Les processus d`intégration des étrangers dans la ville de Paris
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Les processus d`intégration des étrangers dans la ville de Paris
Les processus d’intégration des étrangers dans la ville de Paris Rapport final Génériques 26 mars 2003 Plan AVANT-PROPOS ............................................................................................................... 4 INTRODUCTION............................................................................................................... 5 CHAPITRE I...................................................................................................................... 6 DÉFINITIONS ET ENJEUX DE L’INTÉGRATION ................................................................. 6 I.1. Q U’EST-CE QUE L’INTÉGRATION ? ........................................................................................ 6 I.2. LA LECTURE ÉVOLUTIONNISTE DES PROCESSUS D’INTÉGRATION.................................................... 7 I.3. L’INTÉGRATION, L’INDIVIDU ET LA COMMUNAUTÉ.................................................................... 8 I.4. LES INDICATEURS DE L'INTÉGRATION ET LEURS LIMITES.............................................................. 9 I.5. LE REGISTRE SYMBOLIQUE DE L’INTÉGRATION ......................................................................... 9 CHAPITRE II .................................................................................................................. 12 LES ENJEUX D’UNE POLITIQUE PUBLIQUE D’INTÉGRATION.......................................... 12 II.1. LA DÉFINITION DES PUBLICS CIBLES................................................................................... 12 II.2. LES MODES DE TRAITEMENT ............................................................................................ 13 II.2. 1. Traitement affiché et/ou traitement implicite ......................................................... 13 II.2. 2. Traitement spécifique et/ou de droit commun ........................................................ 13 II.2. 3. Traitement sectoriel et/ou transversal .................................................................... 14 II.3. LES ENJEUX CENTRAUX .................................................................................................. 15 CHAPITRE III ................................................................................................................. 17 LES CONDITIONS D’UNE POLITIQUE LOCALE D’INTÉGRATION ..................................... 17 III.1. IMMIGRATION ET INTÉGRATION DES NON-NATIONAUX À P ARIS : ENTRE CONTRAINTES GLOBALES ET LOGIQUES D’ACTEURS ........................................................................................................................ 17 III.2. LES PARTICULARITÉS DU CONTEXTE PARISIEN...................................................................... 18 III.3. LA POPULATION ÉTRANGÈRE À P ARIS................................................................................ 19 III.4. LA CONNAISSANCE STATISTIQUE : LA NÉCESSITÉ DE NOUVEAUX OUTILS..................................... 21 CHAPITRE IV ................................................................................................................. 23 PRENDRE EN COMPTE LA PERSPECTIVE DES EXCLUS DU DROIT DE VOTE : L’ENJEU DE LA CONSULTATION............................................................................................................. 23 IV.1. LA PRATIQUE DE LA CONSULTATION ................................................................................. 23 IV.2. LES PROBLÉMATIQUES CENTRALES LIÉES À LA PRATIQUE DES CONSEILS CONSULTATIFS ................... 24 IV.2.1. La question de la représentativité ......................................................................... 24 IV.2.2. La question de l’autonomie et de l’indépendance................................................... 25 IV.2.3. La question des performances et des moyens.......................................................... 25 IV.2.4. La question des synergies..................................................................................... 26 IV.3. LA CONSULTATION EN E UROPE : UN REGARD COMPARATIF .................................................... 26 CHAPITRE V................................................................................................................... 28 RECOMMANDATIONS POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA POLITIQUE PARISIENNE D’INTÉGRATION............................................................................................................ 28 1. AMÉLIORER LA CONNAISSANCE DES RÉALITÉS DE L’INTÉGRATION ÀP ARIS ....................................... 28 2. D ÉFINIR UNE VISION D’ENSEMBLE DE LA POLITIQUE D’INTÉGRATION............................................. 29 3. C LARIFIER LA QUESTION DES PUBLICS CIBLES .......................................................................... 30 4. R ENFORCER LA COORDINATION INTRA-MUNICIPALE .................................................................. 30 2 5. D ÉCONCENTRER PARTIELLEMENT LA POLITIQUE MUNICIPALE D’INTÉGRATION .................................. 31 6. APPROFONDIR LES PROCÉDURES DE CONSULTATION ................................................................. 31 7. APPUYER LE DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR ASSOCIATIF ŒUVRANT DANS LE CHAMP DE L’INTÉGRATION.. 32 8. VALORISER L’IDENTITÉ PLURIELLE ET COSMOPOLITE DE P ARIS ..................................................... 32 9. D ÉVELOPPER LA DIMENSION EUROPÉENNE DE LA POLITIQUE D’INTÉGRATION.................................. 32 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................ 33 ANNEXE 1 - APPENDICE MÉTHODOLOGIQUE................................................................ 36 ANNEXE 2 ...................................................................................................................... 38 ANNEXE 3 - LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES....................................................... 40 3 Avant-propos Ce rapport s’inscrit dans le cadre du diagnostic sur l’intégration des étrangers à Paris mis en œuvre par la Délégation à l’intégration et aux résidents non-communautaires sous la responsabilité de Mme Khédidja Bourcart, adjointe au maire. L’ambition de ce rapport n’est pas de produire de nouvelles connaissances, mais d’offrir une analyse qui puisse servir d’appui à la décision politique. C’est notamment pour cette raison que des préconisations, qui concernent les leviers d’action proprement municipaux, sont formulées en fin de document. L’association Génériques a accueilli positivement la volonté de la nouvelle équipe municipale de relancer la réflexion et l’action sur l’intégration des résidents étrangers et a souhaité jouer un rôle actif dans cette dynamique de reconnaissance de la diversité parisienne. C’est dans cet esprit qu’elle a décidé de soumissionner dans le cadre de l’appel d’offres pour la réalisation d’une étude thématique relative aux processus d’intégration en cours dans la ville de Paris. Depuis de nombreuses années, Génériques développe un partenariat étroit avec le monde de la recherche. Par ses activités, elle collabore activement avec les historiens de l’immigration en France et en Europe. Mais cela va bien au-delà. À travers l’organisation de colloques et par le biais de ses publications, l’association a tissé un large réseau international de collaborateurs universitaires dans différentes disciplines. L’équipe rassemblée par Génériques en vue de préparer le présent rapport est directement issue de cette expérience de travail en réseau entre le monde universitaire et le monde associatif. Coordonnée par Driss El Yazami, délégué général de l’association, l’équipe était formée de Mustapha Belbah, docteur en sciences politiques de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, chercheur associé au Groupe d’analyse des politiques publiques (CNRS-ENS de Cachan), et Hassan Bousetta, docteur en sciences sociales de la Katholieke Universisteit Brussel et chercheur à la Katholieke Universiteit Leuven. Laurence Canal, assistante et Farouk Belkeddar, secrétaire général de l’association Génériques complétaient cette équipe par un travail dans l’ombre d’une efficacité constante. Comme prévu par le cahier des charges, l’équipe de Génériques était assistée par l’Agence Parisienne de l’Urbanisme (APUR), dont le rôle consistait à coordonner les différentes études thématiques du diagnostic intégration et à contribuer au rassemblement des données statistiques relatives aux étrangers à Paris. Les auteurs de ce rapport tiennent à exprimer leurs plus vifs remerciements à Mme Khédidja Bourcart et à l’ensemble de ses collaborateurs, Mme Hamida Ben Saadia et M. Ricardo Coronado, ainsi qu’aux membres du cabinet du maire de Paris et en particulier Mme Geneviève Gueydan. Nos remerciements vont également aux membres du Conseil de la citoyenneté des Parisiens non communautaires, aux élus et aux fonctionnaires de la ville qui ont accepté de nous consacrer un peu de leur temps et de partager leur réflexion. Nous exprimons enfin toute notre gratitude aux responsables du FASILD, du GELD ainsi qu’aux collaborateurs de l’APUR et en particulier M. Mourad Allal. Ce rapport n’aurait pu voir le jour sans leur contribution. Mustapha Belbah Hassan Bousetta Driss El Yazami 26 Mars 2003 4 Introduction La mise en place d’une nouvelle équipe municipale à la ville de Paris le 25 mars 2001 a donné lieu à une nouvelle impulsion en matière de politique d’intégration des étrangers et des personnes issues de l’immigration. La volonté politique affichée de placer la problématique de l’intégration parmi les principales préoccupations municipales s’est concrétisée par la mise en place d’une Délégation à l’intégration et aux ressortissants non communautaires. Elle s’est également traduite par la création d’un Conseil de la citoyenneté des Parisiens non communautaires (CCPNC). Elle a débouché enfin sur la mise en place d’un large diagnostic de l’intégration dans le cadre duquel cette étude prend place. Conformément au cahier des charges, le présent rapport constitue une contribution à ce diagnostic de l’intégration qui comprend également trois études thématiques relatives à la formation, aux rapports des services de la ville avec les étrangers non communautaires et aux associations ainsi que le rapport de l’Agence parisienne d’urbanisme (APUR). À la différence des recherches thématiques menées dans le cadre du diagnostic, l’étude sur les processus d’intégration a une vocation plus généraliste visant à mettre en évidence les potentialités et les obstacles rencontrés par les populations étrangères sur la voie de leur intégration. Elle cherche d’abord à interroger les représentations de l’intégration, tant sur le plan des perceptions individuelles qu’institutionnelles, et à les confronter aux réalités du terrain. Son champ exclut donc certaines questions sensibles par rapport au dossier de l’intégration dont notamment le logement, l’école ou la santé. Au-delà de cet engagement attendu de la mairie de Paris, l’actualité politique et sociale des deux dernières années, du 11 septembre 2001 en passant par le séisme électoral du 21 avril 2002, a également contribué à ramener sur le devant de la scène des problématiques en lien direct avec la question de l’intégration des étrangers. De nombreux indicateurs soulignent la permanence de cet enjeu de l’intégration, à la fois comme question de société et question à la société française. Force est de reconnaître que la multiplicité des discours qui sont posés sur cette question en rend la compréhension particulièrement malaisée. L’intégration est une notion qui a la capacité rare de glisser entre les mains aussitôt qu’on pense l’avoir cernée. C’est précisément ce qui autorise les discours les plus contradictoires à son sujet. Une approche de l’idée d’intégration à travers une analyse même sommaire de la presse écrite montrerait très rapidement que le thème de l’échec de l’intégration est quasiment aussi présent que celui de son succès. Dans une telle conjoncture, la tâche est rendue encore plus ardue pour le décideur public qui a pour mission de favoriser des processus dont la première difficulté consiste à les définir. C’est précisément pour tenter d’apporter des éléments d’objectivation du débat sur l’intégration que se situe ce rapport. Sa vocation est d’abord normative et vise à offrir un outil d’aide à la décision politique. Le propos n’est pas seulement d’inviter le lecteur à une réflexion théorique sur les contours incertains de l’idée d’intégration, mais d’en proposer une lecture qui, tout en tenant compte des acquis des recherches académiques les plus récentes, aborde ces questions avec le souci constant de chercher à comprendre pour mieux agir. 5 Chapitre I Définitions et enjeux de l’intégration L’intégration s'est imposée comme l'élément structurel de l'action et du discours politiques traitant des phénomènes migratoires. Tout se passe comme si l'intégration dans la société française devait être pour l'immigré le but ultime et devait représenter la fin heureuse de la course d'obstacles qui jalonnent son parcours au moins depuis son émigration. Pour beaucoup d’étrangers, l’intégration est un fait acquis. Cependant, au-delà des affirmations de principe, les réalités que désigne le concept d’intégration sont extrêmement éclatées. Ainsi l’intégration pourra désigner une demande de mobilité sociale ou encore la revendication d’une plus grande participation à la vie de la cité. Dans d’autres cas, elle désigne l’acquisition de compétences culturelles, la maîtrise de la langue ou l’accession à la nationalité. L’intégration est donc un concept horizon, quasi impossible à circonscrire de manière définitive. On peut néanmoins tenter une définition. I.1. Qu’est-ce que l’intégration ? Le Haut conseil à l’intégration définissait la notion d’intégration comme : “un processus spécifique permettant la participation active à la société nationale d’éléments variés et différents, dans une égalité de droits et d’obligations”1. Cette première approche du concept met en évidence l’importance du processus qui mène vers l’intégration. Et il est vrai que lorsqu’il se réfère à la situation de l’immigré, le concept d'intégration a tendance à désigner le cheminement par lequel celui-ci s’est inscrit dans la réalité de la société d’accueil, autrement dit comment il y a trouvé sa place. Ce processus implique théoriquement pour l’immigré un relâchement de ses liens à l’égard de son groupe et de sa société d’origine au profit d’autres formes d’appartenance dans la société d’accueil. Ce processus implique idéalement la rencontre de deux volontés : celle de l’immigré qui aspire, en se sédentarisant, à ne plus être perçu comme exogène et celle de la société d’accueil qui l’accepte et le traite comme l’un des siens. Cette définition provisoire de type « opératoire » qui n’a pas pour ambition de rendre compte de la réalité des liens, étroits et complexes, entre l’immigration et l’intégration, mais bien d’offrir un point de départ pour examiner la réalité « des processus d’intégration en cours à Paris ». Il peut paraître évident que l’intégration de l’immigré dans une ville comme Paris se fait d’elle-même. Celui-ci, par le biais du mélange et du brassage qu’entraîne nécessairement la vie dans un espace cosmopolite et ouvert, par la fréquentation de l’école, la formation, l’accès à l’emploi et à la promotion tant professionnelle que sociale, le choix du lieu de résidence, les modalités d’appropriation de son logement, le mariage hors du milieu d’origine, etc., trouve nécessairement sa place au sein de la capitale. Il faut cependant relativiser, voire mettre en garde, contre les présupposés de l’idée d’intégration progressive et d’intégration comme dynamique de progrès que véhicule l’expression « processus intégration ». Pas plus que le « processus migratoire » qui la conditionne et la rend possible, l’intégration n’est un véritable processus au sens évolutif du terme. Les retournements de fortune et les accidents de l’existence sont aussi possibles en situation migratoire que dans n’importe quelle autre situation et peut-être le sont-ils 1 Haut conseil à l’intégration, Liens culturels et intégration, 1995. 