Le Dessalement Solaire - Centre de Développement des Energies

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Le Dessalement Solaire - Centre de Développement des Energies
Rev. Energ. Ren. : Chemss 2000 91-97
Le Dessalement Solaire - Considérations Techniques
A. Sadi
Centre de Développement des Energies Renouvelables, B.P. 62, Route de l’Observatoire, Bouzaréah, Alger
Résumé – L’exploitation des eaux saumâtres en Algérie peut s’effectuer en associant les procédés
de dessalement à une source d’énergie solaire, généralement thermique et photovoltaïque pour les
procédés à distillation et à membranes respectivement. Les différentes expériences à travers le
monde ont montré que ces procédés s’adaptent convenablement aux énergies renouvelables. Le
CDER a entrepris une étude expérimentale sur site réel d’une petite unité de dessalement par
osmose inverse alimentée par un générateur photovoltaïque. Ce type d’étude nécessite d’être
encouragé afin de maîtriser davantage cette technologie.
Abstract - The saline water exploitation can be performed by associating desalination processes
to solar energy sources. This can be done using thermal and photovoltaic systems to distillation
and membrane processes respectively. The several experiments undertaken around the world
have shown that these processes can adapt adequally to renewable energy sources. The CDER
has performed an experimental study in a real site, it consists of the study of a small reverse
osmosis unit fed by a photovoltaic generator. This kind of research work must be promoted in
order to have a better understanding of this technology.
Mots clés: Dessalement – Distillation – Membranes - Eaux salines, Energie solaire – Thermique Photovoltaïque.
1. INTRODUCTION
Devant une crise d’eau certaine qui commence à se faire sentir à travers le monde, en plus des
contraintes économiques pour un développement durable, des solutions appropriées
nécessitent d’être élaborées afin de se préparer à faire face à ce défi qui menace l’existence
même de l’homme. Notre pays qui dispose de ressources hydriques salines considérables et
d’un gisement solaire tout aussi important, doit utiliser les techniques de dessalement, dont la
fiabilité n’est plus à démontrer, en les associant à des sources d’énergies renouvelables. Cette
solution constitue un moyen assez fiable pour produire de l’eau potable. Il faut cependant
signaler que ce moyen reste économiquement fiable seulement pour des unités de petites
capacités allant de quelques m3 à des dizaines (voire centaines) de m3 d’eau potable par jour.
Il est important de signaler, que dans cette petite étude, nous considérons seulement ces types
d’installations. Pour de grandes capacités, l’association des procédés de dessalement avec les
énergies renouvelables nécessitent des coûts d’investissement élevés et la fiabilité de tels
systèmes n’est pas toujours assurée.
Les procédés de dessalement se répartissent en deux grandes catégories; d’une part les
procédés à distillation (qui nécessitent un changement de phase, évaporation/condensation ) et
d’autre part les procédés à membranes ( filtration ).
2. ASSOCIATION DES PROCEDES A
DISTILLATION AVEC L’ENERGIE SOLAIRE
Pour leur fonctionnement, les procédés à distillation nécessitent pour la grande part de
l’énergie thermique pour assurer le chauffage de l’eau salée. Pour l’eau de mer, par exemple,
100 à 50 thermies par m3 d’eau produite suivant le rendement de l’installation. De plus cette
énergie thermique doit être fournie à un niveau de température relativement faible, entre 120
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et 60 °C suivant la technologie adoptée. La source de chaleur peut être fournie, dans la cas
d’un accouplement solaire, par des capteurs solaires plans ou à concentration.
Les procédés les plus utilisés et qui sont susceptibles d’être accouplés à une source d’énergie
solaire sont :
- La distillation solaire direct à effet de serre qui constitue un procédé proprement solaire.
- Les procédés à distillation classique tel le procédé à Multi-stage flash, à multiple-effets, à
compression de vapeur.
2.1 La distillation solaire direct à effet de serre
Ce procédé consiste à chauffer de l’eau directement par le rayonnement solaire dans une
enceinte fermée recouverte de vitrage. La vapeur produite, qui se condense sur le vitrage plus
froid et légèrement incliné, est recueille sous forme de condensât dans des gouttières. Le
principe est très simple, fiable et ne nécessite aucun entretien. Mais son rendement est
relativement faible, 4 à 5 litres/jours.m2.
Ils existent cependant deux types de fabrications de distillateurs, ces derniers peuvent être
construit soit :
- Sous forme de produit modulable, il s’agit généralement d’un bac (plastic, tôle, bois... ) isolé
inférieurement et recouvert d’un vitrage supérieurement. Plusieurs distillateurs peuvent être
alimentés simultanément pour former une unité de distillation. Le nombre de distillateurs
dépend de la capacité d’eau produite désirée. Ce modèle est utilisé seulement de très petites
capacités, plusieurs dizaines de litres par jours. Il est pratique quand les besoins en eau
distillée ne sont pas très importants (laboratoire d’analyse, parc auto ...).
