L`Acte uniforme relatif au droit de l`arbitrage dans le cadre du Traité

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L`Acte uniforme relatif au droit de l`arbitrage dans le cadre du Traité
Odahata D-08-79
L’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage dans le cadre
du Traité OHADA
Par
Gaston KENFACK DOUAJNI
Magistrat - Spécialiste en contentieux économique (E.N.M. Paris)
Membre de la Cour Internationale d’Arbitrage de la CCI
sous-Directeur de la Législation Civile, Commerciale, Sociale et Traditionnelle
au Ministère de la Justice – Yaoundé, Cameroun
et
Christophe IMHOOS
Avocat au Barreau de Genève, Suisse
Master of Comparative Jurisprudence, New York University
Ancien Conseiller auprès de la Cour Internationale d’Arbitrage de la CCI
Revue Camerounaise de l’Arbitrage n° 5 – Avril - Mai - Juin 1999, p. 3.
Signé à Port-Louis le 17 octobre 1993, le Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des
Affaires en Afrique (ci-après « Traité OHADA ») vise à sécuriser l’environnement juridique
et judiciaire des affaires dans les Etats Parties.
Le droit de l’arbitrage occupe une place importante dans le Traité OHADA. En effet, dès son
Préambule, ses signataires se disent « désireux de promouvoir l’arbitrage comme instrument
de règlement des différends contractuels ». Précisant l’objet de ce Traité, son article 1er
indique qu’il a en vue l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats Parties, « ... par
l’encouragement au recours à l’arbitrage pour le règlement des différends contractuels ». Pour
sa part, l’article 2 du Traité suscité mentionne le droit de l’arbitrage parmi les disciplines
juridiques qui entrent dans le domaine du droit des affaires, et qui doivent faire l’objet de
règles communes dans les Etats Parties.
En application du Traité OHADA, le Conseil des Ministres, organe législatif du système
OHADA, a adopté à Ouagadougou (Burkina Faso), le 11 mars 1999, deux textes relatifs au
droit de l’arbitrage : il s’agit du Règlement d’Arbitrage de la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage1 et de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage dans le cadre du Traité
OHADA (ci-après « Acte uniforme »).
Fixant le nouveau cadre législatif de l’arbitrage dans les Etats Parties au Traité OHADA,
l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage est un texte de trente-six articles qu’on
examinera à travers son champ d’application (I), la mise en œuvre de l’arbitrage (II), avant
d’en dégager quelques faiblesses ou insuffisances (III).
I.- CHAMP D’APPLICATION
Le champ d’application de l’Acte uniforme sera cerné au double plan matériel (A) et des
personnes habilitées à compromettre (B), puis dans l’espace (C).
1
cf. l’article de René BOURDIN dans le présent numéro, p. 10 et s.
A. Au plan matériel
L’Acte uniforme énonce en son article 1er, qu’il a « vocation à s’appliquer à tout arbitrage,
lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l’un des Etats Parties ». Il en résulte que
ledit texte s’applique aussi bien aux arbitrages civils que commerciaux. En effet, le Traité
OHADA, en application duquel l’Acte uniforme a été élaboré puis adopté, est relatif au droit
des affaires. Or, « on peut dans le droit des affaires, traiter d’une grande partie du droit
commercial, du droit civil, du droit fiscal2 ». Le droit des affaires comprenant certaines
disciplines relevant du droit civil, on peut en conclure que l’arbitrage dont il est question dans
l’Acte uniforme étudié s’entend de celui pratiqué, tant en matière commerciale qu’en matière
civile, d’où l’expression « tout arbitrage ».
Le raisonnement ci-dessus développé se trouve conforté par l’article 2 alinéa 1 de l’Acte
uniforme, qui lie l’arbitrabilité à la disponibilité des droits. Il résulte, en effet, dudit texte, que
« toute personne ... peut recourir à l’arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition ».
Avoir la libre disposition d’un droit implique que celui-ci soit disponible : « Un droit est
disponible lorsqu’il est sous la totale maîtrise de son titulaire, à telle enseigne qu’il peut tout
faire à son propos et notamment, l’aliéner voire y renoncer3 ». Or, on peut disposer d’un droit
aussi bien en matière commerciale qu’en matière civile, « on ne compromettra jamais pour
sanctionner une recherche de paternité la validité d’un mariage ou encore un divorce4, tandis
que … les droits pécuniaires nés du droit patrimonial de la famille (quantum d’une pension
alimentaire, litige sur une succession ouverte) ... »5 constituent des exemples de droits
arbitrables en matière civile.
Que l’Acte uniforme ait vocation à s’appliquer à tout arbitrage est tout à fait conforme, du
reste, au droit positif de ceux des Etats parties OHADA qui ont adhéré à la Convention de
New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales
étrangères. En effet, à l’exception de la République Centrafricaine, qui avait souscrit la
réserve de commercialité lors de l’adhésion à ladite Convention, les autres pays de l’espace
OHADA, parties à cette Convention, l’ont ratifiée sans aucune réserve6, éliminant ainsi
implicitement mais nécessairement, toute distinction entre arbitrage commercial et arbitrage
civil, dans leurs ordres juridiques respectifs7.
