casse-noisette - Opéra national du Rhin

Transcription

casse-noisette - Opéra national du Rhin
Dossier pédagogique
Saison 2015-2016
cavallari
casse-noisette
down under
du rhin
opéra d'europe
operanationaldurhin.eu
En deux mots
Ivan Cavallari se plonge dans le ballet
le plus célèbre de toute l’histoire de la danse
et, derrière le conte, en livre la substance.
Il imagine le récit initiatique de deux
adolescents d’aujourd’hui à la recherche
de leur propre connaissance.
Contacts
Flora Klein • tél + 33 (0)3 68 98 75 21
courriel • [email protected]
Hervé Petit • tél + 33 (0)3 68 98 75 23
courriel • [email protected]
Opéra national du Rhin • 19 place Broglie
BP 80 320 • 67008 Strasbourg
Photo Nis & For
MULHOUSE La Filature
ve 1er avril 14 h 30* & 20 h
sa 2 avril 15 h & 20 h
di 3 avril 15 h
strasbourg Opéra
lu 11 avril 20 h
ma 12 avril 20 h
me 13 avril 20 h
je 14 avril 20 h
ve 15 avril 20 h
colmar Théâtre
ma 26 avril 14 h 30* & 20 h
me 27 avril 20 h
* Représentations réservées
aux groupes scolaires
Réservations : département jeune public
Chorégraphie Ivan Cavallari
Musique Piotr Ilitch Tchaïkovski
Direction musicale Patrick Davin
Décors Edoardo Sanchi
Costumes Maria Porro
Lumières Jon Buswell
Assistante à la chorégraphie Eva Zmekova
Ballet de l’OnR
Petits Chanteurs de Strasbourg
Maîtrise de l’Opéra national du Rhin
Orchestre symphonique de Mulhouse
Représentations scolaires :
spectacles donnés avec une musique enregistrée
Création en 2012 au West Australian Ballet
Avec le soutien de
fidelio
association pour le développement
de l'Opéra national du Rhin
Durée approximative : 1 h 40 avec entracte
Conseillé à partir de 5 ans : mat. GS, élémentaire, collège et lycée
Résumé de l’œuvre originale
Un soir de Noël, Clara reçoit un Casse-noisette, pantin en bois inanimé, qu’elle tient dans ses bras. La nuit, dans
son sommeil, les souris attaquent les jouets que la jeune fille tente de défendre, quand tout à coup le fameux jouet se
transforme en prince charmant. Ce dernier entraîne alors Clara dans son royaume, celui des sucreries. Ils sont reçus
par la fée Dragée qui, pour l’occasion, a organisé de grandes fêtes : de nombreux danseurs se succèdent devant eux. Au
terme de ce rêve, Clara se réveille sous l’arbre de Noël avec le jouet dans ses bras.
Le Casse-noisette d’Ivan Cavallari
Acte I
Par une chaude nuit australienne, chacun chez soi, Clara et Peter, camarades de classe, révisent assis dans leur chambre
pour un examen le lendemain. Cependant, même si cet examen est de la plus grande importance et que seule cette
échéance devrait compter jusqu’aux vacances de Noël, Peter a la tête ailleurs. En effet, le garçon est secrètement
amoureux de Clara, mais il est trop timide pour le lui avouer. Dès lors, afin de gagner le cœur de la jeune fille tout en
dépassant sa peur, Peter mène avec elle une discussion virtuelle sur le Net, dissimulant son identité sous le pseudonyme
de « Casse-noisette ». Lors de ces bavardages en ligne, Casse-noisette ravit Clara par les récits fictifs de ses voyages
autour du monde.
Le lendemain, la chaleur est torride, il fait quarante degrés à l’ombre et c’est dans cette atmosphère que les étudiants
tentent de préparer au mieux leur examen final. Mais l’ambiance austère de la salle de classe au style victorien de Mrs
Drosselmeyer n’aide pas à calmer leurs nerfs fragiles.
Etouffée par cet environnement oppressant, Clara est victime d’une effroyable panique qui la rend incapable de mener à
bien son examen. De retour chez elle, elle se réfugie dans sa messagerie instantanée favorite.
