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Un entretien avec le professeur émérite Joseph E.
Roach
LE PROFESSEUR ÉMÉRITE JOSEPH E. ROACH
Dès leurs premiers jours sur les bancs de la Faculté
de droit, les étudiants et les étudiantes du Programme
de common law en français de l’Université d’Ottawa
sont rapidement confrontés à un personnage hors du
commun. Au fil des trente dernières années, et malgré
la profonde humilité qui le caractérise, le professeur
émérite Joseph E. Roach en est venu à symboliser la
fraternité, la collégialité et l’excellence académique
qui animent ce programme. Tant en ce qui a trait à
ses origines et à son évolution, l’enseignement de
la common law en français à l’Université d’Ottawa
demeure, à toutes fins pratiques, indissociable des
contributions du professeur Roach. En effet, on pourrait difficilement imaginer l’un sans l’autre. Les étudiants et les étudiantes du Programme de common law
français se souviendront tous et toutes de la passion
et du sens de l’humour véhiculés par le professeur
Roach dans l’enseignement du droit des biens.
Dans les prochaines pages ressortent des anecdotes parfois surprenantes sur les expériences d’un
des premiers diplômés de la Section de common law,
mais surtout le récit d’une vie qui continue à animer
les couloirs de la Faculté de droit. En automne 2011,
Nicholas Malone, ancien Rédacteur en chef, accompagné par les Rédactrices et Rédacteurs adjoints
Dana Antakly, Darius Bossé et Ariane Courtemanche
de la Revue de droit d’Ottawa, ont eu l’occasion de discuter avec le professeur Roach au cours de plusieurs
entretiens de sa vie, de sa carrière, et de la création
et la progression du Programme de common law en
français de l’Université d’Ottawa. La Revue de droit
d’Ottawa tient également à remercier le professeur
Yves LeBouthilier et Hélène Laporte.
Students who join the French Common Law Program
at the University of Ottawa’s Faculty of Law soon find
themselves in the presence of a unique individual.
Over the past thirty years, and in spite of his great
humility, Professor Emeritus Joseph E. Roach has
come to symbolize the fellowship, collegiality and
academic excellence that characterize this program.
From its earliest days, and throughout the development of the program over those years, the teaching of
French Common Law at the University of Ottawa has
been essentially inseparable from Professor Roach’s
contributions, to the point that it would be hard
to imagine one without the other. Students in the
French Common Law Program will all remember
the passion and humour brought to property law by
Professor Roach.
In the following pages are surprising anecdotes
about the experiences of one of the first graduates of
the Common Law Section, but mostly the life story
of a man whose presence continues to be felt in the
corridors of the Faculty of Law. In the fall of 2011,
Nicholas Malone, a former Editor-in-Chief, accompanied by Assistant Editors Dana Antakly, Darius Bossé
and Ariane Courtemanche, had the opportunity to
interview Professor Roach about his life, his career and
the creation and evolution of the French Common Law
Program at the University of Ottawa. The Ottawa Law
Review wishes to thank Professor Yves LeBouthilier
and Hélène Laporte.
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Un entretien avec le professeur émérite Joseph E.
Roach
LE PROFESSEUR ÉMÉRITE JOSEPH E. ROACH
I. UNE VIE ANCRÉE DANS L’ACADIE
Revue de droit d’Ottawa (« RDO ») : Professeur Roach, merci d’avoir accepté de nous
rencontrer. Nous aimerions commencer au tout début, pour en savoir davantage sur vos racines
acadiennes.Tout a commencé à Rogersville, n’est-ce pas ?
Joseph Roach (« JR ») : En effet, j’ai grandi dans le petit village de Rogersville, dans
l’est du Nouveau-Brunswick. J’ai toujours aimé cet extrait du livre Une étoile s’est
levée en Acadie, que j’ai retrouvé il y a quelques années et qui fait mention de Rogersville : « [g]râce à sa proximité de la voie ferrée, qui relie Montréal et Halifax, cette
nouvelle paroisse, sortie de la forêt immense et vierge serait pendant longtemps
plus importante que celle de Saint-Louis »1. La paroisse de Saint-Louis réclame avec
fierté qu’elle est le berceau du drapeau acadien puisque le père Marcel-François
Richard, alors curé de cette paroisse, y proposait le drapeau national de l’Acadie à
la deuxième convention nationale, tenue à Miscouche, Île-du-Prince-Édouard, lors
de laquelle ce drapeau a été adopté2. Par contre, la paroisse de Rogersville croit
remporter la palme en la matière puisque c’est là qu’est érigé le monument de
Notre-Dame de l’Assomption, un monument national inauguré le 15 août 1912 en
l’honneur de cette patronne des Acadiens et des Acadiennes3. On trouve également
1
2
3
Camille-Antonio Doucet, Une étoile s’est levée en Acadie : Marcel-François Richard, Rogersville, Éditions
du Renouveau, 1973 à la p 161.
La société historique acadienne de l’Île-du-Prince-Édouard, « Les symboles nationaux acadiens »
(1984) 10 La petite souvenance 20 aux pp 22-24. À la page 23, on explique le choix du drapeau
tricolore pour drapeau national des Acadiens français : « Comme marque distinctive de la nationalité
acadienne, on placera une étoile, figure de Marie, dans la partie bleue, qui est la couleur symbolique
des personnes consacrées à la Sainte Vierge. Cette étoile, Stella Maris, qui doit guider la petite colonie
acadienne à travers les orages et les écueils, sera aux couleurs papales pour montrer notre inviolable
attachement à la Sainte Église, notre mère ».
Pour plus de renseignements à ce sujet, voir Agence Parcs Canada, « Le monument Notre Dame de
l’Assomption », en ligne : Lieu patrimoniaux du Canada <http://www.historicplaces.ca/fr/rep-reg/
place-lieu.aspx?id=1567>.
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à Rogersville les monastères des Trappistes et Trappistines, des communautés qui
ont célébré leur centenaire en 20024.
RDO : Votre famille était alors établie à Rogersville depuis longtemps ?
JR : Mon père et mes oncles travaillaient dans l’industrie du bois. Mon père, qui
était mécanicien en machinerie à l’usine de papier Fraser à Atholville, est décédé
alors que j’avais deux ans. C’est à ce moment que ma mère, qui désirait se rapprocher de sa famille, est déménagée à Rogersville avec ses six enfants. À partir
de ce moment, mes quatre frères (Arnel, Jean, Eddie et Léo), ma sœur (Léona) et
moi avons toujours été connus comme les petits enfants de la veuve Roach ou les
« enfants à Ida » (quelle insulte, pour nous enfants, de se faire appeler les Roches à
quelques occasions ! Léo et moi, les plus jeunes, allions aussitôt relater l’incident à
Eddie et Jean pour qu’ils rappellent ces innocents à l’ordre). Mes parents sont tous
deux nés à Acadieville5. Cette double souche parentale à Acadieville constitue pour
moi un fondement sûr qui m’habilite à déclarer, sans prétention, que je suis un
Acadien à la deuxième puissance. Après les secondes noces de ma mère sont nés
trois petits Gallant (Ernest, Ronald et Paul).
RDO : Était-il difficile de vivre et de grandir en français à cette époque ?
JR : À vrai dire, en grandissant à Rogersville, j’ai jamais vraiment ressenti d’insécurité ou des préoccupations concernant l’érosion de notre langue et de notre culture
francophone. C’était un village bel et bien acadien, et dont la grande majorité des
familles y sont toujours francophones. J’ai fait mon école primaire en français au
couvent des Sœurs de Jésus-Marie ainsi qu’à l’école Gérard-Raymond qui était aussi
sous la direction des Sœurs de Jésus-Marie. Ces religieuses venaient pour la plupart
de l’ouest du Canada et elles avaient le souci de nous apprendre l’anglais. À partir
de la septième année, l’institutrice annonçait souvent que l’enseignement se ferait
en anglais le matin et en français l’après-midi, ou vice versa. Le milieu était tellement francophone qu’on choisissait de vérifier nos progrès en anglais auprès des
conducteurs de trains de la grande ligne de chemin de fer du Canadien National
lors de leurs arrêts à Rogersville. Ceux-ci se montraient particulièrement patients,
malgré nos maladresses évidentes, par exemple « I live over the church ».
RDO : À cette époque, le village de Rogersville n’occupait-il pas déjà une place particulière
pour le peuple acadien ?
JR : Oui. Rogersville était alors le lieu de pèlerinage des Acadiens et des Acadiennes
des provinces maritimes, ainsi que ceux et celles qui provenaient des états du Maine
et du Massachusetts. Le 15 août, ils venaient y célébrer la fête de l’Assomption,
leur fête nationale. C’était une fête à caractère religieux, mais aussi éminemment
4
5
Robert Pichette, Il est heureux que nous soyons ici : Les Cisterciens en Acadie, 1902-2002, Québec, MNH,
2002.
La paroisse d’Acadieville se situe entre les paroisses de Saint-Louis et de Rogersville.
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patriotique et sociale. C’était la fin de semaine très attendue du grand pique-nique
annuel, avec des jeux divers, un parc d’attractions et mets acadiens (y compris la
poutine râpée)6. Pendant deux jours entiers, les habitants de Rogersville accueillaient
des visiteurs des paroisses voisines, les parents des États-Unis et les curieux de
partout. Les discours qui suivaient la messe solennelle du dimanche moussaient la
fierté acadienne en rappelant le grand dérangement de l’Acadie, les réussites du
peuple acadien et sa vaillance à surmonter les défis à venir. En 1912, sous la direction de Monseigneur Marcel-François Richard, alors curé de Rogersville, la paroisse
a érigé le monument national des Acadiens afin de rendre hommage à sa sainte
patronne, Notre-Dame l’Assomption. Cette même année, alors que nous faisions
une célébration historique de l’Acadie à Rogersville, en Ontario, le Règlement 17
prohibait l’enseignement en français dans les écoles7.
Ma fierté acadienne, si bien nourrie à Rogersville, est tellement ancrée
dans ma personne qu’elle colore subtilement mes échanges avec autrui et mon
enseignement. Un étudiant ou une étudiante y avait même fait écho en écrivant le
commentaire suivant dans son évaluation de mon cours sur les hypothèques immobilières : « Vive l’Acadie ! Vive Rogersville ! »
RDO : Avez-vous fait vos études en Acadie ?
JR : Dès que je pense à mes études, j’en souris. Je me compte particulièrement
privilégié. En septième année du primaire, le père Noé Bourgeois, le curé de notre
paroisse, avait demandé à la Mère Philipe de choisir le garçon auquel serait offerte
une bourse couvrant les frais d’inscription au collège classique de Bathurst, alors
connu sous le nom de l’Université du Sacré-Coeur. À l’époque, obtenir une bourse
du clergé ou de la Société de l’Assomption était souvent, pour beaucoup de jeunes
Acadiens, le seul moyen d’accéder aux études secondaires. J’ai été l’heureux élu !
RDO : On reconnaissait donc en vous un étudiant prometteur ?
JR : À l’époque les religieuses valorisaient beaucoup l’assiduité au travail. Sans
nécessairement être le premier de ma classe, j’étais un élève sérieux qui avait
compris que pour obtenir les résultats escomptés, il fallait y mettre l’effort. Je me
souviens que, très souvent, c’étaient les garçons et les filles de la famille Aucoin
qui étaient premiers de classe. Mais cela n’engendrait aucune rivalité entre nous.
La mère Aucoin était elle-même une ancienne maîtresse d’école, et le mot se passait
entre nous qu’elle enseignait à ses enfants à la maison. À nos yeux, il était normal
6
7
À ce sujet, voir RP Clément Cormier, « La Poutine Râpée, aux yeux de l’histoire » (1961) 1 Cahiers
de la société historique acadienne 28, en ligne : Acadie Vivante <http://www.acadievivante.ca/
fr/Ressources/694>. Cette description est l’œuvre de nul autre que le premier chancelier de
l’Université de Moncton, le père Clément Cormier.
Louise Bélanger-Hardy et Gabrielle St-Hilaire, « Bilinguisme judiciaire et enseignement de la common law en français en Ontario : un bilan historique » (2009) 34 Revue du Nouvel-Ontario 5 à la p 9,
n 10 [Bélanger-Hardy et St-Hilaire]. Re Education Act (Ont) and Minority Language Rights, [1984] 47 OR
(2e) 1, 10 DLR (4e) 491 à la p 511 (CA ON).
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que ce suivi scolaire particulier, par une personne compétente en la matière, leur
facilitait l’accès au premier rang. Les familles Babineau, Caissie, Hébert, Savoie et
Thibodeau étaient aussi dans ma classe.
