UNIVERSITE STENDHAL GRENOBLE 3 UFR des Sciences de l
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UNIVERSITE STENDHAL GRENOBLE 3 UFR des Sciences de l’Information et de la Communication GRESEC – Groupe de Recherche sur les Enjeux de la Communication Thèse présentée en vue de l’obtention du titre de Docteur en Sciences de l’Information et de la Communication soutenue publiquement le 14 janvier 2009 Amandine VIALE Les enjeux de la programmation et la diversité musicale au sein des radios commerciales françaises NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Sous la direction du Professeur Bernard MIEGE Jury : Bernard Miège, Professeur émérite en Sciences de l’Information et de la Communication, Université Stendhal, Grenoble 3 Jean-Jacques Cheval, Professeur en Sciences de l’Information et de la Communication, Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3 Yolande Combès, Professeure en Sciences de l’Information et de la Communication, Université de Vincennes à Saint-Denis, Paris 13 Benoît Lafon, Maître de conférences en Sciences de l'Information et de la Communication, Université Stendhal, Grenoble 3 André Nicolas, Directeur de l’Observatoire de la Musique, Cité de la Musique Aux souvenirs de mes parents. REMERCIEMENTS Je tiens tout particulièrement à remercier mon directeur de thèse, Bernard Miège, pour sa disponibilité, ses encouragements et ses conseils pédagogiques. Je remercie l’ensemble du jury pour la lecture et l’appréciation de ce travail. Je remercie les personnes interrogées pour avoir accepté de m’accorder un peu de leur temps dans le cadre des entretiens qualitatifs réalisés. Mes remerciements vont également au laboratoire du GRESEC (Groupe de Recherche sur les Enjeux de la Communication) et le GRER (Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Radio) pour les séminaires et colloques qui ont enrichi ce travail et m’ont donné accès à des sources nécessaires à l’écriture de ma thèse. Enfin, je souhaite exprimer toute ma gratitude à mes amis pour la relecture de ce texte, aux personnes qui m’ont apporté leur soutien et à tous ceux qui ont pu contribuer à l’accomplissement de ce travail de recherche. -2- ABSTRACT En France, les responsables de la programmation musicale des réseaux commerciaux proposent quelques titres sélectionnés et diffusés selon des critères « particuliers », propres au fonctionnement de l’industrie radiophonique et de la musique enregistrée. La présence de certains titres musicaux sur les playlists fluctuerait donc au gré des « tendances » que proposent les professionnels de la radio. Alors que se pose nombre de questionnements afin de préserver la diversité culturelle face aux lois du marché et de la concurrence, il paraîtrait que la radio suggère insidieusement un modèle culturel musical restreint et répétitif, avec relativement peu de contestations et ceci avec d’autant plus d’efficacité qu’il est invisible. Ceci apparaît d’autant plus embarrassant, que le médium radiophonique reste à ce jour un des principaux moyens de diffusion musicale et qu’il représente un vecteur primordial de vente de disques et d’accès des artistes à leur public. Mots clé : Diversité musicale, Economie politique de la communication, Grilles de rotation, Industrie radiophonique, Industrie de la musique enregistrée, Logique mimétique, Programmation musicale, Playlists, Recherche musicale, Top 40. -3- LISTE DES SIGLES CNCL : Commission Nationale de la Communication et des Libertés CNRA : Conseil National des Radios Associatives CNRL : Confédération Nationale des Radios Libres CSA : Conseil Supérieur de l’Audiovisuel CTR : Comités Techniques Radiophoniques FERAROCK : Fédération française de radios associatives rock FSER : Fond de soutien à l’expression radiophonique GIE : Groupement des Indépendants IASTAR: International Association of Student Television and Radio (Fédération Française des Radios Etudiantes). NOMIC : Nouvel Ordre Mondial de l’Information et de la Communication SACEM : Syndicats National de l’Edition Phonographique SNEP : Syndicat National de l’Edition Phonographique SOFIRAD : Société Financière de Radiodiffusion TICs : Technologies de l’Information et de la Communication SNRL : Syndicat National des Radios Libres SIRTI : Syndicat Interprofessionnel des Radios et Télévisions Indépendantes UPFI : Union des producteurs Français Indépendants -4- LISTE DES TERMES PROPRES A LA PROGRAMMATION MUSICALE ET EMPLOYES PAR LES PROFESSIONNELS DE L’INDUSTRIE RADIOPHONIQUE. Aircheck : Il s’agit du classement hebdomadaire des quarante titres les plus diffusés par chacune des radios françaises, réalisé par l’institut français Ipsos Music. Airplay : C’est l’ensemble des titres qui sont diffusés sur une station de radio. Audio Follow : Littéralement "Suivi audio". Il s’agit d’une procédure de montage sonore employé au sein des stations de radio. Auditoriums : C’est une technique de sondage, importée des Etats-Unis, qui consiste à interroger un échantillon d’auditeurs dans une salle. Dans la plupart des cas, les auditeurs sont munis de boîtiers et doivent attribuer une note en fonction de leur préférence à de courts extraits musicaux qui leurs sont proposés. Certains auditoriums se terminent par quelques questions fermées à la fin de la séance, afin de mieux connaître la perception de la radio dans son environnement concurrentiel. Ambiancer : Verbe qui qualifie la démarche des responsables promotion ou des attachés de presse auprès des radios pour la programmation d’un titre à l’antenne. Audience cumulée : C’est l’ensemble des auditeurs qui ont écouté une station durant une minute ou une heure. L’audience cumulée sert à mesurer les parts de marché des radios. Breaker : Verbe qui signifie permettre à un artiste de sortir de l’anonymat et de se faire connaître du grand public. -5- Burn out : C’est le terme employé pour parler d’un titre qui a atteint son taux de saturation auprès des auditeurs et qui va disparaître de la programmation. Call-out : C’est une technique de sondage téléphonique, importée des EtatsUnis, qui consiste à diffuser des extraits musicaux à un panel d’auditeurs afin de connaître le taux d’inconnus, de passion ou bien de saturation d’un titre. Ces enquêtes sont quotidiennes ou hebdomadaires et selon les résultats un titre entre ou sort de la programmation. Claim : Il s’agit des slogans qui définissent le format musical d’une radio. Par exemple « Hit music only » pour la station NRJ, “le son pop rock des années 1980 à aujourd’hui” pour RTL2 constitue un Claim. Couleur musicale : La couleur musicale est une expression fréquemment employée par les responsables de la programmation musicale pour parler des genres musicaux mais également des fonds sonores, jingles diffusés à l’antenne. C’est en quelque sorte l’ensemble des sons diffusés mais également le discours des animateurs qui accompagnent la programmation musicale. Cet ensemble apporte ainsi un ton, une cohérence à la programmation et concourt au façonnement d’une identité de la station. En d’autres termes, la couleur musicale est une « marque de fabrique » de la programmation, permettant à l’auditeur d’identifier rapidement une station parmi les autres. Edit-radio : Format musical demandé par un programmateur auprès d’un label pour conformer un morceau à la diffusion selon un format de trois minutes trente. Format : Le format correspond au genre musical diffusé à l’antenne et à la cible à laquelle une station donnée s’adresse. On parle de format musical poprock, dance et R’n’b, classique mais encore de format jeune, jeune-adulte et adulte. -6- Gold : Terme employé pour parler d’un titre diffusé ayant plus de trois ans d’ancienneté. Habillage d’antenne ou habillage musical : C’est l’ensemble des éléments sonores qui sont diffusés entre les musiques (autour des publicités et des annonces). Hit ou Tube : C’est un titre qui connaît un succès du moment. Si les auditeurs l’apprécient sur du long terme il peut devenir un « gold ». Impacter : Verbe employé pour désigner une campagne de publicité autour d’un artiste et de son nouvel album qui a eu un effet direct sur les ventes. Jingle : Motif sonore court, employé pour introduire ou accompagner une émission. Libre antenne : C’est un type d’émission laissant la place à des discussions et à la participation des auditeurs au sein d’un débat lancé en direct à l’antenne. Playlist : La playlist correspond à une sélection d’anciens ou de nouveaux titres musicaux opérés par le responsable de la programmation musicale au sein d’une station donnée. Cette liste comprend généralement une quarantaine de titres et doit représenter la couleur de la station et les artistes que la radio met en avant. Prime time : C’est un anglicisme désignant le créneau horaire correspondant au début de soirée. En France, la première partie de soirée correspond à la case horaire 21h00 à 22h30 ou 23h00. C'est dans ce créneau que l'on constate les plus fortes audiences de la journée, les stations choisissent en général d'y programmer ce qui est susceptible d'attirer le plus d’auditeurs. -7- Pro Tools/SSL : C’est un système audionumérique. Il est utilisé par une grande partie de l'industrie de la production sonore. On le trouve dans des domaines aussi variés que l'enregistrement et le mixage musical, la post production audio film et télévision, le montage son, la création et l’illustration sonore, la création et la composition musicale, etc. Recherche musicale : Il s’agit des études et recherches concernant la ligne éditoriale, la programmation musicale, les audiences, la technologie, l’efficacité publicitaire, la veille concurrentielle, le juridique et le politique et la concurrence entre radios. La recherche musicale est un outil qui permet, entre autre, aux programmateurs de déceler le potentiel des succès, des titres qui vont plaire au grand public et de mesurer la fatigue ou le rejet des auditeurs. Sont à la disposition de la recherche musicale, les enquêtes stratégiques, les auditoriums, les call-outs et les enquêtes via Internet. Recurrents : Ce sont les titres diffusés à l’antenne qui ont entre un et trois ans d’ancienneté. Rotation : Il s’agit d’une grille qui permet de savoir le nombre de fois où un titre sera diffusé à l’antenne au cours d’une journée par exemple. En d’autres termes, c’est la fréquence de répétition d’un titre à la radio. Selector : C’est un logiciel de programmation musicale importé des Etats-Unis au début des années 1980 et utilisé par la plupart des radios professionnelles. Il permet à son utilisateur de créer une base de données de titres musicaux, de stocker des valeurs et des règles pour chaque titre, de construire des horloges que le logiciel utilisera pour créer le flux musical, et d’aider le programmateur à savoir ce qui a été programmé à travers des analyses et rapports d’historique. Starter : Verbe utilisé pour parler d’une radio qui soutient un artiste et qu’elle diffuse pendant plusieurs mois. On dira par exemple « NRJ a starté tel artiste ». -8- SOMMAIRE PREAMBULE P 12 INTRODUCTION P 15 PREMIERE PARTIE : POUR UNE ANALYSE DES PROGRAMMATIONS MUSICALES DES RADIOS ANALOGIQUES FRANCAISES NRJ, FUN RADIO, SKYROCK, VIRGIN RADIO ET RTL2. 1. Quelques éléments de cadrage historique 1.1 Le contexte de développement des radios privées P 21 1.2 La naissance des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 P 27 1.3 Les principales étapes de la régulation proposées par le CSA P 35 1.4 La naissance des playlists P 45 2. Etat des connaissances et histoire de la programmation musicale 2.1 Aux origines hésitation entre deux modes de diffusion P 51 2.2 Des programmations basées sur un « modèle de flot » P 55 2.3 La thématisation des programmes et la fragmentation de l’audience P 59 2.4 La programmation un élément clé des industries culturelles P 64 3. La notion de diversité culturelle et musicale 3.1 Impérialisme culturel et mondialisation de la culture P 68 3.2 La diversité culturelle une notion inscrite dans le droit français P 72 3.3 La diversité culturelle d’un point de vue institutionnel P 81 3.4 La diversité musicale d’un point de vue définitionnel P 86 4. Cadre théorique et méthode de la recherche 4.1 Problématique et hypothèses P 89 4.2 Inscription du sujet de l’étude dans des courants théoriques P 101 4.3 Démarche de validation des hypothèses P 106 4.4 Définition du sujet sur une période donnée et définition du corpus P 108 -9- DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES PROGRAMMATIONS MUSICALES ET DES STRATEGIES D’ACTEURS AU SEIN DES RESEAUX NRJ, FUN RADIO, SKYROCK, VIRGIN RADIO ET RTL2. 1. L’enquête 1.1 Méthodologie de l’enquête P 112 1.2 Les critères d’analyse des programmations musicales et des playlists P 114 1.3 La réalisation des questionnaires à destination des groupes musicaux P 116 1.4 La réalisation des entretiens à destination des professionnels P 122 2. L’évolution des programmations musicales de 2003 à 2007 2.1 La répartition de la diffusion par genres musicaux P 129 2.2 La part des nouvelles entrées en playlist dans l’ensemble de la diffusion P 137 2.3 La part du top 40 des titres les plus diffusés dans l’ensemble de la diffusion P 140 2.4 L’évolution des grilles de rotation des titres P 143 3. Traitement des données de l’enquête 3.1 Les résultats du questionnaire réalisé auprès des groupes musicaux P 148 3.2 L’analyse du discours des diffuseurs P 153 3.3 L’analyse du discours des industriels P 159 3.4 Les critères de sélection d’un titre musical P 165 4. Analyse des relations entre diffuseurs et industriels 4.1 L’industrie de la musique enregistrée, un fournisseur de programmes P 169 4.2 L’industrie radiophonique, une vitrine pour les œuvres musicales P 171 4.3 Des relations complexes entre diffuseurs et industriels P 174 4.4 Des rôles qui n’existent pas à l’état pur P 176 - 10 - TROISIEME PARTIE : UN RECOURS CROISSANT AUX TECHNIQUES DE MARKETING FACE PROGRAMMATION AU DEGRE MUSICALE D’INCERTITUDE AU SEIN QUE DE REVET LA L’INDUSTRIE RADIOPHONIQUE. 1. Les enjeux de la programmation 1.1 La musique est un vecteur d’audience P 179 1.2 La perception auditive au centre des enjeux de la programmation musicale P 184 1.3 L’importance de la recherche sur la diffusion musicale P 190 1.4 Stratégie de différenciation et homogénéisation des programmes P 198 2. La double injonction du métier de programmateur et ses répercutions 2.1 Cibler et rassembler P 202 2.2 Un « two sided market » ou la « spirale de la diffusion » P 206 2.3 Le renouvellement de l’offre et la concentration de la promotion P 209 2.4 Un parallèle entre les logiques managériales et mimétiques P 214 3. Quelques éléments de réflexion sur le mode de diffusion musical actuel 3.1 Les paradoxes du mode de diffusion musical actuel P 220 3.2 L’impasse d’une politique de quotas P 225 3.3 Vers une définition de la diversité musicale P 228 3.4 Vers d’autres modèles de diffusion musicale déjà existants P 230 4. Conclusion 4.1 Synthèse de cette étude P 235 4.2 Limites de cette étude P 238 4.3 Perspectives de recherches P 240 BIBLIOGRAPHIE P 241 ANNEXES - 11 - PREAMBULE Le point de départ de cette étude s’inscrit dans la continuité d’une activité de cinq ans au sein de radio Campus Grenoble qui fait partie du réseau associatif Iastar. La fréquentation de festivals, la participation à l’organisation de spectacles vivants et la réalisation d’émissions radiophoniques consacrées à la scène locale et ensuite élargies à d’autres scènes nous ont permis d’accéder à diverses interrogations concernant la diffusion des œuvres musicales à la radio. Au cours de ces cinq années, nous avons observé la richesse et la diversité de la production musicale dont nous n’imaginions pas l’ampleur, n’ayant pas accès auparavant aux maquettes d’albums, aux sorties confidentielles, à certaines scènes locales, nationales et internationales. C’est avec surprise et étonnement qu’au cours d’interviews réalisées, nous avons constaté la récurrence des témoignages de groupes musicaux sur les questions de la diffusion musicale dans les médias et plus précisément sur le média radiophonique. Il existe de fortes inquiétudes chez les groupes musicaux, concernant la diffusion des œuvres sur les réseaux radiophonique thématique en France. Ces derniers considèrent les radios commerciales comme fondamentales, en termes d’audience, pour faire connaître et vendre leurs productions musicales mais ils les jugent trop sélectives. Certains groupes ont même abandonné l’idée d’être promus sur ce type de station et concentrent leurs efforts sur les prestations scéniques. Néanmoins, ces dernières, fondées sur le bouche-à-oreille représentent un travail considérable, à long terme. Bien souvent, l’investissement personnel et financier devient trop lourd, mettant un terme à de nombreux projets musicaux. S’il est vrai qu’il existe parfois une réelle volonté, notamment pour certains courants musicaux, de rester « underground » afin de créer un sentiment d’appartenance à un milieu de connaisseurs, ce n’est pas toujours le cas et bien souvent ceux qui ne sont pas exposés sur les ondes, ne le sont pas par choix. - 12 - Certains objecteront à ces propos, qu’il existe en France, un tissu de radios associatives dont le rôle est de promouvoir la diversité musicale et les groupes régionaux. Il est également d’usage de parler de « professionnalisation » de ces radios, dans certains milieux aujourd’hui. Cependant, ces derniers oublient que ces antennes ne couvrent pas l’ensemble du territoire français et possèdent des taux d’audience très limités. De plus, quand bien même, les radios associatives mobilisent des efforts considérables en faveur de la diversité musicale, il est illusoire de penser qu’elles aient les moyens de toucher de fortes audiences. Tant au niveau de la « gestion des ressources humaines », qu’aux niveaux technique, financier et aussi en termes de communication, il est difficile de parler de « professionnalisation » des radios associatives. La communication de ce type de stations reste aujourd’hui un secteur marginal et méconnu du grand public. Il est vrai que nous pouvons évoquer une évolution dans l’organisation de ces structures, dans leurs démarches et leurs méthodes de travail. Cependant il faut être prudent, car ceci reviendrait à dire que les radios associatives produisent des programmations musicales, avec les mêmes moyens que les radios commerciales. Ce qui n’est bien évidemment pas le cas et ce serait ignorer les modalités de fonctionnement d’une association. Il existe également des stations comme Radio Néo, Le Mouv’ et France Inter dont les slogans ou l’intitulé des rubriques présentes sur leur site web respectif tels que « libérateur de talents », « Découvre toutes les nouvelles tendances, les espoirs de demain […] ou encore « le service culturel de France inter propose une sélection musicale et vous présente un album et son créateur […] qui vous donne envie d’en savoir d’avantage » indiquent clairement une volonté de mise en avant des œuvres musicales. Néanmoins, Radio Néo et le Mouv’ ne sont pas présentes sur l’ensemble du territoire français et France Inter n’a pas vocation à exposer de la musique puisqu’elle a un caractère de chaîne généraliste publique. Il n’apparaît donc pas excessif de dire aujourd’hui, qu’il existe de véritables interrogations concernant la diffusion des œuvres musicales et qu’il n’y a pas réellement de structures radiophoniques spécialisées permettant la - 13 - mise en avant d’une expression musicale, représentative de l’ensemble des acteurs sociaux en présence à destination d’audiences conséquentes. A cela s’ajoute, la non-reconnaissance du secteur artistique, peu suivi par les pouvoirs publics, qui livre bien souvent la création musicale au domaine de la sphère privée. Cette situation peut-elle s’expliquer en partie par le statut des œuvres musicales dans nos sociétés ? Une œuvre musicale en tant que telle ne produit pas directement de la richesse, mais son utilisation quant à elle génère des recettes importantes dans le secteur de la musique enregistrée. A l’inverse, les budgets publics sont insuffisants pour soutenir la création musicale et sa diffusion. De ce paradoxe, naît un sentiment d’injustice. - 14 - Introduction INTRODUCTION A ce jour, peu de critiques ou de questionnements concernant la diffusion musicale à la radio sont discutés dans « l’espace public ». La radio reste un média relativement délaissé par les débats d’actualité que ce soit dans le domaine de la vulgarisation scientifique ou de la recherche française en comparaison avec l’analyse de la presse écrite, du média télévisuel ou des techniques de l’information et de la communication (Tic) par exemple. Bien qu’il existe plusieurs études et des laboratoires spécialisés dans le domaine, les chercheurs déplorent une littérature peu abondante concernant les évolutions et les mutations en cours du milieu radiophonique. Il semblerait que cette situation puisse s’expliquer en partie par l’ancienneté de ce média mais également par une évolution relativement lente qui n’attire pas, a priori, l’attention des citoyens. La recherche musicale, quant à elle, reste plutôt confidentielle, comme si le caractère de l’expérience musicale était soustrait de toute approche de type scientifique ou rationnelle pour les auditeurs mais également pour des raisons concurrentielles. Les professionnels de la radio préfèrent garder leurs « recettes » de programmation plutôt que d’en faire part aux radios concurrentes. Mais encore, d’après le cognitiviste Stephen McAdams, il n’y a rien d’étonnant à ce que l’analyse des sons ne soit pas très répandue dans « l’espace public », puisque la perception auditive est difficile à appréhender et ceci en raison des caractéristiques qui lui sont propres (McAdams, 1993). Si la vue largement sollicitée par nos médias occidentaux, favorise l’observation, la comparaison et la critique, notamment sur ce qui est absent au niveau de l’offre médiatique, l’ouïe en revanche a plus de difficulté à percevoir ceci. De la sorte, comme le souligne Claude Schryer, « on ne peut connaître les sons comme on connaît les images. La vue analyse et reflète. Voir, c’est placer les choses côte à côte et les comparer » (Schryer, 2007, p.9). A l’inverse un son diffusé à la radio est évanescent pour la mémoire humaine et c’est peut-être une des raisons pour laquelle nous avons tendance à négliger les questions concernant la diffusion musicale dans les médias. - 15 - Introduction Pourtant, bien que présente dans tous les pays occidentaux, la spécificité de la radio réside dans sa capacité à se faire oublier. Cette dernière, nous accompagne à travers le flot de ses mélodies plusieurs heures par jour ; sans même que nous effleure l’idée qu’elle ne nous laisse pas tout entendre puisque nous n’avons pas directement accès à l’ensemble de la production discographique. Les responsables des programmations des radios musicales françaises proposent certains titres sélectionnés et diffusés selon des critères particuliers, propres au fonctionnement de l’industrie radiophonique et de l’industrie de la musique enregistrée. Cette particularité semble résider, depuis quelques années, dans la diffusion en boucle de quelques titres « phares » au détriment de la diversité musicale mais aussi d’un accès pour tous les artistes aux grandes antennes de la FM. Si ce fait n’est pas récent d’un point de vue historique, ce qui mérite d’être souligné, c’est l’augmentation des grilles de rotation des playlists et le resserrement de ces dernières. Quelques acteurs sociaux, notamment les musiciens, le dénoncent aujourd’hui. La présence de certains titres musicaux dans les playlists fluctuerait au gré des tendances que proposent les programmateurs musicaux, mais également en fonction des sondages d’audience que suivent de très près les professionnels de la radio. La pression des enquêtes serait telle, d’après Gilles Seydoux, ancien directeur de l’antenne de Chérie F.M. qui déclarait en 2003, que 0,3 point d’audience en moins représenterait quinze millions de francs de chiffres d’affaires de publicité perdu (Seydoux, 2003, in Epok n°37, pp.13-22). Chri stophe Sabot, Directeur Général d’Europe2 rajoutait à la même époque, que « dans une logique d’audience, nous sommes soumis à des sondages perpétuels, et quiconque s’amuse à ne pas en tenir compte tue la radio. Une radio, elle prend, elle jette. C’est clair. » (Sabot, 2003, in Epok n°37, pp.13-22 ). Alors que se pose nombre de questionnements afin de préserver la diversité culturelle face aux lois du marché et de la concurrence, il semblerait que la radio suggère insidieusement un modèle culturel musical restreint et répétitif, avec relativement peu de contestations et ceci avec d’autant plus d’efficacité qu’il est invisible. Cela apparaît paradoxal avec le rôle traditionnellement attribué à la radio qui - 16 - Introduction représente un vecteur primordial de vente de disques et d’accès des groupes musicaux à leur public. De plus, la place de la culture et des loisirs, l’omniprésence de la musique dans notre quotidien, les parts de marché qu’elle représente mais également les particularités de ce moyen d’expression intéressent nombre de chercheurs, d’industriels et d’auteurs-compositeurs. C’est ce qu’illustre l’analyse d’un spécialiste, qui à partir de l’étude de l’œuvre musicale du compositeur de musique de film Joe Hisaishi, explique selon lui, le caractère universel de l’expression musicale en comparaison avec l’expression par l’image : « […] la perception visuelle d’une œuvre reste soumise à la culture, aux idéaux et à l’identité de chacun. […] Il s’agit de perception qu’une personne possède selon ses propres critères de beauté ; un peu comme le mot « beau » qui n’a de valeur que pour une personne comprenant le français » (Yaku, in Analyse de l’œuvre musicale de Hisaishi, www.joehisaishi.net, consulté le 16/05/2005). Alors que « la musique n’a pas d’autre prétention que d’être la seule forme artistique universelle à bien des égards. Le mot « beau » prend alors un sens particulier, un sens impossible à décrire. C’est le beau universel, le « beau » que l’on peut partager sans incompréhension avec autrui et ce, sans utiliser un mot » (Ibid). Si cette conception de la musique comme outil de communication capable de transcender les barrières culturelles n’a pas été prouvée et reste fortement critiquée par certains auteurs-compositeurs, elle témoigne cependant de la dimension expressive de la musique qui s’adresse à la fois à nos sens et notre imaginaire. En effet, tout individu dont le système auditif est opérant perçoit la musique avant de l’analyser et de la décomposer. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire pour lui de savoir déchiffrer le solfège afin d’apprécier une production sonore. Aussi en termes de communication, nous connaissons tous l’adage qui consiste à dire qu’« une image vaut milles mots », mais nous pourrions rajouter que la musique vaut milles mots et milles images tant son - 17 - Introduction impact est direct sur l’imaginaire et l’appareil réceptif humain. Bien souvent d’ailleurs, c’est la musique qui accompagne les images et rajoute une charge émotionnelle considérable dans les productions cinématographiques ou les clips publicitaires par exemple. Cependant, si nous n’avons pas besoin de connaissances pré requises pour qu’une production musicale suscite en nous des émotions, en revanche, le sens que nous attribuons aux sons reste soumis à la culture à laquelle nous appartenons. C’est ce que confirme François Delalande, responsable des recherches théoriques en sciences de la musique au Groupe de Recherches Musicales, pour qui il en est de la musique comme des langues, puisque : « nous ne comprenons pas davantage la musique des japonais que leur langue. Le spectateur occidental ne retient qu'une impression d'exotisme là ou le japonais cultivé apprécie une inflexion originale à une interprétation banale. Réciproquement, n'importe quelle fausse note dans une sonate de Mozart, qui ferait sursauter les auditeurs occidentaux, passe complètement inaperçue d'oreilles orientales. C'est que, depuis le berceau, à travers les chansons ou les disques, nous avons progressivement assimilé tout un ensemble de conventions […]. Les grandes civilisations musicales de l'Asie ont également leurs codes, différents entre eux, différents du nôtre mais tout aussi conventionnels. Comme les langues, les musiques s'apprennent. » (Delalande F., 1976, pp.24-30). Dès lors, compte tenu de la libre circulation de la musique en Europe et dans le monde, les questions concernant le respect d’une diversité d’expression musicale peuvent se poser concernant la diffusion radiophonique aujourd’hui. Car s’il apparaît difficile d’observer une progressive réduction de la diversité musicale à la radio, ne reviendrait-il pas aux responsables des programmations, des musiciens ou des chercheurs de s’interroger à ce sujet ? Mais également face aux multiples modalités d’accès à la musique sur le Net, comment la radio pourrait-elle pérenniser un modèle de diffusion ancien, déjà critiqué dans les années 1990 et ne pas s’adapter aux évolutions en cours ? L’objectif de cette étude est de saisir le mode de fonctionnement de l’industrie - 18 - Introduction radiophonique, de comprendre l’évolution de ce média, ses modalités de fonctionnement, les relations qu’il entretient avec l’industrie de la musique enregistrée, la logique de programmation d’un titre musical et s’il y a effectivement une diminution de la diversité musicale sur les ondes. Le média radiophonique nous apparaît de ce point de vue comme un élément central au sein de la filière musicale et comprendre sa position, c’est essayer de mettre en lumière les éventuelles possibilités de donner accès à une culture musicale conséquente et accessible. - 19 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française PREMIERE PARTIE : POUR UNE ANALYSE DES PROGRAMMATIONS MUSICALES DES RADIOS ANALOGIQUES FRANCAISES NRJ, FUN RADIO, SKYROCK, VIRGIN RADIO ET RTL2. Il s’agit dans cette première partie, de poser les éléments historiques, contextuels et théoriques que nous considérons comme nécessaires à la compréhension et à l’analyse de l’espace radiophonique français contemporain. L’aperçu historique de la formation des réseaux radiophoniques NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2, des obligations en matière de radiodiffusion, des réflexions concernant la préservation de la diversité culturelle mais également des courants théoriques fondateurs sont nécessaires dans un premier temps. Ces éléments de cadrage vont nous permettre par la suite de mettre en perspective l’analyse des programmations musicales des radios commerciales françaises NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. En définitive, cette première partie s’attache à définir les questions clés sur lesquelles sont fondées notre recherche et les questionnements que font naître les évolutions en cours de l’espace radiophonique. - 20 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 1. Quelques éléments de cadrage historique. 1.1 Le contexte de développement des radios privées. Il est important de noter qu’à ses origines, le développement de la radiodiffusion s’est fait grâce à la recherche et aux financements à la fois privés et publiques. Les radios dont le financement est public sont les premières à développer une programmation cohérente pour des raisons d’ordre stratégique et militaire (première guerre mondiale). Elles sont ensuite utilisées comme outil de propagande pendant la seconde guerre mondiale et constituent encore, bien après la guerre, un vecteur de communication au service de l’Etat (Prot, 1998, p.6). A la fin des années 1970, de nombreuses radios associatives ou communautaires voient le jour en France. Ces dernières sont à l’initiative de personnes bénévoles qui choisissent d’émettre sans autorisation, sur la bande FM inoccupée, depuis des émetteurs privés installés sur les toits des immeubles. Les bénévoles confectionnent une programmation musicale qui provient de leur discothèque personnelle mais également des artistes euxmêmes ou des groupes d’édition musicale qui leur envoient les titres pour en assurer la promotion. Dès lors, ce mode de diffusion rencontre une audience jeune, en quête d’une culture alternative qui n’est pas proposée par les radios officielles publiques. L’arrivée de ces stations indépendantes se révèle donc être, à la fin des années 1970, un mode de diffusion qui correspond à une attente, peutêtre celle d’une radio de proximité dont les discours apparaissent moins institutionnels que ceux des radios publiques. Néanmoins, ces « radios pirates » sont strictement interdites par la loi française et les autorités des années 1970 s’engagent dans la poursuite et la confiscation de matériels, avec d’autant plus de fermeté que ces radios diffusent de la musique sans payer de droits. Des lycéens et des étudiants, qui avaient pris des habitudes d’écoute y voient une forme de censure. Ils protestent avec l’appui des forces politiques de - 21 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française gauche qui, à l’approche des élections présidentielles de 1981, utilisent indirectement le biais de ces radios pour se faire entendre et dénoncer le manque de pluralité et de neutralité sur la radio et la télévision publiques. Le candidat socialiste François Mitterrand inscrit alors, dans les cent-dix propositions de sa campagne présidentielle, la promesse de légaliser les « radios libres » en France. Dès son arrivée au pouvoir, en 1981, ces dernières sont tolérées, en attendant la définition de leur statut. Désormais, tout individu qui souhaite partager ses goûts musicaux peut créer une radio et proposer sa propre programmation. Le 29 juillet 1982, Georges Fillioud, ministre du gouvernement Mauroy, proclame « la communication audiovisuelle libre ». Aussitôt, les « radios libres » changent de nom et deviennent des « radios locales privées ». Le monopole d’Etat est en partie défait avec la création de l’instance de contrôle de l’audiovisuel, la Haute Autorité. L’Etat délègue ainsi, le pouvoir de gérer les attributions de fréquences et de veiller au respect des engagements des radios locales. A partir de cette date, le milieu radiophonique est bouleversé, la bande FM fait l’objet de toutes les convoitises, tant du point de vue des particuliers qui souhaitent réaliser un projet radiophonique que de celui des groupes commerciaux. Un grand nombre de fréquences est attribué malgré la taille limitée de la bande FM qui s’arrête à 104 Méga Hertz. Nous assistons alors à une situation paradoxale, avec une offre bien trop large, comprenant une multitude de radios privées, cherchant une audience, par rapport à une demande qui n’aime pas être bousculée dans ses habitudes d’écoute et reste focalisée sur les stations de Radio France (Prot, 1998, p.16). La Haute Autorité de l’Audiovisuel propose sans concertation des regroupements de stations par thèmes surtout à Paris en raison du grand nombre de stations. Les désirs des radios et des auditeurs ne sont alors pas pris en compte. De plus, malgré un manque de ressources pour financer les radios ou payer des formations - 22 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française techniques, artistiques et journalistiques, le ministre de la communication, George Fillioud, continue à accorder plus d’autorisations que de fréquences disponibles. C’est ainsi qu’en l’absence d’un véritable plan de répartition de fréquences, les différents projets d’exploitation de la FM finissent par causer des nuisances entre radios. Entre les stations qui disposent d’un émetteur de mauvaise qualité et celles qui cherchent à en augmenter la puissance, la bande FM devient une véritable cacophonie. Le gouvernement décide de mettre de l’ordre afin de remédier à la situation qui se dégrade de jours en jours. George Fillioud prend les devants et demande aux fédérations d’imposer à leurs adhérents une puissance faible, l’absence de toute publicité et de ne pas constituer de réseaux. En limitant la puissance des émetteurs, le gouvernement réduit le nombre potentiel d’auditeurs et empêche de la sorte le développement des radios commerciales. Le premier ministre Pierre Mauroy déclare d’ailleurs à ce sujet, pour faire comprendre les intentions du gouvernement en matière de politique radiophonique : « On ne veut pas de radio fric ! » (Mauroy, 1982, Chambre des députés). Ces mesures résultent d’une volonté de maintenir certaines règles en matière de radiodiffusion mais surtout parce que les directeurs des grandes entreprises de presse sont consultés au moment de l’élaboration de la loi de 1982 et qu’ils sont réticents au développement de la publicité sur les radios qui deviennent potentiellement des concurrentes de plus en plus nombreuses. La publicité est donc clairement interdite par la loi et provoque de nombreuses interrogations quant aux financements de la radiodiffusion. La plupart des radios ne rémunèrent pas les individus