Janvier 1942 Objectif Grèce

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Janvier 1942 Objectif Grèce
Janvier 1942
1 – La guerre en Méditerranée
Objectif Grèce
1er janvier
Maréchalat
Rome – Le gouvernement italien a décidé, pour fêter le Nouvel An, d’honorer « le libérateur
de la Sardaigne et de l’Albanie » : le général Ugo Cavallero est nommé maréchal. Non
seulement Cavallero a commandé en personne les opérations en Sardaigne et en Albanie, mais
encore, il a balayé toute concurrence à Rome. Le 24 juin 1941, il a poussé à la démission le
général Alfredo Guzzoni (sous-secrétaire d’état à la Guerre et sous-chef de l’état-major
général, poste supprimé), et le 27 juillet 1941, il a fait passer une loi donnant au chef d’étatmajor général autorité sur les chefs d’état-major des trois armées.
Pense-t-il à cet instant au proverbe latin sur la Roche tarpéienne et le Capitole ?
2 janvier
Chevalier Noir
Mer Egée – Lancement de la série des opérations “Dark Knight” prévues en janvier et février.
Au cœur de la nuit, 23 hommes des commandos de marine commandés par le major Roger
Courtney sont déposés sur la côte est de la Grèce par le sous-marin HMS Thorn (LtCdr R.G.
Norfolk) Ils n’ont qu’une courte distance à couvrir pour aller faire sauter la ligne ferroviaire
au sud de Katerini et revenir au sous-marin.
L’après-midi suivant, la voie ferrée est attaquée par deux vagues de bombardiers français et
britanniques de la Force Aérienne d’Egée. La seconde est interceptée en force par la
Luftwaffe. Trois DB-73 français et deux Boston III de la RAF sont détruits, ainsi que six
chasseurs d’escorte (Hawk-87 et Hurricane II), contre la perte de cinq Bf 109F. Mais la ligne
de chemin de fer, la seule à relier l’est de la Grèce continentale aux Balkans, est hors d’usage
pour au moins trois semaines.
Nouveaux sous-marins italiens
Tarente – Entrée en service du cinquième des treize sous-marins de 600 tonnes de la série
Platino, le Bronzo (LV Cesare Buldrini). Il sera rattaché au VIIe Groupe et opérera d’abord en
Méditerranée occidentale. Cinq autres vont le suivre avant la fin du premier trimestre 1942 :
les Porfido (24 janvier), Volframio (15 février), Cobalto (18 mars), Avorio (25 mars) et
Granito (31 mars).
3 janvier
Le Waterloo des étoiles (épilogue)
Alger – Le Journal Officiel publie un décret signé la veille par le président de la République,
ordonnant le maintien à titre exceptionnel dans la première section des généraux d’armée
Henri Giraud, Antoine Besson, Charles Noguès, René Olry, Jules Bührer et Amédée Blanc.
Pour la seconde année, en effet, les nouvelles lois sur les limites d’âge (rabaissée en août 1940
à 62 ans pour les généraux d’armée) viennent frapper les généraux atteignant cette limite dans
la nouvelle année qui vient de débuter, sauf autorisation exceptionnelle demandée par le
ministre de la Guerre et autorisée par décret cosignés par le président de la République et le
président du Conseil.
Mais comme souvent, ce qui n’est pas écrit est le plus important. En n’octroyant pas cette
autorisation exceptionnelle, le gouvernement renvoie dans la deuxième section les généraux
d’armée Georges Catroux (qui, tel autre célèbre général à titre temporaire et ministre à part
entière, semble désormais s’orienter, au Proche-Orient, vers une belle carrière civile) et Pierre
Héring (à sa demande, en raison d’un état de santé désormais incompatible avec ses
fonctions 1). Mais il écarte aussi les généraux Alphonse Georges et Edouard Réquin, soldant
ainsi les comptes de la campagne de France de 1940.
Avec les seuls René Altmayer, Joseph Doumenc et Aubert Frère, non encore atteints par la
limite d’âge, le groupe des généraux d’armée a ainsi été définitivement épuré : il ne compte
désormais plus que neuf membres, en attendant la prochaine promotion de généraux plus
jeunes et non marqués par la défaite de 1940.
Même si le tout-Alger s’y intéresse moins, les généraux de corps d’armée sont frappés par la
même mesure. La Marine et l’Armée de l’Air sont moins touchées, il faut avouer que, dès
avant le Sursaut, la gérontocratie y était moins pratiquée…
4 janvier
Chevalier Noir
Salonique – Des Consolidated Mod.32 français escortés par des P-38 attaquent le port. Celuici est durement touché, tandis que trois bombardiers et quatre chasseurs sont détruits en
échange de quatre Bf 109F et d’un Reggiane Re.2000. Cette incursion, venant après l’attaque
combinée commandos et aviation contre la voie ferrée, convainc le général Kesselring
d’avertir Berlin qu’il faut s’attendre à une attaque de grande envergure, comprenant des
débarquements amphibies, contre la côte est de la Grèce. Il demande l’autorisation de
redéployer les forces de l’Axe en conséquence.
5 janvier
Chevalier Noir
Balkans – Dans la nuit, les bombardiers lourds Stirling du 236e Wing (squadrons 7 et 15)
attaquent Sofia et la gare de triage voisine. Des Wellington du 202e Wing, basé en Crète
(squadrons 70, 142 et 150), attaquent de leur côté Salonique, renforçant les effets du raid des
Consolidated 32 français de la veille.
Heurs et malheurs des sous-marins alliés
Au sud-ouest du cap Dukato (île de Leucade), vers 06h00 GMT – Le sous-marin HMS
Proteus (Lt-Cdr. P.S. Francis) remporte le premier succès méditerranéen notable des sousmarins alliés pour l’année 1942 2. Il intercepte un convoi italien composé du transport de
troupes Calino et d’un unique escorteur, le croiseur auxiliaire Città di Palermo (D.3, 5 413
1
Le général Pierre Héring (67 ans), outre un réel épuisement provoqué par un travail acharné depuis un an et
demi, souffre d’autres maux qu’il a su cacher jusque-là. Accaparé par son travail opérationnel à la tête de
l’Armée de Paris, qui a battu en retraite sans jamais se désunir tout au long de ce terrible été 1940, il n’a pas
suivi l’actualité politique et ce n’est qu’une fois de l’autre côté de la Méditerranée qu’il a appris comment s’était
déroulée la destitution du maréchal Pétain, et l’accusation de haute trahison portée à son encontre. Pour Héring,
fervent disciple de Pétain depuis plus de vingt ans, c’est un déchirement : il ne peut croire aux accusations
portées contre son mentor, dont il voudrait défendre l’honneur et la réputation ; en même temps, son devoir
d’officier et de patriote lui impose avant tout d’œuvrer à la remise sur pied de l’armée qui doit libérer le pays et
de remettre à plus tard tout ce qui pourrait compromettre cet objectif… Dès lors, Héring s’est plongé dans son
travail, ajoutant un épuisement physique et nerveux à ses problèmes de conscience.
