rose bonbon - Cégep du Vieux Montréal
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rose bonbon - Cégep du Vieux Montréal
Collection PRISE 1 Collection PRISE 1 Cynthia Durand Amélie Abgral Collection PRISE 1 UN TABLEAU NOIR ET ROSE BONBON DES BOUTS DE CRAIE Amélie Abgral ROSE BONBON Amélie Abgral Rose bonbon 1 Rose bonbon est le soixante-septième recueil de textes publié dans la collection Prise I. Cette collection a été créée afin de permettre à des jeunes auteurs du cégep du Vieux Montréal de publier une première œuvre. © Tous droits réservés Amélie Abgral et le CANIF, Centre d’animation de français du cégep du Vieux Montréal. Décembre 2005. Renseignements : 982-3437, poste 2164 Dépôt légal : Décembre 2005 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale d Canada Infographie et impression : Communications du CVM (26256) et Centre de reprographie du CVM Cégep du Vieux Montréal 255, rue Ontario Est Montréal (Québec) H2X 1X6 Conception graphique de la couverture : Dominic Prévost 2 Je dédie ce recueil à deux personnes bien spéciales. Tout d’abord à René Gour pour sa collaboration précieuse et ses commentaires toujours justes et pertinents, et à toi, garçon cactus, pour toutes les étoiles et les épines que tu as mises dans ma vie. À lire dans le bain en faisant des bulles et en écoutant The Pastels, « I Wonder Why », en mangeant une tonne de glace au chocolat. Attention ! Risques d’électrocution. « L’amour n’est pas seulement un sentiment, il est aussi un art. » Honoré de Balzac 3 4 Préliminaires Il était une fois un garçon et une princesse... — Salut. — Salut. Regards timides. — Es-tu une fille ou je me trompe ? Silence. Regards timides. — Une fille ? C’est quoi une FILLE nom d’une petite culotte ! ! ? % ?» ? — J’en sais trop rien... Quelque chose qui fait courir les garçons très vite. On dit qu’elles sont belles, gentilles et qu’elles portent des robes. — Beurk... Ça n’a pas l’air très amusant d’être une fille ! Moi, je suis méchante, très bête et je DÉTESTE les robes ! Je ne suis pas une fille, je suis une princesse. Et toi ? — Moi, je suis un garçon. — Un garçon ? C’est quoi un garçon nom d’une tarte au citron ! ? ! ? % $ ? ? — Un garçon, c’est grand, fort et ça possède une antenne. — Une antenne ? Quel genre d’antenne ? Le garçon lui montre son zizi. — Ce genre-là. Elle rit. — Ça te sert à capter quoi, ce machin ? — À capter des filles. Ça peut envoyer des ondes partout même jusqu’aux filles de l’espace. Elle rit. — Chouette ! Décidément, il était bien drôle ce garçon satellite, pensa la princesse. Et elle s’enfuit aussitôt cueillir des fleurs roses et des framboises dans son jardin de princesse, le coeur rempli d’étoiles. 5 Parfait Il n’y a jamais eu de toi et moi. J’ai rêvé tout ça. Tu n’existes pas. Je ne t’aime pas. Tu ne m’aimes pas. Tu es dans ma tête et je suis fêlée. Je veux te tuer. Il ne m’aime pas. Il l’aime. Il va faire ce qu’il veut, vivre sa vie. Lui écrire des chansons, la marier, lui faire l’amour toutes les nuits. Ils n’existent pas. J’ai rêvé tout ça. Elle est dans sa tête et il est fêlé. Il va se marier. Je ne l’aime pas. Il n’existe pas. Je vais le tuer. Il n’est pas là, je ne le vois pas. Il ne reviendra pas. Je l’aime. Va-t-il venir ? Est-il passé par là ? Où est-il ? Pense-t-il à moi ? Est-ce qu’il m’aime un peu ? Est-ce que j’existe ? Il faut se tuer. Ce sera parfait. 