Ils existent cependant plusieurs variantes, on peut citer le distillateur plan, en cascade, à
mèche, à multiple effets, sphérique... etc.
- Quand les besoins sont plus importants, plusieurs centaines de litres/jour, les distillateurs
sont construit en maçonnerie/béton sous de grands bassins vitrés. La surface dépend de la
quantité d’eau distillée voulue. Un certain nombre d’applications sont effectuées
généralement dans les zones rurales où les surfaces au sol sont disponibles.
L’analyse théorique est basée sur le bilan thermique du distillateur qui permet de déterminer
son rendement en fonction des différents paramètres.
2.2 La distillation à détentes successives ou multi-stage flash (MSF)
Ce procédé, généralement rentable seulement pour de grandes capacités de production
(plusieurs centaines de milliers de m3), est très peu souple et nécessite une durée de mise en
régime inadéquat pour une application solaire.
2.3 La distillation par compression de vapeur
C’est un procédé qui comporte une série d’évaporateurs, ses performances sont cependant
améliorées en recyclant la vapeur issue du dernier effet (au niveau thermique le plus bas) en la
comprimant pour ensuite l’utiliser comme vapeur de chauffe au premier effet. Ce procédé
peut utiliser de l’énergie solaire comme source de chaleur, mais nécessite une énergie
supplémentaire pour assurer la compression de vapeur. Celle-ci s’effectue soit avec un
compresseur mécanique (compression mécanique) ou un éjecteur de vapeur
(thermocompression).
2.4 La distillation par multiple effets
Dans cette catégorie, on distingue deux de procédés : les uns utilisent des tubes verticaux, les
autres des tubes horizontaux. L’avantage revient aux tubes horizontaux pour une puissance
de pompage moindre et un coefficient global d’échange thermique plus important.
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Ce procède consiste à un ensemble d’effets successives où la vapeur produite dans un effet est
utilisée pour chauffer l’eau de l’effet suivant en s’y condensant, l’apport thermique initial est
fourni à l’effet de tête (bouilleur). De part sa simplicité et sa souplesse de fonctionnement, ce
procédé est le mieux disposé à s’adapter à l’énergie solaire. Cette adaptation peut se faire :
- soit avec des capteurs solaires plans pour les petites unités allant jusqu’à plusieurs m3/jour.
- soit avec des capteurs à concentration pour des capacités plus importantes.
Un stockage thermique est souvent utilisé, sous forme de réserve d’eau chaude, pour
permettre d’avoir une certaine autonomie de fonctionnement en régime permanent ou
intermittent.
Fig. 1: Schéma d’une installation de dessalement par
multiple-effets accouplés à des capteurs solaires
2.5 Paramètres de conception
- capacité de l’installation: choix du procédé, choix du type de capteurs, choix du mode de
fonctionnement (intermittent ou permanent), l’utilisation ou non d’un système de stockage,
idée sur la température de tête de fonctionnement...
- nature de l’eau à traiter: choix du prétraitement, taux de conversion et rapport de
performance
- nombres d’effets: considérations technico-économiques
- nature et situation socio-économique du site: choix des matériaux, degré d’automatisme du
système
3. LES PROCEDES A MEMBRANES
Les principaux procédés à membranes utilisés dans le domaine du dessalement sont :
l’électrodialyse et l’osmose inverse.
3.1 L’électrodialyse
Ce procédé nécessite, pour son fonctionnement, l’application d’un champ électrique entre une
cathode et une anode pour permettre la migration des ions (positifs et négatifs) à travers les
membranes. C’est un grand consommateur d’énergie, ce qui rend son application solaire
possible, seulement pour les eaux saumâtres de très faible salinité.
3.2 L’osmose inverse
Le principe de ce procédé consiste à faire passer, sous l’effet d’une pression, de l’eau pure à
travers une membrane semi-perméable qui a la caractéristique de retenir les sels dissous dans
l’eau. Donc on a besoin de l’énergie nécessaire à alimenter une pompe haute pression, ce qui
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peut être fournie de façon économique (pour les petites installations) par un générateur
photovoltaïque ou un aérogénérateur. Un certain nombre d’installation sont en
fonctionnement à travers le monde, et les résultats obtenus à travers les différentes études et
expérimentations rendent son application très encourageante. Parmi ces applications, il est
intéressant de présenter celle entrepris par le CDER sur un site réel du sud Algérien.
3.3 Etude expérimentale d’une unité de dessalement entreprise par le C.D.E.R.
Le CDER a entrepris une étude expérimentale d’une petite unité de dessalement d’eau
saumâtre, qui produit de l’eau potable destinée aux besoins domestiques de quelques 800
habitants du petit village de Hassi-Khebi situé à 400 km au nord-est de la ville de Tindouf.