2
Toutes catégories, il a été précédé d’un jour par le sous-marin MN Cérès (LV Signaud), qui a obtenu une
victoire le 4 janvier au large de Céphalonie. Mais sa victime, coulée au canon, était le petit dragueur de haute
mer auxiliaire Nuovo San Pietro (R.195, 32 GRT).
GRT), lui-même chargé de troupes. Il réussit à placer deux torpilles sur ce dernier, qui coule
peu avant 06h10, avec la quasi-totalité de ses passagers et de son équipage : il n’y aura que 60
survivants sur 981 hommes.
6 janvier
Black Knight/Chevalier Noir
Londres – Une conférence d’état-major franco-britannique étudie les plans des opérations
Crusader/Croisade et Avenger/Vengeur prévues en Méditerranée, ainsi que les résultats de la
première série d’opérations Dark Knight/Chevalier Noir.
7 janvier
« Importante activité aérienne »
Grèce – Intense activité de la Force Aérienne de Mer Egée. Des bombardiers français et
anglais attaquent les concentrations de troupes allemandes et les convois qui se dirigent vers
la côte est de la Grèce. Deux vagues totalisant 212 avions obligent la Luftwaffe et la Regia
Aeronautica à réagir. La flak et la chasse de l’Axe abattent onze bombardiers et dix-huit
chasseurs, contre six Bf 109, trois MC.200 et deux Re.2000.
8 janvier
Redéploiements italiens
Rome – Avec l’aval du général Cavallero, l’état-major du Regio Esercito décide un nouveau
renforcement de la Sicile. L’île va recevoir la 4e Division d’Infanterie de Montagne (DIM)
Livorno, placée en réserve depuis le mois d’août 1941. Comme elle comptera désormais
quatre divisions mobiles pour sa défense, celles-ci vont être partagées entre deux corps
d’armée. Le XIIe CA du général Arisio gardera la partie occidentale de l’île avec la 26e DIM
Assietta et la 28e Division d’Infanterie Aosta. Le XVIe CA, reconstitué et confié au général de
corps d’armée Carlo Rossi, défendra la Sicile orientale avec la 4e DIM Livorno et la 54e DI
Napoli. Chacun des corps d’armée englobe également des unités de défense côtière, dont le
nombre va augmentant. Les deux CA siciliens dépendent de la 3e Armée (général d’armée
Mario Caracciolo di Feroleto), chargée de la défense du centre et du sud de la péninsule mais
aussi des îles (Corse, Sardaigne, Sicile).
9 janvier
Bombardement radio-guidé
Sofia – La gare de triage est attaquée dans la nuit par 24 bombardiers lourds Stirling de la
RAF et 30 Consolidated 32 de l’Armée de l’Air. Ce raid marque la première utilisation en
opération d’un nouvel instrument de radio-navigation baptisé Gee.
………
La voix du navigateur dans les écouteurs du pilote couvrit soudain le bruit de fond entêtant
des quatre moteurs Pratt & Whitney. « D’après Gee, nous sommes au-dessus d’un bled qui
s’appelle Nevrokop, Jules ! On a fait plus des trois quarts du trajet ! Si cet ustensile tient sa
promesse, ça va être du gâteau de trouver Sofia, d’ici ! » Le capitaine Roy grimaça un
sourire. « Si ça continue, on va finir par me remplacer par un conducteur d’autobus ! Et toi,
tu n’auras plus qu’une chose à faire : tirer sur la sonnette pour demander le largage des
bombes ! » Son copilote intervint : « Et qui fera le receveur ? » « Les mitrailleurs, bien sûr !
répondit Roy sans se démonter. Pour poinçonner à coups de .50 le ticket d’un éventuel
chasseur de nuit ! » Là-bas, en dessous d’eux, Sofia se croyait protégée par la nuit et le blackout… Mais plus pour très longtemps.
………
Des émetteurs Gee ont été positionnés sur les îles de Lesbos et de Naxos, ainsi qu’à La Canée,
en Crète. Si la portée du système ne dépasse pas une ligne allant de Burgas, sur la côte
bulgare, à Vlorë (Valona), sur le littoral albanais, et passant près de Plovdiv (Bulgarie) et du
lac Ohrid, il permet à des bombardiers attaquant des cibles un peu plus lointaines de disposer
d’une indication de leur position assez précise avant leur passe de bombardement. Résultat :
la gare de triage de Sofia est beaucoup plus endommagée cette nuit-là que par tous les raids
nocturnes précédents. Le trafic ferroviaire de l’Axe dans les Balkans sera fortement perturbé
pendant au moins deux semaines.
10 janvier
Bombardement radio-guidé
Grèce – Dans la nuit, utilisant le système Gee de radionavigation, 24 Stirling de la RAF
attaquent les terrains de Tanagra et de Tatoi, près d’Athènes. Bien que deux bombardiers
lourds soient abattus par des chasseurs de nuit et deux autres gravement endommagés par la
Flak des aérodromes, le bombardement est très réussi et bon nombre d’avions allemands sont
détruits ou endommagés au sol.
………
Pendant ce temps, les déchiffrages d’Enigma permettent aux états-majors français et
britannique de suivre à la trace un convoi de ravitaillement se rendant de Salonique au Pirée.