6 davantage encore dans ce contexte. L’intégration, pas plus que la migration, n’est pas un long fleuve tranquille... I.2. La lecture évolutionniste des processus d’intégration La réalité de la migration n'est jamais identique ou homogène, de même que les discours des étrangers sur leur position et sur leurs aspirations. Il s'agit de démêler une réalité prise entre ce que ces acteurs sont, ce qu'ils font et les représentations qu'ils donnent de ce qu'ils sont et de ce qu'ils font. Cette réalité est tributaire de la place incertaine que leur accordent les autres et de l’espace mouvant des identités et des appartenances dans lequel ils cherchent à se positionner. En effet, l’étranger peut être “intégré” et perçu comme tel, mais il peut aussi ne pas l’être ou ne pas le vouloir. Entre ces positions, toutes les combinaisons restent possibles. Les modalités d’inscription de populations étrangères dans un espace défini et dans une société déterminée sont toujours multiples et complexes, ils engagent aussi bien des faits d’ordre objectif et mesurable que des représentations, des jugements de valeur et des croyances, etc. La question centrale pour nous concerne la manière dont des populations immigrées s’inscrivent dans la société française et plus précisément encore comment devient-on parisien après avoir été immigré ou tout en restant immigré, le devient-on vraiment, en partie ou tout à fait ? Quelles que soient sa condition d’origine et sa situation dans le pays d’accueil, l’immigré est porteur d’une histoire, la sienne et celle de son groupe d’appartenance. Et quelle que soit sa société d’accueil, cet immigré ne s’inscrit pas de la même manière selon qu’il est originaire d’Asie ou d’Afrique, d’un pays pauvre ou anciennement colonisé, d’un état-nation en construction ou qui n’a jamais existé, etc. De l’autre côté, la société d’accueil est aussi le résultat d’une histoire qui reste singulière, quoi qu’en disent les partisans d’une globalisation rampante. Ainsi au sein d’un même pays et d’une même région, les modalités d’inscription diffèrent d’un espace à un autre. L’immigré ne s’inscrit pas de la même manière selon qu’il est au centre d’une ville ou dans sa périphérie, selon qu’il habite tel type de logement ou tel autre, selon qu’il est en contact avec tel type de population ou tel autre, etc. Une lecture linéaire de la « demande d’intégration » des étrangers n’y perçoit qu’une démarche d’adhésion volontaire aux valeurs dominantes de la société d’accueil, ce processus évolutionniste se déclinant selon une logique double, qui serait à la fois chronologique et « thématique ». Il commencerait par une intégration socio-économique (travail, logement, vie dans le quartier, etc.) puis culturelle (avec la maîtrise de tous les outils et de tous les ressorts de l’économie symbolique... dont la langue) et s’achève par le niveau (le plus haut et le plus noble) que constitue l’intégration politique (la possibilité d’être élu et le droit de pouvoir élire). Ceci en passant par ce moment fort et institutionnellement encadré que constitue l’accès à la nationalité. Ce processus ou ce schéma d’une intégration à étages multiples, qui obéirait à un modèle vertical et évolutionniste, correspondrait aussi pour l’étranger au passage d’une appartenance essentielle, primordiale, et de type communautaire, à une appartenance de type « sociétale » et contractuelle. L’intégration, pour pousser le schéma encore plus loin, correspondrait pour l’étranger au passage de la tradition à la modernité. C’est ce mode de perception qui sous-tend la lecture historique classique, mais sélective, des moments et des modalités qui ont fait « fonctionner » l’intégration à la française pour les immigrations précédentes. L’intégration aurait fonctionné selon cette perspective dominante tel un processus de modernisation libérant les individus des pesanteurs de leurs liens et de leurs appartenances primaires ou communautaires pour les inscrire dans une culture démocratique et citoyenne. 7 Ce modèle ne reflète pas la réalité des processus d’intégration des étrangers en cours car il existe une dissonance, voire même une dissociation, entre les trois niveaux d’intégration identifiés comme socio-économique, culturel et politique. On peut aujourd’hui être culturellement intégré, économiquement marginalisé et inversement. Il importe donc, pour bien saisir le processus d’intégration, d’analyser ces trois composantes et de mieux comprendre leur articulation. Il s’agit aussi de bien cerner les deux référentiels autour desquels se joue et s’énonce l’enjeu de l’intégration : le premier s’inscrit dans une conception universaliste de la culture dominante alors que le second relève d’une approche « culturaliste et relativiste » qui laisse place à des « communautés de cultures ». I.3. L’intégration, l’individu et la communauté Comme nous allons le voir, l’intégration ne désigne pas uniquement le processus par lequel les différentes immigrations se sont inscrites et s’inscrivent dans la réalité de la ville et les modalités de leur participation effective à la construction de l’identité parisienne d’aujourd’hui, mais elle recouvre également les politiques et, plus concrètement, les moyens qui ont pour objet d’œuvrer dans le sens d’une plus grande cohésion sociale. Dans sa mission qui consiste à élaborer et à mettre en œuvre une offre institutionnelle d’intégration, le décideur public est confronté aux modes opposés de perception de l’étranger. Le premier s’articule autour des difficultés qui seraient inhérentes à la condition d’existence même du migrant. Cette perception postule en effet, que celui-ci n’est parti de son pays que pour fuir la misère et qu’il se trouve dans une société dont-il ne maîtrise pas tout à fait les codes culturels et où il ne dispose ni d’appuis ni d’alliés. C’est sa condition de dominé dans le champ socio-économique qui conditionne toutes les autres formes de domination qu’il subit. Le second mode perçoit au contraire l’étranger comme celui qui est porteur de valeurs nouvelles et de richesses symboliques qui ne demandent qu’à s’épanouir et à enrichir la société d’accueil. Il découle de la première position des projets et des actions publiques ayant pour objectif l’accompagnement du migrant dans la société d’accueil. Les dispositifs pédagogiques, économiques, sociaux, alors mis en œuvre ont pour objectif de l’aider à dépasser ses handicaps, à les surmonter ou à vivre avec, alors que la seconde perception favorise au contraire la mise en place de politiques de valorisation et de reconnaissance culturelle de l’étranger. Or, l’intégration comporte des dimensions culturelles, symboliques, mais aussi politiques. L'exclusion n'est pas seulement "sociale". Elle ne se résume pas davantage à l’accumulation d’handicaps économiques au sens strict liés aux conditions d’existence : travail, logement, formation, etc, mais elle est aussi politique en ce sens qu'elle concerne la "citoyenneté" (avoir “ le droit de cité ”). Car « exister, c’est exister politiquement » pour reprendre la formule d’Abdelmalek Sayad. La dignité des personnes au sein d’une démocratie est fondamentalement tributaire de leur capacité de faire entendre leur voix et de faire valoir leurs droits, y compris sur le plan politique. À la faveur de la mise à l’agenda de la question de l’intégration politique à travers les débats sur le droit de vote municipal, tout se passe comme si la démarche de la nouvelle équipe municipale avait consisté à inverser la perspective et aussi la pratique : l’intégration n’est plus seulement perçue comme une question de handicap culturel ou de mise à niveau socio-économique mais bel et bien comme une question politique, au sens de la participation citoyenne. La citoyenneté locale est la condition d’un renouveau démocratique et d’une nouvelle approche du rapport entre étrangers et citoyenneté. Les étrangers parisiens ont ainsi pour vocation d’être des citoyens qu’il convient d’écouter et de faire participer politiquement. La problématique de l’intégration n'est plus réductible à 8 la question sociale même si elle reste très largement dominée par les indicateurs socioéconomiques. De ce point de vue, et quelles que soient les suites données au présent diagnostic, on peut d’ores et déjà noter que le choix fait par la nouvelle majorité municipale de mettre en place un Conseil de la citoyenneté apparaît comme un signal fort et une initiative qu’il faut renforcer et développer. I.4. Les indicateurs de l'intégration et leurs limites Les indicateurs d’intégration ne sont pas fondamentalement différents de ceux retenus pour la recevabilité d’une demande lors d’une procédure de naturalisation, démarche perçue et conçue encore aujourd’hui comme l’acte par excellence par lequel la France reconnaît à l’étranger la qualité de son intégration. Ceux-ci incluent la maîtrise du français (niveau scolaire, diplôme, etc.), le statut familial (situation matrimoniale, nombre d’enfants, etc.), le statut professionnel (activité, profession, CSP, etc.), les conditions de vie et de logement. La réalité de l’intégration de l’étranger sera ainsi évaluée par rapport au degré de performance qu’il réalise par rapport à chacun de ces indicateurs. La maîtrise du français déterminera par exemple le degré d'ouverture de l’étranger sur la société d'accueil. De son niveau de maîtrise de la communication orale dépendra son niveau d’accès aux différentes interactions de la vie quotidienne et son intégration dans des réseaux de sociabilité. L’état de la situation professionnelle de l’étranger, le type de travail (déclaré/ non déclaré, à plein temps/mi-temps, à durée déterminée/indéterminée, manuel ou intellectuel, de responsabilité ou de simple exécution) et le secteur dans lequel il exerce, permettront de saisir le statut social que procure le travail en terme de perception de soi par rapport aux autres. Le statut matrimonial et la structure familiale constituent aussi des paramètres pertinents à prendre en compte. Le mariage exogame ouvre par exemple des rapports plus intimes avec la société d'accueil. S'allier à un individu ou à un groupe, à des nantis ou à des prolétaires, à des citadins ou à des ruraux, etc., ne relève pas de la même signification. Enfin, l’accès à la nationalité pourra également être relevé comme un indicateur pertinent d’une trajectoire d’intégration de l’étranger. Toutes ces variables peuvent et doivent être prises en compte dans le cadre d’une étude sur les processus d’intégration en cours dans une ville comme Paris. Cependant, on ne peut retenir l’hypothèse mécanique selon laquelle la réalité objective de ces indicateurs et leur interaction produiraient chez l'individu un sentiment d’intégration, d’appartenance ou d’exclusion au niveau subjectif et favoriseraient une attitude d’ouverture ou au contraire de repli par rapport à la société d'accueil. On peut certainement postuler que le processus d’intégration implique la rencontre de deux volontés : celle de l’immigré et celle de la société d’accueil et de ses institutions qui doivent idéalement répondre par une volonté positive de reconnaissance ou d’acceptation. Mais cette définition qui repose sur une rationalité de type contractuelle évacue un élément essentiel de ce processus : l’intégration relève des mécanismes propres à l’échange symbolique. En d’autres termes, ce processus ne peut se limiter à dresser la comptabilité de ce que les individus capitalisent d’un côté et concèdent de l’autre. I.5. Le registre symbolique de l’intégration Les discours sur l'intégration s'énoncent souvent comme un effort fait en direction de l'autre, l’exclu, l’immigré ou l’étranger qu’on perçoit comme tel, rappelant par plusieurs aspects le discours tenu il n’y a pas si longtemps au colonisé. Ce n’est d’ailleurs pas toujours pour le stigmatiser mais pour l'aider à trouver sa place dans la société d'accueil 9 et à surmonter ses problèmes économiques, ses difficultés sociales, sa différence culturelle ou encore sa spécificité religieuse. La seule volonté d’intégration est censée résoudre une fois pour toutes les problèmes que sa présence génère ou cristallise en terme d'exclusion, d'échec parfois - voire de