Si les développements qui précèdent montrent que l’Acte uniforme du 11 mars 1999 vise
aussi bien l’arbitrage commercial que tout autre arbitrage, il faut bien préciser que ledit texte,
essentiellement conçu pour l’arbitrage ad hoc, comporte également des dispositions relatives
à l’arbitrage institutionnel.
Il est ainsi prévu à l’article 10 al. 1, que « le fait pour les parties de s’en remettre à un
organisme d’arbitrage, les engage à appliquer le règlement d’arbitrage de cet organisme, sauf
pour les parties à en écarter expressément certaines dispositions ». Pour sa part, l’article 14
alinéa 1 prévoit que « les parties peuvent, directement ou par référence à un règlement
d’arbitrage, régler la procédure arbitrale ... Ces deux textes consacrent l’autonomie des parties
dans le choix des règles applicables à la procédure arbitrale, mais peuvent se révéler
2
3
4
5
6
7
Jean LARGUIER, Droit pénal des affaires – 2e édition - Librairie Armand Collin.
Patrice LEVEL, « L’arbitrabilité » in Revue de l’Arbitrage 1992 p. 219.
voir article précité de Patrice LEVEL, p. 222.
voir article précité de Patrice LEVEL, p. 222.
Au 4 juillet 1998, les pays de l’espace OHADA parties à la Convention de New York sont les suivants : Bénin, Burkina
Faso, Cameroun, République Centrafricaine, Côte d’Ivoire, Guinée Conakry (pays signataire), Mali, Niger et Sénégal
(Source : Secrétariat Général des Nations Unies).
P. FOUCHARD, « La levée par la France de sa réserve de commercialité pour l’application de la Convention de New
York », Revue de l’Arbitrage 1990 p. 571 ; G. KENFACK DOUAJNI, « Le cadre juridique de l’arbitrage au Cameroun »
cette Revue n° 4 p. 5.
d’application difficile dans la mesure où, il pourrait ne pas être possible de déroger au
règlement de certains centres d’arbitrage. C’est ainsi que les parties ne peuvent déroger au
règlement d’arbitrage de la CCI, une fois qu’elles ont convenu de s’y référer. L’intérêt de
l’article 10 alinéa 1 réside dans le fait qu’il autorise implicitement la création des centres
d’arbitrage dans l’espace OHADA, de telle sorte que les centres ou institutions d’arbitrage qui
existent dans ledit espace au moment de l’adoption de l’Acte uniforme, survivent à celui-ci,
tout comme d’autres centres ou institutions d’arbitrage peuvent être créés postérieurement
audit Acte uniforme.
Toutefois, bien que les institutions ou centres d’arbitrage ci-dessus évoqués puissent et
doivent normalement se doter de règlements autonomes, lesdits règlements ne devraient pas
comporter de dispositions qui s’écartent de l’Acte uniforme, avec lequel ils doivent être en
harmonie. En effet, une sentence arbitrale rendue sur le fondement d’un règlement qui serait
non conforme à l’Acte uniforme, pourrait être annulée par le juge étatique de l’un quelconque
des pays membres de l’OHADA appelé à contrôler ladite sentence.
Le domaine matériel de l’Acte uniforme du 11 mars 1999 étant ainsi déterminé, qu’en est-il
des personnes habilitées à compromettre ?
B. Au plan des personnes habilitées à compromettre
L’Acte uniforme énonce à l’article 2 alinéa 1, que toute personne physique ou morale peut
recourir à l’arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition ; il précise en outre, à
l’alinéa 2, que « les Etats et les autres collectivités territoriales, ainsi que les établissements
publics, peuvent également être parties à l’arbitrage, sans pouvoir invoquer leur propre droit
pour contester l’arbitrabilité d’un litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la
convention d’arbitrage ».
Très proche du droit suisse en ce qui concerne les questions d’arbitrabilité des litiges touchant
au droit public ou administratif8, la disposition ci-dessus rappelée introduit dans le droit des
Etats OHADA, la capacité pour les Etats et leurs démembrements, à compromettre en droit
interne. Il s’agit d’une avancée considérable, car dans la situation antérieure à l’Acte uniforme
étudié, les Etats et autres collectivités publiques n’étaient autorisés à compromettre qu’en
matière internationale et pas du tout en droit interne, ce qui était inconvenant à une époque où
l’Etat et ses démembrements sont de plus en plus amenés, même en droit interne, à conclure
des contrats commerciaux9. Quid de l’application de l’Acte uniforme dans l’espace ?
C. Dans l’espace
L’Acte uniforme relatif à l’arbitrage, qui n’opère pas de distinction entre arbitrage interne et
arbitrage international, retient comme seul critère de rattachement pour son application, le
siège du tribunal arbitral, qui doit se trouver dans l’un des Etats parties au Traité OHADA.
L’Acte uniforme s’appliquera donc non seulement aux procédures arbitrales entre
ressortissants de différents Etats Parties, mais également entre ressortissants d’un même Etat
Partie, lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l’un des pays de l’espace OHADA.
Il faut, à cet égard, signaler l’article 35 de l’Acte uniforme qui, tout en indiquant n’être
applicable qu’aux instances arbitrales nées après son entrée en vigueur, précise qu’il tient lieu
de loi relative à l’arbitrage dans les Etats Parties.
