laine. Malgré la concurrence allemande, les industriels s’adaptent sans trop de difficultés à ces nouvelles conditions d’existence. Les drapeaux français sont soigneusement pliés et rangés… en attendant le retour à la France. 1 L’annexion allemande de 1870 : un équilibre fragile 2 Les semaines qui précèdent la déclaration de guerre, le 19 juillet 1870, sont agitées. Sainte-Marie-aux-Mines est devenue une place forte de premier choix et fait face aux problèmes posés par la guerre : mobilisation, réquisition. L’annexion de l’Alsace au Reich allemand, aux termes du traité de Francfort, provoque un véritable traumatisme pour l’immense majorité de la population. Rebaptisée « Markirch », Sainte-Marie-aux-Mines devient ville d’Empire et ses habitants des ressortissants allemands, à moins d’opter pour l’exil. La frontière franco-allemande est rétablie sur la ligne de crête du massif vosgien. L’annexion place les industriels sainte-mariens dans une situation économique difficile. L’intégration de l’Alsace à l’espace douanier allemand rend le marché français inaccessible aux produits régionaux, grevés d’importants droits de douane. Pour les fabricants qui écoulent leurs étoffes sur le marché parisien, il est vital de retrouver rapidement de nouveaux débouchés. la Société Industrielle et Commerciale de Sainte-Marie-aux-Mines La fondation de la Société Industrielle et Commerciale répond aux attentes des industriels saintemariens, inquiets pour leur avenir au sein de l’Empire allemand. Quelques hommes, dont Jacques Weber, Jacques Dietsch, Léon Baumgartner et Émile Degermann, prennent l’initiative de la première réunion, le 6 mars 1871. Aujourd’hui, la société continue à œuvrer pour la promotion de l’industrie locale. La disparition progressive de l’industrie textile en a cependant changé la composition et le relais est pris par des représentants d’industries plus diversifiées. En 1996, la présidence de la Société Industrielle a été confiée à Bertrand Burger, fonction qu’il occupe encore en 2010. 6 89 -1 rs e i tr us e d ni in e 18 ion ne ell p ’u v d ou n 47 22 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS 23 2 5 4 6 9 1 n i s m è e 9 c h 8 1 e c suc l u d 25 1 4 2 1 1896 : Burger s’installe à Sainte-Marie-aux-Mines 1 1 L’acte de vente de la propriété de Sainte-Marieaux-Mines, signé le 19 août 1896. 2 La maison d’habitation, acquise par Rodolphe II en 1896, au n° 1 rue Reber et n° 7 place de la Fleur, avait été bâtie en 1598 autour d’un vaste jardin et abritait échoppes et petits ateliers : un chaisier, un boulanger, un orfèvre… 3 La boissellerie Burger s’étend peu à peu sur l’ensemble des bâtiments situés de part et d’autre du renfoncement que l’on distingue à l’arrière-plan à gauche. Si, avec beaucoup de timidité, le père avait commencé à s’aventurer sur les sentiers de l’innovation, c’est à son fils, Rodolphe II, qu’il revient d’avoir donné un nouvel élan à l’outil de production. Malgré les hauts et les bas que connaît régulièrement le textile depuis l’installation de Rodolphe père au moulin de la Petite-Lièpvre en 1848, les affaires des établissements Burger ne se portent pas mal. Son fils suit de près l’évolution du machinisme. Il sait tirer parti de sa capacité à maîtriser de nouveaux procédés et transforme peu à peu son métier en petite industrie spécialisée. Commercial intuitif, Rodolphe II n’ignore pas que l’avenir se trouve en ville, au plus près des affaires. Il décide avec sa jeune épouse, Émilie Arnold, fille d’un garde forestier originaire d’Ostheim, et le petit Rodolphe, troisième du nom et âgé d’à peine un an, de se rapprocher de la ville et d’installer son atelier près du centre de l’activité textile. Une opportunité se présente à l’été 1896. Les successeurs de Charles Trimbach, teinturier, mettent en vente leur propriété située le long du canal des Moulins à Sainte-Marie-aux-Mines. Ce canal de dérivation, alimenté en amont de la ville par la Lièpvrette, est à cette époque la colonne vertébrale de l’activité économique de la vallée. Deux autres moulins s’y trouvent déjà… Or les terrains situés près des courants d’eau, en plein cœur de la ville, sont rares et les fabricants jouent des coudes pour s’en rendre propriétaires. Confinés dans les anciennes fabriques, ils occupent déjà chaque parcelle de jardin, chaque arrière-cour, pour y installer des ateliers, utilisant progressivement tout l’espace disponible. Le 19 août 1896, Rodolphe II se porte acquéreur de la propriété pour un montant de 40 000 marks, une somme considérable pour l’époque, grâce à l’appui et au prêt sans intérêt consenti par Jean-Baptiste Lacour, industriel influent et prospère, propriétaire d’une manufacture d’apprêts, en lisière de la ville. Sur ce vaste terrain situé au numéro 1 de la rue Reber et au numéro 7 de la place de la Fleur, se trouve l’ancien moulin Trimbach, une maison d’habitation et une cour, occupée partiellement par un chaisier, un boulanger et un orfèvre. La fabrique de boissellerie Burger se voit implantée au cœur d’un incroyable réseau de fabriques qui remplit plus des trois quarts du bâti. 5 3 4 Présentation des Ets Koenig et C ie. Extrait de : Handel, Industrie und Gewerbefleiss in ElsassLothringen, Strasbourg, non daté, (vers 1912). 5 Une des entreprises les plus prospères de la vallée, la manufacture d’apprêt J.B. Lacour. Extrait de : Handel, Industrie und Gewerbefleiss in ElsassLothringen, Strasbourg, non daté, (vers 1912). 45 19 n 26 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS - i s 96 hem cè 18 e c suc l u d 27 Le Mulhousien Jean-Georges Reber est le beaupère de Jacques Blech. Il introduit en 1755 à Sainte-Marie-aux-Mines l’industrie du coton, qui fait la réputation de la ville sur le marché mondial. Sa demeure, édifiée en 1787, devient propriété des frères Blech, qui y installent un tissage dès 1818. La maison Blech est l’un des établissements les plus anciens et les plus en vue de la ville. Ci-contre, les Établissements Blech Frères, 1898. © Fonds J. Horter. Dans la seule rue Reber, on peut alors trouver le tissage des frères Blech, le dévidage mécanique Gimpel Frères, la manufacture Matheus, le tissage Dreyfus-Werth et, à quelques pas, les tissages Koenig, l’ourdissage Schiffmann, et bien d’autres encore. Une véritable aubaine pour Rodolphe, plongé dans ce milieu stimulant et ouvert sur de larges possibilités d’action. L’acquisition de cette propriété n’est pas sans conséquences. Elle impose que Rodolphe prenne à sa charge, avec les autres utilisateurs, l’entretien du canal et de la vanne située sur la rivière. Non sans heurts, si l’on en croit l’imposant mémoire rédigé par Rodolphe Burger en 1904, qui détaille, par le menu et preuves à l’appui, la question du droit d’usage de l’eau du canal. Il y décrit d’ailleurs comment, au cours de travaux d’entretien de la vanne, on découvre fortuitement cette année-là la fraude d’un riverain : il a creusé une percée dans le canal afin d’en détourner l’eau et d’alimenter une pompe réservée à son seul usage… Ci-dessus, le plan du canal. Copie conforme du plan de 1702, effectuée en 1904 à la demande de R. Burger par les archives du district à Colmar. Bâti en 1589, vraisemblablement pour l’industrie minière, le d’eau. En 1826, soucieux de préserver leurs intérêts, les trois canal des Moulins prend naissance du côté Lorraine, avant la réu- manufacturiers s’entendent sous seing privé pour se partager le nification de la ville, longe la rivière puis la traverse pour entrer lit du canal et ses francs bords, le long de leurs propriétés. Dès du côté Alsace. lors, tous les propriétaires successifs auront à charge, à parts Les fabricants Schoubart & Cie, Joly & Osmont et Auguste Hepner égales, les travaux de curage, d’entretien et de réparation du & C y ont installé leurs établissements de « rouge d’Andrino- canal. C’est de cette charge qu’hérite Rodolphe en reprenant le ple » et lavent leurs cotons dans les eaux du canal, provoquant moulin, en 1896. ie ainsi la contestation des meuniers et autres usagers du courant 45 19 n 28 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS - i s 96 hem cè 18 e c suc l u d 29 1896-1927 : la construction progressive d’une entreprise industrielle Portrait de Rodolphe II vers 1900. Pendant vingt-cinq ans, avec l’aide d’une dizaine de compagnons, Rodolphe II exerce son métier dans le bâtiment coiffé d’un toit à sheds, situé au cœur de la propriété et autrefois occupé par un teinturier. Les sheds, en dents de scie, caractéristiques de l’architecture industrielle de cette époque, procurent la lumière zénithale nécessaire à l’atelier. Le bâtiment, long de onze mètres sur douze, abrite l’atelier des tours ou de boissellerie, et héberge en 1899 une scie à ruban, une scie circulaire, deux raboteuses et deux bancs à tours. À l’arrière, on entrepose les grumes. Le hangar à bois, suspendu au-dessus du passage, permet le stockage de la matière première. S’y adosse la maison d’habitation de la famille Burger, assemblage composite de plusieurs bâtiments, dont un four de boulanger et le logement de ce dernier. L’entreprise reste fidèle aux produits qui ont fait son succès initial, et la fabrique s’adapte continuellement aux progrès techniques qui perfectionnent, plus qu’ils ne révolutionnent, l’industrie textile. En effet, en dépit de la mécanisation graduelle de la production, les bons vieux métiers à bras conservent un rôle très important. Au fil des années, la notoriété acquise par Rodolphe Burger lui permet de diversifier sa production et de fournir également des cuves pour les teintureries. En homme avisé, il suit de près les progrès techniques proposés par l’évolution des industries mécaniques et chimiques dans les grands centres textiles de Thann et de Mulhouse. À Sainte-Marie-aux-Mines, seules les machines à vapeur, qui viennent peu à peu suppléer puis remplacer l’énergie hydraulique, sont désormais de mise dans l’ensemble des fabriques, au cours des premières décennies du XXe siècle. Pour le reste, la mécanisation tarde un peu à se généraliser. Aussi Rodolphe est-il fréquemment sollicité pour des « réparations » sur les métiers de tous âges, objets d’incessantes modifications, qui coexistent alors Pièces pour machines à tisser réalisées à l’époque par l’entreprise Burger pour la SACM. Il s’agit là d’une bobine et de pièces de nettoyage pour machines à tisser. dans les usines. Son ingéniosité et sa polyvalence sont en effet des atouts majeurs, car l’appel au matériel d’occasion et la pratique systématique de la transformation des machines sont monnaie courante. Les établissements Burger profitent très largement de cette dynamique qui leur donne un avantage décisif sur la concurrence locale. Pourtant, il subsiste une ombre au tableau : l’irrégularité du débit, les nombreuses réparations qui incombent aux riverains et usagers du canal…, la cohabitation s’avère vite être une source d’ennuis. La multiplicité des nouveaux procédés proposés par l’industrie chimique va conduire certains établissements de blanchiment, tels Lacour ou Baumgartner, à opérer une refonte complète de leurs usines. Teinturiers et apprêteurs saintemariens jouissaient d’une très grande réputation pour l’ennoblissement des étoffes haut de gamme, quelles que soient les exigences imposées par les modes successives. Photographie de l’entreprise Baumgartner. Extrait de : Handel, Industrie und Gewerbefleiss in Elsass-Lothringen, Strasbourg, non daté, (vers 1912). En 1906, constatant que le canal n’est plus entretenu, faute d’être utilisé, la municipalité décide d’en racheter aux propriétaires les droits d’usage et de procéder à son remblayage. Chaque riverain obtiendra une compensation financière qui a fait l’objet de calculs très complexes… Avant le comblement du canal, les factures pour les réparations et l’entretien du canal se succèdent… 45 19 n 30 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS - i s 96 hem cè 18 e c suc l u d 31 1 Plan et coupe de la chaudière Wolf. © Archives municipales de Sainte-Marie-aux-Mines. Une installation alors unique en son genre à SainteMarie-aux-Mines. Rodolphe peut alors s’affranchir du débit du canal et abandonne complètement la roue. Dans la foulée, il réalise également une scie alternative de 80 centimètres de passage grâce à laquelle il est en mesure d’acheter ses bois sous forme de grumes sélectionnées dans les forêts environnantes. Bientôt, face au développement de l’entreprise, l’exiguïté des locaux se fait sentir. Rodolphe fait l’acquisition, en 1922, de la propriété voisine appartenant à la famille Trimbach. Il démolit la vaste demeure très vétuste qui s’y trouve et double ainsi la surface de sa propriété. La fabrique dispose désormais d’une surface d’un hectare et son accès se voit considérablement facilité. Illustration de Théophile Schuler, extraite de : A. Gruen, Th. Schuler, Die Schlitter und Holzhauer aus der Vogesen, pl. 36, Ed. Simon, Strasbourg, 1854. 1 Avant 1870, douze entreprises seulement dans le Val de Lièpvre sont équipées de machines à vapeur. C’est peu et tard, vu le nombre d’entreprises. Longtemps après Mulhouse, l’innovation technique semble avoir bien du mal à s’infiltrer dans la vallée. Un « retard » lié à la spécificité saintemarienne du travail à domicile en milieu rural, à la recherche de la très haute qualité dans les produits manufacturés et au nombre important de très petites entreprises. Les grumes provenant des cou- 1909 : de la roue à la machine à vapeur Tirant parti de sa capacité à maîtriser les nouveaux procédés, Rodolphe Burger passe à la vitesse supérieure. Les perspectives de déploiement sont telles que la nécessité pour l’entreprise de se doter d’une machine à vapeur devient primordiale. Elle permettrait de fournir à la fois l’énergie motrice, mais aussi l’éclairage et le chauffage des locaux. La machine à vapeur flambant neuve dont Rodolphe s’équipe judicieusement est l’un des engins les plus performants de l’époque, tout droit sortie des ateliers Wolf à Magdebourg. Munie d’un surchauffeur et d’un avant-foyer permettant d’utiliser tous les déchets du bois, elle procure à bon compte l’énergie nécessaire à la bonne marche de son entreprise. Elle assure également le chauffage de tous les locaux par l’emploi de la vapeur de détente, et lui permet d’éclairer l’ensemble de sa propriété. Une cheminée en tôle de 17,70 mètres permet l’évacuation à distance des fumées, chargées de suie… Rodolphe ajoute à sa machine à vapeur un ingénieux système d’accumulateurs alimenté par une génératrice fonctionnant grâce à la vapeur produite. pes sont acheminées depuis le lieu de dépôt au moyen d’attelages de bœufs ou de chevaux. 2 2 La propriété voisine, appartenant à la famille Trimbach, acquise par Rodolphe II en 1922. Une demeure chargée d’histoire, mais très vétuste et insalubre, qu’il démolit, doublant ainsi la superficie de son établissement. 45 19 n 32 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS - i s 96 hem cè 18 e c suc l u d 33 1 Cette revue, parue vraisemblablement vers 1912, se veut un annuaire économique des grandes entreprises de la région. Les principales manufactures de tissage et d’apprêts du Haut-Rhin y présentent leurs produits ainsi que leurs dernières innovations technologiques. 