Alerté par les troubles qu’a traversés Clara, Peter, alias « Casse-noisette », la contacte afin de la consoler. Mais soudain,
la conversation de ce soi-disant couple est interrompue par l’attaque d’un virus sur un des ordinateurs. C’est l’occasion
pour Peter d’agir en héros : il fait mine de combattre le logiciel malveillant. Fantasme et réalité se mêlent dans l’esprit
de Clara qui est aspirée par cette bataille virtuelle au cours de laquelle elle soutient son « Casse-noisette » contre le virus
qui s’étend rapidement. Après avoir finalement vaincu ce dernier, les deux jeunes gens terminent leur conversation en
rêvant à leur rencontre fatidique.
Acte II
Arrive la nuit du bal de fin d’année. Tout en se préparant pour ce grand événement, Clara continue de converser
virtuellement avec son « Casse-noisette ». Peter, de son côté, poursuit sa stratégie de conquête du cœur de la jeune fille,
et en profite pour la prévenir de son retour en Australie. Clara est ravie. Le garçon lui annonce alors qu’il s’est inscrit
au bal et l’invite à être sa cavalière.
Les aventures épiques de « Casse-noisette » à travers le monde ont totalement séduit Clara et elle est impatiente de
connaître la véritable identité de son héros. Dans un état proche du rêve, elle se connecte à son ordinateur et compte bien
suivre le voyage de « Casse-noisette » autour du globe en espérant découvrir enfin son visage. Pendant ces pérégrinations
virtuelles, Clara part à la rencontre de diverses cultures et des plaisirs qu’elles offrent. Elle s’imagine aussi arriver au
bal dans une somptueuse robe et songe à la rencontre capitale avec « Casse-noisette ». Mais c’est en vain qu’elle patiente
pour faire sa connaissance, tandis qu’une foule de prétendants lui offre de magnifiques roses blanches. Finalement, le
rêve de Clara s’étiole avant qu’elle puisse identifier le mystérieux « Casse-noisette ».
La nuit du bal, sous le sapin illuminé, les étudiants, fébriles, s’adonnent à des jeux de séduction. Les regards échangés,
entre garçons et filles magnifiquement apprêtés, révèlent l’entrée de ces jeunes gens dans l’âge adulte. Arrivée tardivement
et se sentant mal à l’aise dans sa robe un peu serrée de petite fille, Clara est navrée de ne repérer personne d’autre que
ses camarades dans l’assistance. Elle s’interdit alors de rejoindre le tourbillon des jeunes valseurs avant d’avoir trouvé
son bien-aimé « Casse-noisette ».
Peter trouve le courage d’aller à la rencontre de Clara pour lui offrir une rose, mais la jeune fille la refuse, déclarant
qu’elle attend quelqu’un d’autre. Peter décide alors d’avouer à Clara qu’il est « Casse-noisette » mais, surprise par cette
révélation, Clara s’enfuit, bouleversée. Peter la suit instinctivement et s’acharne à trouver les mots justes afin de se
réconcilier avec elle. Peu à peu, Clara abandonne sa méfiance et s’adoucit.
Clara et Peter ont vécu leur première expérience de l’amour.
Casse-noisette, version d’Ivan Cavallari pour le West Australian Ballet, 2012
Historique
Casse-noisette est un ballet-féérie composé de deux actes, trois tableaux et quinze scènes, créé le 18 décembre 1892 au
Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, chorégraphié par Lev Ivanov, sous la direction de Riccardo Drigo. à l’époque,
Stanlislava Belinskaïa joue le rôle de Clara, Antoinetta Dell-Era celui de la fée Dragée, Pavel Gerdt le prince Orgeat,
Sergueï Legat est Casse-noisette et Timofeï Stoukolkine joue Drosselmeyer. Ce ballet est une véritable icône de la scène
musicale, une des œuvres les plus célèbres de Tchaïkovski.
L’histoire est inspirée de la version d’Alexandre Dumas du conte d’Hoffmann, intitulée Casse-Noisette et le Roi des
souris, à partir duquel Ivan Vsevolojski et Marius Petipa ont imaginé le livret.