RDO : La Mère Philipe vous a donc ouvert la voie aux études ?
JR : Je lui dois effectivement la chance d’avoir pu étudier au collège classique. Ma
mère était ravie, bien sûr, mais elle désirait avant toute chose me laisser l’entière
liberté de choisir ma propre vocation. La bourse d’études pour l’inscription au collège classique visait à encourager les vocations sacerdotales. Bien des années plus
tard, j’ai appris que ma mère était allée voir le père Bourgeois pour lui dire que
même si elle acceptait que j’entre au collège grâce à la bourse, elle tenait à s’assurer
qu’on ne chercherait pas ensuite à me dicter quoi faire de ma vie, et que je serais
libre de choisir entre la prêtrise ou une autre voie. À treize ans, il m’avait d’ailleurs
paru étrange qu’on me demande de me présenter au presbytère pour un entretien
avec le père Bourgeois. À mes yeux d’adolescent, rencontrer le curé de Rogersville
était l’équivalent d’obtenir une audience avec le Pape ! Ma mère a dû se montrer
plutôt convaincante, car le curé m’a dit : « Jos, je ne veux qu’une chose : que
tu me promettes d’obtenir ton baccalauréat. Dans la vie, tu décideras toi-même
quoi faire. »
RDO : En quoi consistaient les études au collège classique ?
JR : Dans les provinces maritimes, à l’époque, tous les collèges classiques avaient
une charte universitaire, y compris celui de Bathurst. Le collège de Bathurst, alors
désigné comme l’Université du Sacré-Cœur, avait d’abord été érigé à Caraquet8.
Après sa destruction par le feu, le collège a été déménagé à Bathurst afin de le
rendre plus accessible par la grande ligne de chemin de fer et qui passait par
Rogersville9. L’enseignement y était offert sous la direction des pères Eudistes, qui
avaient fondé le collège Saint-Louis à Edmundston. En 1963, les collèges du SacréCoeur de Bathurst, Saint-Louis d’Edmundston et Saint-Joseph de Memramcook ont
été regroupés pour former l’Université de Moncton10.
RDO : Que diriez-vous des exigences scolaires au collège classique ?
JR : Le programme scolaire y était très rigoureux. De fait, les programmes d’études
des collèges classiques étaient plus ou moins uniformes au Québec et au Nouveau-
8
9
10
Voir Clarence Lebreton, Le Collège de Caraquet : 1892-1916, Montréal, Éditions du Fleuve, 1991.
Pour de plus amples renseignements sur l’Université du Sacré-Cœur et l’enseignement qu’on y offrait, voir Marcel Tremblay, 50 ans d’éducation catholique et française en Acadie : Caraquet 1899 - Bathurst
1949, Bathurst, Université du Sacré-Cœur, 1949. Pour un bref historique de cette université,
voir Marianopolis College, « L’Université du Sacré-Cœur », en ligne : L’Encyclopédie de
l’histoire du Québec <http://faculty.marianopolis.edu/c.belanger/quebechistory/encyclopedia/
universitesacrecoeur.htm>.
Pour un historique de l’Université de Moncton, voir Clément Cormier, L’Université de Moncton : historique, Moncton, Centre d’études acadiennes, 1975.
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Brunswick. On y étudiait, entre autres, le grec, le latin et la philosophie. Sauf pour
le grec et le latin, l’enseignement se faisait en français, mais les manuels de philosophie étaient en latin. Par la rigueur du raisonnement, l’inculcation du latin (qui
est la langue d’une profusion de maximes de droit), l’étude du latin et du grec qui
facilite la compréhension de la terminologie complexe, l’analyse de textes, le perfectionnement de l’art de la rédaction par le biais d’exercices multiples, l’incitation
à l’usage du mot juste, les études classiques constituaient une excellence préparation pour des études en droit. De fait, entre les études classiques et le droit la
similarité est grande. Pour plusieurs, c’est du grec que de démystifier le langage du
droit, particulièrement la terminologie du droit des biens.
RDO : Comment avez-vous vécu l’éloignement de votre famille ?
JR : La ville de Bathurst est située à environ 120 kilomètres de Rogersville. Au
début du mois de septembre, je prenais le train pour le collège de Bathurst où
j’allais vivre pendant dix mois. Je retournais chez moi le 17 octobre pour la fête du
Sacré-Cœur, puis pour deux semaines à Noël. Des sorties en ville étaient prévues
le premier dimanche de chaque mois pour les visites à la parenté ou aux malades
du sanatorium. J’étais privilégié : mes oncles Fred et Aurel résidaient à Bathurst et
j’avais donc droit à ces sorties.
RDO : Gardez-vous de bons souvenirs de vos années au collège classique ?
JR : Absolument, de très bons souvenirs, et de belles amitiés que j’entretiens toujours d’ailleurs. Je pense notamment à Zoël Saulnier, un de mes confrères de classe
qui a été nommé chevalier de l’Ordre de la Pléiade du Nouveau-Brunswick, le
25 mars 2004 lors d’une cérémonie à laquelle j’ai eu la chance d’assister11. Dès mon
arrivée, ce sont surtout les traditions en vigueur lors des repas qui m’intriguaient.
Les élèves plus âgés, les grands sages du collège, servaient les plus jeunes. Lors
de ma première année au collège, le sage assigné à ma table était nul autre que
Louis Robichaud. En effet, le même Louis Robichaud qui allait devenir le premier
ministre du Nouveau-Brunswick et le père de la Révolution tranquille de cette
province12. À l’époque, je ne pouvais pas deviner que j’allais plus tard enseigner le
droit à son fils, Paul.
En Acadie, la coutume veut qu’on fasse connaissance en se renseignant
sur le lieu d’origine de la personne rencontrée. Pour nous, gens des maritimes,
la place natale est comme un compas ou l’étoile polaire pour les marins. Louis
Robichaud, par exemple, venait du village de Saint-Antoine. Je me rappelle de Perley
11
12
Pour de plus amples renseignements sur la vie et la carrière de Zoël Saulnier, voir Université de
Moncton, « L’U de M décernera quatre doctorats d’honneurs » (27 avril 2006), en ligne : Université
de Moncton <http://www.umoncton.ca/nouvelles/info.php?page=4&langue=0&id=940&camp
us_selection=s>.
Voir Michel Cormier, Louis Robichaud : La révolution acadienne, Montréal, Leméac, 2004 ; Della MM
Stanley, Louis Robichaud: A Decade of Power, Halifax, Nimbus, 1984.
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Le Bouthillier, originaire de Lagacéville, qui est devenu le médecin de Caraquet.
Plusieurs années plus tard, j’ai eu le plaisir de pouvoir enseigner le droit à son fils
Yves, qui fait maintenant carrière avec moi à la Faculté de droit de l’Université
d’Ottawa.
RDO : Pouvez-vous nous expliquer l’importance, dans la coutume acadienne, de chercher à
connaître le lieu d’origine et les liens de parenté d’une personne ?
JR : C’est une coutume bien ancrée dans la tête des Acadiens et des Acadiennes,
même de nos jours. Très souvent, on peut reconnaître l’origine acadienne par ces
traits distinctifs qui persistent bien au-delà des frontières de l’Acadie moderne. Pour
illustrer ce point, lorsque je montais les marches de l’édifice de la Cour suprême du
Canada pour assister à l’assermentation de Michel Bastarache13, une étoile filante
du monde juridique et des affaires, un autre invité m’a demandé : « De quel endroit
venez-vous ? » Quand j’ai répondu, « Rogersville », il m’a dit qu’il était originaire
d’Atholville. En entendant ce nom, je me suis exclamé : « C’est aussi ma ville natale ! » Il m’a aussitôt demandé où je demeurais. Je lui ai avoué que je n’avais pas
de souvenirs très clairs de mon enfance à Atholville, mais je me rappelais que nous
étions voisins de Jos LeBlanc, mon parrain. Il réplique : « Diable, c’était mon parrain
aussi ! » Cet invité était Lewis Ayles, de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick14.
Ayant fait part de cet incident à mon frère aîné Arnel, celui-ci m’a appris que la
mère du juge Ayles avait été sa maîtresse à l’école primaire d’Atholville.
Le lien de parenté est également un point de repère important pour les
Acadiens et les Acadiennes. Le réflexe est bien ancré de chercher à établir l’identité
de la personne par référence à sa lignée parentale. Par exemple, Anna Lavoie c’est
Anna à Ben, Louise Caissie c’est Louise à Maxime, Jos Richard c’est Jos à Fidèle,
la mairesse de Rogersville c’est Pierrette à Jos. Même la « doyenne de l’Acadie »15,
Flora Thibodeau, a cette manie. Le 20 mars 2012, quand je l’ai appelée pour lui
souhaiter mes meilleurs vœux à l’occasion de son 111e anniversaire de naissance,
elle m’a dit avec sa lucidité habituelle : « J’ai parlé à Lorraine à Jean ce matin ». La
« Lorraine » en question se trouvait être la femme de mon frère Jean.
13
14
15
L’honorable juge Michel Bastarache fut nommé à la Cour suprême du Canada le 30 septembre 1997.
Voir Cour suprême du Canada, The Supreme Court of Canada and its justices, 1875-2000: a commemorative
book/La Cour suprême du Canada et ses juges, 1875-2000 : un livre commémoratif, Toronto, Dundurn, 2000
à la p 182 [Cour suprême du Canada].
L’honorable Lewis C Ayles fut nommé à la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick en 1971 et accéda à la Cour du banc de la Reine en 1983. Il a siégé à la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick à
partir de 1985 jusqu’à sa retraite en 2002. Voir Bureau du procureur général du Nouveau-Brunswick,
« Minister’s message on death of Lewis C. Ayles » (23 octobre 2009), en ligne : Gouvernement du
Nouveau-Brunswick <http://www.gnb.ca/cnb/news/ag/2009e1653ag.htm>.
Pour une rencontre avec madame Flora Thibodeau de Rogersville, voir Radio-Canada, « La doyenne
de l’Acadie célèbre ses 111 ans » (20 mars 2012), en ligne : Radio-Canada <http://www.radiocanada.ca/regions/atlantique/2012/03/20/007-anniversaire-doyenne-acadie.shtml>. En 2013, Flora
Thibodeau a célébré son 112e anniversaire et est maintenant la plus vieille citoyenne canadienne
vivante.
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RDO : Est-ce que les collèges classiques étaient aussi fréquentés par les filles ?
JR : À l’époque, il n’y avait pas de filles dans les collèges classiques. Elles fréquentaient surtout le collège Notre-Dame d’Acadie à Moncton, dirigé par les religieuses
Notre-Dame du Sacré-Cœur. Antonine Maillet de Bouctouche, auteure du célèbre
roman Pélagie-la-Charrette16 qui lui a valu le prix Goncourt, est diplômée de ce collège.
RDO : Qu’avez-vous décidé de faire après le collège classique ?
JR : J’ai résolu que la prêtrise n’était pas ma voie. J’avais un intérêt particulier
pour les sciences. J’ai d’abord songé à faire carrière en dentisterie. Grâce à mes
économies et l’aide de ma famille, j’ai pu m’inscrire au programme d’études prédentaires à l’Université de Montréal. Ayant été accepté dans un programme du
Corps-École d’officiers canadiens qui défrayait le coût des études en médecine ou
en dentisterie, j’espérais ainsi pouvoir financer la suite de mes études. Mais l’armée
a décidé d’importer des dentistes de l’Écosse et de mettre fin à ce programme. J’ai
donc dû réviser mon plan de carrière, car les études en médecine dentaire coûtaient
alors environ 6 000 $, ce qui était pour moi une fortune. J’ai décidé de m’inscrire
au programme de baccalauréat en éducation à l’Université du Nouveau-Brunswick
à Fredericton. J’avais souvent envisagé l’enseignement comme carrière. Je savais
que mes études en chimie, en biologie et en physique à l’Université de Montréal
et mes sept années au collège classique me serviraient bien dans cette voie. Je n’ai
eu en effet aucune difficulté à me trouver un poste d’enseignant. À vrai dire, j’avais
l’embarras du choix !
RDO : Où avez-vous commencé votre carrière d’enseignant ?
JR : J’ai commencé ma carrière d’enseignant en 1955, à Campbellton, non loin
de ma ville natale d’Atholville. J’avais un oncle et une tante qui y résidaient. Mais
c’est surtout la réputation de son école secondaire qui m’y a attiré. L’école secondaire de Campbellton se classait alors parmi les meilleures au Nouveau-Brunswick.
D’ailleurs on y trouvait une véritable élite professorale à l’époque. Je pense notamment à mes prédécesseurs Gérard DeGrâce, qui détenait un doctorat en pédagogie
de l’Université du Sacré-Cœur, et Marguerite Michaud qui détenait un doctorat en
littérature de la Sorbonne17.