qui travaillent en leur sein et même celles qui tendent à se professionnaliser manquent de moyens. Certaines sont subventionnées par des collectivités locales, des industriels, des groupes de presse. D’autres pratiquent le parrainage d’émissions, des jeux, proposent des concerts de soutien, ou encore font payer une carte d’adhésion - 23 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française à leurs bénévoles mais ces ressources ne sont pas suffisantes pour assurer les frais de formation et de programmation. Quelques stations contournent alors cette interdiction en faisant de la publicité clandestine. Ces dernières jouent sur l’ambiguïté de la loi française qui interdit mais ne définie pas précisément le terme de publicité. Les fédérations de radios se battent pour la reconnaissance de la publicité, en demandant sa légalisation. C’est dans l’urgence, en 1984, que le gouvernement en place propose le vote d’une loi autorisant la publicité sur les radios locales privées. Ces dernières ont alors le choix entre garder un statut associatif et obtenir des subventions ou bien devenir des entreprises privées vivant de la publicité. A la suite d’une demande grandissante d’attribution de fréquence, la Haute Autorité établit un cahier des charges, dont l’objectif est de garantir une programmation de qualité et une pluralité des contenus. Les stations commerciales doivent respecter d’une part les normes techniques afin de permettre l’interopérabilité des récepteurs, la stabilité des fréquences autorisées, les zones de couverture et la puissance de l’émetteur qui sont délimitées afin d’éviter les brouillages entre radios, et d’autre part les droits d’auteur, les règles d’une concurrence équitable, ainsi que la protection légale des licences autorisées. Face à l’évolution du milieu radiophonique, le nouveau gouvernement, issu de l’alternance, s’adapte et rédige une loi dans le prolongement de celle de 1984. Le 30 septembre 1986, la loi Léotard, défait le principe de monopole d’Etat et reconnaît la publicité comme nécessaire à la vie d’une radio non subventionnée. Les réseaux sont autorisés mais dans une certaine limite. Il est alors possible pour un groupe de cumuler un réseau national et des autorisations locales, du moment que le nombre d’auditeurs potentiels ne dépasse pas les trente millions. La Haute Autorité, jugée inapte à gérer les attributions de fréquence et accusée d’avoir favorisé les radios de sensibilités de gauche, est remplacée par la Commission Nationale de la Communication et des Libertés (C.N.C.L). Cette dernière est chargée de faire - 24 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française appliquer les nouvelles lois. Elle délivre, tout comme le faisait la Haute Autorité, les autorisations d’émettre, et veille à l’application du cahier des charges pour toute candidature à une fréquence. A la suite de la loi Léotard, les autorisations d'émettre sont redistribuées et des renouvellements de fréquences se font à Paris et dans certaines régions. L’avènement de la publicité et l’autorisation de former des réseaux entraînent une logique de compétition entre les radios qui cherchent à se distinguer les unes des autres afin d’attirer une audience conséquente et obtenir les budgets des annonceurs. De nombreuses stations indépendantes disparaissent, laissant place aux autres radios qui s’inscrivent progressivement dans une logique commerciale. En conséquence, les radios locales privées qui ne peuvent plus subvenir à leurs besoins périssent. Celles qui choisissent de rester et dont les problèmes budgétaires persistent n’ont pas d’autre choix que d’accepter l’aide financière des radios commerciales. En échange la radio change de nom, établit sa programmation en fonction d'une liste donnée par la tête de réseau, et rediffuse à certains horaires le programme national. Comme le souligne Robert Prot « c’est une autre forme de mort : l’antenne reste, mais la radio locale diffuse un programme parisien, avec des annonces parisiennes, des choix musicaux parisiens et des publicités parisiennes. » (Prot, 1998, p.18). Ce dernier observe également que le contexte politique national et international n’est pas en la faveur des petites radios commerciales. Nous assistons à une véritable « ignorance de la part des élus locaux » qui ne se préoccupent pas de l’avenir de ces radios et la Guerre du Golfe frappe durement les budgets des annonceurs. Ces deux facteurs entérinent la situation difficile des petites radios commerciales (Ibid., p.18). A leur début, les radios privées proposent une programmation alternative, face à un modèle de radiodiffusion public qui reste sous le monopole de l’Etat à la fin de la guerre. Progressivement ce dernier est défait, mais le gouvernement de l’époque tient à maintenir ces radios en dehors des - 25 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française logiques commerciales. La publicité, considérée « comme symbole de la société de consommation » est clairement prohibée des antennes radiophoniques (Cheval J-J, 2004, Invention et réinvention de la publicité de la radio, de l’entre –deux-guerres aux années 1980, www.cairn.info, p.7). En contrepartie, l’Etat propose des subventions mais ces dernières restent modestes. Paradoxalement, seules les radios commerciales montrent leurs capacités à pérenniser leurs activités dans le temps. Les autres radios disparaissent peu à peu. Ainsi la volonté d’un espace radiophonique alternatif, qui est à l’origine des radios indépendantes, n’est pas soutenue par une politique cohérente et n’a donc pu résister au temps. A vouloir maintenir les radios locales privées en dehors des lois du marché et refuser le financement et une organisation structurée de l’espace radiophonique, les gouvernements successifs ont participé à l’état de concentration dans lequel se trouve l’espace radiophonique actuel. Les seules radios qui ont survécu sont celles qui ont su contourner la loi interdisant la publicité. C’est ainsi, que de simples stations locales au début de leur existence, certaines radios musicales s’étendent progressivement, pour acquérir une dimension régionale, tandis que d’autres acquièrent une dimension nationale. - 26 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 1.2 La naissance des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin et RTL2. La radio NRJ est créée en 1981, par Jean-Paul Baudecroux et Max Guazzini, avec comme objectif de s’adresser à une audience jeune (d’où la dénomination de Nouvelle Radio des Jeunes). Elle se situe, au départ, dans un petit studio parisien et quelques bénévoles travaillent en son sein. La station a encore un statut associatif lorsqu’elle commence à diffuser de la publicité clandestine. Dès lors, les bénévoles constatent qu’il est possible de gagner de l’argent provenant de la publicité et ils réclament un salaire. Une journée de grève est organisée et de nombreux messages sont diffusés à l’antenne afin de faire entendre les revendications des animateurs qui souhaitent bénéficier d’un statut de salarié. En 1984, la publicité est légale et NRJ devient une entreprise commerciale. La même année, la Haute Autorité suspend l’antenne de NRJ, ainsi que celle de six autres stations, car ces dernières ne respectent pas la limitation de puissance d’émission. La direction NRJ organise, en partenariat avec une agence de publicité et des personnalités appartenant au monde du show-biz, une manifestation en appelant les auditeurs à descendre dans la rue. De nombreuses personnes s’associent à la manifestation, contraignant la Haute Autorité à annuler sa sanction. En quelques années l’antenne se transforme, passant du statut de radio locale à celui de radio nationale. Dès le début NRJ s’intéresse au son et la programmation musicale de son antenne. Nous assistons ainsi à l’émergence des « coloristes d’antenne », qui s’occupent de l’habillage de l’antenne, des jingles, des spots publicitaires, pendant que d’autres personnes travaillent les slogans. C’est à partir de cette époque qu’apparaissent les premiers slogans anglo-saxons « NRJ i can Get around », « NRJ makes you feel good » qui deviennent le symbole d’une radio jeune et branchée. En 1985, NRJ augmente considérablement son audience sur Paris et commence à ouvrir des stations en province. Avec l’arrivée de la diffusion satellite en 1986, les radios provinciales conservent quelques heures de programmes locaux et deviennent les relais du siège parisien. La direction parisienne de la radio souhaite acquérir une ligne éditoriale homogène et - 27 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française commune pour l’ensemble du réseau. Des programmateurs et animateurs sont envoyés dans les radios locales provinciales et participent à l’élaboration d’une programmation musicale plus cohérente calquée sur le modèle parisien. Les titres musicaux diffusés à l’antenne sont étudiés et testés auprès d’un échantillon d’auditeurs. Selon l’opinion de ces derniers, les disques restent ou disparaissent de la programmation. Parallèlement, NRJ connaît un accroissement de son audience, dû au développement de son réseau et de ses méthodes de communication. En 1991 NRJ entre en bourse. En 1995, la radio déménage dans de nouveaux locaux plus vastes et c’est l’occasion de renouveler l’équipement technique. Les anciens lecteurs disparaissent, laissant place à la diffusion sur disque dur avec le système français audio Follow et les ensembles Pro Tools/SSL pour l’édition et la production. Un câblage compatible avec l’analogique et le numérique est également mis en place. Parallèlement aux évolutions techniques, des mesures de gestion du personnel sont proposées, l’objectif étant de dynamiser la programmation musicale. Afin de libérer les animateurs des contraintes techniques et de créer un meilleur enchaînement entre les disques et l’animation, des techniciens sont chargés des éléments sonores. Aujourd’hui, l’ensemble des sources sonores de la radio (lecteur CD, MiniDisc, et disque dur pour les rubriques, les jingles, les promos et les publicités) est numérique et un système de décrochage permet d’envoyer les programmes parisiens par satellite, qui après décodage fait basculer la modulation sur le studio local. Le réseau NRJ est également équipé de micro de qualité qui atténuent les sons aigus (pour un confort d’écoute) et ne captent pas les bruits parasites. La programmation musicale, quant à elle, est assistée par le logiciel Selector. Le programmateur entre au préalable les titres musicaux à diffuser dans le logiciel qui en assure, automatiquement, les rotations ou les horaires de passage. NRJ a aujourd’hui une dimension européenne de par sa présence en Belgique, Suisse, Autriche, Allemagne, Danemark, Finlande, Suède et Norvège. Toutefois, les programmations musicales étrangères sont adaptées aux goûts musicaux du pays d’après des études de sondages. Par exemple, la station NRJ diffuse une programmation - 28 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française beaucoup plus rock à Berlin qu’en France. La station ne diffuse pas de jazz et de classique et à l’image du slogan « Hit music only », elle ne diffuse que des « tubes », ce qui fait de cette radio, l’emblème de la musique commerciale pour certains. C’est dans un contexte un peu particulier que naquit Fun Radio en 1985. Six stations de province, Nancy, Montpellier, Bordeaux, Carcassonne, Toulouse, et Grenoble franchisées NRJ, quittent le réseau pour créer celui de Fun Radio. Des tracts sont distribués, à la veille de ce changement, pour annoncer la naissance de l’antenne dans les villes où ces dernières sont implantées. Cette initiative dirigée par Eric Péchadre et Pierre Latès, deux cadres de NRJ, ainsi que Jean-Baptiste Blachemain, directeur de NRJ Montpellier, est préparé dans le plus grand secret. La direction parisienne de NRJ est surprise par la nouvelle et prend conscience qu’il lui faut protéger son réseau dont elle assurera la fidélité en créant une ligne éditoriale commune par la suite. En 1987, le groupe Hersant rachète Fun Radio, qu’il fusionne avec le réseau Chic FM. Cette fusion donne une implantation nationale à l’antenne. En 1989, Robert Hersant nomme à la direction générale Benoît Sillard, après le départ de l'un des fondateurs de la station. Le nouveau directeur général en place choisit de relancer la radio qui rencontre des problèmes d’audience. Il propose un plan social, puis développe Fun Radio à l’étranger (en Roumanie, Slovaquie et en Belgique.) En 1993, RTL Group entre dans le capital de la station. En 1994, il manque à l’antenne un signe distinctif en termes de programmation, mais en embauchant l’animateur Arthur puis avec la création de l’émission « Lovin’Fun » calqué sur le modèle d’émissions américaines « Love Line », Fun Radio se démarque. Le public découvre un nouveau type d’animation, avec de la musique, des jeux mais également des émissions de libre antenne sur la sexualité destinées aux adolescents et jeunes adultes. Malgré le mécontentement du CSA et la polémique autour de ce type d’émissions dont les propos sont jugés parfois vulgaires, la station est soutenue par les auditeurs et son audience augmente. En 1996, nous assistons - 29 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française progressivement à l’érosion de l’audience des émissions de libre antenne et, afin de stabiliser cette dernière, Fun Radio réoriente sa programmation musicale avec « le meilleur Mix », une programmation qui mélange du rock, du rap, de la techno, et de la dance. En 1997, Fun Radio lance une chaîne de télévision « Fun TV » sur le câble et le satellite avec un concept de radio filmée mais l’idée est abandonnée un an plus tard. Le 3 Novembre 1997, Benoit Sillard quitte Fun Radio et est remplacé par Axel Duroux, alors PDG de RTL2. Les différents services de Fun Radio (technique, commercial et programmation) sont mutualisés avec ceux de RTL2 et une bonne partie des salariés est licenciée. Le logo de la station change ainsi que sa programmation musicale qui devient rock et techno. En 1999, le logo de la radio change à nouveau et la station déménage pour s’installer dans les locaux de RTL. Le format musical devient alors « groove’n’dance’» et l’audience finit par se stabiliser. En 2002, l’éventail musical de Fun Radio s’agrandit, elle passe au « hit et du fun » et à « dance et r’n’b » en 2004 et depuis 2005 le slogan de la radio est « soul et dance ». Le réseau Fun Radio affronte les problèmes financiers, les changements de directions et la succession de nombreux animateurs. L’antenne, qui n’avait pas réellement de ligne éditoriale à ses débuts, modifie sa programmation en essayant de suivre les goûts des auditeurs au plus près. Néanmoins, ces derniers n’ayant pas de repères face à des programmes sans cesse en évolution ne sont pas toujours fidèles et la radio met un certain temps à stabiliser son audience. Skyrock est créé en 1986 par Pierre Bellanger, Frank Ténot et Daniel Filipacchi. Le réseau se développe rapidement en France, avec la première station franchisée à Grenoble qui sera suivie, ensuite, par d’autres antennes régionales. En 1987, le réseau Skyrock est présent à Grenoble, Lyon, Nancy, Strasbourg et Béziers. Ce dernier diffuse, comme les autres réseaux thématiques privés français, une partie de sa programmation produite en locale et une autre réalisée au niveau national. Le format musical initial est défini comme « pop, rock et contemporain » et très vite, la station cherche à se - 30 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française distinguer de ses concurrentes en adoptant un habillage d’antenne décalé, dont certaines bandes annonces sont écrites par Pierre Bellanger lui-même. A partir de 1990, la radio inaugure un programme du matin intitulé « Les Zigotos » et diffuse des émissions de libre antenne. Ce type d’émission qui articule musique et animation fédère une certaine audience qui progresse régulièrement. En 1996, dix ans après sa création, la programmation de Skyrock évolue pour faire face à une audience dont les goûts musicaux changent. Elle adopte ainsi les musiques urbaines telles que le rap, le r’n’b qui sont des genres musicaux encore peu diffusés par les autres radios de la FM. Parallèlement, le PDG de Skyrock, qui s’intéresse aux moyens de communication des pays étrangers, crée « Skyblog.com ». Ce site Internet fait connaître et décoller les blogs en France et constitue un autre moyen de découverte musicale. Le principe permet à un artiste, non signé par une maison de disques, de se faire connaître sur le Net et certains bénéficient d’une progression des ventes d’albums par ce biais. C’est également un outil de plus pour affiner la programmation musicale de Skyrock qui peut observer le nombre de visites des internautes et programmer les titres les plus écoutés via ces sites. « Skyblog » est aujourd’hui une filiale de Skyrock et elle est également leader sur le marché du blog en France et en Europe. Le réseau Skyrock s’est développé au fil du temps et il atteint aujourd’hui une envergure raisonnable. Au départ, Europe2 correspond à un projet, proposé par Patrick Fillioud et Marc Garcia, qui travaillent au sein du groupe Europe1. Ils souhaitent accéder au marché publicitaire radiophonique qui prend véritablement son essor en 1986 en France. La publicité est en pleine expansion durant cette période et un des meilleurs moyens pour attirer les annonceurs, consiste à intégrer le marché des radios musicales. Néanmoins, Europe2 n’a pas le statut de radio puisqu’elle ne possède pas encore de fréquence sur la bande FM. Ce sont plusieurs accords passés auprès de divers opérateurs qui vont permettre à cette radio d’accéder à une fréquence. Europe2 commence par assurer la fonction de fournisseur de programme auprès de plusieurs stations parisiennes. - 31 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française Ainsi, l’antenne Top 101 héberge la programmation d’Europe2 durant un certain temps, puis ce sera au tour de Hit FM. Lorsque le groupe Europe1 rachète la station Hit FM nous assistons au véritable lancement national d’Europe2. Cette dernière qui possède désormais sa propre fréquence oriente progressivement sa programmation vers une cible jeune. En 1998, le slogan de la radio s’intitule « gravement groove », pour devenir « le meilleur de la pop » en 2001, et « un Maxx’ de tubes » en 2002. En 2004, la station appartient entièrement au groupe Lagardère Active. En 2005, le groupe Lagardère, lance la chaîne « Europe2 TV » sur la Télévision Numérique Terrestre et sur le satellite. Le réseau radiophonique Europe2 modifie à nouveau sa programmation qui devient « que du rock, que de la pop » et se stabilise enfin à partir de 2006. En 2007, Lagardère Active dépose une demande auprès du CSA pour renommer Europe2 en « Virgin Radio ». Cette demande est acceptée par l'instance de régulation le 17 juillet 2007. La radio Europe2 se dénomme donc vers la fin de l’année 2007, « Virgin Radio » et la chaîne de télévision du même groupe, devient « Virgin 17 ». L'autorisation d’émettre est accordée sous certaines conditions. Les logos de la radio et de la chaîne ne doivent pas être confondus avec ceux de produits ou de services qui intègrent la marque Virgin et il est également interdit de mentionner ou faire la publicité des produits Virgin sur les antennes. En 1989 la radio Maxximum est crée. En 1992, elle fusionne avec le réseau Metropolys pour donner naissance à M40. En 1995, le groupe RTL prend le contrôle de l’antenne M40. Il est décidé de transformer ce réseau en radio à destination des « jeunes adultes » puisque le groupe possède déjà une antenne à destination des « jeunes » avec Fun Radio. Ce projet s'accompagne du changement de nom de la radio, ainsi que de sa programmation. Sans demander l'autorisation au CSA, RTL transforme M40 en RTL1. Le CSA ordonne de respecter le cahier des charges et de reprendre la programmation, ainsi que le nom initial M40, sous peine de retirer l’autorisation d'émettre. Durant plusieurs semaines, les émetteurs - 32 - vont alors diffuser une Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française programmation non identifiée, où le nom M40 est rarement prononcé à l’antenne. Ceci dure le temps de trouver un accord avec le CSA et Europe1 qui considère que le nom de RTL1 est trop proche du sien. Finalement, c'est sous le nom de RTL2 que la station repart. A ses débuts, l’antenne diffuse uniquement de la musique. Elle abandonne le format hit, techno, et dance afin de cibler une audience plus large et propose à la place une programmation « soft rock ». Elle diffuse ainsi principalement des golds des années 1980, mais aussi quelques titres plus récents et des nouveautés. Ceci permettant à la radio de rassembler plusieurs générations qui se retrouvent dans les morceaux diffusés à l'antenne. En 2001 elle recentre sa programmation sur un son poprock, avec davantage de titres récents. RTL2 se veut une radio grand public diffusant des hits actuels dont le slogan indique "le son pop-rock". Depuis octobre 2006, RTL2 reprend son ancien slogan " RTL2, ce n'est pas de la radio, c'est de la musique" qui avait été abandonné en avril 2000. L’introduction de la publicité en 1984, puis l’assouplissement des règles autorisant la propriété multiple permet aux entreprises la multiplication des acquisitions et modifie durablement l’espace radiophonique français. Pour survivre financièrement, de nombreuses radios fusionnent leurs activités ou sont rachetées par celles qui disposent d’une régie publicitaire plus puissante offrant la couverture médiatique requise pour les annonceurs. Les radios qui opèrent un mouvement d’affiliation à un réseau souhaitent maintenir un certain équilibre financier et augmenter la rentabilité de la station. L’affiliation confère une diminution des charges salariales et des efforts de promotion, la disposition d’une structure plus souple afin de faire face à des imprévus et émettre sans interruption. Cependant, en contrepartie les fournisseurs de programmes demandent de plus en plus à ce que les radios franchisées diffusent la totalité des programmes satellite, prenant de la sorte le pas sur les programmes locaux. Les mouvements de fusions ou d’acquisitions inscrivent dès lors les grands réseaux radiophoniques dans une recherche d’exclusion de la concurrence, en diminuant le nombre d’intervenants et permettant l’acquisition - 33 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française d’un pouvoir de monopole. Les grandes stations de radios les plus écoutées deviennent la propriété de puissants groupes de communication capables de vendre leurs programmes au plus grand nombre de stations locales. Quelques groupes interviennent sur plusieurs médias simultanément, souvent avec une dimension internationale, c’est le cas aujourd’hui de : NRJ Group (qui comprend les stations NRJ, Chérie FM, Nostalgie, Rire et Chansons) ; le groupe Lagardère Active (avec Europe1, Europe1 Sport, Virgin Radio, RFM et Lagardère Active Radio International) ; le groupe RTL (dont RTL, RTL2, Fun Radio et RTL-L’équipe) et Skyrock. - 34 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 1.3 Les principales étapes de la régulation proposées par le CSA. En 1989, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel remplace la Haute Autorité et la fonction d’attribution des autorisations au service de radiodiffusion sonore lui revient. Le Conseil s’inscrit dès lors dans une volonté de transparence et travaille sur les principes qui guident sa politique d’attribution des fréquences. L’objectif est de construire un espace radiophonique qui soit viable à long terme au niveau économique et qui réponde aux attentes du plus grand nombre. Les règles d’encadrement des programmes radiophoniques et des critères d’attributions de fréquences évoluent. Les candidats doivent suivre la procédure d’autorisation, de conventionnement, de déclaration et les obligations de contenus qui s’appliquent aux radios. Plusieurs mécanismes de contrôle permettent à l’instance de régulation de veiller au respect des engagements conventionnels pris par chaque opérateur. Ainsi, différentes dates clés rythment la vie politique du CSA. La loi du 1er février 1994 rehausse le seuil de concentration afin de permettre à un même opérateur de desservir un auditoire potentiel beaucoup plus large. Cette même loi simplifie la procédure de reconduction des autorisations pour les radios. Les autorisations sont reconductibles par le CSA, hors appel à candidatures, pour une durée de deux fois cinq ans. Par ailleurs, malgré un contexte plutôt controversé, la loi de 1994 instaure des obligations en matière de diffusion musicale. La présence d’œuvres françaises tend à disparaître des ondes au profit des productions musicales anglo-saxonnes. A la suite de diverses revendications provenant des institutions culturelles et des milieux créatifs, le Conseil propose l’introduction d’un quota de chansons d’expression française. Au départ, les diffuseurs sont réticents et craignent une baisse significative de leur audience. Au final, cette mesure n’a pas amoindri l’attractivité des programmations musicales des réseaux concernés et bien que la loi soit aisément contournée, elle aura au moins permis de maintenir un minimum d’œuvres francophones dans les playlists aujourd’hui. - 35 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française Depuis la loi du 1er août 2000, le Conseil doit veiller à distribuer de façon équitable les fréquences et maintenir un certain équilibre entre les radios associatives et les réseaux. En 2005, 3 626 fréquences sont réparties entre 959 opérateurs, soit 896 radios associatives, 162 radios commerciales indépendantes, 228 radios commerciales affiliées à un réseau et 3 radios généralistes (Les brochures du CSA, juin 2007, Créer une radio en France éléments d’information, www.csa.fr, consulté le 19/09/2007, p.13). Malgré un nombre relativement conséquent d’attribution de fréquences par rapport aux autres pays européens, la rareté des fréquences hertziennes terrestres nécessite de procéder à des appels à candidatures qui s’adressent à des catégories de radios prédéfinies. Dans le communiqué 34, du 29 août 1989 (Ibid.,p.13), le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel énonce les principes d’attribution de fréquences qui s’appuient sur la définition de cinq catégories de services radiophoniques selon leur caractère commercial ou non commercial, local ou non local, généraliste ou thématique, indépendant ou affilié. C’est sur la base de ce texte que le Conseil planifie les fréquences et modèle le milieu radiophonique aujourd’hui. Avec l’aide des Comités Techniques Radiophoniques (CTR) implantés en région et en outre-mer, sur l’ensemble du territoire français le Conseil procède à des appels aux candidatures sur des zones géographiques déterminées. Les CTR sont au nombre de seize et ont pour mission d’instruire les demandes d’autorisation et de contrôler le respect par les opérateurs de leurs obligations. Il est à noter que le CSA et les CTR n’ont pas pouvoir d’imposer des projets éditoriaux comme aux Etats-Unis par exemple. Les candidats soumettent leur volonté éditoriale qui est acceptée ou refusée selon la définition des catégories de radios suivantes : « Les radios de catégorie A, ou services associatifs éligibles au fonds de soutien, ont pour vocation d'être des radios de proximité, communautaires, culturelles ou scolaires. Leur programme est d'intérêt local et - 36 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française doit représenter une durée quotidienne d'au moins quatre heures diffusées entre 6h et 22h, hors publicité. Ces dernières peuvent éventuellement faire appel à des banques de programmes ou à un fournisseur de programmes identifié à condition que celui-ci appartienne à la catégorie A et que la fourniture de programmes soit effectuée à titre gracieux. Les ressources commerciales, de ce type de station, provenant de messages diffusés à l'antenne et présentant le caractère de publicité de marque ou de parrainage doivent être inférieures à 20% de leur chiffre d'affaires. Les radios de catégorie A sont également éligibles au Fonds de Soutien à l'Expression Radiophonique (FSER). Créé par la loi n° 82-652 du 29 juillet 198 2, le FSER est un fond à destination des radios associatives, alimenté par une taxe parafiscale perçue sur les recettes publicitaires radiodiffusées et télévisuelles. Les stations de catégorie B, ou services locaux ou régionaux indépendants et ne diffusant pas de programme national identifié, doivent avoir une zone de desserte ne couvrant pas une population de plus de six millions d'habitants. Cette catégorie se caractérise par la présence de programmes d'intérêt local d'une durée quotidienne d'au moins quatre heures, diffusés entre 6h et 22h, hors publicité. Elles peuvent également faire appel à un fournisseur de programmes qui ne s'identifie pas à l'antenne et n'insère pas de message publicitaire dans le programme fourni. Les stations de catégorie C, ou services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique à vocation nationale, ne doivent pas couvrir une population de plus de six millions d'habitants. Ces services se caractérisent, soit par la diffusion quotidienne, pour une durée qui ne peut être inférieure à trois heures d'un programme d'intérêt local, entre 6h et 22 h ; soit par la diffusion en complément de ces émissions, d'un programme fourni par un réseau thématique à vocation nationale. - 37 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française La catégorie D, ou services thématiques à vocation nationale, correspond à tous les services dont la vocation est la diffusion d'un programme thématique sur le territoire national sans décrochages locaux. Le contenu des programmes doit être décrit avec une grande précision pour les candidats à ce type de station et plus particulièrement les réseaux musicaux concernés. En effet, ces derniers doivent indiquer le type de programmation musicale choisi, ainsi que les caractéristiques des émissions non musicales. Ils doivent également préciser la proportion relative de la musique et des programmes parlés et, à l'intérieur de ceux-ci, le pourcentage consacré à l'information. La catégorie E, ou service généralistes à vocation nationale, comprend des services à vocation nationale et généraliste dont les programmes, d'une grande diversité de genres et de contenus, font une large part à l'information. Ces services peuvent effectuer des décrochages, d'une durée totale quotidienne inférieure à une heure, destinés à la diffusion d'informations locales » (Les brochures du CSA, juin 2007, Créer une radio en France éléments d’information, www.csa.fr, consulté le 19/09/2007, pp 18-19). La définition des cinq catégories de radios privées est cruciale tant parce qu’elle permet au CSA d’opérer une présélection des projets radiophoniques que parce qu’elle introduit des obligations en termes de programmation. Consécutivement à l’appel à candidature, le CSA délivre une convention qui fixe les conditions techniques d’usage des fréquences (site, puissance…) ainsi que les engagements de l’opérateur. Doit figurer dans la convention les caractéristiques générales du programme de la station concernée. Il s’agit du nom, de l’identification à l’antenne, du format (public visé, type de musique diffusée, nature des émissions non musicales), de la grille de programme détaillée (programme propre, éléments de programme fournis par des tiers, programme de complément, programme d’intérêt local, horaires des séquences publicitaires), de la durée hebdomadaire des programmes, mais également de la durée quotidienne du programme, des - 38 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française informations, ainsi que des rubriques locales de la station (Ibid., pp 23-24). De même plusieurs règles de déontologie concernant le respect de la personne humaine, la protection de l’enfance et de l’adolescence, l’honnêteté et le pluralisme de l’information, la maîtrise du contenu des émissions programmées à l’antenne, et les engagements particuliers relatifs aux programmes (en particulier les quotas de chansons d’expression française et la part consacrée aux nouveaux talents pour les réseaux musicaux) doivent être respectées (Ibid., p.13). Au cours de son assemblée plénière du 21 juin 2005, le Conseil a élargi le panel des radios dont il contrôle le taux de diffusion de chansons d'expression française, de nouveaux talents et de nouvelles productions. Un panel tournant de quatre radios est ajouté au panel précédent qui contenait déjà vingt-deux stations (Chérie FM, Europe2, Fun Radio, MFM, Nostalgie, NRJ, RFM, RTL2, Skyrock et Le Mouv') et douze stations locales ou régionales (Ado FM, Alouette, Contact FM, Hit West, Kiss FM, Oui FM, Radio Scoop, Top Music, Vibration, Vitamine, Voltage et Wit FM). Il est à noter que la loi concernant les quotas de chansons d’expression française s’applique à toutes les stations qui diffusent des « musiques de variété ». En sont donc exonérées les stations qui diffusent du jazz ou de la musique classique. Les stations musicales, concernées, sont ainsi sommées de diffuser une certaine proportion de chansons francophones selon l’article 12 de la loi de 1994 (Les brochures du CSA, juin 2007, Créer une radio en France éléments d’information, www.csa.fr, consulté le 19/09/2007, p.29). Cette dernière impose aux services de radiodiffusion sonore pour la part de leur programme composé de musique de variété, la diffusion aux heures d'écoute significatives d’un minimum de 40% de chansons d'expression française, dont la moitié au moins (20%) provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions (Ibid., p.29). A la suite de la loi du 1er août 2000 encore en application aujourd’hui, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, peut par dérogation autoriser, pour des formats spécifiques, différentes proportions. Pour les radios spécialisées dans la mise en valeur du - 39 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française patrimoine musical, ces dernières doivent diffuser 60% de titres francophones, dont un pourcentage de nouvelles productions pouvant aller jusqu'à 10% du total, avec au minimum un titre par heure en moyenne (Ibid., p.29). Pour les radios spécialisées dans la promotion de jeunes talents, ces dernières doivent diffuser 35% de titres francophones, dont 25% au moins du total provenant de nouveaux talents (Ibid., p.29). Le titulaire de l’autorisation doit indiquer l’option choisie dans la convention. Ces obligations en matière de programmation, sont basées sur des définitions précises. Par « chanson » le CSA entend « toute œuvre comportant un texte chanté, ou simplement récité s’il bénéficie d’un accompagnement musical, diffusé dans son intégralité » (Ibid., p.29). Relèvent de la « chanson d’expression française », « toute chanson interprétée en français ou dans une langue régionale française » (Ibid., p.29). La catégorie des « nouveaux talents » représente « tout artiste qui n’a pas obtenu, précédant son nouvel enregistrement, deux albums disque d’or et qui a publié son premier disque à partir de 1974 » (Ibid., p.29). Une « nouvelle production » correspond à « tout titre, extrait ou non d'un album, pendant une durée de six mois à partir de sa date de première diffusion sur l'une des radios du panel Ipsos Music, s'il bénéficie d'au moins trois passages hebdomadaires pendant deux semaines consécutives » (Ibid., p.29). Le CSA met également à disposition une liste concernant les nouvelles productions (mises à jour chaque mois) ainsi que la liste des artistes confirmés (actualisée deux fois par an) afin d’aider les stations à s'acquitter de leurs obligations. Néanmoins, compte tenu du très grand nombre de labels présents sur le marché français et du fait que ces labels ne déclarent pas toutes leurs nouvelles productions, cette liste est communiquée à titre indicatif et n’est pas considérée comme exhaustive. Enfin l’autorisation d’usage de la (ou des) fréquence(s) attribuée pour une durée de cinq ans est publiée dans le Journal Officiel. Il est également possible que le CSA rejette une candidature si cette dernière ne correspond pas aux critères fixés pour l’attribution des fréquences, à savoir, la sauvegarde du pluralisme des courants - 40 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française socioculturels, la diversification des opérateurs, la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence, le financement et les perspectives d’exploitation du service, les participations directes ou indirectes détenues par le candidat dans le capital d’une ou de plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d’une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse (Les brochures du CSA, juin 2007, Créer une radio en France éléments d’information, www.csa.fr, consulté le 19/09/2007,p.30). Jusqu’alors en instaurant le principe de la reconduction des autorisations hors appel aux