6 Foutre Je transpire ton odeur. Je te vois, je te sens. Tu es là, mais tu ne me vois pas. Je ris, je pleure, je crie, mais tu n’entends pas. J’attends, je prie, j’espère, mais tu ne reviens pas. Je te hais comme je t’aime, mais tu n’y penses pas. Je te touche. Je me touche. Foutre. Fous-moi. Fous-toi de moi. Orgasmique bonheur provisoire. Le prozac fait défaut, j’hallucine. Fellation hydrofuge d’hypocondriaque gâteux. J’affectionne ces moments hypocrites, enlacés. Ton souffle dans mon cou respire le mensonge. Il n’y a pas de lendemains. Où vas-tu mon amour ? Une petite vite, ça t’irait ? Je connais trop bien la suite. Se maquiller. Partout. Ne plus voir. Je beurre mes seins de pommade. Mon mamelon disparate me fait de l’oeil. Il pleure le mascara de cette mascarade ridicule. TRANSCENDER LE RÉEL POUR HYPOTHÉQUER MON ÂME, ME LIBÉRER DES ARTIFICES COMPLAISANTS QUI ME RETIENNENT PRISONNIÈRE DE TA TORPEUR. TE PRENDRE COMME UN SAINT ET DÉVIERGER TOUS TES VISAGES. CRUCIFIER MON SEXE AU TIEN POUR QU’IL TE RETIENNE, ENFIN, EN VAIN. AMEN. 7 Mauve Assise sous un ciel électrique, peinturluré de mauve, de gris, et de jaune, je suis dépravée. Je sniffe quelques étincelles poudrées, et reprends la valse à vive allure. Le tempo est décalé. Je danse seule. Moi et ma patère. Moi sur une lanterne. Je te dessine des étoiles au plafond et tout ce qui peut exister, espérant t’attirer. Aspirant à contenir mes larmes usées. Je reste dans mon lit toute la journée. Était-ce seulement une blague ? Est-ce que je l’aime vraiment ? On n’a plus rien. Il n’y a que le silence qu’on partage. Un silence si froid. Des mots de pacotille qu’on échange pour meubler le vide trop lourd. J’ai été la reine de ton univers un moment. Tu as souri pour moi dans le noir. Puis je suis morte à nouveau. Je me lève et je crève, je me couche et je crève. Tu m’as laissée en lambeaux, désaxée, asexuée, démunie. Je n’écrirai plus jamais ton nom. 8 9 Tes écailles Ton reflet est ici et partout, ton odeur trop familière. Le goût de tes papilles reste collé au fond de ma gorge, salivant breuvage à déglutir. Sourde de tes paroles, je ne pense qu’à toi. Je me dis tout bas que je te déteste. Je te hais. Tu ne me fais plus d’effet. Je me dis tout bas reviens-moi. Reviens-moi, salaud, que je te haïsse encore une fois. 10 Meat sauce La coupe à blanc Spray tan Revlon Barbie L’anorexie Made in China Coca cola La coke Prozac Xbox Le hockey L’infidélité Trojan Viagra Le sida La télé Les plats congelés Les agendas L’argent qui coule à flot Les rivières qui se taisent La page blanche La guerre You have 0 new messages 11 La mouche I Mon évasion préméditée fut un déclic appréhendé. « Appuie sur la gâchette, Harry. » Anonyme Je suis molle quand tu es là. Mon coeur farfouille, survole, batifole au contact de tes commissures exubérantes sucrées. Je m’envole quand tu es là. M’emballe. M’éparpillote. Gonzelle, tu me brûles par les deux bouts. Quand je m’endors entre tes reins charnus, je me sens Jézabelle, pécheresse divinement saccagée, torturée de toi mon amour flétri. PLACEBO POUR AMOURS FRIVOLES. SAIGNE-MOI, BOMBE NUCLÉAIRE. VIENS DANS MON ATMOSPHÈRE. UN MONDE IDÉAL EST UN MONDE SANS NOM. 12 Monologue d’une minijupe La gueule pleine de rêves, le crâne terrassé d’effroi, je vis un coma autodestructeur. Faire de moi une femme ? Je refuse le processus de sélection. On me branche deux tubes dans le nez. On m’ausculte, m’inspecte, m’analyse. La machine s’installe, me possède. On m’alimente de débats fortement politisés. Faire croire à mon opinion. Jouer l’adulte, ça s’apprend. Le regard, le ventre et le menton fuyants, la mine déconfite, on tente de m’imposer un style de vie. Parader comme une pute noire, esclave d’une poignée de change salvateur, des miettes de dollars pour ce qu’il reste de dignité. Faire du chantage aux big shots. Rester productifs. Rouler comme on peut sur la nicotine, les amphétamines, la caféine. Tabasser les loosers dans la cour de récré. LÀ, dans mes viscères, il y a des gens qui observent les gens s’observer et qui se trouvent cons. Opération réussie. J’ai peur de vieillir, peur du noir, peur de rater ma vie. Je veux un stylo chromé, une voiture chromée, de plus gros seins chromés, une existence terne et sans nuances. Mais d’ici à ce que j’en crève, au fond de mes entrailles, je resterai insoumise, criminelle, teigne, pustule dérangeante sur la peau impec de l’humanité. Si elle me veut vraiment, qu’elle m’achève cruellement. Qu’elle suce tout, la chienne, et surtout qu’elle avale tout ! 