Je n’ai jamais passé d’entrevue. Le directeur de l’école était à la recherche d’un
anglophone qui parlait le français. Après avoir examiné mon dossier, je crois qu’il
a simplement retenu le nom Roach et mon diplôme de l’Université du NouveauBrunswick qui, à ses yeux, suffisait à répondre à ces deux critères. Il m’a envoyé un
contrat par la poste. Quand je suis arrivé à l’école, je me suis présenté à lui dans un
16
17
Antonine Maillet, Pélagie-la-Charrette, Montréal, Leméac, 1979.
Pour un aperçu biographique de Marguerite Michaud, voir St Francis Xavier University, « Dr.
Marguerite Michaud Prize in Canadian Studies », en ligne : St Francis Xavier University <http://
sites.stfx.ca/political-science/Dr_Marguerite_Michaud_Prize_in_Canadian_Studies>.
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anglais clairement de langue seconde. Il a presque sauté au plafond ! Il croyait avoir
engagé un anglophone qui avait appris le français ! C’était plutôt l’inverse. Cette
désillusion préliminaire n’a rien changé à son accueil chaleureux et à nos bonnes
relations subséquentes.
J’ai toujours apprécié mon expérience à Campbellton, où j’ai enseigné
le français et le latin. Au début, mon plus gros défi était la discipline, surtout avec
les étudiant(e)s de 9e année. Mais il s’agissait simplement de trouver la bonne
manière de communiquer. C’est aussi à Campbellton que j’ai rencontré un avocat
pour la première fois. Il s’agissait de Tom Feeney, un avocat de prestige dans la
communauté18.
RDO : Comment avez-vous fait la connaissance de Tom Feeney ?
JR : Tout simplement, lors des rencontres sociales à Campbellton. On pourrait écrire
un roman là-dessus. À l’époque, il n’y avait pas de tavernes publiques ou de brasseries à Campbellton. Les gens se réunissaient dans des clubs privés qui portaient
des noms assez cocasses : le « Equestrian Club » sans chevaux, un « Businessmen
Club » sans hommes d’affaires ! Le plus pittoresque était le « Yacht Club », situé
entre Dalhousie et Campbellton, au bord de la rivière Restigouche, annoncé par
une grosse ancre en fer, mais sans le moindre quai en vue pour y accueillir des yachts
ou des bateaux. Les meilleurs « partys », à mon avis, étaient organisés dans la salle
des Chevaliers de Colomb. J’ai donc joint leurs rangs ! Greg Feeney, le père de Tom
Feeney, était alors le Grand Chevalier. Il y avait aussi le salon du Corps des officiers,
un lieu de rencontres plutôt sélect auquel je pouvais me rendre à loisir puisque
j’étais alors le capitaine du régiment local.
Tom Feeney allait éventuellement devenir le premier directeur de la Section
de common law à l’Université d’Ottawa19. J’ignorais alors que nous ferions l’un et
l’autre carrière à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et que notre amitié
grandirait par la force de nos intérêts communs envers le droit des biens.
RDO : Pendant combien de temps avez-vous enseigné à Campbellton ?
JR : J’ai passé un an à Campbellton. Un de mes collègues, Bill Nugent, s’est
vu offrir la direction de la nouvelle école de South-Nelson, aujourd’hui Miramichi,
non loin de Rogersville. Il m’a demandé de l’accompagner en tant que directeur
adjoint et j’ai accepté. Dans cette école d’environ 400 élèves, j’enseignais la chimie,
la physique, le français et le latin. J’étais aussi responsable de l’éducation physique,
à raison de 11 heures par semaine. Je suis fier de dire que mon équipe de volleyball
18
19
Pour un aperçu biographique de Thomas Gregory Feeney et de son rôle dans la fondation de la Section
de common law de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, voir Université d’Ottawa, « Retrouvailles : L’Histoire de la common law à l’Université d’Ottawa », en ligne : Université d’Ottawa
<http://www.commonlaw.uottawa.ca/fr/common-law-history/blog/common-law-history.html>
à la p 2 et s [Université d’Ottawa].
Ibid à la p 9.
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a gagné 11 de ses 12 parties. Les étudiant(e)s ont commencé à m’appeler « coach
Roach » !
RDO : À quel moment avez-vous décidé d’étudier le droit ?
JR : Pendant mes deux années à South-Nelson (1956-1958), l’idée me trottait de
plus en plus souvent dans la tête de retourner aux études. J’ai commencé à réévaluer mon orientation professionnelle. Malgré mon penchant pour la physique, je
savais que ma formation classique me prédisposait à l’étude du droit. Tom Feeney et
d’autres avocats ont sans doute influencé mon choix par leur enthousiasme pour la
profession. J’ai démissionné de mon poste à South-Nelson afin de trouver un conseil
scolaire qui pourrait m’offrir un salaire suffisant pour me permettre de réaliser ce
rêve. J’ai abouti à Rothesay, qui s’apparente au Rockcliffe20 du Nouveau-Brunswick.
Le conseil scolaire y avait un plus gros budget. J’ai posé ma candidature pour un
poste d’enseignant de français et de latin, et je l’ai eu. Le salaire était d’un peu plus
de 5 000 $, ce qui était très bon à l’époque !
II. ÉTUDES EN DROIT ET DÉBUT
DE LA CARRIÈRE PROFESSORALE
RDO : Comment avez-vous choisi l’endroit où vous feriez vos études de droit ?
JR : J’envisageais seulement deux facultés de droit : celles de l’Université de
Dalhousie et de l’Université d’Ottawa. J’ai décidé de venir à Ottawa en 1959. En
choisissant une université bilingue offrant une formation dans les deux systèmes de
droit canadien, j’espérais avoir l’occasion de m’inscrire à quelques cours de droit
civil. Hélas, il était encore trop tôt. L’option ne sera offerte qu’en 197221. Sans le
savoir, j’ai fait un choix judicieux.
RDO : Le déménagement à Ottawa a-t-il été difficile ?
JR : C’était ma première visite à Ottawa, et souvent ma famille me manquait. Mais,
je me suis rapidement fait des amis à la Faculté de droit. Je pense, notamment, à
Gilles Guénette et Normand Paquette, originaires de Sudbury ; à Pat White et Rod
Flaherty d’Ottawa ; et à James Chadwick22 et Terry McCann, deux diplômés de
l’Université St Francis Xavier à Antigonish en Nouvelle-Écosse, qui savaient si bien
animer la vie sociale.
20
21
22
Le mot « Rockcliffe » fait référence au quartier résidentiel de la ville d’Ottawa où sont situées
plusieurs des résidences officielles des ambassadeurs étrangers, ainsi que les résidences officielles
du Gouverneur général, du premier ministre du Canada et du chef de l’opposition officielle.
Université d’Ottawa, supra note 18 à la p 67.
L’honorable James Chadwick, c.r., a été nommé juge à la Cour supérieur de justice le 7 juin 1988,
servant comme juge principal régional à plusieurs reprises, notamment entre 1994 et 2000. Il est
présentement un médiateur, arbitre et facilitateur avec le Ottawa Dispute Resolution Group Inc.
Parmi ses champs d’expertise sont le droit commercial, le droit d’insolvabilité, le droit de l’emploi,
et le droit de la construction.
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La Faculté de droit offrait à l’époque ses formations en common law et
en droit civil au 4e étage du pavillon Simard23. Sur ce même étage, on trouvait les
salles de cours et la bibliothèque de droit ainsi que les bureaux. Il y avait aussi un
bureau pour chaque directeur de programme et deux professeurs par bureau. En
raison de la proximité des lieux et du nombre des inscriptions à l’époque, on fraternisait beaucoup.
RDO : Votre chemin et celui de Tom Feeney se sont donc croisés de nouveau ?
JR : Oui. Nos derniers échanges à Campbellton remontaient déjà à trois ans. Tom
Feeney avait déménagé à Ottawa afin d’y diriger la nouvelle Section de common law
de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. Pierre Azar était son homologue
à la Section de droit civil. Le très honorable Gérald Fauteux24, qui siégeait parallèlement à la Cour suprême du Canada, assumait alors le rôle honorifique de doyen
de la Faculté de droit. À vrai dire, pendant mes trois années d’études, je n’ai jamais
eu l’occasion de le voir au pavillon Simard. Tom Feeney m’a accueilli avec sa bonhommie rébarbative, sans toutefois hésiter à me faire comprendre l’envergure de la
tâche que j’entreprenais : « Joe, maybe you should have stayed in New Brunswick.
This is a pretty tough place to be in! ».
RDO : La Section de common law était-elle déjà bien établie lorsque vous êtes arrivé à la
Faculté de droit ?
JR : La Section de common law avait été fondée en 1957 (soit deux ans avant mon
arrivée), lorsque le Barreau du Haut-Canada a bien voulu autoriser les universités à
offrir une formation professionnelle en common law. À l’origine, le doyen Fauteux
avait envisagé la création d’un programme conjoint en common law et en droit
civil. Selon sa vision, les cours requis de common law seraient tout simplement
ajoutés à ceux du programme de droit civil offert à la Faculté depuis 1953. Le Barreau
de l’Ontario ayant rejeté cette proposition, le doyen Fauteux a dû établir un programme de common law distinct, avec sa direction propre, un corps professoral
de cinq professeurs à temps plein et les trente semaines de cours prescrites afin
de faire reconnaître cette formation professionnelle par le Barreau. Il fallait donc
23
24
Le pavillon Simard a été nommé ainsi en mémoire du père Georges Simard, ardent défenseur du
bilinguisme à l’Université d’Ottawa. Pour en apprendre davantage à son sujet, voir Roger Guindon, Coexistence féconde : La dualité linguistique à l’Université d’Ottawa.Volume 3 : 1936-1965, Ottawa,
Presses de l’Université d’Ottawa, 1995 à la p 1 et s. Le professeur Roach a aussi souligné un événement marquant survenu au pavillon des arts de l’Université d’Ottawa le 3 juin 1969 : le passage
de John Lennon et de Yoko Ono à la suite de leur fameux « bed in » à l’hôtel Reine-Elizabeth de
Montréal. Pour les détails de ce moment historique, voir John Whelan, « The Ballad of John and
Yoko in Ottawa, Canada » (12 février 2011), en ligne : Ottawa Beatles Site <http://beatles.ncf.
ca/proofs.html>.
Premier doyen de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa (1953-1962), le très honorable Joseph
Honoré Gérald Fauteux, PC, CC, a siégé à la Cour suprême du Canada entre 1949 et 1973, notamment à titre de juge en chef du Canada entre 1970 et 1973. Voir Cour suprême du Canada, supra
note 13 à la p 64.
Un entretien avec le professeur émérite Joseph E. Roach
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trouver un directeur pour la nouvelle Section de common law. Le père Lorenzo
Danis25 a cherché à faire un premier recrutement pour ce poste à Osgoode Hall,
car son frère siégeait à la Cour supérieure de l’Ontario. N’y ayant pas trouvé le
candidat recherché, il s’est rendu à l’Université de Dalhousie. Le doyen, Vincent
MacDonald, lui a suggéré de faire un arrêt à Campbellton lors de son retour par
la grande ligne de chemin de fer du Canadien National, en lui faisant valoir qu’il
y trouverait très probablement le candidat idéal en la personne de Tom Feeney.
Ce médaillé d’or de la Faculté de droit de l’Université de Dalhousie avait accepté
un poste d’enseignement chez eux à l’âge de 21 ans et il avait déjà assumé cette
charge pendant quatre ans. Tom Feeney s’est vu offrir le poste sur-le-champ26. Cette
carrière précoce en droit me porte à évoquer ces vers si éloquents de Corneille :
« [a]ux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années »27.
Mes professeurs de première année étaient : le père Raymond Chaput,
régent de la Faculté (philosophie du droit)28 ; Tom Feeney (droits des biens réels) et
Arthur Foote (droit des contrats), qui avaient tous les deux déjà enseigné à l’Université de Dalhousie ; H. Albert Hubbard (droit des biens personnels)29 ; Roydon Hughes,
criminaliste de haut renom (procédure pénale) ; John C. Martin, auteur du célèbre
Martin’s Criminal Code (droit pénal) ; Robert McKercher, qui serait président de
l’Association du Barreau canadien (droit délictuel) ; Donat Pharand, diplômé de
l’Université de Dalhousie, maintenant une sommité en droit de la mer (procédure
civile) ; et John Ryan (histoire du droit).