candidatures, la loi du 1er février 1994 a contribué à figer l’essentiel de l’espace radiophonique pour une durée de quinze ans. Le dernier cycle d’autorisation arrive prochainement à son terme avec 57% des fréquences actuellement exploitées par les radios privées et doivent faire l’objet d’une nouvelle attribution entre 2006 et 2008, dans le cadre du « plan FM 2006 » initié par Dominique Baudis. La cartographie des fréquences FM proposée par le moteur de recherche Mixture.fr, nous permet d’avoir un aperçu du patrimoine de fréquences des principaux réseaux musicaux sur le territoire français (avant le plan de renouvellement des fréquences faisant l’objet d’appel aux candidatures). Les données de ce site proviennent d’une méthode de cartographie réalisée à partir des autorisations, publiées dans le journal Officiel de la République, attribuées par le CSA. Les cartes de couverture sont générées grâce à la puissance d’émission et le secteur d’azimut concerné (c'est-à-dire la direction dans laquelle s’exerce la puissance d’émission). Il est ensuite établi un rapport empirique entre la puissance et la distance, permettant de définir la portée théorique d’un émetteur pour des conditions d’écoute optimale. C’est le rapport entre puissance et distance (portée théorique de chaque émetteur) qui est représenté sur les cartes (confère page suivante). - 41 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française LA COUVERTURE FM DES RESEAUX NRJ, FUN RADIO, SKYROCK, VIRGIN RADIO ET RTL2 SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS. NRJ Fun Radio Virgin Radio Skyrock RTL2 Source : Cyril Grouin C., www.mixture.fr, consulté le - 42 - 18/09/2007 Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française A la vue de ces cartes, il devient plus aisé de comprendre l’enjeu financier que représente la couverture FM pour les grands opérateurs radiophoniques. Plus un réseau comprend de fréquences, plus il a de chance de toucher une audience conséquente. C’est pourquoi les principaux opérateurs radiophoniques se livrent à une véritable course aux fréquences qui s’amplifie avec le contexte du renouvellement des attributions et certains entretiennent aujourd’hui une polémique concernant leur patrimoine de fréquence qu’ils jugent insuffisant par rapport à leurs concurrents. S’il est vrai que les différents réseaux musicaux français ne possèdent pas tous le même nombre de fréquences selon leur histoire et le processus d’acquisition fusion opéré au cours de ces dernières années, la couverture FM de NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 est relativement homogène sur l’ensemble du territoire français. Leur présence dans les principales agglomérations françaises leur confère des audiences importantes. Pour avoir un ordre de grandeur, nous pouvons donner l’exemple des radios associatives qui détiennent près d’un tiers des fréquences allouées au secteur privé, mais moins de 20% en zone urbaine (SNRL, 2007, « Communiqué », Rubrique « le social » et « actualité », http://www.snrl.org/, consulté le 22/09/2007). A ce sujet, certains acteurs dénoncent la pression des grands réseaux auprès du CSA, mettant à mal son statut de régulateur et le reléguant au rôle de simple arbitre. Comme le souligne le Syndicat National des Radios Libres (SNRL), « il ne s’agit pas d’opposer un secteur à un autre mais de définir un bénéfice social maximum dans un contexte de ressources rares. » (Ibid.) Le renouvellement des attributions devient l’enjeu de concurrence entre les grands réseaux d’une part et les radios associatives d’autre part, tout ceci au détriment des radios associatives et de la diversité. L’opérateur NRJ et l’opérateur Bertelsmann (qui détient aujourd’hui les deux tiers de RTL Group) ont saisi le Président de la République, en aout 2007, en accusant le CSA de « favoritisme » pour l’attribution des fréquences analogiques locales. Selon le SNRL, cette technique de lobbying provenant de ces opérateurs tendrait à faire infléchir le CSA qui « persiste à privilégier, dans son pouvoir légitime d’attribution de la - 43 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française ressource, un alinéa de l’article 29 selon lequel un des critères d’éligibilité est « le financement et les perspectives d’exploitation du service », au détriment des autres critères : diversité musicale et nouveaux talents, pluralisme des courants d’expression, respect de la dignité de la personne humaine » (Ibid.). Ces altercations entre les différents acteurs sociaux au sein de l’espace radiophonique amènent régulièrement à s’interroger sur le statut et les marges de manœuvre que possède le CSA face à un espace radiophonique contrasté. - 44 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 1.4 La naissance des playlists. Les différentes techniques et outils d’aide à la programmation musicale, existant actuellement en France, trouvent leur origine aux Etats-Unis. Les classements de titres musicaux font leur apparition avec les premières compilations de ventes menées par le Record Industry Association of America. Au départ, ce sont des titres musicaux qui sont en vente et les noms des artistes sont souvent omis. L’ensemble de ces données est destiné aux producteurs et distributeurs puisque les auditeurs ne s’intéressent pas encore aux classements, ni même à l’identité des artistes. C’est véritablement au cours des années 1950 et 1960 que les classements vont faire leur apparition et également s’installer au sein des programmations des radios musicales américaines. C’est Todd Storz, alors directeur de la station de radio AM-KOWH à Omaha, qui découvre l’idée d’un Top 40 et ceci d’une façon plutôt amusante puisqu’elle découle d’une histoire d’amour. Todd Storz fréquente régulièrement un bar dans lequel travaille une serveuse dont il est amoureux. Au cours des nombreuses journées écoulées à attendre le moment propice pour lui déclarer sa flamme et vaincre sa timidité, il observe le comportement des clients du bar. Il constate que ces derniers glissent des pièces dans le juke box pour écouter toujours les mêmes chansons et ce plusieurs fois à la suite. Même les employés du bar payent pour entendre des titres musicaux qu'ils ont pourtant entendus toute la journée. Todd Storz décide dès lors de créer une nouvelle émission en adoptant une formule basée sur le principe de répétition sélective, repassant plusieurs fois les mêmes titres musicaux. Pour occuper le créneau horaire de son émission entre dix heures et treize heures, soit trois heures d’antenne, il lui faut quarante disques (Fisher, 2007). La liste des quarante titres qu’il propose à ses auditeurs est ainsi directement issue des quarante choix offerts dans la plupart des boites à musique de l’époque. Grâce à ce dispositif, la station devient populaire et Todd Storz décide d’élargir son - 45 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française patrimoine de fréquences en rachetant la station WTIX-AM à la NouvelleOrléans, en Louisiane, puis WUB-AM, une station de haute puissance au Kansas city au Missouri qui est entendu dans l’ensemble du Midwest et les grandes plaines américaines. Todd Storz converti ensuite progressivement ces stations au format hits en lançant une émission avec un compte à rebours du top 40. En quelques années, le top 40 est en plein essor dans l’ensemble du pays, stimulé par la popularité de la musique rock and roll et en particulier celle d’Elvis Presley (Fisher, 2007). En France, la logique n’est pas tout à fait la même au départ puisque les premières programmations musicales naissent au sein de stations ayant un statut public. D’après Karine Le Bail (doctorante en histoire et productrice des Greniers de la mémoire à France Musique), la radio a joué un rôle majeur dans la diffusion et l’initiation du grand public aux œuvres musicales. Les ondes publiques en sont à l’origine et assument le rôle de médiateur musical en diffusant des œuvres classiques. Au départ la radio hésite à programmer des disques, préférant la présence des musiciens en studio. En 1930 et encore en 1944, les disques sont rares et peu adaptés à la diffusion radiophonique puisqu’un soixante dix huit tours permet d’occuper seulement quatre minutes d’antenne. Sous la pression des musiciens d’orchestre qui défendent leur statut, les radios européennes se dotent alors de formations musicales qui jouent en direct. C’est le cas en France, pour la première fois en 1934, avec la création de l’orchestre national. Ce dernier est pourvu de la mission de défense du répertoire français et de soutien à la création musicale. Les années 1944 sont celles d’une radio entièrement sous le monopole de l’Etat qui lui assigne une dimension culturelle. La radio devient un outil de divertissement pour masquer les souvenirs de l’occupation allemande et l’instrumentalisation de la musique pendant la guerre. A la fin de la guerre, la programmation musicale prend un souffle nouveau avec la participation d’individus majoritairement issus de la Résistance qui se retrouvent « unis par conviction d’un nécessaire service public qui devra offrir la culture pour tous et - 46 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française contribuer par elle à trouver un rang dans le monde » (Le Bail, 2001, p.7). En 1950 la radiodiffusion devient une institution culturelle centrale en matière de diffusion musicale avec un service public qui joue le rôle « de médiateur par les ondes et de producteur, par les concerts organisés et les solistes engagés » (Ibid., p.8). Les années 1960 bouleversent la politique de programmation des radios avec, notamment, la naissance de France Musique, une chaîne entièrement consacrée à la musique classique. Certains programmateurs s’opposent à ce projet car il constitue, selon eux, une menace pour ce genre musical qui est mis à l’écart. Les différentes stations généralistes cherchent alors à personnaliser leur programmation musicale pour faire face à la concurrence naissante et refusent de diffuser de la musique classique puisqu’elle possède désormais sa propre antenne. Aussi l’expansion du microsillon amorce peu à peu le déclin et la disparition des liens entre les formations musicales et la radio. En 1970, seuls trois orchestres régionaux subsistent (Lyon, Nice et Toulouse) et par la suite les formations parisiennes vont elles aussi se séparer de l’antenne de France Musique. Si la radio publique est pionnière en matière de programmation et de diffusion des œuvres musicales, elle n’a pu freiner le mouvement de cloisonnement des différents genres musicaux qui s’est progressivement installé dans les politiques de programmation par la suite. Malgré la volonté de Louis Dandrel et son équipe, qui voulu diversifier l’offre musicale de France Musique en introduisant le métissage culturel, la chanson, le rock, la musique extra européenne, l’expérience fut de courte durée. Les auditeurs acceptent mal le changement et manifestent leur mécontentement par des lettres adressées à la direction. L’apogée fut atteint par Jean-Paul Sartre qui signe l’arrêt de l’émission par sa lettre ouverte au journal Le Monde en expliquant qu’il ne pouvait « plus travailler en écoutant France Musique » (Le Bail, 2001, p.9). Ceci contraint l’équipe de Louis Dandrel à interrompre une expérience de diversification des programmes musicaux et à démissionner en 1977. Cet évènement préfigure des logiques de programmations musicales à venir au sein des radios privées. Chaque station se spécialise dans un ou quelques genres musicaux. France - 47 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française Musique ne diffuse que du classique, les autres genres musicaux moins légitimes étant réservé pour les autres stations. La programmation musicale en radio existe bien avant les années 1980, avec notamment la diffusion d’œuvres classiques, mais c’est véritablement à partir de 1981 que la musique prend un essor considérable sur les ondes radiophoniques. Pour Didier Aaron, chef du département radio à la direction des programmes du CSA, c’est la fin du monopole d’Etat qui propulse les radios libres et militantes au premier rang. Si cette période est empreinte de recherche et de créativité en matière de diffusion musicale, d’autres radios l’appréhendent sous un mode plus commercial. NRJ est la première radio en France à proposer un programme musical continu à destination d’un public jeune qui intègre des annonces publicitaires alors que ces dernières ne sont pas encore légales. De nombreuses stations vont suivre cet exemple jusqu’à ce que la législation française évolue. A la fin des années 1980 la plupart des stations diffuse une programmation musicale généraliste avec des productions éclectiques et il est envisageable d’entendre de la variété française, internationale, du rock, de la pop, de la dance… Les stations commencent à construire leur programmation avec les attachés de presse et les compagnies de disque de l’époque « en fonction de critère plus subjectif lié à des phénomènes de mode ou d’engouement par rapport à un genre musical ou un artiste donné […] » (Aaron, 2001, p.10). Il n’y a pas encore d’études précises issues de la recherche musicale mais quelques sondages effectués auprès de leurs auditeurs. C’est vraisemblablement à partir des années 1990, que les radios vont mettre en pratique des programmes qui sont composés de titres diffusés de manière récurrente et constituent le top 40 de la station. L’utilisation des techniques de sondages provenant de la recherche musicale devient également plus prégnante au sein des radios françaises. La recherche musicale, née aux Etats-Unis à la fin des années 1980, se développe assez rapidement en France. Le terme de recherche musicale acquiert un sens tout particulier dans le milieu radiophonique, puisque ce dernier désigne les études - 48 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française de marché et d’audience dont les résultats sont directement introduits au cœur de la ligne éditoriale des stations musicales. C’est en 1989 que Fun Radio franchit une étape en intégrant directement dans ses programmes les résultats de sondages menés auprès de son auditoire (Ibid., p.10). La méthode d’enquête consiste à poser une série de questions sur un échantillon de titres musicaux proposés soit par téléphone, soit dans des auditoriums à un panel d’individus qui écoutent régulièrement la station. Avec le temps les techniques d’enquêtes s’affinent et permettent de connaître de façon beaucoup plus précise les goûts et les rejets des auditeurs. La précision des résultats obtenus permet ainsi de connaître « la potentialité d’un titre, le taux de « zapping » que la diffusion de ce titre peut générer, le niveau de saturation (c’est à dire le seuil de diffusion au-delà duquel un auditeur ne souhaite plus entendre un titre donné) » (Aaron, 2001, p.10). Fun Radio est contrainte de « diffuser quatrevingts à quatre-vingt-cinq pour cent de production internationale, les rotations des titres se situant entre un à sept passages par jour » (Ibid., p.10). Les autres radios musicales séduites à l’idée de capter et accroître leur audience mettent en place des playlists d’une quarantaine de titres qu’elles diffusent en boucle sur une période déterminée en fonction des réactions des auditeurs sondés. La programmation musicale sur les ondes françaises s’inscrit d’abord dans une logique de valorisation des œuvres classiques. La diffusion de la « musique savante » résulte à la fois d’une volonté de mission publique visant à rendre accessible la culture à un large public mais elle provient également de la pression des musiciens d’orchestre de l’époque. Peu à peu les formations musicales se séparent des antennes publiques et l’espace radiophonique rencontre des mutations notoires avec l’apparition des radios libres à la fin des années 1970. Il faut attendre les années 1980 pour entendre de la « musique populaire » et des productions éclectiques sur les antennes radiophoniques privées. Cette explosion musicale est de courte durée à la suite du lancement du processus de restructuration de l’espace radiophonique, faute de place sur la bande FM. De nombreux formats disparaissent et une certaine - 49 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française diversité d’expressions musicales avec. L’introduction de la recherche musicale, des techniques d’enquêtes et de sondages, des premiers classements de titres musicaux au sein des playlists participent à une certaine uniformisation des programmations musicales au sein des réseaux radiophoniques français. Les principaux réseaux musicaux s’inscrivent alors dans une course à l’audience en proposant une programmation musicale qui comporte le moins de risque artistique pour ne pas rebuter les oreilles de leurs auditeurs. La programmation devient ainsi un compromis entre le travail de promotion des compagnies de disques de l’époque et les résultats des sondages réalisés auprès des auditeurs. - 50 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 2. Etat des connaissances et histoire de la programmation musicale. 2.1 Aux origines hésitation entre deux modes de diffusion. Si le système actuel de financement des programmes radiophoniques n’apparaît pas comme évident au départ, il s’est pourtant progressivement mis en place dans l’ensemble des pays européens. C’est aux Etats-Unis à partir des années 1918-1920, que les fabricants de récepteurs de radios découvrent l’idée de participer à la promotion de produits de consommation de masse tels que les lessives (Miège, 1997). L’objectif étant de couvrir les frais de programmation des stations de radio sans faire appel à la participation financière des fabricants de récepteurs et/ou des auditeurs, la publicité apparaît comme un moyen de rendre les programmes radios d’accès gratuit à l’antenne. C’est ainsi que se tisse un lien étroit entre les radios privées et les annonceurs qui participent désormais au bon fonctionnement de l’espace radiophonique. En France, plusieurs facteurs d’ordre historique et culturel créent une certaine hésitation entre un modèle de financement des programmes radiophoniques payants ou gratuits (à savoir principalement financés par la publicité). Si l’invention de la radio s’accompagne presque immédiatement de l’invention de la publicité, l’acceptation de la publicité sur les radios privées n’est pas simple (Cheval J-J, 2004, Invention et réinvention de la publicité de la radio, de l’entre –deux-guerres aux années 1980, www.cairn.info, consulté le 24/03/2009). Les programmes radios font d’abord l’objet de l’intervention de l’Etat jusqu’en 1984. Puis l’ensemble de processus politiques et économiques tels que l’abandon progressif du contrôle politique sur la programmation audiovisuelle, l’impossibilité pour l’Etat de prendre en charge les frais de production des programmes ou de faire accepter auprès des auditeurs français une augmentation des taxes parafiscales, le mouvement de libéralisation lancé au cours des années 1980 et l’accroissement de la concurrence entre les différents médias existants, soulèvent la nécessité de - 51 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française trouver de nouvelles sources pour rétribuer les programmes. Parallèlement, la diffusion musicale prend son essor sur le réseau FM stéréo avec l’usage accru du disque et de la bande magnétique. Les compagnies de disques de l’époque se sentent alors menacées et s’opposent de façon virulente à la diffusion musicale de haute qualité sur le réseau FM et de surcroit gratuite pour les auditeurs. De nombreux questionnements se posent quant à la diffusion des œuvres musicales et la rémunération des artistes. Après une controverse virulente entre radios et compagnies de disques, un compromis est trouvé puisque le système perdure aujourd’hui, non sans mal, et que les radios paient un certain pourcentage de leurs revenus aux ayants droit pour utiliser les contenus musicaux. De plus, des sociétés spécialisées veillent à ce que les compositeurs, les paroliers et musiciens soient rémunérés lorsque leur musique est diffusée à la radio. Cependant, la financiarisation des programmes par la publicité marque la spécificité des réseaux radiophonique et ce de façon durable. Désormais, l’esprit d’entreprise accompagne les pratiques des professionnels de la radio, les logiques d’acquisition, d’économie d’échelle et de profit directement calqué sur le modèle de l’entreprise concourent à la formation de grands groupes radiophoniques qui accroissent leur réseau dans le monde. La programmation musicale apparaît comme un élément participant au développement économique et devient l’objet de pratiques professionnelles spécialisées au cœur des entreprises radiophoniques. Nous assistons à l’arrivée de professionnels, voire pour certains réseaux radiophoniques, de pôles spécialisés dans la recherche musicale utilisant des techniques d’enquêtes et de sondages qui étaient jusqu’alors réservées pour les études de marché et cantonnées à certains secteurs industriels. Dans le contexte de la « restructuration des économies occidentales » où « la nécessité d’accélérer l’industrialisation de la culture et de l’information s’impose avec beaucoup d’acuité », les principales radios musicales privées développent de nouvelles façon d’appréhender la programmation en France (Miège, 1996, p.186). Ainsi, il - 52 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française s’agit de la valorisation de capitaux « dans des secteurs de la vie sociale où, pour des raisons diverses, on n’avait guère réussi à le faire jusqu’à présent. Soit parce que l’on considérait que ces secteurs devaient échapper aux règles du développement industriel et ne pas lui être soumis. Soit parce que la mise en œuvre d’une production industrialisée avait rencontré des difficultés particulières, et n’assurait pas une rentabilité suffisante ou sûre aux capitaux investis » (Ibid., p.169). Or, la mise en avant relativement tardive de la programmation musicale comme élément participant directement à l’économie des entreprises radiophoniques s’explique en partie par les caractéristiques propres aux œuvres musicales. La particularité de la production musicale faisant appel à la créativité et à la subjectivité humaine rend son exploitation aléatoire d’un point de vue industriel. Le contexte de réception, plus ou moins accueillant, induit un travail de promotion des œuvres musicales complexe. Plusieurs variables rentrent en ligne de compte puisque une œuvre musicale s’inscrit dans un contexte de réception qui correspond à des modes musicales selon les époques mais également selon les goûts des auditeurs qui sont changeants suivant l’âge, le sexe et la catégorie sociale d’appartenance. Dans ces conditions, un ensemble de paramètres sont à l’œuvre et il devient difficile de connaître les goûts des auditeurs a priori et de prévoir l’échec ou le succès d’un titre musical de façon précise. C’est pourquoi, les professionnels de la radio ont recours aux techniques de sondage leur permettant de proposer une programmation en adéquation avec les attentes des auditeurs mais également d’éroder la part d’audience des radios concurrentes. Cette logique de captation d’audience et de maintien des budgets publicitaires s’inscrit parmi les stratégies d’adaptation des entreprises radiophoniques au contexte concurrentiel dans lequel elles se trouvent. Une autre stratégie consiste à racheter les stations locales afin d’agrandir leur réseau et de réaliser des économies d’échelle. Nous assistons à la concentration de l’espace radiophonique où quelques grands réseaux s’accaparent le marché des ressources publicitaires et excluent un ensemble de petits acteurs sociaux tels les radios commerciales de moindre envergure mais également des acteurs rattachés à la production, tels les - 53 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française artistes dont la notoriété ne leur permet pas de réaliser des parts d’audience importantes. C’est ainsi que le marché publicitaire et l’ensemble des stratégies qui s’opèrent autour de ce marché contribuent constamment à la structuration ou à la déstructuration de l’espace radiophonique français (Cheval J-J, 2004, Invention et réinvention de la publicité de la radio, de l’entre-deux-guerres aux années 1980, www.cairn.info, consulté le 24/03/2009). Le mode de financement des programmes radiophoniques par la publicité a introduit les entreprises radiophoniques au cœur du capitalisme. Progressivement les grands groupes radiophoniques entrent en bourse et créent un lien entre les marchés financiers et l’espace radiophonique. La prise en compte des phénomènes de détention et de contrôle permet de comprendre la complexification de l’espace radiophonique due en grande partie à l’impact des processus de financiarisation. Face au processus d’industrialisation des sociétés occidentales et de libéralisation lancée dans les années 1980 mais également face à la recherche de financements des programmes, les réseaux radiophoniques qui répondent à une obligation de survie financière, développent certaines caractéristiques de fonctionnement. Le modèle de fusion/acquisition, menant à la formation de grands groupes radiophoniques, la spécialisation des pratiques professionnelles des responsables de la programmation, les stratégies de captation d’audience, de mise en avant des titres musicaux à travers la playlist, le mode de financement des programmes radio par la publicité et l’entrée en bourse des stations analogiques étudiées correspond à une logique d’industrialisation de la programmation. A partir des critères identifiables, nous pouvons dire que les réseaux radiophoniques étudiés appartiennent à la catégorie des industries culturelles. - 54 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 2.2 Des programmations basées sur un « modèle de flot ». Au sein des industries culturelles et informationnelles, nous observons des logiques organisationnelles selon différents modèles qui structurent la production, la diffusion, la distribution et les modes d’usages des produits culturels et informationnels. La définition de ces principaux modèles « vise à éclairer le fonctionnement de l’ensemble des industries concernées selon des logiques bien différenciées et concurrentes » puisque « ces modèles ont un caractère dynamiques » et que « c’est autour d’eux que se développent les stratégies des différentes catégories d’acteurs » (Miège, 1997, p.57). Il n’est d’ailleurs pas rare que les différents acteurs sociaux du secteur des industries culturelles soient « amenés à composer et à jouer avec les règles des différents modèles » (Miège, 1996, p.180). L’industrie radiophonique fonctionne selon un « modèle de flot » (ce que nous allons montrer par la suite), et ce, depuis le développement des premières stations de radios commerciales aux Etats-Unis. Concernant les stations françaises, nous constatons l’émergence du « modèle de flot » de façon concomitante avec la décision de fabriquer des récepteurs radiophoniques en série à faible coût et de faire appel aux annonceurs pour financer les programmes radio. Plusieurs éléments caractérisent aujourd’hui la logique de programmation de flot au sein des industries radiophoniques. Nous relevons en premier lieu, la continuité des programmes diffusés à l’antenne, avec notamment une grille de programme précise et des horaires fixes, permettant de fixer des rendez-vous réguliers avec les auditeurs. L’objectif étant de mettre en œuvre des procédures de fidélisation d’audience en diffusant les programmes de façon continue et régulière, le renouvellement permanent « de nouveaux [titres musicaux] qui rendent obsolète ceux de la veille » est de rigueur (Ibid., p.178). Toute la stratégie de mise en avant des œuvres musicales, au sein des radios commerciales, revient aux responsables de la programmation qui construisent la ligne éditoriale de la station au préalable. De la sorte, et il s’agit là de la deuxième caractéristique du « modèle de flot », le rôle des responsables de la programmation salariés au sein de - 55 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française l’entreprise radiophonique, devient central. Leur fonction, consiste entre autre, à définir la couleur musicale de la station, permettant à la fois de faire le lien entre les genres de musique diffusés à l’antenne, mais également de créer l’identité des auditeurs susceptibles de l’écouter. C’est pourquoi, les professionnels de la programmation s’appliquent à concevoir une ligne éditoriale cohérente afin de créer une identité rattachée au son de la radio. La programmation musicale participe pleinement à l’image de la station et place les industries radiophoniques au centre des activités de communication. La troisième spécificité de la programmation de flot demeure dans ses dispositions à l’intersection du champ de la culture et de la communication mais également dans ses dispositions à s’adresser à des audiences de masse. La quatrième caractéristique du « modèle de flot » réside dans l’apparente gratuité de la programmation musicale puisque l’auditeur y a directement accès alors qu’elle est en réalité financée par la publicité et la redevance. Nous remarquons également la toute particulière importance des achats de droits permettant la diffusion des œuvres musicales sur les antennes radiophoniques. Dans le contexte de forte concurrence, les radios commerciales s’efforcent de développer des stratégies d’identification efficaces afin de fidéliser l’auditeur. Nous assistons au processus de rationalisation des programmations musicales afin de s’adapter aux évolutions en cours et « des phénomènes relevant de la spécialisation économique se produisent, c'est-à-dire que des segments d’offre distincts se développent » (Bouquillion, 2008, p.277-278). Les radios segmentent leurs auditoires parce que les motifs d’écoute de la radio sont différents selon les populations, il faut alors adapter les programmes en fonction de la cible. Mais également parce que la segmentation des audiences selon des tranches d’âges précises correspond aux stratégies de communication et intéresse tout particulièrement les annonceurs. Enfin, en cinquième point, dans le contexte du modèle économique financé par la publicité, le « modèle de flot » se définit par sa disposition à orienter ses programmes vers une segmentation de ses audiences. - 56 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française A partir des différentes caractéristiques du « modèle de flot », nous remarquons que ce dernier structure la logique de programmation et de diffusion des œuvres musicales. Dans un contexte concurrentiel où les ressources publicitaires sont nécessairement rares, le « modèle de flot » se révèle en adéquation avec les stratégies d’adaptation des industries radiophoniques à leur environnement. Les responsables de la programmation confient au flot le soin de répartir les audiences sur l’ensemble de la journée. En proposant à l’antenne un catalogue de titres au sein de la playlist, ils assurent le maintien de leur audience, leur permettant d’attirer les annonceurs et de couvrir les frais de programmation dans leur ensemble. L’objectif étant de diffuser les titres musicaux qui plaisent ou qui heurtent le moins possible les oreilles des auditeurs pour qu’ils restent à l’écoute de la même fréquence, le rôle du responsable des programmes consiste, entre autres, à gérer les incertitudes et les échecs d’audience à l’aune de la recherche musicale. A l’aide d’outils permettant de mieux connaître les goûts moyens, les programmateurs cherchent à atteindre les auditeurs. La programmation musicale devient segmentée selon des tranches d’âges précises. L’organisation structurelle des industries radiophoniques mais également l’agencement de la programmation s’inscrivent dans une logique de prévision et d’anticipation. Comme rien n’est moins prévisible que le contexte de réception des œuvres musicales et que les apports financiers découlent des audiences réalisées, le « modèle de flot » est un recours, une stratégie développée par les responsables de la programmation afin de diminuer les risques économiques. Face à l’incertitude propre aux industries radiophoniques, le « modèle de flot », permettant la répartition des risques économiques, inscrit la programmation dans une logique de stratégie industrielle. Plus qu’un simple élément méthodologique descriptif, le « modèle de flot » permet de comprendre et de distinguer les stratégies des acteurs sociaux au sein des industries culturelles. D’ailleurs, les modalités d’industrialisation des programmes radiophoniques dépendent de l’ensemble de la chaîne de conception et de production musicale. Au sein de cette chaîne cohabitent les trois modèles organisationnels - 57 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française (le modèle « éditorial », le « modèle de flot », et le « modèle de l’information écrite). Ces trois modèles sont changeants et évolutifs en fonction de l’arrivée de nouveaux acteurs sociaux entrants suite au développement des réseaux Internet permettant des échanges de fichiers musicaux par exemple. Ainsi la confrontation entre les différents modèles, sans cesse en mouvement, remettrait-elle en cause les modalités de programmation musicale existantes ? - 58 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 2.3 La thématisation des programmes et la fragmentation de l’audience. C’est après une période au cours de laquelle de nombreuses approches radiophoniques voient le jour en France, que le nombre limité de fréquences disponibles sur la bande FM conduit l’industrie radiophonique à restreindre ses formats. Dès lors, les principaux réseaux radiophoniques français se répartissent en deux grandes familles celle des radios généralistes et celle des radios thématiques. La famille des radios généralistes, qui constitue le modèle le plus ancien puisque toutes les stations sont généralistes avant la Seconde Guerre mondiale, a pour objectif de s’adresser au plus grand nombre sans chercher à cibler une audience particulière. Les radios généralistes présentent ainsi des programmes, d'une grande diversité de genres et de contenus, et font une large part à l'information. Cette catégorie de radios propose généralement une alternance de programmes en fonction de créneaux horaires et de leur audience. A l’opposé, les radios thématiques et plus particulièrement les radios musicales, sélectionnent a priori un segment d’auditeurs et proposent une programmation spécialisée dans quelques genres musicaux. A la fin des années 1980, les stations musicales françaises se répartissent déjà selon différentes catégories qui sont fonction de leurs cibles avec « les radios jeunes (NRJ, Skyrock, Fun Radio, Metropolys, Radio Scoop, Top Music), les radios jeunes adultes telle Europe2, et les stations adultes de type Nostalgie ou RFM » (Aaron, 2001, p.10). Ce phénomène de segmentation des publics, d’abord impulsé par la presse en France, gagne progressivement les radios musicales. Les critères de programmation deviennent de plus en plus précis et se basent essentiellement sur l’activité des attachés de presse ou chargés de promotion rattachés à l’industrie de la musique enregistrée. A cela s’ajoute l’adoption de « la philosophie bien américaine du format radio » (Fenati, 1992, p.44) au sein des stations thématiques françaises. L’Amérique du Nord apparaît comme une sorte de laboratoire en matière de formats. Le format n’est pas seulement ce qui détermine la sélection et l’orientation musicale d’une station mais il devient « un système conceptuel et - 59 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française opérationnel » permettant de cibler une audience et d’ajuster la programmation au cœur de cible (Ibid., p.44). Il permet de la sorte, l’adéquation entre l’offre radiophonique et le caractère discontinu que revêt l’écoute de la radio dans l’ensemble des pays occidentaux (Fenati, 1992). L’évolution du rythme de vie et des horaires de travail des auditeurs, le développement des loisirs et l’établissement de la télévision dans l’ensemble des pays européens, sont autant de facteurs qui concourent à l’évolution des pratiques d’écoute de la radio. Les auditeurs de plus en plus sollicités par différents canaux d’information tels que la presse, la radio et la télévision sélectionnent les programmes qui les intéressent ou dont ils ont besoin. La durée d’écoute par auditeur baisse progressivement d’une année sur l’autre. L’auditeur de plus en plus volage et de moins en moins fidèle à un seul programme devient l’élément central de la programmation. Les stations musicales s’adressent à une tranche d’âge prédéfinie, un sexe, une catégorie sociale de la population ainsi qu’à des amateurs d’un genre musical. Les radios « jeune » ciblent la population des 1324 ans. C’est le cas, en France, des stations Ado FM, Champagne FM, Contact FM, Fun Radio, Hit West, Kiss FM, NRJ, Scoop, Skyrock, Vibration, Vitamine et Voltage FM. Les radios « jeune-adulte » s’adressent plus