La genèse de l’œuvre
Après le succès de La Belle au bois dormant en 1890 et celui de l’opéra-ballet Mlada de Rimsky-Korsakov la même
année, le directeur des théâtres impériaux Alexandre Vsevolojski veut offrir, pour les fêtes de fin d’année 1892, une
œuvre nouvelle, originale dans sa forme puisqu’elle devait réunir dans un même spectacle un opéra et un ballet féérique
rappelant les magnifiques mises en scène de l’Opéra de Paris. Il propose lui-même le scénario, que l’esprit brillant
de Marius Petipa transforme rapidement en un livret remis à Tchaïkovski, chargé également d’écrire la musique de
l’opéra en un acte Iolanta. Mais l’absence logique du récit, à laquelle se rajoute le fait que le ballet ne devait être que
le complément d’une œuvre lyrique, semblable aux grands divertissements français, pâtit d’autant plus que le livret de
Iolanta, dense et dramatique, avait été écrit par le frère du compositeur, Modeste Tchaïkovski, d’après un drame danois
de Henryck Hertz, La Fille du Roi René. La collaboration entre Petipa et Tchaïkovski est comme par le passé très intense
et méticuleuse. Le chorégraphe ayant divisé le ballet en deux actes et trois tableaux et réfléchi scène par scène à ses
besoins musicaux.
Chaque jour, il fait parvenir à Tchaïkovski ses impératifs désirs et ses remarques : « Le Président et sa femme ornent
l’arbre de Noël : musique douce et silencieuse (64 mesures) ; l’arbre s’éclaire a giorno : musique pétillante (8 mesures) ;
la porte s’ouvre ; entrée des enfants : musique joyeuse, brillante (24 mesures) ; le Président ordonne de jouer une marche
de 64 mesures et un galop pour les enfants de 48 mesures », etc. Sceptique quant à la logique du livret, le compositeur est peu enthousiaste de composer la musique qu’on lui commande.
« Comment voulez-vous que je représente un Confiturenburg en musique ? », écrit-il dans une lettre à son neveu Bob.
Obligé d’écrire en même temps un opéra, il s’est aussi engagé à faire une longue tournée en 1891 qui devait le mener
à Berlin, Paris et aux états-Unis. C’est d’ailleurs en embarquant au Havre qu’il apprit la mort de sa sœur Alexandra,
tendrement aimée, dont le souvenir allait hanter ses compositions durant tous les mois à venir. Le ballet imaginé par
Petipa reposait sur le mime. Il l’avait voulu interprété par ses élèves de l’école Impériale de Danse : il y manquait donc
totalement des « airs » de ballet. à ce propos, Vsevolojski écrivait : « Cette œuvre est trop ‘vieux jeu’. Tous les solos et
variations que Petipa a conçus sont sans intérêt pour le public. […] Sans doute conscient des faiblesses de son travail,
Petipa tombe malade au mois d’août 1892. Il confie la réalisation scénique de son œuvre à son adjoint Lev Ivanov, mais
en se gardant la possibilité d’intervenir et de diriger la répétition générale. Ivanov, sous l’autorité du « maître », compose
les danses du divertissement (orientale : « le café » ; chinoise : « le thé » ; espagnole : « le chocolat ») et les deux grandes
valses : la Valse des flocons au premier acte, devenu un moment d’anthologie chorégraphique, danse sur la musique
d’un chœur enfantin, et la Valse des fleurs au deuxième acte, envisagée comme une « valse villageoise ». Cependant,
concernant la collaboration avec Tchaïkovski, Ivanov écrivait : « je ne comprends rien à la musique » !
Richard Flahaut, programme de Casse-noisette, Ballet de l’OnR, Saison 2000-2001
Les critiques de la création
Le lendemain de la première, qui eut lieu en présence de la famille impériale, le critiques ne manquèrent pas, malgré
l’accueil bienveillant du public ébloui par la débauche de luxe offerte par [les décors et les costumes].
Au fil des années
Le ballet est repris par Nicolas Sergueiev en 1909, puis Alexandre Gorsky en 1922. Remonté à Leningrad en 1923 par
Shirayev et Lopukhov, ceux-ci transforment la chorégraphie d’Ivanov, ce qui ne fait pas l’unanimité auprès des puristes.
En 1934, le Kirov demande à Vassily Vainonen de créer une version qui sera d’ailleurs donnée à Leningrad jusqu’à la
fin des années 1980. D’autres versions n’ont cessé de se multiplier en Europe et aux états-Unis depuis lors. On citera
notamment celles de Roland Petit en 1976 au Ballet de Marseille, celle de Heinz Spoërli en 1980 à Bâle, celle de Thierry
Malandain en 1998, et cette même année celle de Maurice Béjart à Lausanne, ou encore la version Casse-Noisette Circus
de Jean-Christophe Maillot en 1999 au Ballet de Monte-Carlo.
à l’OnR, Jo Strømgren en donne sa version en 2000.