En deuxième et en troisième années, mes professeurs étaient : Arthur Foote
(droit des compagnies, droit international privé) ; Edmond Alexander (droit des
affaires) ; Tom Feeney (droit des biens II, qui comprenait le droit des hypothèques,
25
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29
Le père Danis a également créé la Faculté de médecine et le programme d’administration hospitalière de l’Université d’Ottawa. Il a aussi joué un rôle clé dans la création du bulletin étudiant
The Fulcrum de l’Université d’Ottawa.
Voir Patrick J Monahan, « After Meech Lake: An Insider’s View » (1990) 22:2 RD Ottawa 317 à la
p 320, où le professeur Monahan reprend les circonstances donnant lieu à son embauche : « Father Danis
travelled north to Campbellton and convinced Tom to leave his extended family and friends in New
Brunswick and take up the challenge of founding the first Ontario law school outside the city of Toronto.
Here was a man made for such a challenge. Tom turned to the task of building this school with energy,
vigour and commitment, making it his life’s work for the next 31 years ». Il en faisait l’éloge en disant :
« [h]e was deeply dedicated to the craft of teaching and was beloved and admired by his students, who
universally recall him as the best classroom teacher they encountered in their days in university ».
Pierre Corneille, « Le Cid » dans Pierre Corneille, Œuvre complètes, par André Stegmann, dir, Paris,
Éditions du Seuil, 1963 à la p 226.
Selon le professeur Roach, le père Chaput a initié les étudiants aux grands débats entre Hart et Devlin.
Le professeur Roach se rappelle notamment un incident survenu au moment de l’examen : le directeur Tom Feeney est entré dans la salle d’examen, accompagné d’un visiteur. Prenant le questionnaire
d’examen, il a demandé à ce visiteur s’il pouvait répondre à la question de vingt points exigeant une
analyse critique des philosophies de H L A Hart et de Lord P Devlin. Or, ce visiteur était Lord P
Devlin lui-même.
Le professeur Hubbard est devenu doyen de la Section de common law le 1er août 1973 après que le
doyen Feeney eût démissionné comme doyen en raison de son désaccord profond avec l’administration
de l’Université d’ajouter une troisième section à la première année sans l’embauche de professeurs
supplémentaires. Voir Université d’Ottawa, supra note 18 à la p 25.
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le droit des transactions immobilières, et le droit des testaments et successions) ;
Maurice Fife (procédure civile II) ; James Hendry, ancien professeur de l’Université
de Dalhousie (droit du travail et droit administratif) ; Adrien Hewitt (droit de la
preuve) ; H. Albert Hubbard (droit de la famille et jurisprudence) ; Donat Pharand
(droit international et droit des assurances) ; John Read, ancien professeur à la
Faculté de droit de l’Université de Dalhousie et juge à la Cour internationale de
justice de 1946 à 1958 (droit constitutionnel) et les deux frères Redmond (comptabilité légale).
RDO : La première année était-elle la plus difficile ? En quoi consistait cette formation ?
JR : Oui, j’ai travaillé très fort en première année, comme tout le monde d’ailleurs.
J’avais mon régime de travail : j’étais à l’œuvre tôt le matin et jusqu’à la fermeture de la bibliothèque à 22 h. De retour à ma maison de pension, je me remettais à la tâche pour deux heures encore. Parallèlement, j’étais officier de réserve
et agent de recrutement pour le contingent du Corps-École d’officiers canadiens
de l’Université d’Ottawa et de l’Université Carleton. Je gagnais ainsi l’équivalent
d’une demi-journée de salaire, au rang de lieutenant. J’ai dû renoncer temporairement à ces fonctions en raison de ma charge de travail en première année.
En 1965, je suis retourné au Corps-École au rang de capitaine, en qualité de commandant adjoint.
En deuxième année, je corrigeais des exercices de latin pour le département de grec et de latin de l’université ; le taux horaire était alors de 75 cents ! En
troisième année, un professeur de latin s’étant désisté à la rentrée, le directeur du
département de latin et de grec m’a demandé de le remplacer à brûle-pourpoint.
Ce cours fascinant comprenait les lettres de Cicéron et de Pline le Jeune, la course
de bateaux de Virgile et un extrait des Confessions de Saint Augustin.
RDO : Vous gardez donc de bons souvenirs de vos études en droit ?
JR : Oh oui, de très bons souvenirs. Sans vouloir être nostalgique, il y avait alors
une collégialité étroite entre membres des corps étudiant et professoral. L’aprèsmidi, vers 15 h, c’était le ralliement général à la cafétéria du pavillon Tabaret pour
la pause-café et les cigarettes.
Je me souviens aussi que la Section de common law invitait régulièrement
des juges, des juristes ou des politiciens de marque (par exemple John Diefenbaker30
et David Lewis31) à donner des conférences à l’intention des professeurs et des
30
31
Premier ministre du Canada de 1957 à 1963. Pour de plus amples renseignements sur la vie et la
carrière politique de John Diefenbaker, voir Réal Bélanger et Ramsay Cook, dir, Les premiers ministres
du Canada de Macdonald à Trudeau : Biographies écrites pour le Dictionnaire biographique du Canada, Québec,
Presses de l’Université Laval, 2007 aux pp 395-427.
Député à la Chambre des communes (1962-1974) et co-fondateur du Nouveau parti démocratique. Pour de plus amples renseignements, voir Douglas-Coldwell Foundation, « David Lewis
Memorial Prize in Canadian Politics » en ligne : Douglas-Coldwell Foundation <http://www.dcf.
ca/en/scholarships/david_lewis.htm>.
Un entretien avec le professeur émérite Joseph E. Roach
337
étudiants intéressés. Ces conférences avaient normalement lieu à l’heure du déjeuner au restaurant La Paloma32.
En 1959 ou 1960, la Section de common law avait inauguré une série
de dix conférences sur des thèmes variés, sans examen, qui avait lieu le vendredi
après-midi. Le directeur Feeney contrôlait l’assistance à ces conférences. Si la
salle lui semblait à moitié vide, il se rendait à la bibliothèque du sous-sol afin
d’inviter les gens à monter au 4e étage pour la conférence. Gordon Henderson33,
le premier invité, a prononcé dix conférences sur la propriété intellectuelle.
De celles-ci est né le premier cours de propriété intellectuelle à la Section de
common law, qui sera premièrement donné par George Fisk34, le deuxième rédacteur en chef de la Revue de droit d’Ottawa. Robert Bourassa, diplômé de l’Université
Harvard et jeune avocat affecté au ministère du Revenu fédéral, a participé à ces
conférences sur le sujet de la politique en matière de fiscalité. Son érudition était
manifeste, mais sa timidité ne laissait pas présager sa future carrière de premier
ministre du Québec.
RDO : Comment se déroulait la recherche de stage à l’époque ?
JR : C’est simple, on n’avait pas à chercher. Les bureaux juridiques s’adressaient
directement au doyen de la Section de common law afin de pourvoir les stages en
droit. Pour ma part, le doyen m’a appelé pour me proposer deux postes : Hewitt
& Hewitt ou Vincent, Addy, Carbonneau, Mercier & Sirois, le principal bureau
francophone de la région qui travaillait, entre autres, pour l’archevêché d’Ottawa,
la Banque Nationale, l’Université d’Ottawa et les Sœurs de la Charité d’Ottawa. J’ai
opté pour ce bureau et j’ai été engagé sans passer d’entrevue. Lorsque je suis entré en
fonctions au début du mois de juillet, c’était la première fois qu’ils me rencontraient.
RDO : Comment s’est déroulé votre stage ?
JR : L’expérience s’est révélée enrichissante tant sur les plans professionnel, universitaire que personnel.
Au plan professionnel, j’ai eu maintes occasions d’approfondir mes connaissances du droit. Les tâches qu’on me confiait étaient variées et j’ai eu plusieurs
occasions de contacts directs avec la clientèle. J’ai travaillé surtout avec Louis
Vincent, Pierre Mercier, Gaston Carbonneau et Charles Sirois. Ce dernier, qui
allait plus tard enseigner la procédure civile au Programme de common law en
32
33
34
Situé au coin des rues Rideau et Nelson à Ottawa, le restaurant La Paloma était décrit dans un
pamphlet touristique publié en 1962 comme « l’un des restaurants les plus en marque dans l’est du
Canada » [notre traduction]. Il a depuis fermé ses portes.
Diplômé de l’Université de Osgoode Hall (LL.B., 1937), Gordon H Henderson s’est joint au cabinet
Gowling Lafleur Henderson SENCRL, srl en 1937 où il occupera le rôle de co-associé directeur.
Associé émérite au sein du groupe de la propriété intellectuelle du cabinet Blake, Cassels & Graydon, SENCRL, srl. Pour de plus amples renseignements, voir Blake, Cassels & Graydon SENCRL,
srl, « George Fisk », en ligne : Blake, Cassels & Graydon SENCRL, srl <http://www.blakes.com/
french/people/lawyers2.asp?LAS=GEF>.
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français, m’a guidé dans mon premier dossier de forclusion. Pierre Mercier m’a
appris l’art de l’interrogatoire au préalable ; il a écrit trois questions et m’a dit « pose
seulement ces trois questions, attends la réponse, puis tu diras bonjour ! » L’avocat
du défendeur était Lucien Lamoureux35, le futur président de la Chambre des
communes. Gaston Charbonneau, pour sa part, m’a initié à la pratique du droit des
biens, notamment à la recherche de titres au bureau du Registraire, où s’affairait
un bon nombre de stagiaires. Louis Vincent m’a immergé dans la culture francoontarienne. Avec George Addy j’ai dû me familiariser avec les complexités ou le
grec du droit quand il m’a demandé d’enregistrer une hypothèque dérivée (mortgage
of a mortgage). Les heures de travail étaient alors raisonnables. En général, je rentrais
chez moi vers 17 h ou 18 h. Chaque vendredi après-midi, la tradition du « Thank
God it’s Friday » était en vigueur pour les stagiaires et les juristes qui se réunissaient
pour prendre un verre.
Sur le plan universitaire, au cours du stage, le département de grec et de
latin de l’Université d’Ottawa s’est vu confronté à une urgence en raison de l’état
de santé de son professeur de latin au Collège St-Patrick36. Comme j’y avais déjà
enseigné le latin, la direction m’a demandé de prendre la relève. Mon cabinet m’a
soutenu dans cette démarche et a bien voulu modifier mon horaire de travail afin de
me permettre d’offrir l’enseignement proposé six jours par semaine, de 8 h à 9 h.
Je me souviens de trois de mes étudiants de latin, particulièrement doués, qui à leur
tour allaient emboîter la carrière juridique : Collin McKennon, Bill Riley et John
Smith. J’ignorais alors que je serais aussi leur professeur de droit.
Ce stage a aussi été particulièrement déterminant dans ma vie personnelle.
C’est à cette époque que j’ai rencontré mon épouse Diane, lors des noces de Terry
McCann, un de mes bons amis à la Faculté de droit. De fait, en 1996, lorsque j’ai
prononcé un discours à la Faculté de droit, j’ai fait référence à cet heureux hasard
en disant : « but the most cherished anecdote relates to Terry and Mary, to Terry
McCann’s wedding, which took place in Vinton, a small town near Pembroke where
the McCanns resided. I attended the wedding, as did many of Terry’s classmates.
Mary was working as a nurse at the General Hospital and had invited her fellow
nurse and friend Diane Walker. As the song goes, it was on the Isle of Capri37 that
I met her. In my case, it was in the village of Vinton that I met Diane. The class
of 1962 was good to me ».
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36
37
Président de la Chambre des communes de 1966 à 1974. Pour de plus amples renseignements, voir
Gary Levy, Présidents de la Chambre des communes, Ottawa, Bibliothèque du Parlement, 1988 aux pp 9395 ; Gary Levy, Speakers of the House of Commons, Ottawa, Library of Parliament, 1988 aux pp 86-88.
Le Collège St Patrick a ouvert ses portes le 5 septembre 1929 et, jusqu’à sa fermeture en 1973,
constituait l’un des plus anciens centres d’études postsecondaires catholiques et anglophones à
Ottawa. Pour de plus amples renseignements sur l’histoire du Collège St. Patrick, voir HA MacDougall,
« St. Patrick’s College (Ottawa) (1929-1979): Ethnicity and the Liberal Arts in Catholic Education »
(juin 1982) 49 CCHA Study Sessions 53.
Chanson popularisée à l’époque par Frank Sinatra et publiée sur son album Come FlyWith Me en 1958
par la maison de disques Capitol.
Un entretien avec le professeur émérite Joseph E. Roach
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RDO : Quelle place accordait-on alors au français dans la profession juridique ?