C’est l’une des dispositions novatrices de l’Acte uniforme, car sa conséquence pratique est de
doter d’un texte sur l’arbitrage, les Etats Parties qui n’en avaient pas. Quant à ceux desdits
8
9
voir l’article 177 du Chapitre XIII de la loi fédérale suisse sur le droit international privé (LDIP).
G. KENFACK DOUAJNI, « Le cadre juridique de l’arbitrage au Cameroun », cette Revue n° 4, p. 4.
Etats qui disposaient déjà d’un texte de loi sur l’arbitrage, l’Acte uniforme relatif au droit de
l’arbitrage se substitue audit texte. L’Acte uniforme pourra aussi s’appliquer à un arbitrage
mettant en présence des parties totalement étrangères aux Etats Parties, ou encore, un
arbitrage dans lequel l’une des parties seulement n’est pas originaire d’un Etat Partie, à la
condition, bien entendu, que le siège du tribunal arbitral se trouve dans l’un des pays membres
de l’OHADA. L’étude du domaine d’application de l’Acte uniforme relatif au droit de
l’arbitrage révèle ainsi l’existence de dispositions spécifiques dont d’autres seront découvertes
à l’occasion de la mise en œuvre de l’arbitrage.
II.- LA MISE EN ŒUVRE DE L’ARBITRAGE
Elle suppose l’existence d’une convention d’arbitrage (A) et consiste dans la constitution du
tribunal arbitral (B), celui-ci étant tenu de conduire l’instance arbitrale (C) jusqu’à son terme,
c’est-à-dire, normalement, jusqu’au prononcé de la sentence (D).
A. La convention d’arbitrage
On notera qu’à l’opposé de la Loi-type CNUDCI du 21 juin 198510 ou du Nouveau Code de
Procédure Civile français (NCPC)11, l’Acte uniforme ne définit ni l’arbitrage, ni la convention
d’arbitrage, qui est régie par ses articles 3 et 4.
Aux termes de ces textes, la convention d’arbitrage doit être faite par écrit ou par tout moyen
permettant d’en administrer la preuve, notamment par la référence faite à un document la
stipulant.
D’autre part, la convention d’arbitrage est réputée indépendante du contrat principal, sa
validité n’étant pas affectée par la nullité de ce dernier ; elle est, en outre, appréciée d’après la
commune volonté des parties, sans référence à un droit étatique.
L’Acte uniforme s’aligne ainsi sur des principes reconnus en matière d’arbitrage international,
tels que l’exigence d’une convention d’arbitrage écrite12, ou encore, le principe de
l’autonomie de la convention d’arbitrage, qui survit au contrat principal, au cas où celui-ci est
déclaré nul, cette nullité n’affectant pas la convention d’arbitrage13.
Bien que ne définissant pas la convention d’arbitrage, comme indiqué plus haut, l’Acte
uniforme (article 4 alinéa 3) donne aux parties en litige, la possibilité de souscrire à une
convention d’arbitrage, après que le litige ait été porté devant une autre juridiction. Il faut y
voir l’autorisation octroyée aux parties litigieuses, de conclure un compromis.
L’absence d’une définition expresse de la convention d’arbitrage dans l’Acte uniforme n’est
pas dramatique, d’autant que le Traité OHADA, et avant lui, la Convention de New York14
évoquée plus haut, instrument auquel ont adhéré la plupart des pays OHADA15, définit la
convention d’arbitrage comme étant une clause compromissoire ou un compromis.
En tout état de cause, conformément à l’article 13 de l’Acte uniforme, lorsqu’un litige dont un
tribunal arbitral est saisi en vertu d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction
étatique, celle-ci doit, si l’une des parties en fait la demande, se déclarer incompétente. Si le
10
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13
14
15
Le texte de cette Loi-type a été publié dans cette Revue n° 3 p. 24 et s. ; voir article 2 de ladite Loi-type.
Art. 1442 NCPC et 1447 NCPC.
voir article 7 alinéa 1 de la Loi-type CNUDCI.
Principe anglais dit de ‛Severability’, cf. en droit suisse, l’art. 178 al. 3 LDIP.
Le texte de la Convention de New York a été publié da:ns cette Revue n° 1 p. 28.
Roland AMOUSSOU-GUENOU, « Le droit et ta pratique de l’arbitrage commercial international en Afrique
subsaharienne », Thèse Université de Paris II, janvier 1995. n° 154 et n° 155.
tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer
incompétente, à moins que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle.
La juridiction étatique ne peut relever d’office son incompétence. Cette disposition, qui
reprend le texte français (art. 1458 NCPC), précise que l’existence d’une convention
d’arbitrage ne fait pas obstacle à ce que, à la demande d’une partie, une juridiction étatique,
en cas d’urgence reconnue et motivée, ou lorsque la mesure devra s’exécuter dans un Etat se
situant hors de l’espace OHADA, ordonne des mesures provisoires ou conservatoires, dès lors
que ces mesures n’impliquent pas un examen du litige au fond, pour lequel seul le tribunal
arbitral est compétent:
Quoi qu’il en soit, c’est en application d’une convention d’arbitrage que sera constitué le
tribunal arbitral.