11 janvier
Les malheurs du convoi Castor
Mer Egée – Le convoi de cinq transports italiens signalé par les déchiffrages et allant de
Salonique au Pirée est escorté par le torpilleur Castore 3 (d’où son nom de code “convoi
Castor”), quatre dragueurs de mines italiens (RD-18, 21, 22 et 23) et six vedettes lancetorpilles, deux italiennes (les MAS-530 et 533) et quatre allemandes (les S-35, 55, 56 et 58, de
la 3e Flottille de S-Boots). Dans la nuit, alors que le convoi passe au large du cap Kimi, sur la
côte nord-ouest d’Eubée, il est d’abord pisté par un Wellington équipé d’un radar ASV, puis
attaqué par des forces légères alliées, soutenues par l’Escadre de Mer Egée. Les forces alliées
comprennent seize vedettes lance-torpilles : quatre grecques de type Vosper de 72 pieds (les
MTB 218, 219, 220 et 221), six britanniques de type Fairmile type C de 110 pieds (les MGB
320, 321, 323, 325, 326 et 327), et six françaises, des Higgins de 78 pieds achetées par le
gouvernement français en septembre 1941 (les VTB 61, 62, 64, 65, 68 et 69), emmenées par
deux torpilleurs français, L’Incomprise et La Poursuivante.
Les Alliés se divisent en plusieurs groupes. A 01h45, les Vosper grecques et les Higgins
françaises sont détectées par les S-Boots allemandes avant d’atteindre leur position de tir. Une
violente bataille se déclenche instantanément, les petits navires se mitraillant sauvagement à
très courte portée. Les S-55 et S-58 d’un côté, les MTB 218 et 221 ainsi que la VTB 68 de
l’autre, sont incendiées ou sombrent en quelques minutes, au milieu du crépitement des
armes, du grondement des puissants moteurs et du fracas des explosions. Dans la confusion,
les torpilleurs français se glissent à proximité du convoi et ouvrent le feu à 02h24. Un
transport et le dragueur de mines RD-21, frappés par des torpilles, coulent rapidement. Les
torpilleurs tirent sur les trois autres dragueurs et repoussent à coups de Bofors de 40 mm les
3
Seul survivant de la 11e escadrille de torpilleurs.
MAS italiennes. Pendant ce temps, les Fairmile de la Royal Navy entrent silencieusement en
jeu, lâchant sur le chemin du convoi des mines flottantes improvisées – des grenades sousmarines équipées de flotteurs. Puis, elles ouvrent le feu au pompom de 2 livres sur les
escorteurs. Le dragueur RD-18, touché de nombreuses fois, est incendié et commence à
couler. A 02h33, l’explosion de plusieurs grenades soulève en partie hors de l’eau deux des
transports, tordant littéralement leurs coques. L’un coule peu après ; l’autre, gravement
touché, doit s’échouer pour ne pas aller lui aussi par le fond. Ayant tiré toutes leurs torpilles et
lâché toutes leurs grenades, les bateaux alliés se retirent à 02h49.
Peu après le lever du soleil, les deux derniers transports et les sept escorteurs survivants
constatent d’abord avec soulagement que leur couverture aérienne est au rendez-vous : huit
Reggiane Re.2000 et huit Bf 110. Mais peu après, ils voient avec horreur arriver 12 DB-73M
(4M1 et 8M2) de la Flottille AB9 de l’Aéronavale, solidement protégés par 32 chasseurs (des
Hawk-87 français et des Hurricane anglais). Les chasseurs de couverture sont balayés (3
Bf 110 et 2 Re.2000 sont abattus, en échange de 2 chasseurs alliés), tandis qu’un quatrième
transport est incendié par des bombes et que le Castore est stoppé, ses machines mises hors
service par une bombe de 250 kg qui touche de plein fouet le torpilleur et par deux autres qui
le frôlent. Le transport va par le fond à 09h54, pendant que les marins du Castore luttent
désespérément pour sauver leur navire, jusqu’à ce qu’à 11h00, l’incendie et la menace d’un
nouveau raid aérien obligent le commandement naval de l’Axe, au Pirée, à ordonner son
sabordage.
Cette bataille est baptisée “bataille du cap Kimi” par les Alliés tandis que les marins
allemands et italiens, avec pas mal d’humour noir, la surnomment “la chasse au Castor”. Quel
que soit son nom, elle est considérée à Athènes, Rome et Berlin comme la preuve que la
France et la Grande-Bretagne ont l’intention de lancer une importante opération contre la
Grèce occupée. En fin de journée, Hitler en personne appelle Mussolini pour exiger un
renforcement de la présence navale italienne en Grèce. Après en avoir délibéré avec
SuperMarina (l’état-major de la marine italienne), Mussolini rappelle peu avant minuit pour
promettre au Führer « un effort substantiel » de la Regia Marina. En pratique, la seule chose
que puissent faire les Italiens est d’envoyer dix-sept unités légères, soit onze torpilleurs et six
MAS :
– sept vieux contre-torpilleurs de la Première Guerre reclassés torpilleurs, répartis en deux
escadrilles : la 2e, avec trois classe Generali, les Generale Antonio Cascino, Generale Achille
Papa et Generale Marcello Prestinari (seul survivant de la défunte 3e escadrille) ; la 5e, avec
les Simone Schiaffino, Giuseppe Dezza et Giuseppe Cesare Abba (tous de la classe Pilo)
renforcés par le Calatafimi (classe Curtatone, 16e escadrille), tout juste réparé.
– quatre torpilleurs modernes, soit l’équivalent d’une escadrille : Alcione, Aretusa (de la 1ère
escadrille), Libra et Lince (de la 8e) ;
– six vedettes lance-torpilles toutes neuves de la classe MAS-552 : les MAS-555, 556, 557,
571, 572 et 573 (dont l’arrivée doit permettre de reconstituer la IIIe Flottille MAS, défenseur
valeureux mais malheureux du Dodécanèse).
12 janvier
Plans alliés
Alger – L’amiral Ollive part pour Washington afin de discuter avec les autorités américaines
de la participation de l’US Navy aux opérations Crusader/Croisade et Avenger/Vengeur, ainsi
qu’aux opérations en Méditerranée Occidentale.
13 janvier
Mines
Mer Ionienne – Les dix-sept unités navales envoyées la veille par Mussolini renforcer la
défense de la Grèce ne sont déjà plus que seize, à peine. En effet, alors que la flottille de la
Regia Marina, qui a quitté Tarente à 04h00 pour Le Pirée en passant par le canal de Corinthe,
double Corfou, elle tombe dans un champ de mines posé par le sous-marin français Turquoise
(CC Louis Deroo). L’ancien contre-torpilleur Giuseppe-Cesare Abba coule à 19h25, et la
vedette MAS-573 est endommagée.