JR : Il était parfois difficile de pratiquer le droit en français. Par exemple, lorsque
j’ai fait mon stage à Ottawa en 1962, il fallait traduire en anglais tout testament
rédigé en français afin de l’homologuer. Les procès se déroulaient à peu près exclusivement en anglais38 ; il m’est arrivé d’agir comme interprète lors d’une enquête
de coroner ou d’un interrogatoire préalable. En traduisant le témoignage d’une
mère de famille de Vanier (aujourd’hui, l’un des quartiers francophones d’Ottawa)
qui avait perdu ses enfants dans un incendie, j’ai vite compris que les situations
bouleversantes qui donnent lieu aux enquêtes de coroner n’étaient pas ma niche.
Je peux dire, par contre, que le français était la langue d’usage dans le bureau où
j’ai fait mon stage.
RDO : Que sont devenus vos confrères de la Faculté de droit ?
JR : Les gens de ma promotion étaient assez extraordinaires. Sur les vingt que nous
étions, huit sont devenus juges39. Deux noms, entre autres, me viennent en tête :
James Chadwick40 et Lee Ferrier41, deux pionniers du développement de l’aide
juridique en Ontario. Pierre Benoit, avocat spécialisé en droit des affaires, est
devenu maire de la ville d’Ottawa. En tant que maire, en 1972, il a remis les clefs
de la ville d’Ottawa à Paul Anka en proclamant le 27 août la « journée Paul Anka »42.
Pat Beavers s’est lancé immédiatement dans une entreprise familiale opérant à
Morrisburg. Dès 1964, Joe Burnett a choisi de se spécialiser dans le domaine du
financement hypothécaire et du développement de centres d’achat. Son entreprise
a pris de l’envergure, maintenant appelée Burnac Corporation, c’est une société
très polyvalente. John Carvazan a été avocat-conseil en matières constitutionnelles
pour le gouvernement de l’Ontario. Il a aussi accepté un poste d’enseignement à la
Faculté de droit de l’Université de Dalhousie afin d’y côtoyer notre ancien professeur Arthur Foote. Douglas Cryderman a exercé dans le domaine des marques de
commerce et de la propriété intellectuelle. Gilles Guénette a pris le grand risque
d’ouvrir son bureau dès son admission au barreau. Mes autres collègues ont suivi
la voie plus traditionnelle des grands cabinets d’Ottawa ou de Toronto, sauf pour
Terry McCann, Norman Paquette et Peter Thalheimer qui sont retournés dans leurs
patelins respectifs de Pembroke, Sudbury et Timmins.
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Voir Bélanger-Hardy et St-Hilaire, supra note 7 à la p 15.
Parmi les confrères du professeur Roach dans la promotion de 1962, les personnes suivantes
ont accédé à la magistrature : James B Chadwick ; John J Carvarzan ; Gerald F Day ; Lee K Ferrier ;
Roderick J Flaherty ; George C House ; Roydon J Kealey et Patrick D White.
James Chadwick a été nommé à la Haute cour de justice de l’Ontario en 1988 et a aussi occupé le
poste de juge principal pour la région de l’est ontarien (1994-2000).
Lee Ferrier a siégé à la Cour supérieure de l’Ontario de 1991 à 2001.
Pour une biographie de Paul Anka, voir Ville d’Ottawa, « Paul Anka », en ligne : <http://www.
ottawa.ca/fr/rec_culture/museum_heritage/archives/history/seen/anka/>.
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Les étudiants de troisième année s’efforçaient de maintenir un juste équilibre entre les études et les loisirs. Sous le leadership de Jean-Marc Labrosse43, futur
juge de la Cour d’appel de l’Ontario, ceux-ci nous montraient le chemin vers le très
populaire hôtel Albion44.
RDO : Quelle a été votre orientation de carrière au terme de votre stage ?
JR : J’ai d’abord suivi les cours professionnels du Barreau de l’Ontario à Toronto, qui
s’offraient seulement en anglais à cette époque. Lors de la cérémonie d’admission
au barreau de 1964, 208 avocats et 6 avocates (dont Judith Bell45) d’Ottawa ont
été dûment agréés. À cette même cérémonie, l’honorable Guy Favreau, alors procureur général du Canada, a été assermenté en qualité de membre honoraire et a
prononcé un discours. Environ vingt (ou dix pour cent) de ces nouveaux membres étaient diplômés de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. Parmi ces
vingt personnes, Roydon Kealey, Patrick White et Joseph Burnett avaient réussi le
Programme de formation du barreau avec distinction. Ce dernier avait également
remporté le Prix de procédure pénale. Heureux du succès de ces futurs juristes qui
provenaient de l’Université d’Ottawa, Richard J. Roberts, c.r., le premier directeur
des cours professionnels du barreau, a jugé bon d’écrire à Tom Feeney pour lui dire
de ne rien changer au Section de common law !
Une fois membre en règle du barreau, et étant donné mon intérêt envers
le droit du travail, j’ai présenté ma candidature aux services juridiques de RadioCanada. J’y ai travaillé pendant un an, jusqu’au jour où j’ai croisé Tom Feeney dans
la rue. Il était devenu le doyen de la Section de common law de la Faculté de droit
de l’Université d’Ottawa. Il m’a demandé : « how do you like it over there? » J’ai
répondu : « I’m doing well, but I’d like to get back into teaching ». Tout de suite,
il m’a dit : « Well, come on over here Joe. I’ll find something for you! » J’ai donc
commencé ma carrière professorale à la Section de common law le 1er janvier 1965.
L’histoire se poursuit. J’ignorais que j’enseignerais quelques années plus tard à
Allan Rock, actuel recteur de l’Université d’Ottawa.
RDO : Quelle était votre première charge d’enseignement en droit ?
JR : Tom Feeney enseignait alors le droit des biens aux étudiants de première année.
Ce cours comprenait trois volets : le droit des biens réels, la location immobilière
et le droit relatif aux engagements sur les biens-fonds. Ses responsabilités administratives exigeaient souvent des modifications à son horaire de cours, et il m’a donc
confié l’enseignement des deux derniers volets de son cours.
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Jean-Marc Labrosse a siégé à la Haute Cour de justice de l’Ontario de 1975 à 1990, ainsi qu’à la Cour
d’appel de l’Ontario de 1990 à 2007.
Érigé en 1871, l’hôtel Albion a depuis été incorporé à l’hôtel Novotel situé sur la rue Nicholas, à Ottawa.
Pour de plus amples renseignements, voir Agence Parcs Canada, « The Albion Hotel », en ligne : Lieu
patrimoniaux du Canada <http://www.historicplaces.ca/fr/rep-reg/place-lieu.aspx?id=17482>.
Judith Miriam Bell a siégé à la Haute Cour de justice de l’Ontario 1986 à 1990, à la Cour de justice
de l’Ontario de 1990 à 1999, puis à la Cour supérieure de l’Ontario de 1999 à 2000.
Un entretien avec le professeur émérite Joseph E. Roach
341
À l’époque, les facultés de droit américaines et canadiennes attribuaient
la responsabilité de bibliothécaire de droit à un membre de leur corps professoral.
Le directeur Feeney m’a confié cette charge administrative. Deux ans plus tard,
le droit des hypothèques s’est ajouté à ma charge d’enseignement, matière que
j’avais moi-même étudiée sous la tutelle du professeur Feeney. Le doyen de la
faculté, Albert Hubbard m’a éventuellement confié la charge du cours du droit
des assurances.
Je souligne que j’ai toujours aimé le droit du travail. L’arbitrage et la médiation constituent un autre volet de ma carrière professionnelle. J’accepte toujours
des engagements de ce genre. Au fil de ma carrière universitaire, j’ai aussi eu le
plaisir de jumeler mes formations en éducation et en droit. À l’invitation du directeur des études supérieures, j’ai donné le cours EDU 6434 (« Education and the
Law ») de 1973 à 1996.
RDO : Vos antécédents en éducation ont-ils facilité votre passage à une carrière universitaire ?
JR : À cette question, me viennent immédiatement en tête les quatre derniers vers
du poème de Nicolas Boileau, Il est certains esprits… :
Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :
Polissez-le sans cesse et le repolissez ;
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez46.
L’enseignement de qualité est fondé sur l’art de la communication efficace,
l’art de l’écoute attentive, l’organisation de la matière du connu à l’inconnu, le
respect mutuel de l’enseignant et de l’apprenant. Inutile de dire qu’il n’y a pas
assez de toute une vie pour maîtriser tout cela à la perfection. Le philosophe américain Ralph Waldo Emerson écrivait : « the secret of education lies in respecting
the pupil »47. C’est également la pensée de Jacques Maritain lorsqu’il dit que les
étudiants sont les agents premiers en éducation48.
Mes dix années d’enseignement du latin (quatre au secondaire au NouveauBrunswick et six à l’Université d’Ottawa) se sont révélées précieuses. Il existe un
lien très étroit entre l’enseignement du droit des biens réels et celui du latin ; l’un
et l’autre sont fondés sur des règles strictes. En outre, le raisonnement nécessaire
pour l’analyse des textes latins se compare très étroitement à la pensée logique
requise pour l’analyse jurisprudentielle. De surcroît, la connaissance des racines
latines facilite la maîtrise de la terminologie juridique.
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Charles Antoine Gidel, dir, Œuvres complètes de Boileau, vol 2, Paris, Garnier, 1870 à la p 305.
Citation reproduite dans John P Bradley, Leo F Daniels, Thomas C Jones, dir, The International Dictionary of Thought, Chicago, JG Ferguson, 1969 à la p 242.
Jacques Maritain, Education at the Crossroads, New Haven,Yale University Press, 1960.
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III. FAIRE REVIVRE ET ÉPANOUIR LE FRANÇAIS
EN COMMON LAW49
RDO : Que pouvez-vous nous dire au sujet de l’enseignement de la common law en français ?
JR : Je m’empresse de vous dire que les trois langues de la common law étaient à
l’origine le latin, le français et l’anglais50. En 1270, la terminologie de base de la
common law existait déjà ; tous les termes avaient des racines françaises51. Lors de
l’émergence de la profession de « common lawyer », la rédaction des documents se
faisait en latin, la plaidoirie devant les tribunaux se faisait en français et les communications avec les clients et clientes se faisaient en anglais52. En 1362, le Parlement
de Westminster a adopté une loi dictant aux juristes de s’adresser aux tribunaux en
anglais53. Cette loi était rédigée en français uniquement54. Dans son ouvrage, le père
Roger Guindon décrit mon livre Les hypothèques immobilières en common law comme
étant le « le premier livre sur la common law en français qui ait été écrit où que ce
soit »55. J’en rougis, car les premiers textes de doctrine sur la common law ont été
rédigés en latin jusqu’en 1481. À cette date, Littleton publiait son célèbre ouvrage
sur le droit des tenures intitulé Les tenures de Monsieur Littleton56. Même l’ouvrage de
Sir Edward Coke, Institute of the Laws of England, vers les années 1580, était publié
en colonnes parallèles, français d’un côté et anglais de l’autre57. C’est en raison de la
doctrine des tenures, telle que décrite par Littleton, que le terme « landlord » reste
en vigueur en droit des propriétaires et locataires, même si le propriétaire n’est plus
le « lord » du domaine.
En droit des biens, par exemple, quel éclaircissement la francisation de la
common law a apporté à certains termes de l’époque de Guillaume le Conquérant !
Le « fee simple » est devenu le fief simple. Le « feetail » est devenu le fief taillé.
Ce fief, créé en 1285 à la suite de la loi De donis conditionalibus, a regagné après tant
de siècles son accent aigu délaissé par les Anglo-Saxons et a repris ainsi sa forme
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Pour un exposé de l’évolution de la common law en français en Ontario, voir Bilinguisme judiciaire,
supra note 7.
JH Baker, « The Three Languages of the Common Law », (1988) 43 RD McGill 6 [Baker]. Voir aussi
JA Clarence Smith et Jean Kerby, Le droit privé au Canada. Études comparatives, Ottawa, Presses de
l’Université d’Ottawa, 1975 aux pp 84-87.
Baker, supra note 50 à la p 18.
Ibid. Voir aussi JH Baker, Manuel of Law French, 2e éd, Cambridge, Scholar Press, 1990 ; John A Clarence Smith, « La common law en français » (1983) 61 R du B can 595 [Smith] ; Frédéric Duval, « Le
français hors de France » dans Alain Rey, Frédéric Duval et Gilles Siouffi, Mille ans de langue française :
histoire d’une passion, Paris, Perrin, 2007, 393.