violence - sur le marché de l'emploi, à l'école ou dans la cité. Parce qu’il tente de répondre à des attentes multiples et complexes, le discours sur l'intégration engendre nombre de malentendus et porte en lui, et indépendamment même de la bonne volonté de ses supporters, des formes de disqualification à l'égard de ceux à qui il s’adresse et qu’il est censé concerner. Car, acceptable en termes généraux, il trouve très vite ses limites lorsque nous cherchons, dans le cadre d'une immigration, à l'appliquer à des personnes ou à des groupes définis. Le discours sur l'intégration lorsqu'il désigne spécifiquement l'immigré ne semble donc paradoxalement pas le concerner. Il s'adresse en réalité et en priorité à la société d'accueil pour la rassurer d'abord sur son unité, son intégrité et sa capacité d’intégration. Ce discours cherche ensuite à la conforter par un sentiment de puissance, car il vise à traduire et à entretenir le rapport de domination entre celui qui est intégré et celui qui devrait l'être ; entre, d'un côté, le national : celui qui a la norme avec lui, celui qui est sûr de son être, de ses valeurs, de ses manières d'être, etc. et qui ne cherche, dans un élan de générosité, qu'à les communiquer ou à les partager ; de l'autre, l'immigré, l'étranger, l'autre. Le discours sur l'intégration dans la mesure où il se présente comme une offre politique opère davantage sur la société d'accueil que sur celui dont il traite: l'immigré. De fait, faisant l'impasse sur son expérience, sur sa trajectoire et sur ses choix, il ignore l'immigré. Ce discours procède en réalité de la même logique que ceux qui l'ont précédé, notamment celui sur le retour au pays d'origine (et celui de la politique d'aide au retour). Ces discours évacuent en effet ce qui est essentiel dans ce phénomène, c'est-à-dire la logique et l'intérêt même de l'immigré, qui sont déterminés par sa trajectoire et déterminants pour ses choix, pour ne retenir que la séquence ou les éléments qui font sens pour la société d'accueil. Ce qui caractérise le migrant c'est avant tout sa capacité à jouer sur ses appartenances au sein de sa société d'origine et sur ses références à celle d'accueil, puisque son destin est d'être un émigré pour l'une et un immigré pour l'autre et donc d'être doublement exclu lorsqu'il est marqué par l'échec et d'être unanimement revendiqué et doublement inscrit lorsqu'il est censé avoir réussi. La réalité migratoire ne peut être réduite aux seuls discours sur l'intégration comme elle ne peut être subordonnée aux seules préoccupations, par ailleurs légitimes, de la société d'accueil ou de l'une ou l'autre de ses institutions. Les questions relatives à l'immigration doivent prendre en considération le rapport particulier à l'espace qui caractérise l'immigré et qui contribue à structurer son expérience et à produire ses choix qui, vus de l'extérieur, apparaissent comme contradictoires. « L'intégration » n'est qu'une option et l'immigration même n'est qu'une étape dans un processus complexe, long et souvent inachevé. L'immigration est surtout le résultat d'un rapport à la mobilité sociale. L'émigré cherche aussi par son « déplacement » à échapper à des systèmes sociaux de classement qui le désavantagent aussi bien dans sa société d'origine qu'au sein de sa société d'accueil. Il cherche souvent par les valeurs, — argent, expérience, compétence, diplôme —, acquises au sein de cette dernière à réintégrer dans de meilleures conditions la hiérarchie sociale de la première. Mais pour des raisons multiples, souvent indépendantes de sa volonté, le moyen de sa quête pour l'accès à un statut social se transforme lui-même en statut, en une position sociale distincte même de sa double position, d'émigré d'un bord et d'immigré de 10 l'autre. D'où un second rapport à la mobilité, cette fois-ci spatiale ou géographique, qui va naître des « allers/retours » entre les deux sociétés et des avantages et désavantages que procure la non-inscription (en cas d'échec) ou la double inscription (en cas de réussite) dans deux systèmes sociaux de classement et de mobilité. Pour revenir à la définition donnée par le Haut conseil à l’intégration (HCI) en début de chapitre, on retiendra d’abord la notion, cardinale de notre point de vue, de participation active, comme élément déterminant de tout processus d’intégration. À cet égard, la création du CCPNC devrait être conçue comme l’amorce d’une politique globale d’insertion civique des ressortissants non communautaires. De même, on retiendra de la proposition du HCI l’exigence d’une politique active d’égalité. Comme en matière de droits civiques, l’acteur local ne peut répondre à lui seul à tous les défis. Il lui revient néanmoins d’expliciter pour lui-même (i.e. élus comme administration municipale) comme pour tous ses administrés ce qui lui revient en propre dans ces deux domaines et veiller à la mise en œuvre. 11 Chapitre II Les enjeux d’une politique publique d’intégration Le développement d’une politique parisienne d’intégration doit pouvoir répondre aux questions fondamentales suivantes : de quoi parle-t-on lorsqu’on parle d’intégration ? à qui s’adresse-t-on ? Comment et où agir ? Pour quels résultats ? En d’autres termes, il s’agit de développer une vision d’ensemble. À cet égard, des incertitudes semblent encore caractériser la politique parisienne d’intégration et sa définition. Et les difficultés, qui l’ont accompagnées depuis son lancement, apparaissent comme liées à des représentations non convergentes (1) des publics cibles, (2) des modes de traitement et (3) des enjeux centraux. La politique d’intégration est donc en permanence soumise à ces trois axes de tension. C’est à leur analyse qu’est consacré le présent chapitre. II.1. La définition des publics cibles L’intitulé de la Délégation à l’intégration et aux ressortissants non communautaires mérite un commentaire liminaire. Si la Délégation est compétente pour s’occuper de la question des résidents non communautaires, l’intégration quant à elle ne se limite pas aux seuls non communautaires. Elle ne se limite pas davantage aux étrangers de manière générale, c'est-à-dire aux Européens en sus des non Européens. Sans un travail de pédagogie, de sensibilisation et d’information en direction de la population parisienne dans son ensemble, il ne peut y avoir d’intégration. Sans accompagnement et sans participation des nouveaux venus, qu’ils soient issus d’anciennes ou de récentes vagues d’immigration, il ne peut pas y avoir davantage d’intégration réussie. Pour des raisons pragmatiques, les politiques d’intégration s’intéressent le plus souvent au deuxième aspect, c'est-à-dire l’action en direction des étrangers et des personnes issues de l’immigration. Si une telle approche peut se comprendre à la lumière des enjeux sociaux qui se profilent sur le terrain, il faut immédiatement noter que les populations dont il est question ici sont profondément diversifiées. Et elles le sont encore davantage à Paris étant donné sa nature de capitale mondialisée et compte tenu des multiples fonctions migratoires qu’elle remplit. La politique d’intégration de Paris ne peut donc pas répondre à une définition archétypale des publics cibles. Il ne peut pas s’agir ici de développer un schéma classique en direction de ceux dont on se représente communément qu’ils constitueraient les seuls porteurs d’un problème d’intégration : les Maghrébins et les Africains. Or, ainsi qu’il ressort des entretiens menés dans le cadre de cette étude, ce tropisme est encore très fréquemment entretenu par les acteurs parisiens de l’intégration. Le constat qui se dégage est celui d’une présence d’origine étrangère à deux niveaux de lisibilité. Certaines catégories d’étrangers sont visibles et lisibles, soit du fait d’un rapport colonial antérieur soit du fait d’une inscription dans l’espace urbain de longue date, alors que d’autres sont invisibles et méconnues. En effet, une analyse fine des catégories de population présentes sur le territoire parisien montre que Paris répond aujourd’hui à un schéma migratoire mondialisé, qui est bien éloigné du schéma post-colonial des années 1960 et 1970. La conséquence qu’il convient de tirer de ce constat est que le problème de l’intégration à Paris n’est pas réductible à un problème d’immigration. Les nouveaux venus à Paris sont autant des personnes issues de l’immigration « traditionnelle », que des expatriés, des réfugiés, des personnes à la recherche de protection par le biais de l’asile, 12 des créateurs attirés par les potentialités de la ville, etc. À côté de cette diversité des statuts juridiques de l’étranger, il existe également à Paris une grande diversité sur le plan des profils socio-économiques des étrangers. C’est en effet à Paris que se concentrent les plus forts taux d’étudiants et de cadres de nationalité étrangère. Il faudra donc, dans le contexte d’une politique d’intégration bien comprise, évoluer vers un traitement adapté de ces catégories de populations et de leurs attentes différenciées. La définition d’une politique d’intégration en direction de l’ensemble des étrangers a l’avantage d’éviter l’enfermement symbolique et la stigmatisation de ces publics. Cependant, l’opportunité d’inclure des expatriés (notamment ceux en provenance des pays riches), des réfugiés et anciens réfugiés dans le cadre d’une politique d’intégration ne va pas sans poser de difficultés. C’est pour cette raison que les auteurs du présent rapport suggèrent dans leurs recommandations de définir les publics cibles en fonction d’une explicitation des objectifs centraux de la politique d’intégration. L’inclusion des étrangers non communautaires insérés socialement et économiquement et/ou issus des pays riches peut continuer à s’imposer dans le cadre d’une politique de relations interculturelles, de consultation et de participation. II.2. Les modes de traitement Un autre axe de tension de la politique d’intégration concerne les modes de traitement : affiché et/ou implicite ; spécifique et/ou de droit commun ; sectoriel et/ou transversal . II.2. 1. Traitement affiché et/ou traitement implicite L’absence d’une définition articulée de la politique d’intégration n’empêche pas la plupart des directions de la ville de Paris de mener des programmes et des actions qui concourent de fait à l’intégration. Les auteurs du rapport ont notamment été surpris de constater que, jusqu’à la réalisation du diagnostic intégration, les services spécialisés de la mairie de Paris n’avaient pas d’idée précise sur l’état des subventions consenties par la municipalité en faveur des associations œuvrant dans le domaine de l’intégration. Pour des raisons que nous n’avons pas pu explorer jusqu’au bout, cette volonté d’agir en faveur de l’intégration dans la discrétion et de ne pas donner une visibilité trop importante à la politique d’intégration relève parfois aussi d’une volonté consciente visant à éviter l’appréciation négative traditionnellement associée au traitement spécifique dans le contexte français ou tout simplement pour éviter la stigmatisation des publics visés. En tout état de cause, le diagnostic intégration dont le présent rapport constitue une partie contribuera à donner une plus grande visibilité et, espérons le, une plus grande lisibilité de la politique d’intégration, condition préalable d’une politique volontariste. II.2. 2. Traitement spécifique et/ou de droit commun Il est très fréquent dans la littérature comparative européenne en matière d’intégration d’opposer un modèle français, républicain et d’inspiration jacobine, aux modèles pluralistes anglo-saxons. Selon cette grille de lecture, la tradition française privilégierait l’approche de droit commun dans sa gestion du phénomène migratoire alors que les modèles pluralistes auraient une préférence pour les modes de traitement spécifiques centrés sur les groupes ethniques. Sans être erronée, cette grille de lecture ne paraît pas être déterminante dans les modalités d’intervention des acteurs institutionnels. Le registre du droit commun est certes très présent, comme l’indique ce fonctionnaire de la ville de Paris : 13 « Ici, quand on reçoit un projet, on ne fait pas attention au porteur du projet. Qu’il soit de nationalité française, européenne ou autre, ne nous intéresse pas. S’il a son siège social à Paris et qu’il est porteur d’un projet intéressant, on l’aide au même titre que les autres. ». Cependant, le registre du traitement spécifique se situe très régulièrement dans la complémentarité avec un traitement généraliste par le droit commun, même si les administrations rencontrées ont exprimé leur volonté d’éviter les approches spécifiques qui pourraient conduire à un traitement stigmatisant : « Chaque communauté a sa culture et vouloir intégrer à tout prix des communautés étrangères dans un cadre bien défini qui correspond quand même à une culture qui nous est propre, c’est un pari perdu d’avance… il faut respecter chacun et essayer de trouver des outils qui s’adaptent à chaque communauté et à chaque type de cultures. Le mot ‘intégration’ est un mot colonialiste. Je le trouve contre-productif. ». (Un haut fonctionnaire municipal) D’autres reconnaissent dans le même temps que la formation linguistique, l’accompagnement scolaire des enfants de familles étrangères, les femmes relais, l’intervention des interprètes, etc. ne peuvent se concevoir que dans un cadre spécifique. II.2. 