particulièrement aux 25-34 ans telles les stations Alouette, Virgin Radio, FIP, Le Mouv’, Oui FM, Radio 6, Rire & Chansons, RTL2, Top Musique et Wit FM. Quant aux radios « adulte » Chérie FM, France bleu, MFM, Nostalgie et RFM, elles convoitent les 35 et plus (Aaron, 2001). A l’individualisation des pratiques d’écoute des auditeurs, s’ajoutent la diminution et la répartition très inégalitaire des investissements publicitaires affectés aux différents médias (Presse, Télévision, Radio, Affichage, Cinéma, Internet). Les quatre groupes radiophoniques privés commercialisent plus de 90% de l’audience des radios commerciales en France et représentent en moyenne plus de 70% de l’audience totale de la radio sur ces dernières années et alors que le nombre d’opérateurs a fortement augmenté, la radio n’occupe en moyenne que 6 à 7% des investissements - 60 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française média (Cheval J-J, 2004, Invention et réinvention de la publicité de la radio, de l’entre-deux-guerres aux années 1980, www.cairn.info, consulté le 24/03/2009, p.8). C’est pourquoi, les taux d’audience et l’obtention des investissements publicitaires deviennent les premiers motifs d’inquiétude chez les professionnels de la radio. Parce que les recettes publicitaires en radio sont relativement faibles, les principales stations musicales se livrent une véritable bataille pour y avoir accès. Les stations musicales françaises, afin de se positionner auprès des annonceurs spécialisent de plus en plus leurs programmes en fonction d’un auditoire bien précis. Dans un contexte de plus en plus concurrentiel au sein même de l’espace radiophonique, et pour des raisons de survie les différentes stations musicales existantes sont amenées à réfléchir à des stratégies de diversification afin de se démarquer les uns des autres, pour être mieux identifiées par le ou les publics auxquels elles souhaitent s’adresser. Nous assistons donc à un phénomène de double segmentation par cible et par genre musicaux (Aaron, 2001). De ce fait, une importance toute particulière est accordée à ce que les auditeurs reconnaissent immédiatement le son qui caractérise la station d’une radio donnée parmi l’ensemble des radios disponibles. Les auditeurs doivent pouvoir se faire une idée de la radio et du style de musique qu’elle diffuse le plus rapidement possible lorsqu’ils changent de fréquence. Partant du principe, qu’à chacun des groupes d’auditeurs correspondent un style de vie, un comportement et des goûts spécifiques qui doivent apparaître à l’antenne, le format radio devient l’élément qui définit l’identité de la station ainsi que celle des auditeurs qui sont susceptibles de l’écouter. Cette idée est reprise par Antoine Hennion et Cécile Méadel, qui la résument ainsi: « Success in radio today depends on a station’s format - the mix and arrangement of all ingredients in a station’s sound aimed at attracting a particular audience. This includes type of music played, design of news and talk, programs, and style of announcing, commercials, jingles and so on1 » (Hennion, Méadel, 1998, p. 68. Dans Fenati B., (1992), « Radio de 1 Trad. Aujourd’hui, le succès d’une radio dépend d’un format radiophonique, du mélange et de l’arrangement des différentes composantes sonores propres à une station et s’adressant à un public - 61 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française programme et radio de flux : l’exemple italien », Réseaux, n° 52 mars – avril, pp.41-55.) Les différents éléments qui constituent la programmation doivent former un ensemble homogène afin de créer une certaine cohérence de ton et de suivre la ligne éditoriale définie au préalable (Fenati, 1992). Afin d’atteindre cet objectif, les professionnels de l’industrie radiophonique s’appuient sur des techniques d’enquête et de marketing pour envisager le format radio et l’adapter aux attentes des auditeurs. Une cellule d’étude interroge régulièrement les goûts musicaux des auditeurs. Directement à partir des résultats de ces enquêtes les stations musicales réajustent régulièrement leurs programmes et développent des stratégies reposant par exemple sur la plus ou moins forte rotation d’un titre, sur la taille de la playlist et sur la proportion des nouveautés ou des titres plus anciens. L’ensemble de ces réajustements permet la distinction majeure entre les formats radios jeune, jeune-adulte et adulte. La thématisation des programmes radiophoniques est à la fois reliée aux évolutions des pratiques d’écoute des auditeurs mais également aux restrictions publicitaires. C’est pour satisfaire l’individualisation des modes d’écoutes de leurs auditeurs mais également pour répondre aux attentes des annonceurs que les stations privées spécialisent leurs programmes. Les annonceurs s’intéressent plus particulièrement aux radios musicales, car ces dernières présentent de nombreux atouts en termes de stratégie de communication, que ce soit en tant que média principal ou en synergie avec la presse, la télévision, la publicité extérieure ou Internet. Les radios musicales permettent de cibler des groupes sociaux démographiques spécifiques grâce aux différents formats et à la thématisation, de fournir une audience prévisible, de favoriser un contact et un impact publicitaire proche de l’acte d’achat parce que la radio est un média mobile. C’est donc dans un contexte ultra concurrentiel et à la suite des mouvements de fusion et de rachat opérés à la fin des années 1980, que les réseaux NRJ, Fun Radio, Virgin Radio, Skyrock et particulier. La réalisation des programmes comprend la conception des programmes musicaux, des programmes parlés, de l’actualité, du slogan de la radio et de la publicité… - 62 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française RTL2 se trouvent dans une position de concurrence et cherchent à se démarquer les uns des autres afin d’attirer les auditeurs en adoptant une dimension thématique. Paradoxalement, le développement du marketing sonore et la recherche absolue de distinction pour se démarquer des réseaux concurrents accentuent le phénomène d’uniformisation des programmes sur l’ensemble de la FM. Les formats musicaux diffusés à l’antenne deviennent de plus en plus précis en fonction des tranches d’âges auxquels ils s’adressent et excluent les formats originaux. Les grands groupes radiophoniques cherchant à contrôler les parts de marchés publicitaires sont confrontés à un paradoxe, celui des marchés de masse qui sont « sauf exception nettement segmenté » puisque « au total rien n’est plus éloigné des produits de masse que les produits informationnels ou culturels modernes (Miège, 1997, p.205). Cette caractéristique ne facilite guère les desseins des grands groupes mondiaux ; en tout cas, elle les oblige à des stratégies très diversifiées et à des alliances multiples » (Ibid., p.205). Dans le même temps, la programmation devient plus sophistiquée et elle permet de suivre au plus près les attentes du public. Certains responsables de la filière musicale soulignent que la thématisation des réseaux est représentative de l’ensemble des genres musicaux existants et voient une corrélation entre la spécialisation des formats radio et l’augmentation des genres musicaux exposés. Toutefois cette idée reste à vérifier et il serait intéressant de savoir si la réduction du nombre d’acteurs et la spécialisation des radios par genre musical constituent un accroissement de la diversité et des genres musicaux diffusés sur les antennes. - 63 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 2.4 La programmation un élément clé des industries culturelles. L’activité de programmation structure l’organisation des industries culturelles et médiatiques. Plusieurs règles et stratégies sont mises en place par les responsables de la programmation selon la spécificité de l’entreprise médiatique, qu’il s’agisse d’un format généraliste ou d’un format thématique. L’objectif est de capter et de fidéliser un auditoire. La programmation doit constituer un élément d’attrait qui reflète l’identité de l’entreprise médiatique et permet aux auditeurs de la reconnaître en quelques secondes. La fonction des responsables de la programmation consiste à identifier et définir au préalable les différents paramètres de programmation des contenus culturels et/ou informationnels selon l’identité, l’audience et le cahier des charges de l’entreprise concernée. La méthode de construction de la programmation est fondée sur une structure de base correspondant à une grille représentative des programmes diffusés et répartis selon des horaires précis. L’agencement et la structuration de cette grille constituent le travail de programmation mais pas seulement. Il s’agit d’un travail complexe mettant en corrélation contenus culturels et/ou informationnels, identité de l’entreprise médiatique et audience. La dialectique entre ces trois éléments constitue le socle des métiers de programmation. Pour ce faire un ensemble de dispositifs sont mis en œuvres, au sein de certaines entreprises médiatiques, afin de connaître les audiences et la position de l’entreprise par rapport à la concurrence. C’est en quelque sorte une forme d’interactivité absolument nécessaire avec les audiences et l’ensemble des industries culturelles et médiatiques car, « contrairement à une croyance naïve, l’individualisation tendanciellement croissante des pratiques informationnelles, culturelles et distractives, rend nécessaire un ciblage affiné et surtout des interactions sinon de l’interactivité avec les récepteurs » (Miège, 2007, p.116). Les recherches concernant la connaissance des publics et de l’audience jouent un rôle important dans l’élaboration des programmes même si elles s’organisent assez tardivement de façon rationnelle au sein des industries culturelles en France. Afin de se positionner par rapport aux offres des - 64 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française programmes concurrents, les professionnels du secteur des industries médiatiques intègrent rapidement les résultats des enquêtes directement au sein de la programmation. Si l’activité de programmation mobilise de nombreux acteurs sociaux, des infrastructures adaptées et différentes techniques d’enquêtes, c’est dans l’objectif de former et conforter les audiences sur du long terme. Pourtant, « ce travail de formation puis de fixation des audiences, n’a pas pris naissance avec le recours aux techniques de marketing, celles-ci et les spécialistes qui en sont les promoteurs sont venus relayer des méthodes jugées insuffisantes pour s’assurer de la stabilisation des publics dans un environnement de plus en plus concurrentiel » (Miège, 2007, p.116). Si le recours aux techniques de marketing n’est pas nouveau au sein des industries culturelles, nous assistons à son développement et à l’arrivée de professionnels qui participent à la sélection et à la hiérarchisation des contenus culturels et informationnel et ce, dès la fin des années 1980 en France. L’objectif des programmations consistant à attirer, séduire et fidéliser les audiences, les contenus culturels sont ainsi structurés à l’aide d’outils marketings et en lien avec la représentation que se font les professionnels de leur public. Les différentes instances médiatiques adoptent plus ou moins des stratégies similaires de mise en avant des contenus culturels ou informationnels. De ce fait, la programmation au sein des industries culturelles apparaît comme l’espace où s’exprime le choix de l’importance et de la qualification de ce qui fait l’identité d’une instance médiatique donnée. A l’instar d’un journal, la conception de la « Une » est construite de façon à attirer l’attention d’un lectorat potentiel. La grille de programme d’une chaîne de Télévision s’adresse tout particulièrement à des catégories socioprofessionnelles plus ou moins représentées à certaines heures de la journée. Tout comme dans la « Une » de la presse quotidienne et la grille de programmation télévisuelle, la playlist des radios commerciales fait l’objet de toutes les attentions de la part des professionnels et révèle les logiques de - 65 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française sélection parmi les différents contenus culturels et/ou informationnels. Ces choix correspondent à des logiques professionnelles particulières. A partir de l’ensemble des éléments constitutifs à l’activité des professionnels, nous observons le caractère fondamental de la programmation au sein des industries culturelles et médiatiques. La programmation structure le rapport au temps des différents acteurs sociaux et l’organisation économique des industries culturelles. La conception d’une grille de programmes nécessite de nombreuses et régulières concertations qui rythment l’activité professionnelle des directeurs artistiques, des responsables éditoriaux et des responsables de chaînes. La programmation rythme également l’activité de loisirs et d’information des auditeurs par le biais des rendez-vous qui leur sont proposés via les instances médiatiques. De par ce rapport singulier au temps, la programmation régie l’ensemble du fonctionnement économique des industries culturelles et médiatiques. Le « modèle de flot » propre à la logique de programmation nécessite la recherche régulière et constante de financements pour continuer la parution ou la diffusion de contenus culturels et/ou informationnels chaque jour. La programmation se trouve au centre de l’activité des entreprises médiatiques puisqu’elle est en relation avec l’ensemble des secteurs de la chaîne de diffusion à savoir la production, les unités de programmes et les cellules d’études qui s’intéressent aux audiences et aux entreprises médiatiques concurrentes. La situation au carrefour de l’ensemble des activités des différents acteurs sociaux en présence confère une dimension centrale à la programmation qui devient, de ce fait, l’élément révélateur des différentes stratégies des industries culturelles en action. Mais plus encore, de par son rôle d’intermédiaire entre la production et les audiences, la programmation devient un vecteur de sélection permettant l’accès des contenus culturels et/ou informationnels au public. Les structures de diffusions surplombent ainsi l’ensemble de la chaine de production et d’édition des programmes. Cette situation n’est pas nouvelle dans l’histoire des médias, mais elle se fait plus prégnante dans le contexte actuel de production - 66 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française croissante et généralisée des contenus culturels et/ou informationnels, créant de la sorte une concurrence de plus en plus prononcée face aux œuvres produites pour l’accès au grand public. Face au développement de nouveaux modèles de diffusion des contenus culturels et/ou informationnels, tels que les services à la demande via le Net, les exigences des publics évoluent. La programmation répond aux logiques économiques du marché qui reposent sur la dialectique entre l’offre et la demande, l’une interférant sur l’autre. Dans le contexte de la multiplication du nombre d’œuvres produites, de la course à la notoriété de ces œuvres et à l’augmentation du nombre d’intermédiaires de la programmation se jouent les inégalités d’accès aux contenus culturels. Si la programmation génère de nombreuses revendications face aux exclusions qu’elle engendre, elle persiste à se maintenir « sous des formes qui pérennisent les professionnelles entreprises médiatiques légitimées » (Miège, en 2007, place p.118). et De les catégories plus, si la programmation permet à une instance médiatique de se positionner dans son espace concurrentiel propre, elle s’inscrit également aujourd’hui dans le contexte d’internationalisation des médias. De ce fait, la question de la mise en avant des œuvres et de la diversité culturelle est devenue un enjeu important au niveau mondial. - 67 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 3. La notion de diversité culturelle et musicale. 3.1 Impérialisme culturel et mondialisation de la culture. Depuis toujours les sociétés échangent, mutualisent, intègrent des idées, des symboles, des valeurs et des produits culturels. Le développement des échanges interculturels ne date pas d’aujourd’hui et dès le début, il est vécu comme une menace par les sociétés. C’est dans le contexte de l’après guerre que se révèle la controverse sur le système mondial de l’information. En 1946, William Benton, alors secrétaire d’Etat adjoint, affirme que : « Le département d’Etat entend faire tout ce qui est en son pouvoir, tant au niveau politique que diplomatique, pour contribuer à éliminer les obstacles artificiels à l’expansion, à travers le monde, des agences de presse, magazines, films ou autres moyens de communication américains appartenant au secteur privé. La liberté de la presse – et celle des échanges d’information en général – fait partie intégrante de notre politique étrangère » (Département of State Bulletin, 1946, 14 (344), 160. Dans Schiller H I., 1997, « La communication, une affaire d’Etat pour Washington », http://monde-diplomatique.fr, consulté le18/12/2008, p.2). Depuis, comme le souligne Herbert I. Schiller, les délégués de Washington mobilisent une politique de communication assidue en faveur de la « libre circulation de l’information » au sein de l’ONU, à l’Unesco2 ou lors des conférences internationales. Selon ce même auteur, cette détermination pour assurer la promotion du secteur culturel et informationnel américain n’est pas le fruit du hasard, car outre les avantages économiques que cela rapporte aux Etats-Unis, elle constitue un élément de propagande, au sortir de la guerre, contre l’URSS et l’ensemble des pays ne pratiquant pas l’économie de marché (Schiller, 1997, p.2). L’expansion culturelle américaine, grâce à de grands groupes médiatiques qui s’organisent à travers le monde, est perçue comme une volonté d’hégémonie politique, culturelle et économique et le principe de la 2 Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture créée en 1945 dont la mission est de promouvoir la paix dans le monde via la valorisation de l’éducation, des sciences sociales et humaines, de la culture, de la communication et de l’information. - 68 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française « libre circulation de l’information » comme un prétexte afin de répondre aux exigences des industriels américains. Les pays dont la puissance économique, militaire et communicationnelle ne leur permet pas de rivaliser avec les EtatsUnis, et tout particulièrement les pays en voie de développement, se sentent exclus des échanges transnationaux. C’est pourquoi, certaines critiques apparaissent dans les milieux politiques, intellectuels, et universitaires. Dès les années 1960, la critique marxiste étudie la diffusion de la culture de masse produite par les industries culturelles occidentales dans le monde. Puis d’autres chercheurs apportent leur contribution, notamment ceux rattachés au courant de pensée de l’école de Francfort, qui parlent d’homogénéisation et de standardisation de la culture. Tout particulièrement, la pensée de Theodor W. Adorno qui considère les produits culturels et la musique populaire conçus pour une consommation de masse comme un moyen d’aliénation et d’invention d’une fausse individualité dans une société où toute vraie individualité est écrasée. Mais encore, Herbert Marcuse, emploie le terme « d’homogénéisation des consciences ». Dans les ouvrages Eros et Civilisation et L'Homme unidimensionnel, il critique la rationalité technologique qui organise chaque secteur de la société (culture, politique, social, économie) et engendre selon lui des modes de vie uniformes et non contestataires (Morin V., 1965, « Herbert Marcuse. Eros et Civilisation, Contribution à Freud », http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript /article/comm_0588- 8018_1965_num_6_1_1077, consulté le18/12/2008). Peu à peu, dans le contexte d’internationalisation des médias, de déréglementation du marché mondial, de concentration des entreprises et de développement des réseaux et des services, les débats sur les échanges transnationaux et la diversité culturelle deviennent encore plus prégnants. Les questions relevant de la diversité culturelle et du rapport entre l’économique et le culturel orientent la critique du modèle impérialiste vers une critique de la mondialisation économique et médiatique. - 69 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française Le courant de pensée de l’économie politique de la communication apparaît ainsi à la fin des années 1970, afin de répondre aux questions relevant des enjeux économiques mais également pour pallier les « insatisfactions théoriques et pratiques provoquées par la thèse de l’industrie culturelle chez Theodor W Adorno » et « celle de l’impérialisme culturel » (Miège, 2004, p. 46-54). Différents auteurs participent à la construction de ce courant de pensée, tels Schiller H. I (1969 et 1976), Guback (1969), Smythe (1977), Garnham (1979), Mattelart Α. (1976) ainsi que Nordenstreng avec Schiller H. I (1979), Murdock (1979) et bien d’autres. Parallèlement, d’autres acteurs sociaux présents au sein de l’Unesco dénoncent la bipartition du monde et l’inégalité engendrée par les échanges interculturels. L’ensemble des discussions au sein de l’Unesco donne naissance au rapport McBride en 1980. S’instaure alors l’objectif de réaliser un équilibre dans les échanges interculturels avec un Nouvel Ordre Mondial de l’Information et de la Communication (NOMIC). Ce projet n’est pas sans créer des tensions car les principaux détracteurs, à savoir les Américains et les Anglais, considèrent que le NOMIC restreint la liberté des individus et constitue un moyen de contrôle de la presse et de la liberté d’expression par les gouvernements. Alors que les pays qui soutiennent ce projet souhaitent trouver une alternative à ce qu’ils perçoivent comme une domination occidentale en matière de diffusion culturelle et informationnelle. Les altercations entre pro et anti NOMIC seront de courte durée puisque la décennie 1980-1990 apporte de nombreux changements, de nouveaux débats qui entérinent avec elle le NOMIC. Néanmoins, les importants déplacements de capitaux dans le secteur de la communication et des médias, le déploiement des stratégies de communication des Etats dominants visant à valoriser les Technologies de l’Information et de la Communication et reproduire le modèle consommatoire américain réactivent les débats. La croissance des industries culturelles, sans antécédent dans l’histoire, qui étendent leurs activités aux circuits de diffusion des produits culturels (réseaux câblés, chaîne de télévision, parcs thématiques…) donne une nouvelle dimension aux industries productrices de symboles. - 70 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française Désormais, la production culturelle fait partie intégrante de la production générale d’une nation et génère d’importantes recettes. L’économie politique permettant l’étude de l’économie, de la politique et des rapports sociaux dans le développement des contenus informationnels et culturels devient un secteur de recherche et d’analyse crucial et s’oriente vers l’interdisciplinarité que lui confèrent les auteurs tels qu’Hamelink (1983), Yves de la Haye (1984), Enrique Bustamante et Ramon Zallo (1988), Nicholas Garnham (1990), Alain Herscovici (1994), jusqu'à Edward S. Herman et R. Mc Chesney (1997), Bernard Miège (1997), Cesar Bolano (2000) et d’autres encore aujourd’hui. D’un point de vue historique, le rapport McBride et la volonté d’un NOMIC marquent une étape importante dans le développement de la pensée de l’économie politique. C’est pourquoi nous pouvons nous interroger à l’heure actuelle sur le rôle des industries radiophoniques en France. « Le Rapport McBride, il y a 25 ans, relevait ceci : « Dans toutes les régions du monde, la radio est le média le plus répandu. Dans les pays en développement, seule la radio peut être qualifiée de moyen de communication de masse. Une très vaste proportion de l’humanité peut aujourd’hui recevoir des émissions et possède les moyens de les capter. Aucun autre moyen de communication ne peut atteindre autant de personnes à la fois, aussi efficacement, aux fins d’information et d’enseignement, de diffusion de la culture et de récréation. La radio peut être utilisée facilement et économiquement pour atteindre des régions écartées et pour communiquer dans les nombreuses langues vernaculaires souvent sans écriture, qui existent dans les pays en développement. Presque tous les pays sont en mesure de produire des programmes radiophoniques conformes à leurs besoins politiques, à leurs modèles culturels et à leurs valeurs fondamentales. La radio est peut-être de nos jours, le moyen d’information qui a le moins subi l’emprise de la trans-nationalisation, tant pour les formes de propriété que pour la nature des programmes. » (Cheval J-J, 2005, « La radio : mass media démocratique ? », Colloque, Calenda, publié le dimanche 10 avril 2005, http:// calenda.revues.org/ nouvelle5322.html, consulté le 21/03/2007). Dans une perspective plus contemporaine, quelles sont les suites de la transnationalisation, de la diffusion musicale sur les ondes radiophoniques ? - 71 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 3.2 La diversité culturelle une notion inscrite dans le droit français. Nous souhaitons aborder dans cette partie une vision succincte et globale de la législation française relative à la diversité culturelle et musicale. L’objectif est de comprendre les obligations existantes en matière de diffusion musicale auprès des opérateurs radiophoniques. Dans cette optique, il convient de préciser l’organisation des différentes sources de droit, à savoir les textes internationaux, européens et internes (c'est-à-dire purement français), sachant que les textes internationaux et européens ont une incidence non négligeable sur le droit interne français en la matière. Tout d’abord, les textes internationaux comprennent les conventions internationales relatives à la diversité culturelle. Il s’agit de la convention Unesco de 2001 puis celle de 2005. Les rapports entre l’ordre législatif interne et les textes internationaux sont complexes. Une convention internationale ne peut être ratifiée si elle n’est pas conforme à la constitution. Dès lors que la France ratifie une convention internationale, la convention prend une valeur obligatoire. En conséquence, il convient de modifier la constitution pour la mettre en conformité avant de ratifier la convention. Lorsque la convention internationale impose à la France d’adopter des lois pour se conformer aux objectifs qu’elle définit, il n’existe généralement pas d’organe susceptible de sanctionner la France si elle n’a pas adopté la législation en question (cela ne vaut pas en revanche dans les systèmes européens). La mise en œuvre de la Convention internationale repose donc sur le bon vouloir politique des autorités. Ensuite, nous avons les textes européens dont le traité constitutionnel et les autres textes européens. Les textes européens proviennent de deux systèmes rattachés à deux institutions distinctes, à savoir l’union européenne et le conseil de l’Europe, qui influencent toutes les deux le droit français. Ces deux institutions créent du droit. L’union Européenne s’occupe des traités européens dont le traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997, des directives européennes et d’autres textes comme la Charte des droits fondamentaux (qui n’a pas de valeur contraignante pour les Etats mais consacre des grands principes communs en matière de - 72 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française libertés). Le conseil de l’Europe, quant à lui, gère principalement les Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Ces textes définissent pour la plupart des grands principes et des grandes lignes d’action qu’il appartient aux Etats de mettre en œuvre de manière concrète par le biais de leur législation interne. Enfin, nous avons les textes internes, relatifs à la protection de la diversité culturelle et à la radiodiffusion. D’un point de vue historique, plusieurs conventions dans le domaine culturel existent, mais il convient avant toute chose, de préciser que les textes internationaux ne s’intéressent pas précisément à la radiodiffusion pour la plupart mais défendent d’une manière plus globale un principe de diversité culturelle. Parmi les différentes conventions existantes, figurent l'Accord de Florence de 1950 et son Protocole de Nairobi de 1976, la Convention universelle sur les droits d'auteur de 1952, la Déclaration de principes de la coopération culturelle internationale de 1966, la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels de 1970, la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de 1972, la Déclaration de l'Unesco sur la race et les préjugés raciaux de 1978, la Recommandation relative à la condition de l'artiste de 1980 et la Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire de 1989. Toutefois, c’est avec l’adoption de la convention de l’Unesco du 2 novembre 2001 à Paris que l’on peut véritablement parler d’un premier instrument juridique en matière de protection et de défense de la diversité culturelle. Pour ce faire, la convention de 2001 précise les conditions normatives de valorisation de la culture dans les articles 6, 8, 9 et 10 : « ARTICLE 6 Vers une diversité culturelle accessible à tous. Tout en assurant la libre circulation des idées par le mot et par l’image, il faut veiller à ce que toutes les cultures puissent s’exprimer et se faire connaître. La liberté d’expression, le pluralisme des médias, le multi-linguisme, l’égalité - 73 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française d’accès aux expressions artistiques, au savoir scientifique et technologique - y compris sous la forme numérique - et la possibilité, pour toutes les cultures, d’être présentes dans les moyens d’expression et de diffusion, sont les garants de la diversité culturelle. ARTICLE 8 Les biens et services culturels, des marchandises pas comme les autres. Face aux mutations économiques et technologiques actuelles, qui ouvrent de vastes perspectives pour la création et l’innovation, une attention particulière doit être accordée à la diversité de l’offre créatrice, à la juste prise en compte des droits des auteurs et des artistes ainsi qu’à la spécificité des biens et services culturels qui, parce qu’ils sont porteurs d'identité, de valeurs et de sens, ne doivent pas être considérés comme des marchandises ou des biens de consommation comme les autres. ARTICLE 9 Les politiques culturelles, catalyseur de la créativité Tout en assurant la libre circulation des idées et des œuvres, les politiques culturelles doivent créer les conditions propices à la production et à la diffusion de biens et services culturels diversifiés, grâce à des industries culturelles disposant des moyens de s’affirmer à l’échelle locale et mondiale. Il revient à chaque Etat, dans le respect de ses obligations internationales, de définir sa politique culturelle et de la mettre en œuvre par les moyens d'action qu’il juge les mieux adaptés, qu’il s’agisse de soutiens opérationnels ou de cadres réglementaires appropriés. ARTICLE 10 Renforcer les capacités de création et de diffusion à l’échelle mondiale Face aux déséquilibres que présentent actuellement les flux et les échanges des biens culturels à l’échelle mondiale, il faut renforcer la coopération et la solidarité internationales destinées à permettre à tous les pays, en particulier aux pays en développement et aux pays en transition, de mettre en place des industries culturelles viables et compétitives sur les plans national et international » (Unesco, 2001, « Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle, adoptée par la 31eme session de la conférence générale de - 74 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française l’Unesco Paris », http://unesdoc.unesco.org/ images/ 0012/ 001271/127160 m.pdf, consulté le 16/12/2006, p. 7). A l’aune de ces articles, l’Unesco reconnaît la spécificité des biens et services culturels et veille à créer les conditions nécessaires permettant les échanges interculturels équilibrés à travers le monde. Elle s’engage dans la protection, la promotion et l’accès à la diversité des expressions culturelles, notamment dans les médias. Il s’agit de : « stimuler la production, la sauvegarde et la diffusion de contenus diversifiés dans les médias et les réseaux mondiaux d'information et, à cette fin, promouvoir le rôle des services publics de radiodiffusion et de télévision dans le développement de productions audiovisuelles de qualité, en particulier en favorisant la mise en place de mécanismes coopératifs susceptibles d'en faciliter la diffusion » (Ibid., p. 9). Le 20 octobre 2005, une nouvelle convention qui s’inscrit dans le prolongement naturel de la convention 2001, est adoptée. Elle reprend et modifie la convention de 2001, notamment, en matière de radiodiffusion : « Article 6-1 Dans le cadre de ses politiques et mesures culturelles telles que décrites à l’article 4.6, et compte tenu des circonstances et des besoins qui lui sont propres, chaque Partie peut adopter des mesures destinées à protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur son territoire. Article 6- 2. Ces mesures peuvent inclure : (h) les mesures qui visent à promouvoir la diversité des médias, y compris au moyen du service public de radiodiffusion » (Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles Paris, 2005, http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.phpurl_id=11281&url_do =do _topic&url_section=201.html, consulté le 16/12/2006, pp. 7-8). Il est essentiellement question de valorisation de la diversité culturelle pour le service public, alors que la convention encourage seulement la contribution du secteur privée. Il s’agit de « reconnaître et encourager la contribution que le secteur privé peut apporter à la valorisation de la diversité culturelle, et faciliter, à cet effet, la mise en place d’espaces de dialogue entre secteur public et secteur privé » (Unesco, 2001, « Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle, adoptée par la 31eme session de la - 75 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française conférence générale de l’Unesco Paris », http://unesdoc.unesco.org/ images/ 0012/ 001271/127160m.pdf, consulté le 16/12/2006, p. 9). Aussi et compte tenu du grand nombre de stations musicales dont le statut est privé en France, nous pouvons nous interroger sur l’absence de véritables contraintes en matière de diversité musicale. La convention de 2001 démontre l’importance de la culture et la nécessité de maintenir un certain équilibre dans les échanges afin de lutter contre l’appauvrissement des expressions culturelles dans le monde. La convention de 2005 va plus loin en fixant aux Etats des objectifs plus précis de protection et de promotion de la culture. Les textes permettent d’établir une série de droits et d’obligations, aux niveaux régional, national et international. Les Etats signataires sont sommés de mettre en œuvre par le biais de leur législation interne les grands principes et les grandes lignes d’action de la convention. L’Unesco entend ainsi ne pas soumettre l’ensemble des biens et des industries culturelles aux décisions de l’Organisation Mondiale du Commerce et au principe de la libre concurrence. La culture devient un bien particulier pouvant être subventionnée par les Etats. Néanmoins, si la Convention sur la diversité culturelle confère un statut juridique aux biens et services culturels, en revanche, les rapports qu’elle entretient avec les autres instruments juridiques internationaux tels qu’ils sont définis dans les articles 20 et 21 sont ambigus. Son pouvoir face aux grands principes de l’Organisation Mondiale du Commerce reste faible. En effet, l’article 20 de la convention Unesco 2005 affirme le principe de non subordination. Il permet à la Convention d’acquérir un caractère normatif en cas de litiges, mais indique que rien dans le présent traité «ne peut être interprété comme modifiant les droits et obligations des Parties au titre d’autres Traités auxquels elles sont parties» (Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles Paris, 2005, http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.php-url_id= 11281&url_do=do_topic&url_section=201.html, consulté le 16/12/2006, p. 12). En d’autres termes, la Convention ne s’oppose pas aux acquis des - 76 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française négociations multilatérales qui ont précédé son adoption. Les pays qui ont libéralisé certains secteurs de la culture peuvent se rétracter s’ils le souhaitent. De plus, au moment de la signature de la Convention, les pays ont le choix de se soustraire définitivement à un engagement de leur part en le faisant simplement savoir lors de la ratification. Par rapport à ce que souhaitent les gouvernements du Québec et du Canada, la présente convention n’est pas tout à fait satisfaisante. Elle n’a pas un caractère contraignant mais elle donne un cadre général qu’il appartient aux Etats d’adopter. Dans ce cadre-là, nous ne pouvons pas véritablement parler de contraintes en matière de diversité musicale pour les radios musicales privées en France. De plus, si l’Unesco a proposé une avancée dans la réflexion sur la promotion et la protection de la diversité culturelle, reste à faire accepter cette convention par l’ensemble des états partenaires. Outre le fait que les gouvernements canadien et français aient largement participé à ce projet, d’autres pays voient dans ce texte une expression du « protectionnisme » dans un secteur censé relever de la règle du libre échange. Du point de vue du droit européen relatif à la diversité culturelle. La diversité culturelle est reconnue en droit européen. Les institutions européennes n’ont pas toutes la même force contraignante sur les autorités françaises. Quoi qu’il en soit, pour l’instant, les textes qui mentionnent la protection de la diversité culturelle sont très généraux et leur application est soumise au bon vouloir politique des Etats pour leur mise en œuvre pratique. Il était question de faire figurer la notion de diversité culturelle notamment dans le Traité constitutionnel européen (qui n’a pas été adopté cependant). Nous retrouvons également la notion de diversité culturelle dans d’autres textes européens, en vigueur, qui n’ont pas tous la même valeur contraignante. C’est le cas dans la Charte des droits fondamentaux (UE), dans la Convention européenne des Droits de l’Homme, ou encore dans le Traité d’ Amsterdam du 2 octobre 1997 (UE). Il est toujours question de diversité culturelle mais aucunement de diversité musicale et d’obligations en la matière. - 77 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française Concernant les textes internes, il existe des dispositions relatives à la diversité culturelle et sociale dans différents textes normatifs français. Néanmoins, c’est principalement dans l’Art. 