Pour un résumé utile de l’historique et de l’impact du Proceedings in the Courts of Justice Act, 1731
(R-U), 4 Geo II, c 26, voir les motifs de la Cour d’appel de la Colombie Britannique dans Conseil
scolaire francophone de la Colombie-Britannique v British Columbia, 2012 BCCA 282 aux para 17-25.
Baker, supra note 50 à la p 21.
Roger Guindon, Coexistence équitable : La dualité linguistique à l’Université d’Ottawa.Volume 4 : Depuis
1965, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1998 à la p 100.
Thomas Littleton, Les tenures de Monsieur Littleton, Londres, Assigners of John More Esquire, 1639.
Edward Coke, First Part of the Institutes of the Laws of England or a Commentary upon Littleton, Philadelphie, Johnson and Warner, 1812.
Un entretien avec le professeur émérite Joseph E. Roach
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première de fief taillé. Le « life estate pur sa vie » ou « pur autre vie » est devenu
le domaine viager pour sa vie ou pour autre vie. Avec l’apparition de la Loi sur les
condominiums, on parle même de fief volant58 ! Quelle simplicité, que d’éloquence la
francisation de la common law a apportée au droit des biens ! Quel dommage que
Cagall n’ait pas été introduit au droit des biens ; je suis convaincu que notre monde
serait aujourd’hui peuplé de fiefs volants. Je pourrais continuer. Que dire des mortgages ou, selon la graphie originelle, « mort-gages ». À l’époque de Glanville, au
XIIe siècle, il y avait non seulement des mort-gages, mais aussi des vifs-gages, si les
produits de la terre étaient utilisés pour éteindre la dette. Ici, il s’agit d’un mot
français perdu au fil de l’évolution de la terminologie juridique.
RDO : Pouvez-vous nous expliquer comment la common law en français a pris forme à la
Faculté de droit de l’Université d’Ottawa ?
JR : En Ontario, la common law en français a vraiment commencé à s’épanouir en
juillet 1976 à Sudbury, lorsque le procureur général de l’Ontario, Roy McMurtry,
a autorisé les procès bilingues dans cette ville59. Sudbury disposait alors des infrastructures nécessaires pour la mise en œuvre d’une telle politique : des secrétaires,
des greffiers et des juges bilingues. Le Programme de common law en français est
en quelque sorte la suite logique de cette initiative60.
L’année même, en 1976, la Section de common law a créé un comité
afin de déterminer comment offrir une formation professionnelle adéquate en
français. Le recteur Roger Guindon a appuyé la Section dans cette initiative qui
cadrait parfaitement avec le mandat de l’Université d’Ottawa d’offrir une éducation en français à la population franco-ontarienne. Le comité a pesé différentes
avenues : l’ajout d’un cours de terminologie française au programme existant ;
une formation parallèle en français. Le comité a aussi cherché à définir les
modalités à privilégier afin d’assurer la réussite d’une formation de common law
en français61. Le 30 mars 1977, par une résolution unanime du Conseil de Faculté,
il a été décidé de commencer l’enseignement des premiers cours de common
law en français dès septembre62. Il me semble intéressant de souligner que Gérard
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J Richard Shiff, « Condominium, The Flying Fee » dans G W Dunn, Recent Developments in Real Estate
Law, Special Lectures of the Law Society of Upper Canada, Toronto, R DeBoo, 1970.
Le projet pilote de 1976 est concrétisé juridiquement en 1978 : An Act to Amend the Judicature Act,
SO 1978 c 26, art 1(1) ; Juries Amendment Act, 1978, SO c 27. Voir L’honorable Roy McMurtry,
« An Inteview with the Honourable Roy McMurtry » (2012) 43: 1 RD Ottawa 147 aux pp 150-52 ;
à la p 158 ; il faisait la déclaration suivante : « One of the most important reforms was the creation of
a bilingual court system in Ontario, which led to the French Common Law Program at the University
of Ottawa ». Le père Guidon déclarait également lors de sa retraite : « The greatest success was the
transformation of the University of Ottawa in 1965, the second was the restructuring of the academic
units that took place over a number of years, finally finishing in 1978. Another major success is the introduction of Common law in French », voir Gazette de l’Université d’Ottawa, vol IX, (12 juillet 1984) 5.
Voir Bélanger-Hardy et St-Hilaire, supra note 7 aux pp 21-33.
Ibid à la p 3 et s.
Ibid à la p 30.
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La Forest, futur juge de la Cour suprême du Canada, a participé à ce vote en
tant que membre du corps professoral. Sans prétention, l’Université d’Ottawa,
protectrice de la dualité linguistique depuis 184863, peut se targuer d’être le berceau de l’enseignement de la common law en français au Canada, voire même
en Amérique64.
RDO : Comment les choses ont-elles évolué ?
JR : Je qualifierais cette évolution de bel effort de collaboration et de créativité
entre, inter alia, le corps professoral, les collègues de l’Université de Moncton et de
l’Institut Dubuc65 de l’Université de Saint-Boniface, les étudiants et les étudiantes
du Programme de common law en français, l’Association des juristes d’expression
française de l’Ontario, le Centre de traduction et de documentation juridiques de
l’Université d’Ottawa (« CTDJ »), le Programme d’administration de la justice
dans les deux langues officielles et divers membres des Barreaux de l’Ontario et de
la région Ottawa-Carleton.
En tant que coordonnateur du Programme de common law en français, j’ai
dirigé les débuts de l’évolution de cette formation. Je présidais le comité composé des membres réguliers du corps professoral de common law en français et
des membres étudiants qui décidait de la marche à suivre. Peu à peu ce comité a
établi une banque des cours et les règlements applicables à la formation de common
law en français. Devant l’ampleur de la tâche à accomplir, et étant donné la difficulté à recruter des juristes de common law pour enseigner en français66, le comité
a premièrement décidé de reconnaître certains cours de droit civil aux fins du
Programme de common law en français. Le cours de droit constitutionnel offert
par le professeur Gérald A. Beaudoin de la Section de droit civil en est un bon
exemple67. L’utilisation des ressources existantes de la Section de droit civil semblait
une avenue prometteuse pour accélérer le développement du Programme de
common law en français. En raison des différences dans les méthodologies
d’enseignement et d’évaluation, des défis liés à la coordination des choix de cours et
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Roger Guindon, Coexistence difficile : La dualité linguistique à l’Université d’Ottawa.Volume 1 : 1848-1898,
Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1989 à la p ix : « Le caractère distinctif du collège [Collège d’Ottawa, aujourd’hui l’Université d’Ottawa] est la dualité linguistique considérée comme
l’élément essentiel de sa vocation d’institution catholique dans un diocèse où la majorité de la population catholique est de langue anglaise ». Cet engagement allait être codifié l’alinéa 4 (c) de la Loi de
l’Université d’Ottawa, 1965, LO 1965, c 137 : « (c) favoriser le développement du bilinguisme et du
biculturalisme, préserver et développer la culture française en Ontario ». Voir par contre François
Larocque et al, « Le statut du français à l’Université d’Ottawa et la Loi sur les services en français de
l’Ontario » (2011-2012) 12 RCLF 55.
Smith, supra note 52 à la p 597.
À présent connu sous le nom de « Centre de ressources en français juridique ».
Professeur Roach souligne que jusque-là, tous les juristes de common law avaient reçu leur formation
en anglais. La terminologie de la common law en français en était encore à ses débuts.
Gérald Beaudoin est un grand constitutionnaliste et auteur de plusieurs ouvrages sur la Loi constitutionnelle de 1867 (R-U), 30 & 31 Vict, c 3, art 91, reproduit dans LRC 1985, ann II, n° 5. Avant de
devenir sénateur, il coprésidé la commission Beaudoin-Edwards sur l’unité canadienne.
Un entretien avec le professeur émérite Joseph E. Roach
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des horaires, de l’accroissement des inscriptions et des attentes des étudiants et des
étudiantes, le comité a vite opté pour la création d’un programme autonome, avec
ses paramètres et ses exigences propres, notamment en ce qui concerne les crédits
exigés dans les cours en français, les normes de la rédaction juridique en français et
la plaidoirie en français.
RDO : Vous parlez de la collaboration des collègues de l’Université de Moncton ? Pourriezvous nous en dire davantage à ce sujet ?
JR : La Faculté de droit de l’Université de Moncton s’est embarquée dans la grande
aventure de l’enseignement de la common law en français un an après l’Université
d’Ottawa. Dès 1979, toutefois, un Centre de traduction et de terminologie juridiques avait été mis sur pied à Moncton « pour appuyer la mise en œuvre du bilinguisme juridique dans les provinces et territoires canadiens de common law »68. Ce centre, sous la direction initiale de Gérard Snow, a joué un rôle clé dans l’élaboration de
documents pédagogiques et le développement du vocabulaire de la common law en
français. Les membres du corps professoral des deux universités ont gracieusement
échangé leurs plans de cours et leurs polycopiés, à la fois dans un esprit d’entraide
et dans le but d’uniformiser la terminologie française de la common law. Il y a
également eu un échange de documents juridiques utiles pour l’enseignement, par
exemple les modèles de baux ou les traductions de décisions judiciaires. Certains
membres d’une université ont aussi accepté des charges d’enseignement dans l’autre
université, facilitant ainsi l’offre de cours en français dans des matières nouvelles et
assurant la continuité de l’enseignement d’une matière à l’occasion d’un congé sabbatique, par exemple. J’ai moi-même enseigné le droit des hypothèques à la Faculté
de droit de l’Université de Moncton. Je conserve de vifs souvenirs de cette classe.
Par exemple, j’ai enseigné à Andréa Boudreau-Ouellet69, cette mordue du droit des
biens réels qui fera elle-même carrière en tant que professeure. Par ailleurs, lorsque
je lui ai enseigné à l’Université de Moncton, Me Boudreau-Ouellet avait déjà entamé
sa maîtrise en droit à notre propre faculté à Ottawa. Son directeur de thèse était
le professeur Tom Feeney qu’elle m’a décrit comme étant son idéal d’un professeur. Il y avait aussi Roger Bilodeau, du pays de Gabrielle Roy, qui nous a donné
l’affaire Bilodeau70 et qui est maintenant greffier à la Cour suprême du Canada.
Je me souviens aussi clairement d’Odette Snow, l’actuelle doyenne de la Faculté
de droit de l’Université de Moncton qui, par sa vive participation en classe,
laissait déjà présager une carrière prometteuse. Je me dois aussi de mentionner
68
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70
Université de Moncton, « Le Centre de traduction et de terminologie juridiques », en ligne : Université de Moncton <http://www.umoncton.ca/umcm-droit/node/83>.
Membre du corps professoral de la Faculté de droit de l’Université de Moncton, Andréa BoudreauOuellet se spécialise dans les domaines du droit des biens, de la responsabilité professionnelle et
des transactions immobilières. En collaboration avec l’honorable Michel Bastarache, Me BoudreauOuellet a co-rédigé le Précis du droit des biens réels, 2e éd, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2001
[Bastarache et Boudreau-Ouellet].
Voir la décision de la Cour suprême du Canada dans Bilodeau c PG (Man), [1986] 1 RCS 449.
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Gabriel Bourgeois71. Croyez-le ou non, Gabriel est le petit neveu du père Noé
Bourgeois, le curé de la paroisse de Rogersville, qui avait demandé à la Mère Philipe
de choisir le garçon auquel serait offerte une bourse d’études pour le collège classique de Bathurst.
RDO : Pourriez-vous en dire davantage sur les organismes qui ont appuyé la progression du
Programme de common law en français ?
JR : Il importe de souligner que l’épanouissement de la common law en français
n’aurait pas progressé au même rythme sans l’apport des divers organismes qui ont
consacré leur énergie à la traduction des lois et des règlements, à l’élaboration des
outils terminologiques, des outils d’aide à la rédaction juridique en français et des
pièces de procédure essentielles à l’exercice du droit en français.
À l’Université d’Ottawa, le Programme de common law en français est grandement redevable à l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario
(« AJEFO »), créée en 198072. Robert Paris73, grand promoteur de la common law
en français, a été désigné comme le premier président de l’AJEFO lors de la première réunion de cette association dans la salle 147A du pavillon Fauteux à laquelle
j’ai assisté. À l’une des réunions annuelles de l’AJEFO, le regretté Robert Paris
a présenté l’invité d’honneur, l’honorable Roy McMurtry, comme un « UFO »,
ou un « unidentified Franco-ontarian ». Le deuxième président, l’honorable John
Richard, est devenu juge en chef de la Cour d’appel fédérale. Cet organisme allait
devenir un partenaire précieux du Programme de common law en français, par
exemple en encourageant l’étude et la pratique du droit en français, en offrant des
ateliers de formation permanente en français aux juristes de la profession désireux
de participer plus activement à l’administration de la justice dans les deux langues
officielles et en organisant un congrès annuel des juristes francophones et francophiles si utile pour se renseigner sur les progrès de la common law en français et
sur les sujets juridiques de l’heure. L’AJEFO encourageait la participation étudiante
à ces ateliers et à son congrès. L’AJEFO offrait donc de multiples occasions de
réseautage pour les juristes et juristes en formation d’expression française. L’AJEFO
a joué un rôle clé dans la création du CTDJ. C’est à son initiative que le CTDJ
a traduit, entre autres, le Guide du praticien, un outil de travail indispensable pour la
pratique du droit74.