2 Moyeux de brouette, marteau de tailleur de pierre, lattes, billes de bois d’orme, jantes de roues et moyeux de charrette à bras… Cette note, établie en 1912, pour un charpentier, donne un aperçu des fabrications des Ets Burger. On note au passage la richesse de l’ornementation du papier à lettres et la mention d’une adresse télégraphique : Burger Markirch. © Fonds J. Horter. Un regard nouveau sur la forêt. Le développement des réseaux de chemin de fer met d’un coup à la portée du plus grand nombre les espaces forestiers de la vallée. Nombreux sont les randonneurs qui prennent le train jusqu’à Sainte-Marie, avant de partir marcher sur les innombrables sentiers balisés par le Club Vosgien depuis 1870. Dès le printemps, les fermes d’altitude, transformées peu à peu, entre les deux guerres, en « fermes-restaurants », attirent massivement les promeneurs dominicaux. Un rapport nouveau naît entre le citadin et la forêt. « … Une parfaite égalité, une entière liberté, une franche fraternité ne cessait de régner parmi nous. Frais et dépenses, jouissances et aventures, tout à parts égales… » F. Kirschleger, Flore d’Alsace, Strasbourg, 1862. 3 3 Lever du jour en forêt, carte postale. 4 Carte postale éditée à l’occasion du centenaire de la ligne du chemin de fer Strasbourg-Bâle, 1846-1946. 2 1 Ce déploiement des locaux ainsi que les nouvelles possibilités offertes par la machine à vapeur ne tardent pas à porter leurs fruits et contribuent largement à l’essor de l’entreprise. L’affaire est prospère. Rodolphe peut alors adapter son entreprise aux exigences d’un marché en pleine expansion. En définitive, la plupart des industriels ont su profiter de la dynamique de croissance du Reich. Sainte-Marie-aux-Mines offre alors l’image d’une ville fortement industrialisée, où se dressent les étages des ateliers, où se pressent les cheminées des usines et les tours de séchage. 4 34 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS 45 19 n - i s 96 hem cè 18 e c suc l u d 35 1 Une ville prospère et une nouvelle bourgeoisie industrielle. Rue Narbey, à SainteMarie-aux-Mines, carte postale. Le 4 novembre 1903, le « Messager des Vosges » annonce l’ouverture au public de la première piscine couverte et chauffée d’Alsace. Sa construction a donné lieu à d’âpres discussions au sein de la commission chargée de ce projet. Celle-ci, composée de MM. Blech, Holzschuh, Edler et Lacour, a même été dépêchée en Allemagne, Les quatre enfants Burger, du côté de Fribourg, pour y visiter des établissements de bains. 1 vers 1904. Rodolphe III, l’aîné, La piscine municipale, carte postale. né en 1895, Marguerite, née en 1896, Alfred, né en 1897, et C’est ainsi que les Sainte-Mariens peuvent Émilie, née en 1898. goûter aux plaisirs aquatiques ailleurs que L’amélioration des voies de communication facilite la circulation des marchandises et donne une nouvelle impulsion à la croissance de l’industrie textile. La ville compte 12 352 habitants, elle est alors la troisième ville du Haut-Rhin. Son industrie fait travailler plus de 25 000 ouvriers, à Sainte-Marie et dans la vallée. Pour autant, les manufactures ne renoncent pas aux travailleurs à domicile et continuent de s’appuyer sur un important réseau de tisserands installés dans tous les villages de la vallée et au-delà. Élan économique qui s’accompagne de nombreux chantiers. L’administration allemande a en effet le souci de modeler Sainte-Marie-aux-Mines à l’image de toutes les villes de l’Empire. Elle lance un vaste programme de construction d’édifices publics et d’équipements sportifs ou culturels, qui témoignent de l’urbanisation germanique et des grandes avancées technologiques de l’époque. Ainsi, la nouvelle poste, en 1889, de style néo-Renaissance allemand, qui est équipée d’une dépêche télégraphique et d’une première cabine téléphonique publique en 1899. dans la Lièpvrette… Le 22 janvier 1908, a lieu l’inauguration du nouveau théâtre. Il est le lieu de prédilection pour les soirées des sociétés en tous genres, qui sont légion à Sainte-Marie. Le théâtre. 45 19 n 36 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS - i s 96 hem cè 18 e c suc l u d 37 1 2 Entre 1914 et 1918, le cantonnement du génie s’est installé dans la cour des Ets Burger. Il est signalé, côté place de la Fleur, par une enseigne « Pionierpark Markirch ». Au fond de la cour, un enchevêtrement de pneus et de divers matériels à usage militaire. © Fonds J. Horter. Atteint par les obus, le moulin de la Petite-Lièpvre, berceau de la boissellerie Burger, est complètement détruit. Sur les décombres, pose un soldat allemand. © Fonds J. Horter. D’une guerre à l’autre… Les deux fils Burger sont appelés au combat sous l’uniforme allemand. Mobilisé en mai 1915, Rodolphe, troisième du nom, a tout juste vingt ans. Comme la plupart des soldats d’origine alsacienne, il est envoyé pendant deux ans sur le front russe, pour revenir dans les tranchées de la Somme, puis de la Meuse, à la fin de la guerre. Dès le début du conflit, le secteur sainte-marien du front des Vosges est l’enjeu d’offensives et contre-offensives sanglantes, les Français essayant d’atteindre la plaine d’Alsace, les Allemands tâchant de contenir leur poussée. 2 1 2 1 Les usines textiles cessent peu à peu toute activité. Réquisitionnées, de même que les écoles, elles hébergent en permanence la troupe. Y sont installés des infirmeries, cantines, magasins, dépôts et même un cinéma de campagne. Le théâtre sert longtemps d’hôpital et son toit, marqué de la croix rouge sur fond blanc, est visible de toute part. Place de la Fleur, le cantonnement du génie voit un défilé incessant de soldats, d’ouvriers et de badauds. Près des cantines roulantes, les « Feldküche », des gamins affamés tendent leur gamelle. La cour des établissements Burger, réquisitionnée elle aussi pour les besoins de l’armée, est jonchée de pneus et de matériel militaire. La ligne de front toute proche. Extrait de Paasche’s Frontenkarte, Stuttgart, non daté. Après quatre décennies d’annexion, la déclaration de guerre d’août 1914 est accueillie à Sainte-Marie-auxMines, comme partout en Alsace, avec consternation. L’état de siège est affiché le vendredi 31 juillet 1914 à 16 h 30 et proclamé « à son de caisse » à 20 heures. 45 19 n 38 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS - i s 96 hem cè 18 e c suc l u d 39 1 2 Rodolphe et Émilie, entourés de leurs enfants, Émilie, Marguerite et Rodolphe III. La photographie a été prise à l’occasion d’une permission. Alfred, lui, n’est pas présent. Les difficultés de communication ne facilitent pas la bonne marche Sur la place de la Fleur, on a érigé un monument aux morts provisoire. En 1919, pour la première fois depuis 48 ans, le 14 juillet est célébré avec faste. de l’entreprise. La nouvelle de la faillite des établissements Cordola, Lorsque l’armistice est signé le 11 novembre 1918, le maire Dreyfuss ceint une vieille écharpe tricolore d’avant 1870 et prononce devant les Sainte-Mariens un vibrant discours patriotique. Les festivités se poursuivent plusieurs jours dans la liesse générale. Rodolphe et son frère Alfred sont parmi les derniers à être libérés. Rodolphe est indemne mais très éprouvé par quatre années d’une guerre terrible. Alfred, atteint par les gaz de combat, succombe en 1928, quelques mois seulement après le décès de leur père Rodolphe II, le 30 décembre 1927, à l’âge de 66 ans. constructeur de métiers à tisser en région parisienne, avec qui Burger est en affaires, a tardé à parvenir à Sainte-Marie-aux-Mines. Dès son plus jeune âge, Rodolphe III est élevé dans un esprit où famille et entreprise forment un tout. Ses parents prennent soin de lui donner une bonne instruction. Premier à poursuivre des études secondaires au collège de Sainte-Marie-aux-Mines, il entre ensuite en apprentissage chez un confrère de son père, entrepreneur à Montbéliard, spécialisé dans la fabrication d’accessoires en bois pour le textile. C’est dire que toutes les machines lui sont familières et n’ont aucun secret pour lui : de l’affûtage des outils à l’entretien, en passant par les réglages, il aime intervenir à toutes les étapes de la production. Au décès de son époux, Émilie procède au partage anticipé de tous ses biens, conservant pour elle l’usufruit de sa maison d’habitation. Rodolphe III a à charge de rembourser ses frère et sœurs, Émilie, Marguerite et Alfred. 1 2 45 19 n 40 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS - i s 96 hem cè 18 e c suc l u d 41 1 Le centre de Sainte-Marie-aux-Mines vers 1900. 2 Le jeune Rodolphe III reprend le flambeau en 1928. 3 Les jumeaux Raymond et Annette Burger. trois départements, mesure la complexité de sa tâche et annonce même que « Pendant quarante-huit ans, l’Alsace et la Lorraine ont vécu sous un statut particulier. L’Allemagne a introduit dans le système français d’avant 1870 des réformes administratives, sociales, économiques et politiques profondes. Ce qui avait été si lentement, si minutieusement organisé pendant près d’un demi-siècle ne se modifie pas sans une attitude attentive et raisonnée. Ce n’est pas du jour au lendemain que les effets de quarantehuit ans de vie différente peuvent être effacés ». Dans tous les secteurs d’activité, les entreprises se relèvent à peine des changements de nationalité et autres ruptures politiques, qu’elles doivent surmonter la crise dont la France subit le plein effet en 1933. Les travaux se raréfient, le coût des matériaux a plus que doublé, le chômage fait rage. L’Alsace est très durement touchée car s’ajoute aux difficultés la fermeture des marchés allemands et sarrois. 3 1 1928-1945 : Rodolphe III, l’artisan de l’adaptation Le père disparu, la famille se resserre autour d’Émilie, son épouse. Femme courageuse et énergique, elle avait toujours secondé son mari et règne alors sur la famille avec le souci d’assurer la pérennité de l’entreprise. Rodolphe III s’est préparé de longue date à reprendre le flambeau et c’est tout naturellement qu’il prend, à trente-deux ans, la succession de l’entreprise familiale. Marié à Marcelle Meiss, ils s’installent avec leurs deux jumeaux, Annette et Raymond, nés le 1er septembre 1925, dans la maison que leur grand-père a construit au fond de la propriété, un an avant leur naissance. 2 C’est dans un contexte économique peu favorable que Rodolphe III fait ses premières armes à la tête de la fabrique. En effet, après quarante-huit années de vie dans l’espace culturel et économique du Reich allemand, le retour des Alsaciens-Lorrains dans le giron de la nation française n’est pas sans poser de problèmes. Alexandre Millerand, commissaire général chargé de résoudre les questions administratives liées à l’intégration des Rodolphe et son épouse Marcelle, le jour du carnaval des paysans (vers 1925). La tradition veut que l’on revête ce jour-là l’habit de fête des cultivateurs : pantalon blanc, blouse bleue, foulard rouge fixé avec un couvercle de boîte d’allumettes, bonnet blanc et sabots. 45 19 n 42 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS - i s 96 hem cè 18 e c suc l u d 43 1 En 1927, les E ts Burger fabriquent des palissades pour les « maisons à bon marché » de la ville de Sainte-Marie-aux-Mines. © Fonds J. Horter. 2 Les années 1930 et, sur les factures des Ets Burger, une en-tête d’inspiration Art Nouveau, très en vogue à cette époque. © Fonds J. Horter. 3 L’atelier de boissellerie dans les années 1930. Le petit Raymond Burger, au centre, en compagnie de son cousin Jean. 4 Quelques années plus tard, Raymond, à gauche, toujours en compagnie de son cousin Jean. Le tunnel ferroviaire 1 Élargissement de la galerie de base. © Archives municipales de Sainte-Marie-aux-Mines. 2 Le cortège des officiels lors des cérémonie de l’inauguration. © Fonds J. Horter. 3 Le tunnel en chocolat © Fonds J. Horter. 1 À Sainte-Marie-aux-Mines comme ailleurs, on fait appel au vieux principe des grands travaux comme outil de relance économique et de résorption du chômage. En 1933, le grand projet qui a occupé les édiles locaux depuis 1841 entre enfin dans sa phase de réalisation : la percée des Vosges. L’événement occupera la région pendant plusieurs mois. Les travaux débutent le 13 mai 1933, de chaque côté du versant vosgien. Les deux galeries se rencontreront trois ans plus tard, le 12 novembre 1936. Ce bel ouvrage se classe alors par sa longueur, 10,5 kilomètres, au deuxième rang français des tunnels ferroviaires. La ligne de chemin de fer est mise en service le 3 août 1937. Elle met en relation directe la vallée de la Lièpvrette, Sélestat et Colmar avec Lunéville, Nancy et finalement Paris. 2 2 1 L’inauguration du tunnel ferroviaire de SainteMarie-aux-Mines a lieu le dimanche 8 août 1937 à 11 h 15. Le président de la République, A. Lebrun, qu’entoure un aréopage de personnalités civiles et militaires, arrive à la nouvelle gare de Sainte-Marie dans la Micheline officielle. Il donne un coup de pioche dans un impressionnant tunnel en chocolat dont 3 4 3 on distribue ensuite les morceaux aux enfants… 45 19 n 44 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS - i s 96 hem cè 18 e c suc l u d 45 Les forêts autour de Sainte-Marie produisent du bois de chauffage et du bois d’œuvre à profusion, principalement des épicéas. Introduits à partir de 1860 pour reboiser les pâturages d’altitude, ils sont employés massivement après Cette première opération de diversification permet aux établissements Burger de traverser la crise économique de 1933 et de développer peu à peu le chiffre d’affaires. Dans ces années-là, il n’est pas rare de croiser, sur la route nationale 59 en direction de Sélestat, une automobile équipée d’une remorque à deux roues chargée d’énormes rouleaux de six mètres de long, destinés à enrouler les toiles métalliques. Une manœuvre difficile à l’évidence, qui faillit bien un jour coûter la vie à son malheureux chauffeur, enseveli sous son chargement. La fabrication de ces différents produits, répondant à des exigences très précises, nécessite un grand professionnalisme dans le choix des bois. Une tâche qui occupe Rodolphe presque tous les dimanches, par beau temps. En effet, avant l’annonce de la mise en marché des bois d’œuvre, il est indispensable de prospecter et de repérer les plantations adaptées à ses fabrications. Toute la famille est alors embarquée pour de joyeux pique-niques dans les forêts d’épicéas environnantes, de préférence sur les coupes proposées ! 1920 pour reconstituer les parcelles ravagées par la Première Guerre mondiale (plus de 150 hectares de forêt sur la ligne de front). La gestion des forêts communales est alors assurée par des fonctionnaires d’État encadrant des équipes de bûcherons. L’organisation de l’abattage s’effectue au moyen d’un parcellaire. Abattus, écimés, ébranchés, les troncs deviennent des grumes. Pour faire face aux répercussions de la crise et au ralentissement des affaires qui ne manquent pas de l’affecter, Rodolphe III consacre son énergie à trouver de nouveaux débouchés. En 1927, il réalise une commande de palissades installées devant les « Habitations à Bon Marché », premières cités ouvrières construites par la municipalité. Il usine également, sur un tour de sa conception, une très grande pièce conique destinée à un constructeur de manèges… Cela ne l’empêche pas de livrer bois de chauffage et charbonnette… Il faut bien occuper tous ses employés. En 1932, Rodolphe Burger lance la fabrication de supports en bois parfaitement cylindriques et rectilignes pour l’expédition des toiles métalliques sans fin, utilisées dans l’industrie papetière. Rapidement, Rodolphe se tourne vers des produits spécifiques destinés aux nouvelles industries et prospecte l’industrie papetière. Il met au point un procédé qui lui permet de fournir, dans des délais très brefs, les supports en bois, parfaitement cylindriques et rectilignes, destinés à l’expédition dans le monde entier des toiles métalliques sans fin qui équipent à cette époque toutes les machines à papier. En peu de temps, la collaboration entamée avec les établissements MartelCatala, important fabricant de tissage métallique, alors en pleine expansion, prend de l’ampleur. Les résultats sont à la hauteur et l’entreprise de Sélestat devient l’un de ses clients les plus importants. 