Caractéristiques du site
- Localité :
Village de Hassi-Khebi, 1400 km sud-ouest d’Alger
- Irradiation solaire :
6071 Wh/jour minimum, 7510 Wh/jour maximum
- Qualité de l’eau :
eau saumâtre, salinité: 3,5 g/l
- Energie conventionnelle :
inexistante
- Latitude : 29°l1, longitude : 5°21 ouest
L’ensemble de l’installation comprend 04 parties (Fig. 2) :
Un osmoseur constitué de plusieurs éléments : un système de prétraitement par filtration, une
pompe haute pression, six modules des dessalement placés en série, un système de posttraitement et accessoires /appareils de mesure.
Un générateur photovoltaïque : 72 panneaux inclinés à 35° fournissant 2736 Wmax. Un
système de régulation et stockage d’énergie : ce dernier est composé de 60 batteries ayant une
capacité de 500 Ah sous une tension de 120 volts. Le système est conçu pour une autonomie
de 3 jours sous un ciel couvert.
Système de stockage d’eau : il comprend 2 cuves de 8 m3 chacune; l’une pour l’eau saumâtre
et l’autre pour l’eau potable.
Fig. 2: Schéma de l’ensemble de l’installation de dessalement
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Caractéristiques de l’installation
Débit d’eau d’alimentations :
Débit d’eau potable :
Pression de fonctionnement:
Puissance électrique requise :
Tension d’alimentation :
Mode de fonctionnement :
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2700 1/heure
850 l/heure
12 bars
107 kW
110 à 134 volts
intermittent
Cette installation a fonctionné pendant plusieurs années par intermittence à raison de 3 heures
par jour (ce qui suffisait les besoins journaliers des habitants). Pendant son expérimentation,
l’osmoseur a connu plusieurs périodes d’arrêts (allant de 3 à 6 mois) causées généralement
par mauvaise manipulation de la part de l’opérateur. La consommation énergétique de l’unité
est représentée dans le graphe suivant (Fig. 3).
Fig. 3: Consommation d’énergie et puissance de l’unité
Fig. 4: Pressions d’entrée et de sortie des modules d’O.I.
Comme on peut le constater, une légère augmentation de la consommation d’énergie s’est
produite avec le temps (Fig. 3). Ceci s’explique par le phénomène d’entartrage et de
colmatage qui se produit sur la surface des membranes, et qui se traduit par une augmentation
similaire des pressions de fonctionnement (Fig. 4).
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3.4 Paramètres de conception
- Besoins en eau : taille et configuration de l’unité
- Nature de l’eau : choix des membranes et de leur configuration, choix du type de
prétraitement, taux de conversion
- Situation socio-économique du site : infrastructures, main d’oeuvre
- Données météorologiques du site (ensoleillement, vent...).
4. CONCLUSION
Les différentes applications a travers le monde ont montré que le dessalement solaire est
beaucoup plus approprié pour les installations de petites capacités, et que leur champ
d’application très vaste (à usage domestique, santé, industrie, tourisme..).
L’application du dessalement par les énergies renouvelables peut être résumée dans le tableau
suivant qui indique deux catégories de capacité de production. Le choix du procédé dépend
cependant de plusieurs paramètres.
Comme on peut le constater sur ce tableau, la capacité ne dépasse pas 100 m3/jour. Ce chiffre
est à comparer à 100 000 m3/jour que produirait une installation classique par exemple. Il
n’est pas question à l’heure actuelle de vouloir réaliser des installations de grandes capacités
fonctionnant avec les énergies renouvelables pour deux raisons: le coût des investissement
est trop important, d’une part, et la fiabilité de tels systèmes est à démontrer.
Par contre, pour les petites capacités de production, on peut envisager la production d’eau
douce en accouplant les énergies renouvelables avec des procédés de dessalement.
Il est cependant très difficile de dire que tel ou tel procédé est meilleur. Chaque cas doit être
considéré de façon particulière.
L’installation expérimentale en fonctionnement dans le village de Hassi-Khebi a donné
entière satisfaction du point de vue technique. Cependant, son degré d’automatisme n’était
pas compatible avec la qualité de main d’oeuvre disponible sur site. Une installation plus
simple fonctionnant seulement en mode manuel aurait évité les périodes d’arrêts causées par
les mauvaises manipulations de l’opérateur.
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Il est important aussi d’encourager d’autres études expérimentales sur site, car ceux-ci
permettront de prendre connaissance avec les problèmes liés au site. Pour cela, la conception
des systèmes doit être simple et fiable, elle doit prendre en considération.
- Les conditions sociales et environnementales du sites
- La nature du milieu dans lequel va évoluer le système
- Les conditions de fonctionnement locales
- L’utilisation de matériaux locaux si possible.
REFERENCES
- A. Maurel, ‘Energie Solaire et Dessalement de l’Eau de Mer’.
- S. Domenech, B. Gros et M. Enjalbert, ‘Couplage d’une Unité de Dessalement par
Thermo-Compression avec des Capteurs Thek’.
- W.T. Hanbury and T. Hodgkeis, ‘Course in Desalination Technologie’.
- F. Lauro, ‘Les Procédés de Dessalement par Distillation’.