3. Traitement sectoriel et/ou transversal La municipalité intervient rarement seule en matière d’intégration et les intervenants dans ce domaine à Paris sont potentiellement très nombreux. Or ces divers acteurs - Etat, région, établissements publics,…- ont des logiques d’intervention qui peuvent être relativement divergentes ou obéir à des contraintes différentes2. De plus, les modalités d’action des délégations et des directions de la ville contribuent à la multiplicité des types d’intervention, accentuant parfois les approches sectorielles. L’ensemble des acteurs rencontrés nous ont présenté le détail des différents dispositifs qu’ils mettent en place soit au titre du droit commun soit au titre d’une intervention spécifique. Ce n’est pas le lieu ici d’exposer l’ensemble de ces dispositifs ni de les juger. Il est cependant permis de s’interroger sur la capacité pour les services de la ville de créer de la cohérence en matière d’intervention sur le thème de l’intégration ; de ce point de vue, la question des structures administratives paraît essentielle. Le choix a été opéré d’associer la thématique de l’intégration et celle de la politique de la ville au sein d’une administration commune. À cet égard, il semble légitime de soulever les questions suivantes. La politique d’intégration est-elle une politique de la ville à l’échelle de l’ensemble du territoire parisien ou relève-t-elle d’une autre logique d’intervention ? Et si oui, laquelle ? En quoi la politique de la ville serait-elle distincte d’une politique d’intégration ? Il ne nous est pas apparu, à l’issue des entretiens menés, que des réponses précises aient été apportées à ces questionnements. De même, il convient de pointer l’insuffisance de la coordination entre les deux délégations précitées (intégration ; ville) avec les autres délégations et directions centrales. Le discours visant à faire de la politique d’intégration une démarche partagée par l’ensemble des directions de la ville manque encore de réalisations concrètes. La condition de succès de cette politique est par définition liée à la 2 Il faudrait, pour être exhaustif, ne pas oublier les logiques d’intervention des acteurs privés de toutes sortes qui influent d’une manière ou d’une autre sur les processus d’intégration : employeurs, propriétaires privés de logements, organismes transnationaux (religieux par exemple), … ainsi que les Etats d’origine et leurs représentations. 14 présence de relais transversaux. Notre analyse nous incite donc à encourager le développement de mécanismes de coordination intra-municipale (Voir recommandation 4). Parce que l’intégration, en tant que phénomène total et multidimensionnel, c’est-à-dire touchant aussi bien la question de l’apprentissage de la langue que la participation à la vie civique ou le logement, ne peut se concevoir en dehors d’une approche transversale coordonnée, la politique d’intégration n’a pas vocation à se profiler en tant qu’administration spécialisée du droit des étrangers, - certains interlocuteurs ont utilisé à cet égard le terme de « ghetto institutionnel » -, mais bien d’évoluer vers une instance d’impulsion et de coordination des politiques publiques menées par l’ensemble des secteurs de la municipalité. Parallèlement, on constate que le cabinet de la Délégation à l’intégration, consacre une charge de travail importante au suivi des cas individuels. Les attentes suscitées non seulement au sein de la population étrangère, mais également au sein des services de la ville, par l’approche mise en place par la nouvelle équipe municipale conduit à un afflux de requêtes individuelles. Il importe à court et à moyen terme de désengorger ce canal en déchargeant le cabinet de la tâche de suivi de tels recours. Il convient d’étendre les missions du Bureau de médiation de la ville en lui confiant une mission de suivi en matière de citoyenneté et d’égalité des chances (Voir recommandation N°5). Le Bureau de médiation aurait donc aussi comme mission l’accompagnement des dossiers individuels, notamment les plaintes pour discrimination. II.3. Les enjeux centraux La troisième dimension à considérer dans l’analyse de la politique parisienne d’intégration relève de la perception des enjeux et de leur centralité. Étant données les spécificités de la capitale et de la structure socio-démographique de sa population étrangère, développées dans le chapitre 3, la problématique de l’intégration se pose de manière différente par rapport à d’autres villes au niveau national. La présence d’une population d’origine étrangère est une donnée structurelle, permanente et renouvelée. Depuis les années soixante au moins, il y a à Paris en moyenne 13% d’étrangers. Cette présence pose une série d’interrogations, voire de difficultés liées à l’intégration au niveau de la ville et des quartiers parisiens qu’il serait impossible de relever de manière systématique. La problématique du (re)logement occupe certainement une place de choix parmi les questions soulevées. Avec elle se pose également celle des foyers, du logement d’urgence et des catégories particulières comme les demandeurs d’asile, les familles nombreuses, les personnes expulsées, etc. L’accompagnement scolaire des enfants de familles étrangères, la formation qualifiante, l’alphabétisation, l’accompagnement des mineurs isolés, l’accueil de la petite enfance en crèche, la lutte contre l’isolement des anciens travailleurs immigrés âgés constituent des enjeux récurrents qui non seulement façonnent le vécu des populations étrangères mais interrogent la capacité d’intervention des pouvoirs publics. Au vu des données de contexte propre à la situation des étrangers à Paris, il va de soi que la politique d’intégration doit mettre en œuvre des outils de mise à niveau socioéconomique. Les données relatives à la formation, à l’activité et à l’emploi plaident pour une action qui articule trois niveaux d’intervention : l’apprentissage de la langue pour les adultes et pour les populations des primo arrivants, la formation professionnelle et une politique volontariste en matière d’emploi. Il faut en effet veiller au renforcement de l’insertion sociale et professionnelle par la formation en relation avec des projets professionnels et pour une véritable intégration socio-économique des étrangers. La mise à 15 niveau socio-économique devrait en outre prendre en compte les problèmes lancinants du logement. Cependant, l’intégration ne se limite pas à une action publique de mise à niveau socioéconomique ou de lutte contre l’exclusion dont peuvent souffrir des couches sociales économiquement fragiles et souvent immigrées. Elle est, et se doit d’être, une politique volontariste en faveur d’une participation citoyenne, synonyme d’une implication de tous les Parisiens dans un processus de démocratie locale et en même temps qu’une action culturelle ouverte et renouvelée. Même si l’intégration reste largement considérée comme une question d’insertion socio-économique des personnes issues de l’immigration, elle ne peut dans la pratique se limiter à cela et doit forcément tenter d’articuler une réflexion sur la participation des étrangers à la fois à la vie civique et culturelle. 16 Chapitre III Les conditions d’une politique locale d’intégration En France, toutes les politiques migratoires mises en œuvre depuis l’ordonnance du 2 novembre 1945 pour organiser les flux, l’accueil, le retour ou l’intégration semblent buter sur au moins trois principaux obstacles : la nature fluctuante des flux, la diversité et la complexité des contextes locaux, les motivations des populations migrantes, auxquelles s’est ajouté récemment la globalisation grandissante des migrations. Ces politiques élaborées au niveau central évoluent, depuis au moins deux décennies, dans une double direction. D’une part, l’acteur européen est de plus en plus appelé à y intervenir, notamment par le biais du contrôle des flux (visas, accueil des réfugiés, contrôle des frontières externes de l’Union, etc.). D’autre part, les acteurs locaux doivent mettre en œuvre, autant au nom de la décentralisation qu’au nom de leurs compétences territoriales classiques, des dispositifs d’accueil, de formation ou d’intégration des populations issues des migrations. Ces deux niveaux s’ajoutent donc au rôle traditionnellement prépondérant de l’Etat. Cette configuration d’une politique migratoire se référant à trois niveaux de décision « autonomes » et nécessitant un travail constant de mise en cohérence entre les acteurs étatiques, européens et locaux (région, département et commune) peut paradoxalement donner plus de souplesse et, sans doute, davantage de moyens à l’acteur local pour agir sur une question migratoire toujours sensible, quoique largement débattue. Mais, même entreprise à l’échelle locale, toute politique d’intégration doit prendre en compte (1) la nature fluctuante des mouvements migratoires, (2) les attentes souvent contradictoires de l’ensemble des populations migrantes et non-migrantes et enfin (3) les spécificités du contexte territorial, en l’occurrence, parisien. III.1. Immigration et intégration des non-nationaux à Paris : entre contraintes globales et logiques d’acteurs La globalisation des flux, qui est aujourd’hui une donnée inhérente au phénomène des migrations internationales, rend inopérant le traitement des questions migratoires dans un cadre bilatéral ou même multilatéral avec les seuls acteurs étatiques. Ce type de traitement ne prend que partialement et imparfaitement en compte cette nouvelle donne. La migration d’aujourd’hui n’est pas réductible à l’immigration d’hier. Elle n’est plus uniquement le fait de populations qui arrivent et qui s’installent selon un schéma classique : arrivée d’hommes seuls puis regroupement familial et enfin sédentarisation. L’immigration telle qu’elle s’est déployée au cours des deux dernières décennies recouvre toutes sortes de mobilités. Profils des migrants, motivations de départ et modalités de la migration se diversifient de jour en jour ; l’aire de recrutement de l’immigration parisienne s’étend de plus en plus renforçant encore davantage le cosmopolitisme de la capitale. De nouveaux groupes de migrants adoptent des modèles inédits d’insertion à cheval sur différents espaces nationaux, alors que persistent les dynamiques migratoires de l’aprèsguerre. La migration ne se définit plus uniquement comme la présence à l’intérieur des frontières d’un état-nation de ressortissants appartenant à un autre état-nation. Les attitudes et les attentes des groupes ou des sociétés d’origine à l’égard de leurs migrants et le rôle que ceux-ci jouent vis-à-vis de leur pays d’origine sont une composante essentielle de la problématique migratoire telle qu’elle se profile aujourd’hui. On voit à titre d’exemple 17 émerger chez les groupes de migrants des demandes récurrentes concernant le développement de leur région d’origine alors même qu’ils sont dans un processus actif d’intégration dans l’espace municipal. Les politiques migratoires des pays d’accueil, tant au niveau central qu’au niveau local, doivent donc s’ouvrir pour prendre en compte les attentes des populations pour lesquelles elles sont élaborées. Les motivations des populations migrantes peuvent apparaître à priori comme contradictoires tant ces populations développent à la fois des logiques de maintien, si ce n’est de véritables stratégies d’intégration dans le pays d’accueil, par le biais du regroupement familial, de la scolarisation de leurs enfants, de l’acquisition de la nationalité ou encore par des mariages exogames, etc. En même temps et parallèlement, elles se dotent de moyens aptes à renforcer leurs rapports avec leur groupe et leur société de départ : fréquence des voyages et transferts d’argent vers le pays d’origine, développement de projets de jumelage, maintien de pratiques culturelles ou de traditions religieuses, etc. Ces incertitudes quant aux motivations des migrants et quant à leur volonté de s’inscrire pleinement et durablement dans le pays d’accueil, sont souvent interprétées d’un point de vue unilatéral comme des signes manifestes de refus d’intégration. Elles sont même parfois données comme l’exemple par excellence d’une incapacité de certaines populations à s’intégrer. En réalité, la volonté du migrant de s’inscrire dans la réalité locale du pays où il a choisi de vivre, sans être submergé, et de renégocier ses attaches dans son pays d’origine, sans les essentialiser, traduit à la fois une formidable capacité d’adaptation et en même temps l’aspiration de s’affranchir des contraintes étatiques et territoriales pour réduire les tensions entre systèmes sociaux globalisants (Nord/Sud, Europe/Afrique, etc.) et des modèles culturels toujours perçus comme concurrents et irrémédiablement inconciliables (Occident/Orient, modernité/tradition, etc.). III.2. Les particularités du contexte parisien La spécificité et la complexité du contexte local parisien imposent probablement plus qu’ailleurs une adaptation et des ajustements. Paris cumule en effet de nombreuses exceptions : territoriale, administrative, politique, socio-démographique et même culturelle. Du point de vue territorial, comparée à d’autres capitales européennes, Paris peut être décrite comme une ville à taille humaine : aucun endroit de la ville n'est distant de plus de cinq kilomètres de son centre géographique. Paris n’est pas confrontée de manière aussi aiguë aux problèmes de déplacement que peuvent rencontrer les populations des quartiers périphériques. La superficie de la ville est d’environ 105 km2, contre 889 km2 pour Berlin et 1579 km2 pour Londres. Cette faiblesse territoriale alliée à l’incontestable attractivité de la capitale, font que des problèmes tel celui du logement se posent de façon particulièrement lancinante : “ On ne pourra jamais loger à Paris tous ceux qui veulent y vivre ... Paris attire énormément... ceux qui y vivent veulent y vivre mieux, veulent avoir plus d’espace, plus de moyens, plus d’espaces verts ” (un élu parisien). Le phénomène de la dégradation de l’habitat et de la concentration concomitante de populations fragilisées y sont toutefois moins sensibles que dans des métropoles comme Londres ou Bruxelles. Cette situation relativement « privilégiée » n’empêche pas la capitale de connaître des phénomènes importants d’exclusion sociale, plus accentués encore chez les nonnationaux, comme le rappelle en préambule le Contrat ville 2000-2006 : « près de 130 000 chômeurs à la fin de 1999, plus de 54 000 RMistes. Environ 50 % des 73 000 inscrits au fichier des demandeurs de logement social ont des ressources inférieures au SMIC. 30 % des établissements scolaires sont classés en zones d’éducation prioritaire [...]