1 2 3 1 Embarqués pour de joyeux pique-niques sur les lieux de coupes. 2 À l’entrée de Sainte-Croix-aux-Mines, le chauffeur, surpris par l’écran de fumée provenant d’un feu de feuilles mortes, est gravement blessé, écrasé par le poids de son chargement. 3 Le repérage des belles plantations, une étape décisive pour la fabrication de produits de qualité irréprochable. 45 19 n 46 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS - i s 96 hem cè 18 e c suc l u d 47 Chef d’entreprise avisé et intuitif, Rodolphe est aussi un homme de terrain, strict et rude, exigeant à l’égard des autres mais surtout envers lui-même. On dit qu’il a du tempérament et qu’il impose le respect par sa prestance. Il est toujours le premier à accueillir ses employés à la porte de l’usine et le dernier à la quitter, épaulé III e h p R l o E d G o R R U B Très tôt, Rodolphe III s’engage pleinement dans la vie musicale de la cité en s’impliquant dans divers orchestres et sociétés musicales. Rodolphe réserve au moins un soir par semaine à la fanfare d’amateurs dans laquelle il est contrebassiste. La fanfare d’amateurs de Sainte-Marie-aux-Mines. On reconnaît ici Rodolphe III, au premier rang, le 4e en partant de la droite. par son épouse dévouée. Marcelle et lui ont conservé le mode de vie simple des générations précédentes. Si l’entreprise est le centre de sa vie, Rodolphe n’en est pas moins un homme très social, engagé dans la vie de sa commune, il est d’ailleurs viceprésident du Temple Réformé. Il a surtout une grande passion, la musique. Entré très jeune comme contrebassiste dans la fanfare municipale, il ne manque aucun concert en cinquante ans… Il préside à la fin de sa vie la Fédération des Sociétés de Musique d’Alsace et se voit nommé chevalier de l’ordre des Palmes académiques pour son 1 1 Même avec la Renault torpédo familiale, les déplacements sont limités aux départements voisins. engagement en faveur de la musique. En semaine, Rodolphe Burger consacre une journée à la visite de ses clients. Il apprécie ces contacts, mais, même au volant de sa torpédo Renault, les déplacements ne sont pas encore très faciles et son rayon d’action est limité à l’Alsace et aux départements voisins. Ces voyages élargissent toutefois la clientèle de Burger, en région et même au-delà puisqu’il est en affaires avec les établissements Cordola, important fabricant de métiers à tisser en région parisienne. 45 19 n 48 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS - i s 96 hem cè 18 e c suc l u d 49 1 Travaux pratiques à la scierie pour le jeune Raymond, sous l’œil attentif de son père. 2 En 1939, en cas de mobilisation, le sergent Rodolphe Burger est affecté au centre militaire du bois de guerre à Oberhaslach. 3 En 1943, près de 2 000 prisonniers travaillent dans l’usine souterraine installée dans le tunnel par les Allemands pour produire des pièces détachées destinées aux moteurs d’avions. © Archives municipales de Sainte-Marie-aux-Mines. 4 Facture de 1943, allemand obligatoire ! 5 En juillet 1940, Rodolphe Burger adresse un courrier à l’administration évaluant à 12 500 F le préjudice matériel causé sur sa propriété, lors des tirs d’artillerie échangés les 19 et 20 juin à Sainte-Marie-auxMines. © Fonds J. Horter. 1939-1945 : dans la tourmente de la guerre Alors que la politique internationale s’assombrit et que la menace allemande s’accentue, l’exode des entreprises s’accélère. Rodolphe est mobilisé en 1938 dans une compagnie territoriale, mais autorisé à réintégrer son foyer au bout de quelques mois en raison de ses responsabilités de chef d’entreprise. Le 20 juin 1940, les troupes allemandes entrent dans Sainte-Marie-aux-Mines. Commencent alors quatre années d’occupation pendant lesquelles la population est mise en demeure d’adhérer au nouveau régime. Les entreprises industrielles, bancaires ou commerciales de quelque importance sont mises sous séquestre, les patrons remplacés par des administrateurs allemands. Les activités de textile sont arrêtées ou se plient à l’économie planifiée de l’occupant. De nombreux bâtiments sont réquisitionnés par les autorités militaires allemandes. 4 1 2-53 En ce temps-là, une vingtaine d’hommes s’activent dans l’atelier, les uns à la fabrication des rouleaux et bouchons pour les industries papetières, les autres à la confection des bobines, fouets de chasse, sabres pour le textile. Dans un hangar sont stockés les bois sciés qui sèchent naturellement avant leur usinage. Le bâtiment central de l’entreprise abrite maintenant la scierie et la machine à vapeur qui y a été déménagée et rééquipée. Celle-ci alimente, au moyen de transmissions et de courroies reliées à une dynamo, plusieurs dégauchisseuses, des raboteuses, une scie circulaire, une scie à ruban et plusieurs tours spécifiques à chaque produit. 2 3 Raymond n’est alors qu’un collégien dans une ville passée sous le joug nazi. L’épuration et la re-germanisation vont de pair avec la mise au pas idéologique de la population. Du haut de ses quinze ans, Raymond se rebiffe contre cet embrigadement forcé et participe depuis son collège à divers petits actes de résistance passive. Cueilli par la gestapo, il est envoyé à la prison des Augustins à Colmar. Il ne doit son salut qu’à son jeune âge et est libéré après une magistrale correction et quelques semaines de cellule. Dès l’obtention de son « Abitur », le baccalauréat allemand, Raymond est envoyé au « Reichsarbeitsdienst », ou service de travail obligatoire, à proximité de Trèves. Il faut bien s’y résigner, par crainte des représailles, et espérer ne jamais avoir à servir sous les drapeaux… Par chance, fin 1943, le vent tourne pour les troupes allemandes. Raymond échappe à l’enrôlement et part rejoindre les troupes américaines avant l’offensive dans les Ardennes. Très éprouvé par les conditions climatiques de l’hiver 1944-1945, il retrouve le foyer familial en février 1945. En mars, l’Alsace est la dernière province à être libérée. 5 En 1943, les autorités allemandes souhaitent transplanter l’entreprise à l’extérieur de la ville, pour des raisons de sécurité. Rodolphe Burger refuse toute discussion avec l’occupant. 45 19 n 50 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS - i s 96 hem cè 18 e c suc l u d 51 3 0 8 n t e io t n a 6 o s i i 4 t n 9 a 1 ut der m o m 9 1 53 Raymond a de grandes ambitions pour l’avenir et le développement de l’entreprise familiale. Pourtant, il lui faudra encore patienter avant de mettre en œuvre théories et méthodes de travail, inspirées de l’expérience plus large d’une industrie en pleine mutation. Le conflit est inévitable. La petite histoire raconte que la découverte du premier « planning de travail », fixé par Raymond sur la porte de l’atelier, mit son père dans une telle colère qu’il en fit des confettis. Il n’est pas rare alors que les employés soient contraints d’attendre que « les patrons » aient accordé leurs violons… 3 3 Le bois... déjà une source de curiosité pour le petit Bertrand Burger. 1 En ce début des années 1950, la structure de 2 1 Vue générale de Sainte-Marie-aux-Mines, carte postale. 2 Raymond Burger dans les années 1950. Une adaptation difficile à un monde nouveau l’économie alsacienne héritée du passé paraît Après l’euphorie de la Libération, la vie reprend son cours. On fait le bilan. Il faut reconstruire. Bon gré, mal gré, et en dépit d’un ralentissement considérable des affaires, Rodolphe III est parvenu à faire tourner la boutique. Il faut maintenant redémarrer l’activité, mise en sommeil par quatre années de guerre, et réorganiser le travail. vétuste, voire « vermoulue », selon les mots Raymond, représentant la quatrième génération Burger, va bientôt endosser les responsabilités de la fabrique. Pour l’heure, il peut encore satisfaire son goût pour les études et passe quelques mois à l’université de Strasbourg, repliée à Clermont-Ferrand. Puis il rejoint l’École Supérieure du Bois à Paris et y prépare son diplôme d’ingénieur. Malgré les restrictions qui sévissent encore dans la capitale, Raymond y reçoit le meilleur enseignement alors possible sur le bois et tous ses aspects : sylviculture, usinage, organisation et Code du travail. À son retour à Sainte-Marie-aux-Mines en 1947, son cartable à peine rangé, Raymond prend conscience de la dure réalité de l’entreprise, sous la direction de son père, homme d’expérience certes mais peu enclin à admettre le point de vue d’autrui… toujours intacte, alors qu’elle est largement employés par Pierre Pflimlin au lendemain de En 1955, Raymond épouse Lily Utzmann, originaire d’Ostheim, comme l’était sa grand-mère Émilie. Partageant avec son mari les responsabilités de l’entreprise, elle le seconde avec dynamisme et entrain, solidaire dans les épreuves les plus difficiles. Généreuse et amicale, elle a su, par son exemple, forger un esprit de famille qui a largement contribué au succès de l’entreprise. Les quatre enfants du couple, une fille, Florine, et trois garçons, Rodolphe, Bertrand et Jean-Marc, grandissent en même temps que l’entreprise familiale se développe. Si, comme leurs ascendants paternels, ils vivent au contact permanent de l’atelier, le contexte culturel est, lui, profondément modifié. Du reste, chacun peut s’y épanouir en mettant à profit sa propre curiosité intellectuelle pour les arts et les techniques, transmise par ses parents et les générations passées. la guerre. Inadaptées aux conditions nouvelles de la compétition économique, plusieurs entreprises centenaires et surtout les entreprises alsaciennes du textile ferment leurs portes pendant les Trente Glorieuses. Aux sinistrés de l’industrie textile, s’ajoutent peu à peu ceux des usines chimiques, des usines métallurgiques et de plusieurs fleurons de l’économie alsacienne : les Usines chimiques de Bouxwiller ferment en 1958, Lang à Sélestat en 1959, les Pétroles de Pechelbronn en 1963, Herrenschmidt à Strasbourg en 1968… 0 8 19 54 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS et on - ion sati 6 i 4 t n 19 utader m o m 55 1 Place de la Fleur, en 1961. Situés en plein cœur de la ville, en face de l’hôtel de ville, les E ts Burger figurent sur toutes les cartes postales… 2 À l’arrière de la maison, on devine le premier pont roulant installé dans la scierie. 3 Le point de vue est le même, quelques années plus tard. à une différence près, le nouveau hall de la boissellerie construit par Raymond Burger. Les années 1950 : reconstruire… sans défaire En ce début des années 1950, l’entreprise est encore largement artisanale mais compte tout de même vingt-trois salariés. Depuis 1948, elle n’est plus une entreprise individuelle mais une société à responsabilité limitée. La principale activité de la boissellerie Burger est toujours la fabrication de bobines et de pièces pour l’industrie textile, de bouchons et de cylindres de différents diamètres destinés au tissage de toiles métalliques pour l’industrie papetière. Toutes les machines sont encore alimentées en énergie par la machine à vapeur Wolf. La scie pour débiter les grumes, mise au point par Rodolphe II dans les années 1920, a fonctionné jusqu’en 1986. Elle est maintenant exposée à l’entrée de l’usine de Lièpvre. 2 1 Les épreuves ont rendu Rodolphe prudent et peu enclin au changement. Évitant les dépenses qu’il juge inutiles, il se fait un point d’honneur à ne pas être tributaire des autres et encore moins des banques. Pourtant, malgré quelques divergences et conflits de générations, Raymond parvient peu à peu à mettre en œuvre quelques idées et développer son goût pour la construction et la mécanique dans la scierie familiale. Il va pouvoir donner libre cours, ou presque, à son ingéniosité pour utiliser les « moyens du bord » et éviter ainsi de recourir à des entreprises extérieures ! En tout premier lieu, il faut perfectionner les outils. Il est également très soucieux de faciliter le travail, souvent rude et pénible, des employés. Il a aussi à cœur la sécurité des hommes, lui-même victime d’une double fracture des talons en tombant d’un hangar à bois. 3 0 8 19 56 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS et on - ion sati 6 i 4 t n 19 utader m o m 57 Mécanique, chimie, construction : Raymond Burger, l’ingénieur, a une foi optimiste dans les possibilités ouvertes par l’avancée des techniques. S’il Plus de 400 paniers de copeaux de bois se consacre en permanence au per- sont nécessaires pour l’alimentation fectionnement des machines dans son de la machine à vapeur de 5 heures à entreprise, il se passionne également 19 heures. Un travail quotidien très dur, pour toutes sortes d’innovations. Sa longtemps effectué manuellement. curiosité le porte vers les domaines les plus divers. Il met au point, entre autres, la Roburite, assemblage de petites lamelles de bois compressées et collées dont on fait des sabres et des fouets de chasse très solides pour les fabricants de machines textiles. Il est aussi le concepteur d’une impressionnante machine réunisseuse d on m ER y G a R UR B d’ensouples présentée en 1975 à l’Internationale Textil-Maschinen Ausstellung (ITMA), exposition phare du matériel textile. Enfin, en 1990, il imagine et réalise une presse destinée à la déshydratation des boues résiduelles pour le traitement des déchets, aboutissement d’un travail de plus de trente ans sur la compression en continu du bois. Quand il ne s’occupe pas de son entreprise, de ses projets ou de ses prototypes, Raymond partage ses quelques moments de loisir entre sa famille, ses amis, la lecture et la musique. Avec l’aide d’un mécanicien-ajusteur de talent, Yvan Bertola, recruté en 1952, qui sera pendant de longues années le complice de toutes ses expériences et innovations techniques, Raymond commence à électrifier les machines, encore animées par de dangereuses transmissions aériennes, et installe dans la foulée le premier système automatique de dépoussiérage. Pour développer la production, il automatise également le tour pour cylindres en bois, destiné à un nouveau marché : la fabrication de bancs publics, en partenariat avec la fonderie Graff de Kogenheim. Ces bancs robustes, en fonte et rondins de bois, fleurissent bientôt dans tous les coins de France, et il n’est pas rare d’en rencontrer encore aujourd’hui… Ils équipent même le pont du cuirassé Richelieu, qui, au début des années 1960, sert de ponton-école. Enfin, pour améliorer le rendement des bouchons, il conçoit une machine à forer et installe un premier pont roulant pour la scierie d’une puissance de levage de cinq tonnes. 1 1 Lily Burger assise sur un banc de fonte et de rondins de bois, fabriqués par l’entreprise, sur le pont du Richelieu. 0 8 19 58 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS et on - ion sati 6 i 4 t n 19 utader m o m 59 1 Les différentes étapes de l’installation de la nouvelle machine à vapeur mobilisent toutes les énergies. 