Casse-noisette, version Jo Strømgren, Ballet de l’OnR, Saison 2000-2001, photos Jean-Luc Tanghe
Le cinéma aussi donnera à Casse-noisette ses lettres de noblesse avec la version Walt Disney extraite de Fantasia.
Et s’il n’en restait qu’un, ce serait celui-là !
Telle pourrait être la devise du plus populaire des ballets de l’histoire de la danse. Rares sont ceux qui ne peuvent
fredonner quelques notes de la célèbre partition de Tchaïkovski qu’on retrouve partout. Et puis, cette féérique histoire
qui ne raconte rien de moins que le passage de l’enfance à l’âge adulte peut donner lieu à tellement de lectures… Voici
donc celle d’Ivan Cavallari qui, dans le respect de la tradition, propose une version bien actuelle capable de ravir toutes
les générations.
Casse-noisette... Down under ?
Cette expression anglo-saxonne que l’on peut traduire littéralement par « en bas-en-dessous » désigne l’Australie et la
Nouvelle-Zélande, plus généralement ces pays situés dans l’hémisphère Sud, aux antipodes des pays dits occidentaux.
Une loi interdit de désigner le nom « Australie » dans les films tournés dans ce pays, aussi utilise-t-on cette expression
pour le remplacer. Est-ce aussi le cas pour les ballets ? Quoi qu’il en soit, Ivan Cavallari, ancien Directeur du West
Australian Ballet, nous emmène dans ce « Down under » qui lui est cher et où il a recréé l’illustre Casse-noisette.
La chorégraphie d’Ivan Cavallari
Il s’agit d’une recréation, avec le recours à une danse plus contemporaine. Fan de néoclassicisme, Ivan Cavallari opte
pour une mise en scène et un décor adaptés au goût du jour, plus modernes. L’objectif étant d’adapter l’œuvre à la
culture australienne d’aujourd’hui en ciblant surtout les adolescents. En témoigne le cadre spatio-temporel : l’histoire
se déroule dans un lycée à notre époque où la plupart des élèves communiquent via leurs téléphones en envoyant des
textos. Le message que le chorégraphe souhaite véhiculer s’adresse aux adolescents, il les encourage à être eux-mêmes
et considère qu’il est inutile de se cacher derrière un écran. Les nouvelles technologies sont selon lui une source de
déshumanisation des individus. L’aspect matériel serait un obstacle aux relations humaines et au contact direct.
La musique de Tchaïkovski
La musique de Casse-noisette est considérée comme étant la plus célèbre de Tchaïkovski. Le compositeur souhaite
prolonger avec cette œuvre la tradition romantique. Elle contient plusieurs mélodies réutilisées très régulièrement à
la télévision, dans des films ou des publicités, notamment le Trépak, la Valse des fleurs ou encore la Danse de la fée
Dragée. L’ensemble musical propose de riches harmonies suscitant de l’émotion.
La danse du Trépak est une danse cosaque très courte (moins d’une minute). Elle est jouée dans un tempo très rapide. Il
s’agit de la quatrième danse offerte aux visiteurs, à Clara et son prince. Arrive en premier le thème, très rapide et joué
quatre fois par les cordes. Le tambourin intervient dès la troisième reprise du thème et accentue par sa pulsation un
caractère vif et dansant. Le deuxième thème est très proche du premier, il apparaît brièvement. Vient ensuite la transition
qui permet de revenir au premier thème joué, qui revient cette fois dans un crescendo et un accelerando enivrants.
La Valse des fleurs rappelle une valse viennoise. Après une cadence de harpe, les cors s’occupent de jouer le thème,
considéré comme le plus connu de Casse-noisette.
La Danse de la fée Dragée est une danse très courte mais qui dégage une atmosphère différente de celle du Trépak, plus
secrète et mystérieuse. L’introduction est jouée en pizzicato par les cordes (son qui résulte d’un pincement de la corde).
Le thème principal apparaît dans l’aigu, joué par le célesta, auquel répondent les bois et les cuivres dans les graves. Puis
on distingue un échange entre les cordes et les bois, avant que célesta et cordes partent dans les aigus via des gammes et
des arpèges. Ceci se conclut par un silence marquant une « fausse fin ». Le tempo devient de plus en plus rapide, la danse
se termine alors dans un crescendo.
La Valse finale traduit le retour à la réalité et le retour à la valse. Ici deux thèmes se succèdent. Les flûtes jouent un long
trille, les cuivres suivent et montent en puissance. Les cymbales permettent d’amplifier le crescendo final.