. Paris dont les densités de population sont parmi les plus élevées du monde (600 h./hectare dans certains 18 quartiers), connaît une importante concentration de population exclue, marginalisée, et, à bien des égards, confinée dans son exclusion. Ces populations représentent environ 200 000 personnes soit 10 % de la population parisienne. » . Des ajustements de la politique municipale sont donc nécessaires, même s’ils peuvent par moments contredire les principes d’une gestion de droit commun. Du point de vue de sa gestion, la ville a connu un régime d'exception jusqu'à la loi du 31 décembre 1975 qui va enfin rapprocher la capitale des autres collectivités locales. C’est en effet à cette date qu’on assiste à un recul de l’autorité centrale dans la gestion de Paris au profit d’un pouvoir local. Depuis cette loi, la ville, comme toutes les autres communes est dirigée par un conseil municipal avec à sa tête un maire élu. Si la gestion de Paris se rapproche des Parisiens, l’enracinement d’une identité politique municipale autonome de l’identité nationale ne semble pas pour autant acquis. Les traces d’une longue pratique centralisatrice dans la gestion de la ville ne peuvent être du jour au lendemain effacés malgré l’évolution remarquable des instruments de démocratie locale. Ce rapport local/national, qui a longtemps hypothéqué l’ancrage d’une identité politique distincte, contribue probablement aussi à donner sens aux positionnements actuels autour de la question de la citoyenneté des exclus du droit de vote. Le débat sur la nécessité de faire participer les résidents parisiens non-nationaux au destin de leur ville, question marquée idéologiquement, se pose à Paris selon une logique argumentative plus nationale que proprement locale. Le lien de la citoyenneté semble être davantage médiatisé par l’appartenance à la nation qu’à la résidence dans un espace municipal partagé. Lors du débat qui a présidé à la création du CCPNC, les orateurs de l’opposition municipale ont pratiquement tous été d’accord avec la position du maire et de la majorité pour souligner l’importance et le rôle des étrangers à Paris et sur la nécessité de les faire participer, mais le désaccord semblait se cristalliser autour de principes historiques, philosophiques, voire sémantiques. Or à supposer qu’on puisse trouver des réponses théoriques pertinentes à ces questions, il reste à résoudre la question pratique qui est de savoir comment faire participer des hommes et des femmes qui font vivre Paris à des décisions qui concernent leur vie, la vie de la cité et l’avenir de leurs enfants. Malgré la rupture radicale introduite par la citoyenneté de l’Union européenne dans la conception française classique du citoyen, le débat s’est porté à Paris sur la qualité de citoyen que l’opposition municipale refusait de voir attribuer à des étrangers et surtout aux plus étrangers parmi eux, les non communautaires, puisque c’est de ceux-là qu’il s’agissait (Cf. Le débat qui a précédé la délibération sur la création du CCPNC). III.3. La population étrangère à Paris Les travaux disponibles avant le lancement du présent diagnostic, l’analyse proposée par le rapport de l’APUR sur la population étrangère à Paris et notre propre exploitation du recensement permettent de dresser un premier tableau de la population étrangère de la capitale. Le constat qui s’en dégage plaide pour le développement d’une politique municipale active en faveur des Parisiens non communautaires, plus vulnérables à plusieurs titres. Mais cette politique exige des outils statistiques plus affinés en vue de détecter et de suivre les évolutions de cette population. Selon le recensement général de la population de 1999, les étrangers représentent 14% environ de la population parisienne dont le nombre était de 2 125 246 habitants. Cette proportion est légèrement supérieure à la moyenne régionale qui s'établit à 13,3%3. Elle est plus de deux fois supérieure à la moyenne nationale qui est de 5,6%. Il s’agit là d’une tradition historique bien établie : « le prestige de Paris, son poids économique, la vaste 3 Il faut rappeler à titre indicatif que le département de la Seine-Saint-Denis compte proportionnellement plus d’étrangers que Paris : environ 19%. 19 gamme d’emplois qu’on y trouve, la mobilité sociale qu’on y espère expliquent cette hypertrophie » souligne l’historien Ralph Schor. Cependant le nombre d'étrangers à Paris est en baisse de 10% par rapport au recensement précédent de 19904. Cette baisse générale concerne aussi bien la région Ile-de-France que l'ensemble de l'hexagone et peut s'expliquer par les dynamiques de sédentarisation et le phénomène d'acquisition de la nationalité française qu'elle implique chez tous les groupes d’étrangers. À Paris la proportion de naturalisés est passée en effet de 5,9% en 1990 à 7,3% en 1999, elle augmente d'un point pour l'ensemble du territoire pour la même période. Les dynamiques de sédentarisation et de naturalisation n'expliquent qu'imparfaitement cette baisse qu'il faut plutôt mettre en relation au niveau national (et même européen) avec les politiques de plus en plus restrictives en matière d'accueil des nouveaux arrivants, et au niveau de la ville de Paris, avec les dynamiques démographique et les processus de rénovation urbaine propres à la capitale. Le rapport de l’APUR note la grande diversité des origines nationales des étrangers5. Sur le plan de la géographie urbaine, il indique l’existence de zones de concentration de cette population et une implantation différenciée en fonction des arrondissements de la capitale. Deux autres caractéristiques de ces groupes sont également mentionnées : le vieillissement et la féminisation continue depuis 1962. Sur le plan socio-économique, le rapport indique que la situation des étrangers face au chômage et à la précarité est moins favorable que celle des autres Parisiens. Il met finalement en évidence les conditions de logement difficiles que connaissent ces étrangers : « De façon générale, la question du logement des personnes venues en France et de leurs enfants qui y sont nés reste un enjeu majeur. Elle va souvent jouer un rôle déterminant pour favoriser la qualité et la rapidité de l’intégration de l’ensemble de la famille à Paris ». En résumé, l’étude de l’APUR rappelle l’ancienneté et l’importance de la présence des populations étrangères dans la capitale, ainsi que la continuité historique de cette présence. Elle suggère que les étrangers ne se différencient pas seulement des nationaux par leur statut juridique, mais se distinguent aussi fortement par leurs caractéristiques démographiques, socio-économiques, et par leur répartition marquée dans l’espace parisien. Ces conclusions s’inscrivent en droite ligne des constats auxquels aboutissent des recherches antérieures6. En exploitant différemment les résultats du recensement de 1999, le diagnostic établi par les études citées ci-dessus se confirme : il y a bien une nette démarcation entre Parisiens nationaux et non-nationaux aussi bien dans leurs caractéristiques socio-démographiques, qu’au niveau de leurs conditions socio-professionnelles. La lecture des schémas proposés en annexe 1 fait clairement apparaître deux catégories de population. D’une part, une population parisienne constituée de nationaux scolairement qualifiés, moins actifs, mais bien intégrés professionnellement. De l’autre, une population parisienne constituée de non nationaux peu ou pas qualifiés scolairement, plus actifs mais moins employés. La réalité objective de cette dernière catégorie constituée pour l’essentiel d’ouvriers et d’employés, 4 En 1962, les étrangers étaient plus de 220 000. Leur effectif culmine en 1982 à plus de 360 000 et va connaître une décroissance relativement faible, mais continue, à partir de 1982 pour s’établir au dernier recensement de 1999 autour de 305 000 individus. 5 Les ressortissants de l'UE ne représentent que 30% et ceux des trois pays du Maghreb 24,3% (contre 34,8% et 36,6% respectivement au niveau national). Les autres groupes de nationalités les plus représentés sont les Asiatiques (17%), les Africains (13,3%), les Américains et Océaniens (7%), les Européens non communautaires (7%) et les Turcs (1,7%). 6 Voir notamment l’enquête de la Direction Régionale de l’Equipement de l’Ile-de-France ( Les populations étrangères dans l’agglomération parisienne, M. Guillon et Y. Chauvire, 249 p., 1992) ainsi que la thèse de doctorat de Patrick Simon : La société partagée, relations inter-ethniques et inter-classes dans un quartier en rénovation, Belleville, Paris XXème, EHESS, 557 p., 1994. 20 mise en relation avec son statut juridique (i.e. étranger) qui les exclut de la fonction publique, pèse structurellement sur son taux de chômage deux fois plus élevé que celui des Parisiens nationaux. Les effets de structure sont une donnée inhérente à l’immigration et à la présence étrangère à Paris. Ils pèsent considérablement sur les processus d’intégration et sont surtout visibles pour les populations des primo arrivants. Il faut nécessairement et prioritairement y remédier à la fois dans un souci de justice sociale et en même temps d’efficacité économique. Mais plus encore, il faut veiller à ce que « l’effet de structure » ne se perpétue pas à travers la mécanique sournoise, mais connue et bien décrite par la sociologie française : celle de la « reproduction sociale ». Une politique parisienne spécifique en direction des étrangers se justifie donc pleinement et exige notamment une connaissance statistique fine des populations concernées. Les données fournies à ce jour par les recensements de l’INSEE ne sauraient y suffire. III.4. La connaissance statistique : la nécessité de nouveaux outils La connaissance de la population étrangère à Paris repose quasi exclusivement sur les données tirées du recensement général de la population de l'Institut national de la statistique et des études économiques (I.N.S.E.E.)7. Ce recensement permet de mesurer à un moment déterminé les écarts ou similitudes entre Parisiens nationaux et non-nationaux à travers des variables démographiques, socio-économiques ou encore celles relatives aux conditions de logement. Cependant, il faut tout d’abord noter que les données produites par l’INSEE n’ont pas pour vocation principale de répondre à la question de l’intégration des étrangers. Comme toute statistique, ces données sont un construit qui vise à répondre à une problématique déterminée à un moment donné. Leur pertinence est donc relative ; elle l’est encore plus en ce qui concerne un phénomène aussi complexe que l’intégration des étrangers. Une autre précaution qu’impose l’usage des statistiques de l’INSEE est d’ordre interprétatif. On ne peut pas par exemple extrapoler l’idée que les naturalisés seraient quelque part une classe d’individus à part présentant nécessairement des comportements démographiques spécifiques ou des caractéristiques socio-professionnelles particulières. Ces données ne permettent pas non plus de mesurer s’il existe des formes de ségrégation ou de discrimination qui s’exercent à l’égard de telle ou telle catégorie de la population parisienne. À partir des statistiques de l’INSEE, il n’est certainement pas envisageable de savoir s’il y a des formes de traitement discriminant qui touchent par exemple les diplômés étrangers par rapport à ceux qui ne le sont pas. Il faut ensuite prendre en considération le fait que l’année de référence en ce qui concerne les dernières données du recensement est l’année 1999. En d’autres termes, près de quatre années se sont écoulées depuis lors, ce qui du point de vue de la connaissance des réalités des étrangers pose problème. Cette durée somme toute relativement courte n’aurait probablement aucune incidence si nous avions à travailler sur la population d’une zone rurale ou urbaine à faible densité humaine et à faible taux de mobilité résidentiel. Or tel n’est pas le cas pour Paris. Entre le dernier recensement en 1999 et celui qui l’a précédé en 1990, la population parisienne s’est renouvelée de près de 30 % tout en restant globalement stable. La proportion des étrangers tout en baissant sensiblement en 7 D’autres institutions françaises (en premier lieu le ministère de l’intérieur, le ministère des affaires sociales Direction de la Population et des Migrations, Sous-Direction des Naturalisations et l’Office National d’Immigration), européennes (Eurostat) ou internationales (Bureau International du Travail, Unesco), produisent également des statistiques sur les étrangers. Les pays d’origine tiennent également une comptabilité de leurs ressortissants à travers leurs services consulaires. 21 chiffres absolus a connu une mobilité encore plus marquée avoisinant les 40%. Considérant que cette population s’est renouvelée à raison de 4% en moyenne annuelle entre les deux derniers recensements, on peut avancer l’hypothèse très probable que les chiffres à partir desquels nous travaillons pour ce diagnostic intégration ont déjà varié de près de 16%. Rappelons enfin que le recensement de 1999 est le dernier de ce type et à cette échelle en France. L’INSEE prévoit de mettre en œuvre d’autres méthodes et d’autres modalités d’intervention à l’avenir. En conséquence, les auteurs du rapport plaident pour une prise en compte par la ville de Paris de ce déficit dans la production de données statistiques propres. Une entreprise visant à mieux cerner les profils des étrangers pourrait prendre la forme d’un moniteur de l’intégration (Voir recommandation N°1). Ce moniteur constituerait un tableau de bord quantitatif affiné au sujet des attentes, des attitudes, de la mobilité et des pratiques sociales de la population étrangère comparativement à la population française. Trois stratégies sont envisageables en vue de produire ce moniteur statistique de l’intégration : ⇒ une exploitation statistique des données propres de la ville de Paris ⇒ une enquête municipale spécifique sur la base d’un échantillon représentatif des populations étrangères (e.g. panel représentatif des étrangers à Paris) ⇒ une contractualisation avec l’INSEE en vue de procéder à des enquêtes thématiques spécifiques par sondage. 