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication tel que modifié par l’Art. 48 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, qu’il est question d’une politique en faveur de la diversité des programmes musicaux : « Art. 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication tel que modifié par l’Art. 48 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle : Le conseil accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il tient également compte, pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des œuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille, sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion » (Art 29 alinéa 6 et Art. 29- 6°, http://legifrance.gouv.fr/ affichTexteArticle.do;jsessionid=8F18FB5FA98B7598 9D2DF5249FE10FE3.tpdjo05v_2?cidTexte=JORFTEXT000000512205&idArticl e=LEGIARTI000006420330&dateTexte=20090929&categorieLien=id, consulté - 78 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française le 16/12/2006). Les textes internes inscrivent la prise en compte du critère de diversité musicale de sauvegarde du pluralisme, des courants d’expressions socioculturels, de la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence, par le CSA lors du processus d’attribution des fréquences de radio. Il tient également compte pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard de la variété des œuvres, des interprètes et des nouveaux talents programmés. Le CSA doit également veiller au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. La mission du département du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel consiste à vérifier le respect par les opérateurs privés et publics de leurs obligations inscrites dans leur convention ou dans leur cahier des missions et des charges, en termes de contenu, que cela concerne le respect des quotas, la déontologie des programmes, de l’information, de la publicité, de la protection de l’enfance, etc. D’autres dispositifs relatifs à la propriété et aux seuils de concentration existent et s’appliquent à l’ensemble des industries culturelles. Ces règles en faveur du pluralisme et de la diversité sont soutenues par les pouvoirs d’action du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Il existe trois types de contraintes qui limitent la propriété croisée, le contrôle des marchés et les seuils de détention des industries culturelles. Ces contraintes sont différentes selon le pays où elles sont en application et les seuils de concentration ne représentent pas le même pourcentage aux Etats-Unis qu’en France par exemple. Pour la diffusion radiophonique en mode analogique, la réglementation fixe des seuils d’audience à ne pas dépasser. Un réseau ne peut pas desservir des bassins de population de 150 millions d’habitants et le cumul d’autorisations analogiques et numériques est possible sous condition - 79 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française que l’audience potentielle reste inférieure à 20% des audiences potentielles cumulées de l’ensemble des services de radio (Loi n°2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, http://www. legifrance.gouv.fr, consulté le 16/12/2006). Ainsi, l’industrie radiophonique doit respecter les règles spécifiques en faveur de la diversité musicale, adoptées au cours de l’histoire. A la vue succincte des principaux textes concernant les obligations au sein de l’industrie radiophonique, nous constatons avec P. Bouquillion que « ces dispositifs […] forment aujourd’hui une stratification complexe, hétéroclite et dont les enjeux pour le pluralisme et la diversité ne sont guère pensés » (Bouquillion P., 2008, p. 103). Pour la plupart, il s’agit de textes généraux fixant des objectifs à atteindre en matière de diversité culturelle. A l’exception des quotas fixant un certain taux de diffusion de chansons d'expression française, il n’existe pas véritablement de contraintes à destination des stations musicales commerciales privées. Seuls les textes juridiques internes confèrent au CSA le pouvoir de réguler l’espace radiophonique français. Si les pouvoirs d’action du CSA sont importants, ces derniers évoluent au gré des changements qui s’opèrent au sein de l’espace radiophonique et certaines lois sont assouplies. Le rôle de régulateur du CSA n’est pas toujours aisé car souvent remis en cause par les différents acteurs sociaux au sein de l’espace radiophonique. La récente création d’un « bureau de radio » en mars 2009, en est une illustration. Cette entité qui rassemble les quatre grands groupes radiophoniques privés français, présidé par Michel Cacouault, entend mener des actions de lobbying auprès des pouvoirs publics, en vue d’une révision des seuils anti-concentration fixés par la loi qui freinent selon eux leur développement. Le bureau de la radio a un rôle dans le dossier de la radio numérique. Dans ce contexte pourquoi les radios devraient s’imposer des contraintes en matière de diversité musicale et de programmation puisqu’a priori, elles n’ont aucune raison qui les y inciterait et elles auraient même le pouvoir d’enfreindre les règles. - 80 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 3.3 La diversité culturelle d’un point de vue institutionnel. La libéralisation du marché des biens culturels et l’accélération des échanges internationaux sont à l’origine de la mise en place de dispositifs de protection des productions nationales (dans différents pays comme la France, le Canada, la Suède et les Pays-Bas) face à la production américaine. La vague de libéralisation de l’audiovisuel qui survient dans les années 1980 et 1990, tant au niveau national qu’international, marque l’avènement d’une économie mondiale régie par les lois de la concurrence. Face au déséquilibre des échanges de biens et services, la crainte de dominations culturelles et de disparition d’un grand nombre de cultures se fait prégnante et la notion de diversité culturelle acquiert un statut tridimensionnel. La diversité culturelle est abordée d’un point de vue politique, juridique et économique par les diverses institutions à l’œuvre. Du point de vue politique, les différents Etats mettent en place des mesures de politiques publiques destinées à maintenir la production, éviter la disparition ou la standardisation et faciliter l’accès du public aux produits culturels. Au départ, les politiques culturelles sont reliées à la construction des identités nationales et la protection des marchés nationaux. La mise en place de ces politiques culturelles résulte d’alternances entre des phases de forte réglementation et de libre-échange (Sapiro G., 2005, “Politiques culturelles et réglementation des industries de la culture : bilan des travaux et perspectives de recherche », http://www.observatoire-omic.org/extranet/pict/G%20Sapiro Politiques%20culturelles%20WP%20V2%20PDF.pdf, consulté le 12/09/2008). En France, c’est d’abord le secteur de l’audiovisuel qui donne lieu à l’élaboration d’une politique culturelle. La radio qui est encore sous le monopole public, jusqu’en 1970, a pour fonctions d’informer, de divertir et d’être au service de l’éducation culturelle. La radio de service public devient ainsi un moyen de diffusion des grandes œuvres nationales, notamment des œuvres classiques, de soutien aux jeunes artistes et aux créations. A partir des années - 81 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 1980, la politique culturelle redéfinit le concept de « démocratisation culturelle » en s’inscrivant à la fois dans le cadre d’une lutte contre l’impérialisme culturel américain et en réconciliant la culture avec l’économie (Ibid.). Mais peu à peu et à la suite de l’introduction de la publicité au sein de l’espace radiophonique la politique culturelle française s’éloigne de la radiodiffusion. Gisèle Sapiro, Directrice de recherche au CNRS (Centre de sociologie européenne) fait remarquer que les responsables politiques ont engagé des démarches de soutien au secteur audiovisuel tardivement et que ce secteur n’est pas soutenu en fonction de son poids sur le marché (Sapiro G., 2005, “Politiques culturelles et réglementation des industries de la culture : bilan des travaux et perspectives de recherche », http://www.observatoire-omic.org/extranet/pict/G%20Sapiro Politiques%20culturelles%20WP%20V2%20PDF.pdf, consulté le 12/09/2008). Selon cet auteur, les aides publiques sont déterminées en fonction des enjeux commerciaux, de la concurrence internationale dans le secteur culturel en question, de sa valeur symbolique, de l’existence ou l’absence d’accords interprofessionnels (Ibid.). Il est important d’ajouter que pour des raisons historiques et culturelles, les professionnels de la filière musicale, en France, ont toujours souhaité maintenir l’intervention de l’Etat à l’écart. D’autres raisons sont évoquées par P. Bouquillion, pour qui, il faut considérer les différents bouleversements de notre société survenus dans les années 1980. Ses remarques s’appliquent au spectacle vivant mais son analyse peut aisément s’étendre à l’espace radiophonique. Pour P. Bouquillion, les logiques économiques marchandes deviennent le mode de régulation principal et la politique culturelle gouvernementale se désengage. Les conditions de l’offre culturelle sont transformées et en développant le caractère aléatoire de la production culturelle, l’Etat souhaite résoudre les problèmes de financement par « la main invisible » (Bouquillion P., 1992, « Le spectacle vivant : de l’économie administrée à la marchandisation », http://observatoire-omic.org, consulté le 27/09/2009). Tout comme dans le secteur du spectacle vivant, l’Etat dérèglemente l’espace radiophonique et avec l’introduction de la publicité pour - 82 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française les stations commerciales, la programmation musicale s’insère désormais au sein d’un espace concurrentiel et marchand. Du point de vue juridique, plusieurs Etats mettent en place des mesures visant à promouvoir l’expansion des expressions culturelles, des productions nationales et locales. Les produits et services culturels étant reconnus comme véhiculant des valeurs et une identité, ils nécessitent une politique de soutien. Le Canada est le premier pays à instaurer un quota minimum d’œuvres canadiennes dans les années 1970. La France emboite le pas en 1986 avec l’imposition d’un quota de 40% de chansons d’expression française. Les mesures de soutien qui s’instaurent en termes juridiques, prennent le plus souvent la forme de quotas, de réglementation, de subvention et la question de la propriété intellectuelle devient centrale. Si aux origines une œuvre appartient à son auteur, lorsqu’elle est rendue publique, elle devient une propriété publique et a vocation à être régie par la loi. Néanmoins, l’ensemble de ces politiques de soutien et la liberté d’intervention des Etats sont largement entravées par le droit de l’Organisation Mondiale du Commerce et les traités de libre-échange. Dans ce contexte, l’intervention en matière de diversité culturelle nécessite de mener de front à la fois les politiques étatiques de soutien à la culture, le contrôle de la concurrence et l’ajustement de la propriété intellectuelle. Il s’agit des objectifs envisagés par la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée à l’Unesco en octobre 2005. Pour Gisèle Sapiro, l’élaboration d’une politique culturelle européenne est difficile car elle est traversée par des exigences contradictoires, dont les contraintes de libéralisation imposées par l’OMC, les objectifs de « diversité culturelle » adoptés par l’Unesco en 2001 et l’élaboration d’une politique communautaire dans le domaine culturel, réalisée indépendamment des politiques nationales (Sapiro G., 2005, “Politiques culturelles et réglementation des industries de la culture : bilan des travaux et perspectives de recherche », http://www.observatoire-omic.org/extranet/pict/G%20Sapiro Politiques%20culturelles%20WP%20V2%20PDF.pdf, consulté le 12/09/2008). - 83 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française Du point de vue économique, les études sur les industries culturelles se sont développées tardivement. La diversité culturelle est envisagée à partir de la capacité du marché à promouvoir une production diverse autant du point de vue de la production que de celui des consommateurs. Les produits culturels et informationnels sont considérés comme un bien collectif et la défense des intérêts économiques va de pair avec celle des industries culturelles nationales. Les politiques publiques sont appréhendées en termes de monopole et de limitation de la concentration et des acquisitions par les grands groupes. Ainsi, les arguments en faveur de l’intervention publique sont de deux ordres. La valorisation des produits culturels étant incertaine et nécessitant un haut niveau de production afin de réduire l’incertitude des revenus, l’intervention publique œuvre en faveur du maintien de la production et lutte contre la disparition et la standardisation des produits culturels et informationnels. Pour Armand Mattelart, en focalisant son attention sur la diversité produite et proposée aux consommateurs, le point de vue purement économique, réduit l’analyse de la diversité culturelle à des aspects marchands et occulte les dimensions socioculturelle, politique et symbolique propres aux produits culturels (Mattelart A., 2002, « La diversité culturelle : entre histoire et géopolitique », http:// www.infoamerica.org/ documentos_pdf/Mattelart2.pdf, consulté le 16/09/2008). Armand Mattelart souligne que, depuis les années 1980, « les stratèges du marketing et du management ont fait de la diversité culturelle une notion opératoire en l’érigeant en principe de la segmentation transnationale des cibles en « communautés de consommateurs ». De la sorte, ils ont « anticipé l’établissement de profits permettant de produire de la diversité de manière standardisée » et avec la libéralisation du marché et la privatisation du secteur audiovisuel, « la culture a basculé dans la nomenclature des « services » (Ibid.). Les trois dimensions politique, juridique, économique se sont formées au fils de l’histoire et participent à l’élaboration de dispositifs de protection en matière de diversité culturelle. Avec l’industrialisation et la - 84 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française marchandisation de la production culturelle, la montée en puissance de la musique enregistrée et de l’audiovisuel et enfin la trans-nationnalisation des programmes, les questions d’ordre économique deviennent centrales (Miège B, (2003), « La contribution des industries de la culture de l’information et de la communication à l’informationnalisation et à la globalisation », http://www.ques2com.fr/index.php?p=details&cat=recherche&type=article&revu e=25&id=394, consulté le 20/09/2009). Néanmoins, persistent de nombreuses interrogations non appréhendées par l’approche strictement économique de la culture, dont les stratégies des différents acteurs en présence, les conflits autour des régulations, mais également les questions ayant attrait à la notion même de diversité culturelle. Qu’est ce que la diversité et comment la définir en fonction du secteur culturel étudié ? C’est la définition de la notion de «diversité » qui pose problème. Celle-ci recouvrant des représentations différentes tant au niveau régional, que national et international, apparaît comme pluri-sémantique. - 85 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 3.4 La diversité musicale d’un point de vue définitionnel. Des analyses contradictoires sont souvent énoncées à partir du terme de « diversité culturelle ». La complexité et la difficulté d’appréhension de la diversité culturelle réside, selon Tristan Mattelart, dans l’ambigüité de la notion qui est d’une part polysémique et d’autre part évolutive en fonction du contexte politique, économique et intellectuel au sein duquel elle s’insère (Mattelart T., 2009, « Enjeux intellectuels de la diversité culturelle. Eléments de déconstruction théorique », http://www.culture.gouv.fr/deps, consulté le 27/09/2009). Cet auteur, souligne comment au fil du temps, l’évolution de l’interprétation de la diversité culturelle, peut tantôt légitimer les politiques publiques visant à promouvoir une pluralité culturelle et tantôt justifier les stratégies des entreprises culturelles et de communication (Ibid.). A la fin des années 1960, le courant d’économie politique critique fait partie des premiers mouvements de pensée à considérer les différents processus à l’œuvre dans le contexte d’internationalisation des médias. Les recherches critiques s’intéressent aux rapports de domination et d’inégalité face au déséquilibre des échanges culturels transnationaux. L’importance d’instaurer des politiques publiques de communication afin de préserver la diversité culturelle est mise en avant. La notion de diversité culturelle renvoie à la protection de la pluralité des expressions culturelles face au contexte d’internationalisation et de commercialisation des médias. En 1970, d’autres courants de pensées prennent une toute autre orientation et s’intéressent aux processus d’intégration d’éléments culturels étrangers aux cultures nationales. La diversité culturelle est considérée comme la résultante des interactions entre les différentes cultures du monde et le contexte d’internationalisation participe à l’accroissement de ces interactions. Dans le cadre de ces recherches, les thèses de l’économie politique critique sont incriminées de défendre des positions protectionnistes et nationales vis-à-vis de la culture. Les années 1980 marquent la prise en compte des phénomènes de domination sur le marché du commerce international, sans considérer - 86 - qu’il y ait pour autant Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française homogénéisation de la culture. Les chercheurs orientent leurs études sur les processus d’appropriation culturelle. Ils considèrent que si quelques grandes nations dominent le commerce international, notamment en termes de production et de programmation télévisuelle, les lectures qui en sont faites par les populations du monde sont diverses. Ainsi, les populations appréhendent la culture de différentes façons et la diversité culturelle est caractérisée par ses capacités à satisfaire les demandes spécifiques des consommateurs. De ce point de vue, c’est à travers les différents modes de consommation culturelle que s’exerce la diversité culturelle. Le principal argument de ces recherches consiste à défendre l’idée selon laquelle l’internationalisation des échanges culturels accroît le commerce des biens culturels et augmente « le menu de choix » des consommateurs (Mattelart T., 2009, « Enjeux intellectuels de la diversité culturelle. Eléments de déconstruction théorique », http://www.culture.gouv.fr/deps, consulté le 27/09/2009). Les débats sur la notion de diversité culturelle oscillent aujourd’hui entre une vision anthropologique et une vision prenant en considération les industries culturelles. Le premier point de vue s’intéresse plus aux interactions entre les cultures alors que le second oriente ses réflexions sur les dangers d’homogénéisation culturelle dont sont porteurs les flux médiatiques transnationaux. Dès les années 1970, les Culturales Studies et l’anthropologie présentent les flux transnationaux comme produisant de la diversité culturelle puisque les populations se l’approprient. Ces échanges sont perçus comme des apports permettant d’enrichir les cultures nationales distinctes. Comme le souligne Tristan Mattelart, si l’orientation de ces recherches a participé à une meilleure connaissance de l’appropriation des flux culturels transnationaux par les publics, en revanche, elle occulte de l’analyse plusieurs éléments fondamentaux. En ignorant les contenus culturels véhiculés, les différents acteurs en présence et les logiques de domination qui s’instaurent dans le contexte de l’internationalisation des échanges, le risque est « de laisser croire - 87 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française que le libre jeu des interactions culturelles peut suffire à garantir la diversité culturelle » et à ce jour aucune mesure législative ou aucune étude ne s’est risquée à le démontrer (Ibid., p. 8). Ainsi, ne pas s’interroger sur les risques d’inégalité que peut provoquer l’internationalisation des échanges culturels et penser que ceux-ci doivent se soumettre exclusivement aux lois du marché relève d’un positionnement idéologique. C’est pourquoi, afin de cerner et de décrire la multiplicité des enjeux reliés à la notion de diversité culturelle et musicale, nous allons observer les techniques de marketing et les stratégies des acteurs sociaux à l’œuvre au sein de l’espace radiophonique. A partir de ces observations nous allons proposer une définition de la diversité musicale. - 88 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 4. Cadre théorique et méthode de la recherche. 4.1 Problématique et hypothèses. L’espace radiophonique français se présente comme une exception par rapport aux autres pays européens. Le rapport du député PierreChristophe Baguet, du 9 octobre 2003 à l’Assemblée Nationale, dénombre plus de 6 000 fréquences exploitées, dont 3 429 par des opérateurs privés en France (depuis l’espace radiophonique a peu bougé sous réserve du renouvellement des fréquences actuellement en cours), contre 1 000 fréquences FM pour la Grande-Bretagne, 2 000 fréquences pour l’Allemagne et une centaine pour chacun des pays nordiques (Baguet P-C., 2003, Projet de loi de finances pour 2004 (n°1093), http://www.assemble e-nationale.fr /12/budget/plf2004/a1111-07.asp, consulté le 19/05/2008). D’après ces chiffres, le nombre de fréquences radiophoniques françaises se révèle être une richesse qui permet potentiellement de diffuser un large éventail de programmes variés, notamment musicaux, afin de répondre aux attentes du plus grand nombre. C’est ce que soulignent de nombreuses données statistiques fournies par le Ministère de la Culture et de la Communication, le Département des études de la prospective et des statistiques (DEPS) et Médiamétrie qui révèlent aujourd’hui l’importance du média radiophonique en termes d’audience et de diffusion musicale. Ces références précises qui s’intéressent à l’ensemble des questions éditoriales et publicitaires permettent d’analyser les comportements d’écoute des auditeurs et de mieux connaître la position du média radio dans le secteur médiatique français. En dix ans, entre 1995-1996 et 2005-2006, le nombre d’auditeurs est passé de 36 690 000 à 40 796 000 et la radio a ainsi gagné plus de 4 millions d’auditeurs âgés de 15 ans et plus (Médiamétrie, 2006, « Panel Radio 2005-2006 – lundi/vendredi 1ère semaine – 05H/24H – Couverture maximale (%) », www.médiamétrie.fr, consulté le 19/05/08). Son succès réside dans la possibilité d’accompagner les auditeurs quels que soient les lieux d’écoute qui multiplient le nombre de contacts avec le public mais - 89 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française également grâce à la souplesse de ses contenus qui lui confère une grande adaptabilité aux nouvelles techniques. Plus personne ne s’étonne d’ailleurs aujourd’hui de la présence de la radio qui fait partie des biens d’équipements d’usage. Le nombre d’appareils permettant de recevoir des programmes radiophoniques est estimé à 5,8 par foyers français (Médiamétrie, 2006, Enquête équipement radio 2006, www.mediametrie.fr, consulté le 19/05/2008). L’intensification de l’utilisation des Technologies de l’information et de la communication en France (Berret P., 2008, « Diffusion et utilisation des Tic en France et en Europe », http://ww.culture.gouv.fr/deps, consulté le 27/09/2009) place la radio au cœur de nombreux changements avec l’émergence de nouveaux modes de réception des programmes radios via : le baladeur MP3 recevant la radio, les téléphones mobiles, les téléviseurs, le satellite, et enfin, l’ordinateur connecté à Internet. Ainsi, en 2006, les auditeurs de radio deviennent plus mobiles et mieux équipés en technologies nomades avec plus d’une personne sur dix âgée de 13 ans et plus qui possède un baladeur MP3 recevant la radio (Médiamétrie, 2006, Enquête équipement radio 2006, www.mediametrie.fr, consulté le 19/05/2008). Une part de 8,4% des individus ont accès dans leur foyer à un téléphone mobile recevant la radio et une personne sur quatre (soit 25,4% de la population âgée de 13 ans et plus) a la possibilité d’écouter la radio à domicile par la télévision grâce à une offre élargie (Ibid.). L’écoute à domicile par Internet est possible pour 43,2% des 13 ans et plus et l’écoute en direct sur Internet se développe avec 17,8% des 13 ans et plus qui ont déjà pratiqué cette écoute (Ibid.). Seule, l’écoute de la radio en différé par Internet en streaming ou podcasting n’est pas totalement rentrée dans les mœurs avec seulement 8,3% de personnes qui ont écouté une émission de radio en différé sur Internet (Ibid.). S’il est impossible de nier l’essor des pratiques d’écoute et de découverte musicale via les supports émergents permettant les échanges de fichiers musicaux, mais encore les technologies nomades (baladeurs mp3 et autres) où l’auditeur peut créer lui-même sa programmation en sélectionnant - 90 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française ses titres favoris, la radiodiffusion analogique représente encore aujourd’hui, le média de références musicales à destination de fortes audiences. Ceci est d’autant plus vrai, car l’écoute radiophonique des français est concentrée sur les vingt et une stations nationales qui accaparent à elles seules, 82% du volume d’écoute nationale de la radio (Médiamétrie, 2006, 126 000 radio – Cumul Septembre 2005/juin 2006 – lundi/vendredi – 05h/24h – PDA (%), www.mediametrie.fr, consulté le 19/05/2008) mais également parce que les auditeurs sont fidèles à leurs stations préférées. Les Français n’écoutent en moyenne que trois à quatre stations sur quinze jours en locales ou nationales (Médiamétrie, 2006, Panel radio 2005-2006 – lundi/vendredi 15 jours – 05h/24h Couverture maximale (%) – Base auditeurs 13 ans et +, www.mediametrie.fr, consulté le 19/05/2008). En dépit d’une légère baisse d’audience des réseaux radiophoniques analogiques pour l’année 2008, la présence de la radio au sein des foyers Français, l’intérêt envers les programmes diffusés et la fonction d’attrait que représente la musique, restent stables face au développement des Tic et des diverses modalités d’accès à la musique sur le Net. A partir des données statistiques vues précédemment, il est aisé de mettre en corrélation, la force médiatique de la radio avec les objectifs de communication et de promotion des artistes puisque les programmes radiophoniques gardent une place de choix dans la consommation culturelle des Français. Cependant, malgré une relative satisfaction envers les différents programmes radiophoniques disponibles sur la FM, force est de constater que la diffusion des œuvres musicales à la radio suscite certaines interrogations. D’un point de vue historique, les stations musicales qui ont choisi un statut commercial dès 1984, ont pris de l’avance dans la constitution de leur réseau qui recouvre une bonne partie du territoire français mais également au niveau des habitudes d’échanges avec les majors. Avec l’assouplissement des règles autorisant la propriété multiple, les phénomènes de multiplication et d’acquisitions s’accentuent. Nous observons ainsi un espace radiophonique très contrasté où quelques grands réseaux thématiques se partagent les fortes - 91 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française audiences, ainsi que le marché des annonceurs face à quelques radios dont les formats alternatifs sont moins convoités par les investissements promotionnels. L’introduction des panels dès la fin des années 1980, le nombre de titres programmés à l’antenne et le nombre de musiciens diminuent peu à peu. Certains artistes rejetés par les auditeurs sondés disparaissent complètement de la programmation et les artistes francophones qui ne représentent plus qu’une faible part de la programmation globale sont étouffés par une diffusion massive de titres internationaux et/ou transnationaux anglo-saxons. A cela s’ajoute l’évolution de la programmation de nombreuses radios qui a pour effet de multiplier le nombre de passages quotidiens d’un même titre au détriment de la diversité des artistes qui pourraient être diffusés aux heures de grande écoute afin d’être entendu par un maximum d’auditeurs. Il apparaît évident que ce mode de diffusion répétitif profitant à une minorité d’artistes, en exclut, du même coup d’autres. Mais ce qui est plus inquiétant, c’est la répercussion de ces pratiques de programmation sur l’ensemble de l’espace radiophonique, puisque entre les grands réseaux thématiques et les formats alternatifs subsistent des petites radios commerciales. Ces dernières, qui n’ont pas les moyens de financer des études de sondage, calquent leurs programmations musicales sur celles des grands réseaux afin d’attirer une audience. Dès lors, l’entrée en playlists sur une grande station telle que NRJ, donne un passe droit à un titre musical pour être diffusé sur l’ensemble des petites radios commerciales. Il devient alors plus difficile pour des labels indépendants ou des groupes autoproduits de s’insérer au sein des playlists des radios commerciales. Ce type de diffusion musicale pose les questions suivantes : si la radio a accompagné depuis plusieurs années la massification des modes d’appropriation de la musique, aujourd’hui qu’en est-il ? La radio permet-elle de diffuser une offre musicale qualitative et quantitative malgré les phénomènes répétitifs des playlists ? Les politiques des maisons de disques et des radios sont-elles en adéquation face à la promotion des artistes ? Les moyens d’accéder à la bande FM sont-ils abordables pour l’ensemble des musiciens qui souhaitent se faire connaître du grand public ? Si la radio permet de toucher - 92 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française des millions de foyers qu’en est-il de sa réception ? Le mode de diffusion musicale actuel pourrait-il orienter nos goûts musicaux ? Plus exactement quel est le rôle de la diffusion radiophonique aujourd’hui, s’inscrit-elle dans une dynamique de diversité culturelle ? L’ensemble de ces questionnements n’est pas nouveau et préoccupe depuis quelques temps déjà les politiques culturelles françaises. A la suite du développement des formats radiophoniques de plus en plus précis au cours des années 1990, de fortes tensions entre les différents acteurs de la filière musicale amènent le Parlement à prendre des mesures notamment avec la loi du 1e février 1994 imposant aux opérateurs de diffuser un quota minimum de 40% de chansons d’expression française dont la moitié provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions. Quatre ans après et compte tenu de l’évolution de l’espace radiophonique, le CSA estime nécessaire d’améliorer le texte voté en 1994 en permettant une modulation des quotas en fonction des différents formats radiophoniques et en privilégiant la diffusion des nouveaux talents d’expression française. Cependant, persistent de nombreuses questions toujours en suspens. La réduction de la diversité des opérateurs implique-t-elle un amoindrissement de l’offre ? Comment comprendre l’augmentation des répertoires locaux alors que le nombre de titres diffusés sur les antennes diminue ? Comment maintenir la place des nouveaux talents et des musiques du monde au sein des playlists ? Comment préserver la diversité musicale face au resserrement des playlists ? Quelle est l’évolution des relations entre diffuseurs et industriels ? Existe-t-il des freins dans l’exercice de leurs métiers respectifs ? Et enfin, comment revaloriser le travail des réseaux radiophoniques alternatifs ? Le 29 mai 2001, le ministre de la culture et de la communication charge le groupe de travail présidé par Eric Baptiste « d’identifier les sujets et (…) d’apporter des réponses à un certain nombre de questions faisant débat entre les représentants des radios et ceux de la filière musicale » (Baptiste E., 2002, « Rapport du groupe de travail sur les relations entre les radios et la filière musicale », http://www.culture.gouv.fr/culture - 93 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française /actualites/rapports/baptiste/rapport.pdf, consulté le 08/11/2006, p. 1). Comme le souligne le rapport Eric Baptiste, jusqu’alors la filière musicale n’a pas souhaité l’intervention de l’Etat alors qu’elle ne disposait pas de groupe de pression ou d’établissements pour la défendre comme il existe dans la filière cinématographique avec le CNC ou encore le CNL dans le secteur de l’édition par exemple. Il a donc été difficile pour l’Etat français de traiter les besoins, tant les messages étaient contradictoires. Néanmoins, dans un contexte de libéralisation, de mondialisation des échanges et d’accroissement de la concurrence, la nécessité de défendre les identités culturelles multiples s’est progressivement imposée. C’est pourquoi, le rapport du groupe de travail Eric Baptiste préconise l’institutionnalisation de rencontres régulières entre le CSA et les différents acteurs de la filière musicale avec à l’appui une institution qui soit à même de vérifier : « la bonne application des règles déjà existantes plutôt que d’ajouter de nouvelles règles comme c’est habituellement le réflexe en France » (Baptiste E., 2002, « Rapport du groupe de travail sur les relations entre les radios et la filière musicale », http://www.culture.gouv.fr/ culture/actualites/rapports/baptiste/rapport.pdf, consulté le 08/11/2006, p. 27). C’est ainsi que le ministère de la culture procède à la mise en place d’un accord professionnel entre les radiodiffuseurs, les éditeurs de musique, les producteurs de phonogrammes et les auditeurs. Il reconnaît l’Observatoire de la musique comme une instance de référence en matière de confection et d’analyse des indicateurs de la diversité musicale dans les radios. Désormais, l’Observatoire de la musique est ainsi sommé de mettre en place un comité de suivi des indicateurs pour mesurer la diversité musicale dans les radios et l’observation de ces données fait l’objet d’un rapport annuel remis au Ministre de la Culture et de la Communication et au Président du CSA. A l’heure actuelle, l’attention des politiques culturelles se tourne vers la numérisation de la radio. Si le processus de numérisation a fait passer au second plan les questions concernant la radio analogique, les tensions entre les différents acteurs de la filière musicale persistent encore aujourd’hui. Les - 94 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française groupes radiophoniques qui se sont constitués depuis 