Sources :
> Médiathèque de la Cité de la musique
> Wikipedia
> Analyse de l’œuvre, site de l’Académie de Versailles
Casse-noisette, un ballet aux facettes multiples « Casse-noisette offre les particularités d’être une musique à la fois traditionnelle et novatrice, portant la signature bien
reconnaissable de son auteur tout en constituant à divers titres une exception, née d’une inspiration largement objective,
déterminée par le sujet lui-même, mais recelant aussi des sentiments et des émotions profondément personnels. Les
origines de son style musical sont d’ordres divers, et on ne saurait les limiter à une filiation avec les deux ballets
précédents.
Tchaïkovski n’a jamais été ni n’a prétendu être un révolutionnaire de la musique. Bien au contraire, il a toujours affirmé
son attachement aux règles établies de forme et d’harmonie. Casse-noisette lui fournit l’occasion d’introduire dans sa
partition un instrument récemment apparu, et qu’il sera le premier à utiliser (à peu près simultanément avec Chausson
dans Le Roi Arthus) : le célesta Mustel, qu’il venait de découvrir lors d’un séjour à Paris.
Dans un grand nombre de ses œuvres, Tchaïkovski a fait un usage abondant du thématisme populaire, russe
bien sûr, mais parfois aussi emprunté à d’autres origines. Sa francophilie (n’oublions pas qu’il avait des origines
françaises par sa mère) lui a dicté plusieurs citations de chansons françaises bien connues : « Bon voyage Monsieur
Dumolet » (Acte I, Petit galop des enfants et entrée des parents), « Giroflée-Girofla » et « Cadet Roussel » (Acte II,
La mère gigogne et les polichinelles). Quant au fond germanique de l’histoire, il est souligné par le Grossvatertanz
(Acte I, n°5), caricature bon enfant du thème allemand du XVIIe siècle dont Schumann avait fait usage dans son Carnaval.
Il faut rappeler à ce propos qu’une des grandes différences de Tchaïkovski avec la majorité de ses contemporains russes
est son peu d’attachement à l’orientalisme, lequel aura été une des lignes de forces de Balakirev, Borodine, RimskiKorsakov, et dans une moindre mesure Moussorgski.
Et puis tout de même, le petit clin d’œil du Russe lui-même, qui après s’être diverti dans l’exotisme, empoigne l’orchestre
à bras-le-corps avec un Trépak, danse cosaque bondissante, comme le désigne le terme, qui provient du verbe « trépat »
qui signifie à la fois « secouer » et « ébouriffer » !
D’autres numéros de Casse-noisette ont acquis un surcroît de notoriété grâce aux nombreuses utilisations publicitaires
qui en ont été faites.
Casse-noisette, œuvre objective ou œuvre personnelle ? C’est sur la seconde éventualité que nous conclurons. En écrivant
cet arbre de Noël musical, Tchaïkovski a peut-être soulevé le voile sur un aspect de lui-même que ses biographies n’ont
guère pris en considération : au soir de sa vie, son aspiration nostalgique à l’art d’être le grand-père qu’il ne fut jamais. »
Richard Flahaut, programme de Casse-noisette, Ballet de l’OnR, Saison 2000-2001
Alexandre Dumas
Histoire d’un casse-noisette, 1844 (extrait)
Où il est expliqué comment l’auteur fut contraint de raconter l’histoire du Casse-Noisette de Nuremberg
Il y avait une grande soirée d’enfants chez mon ami le comte de M.…, et j’avais contribué, pour ma part, à grossir la
bruyante et joyeuse réunion en y conduisant ma fille. Il est vrai qu’au bout d’une demi-heure, pendant laquelle j’avais
paternellement assisté à quatre ou cinq parties successives de colin-maillard, de main chaude et de toilette de madame,
la tête tant soit peu brisée du sabbat que faisaient une vingtaine de charmants petits démons de huit à dix ans, lesquels
criaient à qui mieux mieux, je m’esquivais du salon et me mettais à la recherche de certain boudoir de ma connaissance,
bien sourd et bien retiré, dans lequel je comptais reprendre tout doucement le fil de mes idées interrompues.
