Semiotique du packaging

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Semiotique du packaging
Analyse sémiologique de packagings pharmaceutiques
2.Analyse sémiologique de packagings
pharmaceutiques
A.La codification plastique
Le format général des packagings pharmaceutiques répond à un code plastique
et sémantique rigoureusement établi, et même réglementé, admettant de
faibles variations. Ce code définit ainsi les médicaments comme une classe
d’objets. Il est mis en œuvre par les produits homéopathiques comme il l’est
par les produits allopathiques. On observe cependant que son application tend
à être plus systématique dans l’univers homéopathique, qui s’autorise moins de
variations.
a.La boîte de médicament
La boîte de médicaments se présente invariablement comme un parallélépipède
de carton, de dimensions variables, avec ouverture aux deux extrémités. La
couleur de fond est blanche, glacée ou satinée, sur laquelle se détachent une ou
plusieurs couleurs d’accompagnement en un motif qui définit, à la manière d’un
logo, l’identité de la marque ou du produit.
Cette règle admet de rares exceptions, comme par exemple, Doliprane
(fond
jaune avec une large rayure horizontale bleue ou verte) et Nurofen (fond gris
métallisé) parmi les médicaments allopathiques. La règle plastique du fond blanc
est exploitée de manière maximale chez Boiron
où, visuellement, l’ensemble
se présente comme un univers de blancheur.
b.Le motif plastique
Le motif plastique est le plus généralement abstrait ou symbolique (formes
géométriques, composition colorée). Il est occasionnellement figuratif : dessin
du produit par exemple (collutoire, bouteille, pastille ou gélule chez Humex ;
comprimé chez UPSA , avec parfois figuration de l’effervescence), représentation
de l’univers d’origine (fleurs et plantes pour Phytotux de Lehning ) ou de
l’univers visé (un seul cas dans l’ensemble du corpus et pour la marque ellemême : la marguerite très claire d’Arnigel chez Boiron ).
c.Le contenu sémantique
Le contenu sémantique des boîtes de médicaments est également fortement
stéréotypé : strictement informatif, technique et pratique. La façade avant (et
parfois la façade arrière) indique le nom du produit, la dénomination des
maux traités, le nom de la marque. Elle indique parfois le constituant central
et principe actif du produit (« lidokaïne », « paracétamol et pseudoéphédrine »)
affichant ainsi la dimension scientifique du traitement et le crédibilisant.
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Remarque
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Sémiotique du packaging
B.Le discours de légitimation de l’homéopathie
Il est intéressant d’observer ici le discours de légitimation de l’homéopathie qui
applique rigoureusement ces codifications conventionnelles, tant sur le plan
plastique que sur celui des contenus. On peut noter :
– qu’il s’autorise moins de variations que les médicaments allopathiques ;
– qu’il n’affiche jamais le nom du principe actif sur la façade du packaging, si
ce n’est, exceptionnellement, dans le nom même du produit (« cocculine » a
pour un de ses constituants le « cocculus ») ;
– que les principes de formation terminologique des noms de produits sont
similaires à ceux des médicaments allopathiques.
Ces désignations prennent racine :
– soit du côté de l’origine, dans le nom du mal à soigner : « Rhinallergy »
de Boiron contient le noyau de rhinite ; « Drosétux », « Dolifébril » et
« Doligrippil » de Dolisos, ou « Phytotux » de Lehning ont une étymologie
transparente, tout comme « Broncoclar » ou « Fervex » d’UPSA ;
– soit du côté du produit lui-même, dans l’allusion au principe actif :
« Arnigel » (arnica), « Cocculine » (cocculus) de Boiron, tout comme « Multi
vitamines », d’UPSA ou, de manière plus approximative, « Nurofen » qui
puise ses syllabes dans son constituant ibuprofène ;
– soit du côté de l’effet visé, dans l’action du médicament : « Sédatif PC »
de Boiron (de sédatif : qui calme) est parallèle à « Humex » (qui humidifie)
d’Urgo ou à « Donormil » (qui fait dormir) d’UPSA.
Cette conformité dans l’application des « règles » peut donc être interprétée
comme un discours d’intégration et de légitimation : au niveau très général
de leur apparence, ces médicaments soulignent leur appartenance à la classe
commune des médicaments en effaçant leur différence. Rares sont ceux qui font
apparaître la racine « homéo » dans leur nom (« Homéoplasmine » de Boiron).
C.Les ruptures plastiques et narratives
entre homéopathie et allopathie
Or, on observe d’importantes ruptures plastiques et narratives. À y regarder de
plus près en effet, plusieurs particularités apparaissent, qui concernent aussi
bien les choix plastiques que les perspectives narratives impliquées par ces
choix.
a.Les choix plastiques
Le choix des couleurs, celui des modes de passage d’une couleur à l’autre et,
plus généralement, celui de l’organisation plastique globale, sont clairement
distinctifs (tableau 2.1).
Analyse sémiologique de packagings pharmaceutiques
Dimension issue
de l’analyse
de contenu
Sobriété/Exubérance
Tendance esthétique
du consommateur
Tendance individuelle ponctuant le choix
de formes sobres ou exubérantes
Abstraction/Goût organique Préférences pour les formes abstraites,
inorganiques (non liées à la vie) ou pour
les formes vivantes
Analyse/Pragmatisme
Préférence pour les formes complexes,
suscitant la réflexion ou pour les formes
simplifiées, interprétables immédiatement
Scepticisme esthétique
Souligne à la fois la « réceptivité » esthétique
de l’individu et son degré d’indécision en
matière d’esthétique
Goût pour la couleur
Tendance individuelle à préférer certaines
couleurs
Tableau 2.1. Les choix plastiques.
Les couleurs homéopathiques
Les couleurs privilégiées par les médicaments homéopathiques sont pour l’essentiel
des couleurs chaudes (orangé, jaune, rouge), désaturées, douces, pastellisées.
Elles sont, chez Boiron et Dolisos, présentées de manière systématiquement
graduelles, allant d’une plus forte intensité à une plus faible et inversement.
L’espace défini par l’organisation plastique est un espace de diffusion, soit sur le
mode de la dilatation horizontale réciproque (chez Boiron ), soit sur le mode
de la réciprocité entre expansion/concentration (chez Dolisos ).
Les couleurs allopathiques
À l’inverse, les couleurs privilégiées par les médicaments allopathiques sont pour
l’essentiel des couleurs froides (bleu marine, vert), poussées à leur maximum
d’intensité, inscrivant leurs limites de manière fortement contrastée dans des
motifs rigides (le cercle central d’UPSA dans Fervex, Collustan, Broncoclar ou
Donormil, l’angle de Nurofen ou de Humex). Les couleurs chaudes, lorsqu’elles
apparaissent, interviennent comme des contrepoints (le point rouge de Humex,
celui de Nurofen). L’espace que définit l’organisation plastique est ainsi focalisé
et circonscrit dans ses délimitations (même s’il fait intervenir des séquences
graduelles).
Ces observations formelles déterminent la signification narrative : ce que
racontent ces packagings.
b.Les récits induits
Les deux grands types dégagés racontent tous deux une histoire à travers leur
seule manifestation plastique, indépendamment des désignations elles-mêmes.
Elles disent la transformation d’un état de choses, le passage du mal-être au bienêtre. Mais les deux types de récits sont également contrastés (tableau 2.2).
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