2 Machine à tourner les cylindres en bois. La vieille machine à vapeur Wolf finit par rendre les armes, incapable de fournir l’énergie suffisante aux nouveaux besoins de l’entreprise. Elle est remplacée par une machine Lanz de 150 chevaux acquise d’occasion dans la vallée de Schirmeck. Munie d’un alternateur, elle permet de produire l’électricité nécessaire à l’atelier. Le combustible est constitué de chutes de bois et de copeaux, la vapeur de détente sert au chauffage des séchoirs et de l’atelier. Démontage, transport, construction des fondations et du bâtiment de la chaufferie, cet important chantier est entièrement conduit par Raymond et son équipe, sans aide extérieure. 1 1 À l’atelier, l’automatisation de la machine à tourner les cylindres employés pour l’emballage des toiles métalliques permet de multiplier la production par trois et améliore nettement la qualité du produit. « En 1952, nous fabriquions, en 10 heures, 18 rouleaux de 4 mètres de long, en 1960 nous en sortions 65 dans le même temps ! » J « ’ai été embauché en 1952 chez Burger. Mon 1 père était bûcheron et y transportait régulière1 ment des grumes. Il m’avait poussé à m’y présenter lorsque l’établissement qui m’employait comme mécanicien avait fermé. J’y suis entré en tant qu’ajusteur-tourneur. Au début, mon travail était lié aux besoins de l’entreprise en matière de machines et d’outillages spéciaux. Puis, j’ai proposé à M. Burger qu’on s’achète un tour, une fraiseuse et qu’on se lance dans l’exécution et l’entretien des machines pour les autres usines de la vallée. À partir de là, nous avons développé de nombreuses machines textiles et réparé toutes 1 sortes de machines industrielles. » 2 Yvan Bertola 0 8 19 60 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS et on - ion sati 6 i 4 t n 19 utader m o m 61 1 Dans la cour s’empilent grumes d’un côté, bois sciés de l’autre. Au fond, le silo construit en 1952. 2 La construction d’un hangar près de la gare augmente la surface de stockage du bois et facilite l’approvisionnement. 3 L’exiguïté des locaux rend les manutentions difficiles. 4 Vue intérieure de l’atelier, vers 1950. 2 3 Mais les locaux s’avèrent vite bien trop exigus. Ils ne permettent plus d’y loger les machines modernes, imposent la répartition des unités et rendent pénible la manutention de la matière première et des produits finis. Raymond décide d’installer un chantier à l’extérieur de la ville, sur un terrain proche de la gare, et bâtit avec l’aide de deux ou trois compagnons un hangar de 800 m2 destiné au stockage du bois pour la fabrication de cylindres. Quelques années plus tard, s’y ajoute un second hall muni d’un pont roulant de cinq tonnes, doublant ainsi la surface disponible. Diversification et expérimentation 1 Exode rural massif, progrès technologiques, industrialisation, urbanisation, augmentation du niveau de vie : tout converge au cours des décennies qui suivent l’après-guerre pour modifier la société en profondeur. L’Alsace s’inscrit dans le mouvement et connaît une importante mutation. La mise en valeur de l’espace rhénan par les perspectives du Marché commun donne un nouvel élan à l’économie régionale qui, à partir de 1957, connaît une période de prospérité quasi ininterrompue jusqu’en 1974. Pourtant, ce que deux guerres et une crise mondiale n’ont pas réussi à entamer, les Trente Glorieuses et les années suivantes y parviendront. En effet, dès 1954, l’industrie textile commence à connaître des difficultés sérieuses dans l’ensemble du département. Dès lors, le recours aux licenciements et au chômage partiel va affecter toutes les entreprises de la vallée et tourner peu à peu toute une page de l’histoire industrielle. 4 0 8 19 62 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS et on - ion sati 6 i 4 t n 19 utader m o m 63 1 Le 1er avril 1967, les E ts Burger sont la proie des flammes. 2 La presse continue conçue par Raymond Burger en 1959 pour la fabrication de bois lamellé collé. 3 En visite aux Ets Burger, les jeunes apprentis bûcherons sont particulièrement intéressés par la presse continue. C’est dans ce contexte que les établissements Burger abordent les années 1960 : une entreprise familiale travaillant presque exclusivement pour une mono-industrie dont le lent déclin est bel et bien amorcé. L’entreprise est en outre confrontée à la concurrence des matériaux plastiques techniques qui gagnent du terrain dans la conception des machines nouvelles, tant dans le textile que dans la papeterie. Le ralentissement de l’activité est inquiétant, et le chiffre d’affaires en baisse. Le bilan présenté par Raymond au conseil d’administration du 15 octobre 1966 fait état de ces difficultés. « L’affaire souffre toujours du malaise existant dans la branche textile. C’est pourquoi le conseil s’efforce de trouver des fabrications nouvelles dans d’autres branches industrielles : construction de chalets, coffrage de réemploi pour le bâtiment. Le blocage des prix de nos fabrications traditionnelles rend ces fabrications de moins en moins rentables. » 2 Les années d’après-guerre voient le déclin du textile et la fermeture progressive de nombreux établissements dans la vallée : en 1951, le tissage Koenig (244 personnes), repris ensuite par Blech ; Un moment difficile pour l’entreprise et pour Raymond Burger, désormais seul maître à bord depuis le décès de son père Rodolphe III, en 1966. Pleinement conscient de la nécessité d’adapter ses fabrications à la nouvelle donne du marché et contrebalancer ainsi l’effondrement de la demande dans l’industrie textile, il se consacre à la recherche de produits innovants. Pour cela, il lui faut investir dans de nouvelles machines, augmenter la productivité et la rentabilité de l’entreprise, embaucher des ouvriers qualifiés. en 1956, Dietsch (100 personnes) ; en 1962, les tissages Felme (52 personnes) et Guimpel (158 personnes) ; en 1965, Rissler (168 personnes) et les apprêts Diehl (108 personnes) ; en 1968, la filature Schoubart (108 personnes), puis Blech en 1973 et bien d’autres entreprises de plus petite taille, avec pour conséquence une véritable hémorragie de la jeunesse. Pour les responsables locaux, priorité est donnée à l’implantation d’industries nouvelles, créatrices d’emplois. 1 Le 1er avril 1967, l’atelier acquis par Rodolphe Burger, deuxième du nom, est la proie des flammes. Un court-circuit dans la salle des machines a provoqué l’incendie qui s’est rapidement propagé à l’ensemble des ateliers. Les dégâts sont très importants, l’ancienne charpente en sheds, entièrement détruite, est remplacée par une charpente clouée moderne, construite et installée par l’entreprise. Le pire a été évité mais le sinistre a porté un rude coup à la bonne marche des affaires. Les projets de construction sont remis à plus tard… En 1970, l’entreprise est à nouveau confrontée au manque d’espace pour loger les machines et permettre aux trente employés qu’elle compte désormais de travailler dans de bonnes conditions. Il s’agit de tirer le meilleur parti des locaux existant à Sainte-Marie-aux-Mines en améliorant notamment les conditions de manutention. Le remplacement de la machine Lanz par une machine à vapeur dix fois plus puissante, une Wolf d’occasion dénichée à Offenburg, est l’occasion de couvrir la dernière surface disponible sur la propriété familiale. Raymond y construit un bâtiment en lamellé-collé au moyen d’une presse continue, conçue et réalisée dans l’entreprise, et le dote d’un pont roulant de cinq tonnes circulant sur des poutres en bois. Il dispose maintenant d’une superficie de 2 500 m2. Il remédie, pour un temps, à l’exiguïté des lieux, mais la nécessité de s’installer à l’extérieur de la ville devient une évidence. Difficile en effet d’imaginer une croissance des activités en plein cœur de Sainte-Marie-aux-Mines. De plus, Raymond Burger doit s’engager à réduire les retombées de suie qui menacent d’encombrer l’égout municipal et qui suscitent des plaintes de la part des riverains… 3 0 8 19 64 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS et on - ion sati 6 i 4 t n 19 utader m o m 65 Inquiétude et transition Au milieu des années 1970, la société française se fige devant l’ampleur de la crise qui s’annonce et marque la fin des Trente Glorieuses. Si Burger a la chance de bénéficier d’une clientèle fidèle depuis plus d’un demi-siècle et assure toujours, grâce à l’atelier mécanique, l’entretien de bon nombre d’usines voisines, l’équilibre est fragile, très sensible aux fluctuations de la crise textile. La société Burcklé, équipementier du tissage à Bourbach-le-Bas, la SACM à Mulhouse, constructeur, entre autres, Les tentatives de diversification relèvent parfois de l’anecdote, telle la réalisation d’un des premiers prototypes de mobile-home, entièrement équipé, qui sera exposé en 1968 à la foire de Paris. Est-ce à cause des événements de mai ? Toujours est-il que l’espoir mis dans cet équipement ne se réalisera pas. Les visiteurs de la foire de Paris en septembre 1968 ont tout de même le plaisir d’admirer le prototype fabriqué chez Burger. Au lendemain du salon, il regagne les réserves du caravaniste. En France, la fascination pour la « résidence mobile » s’est concrétisée dans les années 1960 par le boom de la caravane (100 000 unités vendues chaque année). Il est encore trop tôt pour le mobile-home ! Aux E ts Burger, la fabrication du « mobile-home » fait appel à la polyvalence de l’équipe ! de métiers à tisser, les établissements Franck et Martel-Catala, à Sélestat, fabricants de toile métallique pour l’industrie papetière, Rossmann, papetier à SainteCroix-aux-Mines, Soprema à Strasbourg, fabricant de produits d’étanchéité, Rhénalu, fabricant de feuilles d’aluminium, et bien d’autres entreprises historiques comptent parmi les principaux clients de Burger, pendant plusieurs années. Signe des temps, le papier à entête des établissements Burger de 1973 ne mentionne plus ses « spécialités pour l’industrie textile et papetière », encore présentes en 1968. En revanche, y figurent les compétences suivantes : scierie-tournerie, atelier mécanique, usinage bois-métaux-plastiques, constructions mécaniques. 0 8 19 66 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS et on - ion sati 6 i 4 t n 19 utader m o m 67 1 édition 1975 de l’ITMA : Burger S.A. présente une réunisseuse d’ensouples. 2 Visite de chantier sur ce qui deviendra la zone industrielle de Bois-l’Abbesse. Les Ets Burger y installeront leur département « scierie, emballage et charpente industrialisée ». Dernières Nouvelles d’Alsace , 15 novembre 1976. 1 Mais Raymond ne compte pas s’arrêter là ! Il prospecte le marché de l’emballage à l’étranger et compte désormais une entreprise allemande parmi ses clients pour les cylindres en bois. Il se lance également dans la fabrication de palettes, de caisses et d’éléments de coffrage pour le bâtiment. Avec l’équipe de l’atelier mécanique, Raymond Burger n’a de cesse de concevoir et développer des matériels innovants destinés à l’industrie textile. Certains gagnent une réputation internationale, telle cette impressionnante machine réunisseuse d’ensouples, mise au point en 1975, qui connaît un franc succès à l’ITMA (Internationale Textil-Maschinen Ausstellung), exposition phare du matériel textile à Milan. 1 1 2 Pourtant, d’année en année, le manque d’espace rend impossible tout projet de déploiement et compromet notamment l’exploitation d’un nouveau débouché : la fabrication de charpentes industrialisées. Nouvelles productions, nouvelles machines, stockage des grumes en hiver, stockage des produits finis : force est de constater que les locaux de Sainte-Marie-aux-Mines ne suffisent plus. La société se voit incapable de répondre à la demande du marché. La pérennité de l’entreprise et le maintien de l’emploi de ses trente salariés passent par le transfert de Burger vers un autre site. Dès 1967, Raymond informe la municipalité de son souhait de déménager son entreprise sur un terrain plus vaste et mieux adapté à son activité. Lorsque la ville de Sainte-Marie-aux-Mines se porte acquéreur d’un terrain industriel en 1973, il réitère sa demande et espère trouver enfin une solution qui lui permettra de se développer. Deux ans passent, études, expertises et contre-expertises se multiplient de part et d’autre. Les décisions politiques se conjuguent aux arbitrages économiques. Les élus, confrontés aux sérieux problèmes économiques d’une municipalité qui vit au rythme des fermetures d’usines et des reconversions, invoquent des critères de rentabilité et de création d’emplois. En définitive, aucune proposition sérieuse n’est faite à Sainte-Marie-auxMines pour l’entreprise Burger. Un « mauvais coup » pour Raymond, très affecté mais soutenu massivement par l’ensemble du personnel qui installe, en novembre 1974, un piquet de grève devant l’usine, berceau de l’entreprise depuis 1896… 0 8 19 68 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS et on - ion sati 6 i 4 t n 19 utader m o m 69 1 En quelques mois, le premier hall sort de terre. Quiconque emprunte la RN 59 entre Châtenois et Lièpvre ne peut manquer l’ossature de métal qui s’élève en pleine campagne. 1976 : le défi de Bois-l’Abbesse « J’ai commencé chez Burger comme apprenti en 1972, après mon service militaire au Portugal. Mon père y travaillait déjà depuis deux ans comme menuisier. La France connaissait une pénurie Ces deux années auront permis à l’entreprise de mûrir l’idée d’une « délocalisation ». La situation est au demeurant préoccupante, aggravée par la conjoncture économique du moment. Lorsque la rencontre se fait avec les élus de la municipalité voisine de Lièpvre, la décision est rapide : Raymond fait le choix d’y installer son entreprise, au cœur de la nouvelle zone industrielle de Bois-l’Abbesse, créée sous l’impulsion du maire de Lièpvre, Guy Naudo, et de la Chambre de Commerce de Colmar. d’ouvriers qualifiés et avait fait appel aux travailleurs étrangers. Arrivé à Hendaye, mon père avait été directement envoyé à Sainte-Marie-aux-Mines ! J’ai appris le métier sur le tas à la menuiserie, en m’exerçant tout seul sur les machines et auprès des anciens de l’entreprise. C’était dur…, les anciens n’étaient pas des tendres ». Aires Marta 1 1 1 1 0 8 19 70 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS et on - ion sati 6 i 4 t n 19 utader m o m 71 1 L’inauguration a lieu le 13 novembre 1976 en présence de M. Gilly, préfet du Haut-Rhin. Des débuts modestes mais beaucoup d’optimisme. Au programme, entre autres, une démonstration de tissage sur les petits métiers fabriqués par Burger. Pour la première fois de son histoire, Burger se lance dans une construction « ex nihilo ». Pour assurer le transfert des locaux sans nuire à la production, l’ensemble du personnel déménage en une nuit les principales machines. Il est décidé que, dans un premier temps, la menuiserie restera à Sainte-Marie-aux-Mines. Les livraisons continuent presque sans interruption. Un premier bâtiment équipé de deux ponts roulants de six tonnes est inauguré le 13 novembre 1976 devant bon nombre de personnalités. 1 Une page est tournée. L’importance de l’investissement réalisé, une année de chiffre d’affaires, est la preuve d’une belle confiance en l’avenir et en la qualité de son savoir-faire. 1 1 1 2 2 Remise des médailles du travail par M. Gilly, préfet du Haut-Rhin, et par Raymond Burger. 