J’avais opéré ma retraite avec autant d’adresse que de bonheur, me soustrayant non seulement aux regards des jeunes
invités, ce qui n’était pas bien difficile, vu la grande attention qu’ils donnaient à leurs jeux, mais encore à ceux des
parents, ce qui était une bien autre affaire. J’avais atteint le boudoir tant désiré, lorsque je m’aperçus, en y entrant,
qu’il était momentanément transformé en réfectoire, et que des buffets gigantesques y étaient dressés tout chargés de
pâtisseries et de rafraîchissements. Or, comme ces préparatifs gastronomiques m’étaient une nouvelle garantie que je
ne serais pas dérangé avant l’heure du souper, puisque le susdit boudoir était réservé à la collation, j’avisai un énorme
fauteuil à la Voltaire, une véritable bergère Louis XV à dossier rembourré et à bras arrondis, une paresseuse, comme on
dit en Italie, ce pays des véritables paresseux, et je m’y accommodai voluptueusement, tout ravi à cette idée que j’allais
passer une heure seul en tête à tête avec mes pensées, chose si précieuse au milieu de ce tourbillon dans lequel, nous
autres vassaux du public, nous sommes incessamment entraînés.
Aussi soit fatigue, soit manque d’habitude, soit résultat d’un bien-être si rare, au bout de dix minutes de méditation,
j’étais profondément endormi. Je ne sais depuis combien de temps j’avais perdu le sentiment de ce qui se passait autour
de moi, lorsque tout à coup je fus tiré de mon sommeil par de bruyants éclats de rire. J’ouvris de grands yeux hagards
qui ne virent au-dessus d’eux qu’un charmant plafond de Boucher, tout semé d’Amours et de colombes, et j’essayai de
me lever ; mais l’effort fut infructueux, j’étais attaché à mon fauteuil avec non moins de solidité que l’était Gulliver sur
le rivage de Lilliput.
Je compris à l’instant même le désavantage de ma position ; j’avais été surpris sur le territoire ennemi, et j’étais prisonnier
de guerre.
Ce qu’il y avait de mieux à faire dans ma situation, c’était d’en prendre bravement mon parti et de traiter à l’amiable de
ma liberté.
Ma première proposition fut de conduire le lendemain mes vainqueurs chez Félix, et de mettre toute sa boutique à leur
disposition. Malheureusement le moment était mal choisi, je parlais à un auditoire qui m’écoutait la bouche bourrée de
babas et les mains pleines de petits pâtés.
Ma proposition fut donc honteusement repoussée.
J’offris de réunir le lendemain toute l’honorable société dans un jardin au choix, et d’y tirer un feu d’artifice composé
d’un nombre de soleils et de chandelles romaines qui serait fixé par les spectateurs eux-mêmes.
Cette offre eut assez de succès près des petits garçons ; mais les petites filles s’y opposèrent formellement, déclarant
qu’elles avaient horriblement peur des feux d’artifice, que leurs nerfs ne pouvaient supporter le bruit des pétards, et que
l’odeur de la poudre les incommodait.
J’allais ouvrir un troisième avis, lorsque j’entendis une petite voix flûtée qui glissait tout bas à l’oreille de ses compagnes
ces mots qui me firent frémir :
— Dites à papa, qui fait des histoires, de nous raconter un joli conte.
Je voulus protester ; mais à l’instant même ma voix fut couverte par ces cris :
— Ah ! oui, un conte, un joli conte ; nous voulons un conte.
— Mais, mes enfants, criai-je de toutes mes forces, vous me demandez la chose la plus difficile qu’il y ait au monde : un
conte ! comme vous y allez. Demandez-moi l’Iliade, demandez-moi l’Énéide, demandez-moi la Jérusalem délivrée, et je
passerai encore par là ; mais un conte ! Peste ! Perrault est un bien autre homme qu’Homère, que Virgile et que le Tasse,
et le Petit Poucet une création bien autrement originale qu’Achille, Turnus ou Renaud.
— Nous ne voulons point de poème épique, crièrent les enfants tout d’une voix, nous voulons un conte !
— Mes chers enfants, si…
— Il n’y a pas de si ; nous voulons un conte !
— Mais, mes petits amis…
— Il n’y a pas de mais ; nous voulons un conte ! nous voulons un conte ! nous voulons un conte ! reprirent en chœur
toutes les voix, avec un accent qui n’admettait pas de réplique.
— Eh bien, donc, repris-je en soupirant, va pour un conte.
— Ah ! c’est bien heureux ! dirent mes persécuteurs.
— Mais je vous préviens d’une chose, c’est que le conte que je vais vous raconter n’est pas de moi.