1984 n’ont pas beaucoup bougé. Face à un marché publicitaire étroit, l’espace radiophonique reste stationnaire. Les principaux réseaux radiophoniques privés ayant acquis une certaine envergure se trouvent en situation oligopolistique et se partagent les audiences selon des formats spécifiques. Les réseaux NrRJ, Fun Radio, Skyrock, RTL2 et Virgin Radio ne sont plus véritablement en concurrence. Il n’y a pas non plus de raisons économiques pour justifier la concentration en termes d’infrastructures car les coûts de transmission sont faibles et comme la plupart des industries médiatiques, la concentration du capital permet l’augmentation des profits pour les actionnaires. Désormais, la question centrale réside à la fois dans l’absence de concurrence et la concentration de la concurrence au sein de l’espace radiophonique. La réponse résiderait-elle au cœur des programmations musicales, à savoir la playlist ? Face au développement des radios numériques et des supports permettant les échanges de fichiers musicaux sur le Net, les revendications actuelles en matière de diversité musicale apparaissent plus percutantes. Les supports émergents dont le système d’offre reposent sur le choix du consommateur et l’accès à l’ensemble des productions musicales mondiales ne remettent-ils pas en cause l’activité des instances médiatiques dont la programmation est au centre ? Dans cette perspective, les questionnements concernant la diversité culturelle ne concernent pas seulement l’espace radiophonique mais l’ensemble des industries culturelles et médiatiques. C’est à partir de questionnements plus ou moins anciens, dans la perspective des évolutions techniques récentes, mais également à la suite des différentes mesures prises en charge par le Ministère de la Culture et dans le contexte actuel de renouvellement des attributions de fréquences que nous envisageons cette étude. Nous nous attacherons à observer si, à la suite du développement des techniques de marketing à la fin des années 1980 et face à l’univers concurrentiel dans lequel les stations analogiques françaises NRJ, Fun radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 évoluent, les stratégies de programmation se sont complexifiées et rationalisées aux dépends de la diversité musicale. - 95 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française La libéralisation et la déréglementation des marchés, le modèle de fusion et d’acquisition des entreprises de communication, la réduction du nombre d’opérateurs et le primat de l’économique sur le politique s’inscrivent dans un processus mondial qui n’épargne pas les industries culturelles et médiatiques. L’espace radiophonique ne semble pas échapper à cette règle. Les stations qui choisissent un statut commercial dès 1984, prennent de l’avance dans la constitution de leur réseau qui recouvre une bonne partie du territoire français mais également au niveau des habitudes d’échanges avec l’industrie de la musique enregistrée. L’assouplissement des règles autorisant la propriété multiple, permet aux réseaux radiophoniques la multiplication des acquisitions. La formation de grands groupes radiophoniques, l’accroissement de la concurrence entre médias, la baisse des recettes publicitaires, les innovations technologiques liées à la numérisation des contenus et au développement des modalités d’accès à la musique sur le Net sont autant d’éléments qui ont progressivement modifié la structuration et l’organisation de l’industrie radiophonique depuis les années 1980. L’espace radiophonique français devient contrasté avec quelques grands réseaux thématiques qui se partagent les fortes audiences et le marché des annonceurs face à des radios dont les formats alternatifs sont moins convoités par les investissements promotionnels. Depuis, l’espace radiophonique français reste stable et les réseaux musicaux NRJ, Skyrock, Fun Radio, Virgin Radio et RTL2 ont acquis une envergure leur permettant de se partager les plus fortes audiences selon des cœurs de cible distincts. Afin d’être identifiables en quelques secondes par les auditeurs, les radios commerciales concentrent leur programmation sur quelques genres musicaux. A chaque radio correspond un format musical précis, composé de deux à trois courants musicaux dominants. De ce fait, peu de nouveaux genres sont introduits au sein des programmations musicales. Les principaux réseaux radiophoniques sont arrivés à un stade de maturation et il n’y a plus véritablement de concurrence entre les grands groupes radiophoniques, à l’exception de la playlist qui permet de se distinguer des autres stations. La playlist doit représenter ce que les auditeurs veulent - 96 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française entendre et devient l’élément autour duquel se livre une véritable bataille entre radios concurrentes. A partir de l’ensemble des éléments mettant en lumière les principales évolutions de l’espace radiophonique français, nous pouvons émettre l’hypothèse que si les principaux réseaux radiophoniques analogiques français évoluent actuellement dans un cadre stationnaire, la playlist devient l’enjeu de la concurrence entre radios. - 97 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française A la suite des engagements conventionnels, lors des attributions de fréquences délivrées par le CSA, chaque opérateur radiophonique se conforme à un format musical précis qu’il convient de respecter. Afin de maintenir le budget des annonceurs, les responsables de la programmation doivent sélectionner les titres qui plaisent aux auditeurs. L’objectif qui consiste à respecter un format musical spécifique et en même temps rassembler le plus grand nombre d’auditeurs constitue un paradoxe. Les responsables de la programmation se trouvent face à des exigences contradictoires qui résident dans l’adoption d’un format musical unique et spécifique, représentatif d’un mode de vie et d’écoute particulière, mais qui doit plaire à tous. En parallèle, les pratiques culturelles des auditeurs français évoluent. Ces derniers ont à leur disposition différents moyens d’accès à la musique avec une offre reposant sur le choix du consommateur. Face aux évolutions des pratiques d’écoute de la radio, mais également face au contexte concurrentiel d’accès aux recettes publicitaires, les professionnels de la radio adoptent des critères de sélection des titres musicaux. La programmation est fréquemment renouvelée mais les titres qui plaisent doivent être maintenus au sein de la playlist pour avoir une chance de satisfaire un maximum d’auditeurs et ne pas manquer à la promesse de départ que constitue le format radio annoncé. Toute nouvelle introduction d’une œuvre musicale au sein de la playlist constitue un risque, car si celle-ci ne plait pas, l’audience et le budget des annonceurs diminuent. Les modalités de gestion et de captation d’audience auxquelles doivent faire face les radios musicales commerciales privées ne permettent pas de prise de risque artistique dans le choix des titres. Afin de réduire l’ensemble des risques, les professionnels de la radio ont recours à des études d’audience dont les résultats sont directement intégrés au sein des playlists. L’ensemble de ces outils s’inscrit dans une logique de prédiction. Il faut prévoir à l’avance ce que voudront entendre les auditeurs. Cette logique d’anticipation crée des phénomènes de croyance et de mimétisme au sein de l’espace radiophonique français, où les différentes stations commerciales copient les playlists de leur concurrente. Ce qui nous amène à formuler ainsi notre deuxième hypothèse : si - 98 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française les radios musicales commerciales sont soumises à des contraintes de gestion, la playlist apparaît comme l’espace où s’exprime le choix de l’importance et de la qualification de ce qui fait l’actualité musicale mais également des titres qui vont faire le succès d’une radio. De ce fait, la playlist constitue le lieu de sélection des titres qui vont connaître le succès et les titres qui vont connaître le succès se trouvent dans la playlist. - 99 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française Les relations entre l’industrie radiophonique et l’industrie de la musique enregistrée sont à l’origine des programmations musicales en radio. D’un point de vue historique, ces deux industries sont anciennes et se trouvent aujourd’hui dans une situation d’extrême concentration. Le milieu de l’industrie de la musique enregistrée comporte aujourd’hui quelques grands majors. Ces majors traversent depuis quelques années une crise économique concernant la vente des supports musicaux et doivent faire face à certaines modalités de gestions. Les relations entre l’industrie radiophonique et l’industrie de la musique enregistrée qui sont à l’origine des programmations musicales sont complexes. Ces deux industries culturelles travaillent pareillement pour la diffusion musicale avec un mode de fonctionnement et des contraintes économiques différentes. Les industriels et les diffuseurs optent pour un mode de fonctionnement propre à leur rentabilité respective. Néanmoins, le volume de diffusion d’une œuvre musicale en radio semble avoir un impact non négligeable sur son succès commercial. C’est pourquoi, les responsables promotion qui travaillent au sein de l’industrie de la musique enregistrée viennent d’eux-mêmes vers la radio afin de proposer les artistes qu’ils souhaitent voir programmer sur les ondes radiophoniques. Pour l’industrie radiophonique, l’industrie de la musique enregistrée est un fournisseur de contenu des programmes. Les intérêts de l’industrie radiophonique et de l’industrie de la musique enregistrée sont divergents. Si pour l’industrie de la musique enregistrée l’objectif est de proposer un maximum d’artistes aux radios, à l’inverse la vocation de l’industrie radiophonique consiste à sélectionner les titres qui correspondent au format musical d’origine. Ce qui nous amène à formuler notre troisième hypothèse : si les relations de l’industrie radiophonique et de l’industrie de la musique enregistrée sont basées sur un état de dépendance réciproque, elle n’en est pas pour autant source de conflits. Les relations de « conflit / complicité », « connivence / concurrence », sont à l’origine de la mise en avant d’une minorité d’artistes dans les playlists des radios analogiques NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. - 100 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 4.2 Inscription du sujet de l’étude dans des courants théoriques. Le cheminement de cette étude s’inscrit dans une logique théorique particulière puisqu’il s’agit d’analyser la complexité et les enjeux de la programmation musicale à partir d’un champ d’étude relativement atypique, celui des radios musicales commerciales françaises. Afin d’atteindre cet objectif, il nous apparait nécessaire de croiser plusieurs grilles d’analyses empruntées à différentes disciplines puisque c’est sur cette voie que s’inscrivent les sciences de l’information et de la communication. Nous allons exploiter l’approche de l’économie politique de la communication, la pragmatique linguistique et plus particulièrement l’analyse de discours, les travaux concernant la perception musicale et les études concernant les logiques managériales et mimétiques au sein des entreprises. Néanmoins, c’est dans une perspective stratifiée que nous souhaitons aborder les différents apports théoriques précités, car tous n’ont pas la même importance mais certains nous permettent de faire le lien entre eux. Ces différents points de vue nous permettent d’appréhender les logiques de diffusion des œuvres musicales sous plusieurs dimensions afin d’identifier les politiques de programmations des professionnels de la radio, les principales caractéristiques et les tendances évolutives des playlists. Si l’économie politique de la communication n’est pas un courant de pensée homogène et qu’elle rassemble en son sein différents points de vue théoriques, elle s’ouvre, à partir des années 1980, à de nouveaux champs de recherches et de nouveaux questionnements, tels que l’internationalisation des systèmes de communication, la concentration des firmes médiatiques, les phénomènes de domination, le rapport entre nouveaux médias et médias traditionnels, la sociologie des professionnels, la spécificité des produits culturels et l’équilibre entre création et programmation. La particularité de ce courant de pensée provient d’un apport de thématiques, de disciplines et de théories permettant de ne pas appréhender les questions d’ordre culturel - 101 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française uniquement d’un point de vue économique comme il est souvent d’usage. C’est ce que soulignent Armand et Michèle Mattelart à ce sujet : « les nouveaux paradigmes appellent la transversalité. N’ébranlent-ils pas les relations univoques que la pensée linéaire a établi entre la cause et l’effet, l’émetteur et le récepteur, le centre et le périphérique ? Ne remettent-ils pas en question le déterminisme exclusif qui a marqué une conception de l’histoire et du progrès ? Toutes visions linéaires qui se sont longtemps accommodées des cloisonnements des catégories conceptuelles et des disciplines. » (Mattelart et Mattelart, (1986), p. 262. Dans Miège B., 2004, « L’économie politique de la communication », http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/9423/HERMES_2004_3 8_46.pdf;jsessionid=FEA0FC1D17066B6DB7CBF8C2225BDFF4?sequence=1, consulté le 21/08/2009). Dès lors, l’évolution et l’orientation de la théorie des industries culturelles nous apparait pertinente pour notre étude, puisqu’elle envisage l’analyse des modalités d’organisation et de développement du culturel dans les médias grâce à des références et des instruments appartenant au domaine des sciences économiques. Elle nous propose d’articuler l’aspect culturel, politique, et économique que révèlent les programmations musicales, mais également d’appréhender les industries radiophoniques d’un point de vue diachronique et synchronique afin de comprendre l’évolution dans le temps et les contraintes actuelles des radios musicales commerciales françaises. Elle met en lumière les phénomènes de globalisation au sein des grands réseaux radiophoniques tout en prenant en considération les changements sociohistoriques, le rôle des instances de régulation et des politiques publiques en la matière. Elle insiste sur l’importance d’analyse des rapports sociaux au sein de l’industrie radiophonique. En d’autres termes, l’économie politique de la communication s’inscrit dans une approche pluridisciplinaire permettant l’appréhension de la structuration sociale des activités de programmation et enfin la prise en compte des pratiques professionnelles et des phénomènes socio-discursifs qui s’y rattachent (Ibid.). - 102 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française La pragmatique de la linguistique et l'analyse de discours qui prennent leur point de départ dans la théorie des actes de langage nous permettent d’appréhender dans cette étude, les phénomènes sociaux et le rôle des différents acteurs en présence, en termes d’enjeux des pratiques. Jürgen Habermas propose une théorie de « l’agir communicationnel » qui permet « une élucidation pragmatique-formelle du concept d’activité communicationnelle […] en suivant le fil directeur de l’activité langagière » (Habermas J., (1987), p. 91). Pour Jürgen Habermas, à côté de l’agir stratégique et instrumental, il existe un agir communicationnel axé sur le langage dirigé vers l’intercompréhension humaine. Tout locuteur, du fait qu’il est capable de comprendre et de se faire comprendre peut donner à ses affirmations une prétention à la validité universelle. Cette analyse pragmatique s’attache aux contextes performatifs des actes de langage. La théorie classique des actes de langage part de l’idée que le langage humain a une dimension performative, qu’il est un moyen par lequel nous pouvons agir sur les autres, influencer et convaincre. Ainsi, les propos ne sont pas seulement des mots qui décrivent une réalité mais ils visent la réalisation d’actions. La théorie des « speech acts » s’intéresse aux interactions humaines, à la co-construction des discours, « aux manifestations discursives des conflits de représentations, à la présence du sujet dans son énoncé, à ses stratégies argumentatives » et « aux formes manifestes de sa capacité autoréflexive » (Bonnafous S., 2006, p 219). Les mots et les tournures de phrases employés ne sont pas seulement révélateurs d’un positionnement professionnel et idéologique, mais ils sont également le lieu d’affrontements. C’est pourquoi, la démarche de l’analyse de discours, à la frontière entre la linguistique et les sciences humaines, nous permet alors d’envisager la dimension explicite et implicite que révèlent les propos des responsables de la programmation musicale. Elle nous invite à appréhender les représentations que se font les responsables de la programmation musicale de leur profession dans une dimension aussi bien individuelle que collective. - 103 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française Ensuite, nous allons nous appuyer sur quelques travaux concernant la perception et la cognition musicale. La musique est l’élément central de la programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Pour comprendre les logiques de programmation musicale radiophonique d’un point de vue global, il est nécessaire d’appréhender les différentes dimensions que revêt la musique. La perception musicale humaine requiert une dimension biologique, sociologique, psychologique et réfère au vécu individuel. Mais alors, compte tenu du caractère multidimensionnel que revêt la musique, comment programmer les titres musicaux qui vont plaire ? Si les responsables de la programmation ont plus ou moins conscience de la spécificité des œuvres musicales, les études d’audience, les recherches en marketing au sein de l’espace radiophonique afin de mieux connaître les goûts musicaux et le profil des auditeurs ont pour objectif de satisfaire les goûts musicaux du plus grand nombre. Néanmoins, afin d’interroger les goûts musicaux des auditeurs, encore faut-il que ces derniers soient capable de reconnaître les titres qui leur sont donné à juger. L’appréciation d’un titre musical passe nécessairement par une phase de mémorisation. Se pose alors la question des différents stades nécessaires à la mémorisation d’un son. La perception et la mémorisation auditive humaines se situent au centre du mode de diffusion musical radiophonique actuel et la diffusion en boucle de quelques titres sur les antennes radiophoniques va dans ce sens. Bien entendu, nous n’allons pas mener une étude sur la réception musicale puisque nous avons choisi de situer notre travail du point de vue des stratégies de programmation musicale au sein des radios analogiques françaises NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Nous allons illustrer cette étude à l’aide de réflexions permettant de comprendre l’éventuel impact des phénomènes répétitifs des playlists sur le psychisme humain. Nous allons donc nous situer dans cette partie dans une perspective analytique, plus ou moins extérieure aux logiques de programmation des professionnels. - 104 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française Enfin, les études managériales apportent des éléments de compréhension aux logiques de programmation d’un titre musical en playlist. Les réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 constituent leur programmation en fonction d’une cible d’audience et d’un positionnement musical spécifique. Il n’est pourtant pas rare que les playlists des différentes stations comportent de nombreux titres en commun. La nécessité de différenciation des programmations musicales est-elle la seule alternative permettant d’obtenir un avantage concurrentiel au sein de l’espace radiophonique ? Comment expliquer la présence simultanée d’un même titre au sein des playlists de radios concurrentes et dont le format musical est spécifique ? Pourquoi les radios adoptent-elles plus ou moins les mêmes titres au sein de leur playlist alors qu’elles cherchent à se démarquer les unes des autres ? Différents courants de pensée empruntés aux sciences économiques, aux sciences de la gestion ou encore en stratégie proposent des éléments de réponse explicatifs aux comportements imitatifs. C’est dans une démarche interprétativiste que nous souhaitons aborder les phénomènes de mimétisme au sein de l’espace radiophonique. Pour ce faire, nous allons nous appuyer sur les analyses de John Maynard Keynes, Gomez, DiMaggio et Powell mais encore Levitt, Schnaars, et Phillipe Mouricou. Notre objectif est d’améliorer la compréhension de l’imitation et des stratégies de programmation des responsables de la programmation musicale au sein des réseaux français NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. - 105 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 4.3 Démarche de validation des hypothèses. Afin de confirmer ou infirmer nos hypothèses de départ, nous allons procéder en plusieurs étapes. Le champ de notre étude étant composé de différents groupes sociaux en interaction, l’analyse nécessite la prise en considération des différents points de vue à l’œuvre au sein de l’espace radiophonique. Notre démarche générale consiste donc à appréhender ce qui est observable (étude de données chiffrées) pour aller vers le moins visible et le moins explicite (étude des stratégies d’acteurs). Le contenu effectif des playlists des réseaux radiophonique NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 constitue la base de notre analyse. Pour des raisons d’exhaustivité nous allons nous appuyer sur les rapports annuels fournis par l’Observatoire de la Musique (instance de référence en matière de confection et d’analyse des indicateurs de la diversité musicale à la radio en France). L’ensemble des données quantitatives et qualitatives réalisé par l’Observatoire de la Musique va nous permettre entre autre d’observer le contenu effectif des playlists des groupes radiophoniques étudiés. Nous allons ensuite nous intéresser aux stratégies des différents acteurs sociaux en présence. Ces données, non visibles au premier abord, seront observables grâce au recueil de témoignages. Dans un premier temps, nous allons confirmer à l’aide d’un questionnaire les réelles inquiétudes des groupes musicaux face à la diffusion musicale au sein des playlists des groupes radiophoniques thématiques. Dans un deuxième temps, nous allons interroger les professionnels qui sont à l’origine de la programmation musicale à la radio. Le travail d’investigation empirique retenu comporte ainsi le recueil des propos des professionnels de l’industrie radiophonique et de l’industrie de la musique enregistrée sur leurs pratiques de programmation et le mode de fonctionnement des deux industries respectives. Nous allons observer les habitudes et les stratégies de programmation d’un titre au sein des playlists, - 106 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française ainsi que les contraintes économiques et concurrentielles auxquelles sont confrontés les grands groupes radiophoniques. L’étude des stratégies d’acteurs est essentiellement concentrée sur un corpus d’énoncés, de passages comportant des thèmes ou expressions jugés intéressantes. L’analyse lexicale de ces passages est fondée sur la comparaison des contextes d’emploi par le biais d’une analyse qualitative et contrastive. Dans un troisième temps, la mise en corrélation du contenu effectif des playlists au discours des programmateurs musicaux nous apparaît ensuite comme déterminante dans la démarche de validation des hypothèses de ce travail. - 107 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française 4.4 Définition du sujet sur une période donnée et définition du corpus. Une démarche essentielle pour les sciences de l’Information et de la communication consiste à appréhender l’analyse d’un média en termes de concurrence. C’est la raison pour laquelle notre sujet s’inscrit sur une période donnée qui correspond aux mouvements de concentration dans les médias et aux mutations en cours opérés par le développement des Technologies de l’Information et de la Communication. L’essor des réseaux permettant de partager des fichiers musicaux mais également le développement des radios numériques sur le Net proposent une offre musicale conséquente et diversifiée qui évoque, par comparaison, nombre de questions sur la légitimité et les spécificités de la radiodiffusion analogique. C’est dans ce contexte en perpétuelle évolution que nous souhaitons situer notre recherche. Néanmoins, l’intérêt des pouvoirs publics en matière de diversité musicale et la mise en place d’une structure d’observation de la filière musicale relativement tardive en France déterminent la période d’analyse de notre sujet. Antérieurement à l’année 2003, date à laquelle correspond le premier rapport de l’Observatoire de la Musique, nous n’avons pas d’études permettant de mesurer la diversité musicale dans les radios. Les quelques études préexistantes, avant la mise en place de l’Observatoire de la Musique, n’ont pas fait l’objet de protocoles rigoureux et d’une reconnaissance par le Ministère de la Culture. C’est pourquoi, nous nous baserons dans notre étude sur les références en matière de confection et d’analyse des indicateurs de la diversité musicale dans les radios de l’année 2003 à 2007. L’analyse évolutive des programmations et des playlists réalisée sur cinq ans nous permet ainsi d’apporter un éclairage sur les politiques de programmation des radios commerciales françaises. Nous avons pour ce faire sélectionné un panel de radios sur lesquelles nous allons nous appuyer pour comprendre les logiques de programmations musicales à l’œuvre en France. L’espace radiophonique français comprend les opérateurs privés (NRJ, Fun Radio, Skyrock, Europe 1 et Virgin Radio, RTL et RTL 2, RFM, Nostalgie, Rire & Chansons, MFM et Chérie FM), les radios du groupe Radio - 108 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française France (France Inter, France Bleu, FIP et le Mouv’), les radios indépendantes (Ado FM, Alouette FM, Champagne FM, Contact FM, Hit West, Kiss FM, Oui FM, Radio 6, Radio Scoop, Sud Radio, Top Music, Vibration, Vitamine, Voltage et Wit FM, Skyrock et MFM) et enfin les radios associatives représentées par les fédérations Iastar (International Association of Student Television and Radio), Férarock (Fédération des radios associatives musiques actuelles Radios de découverte), le Conseil National des Radios Associatives et le Syndicat National des Radios Libres. Ces radios peuvent également être classées par groupe d’opérateurs, à savoir : le groupe NRJ (dont NRJ, Chérie FM, Nostalgie et Rire & Chansons), le groupe RTL (avec RTL, RTL 2 et Fun Radio), le groupe Lagardère Active (qui dispose d’Europe 1, Virgin radio et RFM), le groupe Radio France (dont : France Inter, France bleu, FIP et le Mouv’) et enfin le « groupe des stations indépendantes » représenté par le SIRTI à l’exception de Skyrock et de MFM. Ces radios possèdent un format musical prédéfini qui est fonction de leur positionnement et de leur cible. Nous distinguons quatre principaux formats radiophoniques : les radios « jeunes » qui convoitent les 13-24 ans, les radios « jeune-adulte » qui s’adressent aux 25-34 ans, les radios « adulte » qui ciblent les 35 et plus et enfin les radios généralistes. Pour notre étude nous nous intéresserons uniquement aux groupes privés qui possèdent un format « jeune » et « jeune-adulte ». Nous avons donc retenu un échantillon de cinq radios, pour des raisons d’exhaustivité mais également à partir de critères précis. Ces radios représentent au moins un des groupes d’opérateurs privés français. Nous avons NRJ pour le groupe NRJ, Fun Radio et RTL2 pour le groupe RTL, Virgin Radio pour le groupe Lagardère Active et enfin Skyrock. Les réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ont pour particularité de diffuser des programmations musicales spécialisées, plus ou moins composées de nouveautés, à destination d’auditeurs jeunes, sensibles aux phénomènes de mode et pour certains dont les goûts musicaux sont en formation. Ces stations musicales sont implantées dans des bassins de population importants et possèdent de forts taux d’audiences. Le choix des radios retenues s’est donc - 109 - Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française opéré à partir des critères d’audience, de format et de couverture du territoire français. Les radios de notre panel ne représentent donc pas l’espace radiophonique dans son ensemble et nous avons expressément exclu de notre recherche les réseaux musicaux appartenant au service publique comme Le Mouv’, Fip, RFM et les radios musicales associatives puisque ces dernières possèdent un réseau FM incomplet qui ne recouvre pas l’ensemble du territoire français et d’autres possèdent des taux d’audience faibles. - 110 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs DEUXIEME PARTIE ANALYSE DES PROGRAMMATIONS MUSICALES ET DES STRATEGIES D’ACTEURS AU SEIN DES RESEAUX ANALOGIQUES NRJ, FUN RADIO, SKYROCK, VIRGIN RADIO ET RTL2. L’objectif dans cette deuxième partie consiste à analyser le contenu des playlists et les stratégies d’acteurs qui sont à l’origine des programmations musicales des réseaux analogiques NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Dans le cadre d’une approche communicationnelle, notre volonté est de questionner le point de vue des différents acteurs sociaux en présence et de recueillir leurs propos dans un premier temps. Ensuite, l’analyse de la forme et de la nature des différents discours, en tenant compte de la situation de communication dans laquelle elles sont intégrées, va nous permettre de distinguer les stratégies développées par les professionnels de la radio en vue de légitimer leurs sélections musicales. - 111 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 1. L’enquête. 1.1 Méthodologie de l’enquête. Le présent chapitre, expose la méthodologie utilisée pour mener à bien l’enquête de terrain. L’objectif de la présente étude consiste à déterminer les logiques de sélection et de diffusion des œuvres musicales mais également d’analyser les programmations des radios commerciales françaises en termes de diversité musicale. Nos choix méthodologiques se sont naturellement portés vers l’analyse des playlists des réseaux étudiés, la méthode de questionnaires et d’entretiens semi directifs. Dans un premier temps, l’analyse du contenu effectif des programmations musicales s’est avérée pertinente. Afin d’obtenir un point de vue évolutif des programmations, le détail des contenus des programmations musicales et des playlists, à partir de quatre indicateurs de diversité musicale, s’est imposé. L’analyse contrastive des programmations sur une durée déterminée de cinq ans permet ainsi de faire un état des lieux de la diversité musicale. Dans un deuxième temps, il est apparu nécessaire de récolter les différents points de vue des acteurs en présence, à savoir le point de vue des groupes musicaux, des responsables de la programmation des radios musicales et des responsables promotion rattachés à l’industrie de la musique enregistrée. Pour ce faire, nous avons d’abord proposé un questionnaire aux groupes musicaux afin de connaître leurs rapports au média radiophonique en termes de communication et de promotion. Nous avons ensuite interrogé les acteurs de l’industrie radiophonique et ceux de l’industrie de la musique enregistrée sur leurs pratiques professionnelles respectives. Dans un troisième temps, à l’aune de l’ensemble de ces données récoltées, nous allons détailler les différents critères permettant aux professionnels de programmer un titre musical au sein des playlists afin d’observer s’ils s’inscrivent dans une exigence de mise en avant de la diversité musicale. Au cours des chapitres suivants, nous allons appréhender la conception et la réalisation du questionnaire à destination des groupes musicaux, la conception - 112 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs et la réalisation du guide d’entretiens à destination des professionnels mais également la création de pré-test, la mise en place de l’échantillonnage et du travail de terrain lui-même. Enfin, seront abordés le traitement et l’analyse des données récoltées auprès des professionnels en interaction au sein de l’espace radiophonique. - 113 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 1.2 Les critères d’analyse des programmations musicales et des playlists. Nous nous somme appuyés, dans cette partie, sur l’analyse de l’Observatoire de la Musique qui réalise des rapports annuels sur la diversité à la radio à partir de la base des diffusions musicales recensées 24h sur 24 et sept jours sur sept par la société Yacast. L’Observatoire de la Musique distingue deux niveaux de lecture organisée autour du concept de la diversité musicale. Il s’agit d’une analyse basée sur des indicateurs internes et externes à l’espace radiophonique. Les indicateurs externes sont représentatifs des chiffres clés de la diffusion musicale. Ils expriment la diversité globale de l’espace radiophonique, sachant que l’Observatoire de la Musique se base sur un panel de trente-et-une radios comprenant également les radios généralistes. Les indicateurs internes quant à eux expriment la stratégie et/ou le marketing des radios, ainsi que la contribution des radios à la diversité musicale. Il s’agit de l’analyse des critères de programmation et/ou de positionnement des radios. Pour notre part, nous allons nous baser essentiellement sur les indicateurs internes puisque nous nous intéressons, dans notre étude, uniquement aux stations musicales à fortes audiences dont NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 et non pas à l’ensemble des radios au sein de l’espace radiophonique français. Nous avons ainsi sélectionné et pris en compte quatre indicateurs de diversité nous permettant différents niveaux de lecture : • La répartition de la diffusion par genres musicaux. • La part des nouvelles entrées en playlist • La part du top 40 des titres les plus diffusés • Les grilles de rotation des titres musicaux La répartition de la diffusion par genres musicaux permet de voir l’évolution en pourcentage des différents genres musicaux diffusés sur les radios du panel entre l’année 2003 et 2007. L’Observatoire de la Musique distingue huit catégories musicales, à savoir, la variété française, la variété - 114 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs internationale, le pop-rock, le groove, la dance, le rap, le reggae/musiques du monde, et enfin le classique/jazz/blues. Il est à noter que certaines radios du panel sont spécialisées dans un genre musical donné. Une radio est considérée comme spécialisée lorsqu’elle consacre plus de 50% dans le même genre musical. Pour notre panel, c’est le cas par exemple de Fun Radio qui est spécialisée dans le genre dance ou encore Virgin Radio et RTL2 qui sont spécialisées dans le genre pop rock. L’observation des nouvelles entrées au sein des playlists permet de connaître la réactivité d’une radio et sa capacité à réactualiser sa programmation musicale. Ce sont les nouveautés entrées en playlists qui constituent la part du top 40. L’objectif étant d’affiner l’analyse des programmations musicales des radios du panel, la part du top 40 est considérée comme un élément déterminant car il révèle les stratégies et le positionnement de chaque radio les unes part rapport aux autres. C’est pourquoi, notre troisième indicateur de diversité musicale concerne la part du top 40. Enfin, nous nous intéressons aux grilles de rotation des titres musicaux. Il s’agit du nombre de fois où un titre est diffusé à l’antenne. L’effet conjugué du choix de titres dans une playlist et du rythme de rotations relève également de la stratégie de positionnement des radios du panel entre elles. L’analyse des rotations moyennes des titres internationaux et francophones n’a pas été prise en compte pour notre analyse à cause d’un ensemble de paramètres complexes à considérer. En effet, il faut rappeler qu’au regard de la réglementation des quotas, dès lors qu’un titre est chanté en anglais, il se retrouve classé comme titre anglo-saxon, même si l’artiste est français. De nombreux artistes se trouvent ainsi classés comme artistes anglophones, ainsi que leurs titres. De plus, la loi sur les quotas de chansons françaises est largement détournée par les responsables des programmations comme nous allons le voir dans les entretiens semi-directifs. - 115 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 1.3 La réalisation des questionnaires à destination des groupes musicaux. Les groupes musicaux ont d’abord été interrogés puisque ce sont les premiers concernés par la diffusion radiophonique. L’objectif étant de connaître le point de vue de l’ensemble des groupes musicaux, tout genre musical produit et tout statut confondu (musiciens amateurs, en voie de professionnalisation et professionnels), la réalisation d’un questionnaire à la frontière du qualitatif et du quantitatif s’est avéré nécessaire afin de faciliter l’interprétation des résultats obtenus. La méthode du questionnaire ne correspond pas à une méthodologie traditionnelle mais c’était une façon d’éviter des réponses aléatoires. Dans un premier temps, le questionnaire devait être diffusé par l’intermédiaire d’associations culturelles, de salles de répétitions, de productions et d’enregistrements où se retrouvent régulièrement les groupes de musique dans différentes régions de l’hexagone. Néanmoins, la réalisation de pré-test dans la région grenobloise et lyonnaise a orienté différemment nos recherches. A la suite du dépôt d’une trentaine de questionnaires dans la région grenobloise et lyonnaise auprès des associations et lieux de concerts Eve, Magic bus, L’ar-ti-cho, La Bobine et le Citron, les questionnaires tardaient à revenir et les quelques résultats obtenus n’étaient pas complets. Une méthode plus rapide permettant d’obtenir les réponses aux questionnaires dans leur intégralité a donc été privilégiée. Nous nous sommes tournés vers le site Internet de réseau social Myspace qui met gratuitement à disposition de ses membres un espace web personnalisé. Ce site est également connu pour héberger de nombreuses pages Internet de groupes de musique qui entreposent, présentent leurs compositions musicales et annoncent leurs concerts à venir via cette interface. Ainsi une page Myspace3 a été créée en expliquant brièvement l’objet de la recherche et proposant le questionnaire en ligne. Le questionnaire a été réalisé à partir d’un générateur de formulaire proposé gratuitement sur le Net. Le programme est fait de sorte que nos 3 La page est consultable à l’adresse suivante : http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile &friendid=295722510 - 116 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs interlocuteurs choisissant d’y répondre soient obligés de remplir l’intégralité des champs proposés pour pouvoir valider et envoyer le questionnaire. A chaque fois qu’un questionnaire était correctement effectué un email contenant les résultats nous parvenait. Dans le cas échéant, le questionnaire était automatiquement renvoyé dans la boîte mail de l’émetteur. De plus, le formulaire identifiait les points de connexion de l’utilisateur, ceci permettait d’éviter qu’un même utilisateur réponde deux fois au questionnaire. Cinquante questionnaires ont ensuite été sélectionnés parmi l’ensemble des réponses obtenues. Cette sélection s’est faite en fonction du lieu géographique des réponses afin d’obtenir une certaine représentativité du territoire français. Dix questionnaires provenant des cinq régions présentes sur les cinq points de la carte française en provenance de Paris, Strasbourg, Marseille, Grenoble et Lyon ont ainsi été choisi. Le questionnaire mis en ligne et auquel nos interlocuteurs ont été soumis a été proposé sous la forme suivante : Nous effectuons une étude sur les programmations des radios commerciales françaises NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin radio et RTL2. Nous avons besoin de votre collaboration en remplissant ce court formulaire qui nous permettra de mener à terme notre étude. Nous vous remercions par avance de votre intérêt et de votre participation. 