22 Chapitre IV Prendre en compte la perspective des exclus du droit de vote : l’enjeu de la consultation Ce chapitre traite des modalités de prise en compte de la perspective des exclus du droit de vote et plus largement des usagers des politiques d’intégration. Après avoir discuté brièvement la notion de consultation, nous analysons au regard des entretiens menés dans le cadre du présent rapport l’enjeu de la mise en place du CCPNC. Dans une dernière section, nous présentons une analyse des expériences de consultation similaires menées dans d’autres pays européens. IV.1. La pratique de la consultation La consultation est une forme de participation qui autorise les citoyens à exprimer leurs préoccupations en marge du canal d’expression démocratique par excellence qu’est le vote. Bien que la théorie politique considère que la consultation revêt une moindre légitimité démocratique que le vote, elle a aujourd’hui acquis une importance centrale dans la mise en œuvre des politiques publiques. La complexité croissante des processus de prise de décision amène les élus à se tourner de plus en plus souvent vers les experts et les groupes de citoyens mobilisés tant pour élaborer que pour évaluer les implications de leurs décisions. La consultation régulière de la population est aussi un moyen efficace pour les élus de maintenir le contact avec les aspirations et les besoins de leurs électeurs. Les avantages de la consultation dépassent de loin ses inconvénients, même s’il faut rappeler qu’il existe un certain nombre de pré-conditions pour que la consultation soit réussie. Parmi ces facteurs clés de succès, il y a la nécessité pour les consultés de percevoir que leurs points de vue sont pris en compte dans la formulation et la mise en œuvre des politiques. En d’autres termes, il ne s’agit pas seulement pour une institution publique comme la ville de Paris de consulter ses citoyens, mais il faut également s’assurer que leur perspective est prise en compte. La nouvelle équipe municipale a bien perçu l’importance de la consultation, notamment en direction des exclus du droit de vote en créant le 19 novembre 2001 le Conseil de la citoyenneté des Parisiens non communautaires. D’emblée, cet organe a été pensé comme un substitut à l’absence du droit de vote municipal des étrangers. Sa mission est de donner des avis sur toutes les questions intéressant la vie à Paris des résidents étrangers non ressortissants d’un pays membre de l’Union européenne »8. Il s’agit là bien entendu d’un enjeu démocratique fondamental. Cependant, dans l’optique de consolider les premiers acquis de la politique générale de consultation des Parisiens, il importe de rappeler que les exclus du droit de vote ne correspondent pas parfaitement aux usagers des politiques d’intégration ; ces derniers forment une catégorie beaucoup plus large qui comprend également des citoyens français et des citoyens de l’union européenne. 8 Le CCPNC est une assemblée de 90 personnes sélectionnées par le Maire de Paris sur la base de candidatures individuelles et après consultation d’une commission de candidatures composée de conseillers de Paris des différents groupes politiques et de personnalités qualifiées. La position centrale du Maire dans ce dispositif consultatif est renforcée par la prérogative qu’il détient de présider l’assemblée plénière et le bureau exécutif. 23 Il ne faudrait pas limiter cependant la pratique de la consultation au seul canal que constitue ce Conseil. La consultation des publics cibles de la politique d’intégration requiert une attention constante de la part des élus. Elle doit notamment être renforcée au sein des autres conseils consultatifs tels les conseils de quartiers, de la vie associative et des jeunes. La conception du CCPNC comme chambre permettant l’expression politique des résidents étrangers qui ne bénéficient pas des droits politiques entraîne une conséquence majeure. Dès lors qu’il se naturalise, le membre du Conseil perd immédiatement sa qualité de conseiller, ce qui constitue une restriction très significative de sa composition. La différence du CCPNC avec les conseils consultatifs mis en place aux Pays-Bas ou au Canada, est ici évidente. Les comités consultatifs des usagers des politiques d’intégration sont conçus dans ces pays comme des palliatifs aux déficits de participation démocratique qui caractérisent ces groupes. La consultation est donc vue, à la différence de l’expérience parisienne actuelle, comme un complément au droit de vote dont ils disposent généralement dans ces pays. IV.2. Les problématiques centrales liées à la pratique des conseils consultatifs L’équipe de Génériques a mené des entretiens avec une série d’interlocuteurs impliqués dans la création et l’animation du CCPNC. Ces entretiens se sont déroulés durant une phase relativement précoce du travail de l’institution puisque celle-ci avait à peine quelques mois d’existence lorsque l’enquête fut lancée. Il ne nous appartient donc pas de proposer une évaluation en bonne et due forme du Conseil, laquelle serait de toutes façons prématurée. Nous tenons néanmoins à attirer l’attention sur ce qui nous apparaît être les quatre problématiques fondamentales liées à la pratique des conseils consultatifs. Si nos mises en garde dépassent parfois les enjeux actuels qui se posent au CCPNC, il n’est pas inutile de rappeler que les critiques et les remises en cause les plus virulentes des conseils consultatifs ne se manifestent que dans les périodes de crise et de tension. IV.2.1. La question de la représentativité La question de la représentativité est certainement l’une des plus complexes à aborder. Non seulement celle-ci dépend des variables à l’aune desquelles on cherche à la mesurer (âge, genre, nationalité, orientation politique, etc.), mais sa légitimité est toujours relativement fragile lorsqu’il s’agit de conseillers d’organes consultatifs. En l’occurrence, les conseillers du CCPNC ont été désignés de manière à être représentatifs d’une catégorie de la population qui se définit moins sur des bases sociologiques que sur une base juridique. Les 90 membres du CCPNC sont en effet tous des non nationaux. Or, comme nous l’avons déjà signalé plus haut, les enjeux de la citoyenneté, et plus encore ceux de l’intégration, sont loin de se limiter à la seule catégorie des étrangers. Ils touchent en réalité l’ensemble des populations d’origine étrangère. Si le CCPNC est organiquement représentatif des étrangers, son activité dès lors qu’il traite des questions de logement, de formation ou d’emploi vise donc en réalité une population bien plus large que celle qu’il est censé représenter sur le plan formel Dès sa mise en place, il est apparu que certains membres du Conseil manifestaient une plus grande disponibilité que d’autres, ce qui est une constatation somme toute assez normale compte tenu du très grand nombre de membres du Conseil et de la diversité de leurs profils. Cependant, l’un des enjeux actuels pour le CCPNC sera précisément de maintenir un niveau d’engagement suffisant parmi les membres du Conseil et de 24 contribuer à maintenir une motivation maximale parmi ses membres. Le scénario négatif classique qu’il convient d’éviter et que l’on a pu constater parmi d’autres conseils consultatifs européens repose généralement sur une démotivation des consultés liée à une incapacité à véritablement influencer la prise de décision ; ce qui généralement conduit à des conséquences en cascade qui vont de l’absentéisme à la distorsion de représentativité : seuls continuent à travailler les plus motivés et ils finissent toujours par ne plus représenter qu’eux-mêmes. IV.2.2. La question de l’autonomie et de l’indépendance Les appréciations divergent au sujet du degré d’autonomie du CCPNC. Il existe dans la pratique une tension entre l’ambition affichée de construire une voix autonome des résidents non communautaires et le rapport organique à la municipalité, seul gage de l’efficacité. Il va de soi que si l’indépendance est considérée comme le point d’autonomie maximale, son exercice reste toujours conditionné par la disponibilité de ressources organisationnelles et financières suffisantes. C’est pour cette raison que la question de l’autonomie et de l’indépendance doivent, selon nous, moins se poser en termes d’une discussion de principes qu’en termes très pragmatiques visant la recherche d’un accommodement raisonnable. Il est important de rappeler que la mission même d’un conseil consultatif est de concourir à la formation de la décision au sein de la municipalité. Il doit donc éviter de céder à la tentation de prendre lui-même une orientation politique, légitime au demeurant, mais qui relève plus du registre d’action des associations de la société civile. IV.2.3. La question des performances et des moyens L’un des enjeux principaux du CCPNC est de parvenir à un équilibre entre la volonté d’autonomie interne et la nécessaire articulation avec la dynamique de travail propre à la mairie de Paris. Sur un plan organique, le CCPNC dispose de la latitude d’émettre des avis sollicités et non sollicités. En soi, cette faculté est très importante et autorise une certaine marge d’appréciation des priorités du moment de la part des membres du Conseil. Cependant, de nombreuses expériences de conseils consultatifs mises en place en faveur des populations d’origine étrangère en France et en Europe ont été confrontées à un manque de pertinence de l’activité interne par rapport à l’activité du conseil municipal. Produire des avis et des analyses opportuns et en phase avec l’agenda politique municipal est la condition sine qua non du succès d’un conseil consultatif, particulièrement lorsqu’il est habilité à émettre des préconisations non sollicitées. Les membres du CCPNC sont conscients du fait que leur Conseil sera jugé sur ses performances. À cet égard, il n’est pas anodin de rappeler que l’une de ses premières activités a consisté en une journée de formation des membres aux mécanismes de prise de décision au niveau municipal. Par ailleurs, nos entretiens confirment la nécessité de procéder à un travail permettant de familiariser l’ensemble des membres du conseil avec la pratique consultative. Vu la diversité de cette assemblée, il existe une très grande probabilité de voir cette diversité de compétences, d’expériences de vie et d’aspirations se refléter dans la vision que peuvent avoir les membres des missions prioritaires du Conseil. Même s’il faut noter que les conseillers se sont tous investis sur une base bénévole et qu’il serait donc inopportun de développer des attentes excessives par rapport à leur niveau d’engagement, il faudra éviter de laisser cet organe dériver vers ce que les anglo-saxons appellent un talk-shop, c'est-à-dire un lieu de libre parole probablement nécessaire mais sans effets pratiques sur les politiques municipales. 25 La question du niveau de financement est cruciale pour le développement du CCPNC. Au moment de notre enquête, le CCPNC disposait d’un budget de fonctionnement, d’un coordinateur qui soutient son activité et bénéficie également des locaux et de l’infrastructure mise à sa disposition par la ville. Cependant, les opinions semblent diverger sur l’appréciation des besoins du CCPNC,certains reprochant l’étroitesse de l’enveloppe budgétaire allouée au conseil. Dans un tel contexte, la question fondamentale pour le CCPNC sera de rechercher un équilibre entre les missions et les besoins potentiellement très nombreux qu’il peut exercer et ses moyens par définition limités. IV.2.4. La question des synergies La réussite de la mission de consultation du CCPNC, repose dans une grande mesure sur la maîtrise des canaux d’information. Les membres du bureau exécutif et de l’assemblée plénière doivent être en mesure de disposer d’une information précise au sujet des dossiers qu’ils sont amenés à traités. Cela passe inévitablement par la diffusion de l’information, principalement de la part du cabinet du maire et des adjoints vers le bureau du CCPNC. Mais cela sous-entend aussi une gestion active des réseaux politiques municipaux. Pour ce faire, le bureau du CCPNC doit impérativement éviter la logique autocentrée pour entrer en synergie avec les acteurs clés de l’intégration sur le terrain parisien, à savoir les élus, les services de la ville, les maires et élus d’arrondissements, les conseils de quartiers, les conseils de la jeunesse, les réseaux de la politique de la ville et le milieu associatif. La ville de Paris a opté pour la mise en place de mécanismes de consultation des citoyens à la fois de type généralistes (tels les conseils de quartier) et spécifiques (le Conseil de la jeunesse par exemple). Il importe également d’articuler entre eux ces différents organes. Pour éviter l’isolement institutionnel de la problématique de la citoyenneté et de l’intégration, il importe de plaider auprès des conseils généralistes pour qu’ils incluent la question des publics étrangers et d’origine étrangère dans leurs assemblées et dans leur préoccupation de travail. L’objectif d’une telle stratégie est à terme une véritable implication des usagers des politiques d’intégration dans l’ensemble des canaux de consultation classiques et l’intégration de leurs préoccupations dans la politique municipale. IV.3. La consultation en Europe : un regard comparatif Au niveau européen, la pratique de la consultation des exclus du droit de vote, et plus largement des usagers des politiques d’intégration, est bien établie, mais se fait selon des modalités relativement différentes. Historiquement, les comités consultatifs en direction des populations issues de l’immigration ou d’origine étrangère sont apparus dans les années 1970. À la suite d’une recommandation du Conseil de l’Europe, la Belgique fut le premier pays européen à mettre en place sur une large échelle ces assemblées désignées alors comme conseils consultatifs communaux des immigrés. Ces conseils furent conçus comme une expérience préparatoire dans l’attente de l’octroi du droit de vote. La plupart des conseils consultatifs communaux des immigrés belges ont aujourd’hui disparus. Avec l’augmentation massive des naturalisations et l’émergence politique de jeunes de la seconde génération au sein des conseils communaux belges, la pertinence de ces conseils a décliné au cours des années 1980 et 1990. Néanmoins, il existe une tendance récente à vouloir relancer la pratique de la consultation en direction des publics issus de l’immigration. Certaines formes de consultation se font aujourd’hui par exemple sur base non pas d’une représentation communautaire ou d’origine nationale, mais sur base associative. C’est par exemple le cas de la ville d’Anvers qui a récemment transformé 26 son conseil consultatif des immigrés en conseil consultatif des organisations œuvrant à l’intégration de ces groupes. Mais c’est probablement