13 Cet été-là Je suffoquais cet été-là. L’insomnie volait toutes mes nuits. Le néant m’appelait sauvagement. Cette vie bête, brutale et chienne m’en voulait. L’estomac noué, du vent dans le coeur, ma peau pelée me demande qui suis-je ? Je gratte, je me gratte sans cesse. Arracher cette vérité atroce qui me colle trop bien à la peau. Un soir, j’ai rencontré mon ombre, elle ne m’a pas reconnue. Puis je l’ai vu. Vue ? Aussitôt je l’ai aimé. Mais cet été-là, je suis morte plus d’une fois. Je lui ai laissé un souvenir amer, celui d’une vie trop éphémère. Le néant m’appelait sauvagement. Cette vie bête brutale et chienne m’en voulait. Mon sourire craque sous la pression. Une ride de plus qui me cerne, me casse. Je n’ai plus d’émotions, seulement l’anxiété de ne pas crever. J’ai la faim, pas les moyens et je souffre pour ceux qui ne souffrent pas. Je m’enfonce, docile, dans la torpeur. Je pleure plus facilement. Je ne vais pas changer le monde. Je ne vais pas l’aimer. Je ne suis plus rien. 14 À FAIRE AUJOURD’HUI — PEINTURER MA CHAMBRE EN ROSE. — COMMENCER UNE COLLECTION. — ACHETER DES EFFACES QUI SENTENT LES FRUITS. — POUSSER QUELQU’UN JUSTE POUR LE PLAISIR. — TEINDRE MES CHEVEUX EN ROSE. — ESPIONNER UN INCONNU. — MANGER UNE BOÎTE COMPLÈTE DE POPSICLE. — RIRE. — IMITER UN CHIMPANZÉ CHAQUE FOIS QUE J’ENTENDS LE MOT « ARGENT ». — EMBRASSER UN BÉBÉ. — TUER UN CHASSEUR. — JOUER À LA MARELLE. — REGARDER LES ÉTOILES. — VOIR LA VIE EN ROSE. — CHANGER LE MONDE. 15 La mouche II Elle m’idéalise. M’autorise à abuser d’elle noblement. Et si elle a flanché sous l’étreinte de mon godemiché lustré, il n’en fallait pas moins pour que je l’empale, la pucelle. Toi. Tu cours dans ma tête et je suis rompue. À bout, je manque de souffle. Nauséeuse, je me languis dans mes chairs. Avortée, je navigue entre ciel et terre. aucun enfer assez brûlant pour moi. Rien pour consumer cette douleur qui m’habite. DÉAMBULER, SOMNAMBULE DANS UN UNIVERS CORROSIF. TEINDRE SA PEAU BRÛLÉE COULEUR SANG. LE SCALPER, LUI, MON AMOUR, MON TRÉSOR, CARESSER SON ÉCHINE ÉPINEUSE. EN FAIRE MON TROPHÉE. PEUPLER NOS NUITS DE DOUX SOUVENIRS AMERS, MA CHÉRIE. 16 17 Prismacolor « Je n’aime pas la lumière pour ce qu’elle a d’effervescent. » Anonyme On fait du bruit. On écoute du bruit. On ne regarde pas. On ne mange pas. On s’aime mal. On se fait mal. On ne sait plus comment faire. Les tornades envahissent tout. On a coupé tous les arbres. Il ne reste que de maigres pylônes pour se protéger. On vit dans des cages de béton derrière les barbelés de notre souffrance. Insonorisé, l’écho de nos cris se perd éternellement. On se fout une nuit ou deux. On se fout de tout. On s’arrose de tout ce qui sent fort, tout ce qui peut camoufler. On veut se désinfecter, frotter, astiquer, arracher. Monstres de métal bien huilé, on perdure même si on sait qu’on a fait plus que son temps. On se noie quotidiennement d’illusions. On veut les mêmes voitures que dans les films à la télé. On ne rit pas, on chiale. On ne parle plus. On perd tout. La mémoire, des clefs, des amis. On oublie d’éteindre la lumière, de rentrer un matin, un jour ou plus du tout. On ne meurt jamais parce qu’on n’a pas vraiment vécu. Nous sommes récifs. 