1) Nom du groupe : ____________________________________ 2) Genre de musique : Variété française/Chanson française Indie/Pop/Rock Hard/Metal/Heavy Metal Rap/Hip Hop/R’nB/Soul Drum’n Bass/Jungle - 117 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Musiques électroniques Musiques classiques Musiques du monde Jazz & Blues Ska/Reggæ World Music Autre (précisez) : _________________________________ 2) Statut du groupe : Professionnel En voie de professionnalisation Amateur 4) Depuis combien de temps votre groupe existe-t-il ?_____________________ 5) La musique que vous produisez est-elle diffusée sur les radios musicales françaises ? Oui Non Si vous avez coché « oui », votre musique est diffusée sur : (Vous pouvez cocher plusieurs réponses) Des radios associatives Lesquelles ?_____________________________________________________ _______________________________________________________________ Des radios locales privées Lesquelles ?_____________________________________________________ _______________________________________________________________ - 118 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Des radios nationales musicales Lesquelles ?_____________________________________________________ _______________________________________________________________ Des radios généralistes Lesquelles ?_____________________________________________________ _______________________________________________________________ Si vous avez coché « non » à la question n°5, avez- vous déjà tenté de passer sur les radios musicales de la FM ? Oui lesquelles ?________________________________________________ _______________________________________________________________ Non pourquoi ?_________________________________________________ _______________________________________________________________ 6) Selon vous, passer à la radio favorise-t-il la notoriété et la carrière des groupes/artistes ? Oui Non Si vous avez coché « oui » pourquoi ?_______________________________________________________ _______________________________________________________________ Si vous avez coché « non » pourquoi ?_______________________________________________________ _______________________________________________________________ - 119 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 7) D’après vous, les radios musicales commerciales sont-elles réticentes à diffuser des groupes peu connus ? Oui Pourquoi ?_________________________________________________ _______________________________________________________________ _______________________________________________________________ Non Pourquoi ?_________________________________________________ _______________________________________________________________ _______________________________________________________________ 8) Est-il plus facile de faire connaître votre production musicale sur des radios du net ? Oui pourquoi ?_________________________________________________ _______________________________________________________________ _______________________________________________________________ Non pourquoi ?_________________________________________________ _______________________________________________________________ _______________________________________________________________ 9) Pour vous, afin de se faire connaître du grand public les concerts sont : Aussi importants que la radio Pourquoi ?_______________________________________________________ _______________________________________________________________ _______________________________________________________________ - 120 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Plus importants que la radio Pourquoi ?_______________________________________________________ _______________________________________________________________ _______________________________________________________________ Moins importants que la radio Pourquoi ?_______________________________________________________ _______________________________________________________________ _______________________________________________________________ _________________ Renseignements généraux Quelle activité professionnelle exercez-vous ? Elève Etudiant Cadre/Profession libérale Collégien Ouvrier Demandeur d’emploi Lycéen Employé/Technicien Autres Lieu d’habitation : ____________________________________________ - 121 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 1.4 La réalisation des entretiens à destination des professionnels. Pour compléter l’analyse du processus de programmation, nous avons procédé à deux séries d’entretiens semi-directifs. La première série d’entretiens à été réalisée auprès des responsables de la programmation musicale des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. La deuxième série a été effectuée auprès des responsables promotion en radio rattachés à l’industrie de la musique enregistrée. La visée qualitative de ces entretiens a pour objectif de mettre en évidence les représentations que les acteurs en présence ont de leurs activités professionnelles et de proposer un état des lieux concernant les critères de sélection des titres musicaux au sein des réseaux de notre panel. En d’autres termes, il s’agit d’analyser la façon dont les diffuseurs et les industriels perçoivent leurs relations mutuelles à l’origine des programmations musicales, à travers les discours qui accompagnent leurs pratiques. A partir de l’analyse de leurs propos, il devient ainsi possible de comprendre les règles professionnelles en fonction desquelles agissent les responsables des programmations, mais également de discerner les représentations existantes au sein de l’espace radiophonique, les codes et les normes de travail que ces professionnels adoptent. Les responsables de la programmation musicale et les responsables promotions rattachés à l’industrie de la musique enregistrée travaillent ensemble. Les industriels proposent aux radios les artistes qu’ils souhaitent promouvoir. Les interactions et le point de vue de ces différents acteurs apparaissent déterminants pour la compréhension des logiques de programmation musicales. Cependant, la démarche de recueil du discours des professionnels comporte un biais méthodologique car il existe toujours un décalage entre les discours et la réalité des pratiques professionnelles. Ainsi l’analyse de discours réalisée dans cette étude correspond davantage au discours des acteurs sur leur pratique qu’aux pratiques elles-même. Quinze entretiens ont été réalisés par téléphone et retranscrits dans leur intégralité. A partir de ces données recueillies nous avons procédé à l’analyse thématique croisée entre les propos tenus par les diffuseurs - 122 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs et les industriels, d’une part. D’autre part, nous avons mis en évidence les différences entre les discours des diffuseurs (Ile-de-France/Régionaux) et ceux des industriels de la musique (Majors/Labels indépendants). Les deux types d’entretiens semi directifs débutent par une présentation brève des personnes interrogées sur leur activité professionnelle. La séquence de questions qui suivt est établie de telle sorte que les réponses données ne soient pas influencées par les questions précédentes. La structure des entretiens est construite selon le guide d’entretient suivant : • Parcours professionnel et spécificité de l’activité au sein de l’institution. • Vocation des radios musicales et de l’industrie de la musique enregistrée. • Rôle et objectifs des programmations musicales. • Relations entre diffuseurs et industriels. • Spécificité des préoccupations de gestion des diffuseurs et des industriels • Importance des études de marché. • Conséquences de la concurrence. • Perception de l’évolution historique. Les entretiens à destination des programmateurs radio ont d’abord fait l’objet d’un pré test auprès d’un panel de radios locales sur Grenoble (Hot radio, New’s FM et Max FM). Les entrevues réalisées nous ont permis de déceler divers éléments. Les responsables des programmations utilisent un vocabulaire spécifique aux programmations musicales, issue de la culture anglo-saxonne où la programmation radiophonique trouve ses origines. En discutant avec les programmateurs des radios musicales commerciales locales grenobloises, nous nous sommes aperçu que ces dernières calquaient leurs programmations musicales à partir des classements des titres les plus diffusés dans les playlists des grands groupes radiophoniques français. Il existe des classements des titres musicaux proposés par la société privée Yacast, que les - 123 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs radios locales, qui ne sont pas en mesure de financer des études de sondage, peuvent facilement se procurer sur le Net. La séquence de questions concernant les sondages réalisés auprès des audiences n’était donc pas réalisable dans ce contexte. Néanmoins, malgré quelques questions sans réponse, puis quelques reformulations de l’entretien, les pré-tests furent convaincants. Nous avons ainsi opté pour réaliser directement notre enquête de terrain auprès des réseaux radiophoniques analysés dans notre étude, mais ce dans un premier temps, au niveau régional. Pour des raisons d’opérationnalité, les entretiens semi-directifs n’ont pas pu être réalisés en face-à-face mais uniquement par téléphone. Cette méthode a permis d’éviter de nombreux déplacements et d’obtenir plus facilement les témoignages de nos interlocuteurs dont la disponibilité est assez restreinte. C’est ainsi que les radios NRJ à Grenoble, Fun Radio à Marseille, Skyrock à Dunkerque, Virgin Radio à Strasbourg et RTL2 à Bordeaux, présentes sur les cinq points de la carte française ont été interrogées et ce dans un souci de représentativité. A la suite de la première série d’entretiens, il était nécessaire de se tourner vers les responsables des programmations en région parisienne puisque ce sont précisément eux qui régissent les programmations de l'ensemble du territoire français. Si les entretiens réalisés au niveau régional ont été relativement facile à obtenir, ce fut plus difficile pour Paris. Certaines stations ont été plus réactives que d’autres et l’ensemble des entretiens s’est étalé sur deux ans. Seul le réseau RTL2 parisien n’a pas souhaité répondre à l’enquête. Les différentes personnes interrogées ont donc été soumises à l’entretien semi directif sous sa forme finale, comme suit : ● La première série de questions concerne la personne interrogée 1) Quel est le poste que vous occupez actuellement ? 2) Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? 3) Quel est votre parcours professionnel ? 4) Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ? - 124 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs ● La deuxième série de questions concerne la programmation musicale et la constitution de la playlist 5) Les programmations musicales correspondent-elles à une couleur musicale précise ? 6) Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists, à radio X? 7) Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la playlist de radio X ? 8) Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la playlist de radio X ? 9) Les playlists sont-elles communes à l’ensemble du réseau X ? ● La troisième série de questions concerne les obligations et directives en matière de programmation musicale. 10) Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur radio X ? 11) Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à radio X? 12) La loi sur les quotas de chansons françaises constitue-t-elle une dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de radio X ? ● La quatrième série de questions s’intéresse aux interactions entre industriels et diffuseurs. 13) Quelles sont les modalités de communication avec les responsables promotion en radio ? 14) Comment caractériseriez-vous ces relations ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale - 125 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 15) Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? 16) Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la diffusion musicale à la radio ? ● La cinquième série de questions a pour objet l’analyse des stratégies de programmation 17) Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le contenu musical de la radio et dans quel but ? 18) Quelles sont les répercussions de ces études dans la promotion des artistes et le contenu des playlists ? 19) Trouvez-vous des points communs ou au contraire des différences avec la diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ? ● La sixième série de questions interroge les interviewés sur leur fonction précise au sein de radio X. 20) Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu radiophonique ? 21) Selon vous la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ? 22) Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous et quels termes utiliseriez vous si vous deviez donner une définition propre à radio X ? 23) Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du métier de programmateur à la radio ? Programmation à la demande ? Sur le net ? - 126 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Nous avons ensuite procédé de la même façon pour réaliser les entretiens semi-directifs à destination des responsables promotion ou des attachés de presse au sein de l’industrie de la musique enregistrée. Les labels régionaux Jarring effect label, Les Disques Aliénor, Nomme et les Majors Polydor, Sonymusic, et EMI ont été interrogés. Nos interlocuteurs ont été sélectionnés en fonction de leur point de vue particulier au sein de la filière musicale. Les demandes d’entretiens se sont relativement bien déroulées et les interviews ont été plus faciles à obtenir. Les industriels se sentant moins personnellement impliqués par la thématique de notre recherche, ils ont, de fait, montré moins de réticence à répondre. Ainsi, l’entretien a été proposé comme suit auprès des responsables promotion ou des attachés de presse : ● La première série de questions concerne la personne interrogée : 1) Quel est le poste que vous occupez actuellement ? 2) Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? 3) Pourriez-vous décrire votre activité au sein de X ? ● La deuxième série de questions s’intéresse aux stratégies pour promouvoir un artiste : 4) Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion d’un artiste au sein des playlists des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? 5) Quels sont les enjeux de la diffusion radiophonique pour un artiste et pour les maisons de disques ? 6) Sur un budget total consacré à un artiste, quelle est la part du budget en pourcentage consacrée à la promotion ? 7) On entend souvent dire que l’investissement des budgets marketing sur les gros artistes permet de faire vivre les petits artistes, pourquoi ? - 127 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs ● La troisième série de questions s’intéresse aux relations entre diffuseurs et industriels : 8) Avez-vous des contacts directs avec les programmateurs radio, les directeurs de programmation ou les conseillers artistiques des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? 9) Comment caractériseriez-vous ces relations avec les professionnels de la radio ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale 10) Quelles stratégies utilisez-vous pour négocier la programmation d’un titre au sein des playlists des réseaux Nrj, Fun radio, Skyrock, Virgin radio et RTL2 ? 11) Est-ce que vous considérez faire de plus en plus d’efforts auprès des programmateurs radio afin de négocier le passage d’un artiste dans les playlists ? 12) Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? ● La quatrième série de questions interroge l’interviewés sur leur corps de métier : 13) Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la diffusion musicale ? 14) Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession ? - 128 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 2. L’évolution des programmations musicales de 2003 à 2007. 2.1 La répartition de la diffusion par genres musicaux. Dans un premier temps, nous allons analyser la répartition de la diffusion par genres musicaux au sein des programmations des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Les différents genres diffusés dans les programmations des radios de notre panel constituent notre premier indicateur de diversité. Il s’agit d’observer, d’après la nomenclature des genres musicaux proposés par l’Observatoire de la Musique, la répartition de la diffusion de la variété française, de la variété internationale, du pop/rock, du groove, de la dance, du rap, du reggae et des musiques du monde et enfin du classique, du jazz et du blues au sein des programmations des radios du panel. Pour plus de clarté, nous avons présenté sous forme de représentations graphiques, les chiffres clés de la diffusion par genres musicaux afin d’étudier l’évolution des programmations musicales des radios du panel. Les histogrammes qui suivent représentent donc la part en pourcentage des différents genres musicaux diffusés sur une durée déterminée de cinq ans de l’année 2003 jusqu’à l’année 2007 sur les réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. - 129 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Variété française 20 18 16 pourcentage 14 NRJ 12 Fun Radio 10 Skyrock 8 Europe 2 RTL2 6 4 2 0 2003 2004 2005 2006 2007 année Variété internationale 14 12 pourcentage 10 NRJ Fun Radio 8 Skyrock 6 Europe 2 RTL2 4 2 0 2003 2004 2005 année - 130 - 2006 2007 Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Pop Rock 90 80 pourcentage 70 60 NRJ 50 Fun Radio Skyrock 40 Europe 2 30 RTL2 20 10 0 2003 2004 2005 2006 2007 année Groove 70 60 pourcentage 50 NRJ Fun Radio 40 Skyrock 30 Europe 2 RTL2 20 10 0 2003 2004 2005 année - 131 - 2006 2007 Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Dance 60 50 pourcentage 40 NRJ Fun Radio 30 Skyrock Europe 2 RTL2 20 10 0 2003 2004 2005 2006 2007 année Rap 60 50 pourcentage 40 NRJ Fun Radio 30 Skyrock Europe 2 RTL2 20 10 0 2003 2004 2005 année - 132 - 2006 2007 Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Reggae / Musique du monde 12 10 pourcentage 8 NRJ Fun Radio 6 Skyrock Europe 2 RTL2 4 2 0 2003 2004 2005 2006 2007 année Classique / Jazz / Blues 0,7 0,6 pourcentage 0,5 NRJ Fun Radio 0,4 Skyrock 0,3 Europe 2 RTL2 0,2 0,1 0 2003 2004 2005 année - 133 - 2006 2007 Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Les données proposées par l’Observatoire de la Musique soulignent, entre l’année 2003 et 2007, l’absence ou la très faible représentation des genres classiques, jazz et blues au sein des programmations des radios du panel appartenant au format jeune et jeuneadulte. Avec un pourcentage nul, les stations de format jeune ont donc choisi d’exclure totalement ces genres musicaux de leur programmation leur étant consacrée. Seules les deux radios de format jeune-adulte, Europe2 et RTL2, proposent une diffusion très faible de classique, de jazz et de blues qui atteignent 0,1% et 0,3% en 2007. La variété française, qui est principalement programmée sur les radios de format jeune-adulte, voit une progression sur ce type de stations. Europe2 et RTL2 accordent 11,5% et 18,3% de part de diffusion pour l’année 2007 contre 6,3% et 17,5% en 2003 à la variété française. Fun Radio consacre une très faible part à la variété française qui est de 1% et NRJ passe de 14% de sa diffusion en 2003 à 12,7% en 2007. Quant au réseau Skyrock, ce dernier a choisi, dès le départ, d’exclure de sa programmation la variété française qui affleure les 0,3% en 2005 et représente 0% en 2007. La variété internationale est en baisse pour l’ensemble des radios du panel et faiblement représentée par le réseau Skyrock qui le la supprime totalement de sa programmation en 2007. C’est un genre musical principalement diffusé par RTL2 avec 10,3% de part en diffusion en 2007. Les autres radios lui consacrent entre 5,1% et 2,5% de leur programmation pour l’année 2007. A partir de ces premiers constats, nous pouvons émettre l’hypothèse suivante : face aux critiques émises au sein de la filière musicale concernant la surreprésentation des titres internationaux et notamment anglosaxons, face à la loi sur les quotas de chanson d’expression française mais également face à la création d’un Observatoire de la diversité musicale, les responsables des programmations modifient leurs habitudes de programmation. La grande tendance qui se dégage pour l’année 2007 et par rapport aux années précédentes, consiste à diminuer la part de la variété internationale et à augmenter progressivement la diffusion de variété française au sein des programmations des radios du panel. D’autre part, nous observons une - 134 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs disposition majoritaire et grandissante à diffuser des genres pop/rock programmés sur les réseaux jeunes adultes qui lui consacrent 80,6% pour Europe2 et 69,2% pour RTL2 en 2007 alors que ces mêmes stations consacraient 60,3% et 68,8% à ce genre musical en 2003. Sur les autres réseaux, le pop/rock est en baisse passant de 26% à 17,6% pour NRJ, de 9% à 1,7% pour Fun Radio et de 0,5% à 0,1% pour Skyrock en 2007. La présence de la musique groove au contraire est en augmentation pour les réseaux NRJ, Skyrock et un peu sur RTL2, alors qu’elle est en baisse pour Fun Radio qui réduit sa programmation de moitié avec 45,8% en 2003 contre 28,1% en 2007. Europe2 diminue également sa programmation de groove passant de 8,8% à 1,5% en 2007. Pour le genre dance, l’augmentation des diffusions caractérise la programmation de Fun radio qui passe de 22% en 2003 à 54,2% en 2007. NRJ voit aussi sa diffusion de dance progresser avec 12,2% en 2003 et 19,8% en 2007. Du reste, ce genre musical est nettement moins présent sur les autres radios du panel. Quant au rap, ce dernier progresse un peu sur NRJ passant de 7,5% à 8,8% mais il diminue sur l’ensemble des stations du panel. Le reggae et les musiques du monde apparaissent peu représentés et en diminution pour les réseaux Fun Radio, Skyrock, et Europe2. Nous constatons toutefois une légère augmentation du reggae et des musiques du monde au sein des programmations de RTL2 et de NRJ. Ainsi, le reggae et les musiques du monde qui se situent en 2003 entre 0,3% et 9,5% pour les 5 radios du panel représentent 0,7% à 6,3% de la diffusion en 2007. A l’aune de l’ensemble de ces données, nous retenons une tendance à la spécialisation des radios du panel dans un même genre musical. Il est à noter que la spécialisation n’est pas seulement une caractéristique des radios de format jeune mais que celle-ci concerne également celui des radios de format jeune-adulte. Sur cinq ans, entre 2003 et 2007, NRJ a diminué sa programmation de variété française, de variété internationale et de pop/rock alors qu’elle a augmenté sa programmation de groove, de dance, de rap et légèrement celle de reggae et des musiques du monde. Fun Radio a un peu augmenté sa programmation de variété française mais a également diminué sa programmation de variété internationale, de - 135 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs pop/rock, de groove, de dance. La tendance globale de Fun Radio a été de diminuer sa programmation de rap, de reggae et de musiques du monde. Skyrock ne programme pas de variété française, très peu de variété internationale et a diminué sa programmation de pop/rock, de rap, de reggae et de musiques du monde. A l’inverse Skyrock a augmenté sa programmation groove. Europe2 a augmenté sa programmation de variété française, de pop/rock et a diminué sa programmation de variété internationale, de groove, de dance, de rap, de reggae et de musiques du monde. Enfin, RTL2 a augmenté sa programmation de variété française, de pop/rock, de groove, de reggae et de musiques du monde. A l’inverse la part de programmation en variété internationale et de dance a diminué. Quand au rap, c’est un genre musical totalement exclu des programmations de RTL2. La dominante musicale de chaque station du panel peut ainsi se résumer : NRJ diffuse majoritairement de la musique groove, dance et un peu pop/rock. NRJ n’a pas un format musical bien défini compte tenu qu’il s’agit d’une radio des hits qui ne passent que les succès du moment. Fun radio est spécialisée dans les genres groove et dance, Skyrock dans le groove et le rap alors que Europe2 et RTL2 orientent leur programmation vers un son pop/rock. Il est important de souligner ici, que pour des raisons d’exhaustivité mais également de lisibilité des chiffres, la nomenclature des genres musicaux proposée par l’Observatoire de la Musique correspond à la catégorisation des genres musicaux des circuits commerciaux. Nous sommes en mesure de nous interroger, par exemple, sur la place que peut avoir un titre comportant différentes influences musicales au sein de ce classement. La catégorisation et le classement des genres musicaux restent difficiles. - 136 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 2.2 La part des nouvelles entrées en playlist dans l’ensemble de la diffusion en moyenne trimestrielle. Notre deuxième indicateur de diversité concerne la part des nouvelles entrées en playlist. Celle-ci révèle la capacité des radios à renouveler leur programmation musicale. Sont considérés comme nouvelles entrées en playlist, les nouveaux titres qui cumulent pour la première fois plus de trois diffusions hebdomadaires sur une station musicale donnée. Les différents tableaux qui suivent expriment le nombre des nouvelles entrées en playlist, le nombre de diffusions de ces nouvelles entrées en playlist ainsi que la part en diffusion en moyenne trimestrielle. Nombre de nouvelles entrées en playlist en moyenne trimestrielle 2003 2004 2005 2006 2007 NRJ 61 59 58 57 56 Fun Radio 64 55 66 55 52 Skyrock 36 40 40 37 36 Europe2 48 42 45 50 56 RTL2 37 35 32 34 32 Nombre de diffusions des nouvelles entrées en playlist en moyenne trimestrielle 2003 2004 2005 2006 2007 NRJ 8 667 8 143 7 666 8 414 8 328 Fun Radio 6 862 7 986 6 960 6 138 6 971 Skyrock 5 574 5 581 5 392 5 859 5 723 Europe2 7 547 5 981 6 344 5 313 5 122 RTL2 2 471 2 565 2 385 2 498 2 929 - 137 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Part en diffusions en moyenne trimestrielle 2003 2004 2005 2006 2007 NRJ 29,3% 24,6% 27,3% 25,5% 23,2% Fun Radio 21,6% 26,9% 25,9% 26,1% 23,0% Skyrock 26,6% 22,3% 25,1% 26,5% 21,9% Europe2 9,8% 10,9% 10,6% 8,3% 8,1% RTL2 13,9% 13,5% 10,9% 10,7% 12,4% « Source : Observatoire de la Musique/Yacast » La première tendance qui émane des chiffres proposés dans les tableaux précédents concerne une baisse du nombre de nouveautés entrées en playlist. Une diminution du nombre de nouvelles entrées au sein des playlists de NRJ, Fun Radio et RTL2 est observable en 2007. Skyrock, qui est la station qui possède le plus faible nombre de nouvelles entrées en playlist, conserve le même nombre de titres qui s’élève à 36 pour l’année 2003 et également 36 titres en 2007. Seule Europe2 augmente le nombre de nouvelles entrées en playlist passant de 48 titres en 2003 à 56 titres en 2007. A l’inverse, le nombre de diffusions des nouvelles entrées en playlist augmente pour Fun Radio, Skyrock et RTL2. Fun radio passe de 6 862 diffusions en 2003 à 6 971 en 2007, Skyrock propose 5 574 diffusions en 2003 et 5 723 diffusions en 2007 et enfin RTL2 présente 2 471 diffusions en 2003 et 2 929 en 2007. NRJ et Europe2 diminuent légèrement leur nombre de diffusions des nouvelles entrées en playlist. NRJ passe de 8 667 diffusions en 2003 à 6 971 diffusions en 2007 et Europe2 propose 7 547 diffusions en 2003 et 5 122 diffusions en moyenne trimestrielle pour l’année 2007. Ainsi, la part de diffusions des nouvelles entrées en playlist en moyenne trimestrielle représente 23,2% pour NRJ, 23% pour Fun Radio, 21,9% pour Skyrock, 8,1% pour Europe2 et 12,4% pour RTL2 pour l’année 2007. Nous observons ainsi une réduction du nombre d’entrées en playlist et corrélativement une augmentation du nombre de diffusions de ces nouvelles entrées en playlist. La politique de programmation musicale des - 138 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs radios du panel correspond à une logique de promotion des œuvres musicales qui nécessite un certain nombre de passages des titres sur les antennes afin d’être entendus puis ensuite reconnus par les auditeurs. Comme la plupart des industries culturelles, l’industrie radiophonique devrait baser sa politique de programmation des nouvelles productions musicales au rythme de leurs sorties. Néanmoins, l’introduction de nouvelles productions comporte des risques économiques qui diminuent avec le temps et avec l’apparition des succès. C’est pourquoi la politique éditoriale des radios est principalement axée sur la promotion des titres musicaux à succès auprès du public, à savoir les hits. Seules les radios ayant une programmation dont le format relève d’une thématique précise n’adoptent pas cette politique éditoriale. C’est plus particulièrement le cas des stations de format adulte qui choisissent des thématiques musicales telles que les années 1980, 1990, etc. Ainsi les radios adultes axent majoritairement leurs programmations musicales sur les titres golds (les titres musicaux diffusés ayant plus de trois ans d’ancienneté sur les antennes) et laissent peu de place aux nouveaux titres. La diffusion des nouveautés reste donc en grande partie assurée par les radios jeunes et participe à la constitution de ce qu’on appelle les tops 40 au sein de l’espace radiophonique. - 139 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 2.3 La part du top 40 des titres les plus diffusés dans l’ensemble de la diffusion en moyenne hebdomadaire et trimestrielle. Notre troisième indicateur de diversité concerne la part du top 40. Le top 40 est révélateur du positionnement musical des radios du panel et il doit être analysé au regard du nombre de titres différents classés et de la durée de vie moyenne d’un titre en nombre de semaines. Proposons-nous d’observer les tops 40 des radios du panel de l’année 2003 jusqu’à l’année 2007. Part du top 40 en moyenne hebdomadaire 2003 2004 2005 2006 2007 NRJ 64% 68% 70% 69% 71% Fun Radio 66% 70% 67% 62% 65% Skyrock 72% 73% 73% 74% 80% Europe2 62% 57% 53% 44% 40% RTL2 32% 30% 30% 30% 31% Nombre de titres classés en moyenne trimestrielle 2003 2004 2005 2006 2007 NRJ 85 82 83 86 84 Fun Radio 78 79 82 84 77 Skyrock 96 95 83 95 95 Europe2 84 81 79 82 85 RTL2 75 93 84 95 90 Durée de vie moyenne en nombre de semaines en moyenne trimestrielle 2003 2004 2005 2006 2007 NRJ 10,1 10,8 10,1 9,6 9,9 Fun Radio 11,8 12,1 14,4 12,8 13,0 Skyrock 15,8 17,1 16,0 15,9 18,0 Europe2 11,2 11,9 12,5 12,6 11,5 RTL2 20,8 15,7 16,0 15,7 17,0 « Source : Observatoire de la Musique/Yacast » - 140 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs D’un point de vue général, l’ensemble des radios du panel accorde une part plus ou moins importante à leur top 40 en fonction de l’auditoire auquel elles s’adressent. La part du top 40 des titres les plus diffusés en moyenne hebdomadaire est en progression pour deux radios du panel, NRJ qui passe de 64% en 2003 à 71% en 2007 et Skyrock qui passe de 72% en 2003 à 80% en 2007. Ces deux radios s’adressent à des audiences jeunes, elles accordent donc une part importante à leur top 40. Les autres radios du panel voient leur part du top 40 des titres les plus diffusés à la baisse. Fun radio et RTL2 diminuent très légèrement leur part de top 40 en moyenne hebdomadaire de 1% entre 2003 et 2007. Seule Europe2 voit la part de son top 40 réellement chuter passant de 62% en 2003 à 40% en 2007. La primauté des tops 40 est plus marquée au sein des réseaux jeunes qui consacrent entre 65% et 80% de part du top 40 alors que les radios jeunes-adultes accordent une part qui se situe entre 31% et 40% en 2007. Ainsi, la part consacrée au top 40 est moins importante pour les réseaux Europe2 et RTL2 qui s’adressent à une audience jeunes-adultes et plus importante pour les réseaux NRJ, Fun Radio et Skyrock. Néanmoins, une part en pourcentage relativement importante est consacrée au top 40 pour l’ensemble des radios du panel puisqu’elle se situe entre 71% et 31% en 2007. Parallèlement, le nombre de titres classés en moyenne trimestrielle au sein du top 40 des réseaux NRJ, Fun Radio et Skyrock diminue légèrement avec une moyenne de 75 à 96 titres en 2003 et 77 à 95 titres en 2007. Entre 2003 et 2007, NRJ, Fun Radio et Skyrock suppriment en moyenne 1 à 2 titres de leur programmation. A l’inverse, les stations Europe2 et RTL2 augmentent le nombre de titres classés au sein de leur top 40. Europe2 propose 84 titres en 2003 et 85 titres en 2007. La plus forte augmentation revient à RTL2 qui diffuse 75 titres en 2003 et confirme cette progression avec 90 titres en 2007. Nous noterons un nombre de titres relativement plus important sur les radios jeunes-adultes que sur les radios jeunes. Les radios jeunes-adultes étant plus enclines à diffuser un plus grand nombre de titres différents au sein de leur top 40. La durée de vie moyenne d’un titre en nombre de semaines en moyenne trimestrielle augmente pour Fun - 141 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Radio, Skyrock et Europe2. Fun Radio diffuse un titre sur 11,8 semaines, Skyrock sur 15,8 semaines et Europe2 sur 11,2 semaines en 2003. La durée de vie d’un titre classé augmente en 2007 sur ces même stations musicales puisque Fun radio propose un titre sur 13 semaines, Skyrock sur 18 semaines et Europe2 sur 11,5 semaines en 2007. A l’inverse les