B. La constitution du tribunal arbitral
L’article 10 alinéa 2 de l’Acte uniforme indique que « l’instance arbitrale est liée dès le
moment où l’une des parties saisit le ou les arbitres, conformément à la convention
d’arbitrage, ou à défaut d’une telle désignation, dès que l’une des parties engage la procédure
de constitution du tribunal arbitral ».
Le processus de constitution du tribunal arbitral consacre l’autonomie des parties, d’autant
que l’Acte uniforme (art. 5) prévoit que les arbitres sont nommés, révoqués ou remplacés
conformément à la convention des parties.
L’Acte uniforme, qui ressemble ici au droit suisse16, dispose que le tribunal arbitral s’entend
d’un arbitre unique ou de trois arbitres (art. 8), et précise que faute pour les parties, d’avoir
convenu des modalités de désignation des arbitres, chaque partie nomme un arbitre, et les
deux arbitres ainsi nommés choisissent un troisième arbitre, au cas où est prévu un tribunal
composé de trois arbitres. Dans cette hypothèse, si l’une des parties ne nomme pas un arbitre
dans le délai de trente jours à la réception d’une demande émanant, à cette fin, de l’autre
partie, ou si les deux arbitres ne s’accordent pas sur le choix du troisième arbitre dans un délai
de trente jours à compter de leur désignation, la nomination est effectuée, sur la demande
d’une partie, par le juge compétent dans l’Etat Partie.
De même, en cas d’arbitrage par un arbitre unique, si les parties ne peuvent s’accorder sur le
choix de l’arbitre, celui-ci est nommé, sur la demande d’une partie, par le juge compétent
dans l’Etat Partie.
L’Acte uniforme prévoit ... (art. 8 alinéa 2) que si les parties désignent les arbitres en nombre
pair, le tribunal arbitral est complété par un arbitre à désigner par les parties d’entente entre
elles, par les arbitres désignés ou, à défaut, par le juge compétent dans l’Etat Partie.
Il y a là une disposition qui vient corriger l’imperfection antérieure du droit camerounais de
l’arbitrage, en ce qui concerne la composition du tribunal arbitral17. Par ailleurs, cette
disposition qui s’inspire du texte français18, permettrait de régler les problèmes posés par le
tribunal arbitral tronqué en cas de récusation, d’incapacité, de décès, de démission ou de
révocation d’un arbitre19.
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17
18
19
Art. 179 al. 1 LDIP.
G. KENFACK DOUAJNI, « Le cadre juridique de l’arbitrage au Cameroun », cette Revue, n° 4 p. 4.
Art. 1454 NCPC.
Sur les problèmes du tribunal arbitral tronqué, voir M. SCHWEBEL, « Validité d’une sentence arbitrale rendue par un
tribunal arbitral tronqué », Bulletin de la Cour Internationale d’Arbitrage de la CCI, vol. 6/n° 2 Nov. F1995 p. 18 et s. ;
Dominique HASCHER, Note sous Paris 1er juillet 1997, Arrêt Comilog, Rev. Arb. 1998, n° 1 ; G. KENFACK DOUAJNI,
Note sous le même arrêt, cette Revue n° 3 p. 19 et s.
Les arbitres constituant le tribunal arbitral, ou l’arbitre unique, doivent toujours être des
personnes physiques ; ils doivent jouir du plein exercice de leurs droits civils et demeurer
indépendants et impartiaux vis-à-vis des parties (art. 6), qui ont toujours la possibilité de
récuser lesdits arbitres, mais uniquement pour une cause révélée postérieurement à leur
nomination (art. 7 al. 5)20. L’arbitre qui accepte sa mission doit porter cette acceptation à la
connaissance des parties, par tout moyen laissant trace écrite (art. 7 al. 1). Cette acceptation
par l’arbitre de sa mission, permet l’ouverture de l’instance arbitrale.
C. L’instance arbitrale
Comme indiqué plus haut, l’instance arbitrale est liée dès que l’une des parties saisit l’arbitre,
conformément à la convention d’arbitrage, ou encore, dès que l’une des parties engage la
procédure de constitution du tribunal arbitral (art. 10 al. 2).
Dans la conduite de l’instance arbitrale, les arbitres doivent observer des règles au plan
procédural (1) et en ce qui concerne le fond du litige (2).
1.- Règles applicables à la procédure
Aux termes de l’article 14 de l’Acte uniforme, les parties peuvent directement ou par
référence à un règlement d’arbitrage, régler la procédure arbitrale ; elles peuvent aussi
soumettre la procédure arbitrale à la loi de procédure de leur choix. Les parties sont donc
libres et autonomes dans le choix des règles applicables à la procédure, et les arbitres sont
tenus de conduire la procédure arbitrale, dans le respect de la convention des parties. Ils ne
peuvent appliquer des règles procédurales choisies par eux-mêmes, qu’à défaut de convention
des parties à cet effet. Une partie désirant décliner la compétence de l’arbitre doit en principe,
le faire in limine litis ; dans une telle éventualité, l’article 1 al. 1 de l’Acte uniforme consacre
le principe « kompetenz kompetenz » universellement reconnu, en prescrivant au tribunal
arbitral, de statuer sur sa propre compétence, y compris sur toute question relative à
l’existence ou à la validité de la convention d’arbitrage. La décision du tribunal arbitral sur sa
propre compétence peut être rendue dans une sentence intérimaire ou encore dans la sentence
finale.