18 Larve Mes yeux larmoyants s’écoulent sur toi. Chaque fois que la lumière fait place à la noirceur, c’est immanquable, je vomis. Je suis une larve. Sur mon corps nervuré pullulent des poils disgracieux. Mais je m’en fous. Je parais mieux que bien des hommes, et j’ai une vie plutôt aisée. Moi, qui cavale dans les cavités des nez repoussants ou entre les entrailles des chiens errants, je glisse, je me faufile, je m’agglutine. Je suce. Tout. Il n’y a plus rien sur mon passage. Je me nourris de la vie des autres. De leur décrépitude, de leur laideur, de leur inconstance, de leur ennui, de leur médiocrité, de leurs mensonges, de leur je-m’en-foutisme national et intersidéral et interminable. Je suis une plaie, une lésion. Je suffoque. Je me fige dans votre sang pour mieux vous glacer les os, sale parasite intestinal qui ne meurt jamais. Tempus edax rerum le temps qui détruit tout. 19 L’homme stalagmite L’homme stalagmite, je l’aime. Il est froid comme un glaçon et voilà que ça m’allume. Il porte des bretelles sous son pantalon juste pour exciter les filles. Il les préfère sans soutien-gorge, c’est plus facile à déshabiller. Mon décolleté lui redonnait un goût certain pour la virginité. J’étais encore chaste, pure et intacte. Propre, inutile et bien comme ça. Je me suis mise nue. Bandé de moi, il a joui. J’avais gagné la partie. Froissée, tordue à ses pieds, je lui ai tout vomi mon amour dessus. Ça l’a dégoûté. En plein visage hurlant, cet amour bleu et noir glissait doucement de mes lèvres décharnées. Je lui ai dit t’as de belles ailes. Tout de suite on a recommencé. On y a mis des jours entiers. 20 Les poupées bien habillées me font rêver au jour où j’en posséderai une bien à moi. Ce jour-là, je ne viendrai pas. Je dirai non pour que ça dure. Les seins tendus vers le ciel, elle pensera à moi. Elle sera à moi. Je serai son sauveur, son ange, son démon déchu, son bourreau tortionnaire en quête d’allégresse passagère. Je la démolirai à coup de machettes pour mieux la reconstruire. Pourquoi je ne sais pas aimer les filles ? Cet homme vermicelle, je ne l’ai pas aimé. Mais dis-moi. Comprends-moi. Mais dis-moi. Comprends-moi. C’est déjà terminé ? C’est la balade des métastases qui pullulent glorieuses sur mon corps pourri. 21 Polichinelle Mon cœur bat pour toi. Se cogne contre toutes les parois. Me déchire, lié à tes moindres gestes. En rêve, mes lèvres effleurent les tiennes. Fusionnés, nos corps sont enfin réunis. Nos caresses deviennent somptueuses, nos baisers, trop gourmands. Toi et moi, c’est le moment. C’est un soupir gémissant coulant hors de ma gorge. Un lait chaud dont tu peux t’abreuver. C’est le fluide de ta passion pervertie répandue en mon sein et en mes veines. À un autre que toi, je ne pourrai jamais m’offrir. Jamais conjuguer le verbe créer que pour toi. Ni d’ailleurs jouer, manger, parler, rire. Ni même y songer. Ni aimer. Je voudrais être une boisson pour que tu m’avales, Dégustée lentement, en parfaite harmonie, pour un instant, jusqu’à ce que tu m’urines et m’ensevelisses de tes restes visqueux. Je voudrais être ton parfum, inhalé sans arrêt. Devenir ton oxygène, le poison de ta vie, ta drogue, ton ennemie. Je serai ton pouls, ta mélodie, ton œuvre d’art, immortalisée dans ta mémoire, pour apaiser tes sens à jamais. 