— Qu’est-ce que cela nous fait, pourvu qu’il nous amuse ?
J’avoue que je fus un peu humilié du peu d’insistance que mettait mon auditoire à avoir une œuvre originale.
— Et de qui est-il, votre conte, Monsieur ! dit une petite voix appartenant sans doute à une organisation plus curieuse
que les autres.
— Il est d’Hoffmann, mademoiselle. Connaissez-vous Hoffmann ?
— Non, monsieur, je ne le connais pas.
— Et comment s’appelle-t-il, ton conte ? demanda, du ton d’un gaillard qui sent qu’il a le droit d’interroger,
le fils du maître de la maison.
— Le Casse-Noisette de Nuremberg, répondis-je en toute humilité. Le titre vous convient-il, mon cher Henri ?
— Hum ! ça ne promet pas grand-chose de beau, ce titre-là. Mais n’importe, va toujours ; si tu nous ennuies,
nous t’arrêterons et tu nous en diras un autre, et ainsi de suite, je t’en préviens, jusqu’à ce que tu nous en dises
un qui nous amuse.
— Un instant, un instant ; je ne prends pas cet engagement-là. Si vous étiez de grandes personnes, à la bonne heure.
— Voilà pourtant nos conditions, sinon, prisonnier à perpétuité.
— Mon cher Henri, vous êtes un enfant charmant, élevé à ravir, et cela m’étonnera fort si vous ne devenez pas un jour
un homme d’État très distingué ; déliez-moi, et je ferai tout ce que vous voudrez.
— Parole d’honneur ?
— Parole d’honneur.
Au même instant, je sentis les mille fils qui me retenaient se détendre ; chacun avait mis la main à l’œuvre de ma
délivrance, et au bout d’une demi-minute, j’étais rendu à la liberté.
Piotr Ilitch Tchaïkovski
Compositeur
Né en 1840 à Votkinski dans l’Oural, il apprend le piano très jeune avec sa mère. En 1848,
la famille déménage à Moscou puis à Saint-Pétersbourg. De 1852 à 1859, il poursuit des
études de droit. En 1862, il entre au Conservatoire de Saint-Pétersbourg et suit les cours de
piano d’Anton Rubinstein. De 1866 à 1877, il est professeur de théorie au Conservatoire
de Moscou et peut s’adonner librement à la création grâce tout d’abord à une rente
annuelle que lui donne Nadejda von Menck, puis à une solde d’honneur accordée par le
Tsar. En 1867, il écrit son premier opéra. La mort de sa mère, en 1854, l’affecte beaucoup
et fait de lui un homme au caractère sensible et pessimiste, d’un tempérament fort et d’une
mélancolie profonde. Il voit dans Mozart son idéal. Ami de Rimski-Korsakov et de Mili
Balakirev, Tchaïkovski s’inspire de la culture musicale romantique de l’Occident et la
musique folklorique russe. En 1877, il créé Le Lac des cygnes, mais c’est un échec. Puis
il entreprend l’écriture d’Eugène Onéguine sur un texte de Pouchkine (1799-1837) : c’est
un succès. Il est alors acclamé dans le monde entier pour ses symphonies et notamment
pour ses concertos. En revanche, ses nouveaux opéras (Mazeppa, La Pucelle d’Orléans)
n’accèdent pas au même succès. Pouchkine l’inspire et c’est avec La Dame de pique qu’il compose son meilleur opéra.
à celui-ci succèdent ses ballets : La Belle au bois dormant et Casse-noisette, chorégraphiés par Marius Petipa. C’est en
1893 que la Russie perd un de ses plus grands compositeurs. Ayant eu la possibilité de voyager à travers le monde, sa
musique est marquée par l’art lyrique français, italien et allemand, on dit d’ailleurs de lui qu’il est le plus occidental de
tous les compositeurs russes.