Le principe du contradictoire domine la procédure arbitrale d’un bout à l’autre. En effet, les
arbitres doivent traiter les parties sur un pied d’égalité, et chaque partie doit pouvoir faire
valoir ses droits (art. 9).
Par ailleurs, les arbitres ne peuvent retenir dans leur décision que des moyens, explications ou
documents ayant fait l’objet des débats contradictoires entre les parties (art. 14 al. 15).
En ce qui concerne l’administration des preuves, l’Acte uniforme dispose que les parties ont
la charge d’alléguer et de prouver les faits propres à les fonder (art. 14 al. 3). En outre, les
arbitres peuvent inviter les parties à leur fournir des preuves qu’ils estiment nécessaires à la
solution du litige (art. 14 al. 4).
Le tribunal arbitral peut, le cas échéant, requérir l’aide des autorités judiciaires à
l’administration de la preuve (art. 14 al. 7). Cette disposition de l’Acte uniforme est inspirée
de la Loi-type CNUDCI et se rapproche du droit suisse21. Une autre règle prévue au plan
procédural, également contenue dans le nouveau règlement d’arbitrage de la CCI, est celle de
la renonciation au droit de faire objection (art. 1414 al. 8) ; en vertu de cette règle, la partie
qui, en connaissance de cause, s’abstient d’invoquer sans délai, une irrégularité, et poursuit
l’arbitrage, est réputée avoir renoncé à s’en prévaloir. Cette règle permet de protéger la
20
21
La même disposition existe en droit français (art. 1463 NCPC) et suisse (art. 180 al. 2 LDIP).
Art. 27 de la Loi-type CNUDCI et art. 184 al. 2 LDIP.
procédure arbitrale, et mieux, la sentence intervenue, contre les actions dilatoires des
plaideurs adeptes de la chicane.
De ce qui précède, il apparaît que les arbitres doivent respecter un certain nombre de principe
relatifs à la procédure arbitrale. Il en va de même en ce qui concerne le fond du litige.
2.- Règles applicables au fond du litige
Par une disposition inspirée à la fois du droit français de l’arbitrage22 et du Règlement
d’Arbitrage CCI, l’Acte uniforme (art. 15) pose que « les arbitres tranchent le fond du litige
conformément aux règles de droit désignées par les parties, ou à défaut, choisies par eux
comme les plus appropriées, compte tenu, le cas échéant, des usages du commerce
international ». Ils (les arbitres) peuvent également statuer en amiable compositeurs, lorsque
les parties leur ont conféré ce pouvoir.
Cette disposition introduit une grande souplesse et procure toute latitude à l’arbitre dans la
détermination du droit applicable au fond du litige. Ce dernier peut ainsi recourir à la méthode
dite de la « voie directe », qui lui permet de déterminer le droit à appliquer au fond du litige,
sans être tenu de se conformer à la traditionnelle méthode de conflit23.
L’instance arbitrale ne devrait pas, sauf convention contraire des parties, excéder six mois à
compter du jour où le dernier des arbitres a accepté sa mission.
Le délai de six mois ci-dessus indiqué peut être prorogé par accord des parties ou par le juge
compétent dans l’Etat Partie, mais à la demande, soit du tribunal arbitral, soit de l’une des
parties (art. 12).
Lorsqu’il estime que les parties ont, chacune, présenté leurs observations, le tribunal fixe la
date à laquelle l’affaire sera mise en délibéré (art. 17). Après cette date, aucune demande ni
observation ne peuvent être présentées, si ce n’est à la demande expresse et écrite du tribunal
arbitral, dont les délibérations sont secrètes (art. 18), et qui s’apprête à rendre sa sentence.
D. La sentence arbitrale
L’instance arbitrale s’achève normalement par la sentence, qui est rendue dans la procédure et
selon les formes convenues par les parties : à défaut d’une telle convention, la sentence est
rendue à la majorité des voix, lorsque le tribunal est composé de trois arbitres (art. 19)24.
Au plan formel, la sentence doit être signée et contenir des indications énumérées à
l’article 10 de l’Acte uniforme.
En outre, la sentence doit être signée par le ou les arbitres, et si une minorité d’entre ces
derniers refuse de la signer, il doit en être fait mention, et la sentence a le même effet que si
elle avait été signée par tous les arbitres (art. 21).
Dès qu’elle est rendue, la sentence arbitrale a l’autorité de la chose jugée relativement à la
contestation qu’elle tranche (art. 23). Par ailleurs, la sentence arbitrale dessaisit l’arbitre en
conséquence, dès après le prononcé de la sentence. L’arbitre est « functus officio » ;
cependant, bien qu’étant ainsi dessaisi après le prononcé de la sentence, l’arbitre a le pouvoir
d’interpréter la sentence, de réparer des erreurs ou omissions matérielles qui l’affectent, et si
l’arbitre a omis de statuer sur un chef de demande, il peut réparer cette omission par une
sentence additionnelle.