0 8 19 72 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS et on - ion sati 6 i 4 t n 19 utader m o m 73 1 Burger lance la charpente industrialisée en bois, assemblée au moyen de connecteurs métalliques. Le bureau d’études Burger est relié par téléscripteur au bureau d’études de Twinaplate en Grande-Bretagne. 1 2 Publicité pour les chalets « Clarines ». 3 Métier à tisser à bras... Déjà une pièce de collection ? L’Alsace, juillet 1975. 4 Le métier à tisser « Florine » voit le jour alors que la vague hippie apporte ses étoffes artisanales et ses motifs ethniques. Ce métier à tisser porte le prénom de la fille de Raymond et de Lily Burger. 1 2 Dans ses locaux désormais adaptés, Raymond Burger s’oriente vers les professionnels du bâtiment et lance la fabrication de charpentes industrialisées, un créneau porté par une forte demande de pavillons individuels et la création des lotissements en périphérie des villes. En 1975, en effet, trois Français sur quatre sont urbains, contre un sur deux à la fin de la guerre. Or, l’échec des politiques de préfabrication lourde et le rejet des grands ensembles conduisent à un regain d’intérêt pour la maison individuelle. Malgré une situation fragile, les perspectives industrielles et commerciales sont dès le départ ambitieuses. Maints produits sont imaginés en l’espace de quelques années, destinés à compenser la perte liée au déclin du textile et à assurer du travail sur les différents secteurs d’activité de l’entreprise : la menuiserie, à Sainte-Marie-aux-Mines, et la scierie avec la charpente, l’emballage et la caisserie, installés dorénavant à Bois-l’Abbesse. Raymond propose alors en exclusivité un nouveau procédé, mis au point aux États-Unis et utilisé avec succès outre-Atlantique, qui assemble les éléments standards de charpentes au moyen de connecteurs métalliques. Un succès en demi-teinte car, si ce produit se développe bien partout en France, l’Alsace reste très attachée à la charpente traditionnelle… Une nouvelle expérience le porte vers la fabrication de petits chalets en bois, clé en main, dont il présente les premiers prototypes, nommés « Clarines », sur les foires-expositions de Mulhouse et de Strasbourg. Enfin, clin d’œil à un métier presque disparu, Burger fabrique une série de petits métiers à tisser à bras qui permettent, entre autres, d’initier les jeunes Sainte-Mariens à cet artisanat à l’occasion de stages d’été organisés par l’office du tourisme. 4 3 0 8 19 74 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS et on - ion sati 6 i 4 t n 19 utader m o m 75 1 En 1979, Raymond Burger conçoit et fabrique dans l’atelier mécanique une presse continue pour la fabrication de poutres droites en bois collé. Sur ce cliché, on reconnaît, au centre, le jeune Robert Dolder, alors mécanicien, reconverti maintenant au bois et devenu depuis responsable du département menuiserie. Yvan Bertola, à droite, responsable de l’atelier mécanique, est aussi une figure emblématique de l’entreprise Burger. Communiquer ! Burger S.A. a désormais deux adresses et se lance dans la communication ! Si elle participe traditionnellement aux expositions régionales et aux foires spécialisées, l’entreprise prend du retard dans ce domaine. Désormais, il s’agit d’informer et de se faire connaître. Publicité, rencontres avec la presse, sponsoring, se mettent peu machine..., tout le monde se retrouve à peu en place. dans une ambiance festive. Convivialité, En interne, en revanche, la fête a tou- camaraderie et solidarité envahissent jours animé la vie de l’entreprise : fête les souvenirs des anciens et sont tou- de Noël, remise de médailles, inaugu- jours présents dans le vocabulaire des ration d’un bâtiment ou d’une nouvelle plus jeunes et des nouveaux venus. 1 Parallèlement, l’entreprise renforce sa présence sur le marché des emballages spéciaux et tire profit de son savoir-faire dans l’usinage « sur mesure » du bois pour remporter des marchés. Grâce à l’atelier mécanique, la société conçoit et fabrique en interne les machines nécessaires à la fabrication de ces nouveaux produits. Elle produit ainsi des milliers d’accoudoirs de chaises de plein air pour un industriel spécialisé en matériel de camping. 1 De nombreuses pistes explorées, des produits créés au gré des opportunités : une diversification justifiée par une accélération sans précédent des mutations touchant le monde industriel dans un marché de plus en plus ouvert. 0 8 19 76 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS et on - ion sati 6 i 4 t n 19 utader m o m 77 4 78 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS 0 9 1 5 9 e l l e v e u l o l 8 e n e 9 u i 1 ne iq tr u og us l d in 79 1 2 Une diversification pour l’ingénieur Raymond Burger, à l’origine de cette « invention sainte-marienne » à l’honneur dans la presse locale. Premier produit conçu par Bertrand Burger : le métier à tisser « Céline ». Pas facile d’être « le fils de » ! Il faut travailler dur, peut-être plus que les autres. Et pourtant, il a passé tous ses étés dans l’entreprise depuis son plus jeune âge. « À 10-12 ans, c’était le chef d’atelier qui d n a r t r e B URGER B venait nous sortir du lit, mon frère et moi... On a grandi avec les gars. » Pourtant, contrairement à son père, son grand-père Accompagner le changement Trois ans après l’implantation de l’usine dans la zone industrielle de Boisl’Abbesse, c’est toujours un « Burger » qui pilote l’entreprise. Bertrand, second fils de Raymond et Lily, rejoint en effet l’entreprise créée par son arrière-arrière-grand-père dès sa sortie de l’École du Bois, en 1979. Il termine sa formation auprès de son père et élargit peu à peu ses responsabilités au sein de l’entreprise. et son arrière-grand-père, il ne se sentait en rien prédestiné à diriger l’entreprise familiale. C’est donc sans pression aucune et en toute liberté qu’il décide, son diplôme de l’École du Bois en poche, d’intégrer pour de bon l’entreprise familiale. Mais, pour hériter d’un tel outil à 20 ans, il faut d’abord faire ses preuves et trouver « J’ai commencé par créer des produits nouveaux pour trouver mes marques et comprendre le processus d’un bout à l’autre de la chaîne : concevoir, dessiner, chiffrer, adapter, réadapter et enfin vendre… » Il met ainsi au point un tout premier objet en kit pour un client parisien : un métier à tisser de table, qui équipe quelques foyers au début des années 1980. Ensuite, il conçoit une gamme de jeux en bois destinée aux aires de plein air des collectivités. Enfin, Bertrand Burger développe des produits en kit pour les magasins de bricolage. Il modernise également l’outillage de la menuiserie avec l’acquisition d’une première moulurière, qui effectue sept opérations traditionnelles en une ! 1 1 En 1985, Raymond décide de se retirer tout en restant PDG de l’entreprise jusqu’en 1995. En s’effaçant, il laisse en toute confiance son fils développer sa propre stratégie. Il peut désormais se consacrer à temps plein à ses nombreuses passions, notamment scientifiques. Depuis plusieurs années, il mène en effet des recherches sur les procédés de compression qui aboutiront, en 1990, à la mise au point d’une très innovante presse à déshydrater les boues résiduelles, utilisée dans le traitement des déchets. L’effectif de la société est alors de soixante personnes. Burger SA est installé sur une surface de plus de trois hectares et ne devrait plus rencontrer de problèmes de place… La page est tournée. Burger change de dimension et, sous la direction de Bertrand, se prépare un nouvel avenir. sa place. Il commence par s’essayer à la création de nouveaux produits, leur fabrication, puis la vente, la comptabilité et porte ses efforts sur la modernisation des outils industriels mais aussi de gestion. Il apprend vite et surtout sait s’entourer de compétences nouvelles. Et si l’histoire familiale n’est pas et ne doit pas constituer un fardeau, le lien affectif de l’actuel président avec les générations précédentes reste très présent… 2 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS e u l no e el e iqu tri n u og us l d in 8 80 5 e 99 vell 1 0- 19 81 1 Raymond Hestin, président du district du Val d’Argent, aux côtés de Raymond et Bertrand Burger, lors d’une remise de médailles du travail. L’Alsace , 2 avril 1993. Comme de nombreuses fêtes marquant les étapes de l’entreprise, celle-ci s’est déroulée à l’hôtel-restaurant Au Nid des Cigognes à Ostheim, appartenant au frère de Liliane Burger. 2 Les premières documentations commerciales des produits Burger réalisées à la fin des années 1980. À cette époque, ce sont les membres du personnel qui se prêtent au jeu des mises en situation pour les prises de vues ! 3 En permanence, on travaille à la valorisation des produits en rayon dans les grandes enseignes de bricolage. 1 Burger fait sa « révolution culturelle » Importance nouvelle prise par le logement, augmentation du pouvoir d’achat, allongement du temps libre, les pratiques sociales ont beaucoup évolué en ce début des années 1980… Effet des changements qui affectent les Français : ils passent plus de temps chez eux et sont soucieux de leur cadre de vie. Une transformation profonde du mode de vie dont le secteur de la grande distribution est le premier à tirer parti. Avec l’arrivée des premières grandes surfaces de bricolage au début des années 1980, chacun peut désormais embellir, rénover, remplacer… et, surtout, y prendre plaisir. En quelques années, bricoler est devenu le loisir préféré des Français ! Arrivé dans l’entreprise en plein dans la vague du « do it yourself » (à faire soi-même), Bertrand Burger est confronté d’emblée à tous les acteurs d’un marché naissant : le bricolage. Il pressent une opportunité à saisir dans ce domaine. Pour rester aux avant-postes de la modernité, le savoir-faire centenaire de l’entreprise se révèle précieux. En se tournant Le secteur du bricolage connaît, depuis une tren- vers les produits menuisés « industrialisables », Bertrand Burger a l’idée de proposer des pièces en kit. Il fait alors le lien entre la balustrade de balcon, une idée approchée par son père quelques années auparavant, et le marché du produit en kit. L’outil qu’avait conçu Raymond Burger à cet effet, « à partir d’une machine qui servait à faire des chanfreins sur les pieds de palettes », n’avait pas servi, faute de marché. Il permet, après quelques adaptations, de réaliser les premiers modèles de balustrades en kit. Les débuts sont encourageants, les balustres se vendent bien en Alsace et créent petit à petit leur marché. taine d’années, une croissance spectaculaire. 67 % des Français bricolent, soit 13 millions de personnes, contre seulement 3 millions au début des années 1960. Malgré un ralentissement en 2008-2009, le bricolage représente aujourd’hui un marché très important, estimé à 17 milliards d’euros, avec une croissance annuelle moyenne de 4 %, et ce, depuis plus de dix ans. Cette réalité statistique masque une concurrence acharnée dans ce secteur, il faut en effet sans cesse jouer des coudes et faire preuve d’une grande vigilance pour ne pas être distancé… 5 2 2 3 4 4 Balustres. Document commercial, années 1990. 5 La machine mise au point par Raymond Burger, à l’origine de la fabrication des balustres. BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS e u l no e el e iqu tri n u og us l d in 8 82 5 e 99 vell 1 0- 19 83 1 Sur les salons professionnels, Burger déploie sa gamme de balustres, marquises, auvents et escaliers. Ici, le salon Batimat à Paris, en 1995. 2 La société se dote d’outils industriels de plus en plus performants. à chaque fois, les équipes s’adaptent… S’ouvrir au marché du bricolage grand public L’entreprise se lance alors dans ce créneau jusqu’à le maîtriser complètement, avec le souci d’une qualité irréprochable. Elle étoffe son réseau de vente, composé en grande partie de commerciaux multicartes, élabore sa communication produits et remporte des contrats. Fort de ces premiers succès, Burger continue d’innover et propose bientôt aux grandes surfaces de bricolage différents modèles de clôtures, rampes et auvents à monter soi-même. 2 1 Nous avons d’abord travaillé avec des agents commerciaux indépendants qui proposaient nos « produits dans les négoces et les premières centrales d’achat. Nous étions présents dans les premiers salons professionnels, comme le Quojem. Nous avions des acheteurs, mais en magasin, nos produits ne se vendaient pas… Dès qu’on allait dans le Sud ou l’Ouest, on ne savait plus à quoi servaient les balustres ! Nous avons compris alors que nous devions maîtriser les techniques du marketing et de la communication, créer de nouveaux concepts et soutenir nous-mêmes notre marque. À partir de là, nous avons développé notre chiffre. » Sabine Maurer Si les premiers résultats sont encourageants, l’industrialisation de ces produits exige plus de productivité et d’automatisation pour monter en puissance. « Ces nouvelles orientations ont beaucoup modifié notre façon de travailler », affirme Bertrand Burger. « Être compétitifs, réactifs, rechercher sans cesse de nouveaux produits, travailler pour le public et la grande distribution, nous ont obligés à développer des solutions à chaque étape. En même temps, nous nous sommes équipés de nouveaux outils informatiques de gestion, de conception et, bien sûr, de fabrication. » Porté par la forte croissance des grandes surfaces de bricolage, Burger résiste à la crise qui frappe le secteur du bois. Pour autant, le choix de porter le développement de la société vers ce marché n’est pas sans conséquences et nécessite de repenser la stratégie de l’entreprise. Les anciennes habitudes, inadaptées à ce nouvel objectif, sont totalement abandonnées. La dimension d’entreprise familiale ne suffit plus, une évolution acceptée par tous avec intelligence et qui permet ainsi à Burger d’accéder à la vitesse supérieure. 2 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS e u l no e el e iqu tri n u og us l d in 8 84 5 e 99 vell 1 0- 19 85 1 Machine pour réaliser les charpentes industrielles. 2 Les bureaux de l’entreprise Burger en 1986. À Sainte-Marie-aux-Mines, les bâtiments 3 Vue aérienne de l’usine de Bois-l’Abbesse installée sur plus de 2 ha en 1986. industriels construits et reconstruits par trois générations de Burger sont peu à peu démolis. La demeure familiale retrouve son authenticité. Elle y gagne, aussi, un très beau jardin ! 1 Le transfert de la menuiserie à Bois-l’Abbesse 4 En 1986, la menuiserie est transférée de Sainte-Marie-aux-Mines à Boisl’Abbesse, et s’installe dans deux nouveaux bâtiments de 3 000 m2. Une étape qui met fin à l’éparpillement géographique des unités de production. La modernisation de l’outil industriel est indispensable. Il faut investir, automatiser, standardiser, réduire les délais et imaginer de nouveaux procédés d’assemblage, de finition. Il faut aussi faire évoluer un savoir-faire encore très largement artisanal pour l’adapter aux nouvelles technologies. Petit à petit, l’entreprise amorce avec succès les mutations technologiques et assure la reconversion complète de son personnel. 2 5 6 4 Avant Derrière l’enchevêtrement des hangars et du silo, on distingue à l’arrièreplan l’ancienne maison de Rodolphe III et d’émilie où sont nés les jumeaux, Raymond et Annette. 5 L’usine de Sainte-Marie-aux-Mines en cours de démolition. 6 L’ancien silo. 7 L’ancienne usine a laissé la place à un très beau jardin paysager. 3 7 Après BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS e u l no e el e iqu tri n u og us l d in 8 86 5 e 99 vell 1 0- 19 87 1 L’atelier de menuiserie a déménagé à Bois-l’Abbesse. Dernières Nouvelles d’Alsace, 4 février 1995. 