Derrière la porte, une vie en jaune.

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Derrière la porte, une vie en jaune.
J.Eyme
Derrière la porte, une vie en
jaune.
Publié sur Scribay le 30/03/2016
Derrière la porte, une vie en jaune.
À propos de l'auteur
Découvrir la littérature en train de se faire.
Essayer de contribuer à ce mouvement.
Lire, Aider, Écrire, Raconter.
À propos du texte
Réécriture du texte en réponse au défi "La porte jaune"
A voir ce que donne cette nouvelle version ^^
Licence
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Derrière la porte, une vie en jaune.
Derrière une porte jaune (nouvelle version)
Comme un coup de poing dans la gueule, ça m’est tombé dessus ; ou plutôt, je leur
suis tombé dessus ; ou encore, il était dessus et mon poing lui est tombé sur la
gueule. Et tout ça par erreur. Une erreur de synchronisation ; une avance, un retard,
un mauvais calcul ; je suis rentré plus tôt, elle pensait que je rentrerai plus tard, il
pensait pouvoir prendre son temps. C'est ainsi que je rentre dans ce qui était notre
appartement. Bon, autant l’avouer de suite, je suis cocu, mais de là à l’apprendre de
cette manière…
Croyez en mon expérience, il serait courtois de préparer le cocu - mari ou femme
(cocu étant heureusement un statut non genré) - avant de lui administrer sans
consentement l’uppercut de sa vie. Le cocufié, en rentrant chez lui, innocent ingénu,
n’ayant pas encore pris conscience de la déloyale bassesse de sa tendre moitié, doit
découvrir en crescendo, piano puis forte, l’œuvre félonne orchestrée dans son dos.
Le flagrant délit dans le lit conjugale, par exemple, est le genre situation des plus
appréciables. Il faut se mette en situation ! De la porte de l’entrée à la chambre à
coucher, le/la cocu subit un rite initiatique.
Alors… Donnons tout d'abord le premier rôle à la gente masculine au sein d'un
couple hétéro. Non pas pour discriminer c'est juste plus simple pour cet exposé. Peu
importe le genre et la combinaison du couple, rien ne change à l'affaire. Ensuite,
partons du postulat que le mari ouvre la porte de son rêve bleu, sans se rendre
compte qu'elle est recouverte du jaune symbolique. Un peu plus loin, sa femme est
dans la chambre maritale, avec un homme, ou une femme, ou une femme et un
homme, ou un homme et un homme, ou deux femmes, ou tant d'autres encore, mais
allons au plus simple statistiquement.
Cas numéro un . Si le mari a de la chance, il verra les traces des Petits Poucet
abandonnant un à un leurs vêtements sur le chemin permettant de suivre leur piste
jusqu'à la chambre : tee-shirt, robe, jeans, lingeries et chaussettes décriront la
migration des fougueux papillons. Il imagine vite la situation et prendra dans ses
filets les papillons en train de papillonner.
Cas numéro deux. La porte bleue de l'entrée se referme derrière lui. Il pose les clefs
sur le buffet de l’entrée et avant même de prononcer le moindre mot, il entend
comme un bruit de basse résonnant dans l’appartement « Sûrement la musique du
voisin » pense-t-il. Il tend l’oreille « Chérie ? Tu es là » il ne parle pas assez fort pour
être entendu. Il se dirige dans le couloir. Le bruit de basse devient martèlement,
martèlement qui sera suivi d’un grincement répétitif et régulier. « Chérie ? », dit-il
mais toujours pas assez fort. Au grincement succède un hennissement, l’étalon
furibond, probablement choisi pour ses qualités équestres, grogne de plaisir.
Madame, quant à elle consciente de son parjure, étouffe ses cris orgasmiques. Une
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Derrière la porte, une vie en jaune.
image s'incruste dans la pensée, une image s'imprime sur la rétine et on en revient
finalement au tableau comme dans le cas numéro un.
Les petits détails précédemment énoncés ménagent le mari. Il est initié et fin prêt à
passer au deuxième stade de l’échelon marital ; en tant que projection du traitre, du
faussaire, du briseur de grève, le voila non pas recouvert de goudron ou de plumes,
mais de jaune, le cocu. Cocu, il ne l'est pas s'il ne le sait pas, les teintes apparaissent
seulement si la vérité entre dans le prisme lumineux.
Le voilà donc fin prêt à voir le film de sa vie amoureuse défiler et s’écrouler en un
instant tandis qu'une pluie d'or coule sur les tapisseries. Il pourra grâce à tout ça,
apprécier la prise de vue en ouvrant la porte et saura résoudre instantanément le
mystère de la chambre jaune. Car avant l’impact visuel, le mari, accessoirement
trompé, se construit une image mentale de la situation et de son avenir ; ainsi, il a
tout le temps soit de fuir, soit de retrousser les manches de sa chemise pour sauter
au cou de l’amant, ou encore d’aller dans la cuisine pour prendre un hachoir et de
revenir sans trop se faire remarquer... Et tandis que le sang se mélange à l'infidélité,
la porte fermée à clef empêchant quiconque de s’enfuir prendra une jolie teinte
orangée.