14 janvier
Bombardement radio-guidé
Grèce – Utilisant le système de navigation “Gee”, 36 Consolidated-32 (B-24D) français et 17
Stirling de la RAF attaquent dans la nuit le terrain d’Eleusis. Des chasseurs de nuit allemands
Do 17 Z10 réussissent à détruire deux Stirling et en endommagent un, mais sont incapables de
grimper jusqu’à l’altitude de croisière des B-24. Le bombardement est très nettement plus
précis que les précédentes tentatives, et l’aérodrome est mis hors service pour deux jours.
Réorganisation sous-marine
Londres – L’entrée en guerre du Japon ayant entraîné un redéploiement des sous-marins
français et britanniques en Extrême-Orient aux dépens des moyens engagés en Méditerranée,
l’amiral Max Horton, Flag Officer Submarines 4, reçoit de ses services un rapport faisant le
point sur la situation dans cette mer et ses perspectives d’évolution à court terme. Les 1st et 8th
Flottillas sont évidemment le sujet principal du rapport, mais celui-ci dresse d’abord un
tableau d’ensemble des forces sous-marines alliées en Méditerranée. Ces dernières
rassemblent 48 unités. Sur ce total, on compte : 29 bateaux français (dont la disponibilité va
décroître de façon marquée car dix d’entre eux devront subir un carénage ou des travaux de
modernisation au cours des sept à huit mois à venir) ; 11 britanniques ; 5 grecs (les Glavkos,
Nereus, Papanikolis et Triton sont opérationnels, mais le Katsonis est en grand carénage à
Port-Saïd jusqu’à début juillet) ; 2 yougoslaves ; enfin, 1 polonais.
La présence britannique demeure prépondérante en Méditerranée orientale. Malgré le départ
des HMS Truant et Trusty, la 1ère Flottille, qui opère de Benghazi et de Rhodes, est encore
forte de huit unités britanniques : 3 classe P (Pandora, Parthian, Proteus), 4 classe T (Thorn,
Thrasher, Torbay, Triumph) et le mouilleur de mines Rorqual, du moins jusqu’au retrait du
Parthian, qui doit sous quinzaine entrer en grand carénage et ne reviendra en ligne que début
juin. En outre, elle a intégré d’une part, après la perte de la Grèce continentale, les cinq sousmarins grecs survivants ; d’autre part, depuis leur récent retour en Méditerranée après
carénage et modernisation à Chatham, les deux Yougoslaves Hrabri et Neboj!a. Le rapport
poursuit : « Totalisant ainsi 15 unités, la 1ère Flottille pouvait aussi compter sur l’appui de
quatre sous-marins français de 1 100 tonnes (Caïman, Dauphin, Espadon, Phoque). Deux de
ceux-ci (Caïman et Dauphin) seront bientôt relégués à des tâches d’entraînement, mais ils
doivent être remplacés par les deux bateaux de la classe P-611 que nous avons accepté de
prêter à la Marine française. L’importance numérique de l’appoint français demeurera ainsi
inchangée. Les quatre Français opéraient jusqu’ici de manière coordonnée mais autonome.
Fort de l’expérience positive de la Joint Sub Force de Malte, nous avons proposé à l’ensemble
de nos alliés de constituer une Joint British-Allied Eastern Mediterranean Submarine Force,
placée sous notre commandement opérationnel et composée de la 1ère Flottille réduite à nos
bateaux et aux deux yougoslaves, de la Flottille grecque et des deux divisions françaises. Ces
4
Commandant en chef des sous-marins (britanniques).
derniers ont donné leur accord et la nouvelle organisation devrait fonctionner à compter du 1er
février prochain. »
En fait, cette réorganisation sanctionne le fait que les trois marines alliées réunies alignent
plus de sous-marins que la Royal Navy (11 contre 8). Et elle donne une satisfaction d’amourpropre aux Grecs, qui reprennent au moins partiellement en main leur force sous-marine :
leurs bateaux n’auront plus à porter de pennant numbers étrangers 5 ! Elle constitue aussi pour
les Britanniques une compensation à leur effacement en Méditerranée occidentale, où le
commandement de la Joint British-French Submarine Force passe aux Français, tout en
devenant la Joint British-French Western Mediterranean Submarine Force 6. Il est vrai que,
comme l’admet le rapport, la 8e Flottille ne compte plus que quatre unités : une à Gibraltar, le
HMS Talisman, et trois à Malte, les HMS P-33 et Ursula, plus l’ORP Sokol. En outre, « pour
compenser au moins partiellement le départ de la 10e Flottille, les Français vont envoyer à
Malte leurs 16e et 17e DSM (respectivement : Orphée, Antiope, Amazone et La Sultane,
Atalante) ».
Des renforts sont prévus pour contrebalancer la diminution attendue du nombre de sousmarins français opérationnels. La 1ère Flottille récupèrera dès sa sortie de carénage, prévue mifévrier, le HMS Taku (que divers ennuis mécaniques avaient fait renvoyer en GrandeBretagne à la fin août 1941) ; la 8e Flottille doit recevoir cinq classe U : d’ici fin janvier, le
HMS Una puis, en février, les HMS P-36 et P-38 et, en mars, les HMS P-42 et P-43 7.
15 janvier
Plans alliés
Washington – Début des discussions Ollive-King. Il s’agit d’étudier l’application des accords
Prêt-Bail et la participation de l’US Navy à la prochaine opération “Crusader/Croisade”.
Avant de rencontrer l’amiral King, l’amiral Ollive a un entretien d’une heure avec le président
F.D. Roosevelt et le général Marshall. Roosevelt déclare avec fermeté qu’il a bien l’intention
de voir les Etats-Unis participer en force aux opérations en Méditerranée avant même
l’exécution de “Bolero”, le transfert de troupes américaines en masse vers l’Afrique du Nord.
16 janvier
Plans alliés
Washington – Une réunion tenue à la Maison-Blanche rassemble autour du Président F.D.
Roosevelt les amiraux Ollive, King et Stark, ainsi que l’Ambassadeur de France – nul autre
qu’Edouard Daladier. « Les Etats-Unis se doivent de soutenir activement l’opération
“Crusader”, affirme le Président. Pour cela, il faut un signe fort, comme l’envoi en
Méditerranée par la Navy d’une task-force comprenant le porte-avions Ranger (CV4) et son
escorte de trois croiseurs et huit destroyers. »
Les amiraux King et Stark font la moue. « Monsieur le Président, argue King, le groupe
5
Les sous-marins grecs retrouvent leurs marques de coque d’origine : Katsonis, Y-1 ; Papanikolis, Y-2 ; Nereus,
Y-4 ; Triton, Y-5 ; Glavkos, Y-6. La marque Y-3 était celle du Proteus, coulé le 29 mars 1941. Le Y (upsilon
majuscule) est l’initiale de Ypobrukhio (Y!"!#$%&"), « sous-marin » en grec.