Les œuvres majeures de Tchaïkovski
> 1868 : Fatum, poème symphonique
> 1869 : Roméo et Juliette, ouverture fantaisie
> 1875 : Concerto pour piano n°1
> 1875-76 : Le Lac des cygnes
> 1877-78 : Eugène Onéguine
> 1877-78 : Symphonie n°4
> 1878 : Concerto pour violon
> 1880 : Ouverture 1812
> 1885 : La Symphonie Manfred
> 1888 : Symphonie n°5
> 1888-89 : La Belle au bois dormant
> 1890 : La Dame de pique
> 1891-92 : Casse-noisette
> 1893 : Symphonie n°6 « Pathétique »
Biographies
Ivan Cavallari
Chorégraphie
Né à Bolzano en Italie en 1964, il intègre l’école du Ballet de
La Scala à Milan, avant d’être boursier à l’école du Bolchoï
Ballet de Moscou de 1981 à 1983. De 1984 à 1985, il est danseur
au sein du Ballet de La Scala et entre au Ballet de Stuttgart
en 1986 où il devient danseur-étoile en 1991. Il interprète ses
premiers rôles dans les chorégraphies de Balanchine, Fokine,
Béjart, Tetley, Kylián, Forsythe, Scholz, Neumeier. Il travaille
avec des artistes internationaux tels que Massimiliano Guerra,
Alessandra Ferri, Alina Cojocaru, Tamara Rojo, Johan Kobborg
et Adam Cooper. Il danse tous les premiers rôles des ballets
de John Cranko et remonte régulièrement ses œuvres pour des
compagnies telles que le Royal Ballet du Covent Garden de
Londres, La Scala de Milan, le Ballet National tchèque à Prague,
le Ballet National hongrois à Budapest, l’Opéra de Rome, le
Ballet royal suédois, le Ballet d’ Oslo, le Ballet national de Chine
à Beijing, le Ballet universel en Corée et le West Australian
Ballet. Il réalise des chorégraphies pour le Ballet de Stuttgart,
le Ballet der Staatsoper à Hanovre, le Ballet de l’Opéra de Lodz
en Pologne, le Ballet de Mannheim, le Ballet du Staatsoper de
Vienne. En 2002, sa création pour le Liaoning Ballet, The Last
Empereur and I, remporte plusieurs prix. De 2007 à 2012, il est
à la tête du West Australian Ballet. Depuis 2012, il est directeur
artistique du Ballet de l’OnR, il y crée Dolly en avril 2013, y
donne son Pinocchio en janvier 2014.
Prolongements pédagogiques
Arts du langage
> Le parti pris de la chorégraphie (transposition du conte à l’époque actuelle)
> Un livret / deux sources littéraires : Histoire d’un casse-noisette d’Alexandre Dumas et Le Roi des souris
d’E.T.A. Hoffmann
> écrire une autre version du conte (époque et contexte différents, futuriste, etc.)
> Le conte, le rêve
Sujets de réflexion
> Passage de l’enfance à l’adolescence, l’amour, les forces du mal
éducation aux médias
> Reportage, articles autour des métiers liés à la danse ou au spectacle Casse-noisette, interview imaginaire
de Tchaïkovski, etc.
Géographie
> En fonction du cadre du spectacle : l’Australie (situer les grandes villes, leur culture)
Arts du spectacle vivant
> La chorégraphie d’Ivan Cavallari : néo-classique et d’une grande virtuosité technique pour les danseurs
> Codes et vocabulaire, histoire de la danse classique et néo-classique
> Le ballet à l’époque de sa création : le ballet-féérie
> Extraits de vidéos du ballet Casse-noisette (danse classique)
EPS / danse et éducation musicale
> Pratique chorégraphique, expression corporelle : les danses du troisième tableau (espagnole, arabe,
chinoise, russe, etc.)
Arts du son
> Enfance et féérie illustrées par l’orchestration de Tchaïkovski : instruments jouets, célesta
(nouveau à l’époque), sonorités inventives et étincelantes, notamment dans les tessitures aigues
> Pratique musicale, écoute : thèmes cultes à reconnaître et à fredonner pouvant donner lieu à des créations
de paroles et de chansons
> Chansons Bon voyage Monsieur Dumollet et Cadet Roussel
> Tchaïkovski : biographie, ses musiques de ballet
> La musique russe
Technologie et éducation musicale
> Construire des instruments jouets, puis sonoriser un extrait de film ou de dessin animé
Arts du visuel
> éléments de décors, accessoires et costumes du spectacle : tables et chaises d’écoliers, tableau noir,
habits d’écoliers pour certains costumes, téléphones portables, etc.
> Créer une bande-dessinée (histoire d’origine, celle du spectacle ou réécriture effectuée par les élèves)
> Lors de la première représentation en 1892 : croquis d’origine des décors et costumes, affiches, photos
> Extraits de Fantasia de Walt Disney, Le Prince Casse-Noisette de Paul Schibli (film d’animation, 1990)
Technologie
> Créer un casse-noisette, en forme de personnage par exemple

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