Ha oui, il ne faut pas oublier le troisième cas :
Cas numéro trois ; les tourtereaux entendent l'arriver du mari. Ni une ni deux,
l’amant, encore chaud et suant, n’ayant pas eu le temps d’expulser sa contenance,
saute du lit (ou se cache sous la couette) avec un excédent sanguin, se revêt du drap
ou de n’importe quoi (ou encore reste nu comme un lombric) et se cache dans
l’armoire ou sous le lit (ou saute par la fenêtre). S’en suivent deux possibilités :
« Un » = Le mari rentrant n’a rien vu, rien entendu, mais alors rien du tout. Et tandis
que l’épouse leurre son mari ou fait diversion (choisir le terme que l'on préfère),
l’amant, s’il ne s’est pas tué en sautant par la fenêtre, pourra filer en toute impunité.
« Deux » = Un détail n’a pu être dissimulé : « A qui appartiennent tous ces
vêtements ? » Le mari comprend et la prise de décision doit être rapide. Que faire ?
Le trouver pour lui botter les fesses ? Questionner sa femme pour qu’elle lui dise ce
que l’évidence de la situation lui hurle à l’oreille ? Ou bien prendre le temps de
passer par le dressing, chercher la boite au fond de la dernière étagère cachée sous
une pile de vieux pull-overs, puis ouvrir la boite, charger le revolver de ses six balles
pour enfin partir à la chasse afin de retapisser la porte, les murs et le tapis en rouge.
Enfin bon, d’une manière ou d’une autre, il est indubitablement préférable à toutes
ces situations, de déclencher la suspicion burlesque du mari ! Si tant est qu’un jour
vous vous agenciez de façon à vous faire prendre, laissez avant le coup fatal, ce jour
où éclate la vérité, laissez avant ce jour les quelques indices de vos petits secrets.
Les héros vaudevilliens doutent très facilement de l’improbable, ils imaginent
l’inimaginable, il remettent en question l’ensemble de leurs acquis, ils observent les
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signes avant-coureurs comme l’odeur d’un nouveau parfum, la fréquence des retards,
enfin tout ce qui paraît inhabituel. Ils doutent et ils doutent… Comiques malgré eux,
ils mènent leurs petites enquêtes, ils suspectent, ils inspectent. Ils récupèrent des
indices laissés ici et là, débouchant à une conviction, une conclusion : « Cocu donc je
suis ! ».
Le suspense sera tenu jusqu'à ce que l'intrigue trouve son dénouement ; il saura ce
que l’aveugle confiance veut dire (si irrémédiablement il ne croit pas aux signes), il
sera patient (pour ne pas dévoiler précocement les résultats de son enquête), il
apprendra la tempérance (il devra cacher à sa femme sueurs froides et colère), la
miséricorde (si finalement il accorde son pardon). Ainsi, les vertus devenant leurs
armes, homme et femme liés par une nouvelle modalité d'existence commune,
pourrons ensemble repeindre leur porte en vert, symbolisant l'espoir d'un avenir
meilleurs. Ou alors l'homme bafoué devra pousser chaque jour la porte marron de sa
vie de merde.
Et puis finalement, c'est quoi la fidélité ? Quel est la couleur d'une telle porte ? Et
c'est quoi l'infidélité ? Peut-on prétendre être seul et unique pour l'autre ? On ne
peut prétendre posséder qui que ce soi. Peu importes les raisons qui nous conduisent
jusqu'au passage à l’acte, c'est le mensonge qui est le problème. Le mensonge de
cacher le désir, l'envi d'un autre avant qu'il n'y ait trahison. Le vrai problème c'est ce
verre en cristal qui se brise en un millier de flocons de neige sur lesquels on
viendrait pisser.
Le problème fut pour moi que ma femme me fasse ça dans le hall d’entrée ! J’ouvre
la porte de mon appartement et je n’ai même pas le temps de déposer mes clefs sur
le buffet, de déposer ma mallette, d'enlever ma veste, ni t'entendre la musique du
voisin, ni d'appeler, que voilà ma compagne sur le sol avec je ne sais qui sur elle,
sans qu'ils daignent s'arrêter alors même que j'étais là... Lui, je le dérouille poliment,
elle, je la quitte et moi, je m’en vais, refermant derrière moi une porte jaune que
j'espère ne jamais avoir à rouvrir.
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