6
Soit, dans la langue de Molière, « Force sous-marine combinée Franco-Britannique de Méditerranée
Occidentale », la présence d’un sous-marin polonais n’ayant pas eu de poids sémantique…
7
Futurs Unbroken et Unison. Les sous-marins de classe U du 3e groupe (unités entrées en service à partir de
1941) ne recevront de noms propres qu’à partir de début février 1943. Dans les récits rédigés a posteriori, les
unités seront désignées dès leur entrée en service sous leur nom définitif. En revanche, un rapport rédigé à la mijanvier 1942 ne peut anticiper la chose. Quant aux P-36 et P-38, ils n’ont pas d’autre dénomination, car ils ont
été perdus avant février 1943.
aérien du Ranger n’est pas actuellement tout à fait opérationnel. Les avions de
bombardement de la VS-9, par exemple, sont encore de vieux SB2U Vindicator. Le
rééquipement en Dauntless ne commencera qu’en mars… »
– Qu’à cela ne tienne, propose Ollive en souriant. Nous avons des flottilles de bombardement
expérimentées qui ont fait leurs preuves sur les porte-avions anglais lorsque la Fleet Air Arm
était à court d’avions navals et d’équipages entraînés. Nous pourrions les baser sur le
Ranger, et la VS-9 pourrait opérer à partir des terrains de Crète, sous une bonne couverture
de chasse…
– Pourquoi pas, s’exclame Roosevelt (avec une bonne dose d’hypocrisie). Voilà une bonne
idée ! Qu’en pensez-vous ?
Un ange passe.
– A la réflexion, corrige Stark, je pense que nous pourrions accélérer le rééquipement du
Ranger.
– Oui, reprend King, en fait, l’opération pourrait être achevée d’ici moins d’un mois.
Daladier, admiratif, sourit en connaisseur.
Les Américains s’engagent aussi à envoyer en Méditerranée, si nécessaire, jusqu’à six sousmarins de classe “S1”, les S-18, S-20, S-21, S-30, S-31 et S-32. Ils seraient basés à Oran et
patrouilleraient en Méditerranée Occidentale pour relever les sous-marins de la Marine
Nationale et de la Royal Navy envoyés en Méditerranée Orientale 8.
De plus, les 33e et 57e Fighter Groups de l’USAAF seront envoyés fin janvier en Afrique du
Nord pour participer sous le commandement de l’Armée de l’Air à l’opération “Avenger”.
17 janvier
Relève
Alger – Le général d’armée aérienne René Bouscat, accaparé par ses nouvelles fonctions de
commandant interallié des forces aériennes en Méditerranée Orientale et par la préparation de
l’opération “Avenger/Vengeur”, cède le commandement de la Force Aérienne d’Egée à l’Air
Vice-Marshal Keith Park.
………
Ce n’est pas le seul mouvement chez les officiers supérieurs de l’Armée de l’Air. Au moment
où la 7e Escadre de Chasse remplace en Crète la 5e, envoyée à Alger pour y être rééquipée en
Hawk-87, le commandant de la 5e EC, le Lt-Col. “Kostia” Rozanoff part pour les Etats-Unis,
où il doit devenir le représentant de l’Armée de l’Air et l’officier de marque responsable des
essais en vol du NA-89 et de ses dérivés chez North-American. La production de l’avion à
moteur Packard V-1650-1 doit commencer dans la nouvelle usine de Dallas (Texas) au mois
de mars.
Les sous-marins yougoslaves au combat
Benghazi – Le sous-marin yougoslave Neboj!a (CC [Kapetan Korvete] Djordje Mitrovi')
quitte la base avancée de la 1ère Flottille pour sa première mission de guerre depuis son retour
en Méditerranée. Il doit patrouiller en Haute Adriatique mais surtout mener d’abord à bien les
opérations spéciales “Hydra” et “Henna”. Celles-ci consistent en la dépose de quatre agents et
leur matériel près de Petrovac, au Monténégro, deux autres sur l’île dalmate de Mljet.
8
Cette partie des accords demeurera inappliquée. Les S-30, S-31 et S-32 seront employés à la garde du Canal de
Panama et à des patrouilles offensives dans le Pacifique nord à partir des îles Aléoutiennes. Le S-18 mènera des
patrouilles défensives dans les parages de celles-ci. Les S-20 et S-21 seront utilisés pour l’entraînement des
forces ASM américaines et alliées.
18 janvier
Coronation/Couronnement
Roumanie – Les puits de pétrole de Ploesti sont bombardés par 36 Stirling et 48
Consolidated-32. Deux bombardiers anglais et un français sont abattus par les chasseurs de
nuit de la Luftwaffe basés en Grèce du Nord et en Bulgarie.
19 janvier
Bombardement radio-guidé
Grèce – Nouveau raid nocturne des bombardiers lourds alliés. Cette fois, 18 Stirling de la
RAF et 24 Consolidated-32 de l’Armée de l’Air attaquent la gare de Larissa, en Grèce
centrale. Utilisant le système Gee d’aide à la navigation, ce raid est relativement précis.
20 janvier
Chaises musicales italiennes
Rome – Le général Vittorio Ambrosio, chef de la 2e Armée, à la tête de laquelle il avait
conduit la campagne contre la Yougoslavie, est nommé chef d’état-major du Regio Esercito.
Il remplace le général Mario Roatta, qui reprend la 2e Armée.
21 janvier
Coronation/Couronnement
Roumanie – Les raffineries de Ploesti sont la cible d’un raid majeur, auquel participent 23
Stirling de la RAF et 32 Consolidated-32 de l’Armée de l’Air. La raffinerie de l’AngloRumanian est très gravement touchée et ses capacités sont réduites de 80%. Les chasseurs de
nuit allemands détruisent deux Stirling et deux Consolidated-32.
« Importante activité aérienne »
Grèce – A l’aube, 24 NA-73 des GC I/2 et II/2 utilisent leur long rayon d’action pour attaquer
par surprise le terrain de Salonique. Ils détruisent deux Bf 110D et quatre Ju 88. Une
patrouille de 8 Bf 109F tente d’intercepter les attaquants, avec pour seul résultat la perte de
trois d’entre eux contre un seul NA-73.