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Maître Gabriel Bourgeois, cr, est devenu Procureur de la couronne. Il a agi pour le Procureur général
du Nouveau-Brunswick devant la Cour suprême du Canada dans l’affaire Chaoulli et al c Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, [2005] 1 RCS 791.
Voir Association des juristes d’expression française de l’Ontario, « Notre organisme », en ligne : ajefo
<http://www.ajefo.ca>.
À l’époque, Robert Paris, exerçait la profession de droit à l’étude Paris, Mercier et Sirois, situé en
basse-ville d’Ottawa.
Le Guide du praticien a été publié pour la première fois en 1981, en trois volumes. La 4e édition est
maintenant disponible en quatre fascicules (3e édition pour le fascicule 1), en format d’impression et
sur CD-ROM : Guide du praticien, Ottawa, Association des juristes d’expression française, 2007.
Un entretien avec le professeur émérite Joseph E. Roach
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Selon moi, la création du CTDJ a été un autre pas historique dans l’histoire
de la common law en français à l’Université d’Ottawa. Le CTDJ a été créé en 1981
avec pour mandat « de créer la documentation juridique nécessaire à l’exercice du
droit et à la prestation de services juridiques en langue française, d’abord en Ontario, mais également dans les autres provinces et territoires de common law »75.
Peter Annis76 a été son premier directeur. Dès sa mise sur pied, le CTDJ offrira
des exercices de terminologie et de correction du langage juridique dans divers
cours au Programme de common law en français. Le CTDJ continue également ses
efforts à l’égard de la traduction des lois et des règlements de l’Ontario. Le CTDJ
a également traduit des manuels de base pour l’enseignement de la common law
en français, entre autres, en matière du droit délictuel, du droit des contrats, du
droit des biens et des actes de procédure77. Le CTDJ offre également des services
de révision linguistique au corps professoral dans la publication d’œuvres savantes
en français. Pour ma part, le CTDJ a collaboré à la traduction de décisions judiciaires et de résumés d’arrêts pour mon cours en droit des propriétaires et des
locataires. Il a aussi fait la révision finale de mon ouvrage Les hypothèques immobilières
en common law78.
Je ne peux passer sous silence le travail énorme du Programme d’administration de la justice dans les deux langues officielles, maintenant le Programme
d’accès à la justice dans les deux langues officielles (« PAJLO »), avec lequel j’ai collaboré dès sa première réunion. Le regretté Alban Garon79, plus tard directeur du
programme de maîtrise en rédaction législative à la Faculté de droit de l’Université
d’Ottawa, puis juge en chef de la Cour canadienne de l’impôt, présidait alors ce
comité. Le PAJLO a formé une équipe de spécialistes en droit et en linguistique
ayant le mandat de préparer des lexiques en droit des biens, des testaments, des
délits, des fiducies et des contrats80. L’équipe dressait des dossiers terminologiques
et proposait le fruit de ces recherches à des collaborateurs de diverses universités
afin d’uniformiser les termes juridiques français. J’ai eu le plaisir de collaborer
à ces efforts. Les dossiers présentés étaient intéressants et stimulants, et les téléconférences qui s’ensuivaient pour débattre des notions et convenir du terme le
plus approprié nous obligeaient à nous concentrer sur les subtilités des diverses
notions à l’étude.
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Centre de traduction juridique, « Bienvenue au Centre de traduction et de documentation juridiques
à l’Université d’Ottawa », en ligne : ctdj <http://www.ctdj.ca/> [Centre de traduction juridique].
L’honorable Peter Annis fut nommé juge de la Cour supérieure de l’Ontario le 18 juin 2010 et à la
Cour fédérale en 2013.
Voir Centre de traduction juridique, « Qui sommes-nous ? », en ligne : ctdj <http://www.ctdj.ca/>.
Joseph E Roach, Les hypothèques immobilières en common law, Cowansville (Qc),Yvon Blais, 1991.
Ancien juge en chef de la Cour canadienne de l’impôt (2000-2004), l’honorable Alban Garon a été
la victime d’un homicide dans sa résidence à Ottawa en 2007. Voir Radio-Canada, « Meurtre du juge
Alban Garon : des enquêteurs d’élite s’en mêlent » (20 juin 2011), en ligne : Radio-Canada.ca <http://
www.radio-canada.ca/regions/ottawa/2011/06/20/005-reouverture-enquete-garon.shtml>.
Pour de plus amples informations, voir Promotion de l’accès à la justice dans les deux langues
officielles, « Qui sommes-nous ? », en ligne : pajlo <http://www.pajlo.org/fr/index.htm>.
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RDO : Qu’en est-il des efforts du Barreau et des tribunaux dans l’épanouissement de la common law en français en Ontario ?
JR : Le Barreau du Haut-Canada a fait des progrès énormes sur le plan de la common
law en français. Ses cours de formation professionnels étaient à l’origine offerts
uniquement en anglais, même après le début de l’enseignement de la common law
en français. À l’instigation des personnes diplômées et du corps professoral du
Programme de common law en français de l’Université d’Ottawa, le Barreau a
commencé à traduire ses cours professionnels en français. Si les débuts ont été
ardus, la qualité de la documentation française pour les cours ayant été jugée inférieure à celle de la documentation anglaise sur les plans de la langue et du contenu,
la situation s’est depuis améliorée. Josée Bouchard, diplômée du Programme de
common law en français de l’Université d’Ottawa et ancienne professeure au sein
de ce programme, y occupe le poste de conseillère principale en matière d’équité.
Ce sont là des progrès indéniables. Le prochain pas, à mon avis, consistera à étendre
la politique de bilinguisme du Barreau au contenu de son Recueil de jurisprudence
de l’Ontario (Ontario Reports). Il serait bon que le Barreau y publie, dans un premier
temps, un sommaire bilingue de toutes les décisions publiées et, dans un deuxième
temps, les décisions de la Cour d’appel en versions française et anglaise côte à côte.
Dès le début, les tribunaux d’Ottawa ont fortement soutenu le Programme
de common law en français en acceptant de participer à des conférences, à des séminaires, à des tribunaux-écoles et à des concours de plaidoirie. Plusieurs des étudiants
et des étudiantes diplômé(e)s du Programme de common law en français ont aussi
bénéficié de stages très formateurs et très enrichissants auprès de juges de la région.
J’en oublie sans doute. Chose certaine, aucune faculté de droit ne peut
assurer une formation de très haute qualité sans la précieuse contribution d’une
foule de collaboratrices et de collaborateurs de la profession, des secteurs tant privé
que public. Je les en remercie au nom des juristes diplômés du Programme de
common law en français, qui excellent aujourd’hui dans leurs milieux respectifs.
RDO : Comment s’est faite cette évolution au sein de la Section de common law ?
JR : Il s’agit d’un long travail de collaboration entre les membres du corps professoral, de la collectivité étudiante et de la profession. Je mentionne en particulier
le soutien d’Hélène Laporte à la préparation des documents pédagogiques, à la
révision des textes universitaires et savants ainsi qu’à la recherche terminologique.
L’AJEFO a d’ailleurs reconnu sa contribution à l’épanouissement de la common law
en français en lui conférant son Ordre du mérite en 1994. Au sein de la Section de
common law, depuis environ 35 ans, le corps professoral régulier est passé de trois
(3) membres à dix-huit (18) membres. Les premiers professeurs de common law
en français étaient : l’honorable Pierre Beaulne de la Cour de justice de l’Ontario
(procédure pénale) ; l’honorable René Marin de la Cour fédérale (droit pénal) ; Saul
Schwartz (contrats, introduction au droit) ; Fred Sussman (droit délictuel) ; JeanCharles Sirois (procédure civile) ; et moi-même (droit des biens). L’enseignement
de la common law en français a ensuite été assuré par des juristes reconnus pour
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leurs compétences professionnelles et pédagogiques. Je pense, entre autres, à
Peter Annis (futur juge à la Cour supérieure de justice de l’Ontario et puis à
la Cour fédérale), Michel Bastarache (doyen associé du Programme de common
law en français, ancien doyen de la Faculté de droit de l’Université de Moncton et
futur juge à la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, puis à la Cour suprême du
Canada)81 ; Louise Charron (future juge à la Cour de district de l’Ontario, puis à la
Cour supérieure de justice de l’Ontario, à la Cour d’appel de l’Ontario et enfin à la
Cour suprême du Canada)82 ; Brian Lennox (futur juge, puis juge en chef de la Cour
provinciale de l’Ontario) ; Monique Métivier (future juge à la Cour supérieure de
justice de l’Ontario, Division de la famille) ; Mark Peacock (futur juge à la Cour
supérieure du Québec) ; l’honorable Elmer Smith (juge à la Cour supérieure de
justice de l’Ontario). Un bon nombre de personnes diplômées du Programme de
common law en français contribuent à l’administration de la justice en français par
leurs fonctions à la magistrature : Célynne Dorval, Diane Lahaie, Jacqueline Loignon,
Martin Lambert, Lise Maisonneuve, Ronald M. Laliberté (Jr), Gilles Renaud,
Louise Serré et Lise Parent.
Des quelques cours initialement offerts en 1977, il y a aujourd’hui une
banque d’environ 80 cours. Les étudiants et étudiantes ont même le choix d’options
d’études en droit de l’environnement, en droit et justice sociale, en droit et technologie ainsi qu’en droit international. D’un programme moins bien défini où la
règle universitaire du choix du français ou de l’anglais pour la rédaction des travaux
ou des réponses d’examen s’appliquait, le Programme de common law en français a maintenant des normes scolaires rigoureuses et des exigences précises sur le
plan de la rédaction en français. Toute personne inscrite au programme s’engage
aujourd’hui à employer le français pour répondre à toutes les exigences des cours
en français. Un exercice de plaidoirie en français a aussi été intégré au programme
de première année. Une académie d’excellence en rédaction juridique en français a
été créée l’année dernière afin de veiller au perfectionnement de la langue juridique
par le biais de la correction linguistique de certains travaux de première année.
Un nouveau pas dans l’évolution de nos formations en français est le Programme prédroit pour les personnes immigrantes et réfugiées qui n’ont pas fait
d’études universitaires au Canada. Ce programme, d’une durée de quatre semaines,
financé par le Fonds d’appui à l’accès à la justice dans les deux langues officielles
du ministère de la Justice du Canada, vise à améliorer les chances de réussite au
Programme de common law en français des personnes immigrantes et réfugiées
qui n’ont pas fait d’études universitaires au Canada en les préparant au milieu
81
82
Les livres de l’honorable Michel Bastarache servent toujours dans l’enseignement de la common
law en français. Entre autres les suivants : Michel Bastarache et al, Les droits linguistiques au Canada,
2e éd, Cowansville (Qc),Yvon Blais, 2004 ; Michel Bastarache et al, Le droit de l’interprétation bilingue,
Montréal, LexisNexis 2009 ; Bastarache et Boudreau-Ouellet, supra note 66.
La documentation de cours préparée par Louise Charron sert encore de fondement pour le cours de
Testaments et successions.
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universitaire canadien et en leur faisant connaître les outils à la disposition pour
faciliter leur apprentissage. Le Programme de common law en français planifie et
coordonne les activités de formation et d’information ; le programme est accessible
à toute personne immigrée ou réfugiée qui projette d’étudier le droit en français.
RDO : Quelles sont vos impressions du programme français à son stade actuel de développement ?
JR : Les professeures Louise-Bélanger-Hardy et Gabrielle St-Hilaire ont rédigé un
excellent historique du bilinguisme judiciaire et de l’évolution du Programme de
common law en français à Ottawa83. Je crois pour ma part que le programme
rayonne par la qualité du français et l’élaboration d’outils visant sa promotion, ainsi
que grâce à la qualité de son corps professoral, de la recherche qu’il conduit et de
ses nombreuses publications savantes.
Lorsque le programme a été fondé en 1977, la terminologie de la common
law en français de même que les ressources et le matériel pédagogiques nécessaires à l’enseignement universitaire de cette discipline étaient pratiquement inexistants. À l’initiative du professeur John Manwaring, un centre de documentation
a été mis à la disposition des corps professoral et étudiant afin de faciliter la traduction du matériel pédagogique ainsi que la rédaction juridique en langue française84.