vers les Pays-Bas qu’il faut se tourner pour trouver les pratiques de consultation les plus originales. Ainsi les villes d’Amsterdam et d’Utrecht ont adopté à la fin des années 1990 des stratégies de consultation centrées sur les groupes ethniques et qui s’accompagnent d’un soutien administratif et financier d’un niveau très élevé9. Dans la pratique, cela signifie que les communautés surinamiennes, turques, marocaines et antillaises ont toutes à leur disposition des chambres consultatives spécifiques. Celles-ci sont soutenues et coordonnées par un référent (liaison officer ) pour chaque groupe, lequel est un fonctionnaire municipal qui a également pour mission d’assurer une communication efficace entre l’exécutif municipal et les conseillers communautaires qui forment les chambres consultatives. Une autre dimension intéressante du processus consultatif des villes d’Amsterdam et d’Utrecht réside dans le fait que certaines chambres consultatives, notamment le Conseil consultatif des Marocains de la ville d’Amsterdam, sont organisées sous forme d’associations totalement indépendantes sur le plan juridique, mais dont le budget est entièrement alloué par la ville. L’Angleterre connaît également des formes multiples de consultation des minorités ethniques. La ville de Bristol a par exemple mis en place en 1997 un Forum pour l’égalité raciale (Race Forum) aux côtés d’autres fora pour les handicapés, les lesbiennes et les homosexuels. La particularité de ce Race Forum est qu’il est un réseau ouvert composé d’une centaine de personnes, parmi lesquelles dix-huit sont élus en tant que conseillers selon une formule assurant une représentation de chaque groupe ethnique. Jusqu’à la réforme des gouvernements locaux introduite par le gouvernement de Tony Blair en 2000, ces conseillers étaient habilités à participer aux débats dans les commissions municipales régulières et notamment à Bristol au sein du sous-comité pour les questions d’égalité raciale. Cependant, malgré les aspects innovants de la structure mise en place et malgré l’ancienneté de l’immigration des groupes ethniques dans cette ville, la pratique consultative du Forum de l’égalité raciale n’a pas produit de résultats marquants et a fait face aux mêmes difficultés organisationnelles que l’on peut relever dans la plupart des expériences similaires en Europe. Ce bref tour d’horizon des expériences locales européennes indique clairement que la consultation des populations étrangère et d’origine étrangère sous forme de comités est un exercice difficile. À l’exception de la méthode néerlandaise, la plupart des autres cas présentés sont confrontés à des difficultés majeures qui vont souvent jusqu’à la remise en cause de leur propre existence. Le cas néerlandais montre à tout le moins que les conditions de succès d’un comité consultatif sont autant liées à la capacité propre de ces acteurs qu’au soutien institutionnel, politique et financier qui leur est accordé. 9 A titre de comparaison, la ville d’Amsterdam investit près de £ 269 555 (soit 122 318 Euros) par an, qui comprennent £ 187 217 (soit 84 955 Euros) pour les salaires du personnel. 27 Chapitre V Recommandations pour le développement de la politique parisienne d’intégration Les quatre impératifs d’une politique parisienne d’intégration Connaître Se concerter Agir Évaluer Les préconisations que nous soumettons s’articulent autour de quatre impératifs qui correspondent grosso modo à quatre phases successives d’une action politique municipale en faveur de l’intégration et des étrangers non-communautaires. Ces quatre phases se déclinent comme suit : la nécessaire volonté de connaître et d’informer, l’exigence politique de se concerter, l’engagement pour agir et la nécessité d’évaluer. Elles sont articulées ci-dessous en neuf recommandations principales. Ces préconisations sont à la fois issues de la présente enquête sur les processus d’intégration en cours à Paris et des trois rapports thématique présentés par les autres équipes de recherche qui ont contribué au diagnostic intégration10. Si cette opération a le désavantage de dupliquer les recommandations contenues dans les autres rapports, elle offre le grand avantage de donner une cohérence à l’ensemble du diagnostic intégration et de mettre en lumière les convergences qui existent au sein de ces différents documents en termes de recommandations. La présentation proposée se veut délibérément très pragmatique et pourra le cas échéant servir de point d’appui au développement d’un programme d’action municipal en la matière. 1. Améliorer la connaissance des réalités de l’intégration à Paris L’un des constats principaux qui fut aussi l’un des obstacles auquel s’est confronté cette enquête est l’absence d’instruments de connaissance concernant les processus d’intégration. La ville de Paris n’a pas à ce jour développé un outil de connaissance de ces réalités. Il est évident qu’une telle connaissance doit d’abord être produite sur le plan de la statistique. À cet égard, les analyses quantitatives développées dans l’ensemble du diagnostic intégration pourraient utilement être prise comme point de départ en vue de développer un rapport statistique annuel sur les processus d’intégration touchant les résidents étrangers à Paris. Cette exigence est d’autant plus importante que l’INSEE envisage de mettre un terme à la méthode classique de collecte des données sur la population par la voie du recensement. En complément de ce rapport statistique, les auteurs du présent rapport suggèrent la mise en place d’un moniteur de l’intégration, qui serait en quelque sorte un tableau de bord quantitatif affiné au sujet des attentes de la 10 Il s’agit des études présentées par Acadie sur les rapports des services de la ville avec les étrangers non communautaires, par Act sur les relations entre les associations et la ville de Paris et par l’AEFTI au sujet des formations linguistiques. Dans la suite des recommandations, nous désignons chacun de ces rapports par les noms de ces organismes qui les ont produits (i.e. rapport Acadie, rapport Act, rapport AEFTI) 28 population étrangère ainsi que des attitudes de la population française et étrangère. Enfin, il est important de poursuivre le travail d’identification des associations œuvrant dans le champ de l’intégration qui a été entamé à la faveur du présent diagnostic (Voir le rapport ACT). 2. Définir une vision d’ensemble de la politique d’intégration En vue de répondre en partie aux tensions mises en évidence dans ce rapport, les auteurs recommandent de procéder à une définition plus explicite des différents domaines de la politique d’intégration de la ville de Paris. Il s’agit moins de suggérer de nouvelles actions à mener que de contribuer à définir de manière plus étroite le champ d’intervention de la politique parisienne d’intégration et à proposer un nouveau format, mieux articulé, des différentes sphères de l’intervention. Comme nous l’avons signalé tout au long de ce rapport, il s’agit simplement d’éviter la dispersion que peut entraîner un usage non circonscrit de la notion, par définition polysémique, de l’intégration. Il est donc recommandé de distinguer au moins quatre piliers au sein de cette politique: ⇒ la politique d’accueil (information et orientation, notamment vis-à-vis des nouveaux arrivants et particulièrement des demandeurs d’asile), ⇒ la politique d’insertion (lutte contre les discriminations, accès aux droits, mesures de rattrapage socio-économique, formation, apprentissage de la langue), ⇒ la politique de consultation et de participation (le CCPNC et l’encouragement à la participation dans les structures consultatives municipales non spécifiques de type conseils de quartier, conseils des jeunes, etc.), ⇒ la politique des relations interculturelles La politique de consultation et de participation ainsi que la politique des relations interculturelles font respectivement l’objet de préconisations aux points 6 et 8. La politique d’accueil et d’insertion fait par contre l’objet de recommandations très précises dans les rapports Acadie et AEFTI. Propositions issues du rapport Acadie en matière de politique d’accueil ⇒ Améliorer l’accueil physique des étrangers à l’hôtel de ville et en mairie d’arrondissement notamment par l’organisation de services de pré-accueil en charge de l’information et de l’orientation et par l’amélioration de la signalétique. ⇒ Améliorer la formation du personnel municipal et le familiariser au droit des étrangers, à l’existence d’outils informatiques d’orientation (e.g. CD ROM, Internet), aux pratiques culturelles spécifiques des publics étrangers. ⇒ Faciliter l’accès du personnel municipal aux services de traduction et d’interprétariat (Cf. le conventionnement d’Inter Services Migrants) et poursuivre les efforts entrepris au niveau central et au niveau des arrondissements pour diffuser des brochures d’information multilingues. ⇒ Conventionner le travail de permanence en mairie réalisé par les associations en termes d’information et d’orientation ⇒ Adapter les temps de service notamment en mairie d’arrondissement Propositions issues du rapport Acadie en matière de politique d’insertion ⇒ Organiser un pôle de compétence sur le droit des étrangers en interne au sein des services municipaux ou en externe. ⇒ Pérenniser les services généralistes d’accès au droit (Agents d’accès au droit, Point d’accès au droit, Maisons de la justice et du droit) tout en les incitant à mieux 29 prendre en compte le droit des étrangers. ⇒ Conventionner le travail de permanence en mairie réalisé par les associations en termes de médiation et d’accompagnement aux démarches administratives. ⇒ Améliorer l’accès des étrangers aux services de la médiatrice de la ville de Paris. Propositions issues du rapport AEFTI en matière de politique d’insertion ⇒ Améliorer les dispositifs de formation linguistiques et développer une offre concertée dans le cadre d’une politique d’intégration lisible. ⇒ Organiser une contractualisation de l’offre dans le cadre de dispositifs élaborés en commun, cohérents et intégrés. ⇒ Favoriser la mutualisation, la coopération et la coordination entre intervenants ⇒ Améliorer l’information en direction des usagers potentiels ⇒ Augmenter le financement de l’investissement en matériel pédagogique ⇒ Améliorer la formation des bénévoles ⇒ Mettre en place des postes de coordinateurs ⇒ Améliorer l’accès et l’aménagement des locaux. 3. Clarifier la question des publics cibles La spécification des différentes dimensions de la politique parisienne permettrait de mieux servir les besoins des différentes catégories d’usagers. Ainsi si les volets relations interculturelles, consultation et participation doivent, comme c’est le cas aujourd’hui continuer à toucher l’ensemble des étrangers non communautaires, les volets accueil et insertion doivent toucher en priorité ceux dans la population étrangère qui manifestent un retard ou des difficultés particulières sur le plan socio-économique. A ce niveau, ainsi qu’il ressort de notre analyse socio-démographique, les populations issues du schéma classique de l’immigration post-coloniale continuent à mériter un traitement particulier. Ce qui ne se justifie pas pour les non communautaires issus de pays riches, notamment ceux de l’OCDE. 4. Renforcer la coordination intra-municipale La faiblesse des moyens humains affectés à la Délégation municipale à l’intégration et aux ressortissants non communautaires limite sa capacité de peser sur une série de dossiers touchant de manière très directe les processus d’intégration parce qu’ils relèvent d’autres délégations et administrations. Cette carence en personnel se double d’une difficulté d’accès à l’information. La Délégation à l’intégration ne peut disposer en l’état d’une vision aussi précise que nécessaire au sujet des politiques développées par les différentes administrations de la ville de Paris en matière de résidents étrangers. En vue d’offrir des pistes permettant de contrecarrer les effets néfastes de cette limitation, les auteurs proposent la mise en place d’une structure de coordination intra-municipale renforcée. Celle-ci prendrait la forme d’une commission inter-municipale de l’intégration au sein de laquelle chaque direction déléguerait un correspondant administratif. Le correspondant à l’intégration serait chargé de veiller à la prise en compte de la dimension ‘intégration’ dans la politique générale de sa propre direction. Il aurait également pour mission de contribuer à la rédaction du rapport annuel ‘intégration’ coordonné par la Délégation à l’intégration. Concrètement, son rapport ferait état des initiatives en lien avec l’intégration des étrangers prises au sein de sa propre direction. 30 5. Déconcentrer partiellement la politique municipale d’intégration À l’heure actuelle, la Délégation intégration, particulièrement les membres du cabinet, consacre une charge horaire importante à la gestion et au suivi de cas individuels en matière d’accès aux droits. Il importe à court et moyen terme de désengorger ce canal en déchargeant le cabinet de la tâche de suivi des dossiers individuels afin de redonner à la mission de politique générale de l’intégration et des ressortissants non communautaires toute la place qu’elle mérite. Pour ce faire, il est proposé d’étendre les missions du Bureau de médiation de la ville de Paris en lui confiant une mission de suivi en matière de la citoyenneté et de l’égalité des chances. Le Bureau de médiation aurait comme nouvelle mission, non seulement l’accompagnement des dossiers individuels (notamment dans le cas des plaintes pour discrimination), mais surtout un rôle de médiation entre les citoyens et les différents services de la ville. 