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Art. 1496 NCPC et art. 17 du Règlement d’Arbitrage de la CCI.
« Le Nouveau Règlement d’Arbitrage de la CCI et son impact sur les parties africaines, Christophe IMHOOS, cette Revue
n° 3, p. 3 ; ad art. 17al. 1 du Règlement CCI.
Art. 1486 NCPC : cette règle existe également en droit suisse, art. 189 al. 1 et 2, LDIP.
Dans les cas ci-dessus exposés, l’arbitre doit être saisi par une requête, laquelle doit être
formulée dans un délai de trente jours à compter de la notification de la sentence : l’arbitre
dispose d’un délai de quarante cinq jours pour statuer, et dans l’hypothèse où le tribunal
arbitral ne peut être à nouveau réuni, la requête sus évoquée doit être adressée au juge
compétent dans l’Etat Partie (art. 22).
Les règles ci-dessus développées sont inspirées tant du droit français que de la Loi-type
CNUDCI, et permettent à l’arbitre de pouvoir produire une sentence irréprochable.
L’Acte uniforme prévoit cependant, que la sentence arbitrale puisse faire l’objet de recours.
En effet, bien que n’étant susceptible ni d’opposition, ni d’appel, ni de pourvoi en cassation,
la sentence arbitrale peut faire l’objet d’un recours en annulation, ledit recours devant être
porté devant le juge compétent dans l’Etat Partie ; la décision de ce dernier n’est susceptible
que d’un pourvoi en cassation devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage.
Il y a lieu de noter ici le double degré de juridiction consacré par l’Acte uniforme, qui permet
dans un premier temps, un recours devant le juge compétent dans l’Etat Partie, puis dans un
deuxième temps, un recours devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, contre la
décision du juge compétent sus évoqué. La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage agit
alors en tant que juge de cassation. Ce système est calqué sur le modèle français, qui prévoit
que le recours en annulation est porté devant la Cour d’Appel du ressort dans lequel la
sentence a été rendue, l’arrêt de la Cour d’Appel pouvant ensuite faire l’objet d’un pourvoi en
cassation devant la Cour de Cassation française25.
Quoi qu’il en soit, les motifs du recours en annulation de la sentence sont énumérés par
l’article 26 de l’Acte uniforme. Il en résulte que le recours en annulation n’est recevable que :
- si le tribunal arbitral a statué sans convention d’arbitrage ou sur convention nulle ou
expirée ;
- si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement
désigné ;
- si le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée ;
- si le tribunal arbitral a violé une règle d’ordre public international des Etats parties au
Traité ;
- si la sentence arbitrale n’est pas motivée.
Ces cas d’ouverture à annulation ne sont pas très éloignés de ceux prévus par la Convention
de New York sus évoquée, dont le texte a été repris par la Loi-type CNUDCI26, sauf que la
nullité de la sentence pour défaut de motivation n’est pas prévue par ces deux derniers textes.
En cas d’aboutissement du recours en annulation, qui n’est recevable que dans le mois de la
signification de la sentence exequaturée (art. 27), il appartient à la partie la plus diligente
d’engager, si elle le souhaite, une nouvelle procédure arbitrale, conformément à l’Acte
uniforme. L’exercice du recours en annulation suspend l’exécution de la sentence arbitrale
jusqu’à ce que le juge compétent dans l’Etat Partie ait statué ; à moins que l’exécution
provisoire de la sentence arbitrale n’ait été ordonnée, auquel cas, le juge étatique sus évoqué
est également compétent pour connaître du contentieux de l’exécution provisoire (art. 28).
En dehors du recours en annulation de la sentence arbitrale, celle-ci peut également faire
l’objet d’une tierce opposition et d’un recours en révision, selon des modalités et dans des
conditions précisées par l’Acte uniforme (art. 25). Au cas où la sentence arbitrale n’est pas
25
26
cf. article 34 de la Loi-type CNUDCI.
exécutée spontanément, elle peut faire l’objet d’exécution forcée, en vertu d’une décision
d’exequatur rendue par le juge compétent dans l’Etat Partie.
La décision qui accorde l’exequatur n’est susceptible d’aucun recours ; celle qui refuse
l’exequatur est susceptible de pourvoi en cassation devant la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage ; cependant, le recours en annulation exposé plus haut emporte aussi recours
contre la décision ayant accordé l’exequatur, tandis que le rejet du recours en annulation
emporte de plein droit, validité de la sentence arbitrale, ainsi que de la décision ayant accordé
l’exequatur (art. 32 et 33).
En énonçant que la décision qui accorde l’exequatur n’est susceptible d’aucun recours, l’Acte
uniforme réduit les incertitudes affectant l’exécution des sentences arbitrales dans certains
pays de l’espace OHADA, comme le Cameroun, où ladite exécution pouvait se heurter à
certaines difficultés, avant l’adoption dudit Acte uniforme27.