2 Livraison de la première ligne Hundegger en 1991. 3 La nouvelle ligne automatisée de fabrication de charpente traditionnelle, la première installée en France. 4 Charpentes type fermette à connecteurs métalliques dont la production a été abandonnée au profit de la charpente traditionnelle, plus adaptée au marché régional. La reconversion de l’activité 1 « Quand la menuiserie a déménagé à Bois-l’Abbesse en 1986, nous étions inquiets parce que c’était nouveau. Mais les conditions de travail se sont beaucoup améliorées et je suis passé contremaître ! » Aires Marta 2 Une mutation sans précédent, étalée sur une dizaine d’années pendant lesquelles Bertrand Burger renouvelle 90 % de la production de l’usine, construisant le développement de la société sur des secteurs et des produits judicieusement choisis, où elle a une vocation de leader. La croissance est au rendez-vous. En 1988, la société met en place une politique d’intéressement du personnel. En 1990, le chiffre d’affaires passe à 5,18 millions d’euros, contre 1,14 en 1980. « Avec très peu de moyens financiers », estime l’un des acteurs de cette période, « plus qu’une reconversion, c’était la poursuite d’une culture de pionniers dans les domaines novateurs. » L’informatisation du bureau d’études et de la production est engagée. On apprend sur le tas et souvent grâce aux connaissances de l’un ou l’autre passionné d’informatique dans l’équipe ! Composer avec les compétences de chacun, une autre grande force de l’entreprise qui a su faire la démonstration, au cours de cette période, d’un véritable esprit d’équipe… La société abandonne la scierie des débuts, se dote d’un outil industriel performant, construit de nouveaux bâtiments et prend soin de ne pas se délester de son précieux savoir-faire artisanal. Alors que le bricolage représente plus de 70 % de la production, Burger renforce son activité en direction des professionnels du bâtiment en proposant la réalisation de charpentes sur mesure. 3 4 Un retour aux sources qui s’explique par une vraie demande locale car « si la charpente industrialisée avait bien marché ailleurs en France, l’Alsace était restée jalousement attachée à la charpente traditionnelle », commente Bertrand Burger. Un produit traditionnel et des pièces uniques, entièrement conçus par ordinateur, sont produits sur une ligne à commandes numériques acquise en 1991. « Nous avons bataillé ferme pour obtenir cet équipement qui n’existait pas encore en France. Nous l’avions repéré dans un salon professionnel à Bâle, sur une vidéo de démonstration. J’ai d’abord dû convaincre le commercial pour qu’il me permette de voir la machine chez le fabricant en Allemagne. On ne me prenait pas au sérieux… Ensuite, pour pouvoir acheter la machine, il a fallu la faire homologuer par des ingénieurs français et faire les modifications demandées. Deux camions ont été nécessaires pour la rapatrier et, pour couronner le tout, elle a été mise sous scellés à la douane, parce que nous l’avions déclarée comme… machine combinée. Évidemment il y avait une différence… de taille, mais aucune nomenclature ne correspondait ! » L’abandon de la scierie n’est pas une décision facile. « J’ai fait le tour de toutes les possibilités, j’avais tout envisagé, sauf l’arrêt », se souvient Bertrand Burger. « Et puis, en un week-end, la solution s’est imposée. Le lundi matin, j’ai appelé mon père, je lui ai dit qu’il fallait arrêter la scierie, il m’a répondu spontanément : “D’accord”. J’ai su après qu’il n’était pas tout à fait réveillé et n’avait pas vraiment réalisé ! Puis, j’ai convoqué tout le monde et j’ai expliqué mon plan pour les six mois à venir. Le personnel de la scierie a été formé sur d’autres postes et nous avons trouvé un emploi similaire ailleurs à notre acheteur de bois. J’ai très vite mesuré les bénéfices de cette décision. Nous avons gagné de la place pour installer de nouvelles activités et dégager la trésorerie immobilisée pour l’achat et le stockage de grumes. » BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS e u l no e el e iqu tri n u og us l d in 8 88 5 e 99 vell 1 0- 19 89 1990-1995 : à la conquête des marchés Le catalogue produits de Burger s’enrichit. Il peut désormais proposer aux grandes surfaces de bricolage différents modèles de clôtures, balustrades, rampes, abris, marquises, appentis, vérandas… prêts à monter. Puis s’ajouteront les poutres Clip’s, les escaliers escamotables… Bientôt, l’entreprise obtient ses premiers référencements internationaux dans les enseignes de bricolage et de négoce de matériaux. Burger devient un fournisseur de référence pour de nombreux éléments de construction et d’aménagement de la maison. Pour marquer son ouverture sur l’international, Burger arbore une nouvelle identité visuelle. « En France on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ! » Tout le monde se souvient de ce fameux slogan martelé dans les années 1980 sur les ondes et à la télévision. À la suite du second choc pétrolier, puis avec la perspective du marché unique européen, impossible de vivoter dans les limites étroites du seul marché français. Le secteur du bricolage doit faire face à une concurrence grandissante. Pour s’adapter à cette nouvelle économie de marché, l’entreprise étoffe son service commercial et repense sa politique à l’exportation. Priorité est donnée à la recherche de partenariats dans les pays limitrophes, en tête desquels figurent l’Allemagne et la Belgique, puis le Luxembourg, la Suisse et l’Espagne. Pour prospecter ces marchés, l’entreprise fait le choix d’utiliser les services de commerciaux locaux, au fait des tendances et des modes de consommation locaux, ou de travailler avec les grandes enseignes françaises de bricolage qui commencent elles aussi à s’implanter à l’étranger. En 1991, Burger investit plus de 2 millions d’euros pour construire un nouveau bâtiment de 2 000 m2 et acquérir de nouvelles lignes de production entièrement automatisées. Aménager son espace de vie est à la portée de tous… même de Lucien ! Le sympathique rocker à la banane semble avoir trouvé un sens à son légendaire désordre ! Publicité d’Éric Sembach Dès 1991, la société s’internationalise et crée une filiale de vente en Italie, Burger Italia. Une première étape dans le développement international, qui sera grandement facilité par l’ouverture des frontières européennes et la signature du traité de Maastricht en 1992. illustrée par Frank Margerin. L a charpente Un centre d’usinage à commandes numériques, mais devant un écran, c’est un compagnon charpentier qui conjugue son expérience d’artisan chevronné à une passion pour l’informatique et la conception de produits en trois dimensions. Une fois les réglages effectués sur son ordinateur, il n’a plus à intervenir et contrôle sur son écran la fabrication des différentes pièces de la charpente. Faîtière, pannes et chevrons sont découpés et profilés avec une perfection que le grand-père Rodolphe III n’aurait pu imaginer, même à travers ses rêves les plus fous ! Pourtant, au final, finition, ponçage, traitement et contrôle qualité appellent la main de l’homme, qui fait la différence avec le même souci de qualité qu’il y a cent ans. 1 1 1 Documentation commerciale, années 1990. Burger étend sa gamme dans le secteur en plein essor du bricolage. BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS e u l no e el e iqu tri n u og us l d in 8 90 5 e 99 vell 1 0- 19 91 1 Burger regroupe tous ses produits de balustrade sur mesure, pour le marché professionnel, sous la marque « Bois Saint-Guérin ». 2 Exemple de balustrade traditionnelle fabriquée par l’entreprise Bois Saint-Guérin. « Un grand pas vers l’inconnu », se souvient Christian Grandgeorge à propos de cette aventure qui ne manquait pas de « panache ». « Nous allions pour la première fois nous lancer dans la distribution d’un produit que nous ne fabriquions pas nous-mêmes. » Burger fait ses premières armes dans un nouveau métier, celui de distributeur, et donne le coup d’envoi à une belle collaboration avec l’entreprise danoise Dolle, dirigée par François Grimal et détenue par la famille Dolle. La reprise en 1994 de la scierie Peter à Munster, revendue en 2002, permet à Burger d’assurer pour un temps la maîtrise de ses approvisionnements. La croissance externe Pour renforcer ses capacités de production et acquérir une taille suffisante afin de résister à la concurrence, Burger décide d’élargir son périmètre géographique et son marché. Ainsi, la reprise en 1992 de l’entreprise Bois Saint-Guérin, implantée entre Thonon et Morzine, spécialisée dans la fabrication de balustrades en bois sur mesure de type savoyard, marque une première étape de croissance externe. Dès lors, la société regroupe tous ses produits de balustrade sur mesure au sein d’une seule marque : « Bois Saint-Guérin », pour le marché professionnel. À peine un an plus tard, la pénétration de Burger sur le secteur bricolage est amplifiée par l’absorption, en 1993, d’une division de Macc SA, spécialisée dans les escaliers escamotables. Pour répondre aux exigences d’homogénéisation de la production, les industries de première transformation doivent de plus en plus être en mesure de fournir des produits semi-finis aux caractéristiques parfaitement standardisées, et d’adapter leur 1 propre approvisionnement en forêt. Les pays scandinaves, les pays de l’Est et le Canada ont développé une industrie concentrée et performante qui domine le marché mondial et concurrence la filière bois en France. Ce contexte difficile, nécessitant des investissements très lourds pour 2 La société Bois Saint Guérin au moment de son rachat par Burger en 1992. rester compétitif, contraint l’en- Un an plus tard, en 1993, quelques jours à peine avant la signature treprise Burger à se séparer de de l’achat de la société Macc, l’usine Bois Saint-Guérin est ravagée par de la scierie Peter en 2002. sa propre scierie en 1988, puis un incendie. Une perte importante et un coût financier non moindre. Bertrand Burger hésite à annuler l’achat. Au dernier moment, pourtant, il décide de proposer un prix d’achat divisé par deux ! « Ça passe… ou ça casse », pense-t-il alors. Et c’est passé ! BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS e u l no e el e iqu tri n u og us l d in 8 92 5 e 99 vell 1 0- 19 93 19 Bu 95 se rg : s 1 er 00 fê an te s « Cher Président et ami Jacques Santer, En 1976, La première pierre fut posée sur une prairie nue,et je formulais l’espoir de voir ici se développer mon entreprise. Cette terre est fertile, regardez autour de vous. D’autres entreprises se sont jointes à la mienne et prospèrent. Que ce chêne grandisse et vive longtemps avec notre Petite entorse au calendrier, le centenaire de société. Qu’il soit le symbole pour ceux qui nous sui- l’entreprise est célébré le 1 septembre 1995, vent de l’œuvre d’une société familiale, qui, par son de manière à fêter simultanément les 70 ans action, aura contribué, même si c’est modestement, à de Raymond Burger. l’édification de l’Europe, dans laquelle vous êtes amené er Jacques Santer, alors président de la Commission européenne et grand ami de Raymond et Lily, a L’Alsace du 2 septembre 1995. répondu à l’invitation comme bon nombre de personnalités, à l’exemple de Martin Gray, auteur de romans à succès. Les discours s’enchaînent, une vidéo retrace les grands moments des établissements Burger, les visites des locaux s’organisent autour des installations. Toute la journée, la fête bat son plein, entre émotion et bonne humeur. Alors que l’entreprise s’apprête à célébrer son centième anniversaire, en septembre 1995, Bertrand Burger est nommé PDG de l’entreprise. La société est installée sur plus de deux hectares, emploie une cinquantaine de salariés et réalise un chiffre d’affaires de 48 millions de francs contre 38 en 1993… Au prix d’une petite révolution industrielle et commerciale, « sans casse sociale », souligne alors Bertrand Burger, l’entreprise s’est hissée au rang de leader national de la balustrade et autres produits menuisés en kit, lancés par l’entreprise dans le secteur du bricolage. Révolution technologique aussi car la société mise sur des techniques de pointe et investit en permanence dans l’achat de nouveaux matériels. à jouer un grand rôle, et à laquelle , je le sais, vous Raymond Burger et Jacques Santer ont pris pelle et bêche pour planter un jeune chêne. Un symbole de force et de solidité qui a atteint aujourd’hui les 6 mètres de haut. vous attachez avec courage. » Extrait du discours de Raymond Burger lors de la plantation du chêne en présence de Jacques Santer, Président de la Commission européenne L’entreprise Burger, c’est aussi l’histoire du couple formé par Raymond et Lily. Entièrement investie aux côtés de Raymond, Lily l’accompagne dans ses déplacements, ses choix, soutient ses inventions. Unis, complémentaires, ils ont assumé ensemble la plupart des décisions liées à l’entreprise. Un tandem qui a su remarquablement transmettre les valeurs et la culture dont ils étaient eux-mêmes les héritiers. Moment de complicité entre Raymond et Lily Burger durant le repas du centenaire qui s’est déroulé à la salle des fêtes de Lièpvre. BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS e u l no e el e iqu tri n u og us l d in 8 94 5 e 99 vell 1 0- 19 95 « Ma génération a sans doute connu l’un des plus grands bouleversements technologiques 1 Les enfants de Bertrand et d’Annick Burger, Paul et Lou, participent à la fête. 2 L’assistance attentive aux discours de Raymond et Bertrand Burger. 3 Accolade suite aux discours officiels et à la passation de pouvoirs. 4 Les forces vives de l’entreprise en 1995. de tous les temps, contraignant les hommes à s’adapter mais apportant parallèlement une libération fantastique des tâches répétitives, souvent épuisantes et peu valorisantes. » Ces mots, prononcés par Raymond Burger lors du centenaire en 1995, résument à eux seuls le formidable défi économique, technologique et humain relevé par l’entreprise Burger en une courte décennie. 3 1 4 2 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS e u l no e el e iqu tri n u og us l d in 8 96 5 e 99 vell 1 0- 19 97 5 0 2 0 1 t n n o i 5 r t 9 u a s 9 o i 1 e t la ial l e d d on m a n 99 1 Plaquette commerciale, années 2000. 2 Pour améliorer l’échange de l’information à tous les stades et ainsi s’adapter au plus près des demandes et des réactions du marché, de nouveaux bureaux open space ont été conçus et réalisés par Florine Burger, architecte DPLG, en 2002. 3 Modélisation et simulation de plus en plus performantes, de plus en plus souples. En kit ou sur mesure pour épouser les évolutions L’histoire va se poursuivre et s’accélérer. En 2002, l’euro enterre le franc et bouleverse les habitudes. En Alsace, région frontalière, l’événement a un retentissement particulier, même si le fait européen s’est déjà imposé depuis quelque temps dans les entreprises. L’élargissement de la famille européenne en 2004, puis en 2007, suscite des craintes mais présente aussi des avantages pour les industriels : alignement des normes, accroissement des échanges et, à plus long terme, hausse du niveau de vie dans les pays nouvellement intégrés. 