Aujourd’hui, il existe d’innombrables ressources85 didactiques et terminologiques
ayant permis des progrès fulgurants aux plans de la qualité du français et de la
disponibilité d’outils pour l’étude du droit et la rédaction juridique en français.
De plus, ma collègue Aline Grenon a élaboré, en collaboration avec une équipe
d’experts, un cours de rédaction juridique approfondi. Un volet de rédaction juridique a également été intégré au cours de droit délictuel de première année.
Durant les premières années du programme, le roulement professoral était
élevé en raison du défi énorme que représentait l’enseignement de la common
law en français, sans les outils et la formation dont nous disposons aujourd’hui.
Il était difficile de recruter des juristes francophones ou francophiles ayant une
maîtrise du droit pour faire carrière en enseignement. Malgré cela, du petit noyau
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Bélanger-Hardy et St-Hilaire, supra note 7.
Centre de traduction juridique, supra note 72.
Les ouvrages de common law en français se multiplient et la terminologie de common law en français
est maintenant consignée dans des lexiques et des dictionnaires, dont plusieurs sont disponibles sur
l’internet. Par exemple, la base de données du PAJLO a publié l’important Dictionnaire canadien de la
common law - droit des biens et droit successoral : terminologie française normalisée, Cowansville (Qc), Yvon
Blais 1997. Il est possible de consulter le Lexique du droit des fiducies de même que d’autres lexiques
et publications d’intérêt pour l’étude du droit et la rédaction juridique en français en ligne sur le
site internet du PAJLO. Le CTDJ et le Centre de ressources en français juridique de l’Université
de St-Boniface offrent des ressources similaires sur leurs sites internet respectifs. Le site internet
du ministère de la Justice du Canada, quant à lui, offre un Guide fédéral de jurilinguistique législative
française fort utile pour la rédaction juridique professionnelle en français ainsi qu’un répertoire sur
le bijuridisme et l’harmonisation : Ministère de la Justice, « Répertoire de jurisprudence sur le bijuridisme et l’harmonisation » (2012), en ligne : Ministère de la justice <http://www.justice.gc.ca/
fra/bijurilex/biju/repe2-case.html>.
Un entretien avec le professeur émérite Joseph E. Roach
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de professeurs qu’il était en 1977, le corps professoral s’est agrandi et comprend
aujourd’hui 18 membres réguliers. Nos candidatures professorales proviennent
maintenant de personnes possédant un doctorat en droit, formant une équipe stable
dont certains font carrière au programme depuis plus de 15 ans. Juristes de common law chevronnés, nos professeurs sont très respectés dans leurs domaines de
spécialisation respectifs. Un coup d’œil rapide à quelques-unes de leurs réalisations
permet d’entrevoir à quel point leur calibre est élevé. Il suffit de songer aux professeurs qui nous accompagnent depuis un long moment déjà, comme Louise BélangerHardy86, Denis Boivin87, Nathalie Chalifour88, Aline Grenon89, Martha Jackman90,
François Larocque91, Nicole LaViolette92, Yves Le Bouthillier93, John Manwaring94,
Peter Oliver95, Gabrielle St-Hilaire96, et Teressa Scassa97. L’équipe de professeurs
qui se sont joints à nous plus récemment, dont Suzanne Bouclin, Michelle Flaherty,
Pierre Foucher, Lucie Lamarche, Marel Katsivela, Michael Marin, Darren O’Toole,
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Voir par ex Louise Bélanger-Hardy et Denis Boivin, La responsabilité délictuelle en common law,
Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2006 [Bélanger-Hardy et Boivin]. Voir aussi Louise Bélanger-Hardy et
Aline Grenon, dir, Éléments de common law canadienne, comparaison avec le droit civil québécois, Cowansville
(Qc),Yvon Blais 2008 [Bélanger-Hardy et Grenon].
Voir par ex Bélanger-Hardy et Boivin, supra note 86. Voir aussi Denis Boivin, Le droit des assurances dans
les provinces de common law, Markham (Ont), LexisNexis, 2006 ; Denis Boivin, La réparation en common
law et en equity, Cowansville (Qc),Yvon Blais, 2012.
Professeur Chalifour a été codirectrice des travaux de deux conférences de l’Académie de droit de
l’environnement de l’union internationale pour la conservation de la nature : Nathalie Chalifour et
al, Critical Issues in Environnemental Taxation: International and Comparative Perspectives, vol V, Oxford,
Oxford University Press, 2008 ; Nathalie Chalifour et al, Land Use Law for Sustainable Development,
Cambridge, Cambridge University Press, 2007.
Voir par ex Bélanger-Hardy et Grenon, supra note 84.
Professeur Jackman a reçu la médaille Augusta Stowe-Gullen pour la promotion sociale en 2001 et la
médaille du Barreau du Haut-Canada en 2007.
Voir par ex François Larocque, Civil Actions for Uncivilized Acts, Toronto, Irwin Law, 2010.
Voir par ex Mélanie Claude, Nicole LaViolette et Richard Poulin, dir, Prostitution et traite des êtres humains, enjeux nationaux et internationaux, Ottawa, Interligne, 2008. Professeure LaViolette a également
reçu le prix Germain-Brière pour le meilleur article publié dans la Revue générale de droit dans la
catégorie junior des volumes 34 et 35 pour son article « La loi sur l’immigration et la protection des
réfugiés et la définition internationale de la torture » (2004) 34 RGD 587.
Professeur Le Bouthillier dirige l’Académie de droit de l’environnement de l’Union internationale
pour la conservation de la nature. Il a également été expert-conseil devant divers comités parlementaires, notamment, celui concernant le Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 RCS 217, 161
DLR (4e) 385.
Voir par ex Julie Macfarlane et John Manwaring, « Reconciling Professional Legal Education with the
Evolving (trial-less) Reality of Legal Practice » (2006) J Disp Resol 253. Voir aussi Julie Macfarlane et
John Manwaring, Dispute Resolution: Readings and Case Studies, 3e éd, Toronto, Edmond Montgomery,
2011.
Voir par ex Peter C Oliver, The Constitution of Independence: the Development of Constitutional Theory in
Australia, Canada and New Zealand, Oxford, Oxford University Press, 2005. Le Professeur Oliver a
gagné le prix Peter Birks de la Society of Legal Scholars pour cet ouvrage.
Révision et mise à jour de l’ouvrage Pierre Dussault et Normand Ratti, L’impôt sur le revenu au Canada :
Éléments fondamentaux, 2e éd, révisée et mise à jour par Angelina Argento, Normand Ratti, Luce Samoisette
et Gabrielle St-Hilaire, Sherbrooke, RDUS, 1997. Voir aussi Gabrielle St-Hilaire, « The Art Market or the
Charitable Receipt Market: the “M” in the FMV of Donated Art » (2010) 20 Can Curr Tax 113.
Voir par ex Teresa Scassa et Michael Deturbide, Electronic Commerce and Internet Law in Canada,Toronto,
CCH Canadian, 2004. Voir Teresa Scassa, Canadian Trademark Law, Markham (Ont), LexisNexis, 2010.
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REVUE DE DROIT D’OTTAWA
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OTTAWA LAW REVIEW
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Mark Power et Alain Roussy, est tout aussi talentueuse. Cela va sans compter ceux
qui, après avoir fait partie de notre programme, ont atteint les plus hautes sphères
de la profession juridique et sont devenus juges à la Cour suprême, comme c’est le
cas de Michel Bastarache, qui a été doyen adjoint de la Section de common law et
de Louise Charron, qui a été professeure à la Section de common law en français.
RDO : Pour conclure, êtes-vous en mesure de nous dire à combien d’étudiants et d’étudiantes
vous avez enseigné au Programme de common law en français jusqu’à maintenant ?
JR : Depuis mon entrée en fonction à la Section de common law, ce nombre doit
se situer aux environs de 4 500 étudiants et étudiantes, dont à peu près la moitié
étudiaient au Programme de common law en français ou au Programme national98
de la Faculté de droit. L’important pour moi, toutefois, ce n’est pas combien, mais
plutôt qui était chacune de ces personnes et quelles étaient leurs ambitions professionnelles. Leur succès dans leurs milieux professionnels respectifs m’épate toujours. Dès le début du programme, j’ai côtoyé des individus très dynamiques, qui
avaient à cœur de faire progresser la common law en français et qui y ont travaillé
avec détermination depuis la fin de leurs études. Je pense à Michel Doucet (originaire de Petit-Rocher au Nouveau-Brunswick) qui a été l’un de mes premiers
étudiants au programme français et qui m’émerveillait déjà par sa facilité à saisir
les notions juridiques les plus complexes99. La professeure Louise Bélanger-Hardy
et Roger Beaudry étaient de la même trempe100. Je me rappelle aussi de Martin
Lambert101,Yves Le Bouthillier102, Line Pinet103, Linda Richard et de leurs camarades
qui ont mis de l’avant l’idée de former une association étudiante du programme
français (aujourd’hui, Réclef), qui ont organisé des rencontres sociales afin de
resserrer les liens entre leurs confrères et consœurs d’études et, enfin, qui ont eu
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Le Programme national de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa vise à plonger en immersion les juristes de formation civiliste diplômés d’une faculté de droit canadienne dans la tradition
de la common law, sous l’égide d’une formation de huit (8) mois menant à l’obtention du grade de
J.D. – Programme national. Le Programme national prévoit également la possibilité d’obtenir un
grade réciproque de la Faculté de droit civil pour les juristes de common law. Pour de plus amples
renseignements, voir Université d’Ottawa, Faculté de droit, « J.D. – Programme national », en ligne :
Université d’Ottawa <http://www.commonlaw.uottawa.ca/index.php?lang=fr>.
Michel Doucet est aujourd’hui professeur à la Faculté de droit de l’Université de Moncton, se spécialisant entre autres dans les domaines des droits linguistiques et des droits de la personne.
Louise Bélanger-Hardy est aujourd’hui professeure au Programme de common law en français à la
Faculté de droit de l’Université d’Ottawa ; Roger Beaudry, qui avait mérité la médaille d’or de la
Faculté lors de sa promotion, l’a été également pendant quelques années, avant d’opter pour la médiation. Il a continué sa collaboration avec le Programme de common law en français en y enseignant
les méthodes alternatives de résolution de conflit.
L’honorable Martin P Lambert siège actuellement à titre de juge principal régional pour la région du
Nord-Est de la Cour de justice de l’Ontario.
Yves Le Bouthillier est membre du corps professoral du Programme de common law en français, se
spécialisant dans les domaines du droit international, du droit international de la personne, du droit
international de l’environnement et du droit de l’immigration et des réfugiés.
Line Pinet occupe présentement le poste de directrice au Bureau du conseil exécutif de la Direction
de la francophonie canadienne et langues officielles du gouvernement du Nouveau-Brunswick.
Un entretien avec le professeur émérite Joseph E. Roach
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le coup de génie de créer un concours de plaidoirie entre les Facultés de droit des
Universités d’Ottawa et de Moncton. Julie Guindon104, Marc Tremblay105 et compagnie leur ont emboîté le pas à la présidence de l’association étudiante, développant ainsi une belle collégialité au sein du corps étudiant francophone. Deux autres
noms me viennent en tête : Ronald Caza et Natalie Goulard qui, avec d’autres, ont
milité pour la création du seul concours de plaidoirie bilingue en droit administratif et constitutionnel, le concours Laskin. Les deux ont représenté la Section de
common law à ce concours, Ronald Caza y remportant la palme du meilleur plaideur. Cela laissait déjà présager sa carrière à suivre. Avec Marc Cousineau et Pascale
Giguère, Me Caza a formé le célèbre trio qui a mené avec succès l’affaire concernant
l’Hôpital Montfort jusqu’à la Cour d’appel de l’Ontario106. Ce sont autant d’étoiles qui
font la gloire du Programme de common law en français de l’Université d’Ottawa.
RDO : Cela conclut notre entrevue. Au nom de la Revue de droit d’Ottawa, je vous
remercie sincèrement d’avoir accepté de nous parler.
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Julie Guindon enseigne le droit des testaments et des successions au sein du Programme de common
law en français.
Avocat-conseil au Ministère de la Justice, Groupe du droit des langues officielles.
Voir Lalonde c Ontario (Commission de restructuration des services de santé) (2001), 56 OR (3e) 577, 208
DLR (4e) 577 (CA). Voir aussi Michel Gratton, Montfort : la lutte d’un peuple, Ottawa, Centre francoontarien de ressources pédagogiques, 2003.