La particularité de l’exécution des sentences arbitrales dans le système de l’Acte uniforme
OHADA résulte de son article 34, qui prévoit que « les sentences arbitrales rendues sur le
fondement des règles différentes de celles prévues par l’Acte uniforme sont reconnues dans
les Etats Parties dans les conditions prévues par les conventions internationales
éventuellement applicables, et à défaut, dans les mêmes conditions que celles prévues aux
dispositions du présent Acte uniforme ». Cette disposition novatrice et suffisamment ouverte
signifie que les sentences arbitrales étrangères aux pays de l’espace OHADA seront
reconnues en vertu des règles contenues dans la Convention de New York, pour autant que
celle-ci ait été ratifiée par les Etats en cause28, et à défaut, conformément à l’Acte uniforme,
notamment au regard de son article 26.
Dans ces conditions, l’adhésion à la Convention de New York par ceux des Etats OHADA ne
l’ayant pas encore fait, peut ne plus présenter d’intérêt pratique, puisque l’Acte uniforme,
comme la Convention de New York, permet d’obtenir la reconnaissance et l’exécution forcée
d’une sentence dans les pays OHADA.
Il convient de préciser ici que la sentence arbitrale sera réputée étrangère lorsqu’elle aura été
rendue par un tribunal arbitral dont le siège se situe en dehors de l’espace OHADA. Texte
inspiré du Nouveau Code français de Procédure Civile, mais également du droit suisse, et
dans une certaine mesure, du Règlement d’Arbitrage de la CCI et de la Loi-type CNUDCI,
l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage est assurément un texte moderne. Il comporte
cependant des faiblesses mineures qu’il serait inopportun de passer sous silence.
III.- FAIBLESSES OU INSUFFISANCES DE L’ACTE UNIFORME
Les faiblesses de l’Acte uniforme tiennent à certaines imprécisions (A), mais aussi à certains
recours contre la sentence (B), et à l’exécution provisoire de celle-ci (C).
A. Les imprécisions contenues dans le texte
La notion de juge compétent dans l’Etat Partie (1), celle d’ordre public international (2) et
certains événements entraînant la fin de l’instance arbitrale (3), pourraient donner lieu à des
difficultés d’application.
1.- La notion de juge compétent dans l’Etat partie
L’Acte uniforme fait référence au juge compétent dans l’Etat Partie, aussi bien au niveau de
l’appui à l’arbitrage qu’à ceux de l’exécution ou du contrôle de la sentence. L’expression
27
28
Lesdites difficultés ont été évoquées dans l’article précité de G. KENFACK DOUAJNI intitulé : « Le cadre juridique de
l’arbitrage au Cameroun ».
voir note 5 supra.
« juge compétent dans l’Etat Partie » a été retenue parce que chaque Etat partie dispose d’une
organisation judiciaire qui lui est propre. Il en résulte que le législateur de chacun des Etats
OHADA devra élaborer une loi de procédure dans laquelle sera déterminé ce juge compétent.
Etant donné que le juge étatique n’est pas toujours le même, selon que l’on se situe à la phase
de la constitution du tribunal arbitral ou à celle du recours en annulation de la sentence,
l’expression « juge compétent dans l’Etat Partie » aurait dû être davantage précisée, pour ainsi
guider les législateurs nationaux à déterminer plus facilement ce juge étatique, lors de
l’élaboration de la loi de procédure ci-dessus évoquée. A cet égard, il convient d’indiquer que
l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution comporte la formule « juridiction statuant en matière d’urgence »29, qui, tout en
respectant la prérogative des législateurs nationaux de déterminer le juge compétent, leur
fournit une précision qui, reprise ici, permettrait d’éviter d’arriver à une situation dans
laquelle le juge d’appui serait différent du juge de contrôle dans certains pays de l’espace
OHADA, alors que dans d’autres pays du même espace, les fonctions d’appui et de contrôle
seraient confondues entre les mains d’un même juge. On perçoit ici toute la difficulté
inhérente au système qui découle d’un Traité multilatéral impliquant des pays dont les
organisations judiciaires internes sont différentes.
A défaut d’avoir confié les fonctions d’appui et de contrôle à la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage, peut-être aurait-il dû utiliser les formules « juge compétent en matière d’urgence
dans l’Etat Partie » et « juge compétent en matière d’appel dans l’Etat Partie », qui paraissent
plus précises.
2.- La notion d’ordre public international
Le non-respect d’une règle d’ordre public international des Etats signataires du Traité ou des
Etats parties constitue, aux termes de l’Acte uniforme, l’un des motifs de recevabilité du
recours en annulation de la sentence et du refus d’exequatur de ladite sentence, sans que le
texte définisse ou donne des pistes susceptibles de faciliter la définition de cette notion
d’ordre public international des Etats parties.
Notion aux contours déjà imprécis en droit interne, l’ordre public international des Etats
parties est une notion encore plus floue : s’agit-il des mesures auxquelles on ne peut déroger à
l’intérieur de chacun des Etats parties, ou alors dans l’ensemble des pays de l’espace
OHADA ? Comme indiqué ci-dessus, l’Acte uniforme ne précise pas ce qu’il faut entendre
par « ordre public international des Etats Parties ou des Etats signataires du Traité ».