2 3 Internationalisation, mouvement de concentration des activités industrielles et commerciales, ouverture et croissance du marché, l’heure est aux stratégies de développement. L’enjeu est de taille, mais la dimension humaine de l’entreprise est aussi un atout. En effet, face à ces évolutions, Bertrand Burger mise sur la capacité de l’entreprise à réaliser et proposer des produits innovants, et oriente ses efforts vers la recherche, le développement et la promotion de sa marque. Faire évoluer les produits, les adapter et en créer d’autres est un passage obligé. Burger l’a bien compris et lance deux ou trois fois par an de nouveaux produits sur le marché du bricolage. Aussi, la démarche « recherche et développement » s’inscrit-elle comme une fonction clé dans l’entreprise. Ingénieurs et designers planchent sur des gammes de produits déclinés en plusieurs modèles. S’ils doivent être esthétiques et fonctionnels, ils sont également conçus de manière à minimiser les coûts, optimiser l’outil de production, rationaliser l’emballage et le transport. 1 Des commerciaux sur le terrain, au bureau d’études, de la fabrication à l’expédition, la réactivité au marché est le mot-clé de la réussite. Avec une préoccupation constante pour l’ensemble des collaborateurs, le partage immédiat des informations. Elle permet à Burger de gérer les mouvances du marché, les à-coups de consommation qui perturbent la gestion des carnets de commande car, de leur côté, les distributeurs stockent de moins en moins et gèrent en flux tendu. 2 0 01 ant 2 5- 100 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS rn 9 u 19 to a le e l ndi d o m on ti sa i al 101 Équipements de pointe, informatisation, pilotage centralisé, contrôle qualité, distribution : cette savante organisation est parfaitement orchestrée. Malgré le ballet incessant des robots, le geste du menuisier reste toujours présent. 1 3 Profileuse automatique Bacci à 8 têtes pilotée par commandes numériques pour la fabrication de balustres. 4 Tenonneuse double Bacci pilotée par commandes numériques et alimentée par un chargeur automatique. 5 Pilotage et réglage d’un robot 7 axes. 6 Réglages d’une moulurière Weinig 8 arbres pilotée par commandes numériques. 1 5 3 2 1 Centre d’usinage Bacci 5 axes équipé de 2 têtes doubles avec 4 broches, alimenté par un chargeur automatique, pour l’usinage des pièces en hêtre massif (tenonnage, mortaisage, fraisage, perçage…). 2 Ligne automatique de mise en longueur et profilage avec moulurière Wadkin 11 arbres. 4 6 0 01 ant 2 5- 102 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS rn 9 u 19 to a le e l ndi d o m on ti sa i al 103 1 Atelier doté de 3 lignes automatisées de taillage de charpente Hundegger. 2 Défonceuse à commandes numériques dotée de 4 têtes d’usinage avec 4 magasins d’outils. 3 Atelier d’emballage. 4 Atelier de débit, de rabotage et d’usinage. 2 3 1 4 0 01 ant 2 5- 104 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS rn 9 u 19 to a le e l ndi d o m on ti sa i al 105 1 Burgerom, une entreprise roumaine spécialisée dans la fabrication des moules pour fonderies. 2 La société Vabudo à Berezne, en Ukraine. L’implantation en Europe de l’Est 1 2 2 Pour développer ses capacités de production et son rayon d’action, Burger s’implante en 2006 en Roumanie, à cent kilomètres de Timisoara, dans la ville de Resita. En partenariat avec Adrian Chebetiu, chef d’entreprise roumain, Burger y reprend une entreprise, disposant d’un vrai savoir-faire dans l’usinage du bois résineux et particulièrement dans la fabrication des moules pour fonderies. « Nos méthodes étaient très différentes », confie, amusé, le directeur de la production de Burger, Goulven Ledru, dépêché sur place pour veiller au bon déroulement des opérations. Cette nouvelle entité nommée Burgerom permet aussi de fabriquer des produits à faible valeur ajoutée, comme par exemple des échelles de meunier. En 2008, pour s’établir en Ukraine, à Berezne, petite ville située à 150 kilomètres de Lviv, Burger s’associe à Dolle, partenaire industriel depuis la reprise de Macc en 1993, et à Vasil Simochko, propriétaire d’une scierieboissellerie spécialisée dans le feuillu et employant 175 personnes. Une association à trois, qui prend le nom de Vabudo et qui représente pour Burger un double intérêt : la maîtrise et l’élargissement de son offre produits, et, à terme, un premier pas vers les marchés russes et baltes… 1 2 1 0 01 ant 2 5- 106 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS rn 9 u 19 to a le e l ndi d o m on ti sa i al 107 1 Une des premières documentations commerciales de Mister bois datant du début des années 2000. 2 La documentation commerciale des années 2010. 3 Le magasin Mister Bois de Languidic, dans le Morbihan. 2 1 Des produits sur mesure pour le particulier… et le professionnel 3 3 Présent sur tous les segments de distribution de bricolage et de négoce, Burger veille depuis les années 1990 à satisfaire également sa clientèle professionnelle, épousant scrupuleusement les besoins de ses deux marchés, le produit standard et le produit sur mesure. Une manière d’équilibrer et diversifier la clientèle, mais aussi de contourner les ralentissements d’activité de l’un ou l’autre secteur. Pour déployer son offre de fabrication sur mesure d’équipements pour la maison, Burger lance, dès 1997, avec Gilles Toranelli un nouveau réseau commercial s’adressant aux professionnels comme aux particuliers. Une première enseigne « Mister Bois » ouvre ses portes à Sainte-Croix-aux-Mines, non loin de l’usine. Depuis, Mister Bois est devenu un réseau intégré d’« agenceurs d’habitat », implanté en Alsace, près de Mulhouse, Strasbourg et Sélestat, mais aussi en Côte-d’Or, dans l’Yonne et le Morbihan. Professionnels partenaires de Burger, ils interviennent dans la mise en œuvre de toutes sortes de solutions individuelles d’aménagement de la maison : abris, terrasses, vérandas ou auvents. La reprise, en 2003, de la société Boivin, leader dans la fabrication de gardecorps en Haute-Savoie, vient compléter cette offre de produits sur mesure haut de gamme, qui allient tradition et innovation. Sa direction est assurée par Didier Christin, qui dirigeait déjà Bois Saint-Guérin en 1992. montagne t r a d i t i o n s t e n d a n c e s n o u v e a u t é s w w w. b o i v i n - s a s . c o m BOIVIN MONTAGNE 2010 arrondis.indd 1 garde-corps prémontés bandes & moulures déco garde-corps en kit balconnières & jardinières claustras & impostes structures de terrasses palines séparations de balcon auvents et abris 20/05/2010 10:13:42 0 01 ant 2 5- 108 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS rn 9 u 19 to a le e l ndi d o m on ti sa i al 109 L a BALUSTRADE Une fois n’est pas coutume, c’est l’outil qui fait naître le produit… Lorsque, en 1976, Raymond Burger entrevoit un débouché industriel, il conçoit une machine adaptée à la fabrication de balustres. La commande ne se présente plus, et c’est Bertrand Burger qui sortira la machine de l’oubli où elle se trouve. « J’ai fait le lien entre la balustrade et le bricolage au bon moment. On a très vite réussi à en vendre en Alsace, mais ailleurs le client savait à peine de quoi il s’agissait… » La balustrade du début, traditionnelle et en bois, figure toujours au catalogue. À l’origine d’une vaste gamme de produits, elle illustre parfaitement l’adéquation du produit à la tendance. Aujourd’hui, elle change de matière et s’habille tour à tour de métal, de verre et bientôt de lumière… Pour innover… surveiller les tendances Face au consommateur qui fait des arbitrages nouveaux, Burger doit plus que jamais s’adapter et faire évoluer ses domaines de compétence. Conséquence de l’évolution des tendances, la coexistence du bois avec d’autres matériaux au sein d’une même gamme de produits : garde-corps, escaliers ou mains courantes. Une évolution qui apparaît aujourd’hui comme irréversible : « C’est vrai de longue date dans le meuble, c’est vrai aujourd’hui pour tous les équipements de la maison. » Au bois, on a adjoint de l’aluminium, de l’inox, du métal laqué, du verre, du composite et, bientôt, de la lumière. L’arrivée chez Burger en 2007 de Jean Bleu, directeur général issu du secteur de la métallurgie, et d’ingénieurs issus tant de la plasturgie que du bois, traduit cette volonté d’ouverture en marge du cœur d’activité traditionnel de l’entreprise. En marge… mais pas étrangère. En effet, l’entreprise avait déjà une vraie culture industrielle en mécanique incarnée par Raymond Burger, qui, pour mettre en application ses brevets et donc construire ses machines, avait doté l’entreprise d’un atelier mécanique dirigé par Yvan Bertola. En 1986, avec le déménagement à Bois-l’Abbesse, Bertrand Burger, ne maîtrisant pas suffisamment cette branche d’activité, a proposé aux deux mécaniciens spécialisés de l’époque de se reconvertir au bois en venant rejoindre l’équipe de Lièpvre. Ces deux personnes, Robert Dolder et Guy Fréchard, ont su expoiter leur expérience en usinage mécanique au profit de nouvelles commandes numériques pour travailler le bois, et ont activement œuvré à la maîtrise de la commande numérique dans tous les services de production de l’entreprise. Ils sont aujourd’hui responsables de fabrication des ateliers bois. Aujourd’hui, les designers réinventent des produits de plus en plus personnalisés, dans un esprit de « collection », à l’aide de logiciels de création en trois dimensions. Pour maintenir sa dynamique commerciale, Burger apporte un soin particulier à l’élaboration de ses supports de communication et de soutien marketing aux points de vente. Tout ou presque est réalisé sur place et les bonnes idées fourmillent aussi en interne : catalogues, outils d’aide à la vente, « pagivole », étiquettes et fiches produits, packaging, notices…, le tout traduit en sept langues, et parfois douze. « C’est le feu tout le temps ! », confie avec enthousiasme Emmanuelle Hoffmann, chargée de communication chez Burger. 0 01 ant 2 5- 110 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS rn 9 u 19 to a le e l ndi d o m on ti sa i al 111 1 Vue aérienne de la plateforme de produits de jardin. 2 Avec « Jardipolys », Burger se taille une place de choix sur le secteur du jardin. 3 Le catalogue Burger 2010. Une longueur d’avance… Les conséquences sur l’organisation industrielle sont parfois difficiles à gérer, elles bousculent les habitudes. Il faut affronter de nouveaux concurrents, parfois plus spécialisés sur une ligne de produits. Une nouvelle fois, l’équipe fait la preuve de sa capacité à suivre les évolutions rendues nécessaires par les contraintes de la compétitivité. À l’heure où l’entreprise se voit décerner le 1er prix de l‘Entrepreneur dans la catégorie Innovation par le cabinet Ernst & Young, il est bon de rappeler que chez Burger, l’innovation ne se cantonne pas aux produits ou à l’investissement technologique. Elle se décline aussi dans la démarche commerciale, l’évolution des secteurs d’activités, les ressources humaines. Si l’entreprise, Bertrand Burger en tête, se lance souvent de manière audacieuse sur des terrains inconnus, c’est parce qu’elle se sait appuyée par les compétences, l’expérience et le dynamisme de toute une équipe. C’est cette confiance réciproque qui est un élément clé de sa capacité à innover et à anticiper. Car, pour exister aujourd’hui, il faut continuer d’être pionnier. Un leitmotiv familial toujours d’actualité. L’ouverture sur le jardin Si des disparités existent, des enquêtes récentes font apparaître l’importance donnée dans de nombreux pays européens au cadre de vie et à la maison. Ressentis comme des lieux de refuge et de protection en réponse à une vie quotidienne de plus en plus cadencée, la maison, le jardin ou la terrasse sont perçus comme le centre d’une nouvelle convivialité, où l’on peut se retrouver en famille ou entre amis. Et, pour cela, plus question de ressembler à son voisin. Chacun souhaite personnaliser son univers, affirmer sa différence, comme le reflet de sa façon de vivre. Presse spécialisée, émissions de télévision, programmes de télé-réalité, sites Internet, catalogues d’enseignes…, les sources d’inspiration se multiplient pour les consommateurs et interpellent les industriels. 1 Au tournant des années 2000, Burger mesure l’importance de cette tendance. Jardin, terrasse et véranda sont devenus les nouvelles pièces à équiper. Un objectif ambitieux de croissance pour Burger, qui s’offre une place sur ce marché en pleine expansion de l’aménagement extérieur avec l’absorption de « Jardi Ouest », dont les produits sont fabriqués par des partenaires polonais. Avec cette intégration de produits pour le jardin qui viennent compléter la gamme des articles fabriqués par l’entreprise de Bois-l’Abbesse, Burger doit intégrer et maîtriser un nouveau métier : la logistique. C’est Christian Grandgeorge, entré dans le service production en 1979, qui a su dompter les nouveaux process informatiques et doter ainsi l’entreprise d’une gestion logistique de pointe. Emballage, forme et poids des colis, tout doit être adapté afin d’optimiser stockage et transport. Sur le site de Lièpvre, 40 000 commandes sont enregistrées par an, soit en moyenne 170 par jour… et autant de bulletins de livraison, suivis de palettes, de colis. Au final, ce sont 30 000 tonnes de produits en kit expédiées par an. Depuis peu, une partie des produits jardin est expédiée dans toute l’Europe depuis une plate-forme logistique située à Slubice, en Pologne, et pilotée depuis Lièpvre. « J’ai pris moi-même les commandes d’un élévateur pour montrer aux manutentionnaires que les produits n’étaient pas fragiles et qu’on pouvait par conséquent charger les camions en prenant moins de précautions, donc plus rapidement ! », rapporte Christian Grandgeorge. L’impulsion est donnée. En janvier 2009, Burger renforce sa présence sur ce secteur et élargit ses circuits de distribution par la reprise de la société « Jardipolys », alors propriété du groupe Dubois Jardins. 2 3 0 01 ant 2 5- 112 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS rn 9 u 19 to a le e l ndi d o m on ti sa i al 113 Pour quatre Français sur cinq, le jardin est un critère de choix important lors de l’achat d’une nouvelle maison. Un chiffre élevé qui s’explique par la valeur que le jardin confère au bâti mais aussi par l’espace de vie supplémentaire qu’il procure. En dehors de son entretien, il est vécu comme une « pièce à vivre », tour à tour cuisine, salon d’extérieur, salle de jeux ou de repos… Un important levier de développement pour Burger qui décide ainsi de « réagir offensivement » face à la crise qui touche tous les secteurs depuis 2008. Alors même que le marché du bricolage, « pour la première fois de son histoire », selon la Fédération des magasins de bricolage et d’aménagement de la maison (FMB), présente en 2008 des résultats en baisse, Burger augmente son chiffre d’affaires de 17 % en 2008 et de 37 % en 2009. Le catalogue s’enrichit d’une gamme de produits parfaitement complémentaires : bordures, mobilier de jardin, abris pour les animaux, structures de jeux, distribués essentiellement auprès des jardineries. Burger diversifie sa clientèle et se voit du même coup mieux armé pour lutter contre les variations et fluctuations saisonnières qui affectent le marché du bricolage. 0 01 ant 2 5- 114 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS rn 9 u 19 to a le e l ndi d o m on ti sa i al 115 1 Différents modèles de maisons à ossature bois. 2 Extension de maison en bois. 3 Abri de voitures avec un toit en persiennes de bois recouvert de plaques de verre. 