6. Approfondir les procédures de consultation La ville de Paris a pris un engagement fort en créant le Conseil de la citoyenneté et des Parisiens non communautaires. Elle s’est dotée d’une instance susceptible de favoriser l’expression et la participation à la vie publique d’une partie de sa population privée du droit de vote. Ce n’est pas tant l’originalité de ce Conseil qu’il faudra retenir mais le rôle d’exemplarité qu’il est appelé à jouer au niveau national et européen. Son importance et son rayonnement sont certes déterminés par l’importance et le rayonnement de la capitale, mais ils peuvent à termes se révéler à leur tour déterminant sur la manière dont les questions de démocratie locale seront désormais envisagées en France. Il importe donc de donner au Conseil toutes les chances de succès dans sa mission de consultation et de conseil auprès du maire et du Conseil de Paris. Cela signifie concrètement de maintenir un soutien politique et institutionnel fort. Pour réussir dans sa mission, le Conseil devra veiller à éviter les écueils qui ont marqué les expériences des conseils consultatifs ailleurs en France et en Europe. Les auteurs soulignent la nécessité de veiller au respect de cinq principes de bonne pratique : 1. Maintenir un équilibre entre la volonté d’autonomie interne et la nécessaire articulation avec la dynamique de travail propre à la mairie de Paris. 2. S’assurer un renouvellement des membres en conformité avec les réalités sociologiques de la population non communautaire à Paris. 3. S’engager à mettre en œuvre les moyens permettant de mener une action de consultation performante et efficace, et éviter de doubler les délibérations déjà menées dans le cadre du Conseil de Paris. 4. Rechercher l’équilibre entre les missions et les besoins potentiellement très nombreux et les moyens par définition limités. 5. Favoriser les synergies avec l’ensemble des institutions locales et des acteurs de l’intégration : élus, Conseils de quartiers, Conseils des jeunes, associations, etc. L’approfondissement des procédures de consultation doit également consister à renforcer la participation et la représentation des étrangers dans les diverses assemblées consultatives de la ville de Paris (jeunesse, quartier, etc.). Il ressort en effet des interviews menées que ces groupes ne sont pas suffisamment représentés au niveau des conseils de quartiers. Et il sera particulièrement important de prendre en considération les points de vue des femmes et des jeunes qui représentent des catégories vulnérables à l’intérieur de groupes vulnérables. 31 7. Appuyer le développement du secteur associatif œuvrant dans le champ de l’intégration. La politique d’intégration ne peut se concevoir sans l’implication des associations. Le rapport ACT sur les « relations entre associations et la ville de Paris autour de l’immigration et de l’intégration des étrangers non communautaires » offre quelques recommandations pour valoriser cet apport des associations à la politique municipale d’intégration. Propositions issues du rapport ACT en matière de soutien aux associations ⇒ Approfondir la concertation entre la ville de Paris et les associations œuvrant dans le champ de l’intégration et améliorer l’information des associations au sujet des initiatives municipales. ⇒ Assurer une plus grande sécurité aux associations en termes de subventionnement, notamment par la mise en place de conventions pluriannuelles ⇒ Mettre en place des dispositifs d’appui du type ‘Maison des associations’ ⇒ Capitaliser et mieux valoriser les projets associatifs d’intégration innovants par la mise à disposition de moyens de diffusion adaptés (journées d’étude, séminaires, publications, etc.) ⇒ Mettre en place des lieux de concertation sur des thématiques qui posent problème (i.e. logement d’urgence, accueil de jour, etc.). 8. Valoriser l’identité plurielle et cosmopolite de Paris La politique d’intégration passe également par un travail de valorisation de l’identité plurielle et cosmopolite de Paris au sein des délégations municipales généralistes, au premier rang desquelles la culture et les relations internationales. Il importe de contribuer à valoriser l’apport des étrangers à l’identité parisienne et promouvoir les expressions culturelles qui contribuent à faire émerger cette réalité plurielle et cosmopolite. 9. Développer la dimension européenne de la politique d’intégration La jeunesse de la politique d’intégration de la ville de Paris se traduit par une insertion encore très faible dans le cadre des dynamiques européennes. Les auteurs du rapport soulignent la nécessité stratégique pour la délégation à l’intégration d’approfondir son engagement sur le plan européen, notamment à travers les réseaux des villes. Comme le suggère la mise en œuvre du projet EQUAL, il conviendra de faire un meilleur usage des ressources mises à la disposition des villes par l’Union européenne dans le cadre des politiques d’intégration et de renouveau urbain. L’Europe est non seulement le lieu par excellence pour apprendre à travers l’échange des bonnes pratiques, mais elle est aussi le lieu à partir duquel de nouvelles initiatives locales en matière d’intégration pourraient être financées à l’avenir. 32 Bibliographie ABDELHAK O., Acculturation et stratégies identitaires chez le migrant adulte maghrébin. Cahiers de sociologie économique et culturelle, 1998, n° 29, vol. 111-122, pp. 174175 ADRI, L'intégration des minorités immigrées en Europe, actes du colloque international, Paris, 8 et 9 octobre 1990 AMORIN RIBEIRO I., DE PORTUGAL BRANCO J., DE VILLAN R. Jeunes issus de l'immigration en région parisienne. 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Cette étude devait s’appuyer sur le travail réalisé par les autres équipes (formation, rapport des étrangers aux services de la ville et diagnostic sur les associations) et devait consister avant tout à mettre en perspective des données qualitative et quantitative fournies par l’APUR et les autres équipes dans l’optique de contribuer à l’élaboration d’un rapport global sur la situation actuelle des étrangers à Paris. Il s’agissait donc de : ⇒ documenter l’objet du point de vue quantitatif et qualitatif ⇒ réaliser des entretiens avec des responsables politiques et administratifs concernés par le thème ⇒ explorer la thématique de l’intégration à travers le vécu de quelques personnes choisies pour l’exemplarité de leur parcours. a. Les entretiens qualitatifs Les entretiens qualitatifs ont été entamés dès après les clarifications intervenues au cours de la réunion du 19 juin entre les différents opérateurs du diagnostic. L’équipe de Génériques a pris contact avec l’ensemble des services de la ville (élus, conseillers de cabinet, fonctionnaires) et les acteurs associatifs de l’intégration (voir liste en annexe). Si certains nous ont immédiatement accueilli, ce ne fut pas toujours le cas. Dans un premier temps, nous avons du faire face à un taux relativement élevé de non-réponses et de réponses non concluantes (nos demandes d’entretiens étaient fréquemment redirigées vers la Délégation à l’intégration). Pour répondre à cette difficulté et expliquer l’objectif de notre enquête, une réunion a été convoquée grâce à la Délégation à l’intégration avec l’ensemble des cabinets des adjoints et des responsables de délégation. Cette rencontre a permis une première prise de contact avec différents cabinets, tout en leur exposant les orientations de la recherche. Elle a également permis d’augmenter le nombre de personnes interrogées. Tous les entretiens ont été réalisés par l’équipe de Génériques (en règle générale par deux personnes). Ils ont été menés dès la mi-juin et se sont poursuivis tout au long des mois de juillet, août et septembre 2002 en fonction des disponibilités des répondants. Elus de la ville de Paris Fonctionnaires de la ville de Paris Conseillers de cabinet des élus de la ville de Paris FASILD GELD CCPNC Experts extérieurs et observateurs privilégiés Total Nombre d’entretiens réalisés 3 5 5 2 1 6 5 27 b. La recherche documentaire bibliographique et les données quantitatives fournies par l’APUR 36 Nous avons entrepris en parallèle aux entretiens un travail de recherche documentaire relatif à cette problématique dans le fonds documentaire de Génériques, de l’ADRI, au centre de documentation de l’APUR, ainsi qu’à la Bibliothèque Nationale. Nous avons étudié attentivement l’ensemble des documents et notes qui nous ont été transmis par M. M. Allal, coordinateur du diagnostic, MM. J.M. Audry, M. Esponda et D. Valdan de l’Agence parisienne d’urbanisme (APUR). Nous avons recueilli un ensemble de données statistiques et démographiques relatives à la présence des étrangers à Paris et pris connaissance d’un ensemble de rapports, d’études ou de travaux de recherches universitaires produits autour de cette question. Nous avons également constitué et pris connaissance d’un volumineux dossier de presse de plus de 200 articles parus ces deux dernières années et relatifs à la situation des étrangers à Paris. c. Les difficultés dans la mise en œuvre de la recherche Les difficultés liées à la mise en place et à la coordination des trois équipes thématiques partie prenante à ce diagnostic ont compliqué la nécessaire articulation des différentes conclusions d’étape. Nous devions initialement intervenir en même temps, si ce n’est à la suite des équipes chargées des diagnostics autour des thèmes de la formation, des rapports aux services de la ville et des associations. Nous avons été contraints d’intervenir en même temps qu’eux alors qu’il aurait été souhaitable pour une mise en perspective globale que l’étude sur les processus d’intégration intervienne a posteriori. Les délais relativement longs pris pour mettre à notre disposition les données statistiques demandées et surtout le fait d’avoir attendu le 31 juillet dernier pour nous orienter vers l’INSEE ont également retardé le processus. La période de l’été a également pesé à la fois sur les délais de confection et de livraison d’un «fichier individus et logement» pour le département de Paris commandé à l’INSEE et sur une partie de nos rendez-vous pour des entretiens, qui n’ont pas pu se dérouler pour des problèmes d’agenda des personnes sollicitées. Il faut aussi souligner le fait que malgré notre insistance, certains de nos interlocuteurs ont parfois estimé qu’ils n’étaient pas directement concernés par la problématique de l’intégration des étrangers dans la ville de Paris et n’ont en conséquence pas souhaité nous recevoir. 37 Annexe 2 Les graphiques comparatifs présentés ci-dessous confirment le diagnostic du rapport de l’APUR : il existe bien des différences significatives entre nationaux et non-nationaux à Paris. Il faut néanmoins ne pas oublier les limites des outils statistiques existants, particulièrement les données du recensement de l’INSEE. Ainsi, la stabilité des effectifs de la population étrangère peut à tort faire croire que Paris n’est pas confrontée à la problématique spécifique des nouvelles migrations (voir annexe 2). Ces schémas présentent les données issues du recensement général de la population, INSEE 1999. Ils doivent être lus à chaque fois en fonction du taux d’étrangers dans la population parisienne totale. Pour rappel, ce taux est de 14,4%. Nationaux et non-nationaux selon le diplôme Français Etranger 90,00 80,00 70,00 60,00 50,00 40,00 30,00 20,00 10,00 0,00 < de 15 ans Aucun diplôme Certif. Brevet des études collèges primaires ou équ. CAP BEP Bac. général Bac. Dip. 1er Dipl. techno. ou cycle, univ. 2epro., ou BTS, DUT, 3e cycle, équ. ou équ. dipl. ingé. 38 Français Etranger Nationaux et non-nationaux selon le type d'activité 100,00 90,00 80,00 70,00 60,00 50,00 40,00 30,00 20,00 10,00 0,00 Sans objet Intérimaire Emploi aidé Apprenti Stagiaire rémunéré (SIFE...) Fonctionnaire CDD Indépendant CDI Aide familial Emplo -yeur Nationaux et non-nationaux selon leur résidence en 1990 Français 100,00 Etranger 90,00 80,00 70,00 60,00 50,00 40,00 30,00 20,00 10,00 0,00 Par convention: Dans le même logement Autre logement même commune Autre Autre région département de métropole de la région Dans un DOM ou TOM Dans un pays étranger de l'UE Dans un pays étranger, hors UE 39 Annexe 3 - Liste des personnes rencontrées 1. Mme Jocelyne Adriant, Responsable de la mission intégration 2. M. Raphaël Aulas, Chef de cabinet de M. Alain Lhostis, adjoint au maire chargé de la santé et des relations avec l’AP/HP 3. Mme Hamida Bensadia, Directrice de cabinet de Mme Khédidja Bourcart 4. Mme Françoise Bernard, Directrice pédagogique, association La Clairière 5. Mme Khédidja Bourcart, Adjointe au maire chargée de l’intégration et des populations non communautaires 6. M. Ricardo Coronado, Collaborateur de cabinet de Mme Khédidja Bourcart 7. M. Bruno Dion, Chef de cabinet de Mme Clémentine Autain, adjointe au maire chargée de la jeunesse 8. M. Daniel Duchemin, Délégué régional, FASILD Ile de France 9. Mme Danièle Gioli, Directrice de cabinet de Mme Martine Durlac adjointe au maire chargée de la politique de la ville 10.M. François Grémy, Conseiller technique de M. David Assouline, adjoint au maire chargé de la vie étudiante 11.M. Jorge Huerta, membre du bureau du Conseil de la citoyenneté des Parisiens non communautaires 12.M. Kamel Jendoubi, Directeur, AEFTI 13.Mme Brigitte Joseph-Jeanneney, Directrice de l’action sociale, de l’enfance et de la santé 14.Mme Françoise Khelif, Chargée de mission politique de la ville 15.Mme Nicole Legrand-Vermorel, Chargée de mission auprès de M. Eric Ferrand, adjoint au maire chargé de la vie scolaire et de l’aménagement des rythmes scolaires 16.M. Etienne Marty, Coordinateur, GELD 17.M. Jean-Yves Mano, Sénateur, adjoint au maire chargé du logement 18.M. Ruben Marinc, Maison du Mexique 19.M. Zine-eddine M’jaty, Coordinateur du Conseil de la citoyenneté des Parisiens non communautaires 20.M. Azzedine M’rad, Directeur, FASILD Ile-de-France 21.Mme Carole Prat, Responsable de la mission des relations internationales à la Direction des affaires culturelles 22.M. Philippe Roatta, Délégué à la politique de la ville et à l’intégration 23.M. Aurélien Rousseau, Directeur de cabinet de M. Pierre Mansat, adjoint au maire chargé des relations avec les collectivités territoriales d’Ile-de-France 24.Mme Marie-Claire Saint-Jean, sous-directrice de l’action sportive à la Direction de la jeunesse et des sports 25.Pierre Schapira, adjoint au maire chargé des relations internationales 26.M. Mathieu Souquière, Directeur de cabinet de Mme Clémentine Autain, adjointe au maire chargée de la jeunesse 27.M. Roger Yoba, membre du bureau du Conseil de la citoyenneté des Parisiens non communautaires L’équipe Génériques a également assisté à une réunion du bureau du conseil de la citoyenneté et à la réunion plénière du Conseil de la citoyenneté du 12 octobre 2002. 40