22 Lettre à une princesse Entre une lune et deux gratte-ciel, tu te balançais. Tu souriais. Peut-être pleurais-tu un peu ? Cette nuit-là, il pleuvait. Une pluie de météorites. C’est moi qui les avais commandés. Je voulais tant te délivrer, nettoyer tes jolis yeux d’avoir trop regardé, te soulager un peu. La tête à l’envers, un orage atomique éclaterait bientôt dans mon coeur. Si j’avais su parler, je t’aurais demandé ce qu’on t’avait raconté pour que tu sois si belle. Toi et les étoiles. Toi et les fleurs. Toi et moi. J’ai la tête à l’envers de t’avoir tant cherchée. Cachée sous mon lit, je n’ai pas assez dormi. Mais je n’ai plus peur. Je veux être avec toi. Dors, dors, princesse, la nuit t’attend. Oublie tout, je ne t’oublie pas. Viens dans mes bras. 23 24 Maman ne m’aime pas Pendant qu’on noie des bébés dans le cyanure, qu’on perce leurs tympans à coups de pioche, on tue l’enfant en nous. Entre deux siestes préméditées, je te regarde t’oxyder à mes côtés. Coeur de métal, chair de pierre, tu rouilles et je m’embrouille. Ma langue farcie de beaux mots polis s’évertue à retrouver sa raison. SOURNOISE apparition métallurgique d’un enfant dinosaure. Le mien, le tien, né de notre non-amour. Enfin, comment pourrait-il survivre dans la stratosphère Anéanti ? Serait-ce que cet incessant bourdonnement qu’il émanait ? Ou suintait-il la marmelade ? Je ne me rappelle plus trop... Il conservait ce gazouillis subtil qui m’enchantait et m’extirpait de mon apoplexie. Tel un arracheur de dents, il a fait ÉClaTeR mes molaires. Il a pris la place de notre ego corrompu, en a fait de la boUillie pour les pauvres. Ces pauvres plus riches que nous. Journée incongrue, hypothétique, froide et cynique. Du bonheur en canne pour me guérir de cette vie synthétique et caoutchouteuse. Les oreilles gourmandes de la rue salivent sur nous, nous engloutissent. Clouent notre bouche pleine de fissures. En vérité, je vous le jure, mon bébé anorexique vous fait un pied de nez en plongeant dans une marée de meringue. PISSEUX, GALLEUX, VIEUX BAVEUX, MORVEUX, TÊTE DE NOEUD, ERREUR DE JEUNESSE. 25 Lettre à un cowboy Cowboy, je te préfère simple, nu et indolent. Comme absent. Ignoré de moi, tu te dévoiles, et ce périple vers toi me fascine. Tu es digne d’être une caresse, une lampée de crème fouettée passée doucement sous la langue. Pur moment de jouissance. Tes yeux me donnent envie de m’y noyer, d’y tremper longtemps et de fondre. Tu excites toutes les particules de mon être, me captives et tu es parfait. 26 Amour « L’amour a son instinct, il sait trouver le chemin du coeur comme le plus faible insecte marche à sa fleur avec une irrésistible volonté. » Honoré de Balzac Il y a de ces jours qui veulent tout dire. De ces jours qui changent le cours de l’histoire. Aujourd’hui, ma vérité s’est envolée. L’amour m’a fait faux bond. Un grand écart sur la glace de mon coeur qui n’en finit plus de me tenailler. J’ai mal, trop mal. Je vais chez le docteur. Son diagnostic : je suis malade de trop aimer. Ils m’ont fouillée de fond en comble et ont trouvé quelque chose au fond de mon ventre. Un virus qui ne veut pas mourir ni même s’endormir. Sur la corde raide, je défile. Funambule farandole funeste. Et je tombe pendue et décousue à tes pieds. Tu es un mauvais souvenir dont je ne peux me débarrasser, un goût d’amertume et de regret au bord des lèvres. Je t’immolerais, immonde et fière. Je n’ai rien contre l’amour, ni même contre toi. Ton absence ne me dérange pas tellement. C’est le temps qui me fuit. Parce que la vie est précaire. Faite de petits riens qui peuvent voler en éclats à tout moment. N’importe où et pour n’importe quoi. Quand on ne vaut rien aux yeux de personne, vaut mieux éteindre toutes les lumières et laisser tranquillement le sommeil nous gagner. 27 Quelques jours plus tard.... — Salut princesse. — Salut garçon. Silence. Regards timides. Elle rougit. — Dis, tu veux faire un tour sur ma bicyclette magique ? — D’accord, mais ne va pas trop vite, OK ? — Ne t’en fais pas, c’est juste un 10 vitesses. Elle monte derrière lui. — Agrippe-toi bien à moi. — Et si je tombais ? — Je ne te laisserai jamais tomber ! Elle sourit. Et le garçon et la princesse s’envolèrent dans le ciel pour toujours. 28