22 janvier
Lutte ASM
Méditerranée centrale – Un convoi de 37 navires sous forte escorte franco-britannique
transfère de Benghazi en Crète les hommes et le matériel de la 5e D.I. Dans la nuit, le convoi
est attaqué par une petite meute d’U-boots. Deux transports sont envoyés par le fond avec des
pertes humaines assez lourdes, mais l’U-132 est coulé par les escorteurs et, à l’aube, l’U-331
est surpris en surface et détruit par un Catalina français.
23 janvier
Coronation/Couronnement
Roumanie – Cette fois, ce sont 27 Stirling et 36 Consolidated-32 qui attaquent Ploesti. La
réaction de la chasse de nuit allemande et de la flak lourde est cependant assez efficace : trois
Stirling et deux Conso.32 sont abattus. C’est le prix des graves dommages causés au
complexe de raffineries du Creditul Minier. Mais le taux de pertes élevé (près de 10%)
conduit l’A.V.M. Keith Park, commandant la Force Aérienne d’Egée, à suspendre les
bombardements nocturnes sans escorte jusqu’à l’exécution de l’opération Dark Knight I.
Lutte ASM
Méditerranée centrale – Au large de Benghazi, les avisos La Boudeuse et La Gracieuse, qui
escortent le convoi HB-122 entre Benghazi et Héraklion, coulent l’U-133. Récemment encore
employées aux patrouilles ASM du détroit de Gibraltar, les deux unités viennent tout juste de
rejoindre en Méditerranée centrale, en raison de l’accroissement de la menace sous-marine,
les avisos Annamite et Gazelle.
24 janvier
En route vers le Pacifique…
Gibraltar – Arrivée du convoi Stone-Age pour la Malaisie, qui se prépare à traverser la
Méditerranée d’ouest en est.
Renforts pour la Regia Marina
Rome – La Regia Marina, par la voix de son état-major, amiral Riccardi en tête, a, une fois
n’est pas coutume, des nouvelles encourageantes à annoncer au Duce (et ministre de la
Marine). Outre l’avancement satisfaisant du programme des sous-marins de 600 tonnes, série
Platino, dont le sixième exemplaire, le Porfido, va lui être officiellement remis ce jour, de
nouveaux navires de surface ne vont pas tarder à arriver en renfort.
Le 1er février entrera en service le premier des contre-torpilleurs de la classe Soldati (2e série),
le Mitragliere, que doit suivre un mois plus tard le Legionario. En avril, ce sera le tour du
premier des torpilleurs de classe Orsa (2e série), dits aussi classe Ciclone, l’Impavido.
Commandées dès la fin juin 1941, les 24 vedettes lance-torpilles dérivées des Lürssen
yougoslaves (dites du type 60 t CRDA, d’après leur déplacement et leur chantier de
construction, les Cantieri Riuniti dell’Adriatico, à Monfalcone) pourront être engagées en
première ligne dès le mois d’avril. Les premières VAS (Vedetta Anti Sommergibile), version
plus lente des précédentes, mais dotée d’un armement ASM plus puissant et dont l’étude et la
construction avaient été chaudement appuyées par l’amiral Da Zara, vont sortir des chantiers
en mars ; elles devraient être opérationnelles en nombre significatif dès le début de mai.
Enfin, ce mois de mai verra aussi l’admission au service actif du premier croiseur léger de la
classe Capitani Romani, l’Attilio Regolo.
Bref, la Regia Marina verra augmenter ses moyens en unités légères et très légères dès ce
premier semestre 1942, ce qui accroîtra sa capacité d’action en matière d’escorte de convois,
d’actions rapides et de guerre côtière. En supposant que, d’ici là, les pertes ne soient pas trop
lourdes, la tendance devrait se poursuivre au cours du second semestre, avec notamment
l’arrivée en août d’un nouveau type d’escorteurs ASM, les corvettes.
25 janvier
En route vers le Pacifique…
Gibraltar – Le convoi Stone-Age quitte Gibraltar à 04h00, cap à l’est, avec 19 cargos, dont
11 sont à destination de l’Extrême-Orient. Il est escorté par une flotte anglo-française
comprenant notamment deux porte-avions, les HMS Illustrious (12 Martlet du Sqn 881 et 6
du 882, 12 F4F-3 de l’AC-2 française, 12 Swordfish et un Fulmar II du Sqn 829) et Furious
(12 Fulmar II du Sqn 809, 6 du 807 [partagé avec l’Eagle], plus 6 Swordfish de patrouille
ASM). Le reste de l’escorte se compose d’un CA (MN Colbert), cinq CL (HMS Kenya,
Liverpool, Manchester, Sheffield, MN La Galissonnière), deux CLAA (HMS Charybdis,
Euryalus) et un écran impressionnant : trois contre-torpilleurs (MN Le Fantasque, Le
Terrible, L’Indomptable), trois grands torpilleurs (MN L’Alcyon, La Palme, Le Mars) et 15
destroyers (HMS Antelope, Bedouin, Escapade, Icarus, Impulsive, Maori, Matabele, Onslow,
Panther, Somali, Westcott, Wishart, Wrestler, Zulu,.
Les Américains arrivent
Norfolk (Etats-Unis) – La Task-Force 34, commandée par le contre-amiral H. Kent Hewitt,
quitte Norfolk pour Casablanca afin de commencer son entraînement avec les forces
françaises et britanniques. La TF 34 est ainsi composée :
– CV-4 Ranger (contre-amiral E.D. McWhorter), avec les flottilles VF-9 (27 F4F-4, LtCdr John Raby), VF-41 (27 F4F-3, Lt-Cdr C.T. Booth II) et VS-41 (18 SBD-3, Lt-Cdr
L.P. Carver).
– CA-31 Augusta (amiral) (Capt. Gordon Hutchins), CL-40 Brooklyn (Capt. F.C.
Denebrink) et CL-42 Savannah (Capt. L.S. Fiske).
– Desron 8 : DD-419 Wainwright, DD-402 Mayrant, DD-403 Trippe, DD-404 Rhind.
– DesDiv 26 : DD-441 Wilkes, DD-443 Swanson, DD-438 Ludlow, DD-440 Ericsson.
– AO-30 Chemung (Capt. J.J. Twomey).