En attendant que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage puisse donner un contenu à cette
notion, il est probable que chaque juge étatique sollicité dans le cadre d’un recours en
annulation de la sentence ou d’une demande d’exequatur, s’appuiera sur son propre ordre
public interne pour statuer, ce concept ayant un contenu valable d’un Etat-Partie à l’autre.
3.- Les événements entraînant la fin de l’instance arbitrale
L’article 16 de l’Acte uniforme prévoit que l’instance arbitrale peut prendre fin en cas de
sentence définitive, dont nous avons vu plus haut, qu’elle marque la fin normale de
l’arbitrage. A côté de la sentence, l’article 16 précise que l’instance arbitrale prend fin par
l’expiration du délai d’arbitrage et peut prendre fin également en cas d’acquiescement à la
demande de désistement ou de transaction. S’agissant de l’expiration du délai d’arbitrage, on
peut regretter qu’il soit prévu dans un texte aussi moderne, que l’instance arbitrale puisse
prendre fin avant que ne soit rendue la sentence qui marque la fin normale de la procédure
29
voir note 49 dudit Acte uniforme.
arbitrale30. Il est vrai que l’article 16 précise que le délai de l’arbitrage peut être prorogé et
que l’article 12 de l’Acte uniforme règlemente les conditions et modalités de prorogation du
délai de l’arbitrage ; cela n’enlève rien au principe que l’arbitrage puisse prendre fin par
l’expiration du délai d’arbitrage, ce qui apparaît comme étant une insuffisance, tout de même,
dans un texte novateur.
L’acquiescement à la demande, le désistement et la transaction constituent également, et
comme déjà indiqué plus haut, des événements que l’article 16 cite comme pouvant mettre fin
à l’arbitrage. Dès lors que le texte ne précise pas si la survenance de ces événements donne
lieu à une sentence d’accord parties, il peut en résulter des difficultés pratiques.
B. Faiblesses liées à l’exécution de certains recours
Parmi les recours susceptibles d’être exercés comme sentence arbitrale, l’article 25 al. 4 de
l’Acte uniforme vise la tierce opposition devant le tribunal arbitral, « par toute personne
physique ou morale qui n’a pas été appelée, et lorsque cette sentence préjudicie à ses droits ».
A la différence du droit français, qui prévoit que la tierce opposition soit portée « devant la
juridiction qui eût été compétente à défaut d’arbitrage ... »31, l’Acte uniforme indique que la
tierce opposition doit être portée devant le tribunal arbitral, parce que la sentence querellée
préjudicie aux droits du tiers opposant, qui de surcroît n’a pas été appelé.
La question se pose de savoir comment on peut appeler une partie à un arbitrage, si elle n’est
pas liée par une convention d’arbitrage, alors que l’arbitrage a pour origine normale un
contrat32, comme cela résulte des articles 2 à 4 de l’Acte uniforme ? D’autre part, comment
concilier cette tierce opposition émanant d’une partie a priori étrangère à l’arbitrage, avec
l’article 23 de l’Acte uniforme, qui prévoit que la sentence arbitrale a l’autorité de la chose
jugée relativement à la contestation qu’elle tranche ?
C. Faiblesses liées à l’exécution provisoire
L’article 24 de l’Acte uniforme énonce que « les arbitres peuvent accorder l’exécution
provisoire à la sentence arbitrale, si cette exécution a été sollicitée… ».
Il en résulte que si l’exécution provisoire de la sentence n’est pas sollicitée par une partie,
l’arbitre ne peut d’office l’octroyer. Cette règle est en retrait par rapport à celle contenue dans
la législation antérieure de pays comme le Cameroun, la Côte d’Ivoire ou le Tchad, et selon
laquelle « les règles relatives à l’exécution provisoire des jugements sont applicables aux
sentences arbitrales ». Cette dernière règle avait le mérite de permettre à l’arbitre de prendre
l’initiative d’assortir une sentence arbitrale de l’exécution provisoire, au cas où il le jugeait
opportun, sans devoir attendre, comme désormais, que celle-ci soit sollicitée.
Les faiblesses et insuffisances ci-dessus exposées n’enlèvent pas grand-chose à l’Acte
uniforme, dont il faut redire qu’il comporte des règles conformes aux tendances modernes de
l’arbitrage, et dont le premier mérite est d’exister et de tenir lieu de loi relative à l’arbitrage,
dans une quinzaine d’Etats parties au Traité OHADA.
Avec l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et le Règlement d’Arbitrage de la Cour
Commune de Justice et d’Arbitrage, les pays de l’espace OHADA disposent d’atouts
supplémentaires pour stimuler l’investissement local, puis attirer et rassurer les investisseurs
30
31
32
Pour une critique de la même situation en droit camerounais antérieur à l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, voir
G. KENFACK DOUAJNI, « Le cadre juridique de l’arbitrage au Cameroun », cette revue, p. 4.
Art. 1481 NCPC.
« Ecrits, études et notes sur l’arbitrage » par Henry MOTULSKY, Dalloz 1974, p. 17 n° 11.
étrangers, à un moment où, du fait de la mondialisation, l’arbitrage en tant que mode de
règlement des différends est de plus en plus sollicité33.
33
voir l’article intitulé « Les entreprises préfèrent l’arbitrage au tribunal », Le Monde, mardi 1er juin 1999.