1 1 Nouveaux enjeux, nouveaux défis 2 Depuis près d’une décennie, de nombreux modèles de systèmes économiques et sociaux s’essoufflent et entraînent une transformation profonde de la société de consommation. Finie, la surenchère dans le gigantisme de la grande distribution ; au cœur des débats, la proximité, l’humain, le spécifique, le durable. Dans cet environnement, en mutation permanente, l’industriel ne peut négliger aucune piste. Aujourd’hui, sans sacrifier au style et à l’esthétique, les Européens se tournent de plus en plus vers des produits respectueux des hommes et de l’environnement. La montée en puissance des thèmes de l’écologie et du développement durable profite au bois, qui bénéficie d’une meilleure image dans l’opinion publique. Dans un passé récent, il n’avait pas une si bonne image : difficultés d’entretien, matériau non durable, matériau du passé voire matériau du pauvre. Mais cette image a évolué pour maintenant s’inverser. Le bois est un matériau vivant et chaud ; un matériau naturel dont on redécouvre les qualités exceptionnelles de régulation hygrométrique, thermique et acoustique. Enfin, le respect de l’environnement fait son chemin tandis que se développent la réglementation, la normalisation et la labellisation des critères d’éco-certification qui garantissent la bonne gestion des forêts. Produire mais pas à n’importe quel prix, tel a toujours été le cheval de bataille de Burger qui privilégie un approvisionnement en bois responsable, qu’il s’agisse de résineux, de feuillus ou de bois exotiques. 98 % des matières premières sont ainsi issues de forêts gérées durablement, d’où l’écocertification PEFC-FSC des produits. Une vigilance qui s’applique également lors du choix des bois composites. L’entreprise privilégie le Japon, seul pays proposant des bois recyclés et recyclables. Aujourd’hui, tous les fournisseurs de Burger doivent désormais assurer la totale traçabilité de leur bois. Dans la même logique, Burger imprime tous ses documents sur des papiers éco-certifiés, provenant d’une filière maîtrisée. Le souci de préserver l’environnement ne s’arrête pas là puisque l’entreprise s’organise autour d’une politique écologique touchant tous les services. Le transport maritime et fluvial des matières premières est privilégié afin de diminuer l’empreinte carbone, et l’on veille à optimiser au maximum les flux routiers incontournables, grâce à une logistique pointue. Par ailleurs, les locaux de Bois-l’Abbesse sont, comme autrefois, entièrement chauffés au bois avec les sciures issues de l’usinage des produits. Les copeaux non brûlés sont utilisés par une société fabriquant des panneaux de particules. Le recyclage des déchets est bel et bien assuré à tous les niveaux. 3 Aujourd’hui, chez Burger, 98 % des bois sont certifiés, « même le bois composite, nous l’achetons au Japon où il est éco-certifié… ». 0 01 ant 2 5- 116 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS rn 9 u 19 to a le e l ndi d o m on ti sa i al 117 Maison bio climatique réalisation octobre 2010 Parc des expositions de Colmar (68) 1847-1894 1895-1931 façade sud © L’Alsace, 21 octobre 2010 Un nouveau chantier pour Burger : une maison d’allure très contemporaine qui allie matériau bois, éco-construction et haute qualité environnementale, et qui pourra être montée en une semaine. Après avoir fait le tour de l’ensemble des produits de la maison, il est naturel que Burger en arrive à la maison elle-même. En 2007, l’entreprise intègre une petite équipe maîtrisant parfaitement le savoir-faire de la maison à ossature bois. Aujourd’hui, l’entreprise Burger fait un pas de plus dans la réponse au défi écologique et s’apprête à lancer sur le marché une maison à ossature bois respectueuse de l’environnement, tout en restant accessible en termes de coût. « À nous d’éviter les excès », dit Bertrand Burger, « on peut aller très loin, au détriment du coût, mais nous ferons le nécessaire pour qu’elle réponde aux normes de Haute Qualité Environnementale », assure-t-il. Ce projet emploie pour le moment une équipe de quatre personnes mais devrait rapidement se développer. 1932-1946 espace de vie chambre 1947-1978 salle de bain vue de la cuisine En octobre 2010, lancement d’une nouvelle marque et d’un nouveau logo pour la commercialisation des maisons « booa ». Dès leur origine, les établissements Burger ont soigné leur identité visuelle. De la grande époque du textile 1979-1985 1986-1995 florissant, à l’activité industrielle de portée internationale, les logotypes ont accompagné, au fil des ans, les grandes mutations de l’entreprise. Sans changer d’esprit depuis le début des années 1950, le « bloc marque » est régulièrement redessiné, simplifié et dynamisé. 1996- 2006 Aujourd’hui, le nom de Burger, à la fois patronyme et marque commerciale, identifie la société en France, comme dans bon nombre de pays européens. Depuis 2007 0 01 ant 2 5- 118 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS rn 9 u 19 to a le e l ndi d o m on ti sa i al 119 Une belle réussite architecturale que ce bâtiment de trois niveaux, conçu et réalisé par Florine Burger, architecte DPLG. Entièrement réalisé en ossature bois par Burger, sa silhouette se détache sur le paysage. Il est représentatif d’une industrie performante et innovante, qui s’appuie sur une connaissance approfondie des matériaux et des procédés. Le nouveau siège de Burger est à l’image d’une passerelle pluridisciplinaire entre art et industrie. Sur le site de Bois-l’Abbesse, l’entreprise couvre désormais une surface couverte de 25 000 m2 sur 8 hectares de terrain. Elle a connu plusieurs phases d’extension pour faire face au développement accru de ses activités. Elle réunit également au sein d’un même bâtiment de 1 000 m2, les bureaux, jusque-là dispersés, de ses services commerciaux, de la comptabilité, de la direction et les bureaux d’études. Des locaux bien pensés qui facilitent davantage encore les échanges entre tous les acteurs de l’entreprise. Le personnel y gagne au passage une magnifique salle à manger qui offre, tel un écran boisé, une vue imprenable sur le massif vosgien. Les repas sont fournis par une entreprise voisine. Ici, point d’horaires imposés pour la pause, chacun gère son emploi du temps. Et même si l’ambiance et le cadre les y invitent, rares sont ceux qui s’attardent plus que de raison pour profiter du paysage ! 0 01 ant 2 5- 120 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS rn 9 u 19 to a le e l ndi d o m on ti sa i al 121 Cinq générations… une philosophie L’avenir vient de loin (aphorisme) Plus engagé, plus impliqué, plus responsable qu’un autre ? Sans doute. Donner son nom à son entreprise et à la marque de ses produits est une responsabilité. Elle se traduit par un fort attachement aux métiers du bois, à la performance industrielle, commerciale et stratégique. Chez Burger, l’équipe illustre à elle seule la combinaison d’éléments qui ne sont pas si souvent réunis au sein d’une entreprise : un ancrage dans les valeurs, des références, une philosophie commune. Si l’entreprise est plus que centenaire, c’est parce qu’elle a été capable d’innover, de prendre des tournants et de faire évoluer son savoir-faire initial. Elle a su s’emparer des technologies nouvelles, se renouveler en restant attentive à l’air du temps : une croissance tout en souplesse permettant à chacun de s’adapter. Au début, il y avait la simple mais intelligente opportunité commerciale de miser sur l’industrie textile en plein développement, et à présent, les produits industrialisés pour le bricolage et le jardin. Burger est aujourd’hui une formidable concentration d’énergies et de compétences qui allie la modernité de ses technologies et de ses produits à la tradition de ses racines centenaires. Elle n’a pas encore dit son dernier mot et il reste bien des terrains à défricher… Le cœur de l’entreprise en 2010. 0 01 ant 2 5- 122 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS rn 9 u 19 to a le e l ndi d o m on ti sa i al 123 Mohamed Marco Daniel Nathalie Stéphane Nicolas Emmanuel Antonio Isabelle Jérémy Blandine Guy Christelle Jean-Paul Marc Jean-Frédéric Joseph Hasen Nicolas Claude Laurent Jean Nicolas Philippe Postface Rachel Arnaud Élodie Étienne Philippe Goulven Fatima Jean-Marc Roxane Olivier Nathalie Denis Jean-Claude Sonia Aires Daniel Denis François Christophe Emmanuel Emmanuelle Jorge Franck Frédérique Clarisse Ansbert-Willy Pascale David Sylwia Thierry Patrick Pierre-Jean Denis Théodore Stéphanie Gilles Antonio Aurélie Patrick Diamantino Robert David Christophe Elisabeth Julie Bernard Laïd Colette Christian Richard Sona Jean-Claude Mario Éric Claude Sébastien Franck Denis Philippe Anne-Sophie Patrick Agnieszka David Marie Arnaud Noël Christian Jérémy Michèle Benjamin Jean-Marc Sonia Lorsque nous avons choisi de célébrer le centenaire de l’entreprise le 1er septembre 1995, jour du 70e anniversaire de mon père, Raymond, nous savions tous deux que nous prenions alors une liberté sur la vérité historique... En réalité, pour marquer un centenaire, il faut être prêt. Prêt à regarder derrière soi. Bien plus qu’une date sur un calendrier, cet anniversaire, au moment même où mon père me passait le relais, fut pour moi un point d’appui. Quinze ans plus tard, mon assistante Stéphanie, contactée par Laurent Aznar, directeur de l’agence Carré Blanc, me suggérait la réalisation d’un ouvrage sur l’histoire des établissements Burger. Il aurait été dommage, en effet, que celle-ci reste confinée dans les cartons d’archives. Mais surtout, il m’a paru important de restituer cette mémoire à l’ensemble de ses artisans. C’est ainsi qu’Anne Argyriou, historienne, par un travail minutieux, a su déterminer l’origine exacte de l’entreprise, le 1er mai 1847, date de l’achat du moulin de la Petite-Lièpvre par Rodolphe Ier du nom. En collaborant à son remarquable travail d’investigation, je mesure l’importance de ces histoires modestes qui viennent croiser la grande et donner toute sa dimension à cette formidable aventure humaine. J’y retrouve l’héritage spirituel de mon père et de ses prédécesseurs. Dans leur passion, leur ténacité, leur ingéniosité, leur audace mais aussi dans leurs doutes et leurs tâtonnements, j’y reconnais certains traits de mes frères Rodolphe et Jean-Marc, de ma sœur Florine, et de moimême. J’y retrouve aussi la force de caractère de ces femmes, mon arrière-grand-mère Émilie, ma mère Liliane, toutes deux originaires d’Ostheim, qui ont apporté aux hommes de la vallée l’ouverture de la plaine. Elles ont inscrit leur propre destinée dans celle de l’entreprise et sont le maillon solide dans la succession des générations. J’ai moi-même épousé une fille de la plaine, Annick Froehly, avec qui j’ai eu la chance d’avoir deux enfants exceptionnels, Lou et Paul. Je forme le vœu qu’ils puissent à leur tour devenir témoins et, pourquoi pas, acteurs de cette histoire. Savoir d’où l’on vient et qui l’on est, est essentiel. Regarder devant soi l’est tout autant. Cet ouvrage en témoigne. Des générations d’hommes et de femmes s’y sont engagés, apportant leur travail, leur détermination, leurs compétences. Cet engagement et leur confiance ont, au fil des années, assuré le succès et le développement de l’entreprise. Je tiens à rendre un hommage particulier à tous ces collaborateurs, ceux que je n’ai pas connu, ceux qui m’ont accompagnés par le passé et ceux qui m’accompagnent encore aujourd’hui. C’est grâce à leur soutien que tout cela a été possible et que tout reste possible. Bertrand Burger Christine 124 Tiziana BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS Sabine Ramiro Michèle Carlos Ludovic Cédric Alain Pascal Denis 0 01 ant 2 5- rn 9 u 19 to a le e l ndi d o m on ti sa i al 125 Bibliographie - Sembach Éric, Burger SA, 1895-1996, brochure éditée à l’occasion du centenaire de l’entreprise, Strasbourg, Haubtmann & Associés, août 1995. - Bohly Bernard, Fluck Pierre, « Sainte-Marie-aux-Mines : fouille de sauvetage d’une laverie », Pierres et terre n° 34, mai 1990, p. 105-106. - Centenaire de la chambre de commerce et d’industrie de Colmar, 1870-1970, Colmar, Alsatia, 1970. - Fluck Pierre, « La vallée aux cents fabriques », Cahier de la Société d’Histoire du Val de Lièpvre (SHVL), n° 22, 2000, p. 21-54. - Fluck Pierre, « Diagnostic des sites du patrimoine industriel du Val d’Argent », Cresat/UHA, 2007. - Fohlen Claude, « L’industrie textile au temps du Second Empire », Paris, Plon, 1956. Table des matières Chap. 1 1847-1896 Pionniers d’une industrie nouvelle p. 9 - Guerre R., « Le canal et les moulins de Sainte-Marie-aux-Mines, 1589-1909 », Cahier de la SHVL, n° 21, 1999. - Guerre R., « Le front à Sainte-Marie-aux-Mines durant la Grande Guerre », Cahier de la SHVL, n° 12, 1987, p. 21-32. Chap. 2 1896-1945 Le chemin du succès p. 25 Chap. 3 1946-1980 Mutation et modernisation p. 53 Chap. 4 1980-1995 Une nouvelle logique industrielle p. 79 - Klethi J.R., « Concentration et mécanisation industrielles à Sainte-Marie-aux-Mines », Saisons d’Alsace, n° 94, 1986, p. 95-103. Chap. 5 1995-2010 Le tournant de la mondialisation p. 99 - Mercier Roland, « Les maires de Sainte-Marie-aux-Mines, 1870-1919 », Cahier de la SHVL, n° 23, 2001. - Hau Michel, Stoskopf Nicolas, Les dynasties alsaciennes du XIIe siècle à nos jours, Perrin, 2005. - Jung Georges, « La société industrielle de Sainte-Marie-aux-Mines », Cahier de la SHVL, n° 20, 1998, p. 115-122. - Patris J.-P., Horter J., Jung G., La carte postale, miroir du val de Lièpvre, Do Bentzinger, 1997. Remerciements Merci à Lily Burger, Bertrand Burger, l’ensemble du personnel de l’entreprise et particulièrement Stéphanie Klinger, Sabine Maurer, Emmanuelle Hoffmann, Jean Bleu, Christian Grandgeorge, Aires Marta ainsi qu’Yvan Bertola pour leurs témoignages (les citations faites dans le texte et ne comportant aucune mention spéciale sont extraites des entretiens réalisés avec les personnes citées ci-dessus), Ariane Chottin-Burger pour ses relectures, David Bouvier, archiviste du district, François Haubtmann, photographe, Georges Jung pour ses éclairages sur le textile, Jacques Horter, Élie Levy et Michel André pour le prêt de documents iconographiques, Charles Ruff pour la lecture des manuscrits en allemand. - Stoskopf Nicolas, Les patrons du Second Empire - Alsace, Paris, Picard, 1994. Sources Archives Burger. Archives municipales de Sainte-Marie-aux-Mines. Journal « L’Alsace ». Journal les « Dernières Nouvelles d’Alsace ». Crédit photographique - François Haubtmann : p. 94, p. 95, p. 96, p. 97 - Vincent Leperre : p. 98-99, p. 101, p. 102-103, p. 104-105, p. 116-117 - Dorian Rollin : p. 114 et 115. 0 01 ant 2 5- 126 BURGER, LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS rn 9 u 19 to a le e l ndi d o m on ti sa i al 127 BURGER LES MILLE ET UNE VIES DU BOIS Collection Mémoire d’entreprises® Directeur de collection : Laurent Aznar Rédaction/Iconographie : Anne Argyriou Coordination/Iconographie : Valérie Saos Direction artistique : Hervé Mairelle Maquette/Mise en page : Corinne Lory Gravure/Impression : Valblor, Strasbourg © Carré Blanc Éditions – 10b rue Cerf Berr – 67200 Strasbourg – France Tél. : 03 88 10 48 00 – E-mail : [email protected] - Internet : www.carreblanc.fr Burger Z.I. Bois l’Abbesse – 68660 Lièpvre – France Tél. : 03 89 58 91 21 – Fax : 03 89 58 43 44 www.burger.fr Dépôt légal : 4e trimestre 2010 ISBN : 2-84488-132-7 © Tous droits de reproduction réservés pour tous pays. Photographie de couverture : Shutterstock.