Cette force escorte un convoi de cinq transports, qui conduit en Afrique du Nord le 33e
Fighter Group (58e, 59e et 60e Fighter Squadrons) et le 57e Fighter Group (64e, 65e et 66e
Fighter Squadrons), tous deux sur P-40E (chaque FG compte 18 avions x 3, plus 27 avions de
réserve, soit 135 avions). Les deux FG doivent opérer à partir de bases françaises durant
l’opération Avenger/Vengeur.
26 janvier
Déploiements
Alger – Les douze premiers planeurs Horsa destinés à l’opération Crusader/Croisade sont
livrés à Maison-Blanche sous formes d’éléments faciles à remonter. Ils sont livrés au dépôt
des Troupes Aéroportées françaises.
………
Benghazi – Venant de ses campements de l’Oranais, la 1ère DI yougoslave libre achève son
redéploiement en Cyrénaïque, entamé depuis un mois par échelons. Cette grande unité est
composée de soldats qui se sont échappés vers Skoplje et Salonique lors de l’attaque
allemande. Equipée selon le modèle français, la division est composée de trois brigades
indépendantes.
Les Yougoslaves, même leurs chefs, ont très peu d’informations sur l’opération qui se
prépare. Seuls de rares initiés connaissent son nom : Croisade. Les nombreux exercices de
débarquement ne laissent aucun doute : on va en Europe, mais où ? Les uns espèrent le
Monténégro, les autres parient pour la Macédoine. Quelques-uns suggèrent le sud de la Grèce,
mais leurs camarades éclatent de rire à cette idée : qu’irait-on faire dans ce pays de cailloux, à
part baiser des chèvres ?
27 janvier
« Importante activité aérienne »
Grèce – Succession de raids contre les aérodromes de l’Axe autour d’Athènes et en Grèce du
Nord. Les Alliés engagent 135 bombardiers (63 Blenheim IV de la RAF, 36 B-25 et 36 DB73 de l’Armée de l’Air), escortés par 220 chasseurs. La Luftwaffe et la Regia Aeronautica
réagissent en force et abattent 24 avions alliés, plus 5 pour la flak, en échange de 17 chasseurs
de l’Axe.
………
Dans la nuit, utilisant le système Gee d’aide à la navigation, 27 Wellington, 27 Stirling et 36
Consolidated-32 attaquent les nœuds ferroviaires de Katerini et de Larissa, endommageant
sérieusement le réseau ferré reliant la Grèce aux Balkans.
28 janvier
En route vers le Pacifique…
Méditerranée centrale – Sous une solide couverture aérienne supervisée par le général
Bouscat en personne, le convoi Stone-Age entre dans le détroit de Sicile. Comme pour le
convoi Long-Sword le 21 décembre, le passage de la partie la plus étroite du détroit doit se
faire de jour.
Tôt le matin, 64 Hawk-87 des 4e et 5e E.C. et 48 NA-73 de la 6e E.C., basées en Tunisie et
Algérie, attaquent les terrains de l’Axe en Sardaigne et en Sicile, en compagnie de 72
bombardiers légers DB-73 des 21e et 23e E.B. La couverture du convoi est assurée par les
F4F3 et les Fulmar des porte-avions Illustrious et Furious et par les chasseurs basés à Malte :
Spitfire Vb des GC I/1 et II/1, Hurricane II du Wing 266 (Sqn 126, 185, 242, 249), et par les
Hawk-87 de la 3e EC basée à Tunis. Il y a en permanence 40 chasseurs basés à terre au-dessus
du convoi.
L’attaque “préemptive” n’est qu’un succès partiel, en raison du mauvais temps régnant sur la
Sardaigne et de l’intensité de la flak en Sicile. Les Alliés perdent sept chasseurs et six
bombardiers, pour vingt avions de l’Axe détruits au sol ou en l’air. Cependant, Allemands et
Italiens sont dans l’incapacité de s’en prendre au convoi avant 15h00.
La première attaque est effectuée par 27 Ju 87B des 96°, 97° et 101° Gruppi Tuffatori, basés à
Palerme, escortés par 30 Macchi MC.200 et 202 des 3° et 4° Stormi Caccia Terrestre. Les
avions italiens sont débordés par les patrouilles dirigées par radar et perdent onze bombardiers
et neuf chasseurs, contre sept chasseurs alliés.
Un deuxième raid, lancé par le Xe FliegerKorps, met en ligne 24 Ju 88 protégé par 32
Bf 109F. Malgré l’importance des patrouilles alliées, les avions allemands s’en tirent mieux
que les Italiens. Cinq Ju 88 et sept Bf 109F sont abattus, en échange de six chasseurs alliés,
mais quinze bombardiers parviennent à attaquer le convoi. Un cargo est coulé et le destroyer
HMS Icarus est gravement endommagé par cinq bombes (deux qui le frappent et trois qui le
ratent de peu). Le navire est d’abord pris en remorque par le Somali, mais il devra être
sabordé vers minuit.
Un troisième raid est signalé peu avant le coucher du soleil. Cette fois, 21 bombardiers
torpilleurs SM.79 Sparviero des 131° et 132° Gruppi Aerosiluranti (basés à Comiso), escortés
par 20 Macchi MC.200 et 202 du 51° Stormo CT, tentent leur chance, espérant trouver un
convoi désorganisé par les deux premières attaques. Ils se heurtent aux Fulmar II du Furious
(Sqn 807 et 809) et aux F4F3 Martlet de l’Illustrious. Cinq SM.79 et 7 Macchi sont abattus,
ainsi que trois Fulmar et deux Martlet. Incapables d’approcher du convoi, les avions
torpilleurs survivants lancent contre l’écran (qui abat deux SM.79 de plus). Dans la confusion,
le croiseur léger HMS Manchester est touché au niveau de la tourelle B. L’explosion bloque
les deux tourelles avant. Le vaisseau doit quitter le convoi dans la nuit et retourne à Tunis,
escorté par les DD Escapade et Maori.
Apprenant cette dernière attaque au moment où elle commence, le général Bouscat lance
aussitôt 18 bombardiers DB-73A de la 25e E.B., basée à Malte, pour une attaque “en soirée”
sur Comiso. Les avions français atteignent le terrain à peu près en même temps que les
Italiens et profitent de la confusion. Au prix de deux DB-73A, cinq SM.79 et trois Macchi
sont détruits, tandis que le terrain est sérieusement endommagé par des bombes.
« Importante activité aérienne »
Grèce – Comme les chasseurs-bombardiers alliés reprennent leurs attaques contre les terrains
de l’Axe et toutes sortes d’objectifs d’opportunité le long de la côte de la Mer Egée, le FeldMaréchal Kesselring envoie à Berlin et à l’OKW le message suivant : « Il faut s’attendre à un
débarquement ennemi majeur, soit en Eubée, soit peut-être près de Salonique, dans les trois
semaines qui viennent. » Cet avertissement en bonne et due forme ne provoque pourtant
aucune réaction apparente. Furieux, Kesselring jette à son aide de camp : « Ils ne pourront
pas dire que je ne les aurais pas prévenus ! »
29 janvier
En route vers le Pacifique…
Méditerranée centrale – A l’aube, la chasse alliée reprend sa couverture du convoi StoneAge, mais ni la Regia Aeronautica ni la Luftwaffe ne s’aventurent à une nouvelle attaque.
Un peu avant la tombée de la nuit, un Swordfish du HMS Furious coule le sous-marin U-374.
30 janvier
« Importante activité aérienne »
Grèce – Après des raids de harcèlement menés durant la nuit par des Wellington de la RAF,
la Force Aérienne d’Egée mène de violentes attaques dès l’aube contre les aérodromes de la
région d’Athènes.
Dans l’après-midi, l’Armée de l’Air lance un raid avec “effort maximum” contre la gare de
triage de Salonique et les voies ferrées alentour. Ce sont 48 Consolidated-32 escortés par 48
NA-73 et 48 P-38 qui passent à l’attaque. La Luftwaffe réagit en force, mais les chasseurs
allemands sont douloureusement surpris de découvrir que les bombardiers lourds français ne
sont pas seulement accompagnés par les bimoteurs à double queue qu’ils commencent à
connaître (et dont les performances sont encore assez loin de celles des modèles ultérieurs),
mais aussi par des monomoteurs qu’ils vont vite apprendre à redouter. Dans le féroce combat
qui suit, cinq P-38, quatre NA-73 et deux Consolidated-32 sont détruits, mais neuf Bf 109F
sont abattus. Plus important encore : il ne reste plus pierre sur pierre de la gare de triage et les
voies sont ravagées, interrompant tout trafic ferroviaire pendant au moins deux semaines et
multipliant les inquiétudes de Kesselring.
Renforts
Casablanca – Arrivée de la TF-34, autour du porte-avions USS Ranger, et du convoi
transportant les deux Fighter Groups qui doivent se déployer en Afrique du Nord.
………
Méditerranée Orientale – Alors que le gros du convoi Stone-Age fait route vers Alexandrie,
huit transports escortés par des navires français se dirigent vers Héraklion.
Sur l’Illustrious apponte un Martlet solitaire venant d’Alexandrie, accueilli par les
applaudissements de l’équipage : c’est en effet l’avion de l’ancien co-équipier d’Yvon
Lagadec, le flight-lieutenant Danny Potter, qui a réussi à faire le trajet de Singapour. Ayant
reçu l’ordre de rallier l’Europe, Potter a refusé d’abandonner son petit chasseur et est allé de
Sumatra à Alexandrie en accompagnant différents multimoteurs qui lui servaient d’aides à la
navigation. Le Martlet, baptisé White Magic, est alors orné du fameux insigne du chapeau de
magicien au lapin blanc et de onze marques de victoire ; on peut le voir aujourd’hui dans cet
état à l’Imperial War Museum à Londres.
31 janvier
Les Américains arrivent
New York et Norfolk – Lancement officiel de l’opération “Bolero”, c’est-à-dire du transfert
de troupes américaines en Afrique du Nord pour des actions offensives contre les forces de
l’Axe en Méditerranée. Bolero doit se prolonger jusqu’à juin-juillet 1942, car ce sont deux
divisions blindées et quatre divisions d’infanterie qui doivent traverser l’Atlantique et être
engagées avant la fin de l’été 1942. L’Afrique du Nord doit permettre l’entraînement
opérationnel de ces unités.
Le premier convoi, codé UCT-1 (United States-Casablanca-Troops 1) n’est qu’un prélude aux
transports de troupes massifs qui vont suivre. Il comprend douze navires, emportant surtout
des hommes (les USAT [US Army Transport] et AP) ou surtout du matériel (les AK) (USAT
Hugh L. Scott, USAT Uruguay, USS Barnett (AP-11), USS George F. Elliott (AP-13), USS
Fuller (AP-14), USS William P. Biddle (AP-15), USS Chateau-Thierry (AP-31), USS
American Legion (AP-35), USS Arcturus (AK-18), USS Alcyone (AK-24), USS Algorab
(AK-25), USS Almaack (AK-27). Il doit transporter à Casablanca des éléments de la 1ère
Division Blindée (dont les bataillons de chars légers des 1er et 13e Régiments Blindés) et de la
2e Division d’Infanterie. Ces deux divisions doivent faire partie d’un Corps d’Armée déployé
sur le théâtre méditerranéen.
Le convoi quitte New York tôt dans la matinée, avec une partie de son escorte, constituée
d’un groupe naval américain formé autour du cuirassé Texas. Il rejoint en mer le reste de son
escorte, l’escadre du Richelieu, venue de Norfolk (BB Richelieu, CA Algérie, DD Bison,
Cyclone, Mameluck et Siroco), à laquelle s’est ajouté le porte-avions d’escorte Bois-Belleau,
dont les Swordfish sont chargés d’assurer des patrouilles ASM.
Pendant ce temps, deux officiers généraux américains, Dwight D. Eisenhower et George S.
Patton, quittent New York dans un B-24 modifié pour Rabat, via Ponta Delgada (Açores).
Renforts
Alger – Arrivée d’un nouveau groupe de planeurs Horsa, cette fois au nombre de 21, pour les
troupes aéroportées françaises.
En route vers le Pacifique…
Méditerranée Orientale – Au crépuscule, pendant que le reste de son escorte, autour des
porte-avions Illustrious et Furious, retourne vers l’ouest, le convoi Stone-Age, qui compte
maintenant dix transports escortés par les croiseurs HMS Kenya et Liverpool et les DD HMS
Onslow, Paladin, Somali, Westcott, Wishart, Wrestler et Zulu, arrive à Alexandrie. Le convoi
doit traverser le canal de Suez le jour suivant et se diriger vers Aden, où le Groupe d’Escorte
de l’Océan Indien doit l’attendre.

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