réseaux NRJ et RTL2 diminuent légèrement la durée de vie moyenne en nombre de semaines en moyenne trimestrielle d’un titre musical. NRJ passe de 10,1 semaines en 2003 à 9,9 semaines en 2007 et RTL2 de 20,8 en 2003 à 17 semaines en 2007. Le phénomène de diminution de la durée de vie moyenne d’un titre en nombre de semaines en moyenne trimestrielle pour NRJ et RTL2, s’explique par les choix éditoriaux bien distincts de ces stations. Pour conclure, nous constatons une forte tendance à accorder une prépondérance à la part du top 40 des titres les plus diffusés dans l’ensemble de la diffusion en moyenne hebdomadaire et trimestrielle pour l’ensemble des radios de notre panel d’étude. De plus, la durée de vie d’un titre au sein du top 40 est relativement longue puisque lorsqu’il est programmé, un titre reste en moyenne un peu plus d’une semaine, voire jusqu’à 15 jours dans les programmations de certaines stations. Les radios jeunes-adultes Europe2 et RTL2 proposent un nombre de titres classés en moyenne trimestrielle relativement plus important et dont la durée de vie est plus longue que les radios jeunes de notre panel. Au contraire, les réseaux NRJ, Fun Radio et Skyrock choisissent de diffuser moins de titres et le temps de présence de ces titres est moins long sur les antennes. Ces deux politiques de programmation correspondent à deux choix éditoriaux distincts. Les radios jeunes-adultes font le choix éditorial de diffuser plus de titres et donc de laisser le temps à un titre de s’installer au sein de la programmation et dans l’esprit des auditeurs. Les radios jeunes focalisent plus leur ligne éditoriale sur le succès d’un nouveau titre lorsqu’il celui-ci est entré en playlist. C’est le cas de la radio NRJ, par exemple, qui est une radio de hits et qui doit renouveler fréquemment sa programmation musicale pour répondre à ses promesses éditoriales. Soit le titre plaît rapidement aux auditeurs soit il est directement exclu de la programmation musicale. Dans les deux cas de figure, il s’agit de deux politiques éditoriales différentes mais qui s’inscrivent toutes deux dans une logique d’atténuation de prise de risques économiques. - 142 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 2.4 L’évolution des grilles de rotation des titres en moyenne hebdomadaire et trimestrielle. Le dernier et quatrième indicateur de diversité musicale repose sur une lecture croisée de la rotation moyenne d’un titre en moyenne hebdomadaire d’une part, avec la plus forte rotation d’un titre hebdomadaire en moyenne trimestrielle d’autre part et enfin avec les rotations moyennes des titres du top 40 des stations de notre panel. La rotation d’un titre correspond à une grille permettant de savoir le nombre de fois où un titre sera diffusé au cours d’une journée sur une station donnée. Il s’agit de la fréquence de répétition d’un titre à la radio. L’entrée d’un titre au sein de la programmation musicale et tout particulièrement l’entrée en playlist ainsi que son rythme de rotation font l’objet d’un choix promotionnel qui est établi avec les responsables promotion de l’industrie de la musique enregistrée. Les récentes analyses complémentaires proposées par l’Observatoire de le Musique, concernant les rotations moyennes des titres du top 40 et effectuées au quatrième trimestre 2007, nous permettent d’approfondir l’analyse. En effet, l’examen des grilles de rotation que nous allons proposer relève de moyennes établies de façon hebdomadaire. Ces moyennes donnent un aperçu du nombre de rotations des titres mais elles effacent une partie de la réalité qui peut être perçue grâce au traitement complémentaire des rotations des titres du top 40 qui suivent. Rotation moyenne d’un titre en moyenne hebdomadaire 2003 2004 2005 2006 2007 NRJ 8,4 7,8 6,6 5,9 5,6 Fun Radio 6,9 7,4 6,4 6,3 6,4 Skyrock 5,3 4,8 4,8 4,6 7,2 Europe2 9,4 8,2 8,2 6,2 5,7 RTL2 4,2 4,3 4,2 4,4 4,3 - 143 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Plus forte rotation hebdomadaire en moyenne trimestrielle 2003 2004 2005 2006 2007 NRJ 65 68 65 61 64 Fun Radio 60 64 70 91 91 Skyrock 74 76 72 74 83 Europe2 71 81 66 54 54 RTL2 36 35 35 36 37 Rotations moyennes des titres du top 40 des stations (4eme trimestre 2007) NRJ 32,6 Fun Radio 35,2 Skyrock 37,7 Europe2 25,6 RTL2 19,0 « Source : Observatoire de la Musique/Yacast » Les grilles de rotation correspondent au nombre de fois où un même titre est programmé sur l’antenne d’une radio. Une station ne choisit pas le même rythme de rotation pour un titre s’il s’agit d’un artiste confirmé (connu) ou en développement (à faire connaître) et si le titre musical est ancien ou récent. L’entrée d’un titre en playlist ainsi que son rythme de rotation font donc l’objet d’un choix promotionnel qui est fonction de la notoriété de l’artiste et du titre musical. D’emblée, nous observons une diminution des rotations moyennes d’un titre musical en moyenne hebdomadaire pour les stations NRJ, Fun Radio et Europe2. En effet, NRJ diffuse 8,4 fois un même titre en 2003 alors qu’elle propose 5,6 diffusions en 2007. Fun Radio passe de 6,9 rotations moyennes d’un titre en moyenne hebdomadaire en 2003 à 6,4 rotations en 2007. Les rotations moyennes hebdomadaires allouées aux œuvres musicales d’Europe2 sont de l’ordre de 9,4 en 2003 alors qu’elles sont de 5,7 en 2007. Les grilles de - 144 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs rotation de RTL2 n’évoluent guère et se situent dans une fourchette de 4,2 à 4,4 entre 2003 et 2007. Skyrock, qui fait souvent exception à la règle, augmente ses grilles de rotation moyenne d’un titre en moyenne hebdomadaire passant de 5,3 rotations en 2003 à 7,2 en 2007. A l’inverse, les plus fortes rotations hebdomadaires en moyenne trimestrielle, cette fois-ci, sont plus élevées sur l’ensemble des stations de notre panel. Le niveau de rotations d’un titre est corrélé à la cible de l’auditoire avec des rotations moyennes fortes principalement pour les radios jeunes. Les rotations moyennes hebdomadaires allouées aux titres sur NRJ, Fun Radio et Skyrock sont comprises dans une fourchette de 64 à 83 en 2007 pour les radios jeunes, et de 37 à 54 pour les radios jeunes-adultes Europe2 et RTL2. Ce sont surtout Fun Radio, Skyrock et RTL2 qui augmentent leurs plus fortes rotations hebdomadaires en moyenne trimestrielle avec 60 rotations en 2003 et 91 en 2007 pour Fun radio, 74 rotation en 2003 contre 83 en 2007 pour Skyrock et enfin, 36 rotations en 2003 et 37 rotations en 2007 pour RTL2. NRJ diminue très légèrement ses plus fortes rotations passant de 65 rotations en 2003 à 64 rotations en 2007. Seule Europe2 réduit réellement les plus fortes rotations d’un titre avec 71 rotations en 2003 avec, par contre, 54 rotations en 2007. L’examen des grilles de rotation relevant de moyennes établies de façon hebdomadaire, donne un aperçu des politiques de programmation des radios de notre panel. Néanmoins, l’analyse complémentaire des rotations moyennes des titres du top 40 au quatrième trimestre 2007 souligne plus particulièrement la concentration des diffusions sur un nombre assez restreint de titres musicaux. En effet, NRJ propose 32,6 rotations, Fun radio 35,2 rotations, Skyrock 37,7 rotations, Europe2 diffuse 25,6 fois un même titre et enfin RTL2 alloue 19 rotations moyennes à un titre entré en playlist au quatrième semestre 2007. Ce sont donc les radios jeunes qui possèdent des taux de rotation les plus élevés avec par ordre décroissant Skyrock qui a le plus fort taux de rotation, ensuite Fun Radio, puis NRJ. Les deux stations jeunes-adultes Europe2 et RTL2 possèdent des taux de rotations plus faibles que les stations jeunes. L’ensemble de ces données révèle que le rythme de rotation d’un titre est choisi en fonction de l’auditoire auquel une - 145 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs radio s’adresse. D’un point de vue général, les radios du panel ont tendance à maintenir des grilles de rotation élevées notamment en ce qui concerne leur playlist. Ainsi, les radios de formats jeunes et jeune-adultes consacrent une grande partie de leur diffusion à leurs playlist. L’observation des genres musicaux diffusés, des nouvelles entrées en playlist, du top 40 et des grilles de rotations nous permet de relever les principales caractéristiques des politiques éditoriales des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Les programmations musicales de ce type de station sont fortement spécialisées sur quelques genres musicaux. NRJ diffuse majoritairement de la musique groove, dance et pop-rock, Fun radio est spécialisée dans le groove et la dance, Skyrock dans le groove et le rap alors que Virgin radio et RTL2 ont un format pop-rock. Globalement, la tendance est à la réduction du nombre de nouvelles entrées en playlist alors que le nombre de diffusions de ces nouvelles entrées augmente. Les radios de format jeunesadultes proposent un nombre de titres classés en moyenne trimestrielle relativement plus important et dont la durée de vie est plus longue que les radios de format jeunes de notre panel. Ainsi, la diffusion des nouveautés reste en grande partie assurée par les radios à destination d’une audience jeune. Néanmoins, les réseaux de format jeunes choisissent de diffuser moins de titres et elles possèdent des taux de rotation plus élevés que les radios de format jeunes-adultes. Les radios de notre panel ont tendance à maintenir des grilles de rotation élevée et plus encore pour leurs playlists. Le top 40 représente une part conséquente sur la diffusion musicale globale pour l’ensemble des stations de notre panel. Au sein des Top 40 nous assistons à l’allongement de la durée de vie des titres et à la baisse du nombre de titres différents classés. Cette situation n’est pas la même pour les radios comme NRJ, dont la programmation repose moins sur la spécialisation d’un format musical précis mais plus sur la promotion des hits. Pour ce genre de station, le renouvellement de l’offre correspond à un rythme plus soutenu. En moyenne, pour l’ensemble des stations de notre panel, la rotation d’un même titre rentré - 146 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs en playlist se situe entre 7 à 15 diffusions par jour. A cela s’ajoute le phénomène d’endogamie, défini par l’Observatoire de la Musique, comme la part de titres que les radios ont en commun au sein de leur top 40. L’endogamie est particulièrement importante chez les radios de format jeunes et jeunes-adultes. Ce type de station ne permet pas un renouvellement régulier de leurs playlists. Au regard de ces données, la diffusion de la diversité musicale ne paraît pas satisfaisante. De plus, si les stations présentes au sein de l’espace radiophonique français diffusent annuellement en moyenne 3 580 titres en 2007, les radios généralistes, diffusent quant à elles, une moyenne de 6 442 titres différents en 2007 (Observatoire de la Musique, 2007). A première vue, nous pourrions penser qu’il existe une certaine diversité musicale comblée par les divers formats radiophoniques existants. Toutefois, les radios généralistes consacrent de plus en plus de temps d’antenne aux émissions dites « de talk » et diffusent de moins en moins de musique, avec une baisse de – 29,2% depuis 2003, ce qui réduit indubitablement le nombre de titres diffusés et la diversité de ceux-ci (Observatoire de la Musique, 2007). La concentration de la programmation musicale persiste depuis 2003 jusqu’en 2007 et sur l’ensemble des radios puisque 2,7%, soit 1 728 titres sont diffusés plus de 400 fois et totalisent 75% de part de diffusion (Observatoire de la Musique, 2007). Cette situation s’explique en partie par l’importance et la rotation particulièrement élevée du top 40. L’ensemble des radios de notre panel concentre ainsi la promotion sur quelques titres au détriment du grand nombre d’œuvres musicales produites chaque année et ne donnent pas la possibilité pour nombre d’artistes d’accéder à leurs antennes. Il n’est d’ailleurs pas rare que certains groupes, pourtant fort d’un succès public et scénique avéré, ne passent pas sur ce type de stations. - 147 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 3. Traitement des données de l’enquête. 3.1 Les résultats du questionnaire réalisé auprès des groupes musicaux. A partir des questionnaires réalisés auprès des groupes musicaux, nous allons nous attacher à observer les différents résultats obtenus. Dans un premier temps, nous présenterons le profil des groupes musicaux retenus pour cette étude. Dans un deuxième temps, nous proposerons une analyse point par point aux questions posées. Nous explorerons par la suite le contenu des différentes réponses obtenues et nous en analyserons les corrélations. La majorité des groupes ayant répondu au questionnaire sont amateurs ou en voie de professionnalisation (donc, cette catégorie met bien en exergue la ou les difficultés qui peuvent se présenter lorsqu’il s’agit de se faire connaître par le biais de la radio). Une minorité des groupes interrogés est professionnelle. Les cinquante groupes musicaux interrogés ont entre quelques mois et dix à quinze ans d’existence mais dans la globalité, ils ont en moyenne cinq ans de vie. Les genres musicaux représentés par les groupes musicaux interrogés sont observables sur le camembert suivant : - 148 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Genre de musique 18% 6% chanson française pop rock hard heavy metal 6% rap hip hop 2% drum and bass electronique 4% 50% 2% musique du monde ska reggae 2% autres 10% Il est à noter qu’aucun des groupes interrogés ne produit de la musique classique, du jazz & blues et de la world musique. Ce phénomène peut vraisemblablement s’expliquer par le fait que ces genres musicaux ne correspondent pas aux tendances musicales actuelles en France. Il apparaît évident que selon les époques, certains courants musicaux ont plus de succès que d’autres, car la demande est bien souvent en corrélation avec l’offre. Si les auditeurs ou les musiciens eux-mêmes n’écoutent pas ces genres musicaux, il apparaît évident qu’ils ne vont pas produire un genre musical qu’ils ont peu l’habitude d’entendre. L’ensemble des résultats obtenus à partir de la question 5 jusqu’à la question 9 peut être représenté comme suit : - 149 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Synthèse des réponses aux questions 5 à 9 60 50 40 oui non 30 20 10 0 5 6 7 8 9 N°question Question 5 : La musique produite est-elle diffusée sur les radios musicales françaises ? Question 6 : La radio favorise-t-elle la notoriété des groupes musicaux ou des artistes ? Question 7 : Les radios sont-elles réticentes à diffuser des nouveautés ? Question 8 : La radio du Net permet-elle une meilleure promotion des groupes musicaux ? Question 9 : Les concerts sont-ils aussi importants que la radio analogique pour se faire connaître du grand public ? Sur notre échantillon de groupes musicaux interrogés 21 sur 50 sont diffusés en radio dont 2 sur des radios commerciales. Sur les 29 groupes musicaux non diffusés en radio, seulement 1 groupe musical a déjà tenté de passer sur les radios musicales commerciales. Nous observons une perte de motivation des groupes musicaux pour s’insérer sur les playlists des radios commerciales qui ont carrément abandonné l’idée d’être promus sur ce type de stations. Les groupes musicaux interrogés restent principalement diffusés sur les radios associatives ou locales ; d’où l’intérêt de ces réseaux en termes d’émergence pour les débuts d’une carrière musicale. - 150 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Sur le panel des groupes musicaux interrogés, 48 sur 50 pensent que la radio favorise la notoriété et la carrière d’un groupe ou artiste, contre 2 sur 50 qui pensent l’inverse. Ces réponses paraissent contradictoires avec les réponses à la question précédente puisque les groupes en voie de professionnalisation ou professionnels pensent que la radio participe à la notoriété mais ils ne tentent pas d’être diffusés sur les radios commerciales. Cette interprétation des groupes musicaux peut s’expliquer par la difficulté d’obtenir un label de se faire connaître du grand public. Et comme un groupe sans label a peu de chance d’être diffusé dans les playlists des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2, il s’agit là d’un cercle vicieux. Il y a 96% des groupes interrogés qui pensent que les radios commerciales sont réticentes à diffuser des groupes peu connus. Ceci explique la perte de motivation des groupes musicaux face à la diffusion radiophonique. La situation est d’autant plus décourageante pour un groupe musical puisque les radios commerciales de moindre envergure copient les playlists des grands groupes radiophoniques, laissant de ce fait peu de place à la nouveauté. Il y a 10 groupes musicaux sur 50 qui pensent que les radios sur le Net sont un moyen plus efficace de faire connaître leur production musicale que les radios analogiques commerciales. Ce chiffre semble normal car nombre de radios commerciales analogiques ont leur déclinaison sur le Net. Il existe d’autres radios numériques mais les adresses de ces dernières sont moins connues du grand public. Leur existence est comparable à celle d’une bouteille jetée à la mer car elles sont perdues dans l’abondance du réseau Internet. Il y a 88% des groupes musicaux interrogés qui pensent que les concerts sont plus importants que la radio pour se faire connaître du grand public. Les groupes régionaux font souvent les premières parties de concerts de groupes plus connus. Cela leur permet de se faire connaître d’un plus vaste - 151 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs public. En effet, dans la plupart des cas, ce sont les concerts qui permettent aux groupes émergeants de se construire un public et une certaine notoriété. Pour conclure, la grande majorité des groupes interrogés ne passe pas sur les réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Très peu ont tenté de s’adresser directement aux responsables de la programmation des réseaux commerciaux car ils pensent que les radios commerciales sont réticentes à diffuser des nouveautés. Les radios commerciales sont perçues comme des radios timorées qui ne veulent pas prendre de risques en termes de programmation musicale. La majeure partie des groupes musicaux est ainsi diffusée sur des radios locales associatives. Forts de ces remarques, nous observons une certaine répartition des tâches au sein de l’espace radiophonique. Nous avons tout d’abord les radios associatives qui servent de « défricheurs » de talents. Ces dernières, de par leur structure et leur mode de financement peuvent prendre le risque de décevoir les auditeurs puisqu’il n’y a quasiment aucun engagement financier à tenir. A l’inverse, les radios commerciales ne diffusent que les groupes qui connaissent un succès vérifié auprès du public. Cette situation apparaît préoccupante, car compte tenu des faibles scores d’audience des radios associatives, ce phénomène de répartition des rôles au sein de l’espace radiophonique tend à sectoriser les œuvres musicales et freiner l’accès des groupes musicaux à un plus vaste public. Aujourd’hui les radios du Net n’apparaissent pas aux groupes musicaux comme un moyen d’accéder à un large public. Seuls les concerts restent un moyen de se produire et de débuter une carrière professionnelle fondée sur le bouche-à-oreille. Les résultats du questionnaire révèlent ainsi la difficulté des artistes à accéder aux playlists des radios commerciales ceci s’expliquant certainement par les rapports de connivence qu’il existe entre diffuseurs et industriels, ces relations laissant peu de place aux artistes amateurs ou en voie de professionnalisation. - 152 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 3.2 L’analyse du discours des diffuseurs. Le discours des responsables de la programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 révèle des similitudes et des divergences selon le lieu d’exercice de leur profession. Au niveau régional, les responsables des programmations possèdent un point de vue particulier sur les logiques de programmation musicale. Les programmateurs interrogés ont les mêmes objectifs au sein de l’entreprise radiophonique dans laquelle ils travaillent. Ils doivent respecter la programmation musicale définie sur Paris, insérer les publicités et les informations locales lors des décrochages radio et enfin opérer des sondages auprès des auditeurs. Il s’agit également d’organiser des jeux sur les antennes régionales et de couvrir les concerts ou les évènements musicaux locaux. Le responsable de la programmation de RTL2 Bordeaux résume assez bien l’ensemble des objectifs de sa profession ceux-ci s’organisant autour de trois activités : l’animation, la promotion et la programmation musicale. « Mon activité s’organise principalement autour de trois axes. Au niveau de l’animation, on a des décrochages locaux entre 13h et 17h. Le CSA a obligé toute radio nationale de catégorie C à avoir un service commercial et une animation pour les citoyens de la ville, c'est-à-dire une programmation locale. Par exemple, je dois citer le nom de Bordeaux dans mon discours et de façon régulière. Au niveau de la promotion, je monte des opérations de promotion pour des évènements locaux. Je m’occupe des dotations à offrir aux auditeurs, de faire connaître l’événement via les médias locaux, les sponsors, la presse, les articles sur le Net etc. C’est de la communication. Je dois véhiculer l’image de RTL2, c’est à dire le logo de la radio sur les évènements de la région, sur le plus de supports possibles, sur les concerts etc. Au niveau de la programmation musicale, elle se fait principalement sur Paris et de mon côté j’anime certains créneaux horaires et je veille essentiellement à ce que les morceaux s’enchaînent bien lors des décrochages régionaux » (RTL2 Bordeaux). Les responsables de la programmation des antennes régionales ne s’occupent pas de la sélection musicale et des relations avec les labels. Les programmateurs ne peuvent pas promouvoir les artistes locaux, car l’ensemble des décisions est pris à Paris. Ils n’ont aucun contact avec les attachés de presse ou les responsables promotion en radio rattachés à l’industrie de la - 153 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs musique enregistrée. Les antennes régionales servent de relais à la programmation et aux playlists qui sont entièrement réalisées sur Paris par les responsables de la programmation parisiens. « Vous savez ça se passe surtout à Paris vu que la programmation est faite là-bas et que les maisons de disques sont là-bas. C’est la proximité qui joue. Moi je ne m’occupe pas des relations avec les maisons de disques. Tout se passe sur Paris à cause de la crise du disque. Avant il y avait des bureaux en province mais depuis que les CD se vendent plus, tout se fait à Paris. Ça coûte plus cher d’envoyer une personne que d’envoyer des CD » (RTL2 Bordeaux). De ce fait, si des artistes, des groupes musicaux ou des labels indépendants contactent les réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 au niveau local afin de promouvoir leur production musicale, ils voient leurs CD de promotion directement envoyés sur Paris. « Puis s’il y a des sollicitations au niveau local, on fait suivre sur Paris. C’est eux qui gèrent et qui voient si on peut diffuser les artistes proposés » (NRJ Grenoble). Néanmoins, cette démarche est vaine, car les responsables de la programmation à Paris s’occupent prioritairement des titres qui leur sont proposés par les majors Universal Music, BMG-Sony, EMI-Virgin et Warner Music avec qui ils ont l’habitude de travailler. « Mais ce sont surtout les maisons de disques, les attachés de presse qui envoient les disques et si c’est intéressant on prend rendez-vous avec eux. Souvent, ce sont eux qui harcèlent la programmation musicale. Mais on se connaît bien donc on n’a pas trop de surprises, vous savez. Ce n’est pas comme si c’était des petits labels. » (Fun Radio Paris). Et bien souvent, les responsables de la programmation n’ont pas le temps de traiter l’ensemble des informations qui leur parviennent : « On me propose beaucoup de musique. Je reçois énormément d’albums, d’informations, de presses, de mails etc.… Je suis constamment submergé par l’information musicale » (Virgin Radio Paris). Les artistes et les labels indépendants locaux n’ont donc pratiquement jamais de retour sur leurs envois. « Lorsqu’on envoie des disques, c’est un peu comme une bouteille d’eau jetée à la mer, ça doit se perdre » (Jarring effet) - 154 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs « Pour les radios commerciales, c’est simple, on n’a aucun contact, on a aucun retour. On n’a même pas de réponse. On n’a rien. On envoie et on n’a rien ! » (Les Disques Aliénor). Ils sont obligés de passer par les grands majors qui sont en contact avec NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 au niveau parisien pour avoir une chance de rentrer dans la programmation de leurs playlists. De plus, à la question « Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue au sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? », les programmateurs en régional ont un discours différent de celui des programmateurs parisiens. Pour eux, la dimension financière dans les discours tenus entre diffuseurs et industriels est importante alors que pour les programmateurs parisiens, la question n’est jamais abordée. « Mais pour le dialogue entre diffuseurs et industriels c’est pognon pognon ! Les diffuseurs ne prennent plus de risques » (Virgin Radio Strasbourg). Pour les labels indépendants, ceci peut être source de difficulté pour être en contact avec les diffuseurs et l’insertion des artistes dans les playlists. - 155 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs En région parisienne, les responsables de la programmation ont la même fonction qui consiste à élaborer la programmation musicale, créer les playlists et mettre en corrélation les résultats des études de sondages avec les rotations, l’entrée et la sortie d’un titre au sein de la playlist. « En résumé, je choisis les musiques qui vont être diffusées à l’antenne. Mon travail consiste dans l’élaboration d’un format, d’une stratégie musicale. Je programme le logiciel Selector dont la plupart des radios sont équipées aujourd’hui » (Virgin Radio). « Je m’occupe de la stratégie musicale de l’antenne. Je sélectionne les ingrédients musicaux pour donner au final un produit cohérent » (NRJ Paris). L’ensemble de ces activités doit correspondre au format de la radio. Chaque radio a une couleur musicale précise qui correspond à un format défini. « Pour NRJ, c’est la seule radio musicale généraliste à destination d’un public jeune. » (NRJ Paris). « Oui, pour Fun Radio on a une couleur musicale spécifique. On a notre propre son. C’est dance, r’n’b et soul avec un certain quota de musique française. » (Fun Radio Paris). « Oui. On a un format axé sur le rap et le r’n’b » (Skyrock Paris). « La ligne éditoriale correspond au « claim » actuel de la radio : « rock star music » (Virgin Radio Paris). La playlist correspond à un choix, à une sélection des titres musicaux opérée par les responsables de la programmation avec pour objectif de : « plaire au plus grand nombre et fidéliser l’auditoire » (Skyrock Paris). « d’attirer le plus d’auditeurs possible, de bien enchaîner les titres afin que les auditeurs écoutent la station un maximum de temps » (Fun Radio Paris). Et comme le remarque un responsable de la programmation, les playlists de certaines stations ont plus de poids que d’autres : « En France des radios comme NRJ font la pluie et le beau temps sur les radios. Ce sont eux qui lancent les titres » (NRJ Grenoble). L’ensemble des radios réalise des sondages afin de concevoir et de limiter les risques dans la sélection des titres qui vont rentrer ou sortir de la playlist. « Ces études ont pour objectif de connaître l’avis du public, de la majorité. Ça nous permet de surveiller si nos choix musicaux sont judicieux. S’ils sont validés ou pas. Les risques que l’on prend ou pas à faire connaître un titre, nous permettent d’avoir un lien avec le public » (Skyrock Paris). - 156 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs « On effectue des sondages tous les trois mois concernant les audiences et on effectue aussi des tests sur les morceaux musicaux toutes les semaines. Ça nous permet d’orienter la programmation, d’accélérer la rotation d’un titre ou au contraire de la diminuer parce que les gens en on marre. On croise l’ensemble des informations qu’on a, puis on met l’ensemble de ces résultats dans la playlist » (Virgin Radio paris). Pour les responsables de la programmation musicale en Ile-deFrance, les relations entre diffuseurs et industriels sont bonnes puisque nécessaires. Les professionnels de l’industrie de la musique enregistrée ont besoin des radios pour faire connaître leurs artistes et ce sont eux qui proposent les titres aux radios. « On a de bonnes relations. Tout se passe bien. Vous savez Virgin Radio c’est une radio importante. Alors les maisons de disques ce sont elles qui font la démarche de venir nous chercher. Elles ont tout intérêt à ce qu’on diffuse les artistes qu’elles ont signé » (Virgin Radio). Et à la question « Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue au sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? », les responsables de la programmation en région parisienne considèrent qu’il y a une bonne communication entre les diffuseurs et les industriels et que la circulation des œuvres musicales est suffisante. « On est pas mal en contact » (NRJ Paris). « Les échanges, l’information, ça se passe très bien » (Skyrock Paris) « En fait, on fonctionne d’un point de vue de l’offre et de la demande. On a tout qui nous est fourni. On est beaucoup sollicité donc il y a une très bonne circulation de l’information » (Virgin Radio Paris) Dans les discussions entre diffuseurs et industriels, il n’est aucunement question de critères financiers puisque la programmation musicale est distincte des pôles marketing. « Alors déjà il n’y a aucun niveau commercial. Je n’ai pas de relation commerciale. Je ne vends rien dans ma profession. On est un pôle artistique et c’est bien distinct du pôle marketing. On ne mélange pas les genres. On a des relations de partenaire. […] Il n’est aucunement question d’argent, ça n’intervient pas dans le processus de diffusion ou dans le choix d’un titre » (NRJ Paris). - 157 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Nous observons ainsi des récurrences dans les arguments des responsables de la programmation des réseaux de notre panel. Ces récurrences sont dues aux pratiques de programmation communes au sein d’un même réseau mais également parce que les programmateurs ont développé des arguments en défense vis-à-vis d’éventuelles critiques. A travers ce constat, nous pouvons émettre l’hypothèse suivante : à la suite des études commandées par les politiques culturelles françaises concernant l’exposition de la diversité musicale à la radio sur ces dernières années mais également à la suite des rapports élaborés par l’Observatoire de la Musique, les responsables promotion ont développé des arguments collectifs visant à légitimer leurs pratiques de programmation. - 158 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 3.3 L’analyse du discours des industriels. La fonction des responsables promotion et/ou des attachés de presse, consiste à informer et convaincre les radios de diffuser les artistes qu’ils ont signés. Les responsables promotion interrogés pour cette étude, font ainsi l’intermédiaire entre les radios et les groupes musicaux. « On informe les radios sur l’actualité des artistes et leur univers. Mon métier c’est principalement abreuver les radios d’informations et les convaincre. » (Sonymusic Paris). Cependant, les industriels n’ont pas tous la même démarche dans l’exercice de leur activité et dans leurs méthodes argumentaires vis-à-vis des diffuseurs. Les responsables des labels indépendants ont une activité polyvalente et transversale. Ils suivent une œuvre musicale depuis sa production jusqu’à la sortie de l’album. « C’est un tout petit label donc je fais tout. J’ai un statut polyvalent. Je travaille sur la production, l’élaboration du projet jusqu’à la sortie du disque » (Neomme) « Je fais le travail d’un chef de projet. Je m’occupe de la fabrication des disques, des vinyles, de la promotion quand un disque est sorti. Alors ça va de la promotion en radio, à la télévision, dans la presse spécialisée et sur le web bien sûr » (Les disques Aliénor). Les responsables promotion indépendants ne sélectionnent pas quelques artistes (parmi un ensemble d’artistes) qu’ils vont présenter aux radios. Ils sélectionnent les radios qui sont susceptibles de mettre en avant les quelques artistes avec lesquels ils travaillent. « On sélectionne les radios dont la programmation correspond à nos artistes, si on sait qu’elle est capable de les défendre » (Jarring Effect Label). Ils travaillent principalement avec les radios associatives et parfois avec les radios de Radio France, avec Radio Nova ou encore Oui FM. « On travaille surtout avec les réseaux Ferrarock, Iastar ou les radios associatives » (Les Disques Aliénor) « C’est principalement les réseaux associatifs Ferrarock et Radio Campus qui ont des émissions spécialisées mais ça arrive qu’on cible d’autres radios comme Radio Nova, Oui FM, Le Mouv’ » (Jarring Effect Label). - 159 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs A la question, « Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion d’un artiste au sein des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? », les labels indépendants répondent qu’ils se préoccupent peu de ce type de réseaux. « Alors on est complètement en dehors de tout ça, car les artistes qu’on a ne correspondent pas aux formats des radios Virgin, NRJ, Fun…. Du coup on n’a pas du tout affaire à eux » (Neomme). Ils insistent sur le fait qu’il existe un réel décalage entre l’univers dans lequel évoluent les responsables de la programmation et les labels indépendants. « Je pense même qu’ils ignorent l’existence de Jarring Effect. On n’est pas vraiment du même monde » (Jarring Effect). Les labels indépendants ne contactent pas les réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2, car il y a, selon eux, de très faibles chances d’avoir un retour. Les radios commerciales répondent rarement et si elles le font elles finissent par ne pas donner suite. « Les stations Skyrock, les commerciales, ça n’arrive jamais. Je ne tente même pas. J’ai peut-être tort mais les rares fois où on a essayé, on n’a jamais eu de retour » (Jarring Effect) « Avec les autres grosses radios, les grands réseaux on a beaucoup de mal. Même avec les radios de Radio France c’est compliqué. Vous prenez RTL2 ils ne font pas beaucoup de nouveautés dans leurs playlists donc il n’y aura pas beaucoup d’indépendants. Donc, déjà pour eux, ce n’est pas la peine. Non puis pour les autres c’est pareil » (Les disques Aliénor) - 160 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Les responsables promotion et/ou attachés de presse rattachés à une major ont une activité transversale, mais la chaîne partant de la production jusqu’à la diffusion d’une œuvre musicale est sectorisée par tâches. Différentes personnes s’occupent des tâches à accomplir. C’est ce qu’illustrent les propos de la responsable promotion pour EMI. « EMI comprend des sous-labels. Il y a Virgin, Austin, Labels, Capitol, Note. Après il y a plusieurs éléments à l’intérieur de EMI. Tu as EMI classique, EMI spécial marketing qui fait de la promotion, qui s’occupe des compilations, des albums en réédition etc.…Moi mon job c’est uniquement le relationnel avec les radios. Je m’occupe des passages radio et de la programmation des artistes » (EMI Paris). Les industriels sélectionnent un certain nombre d’artistes qu’ils proposent aux radios en fonction du format et des attentes de la radio. Cette sélection s’opère avant l’envoie des Cd de promotion aux responsables des programmations des radios commerciales. « Alors bien sûr, on n’envoie pas n’importe comment. Au départ, tu as une sélection des titres en fonction du format de la radio à laquelle on s’adresse. On envoie toujours un titre en fonction du format de la radio à laquelle on s’adresse » (EMI Paris). Il existe néanmoins différentes stratégies de programmation distinctes entre un artiste confirmé (reconnu du grand public) ou un artiste en développement (à faire connaître). Pour un artiste en développement, il est plus difficile de présenter un CD de promotion directement aux réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Dans ce cas, les majors proposent dans un premier temps leurs titres auprès des réseaux de Radio France, pour qui la programmation musicale représente un enjeu de moindre envergure, en comparaison des radios musicales commerciales. C’est seulement dans un deuxième temps, lorsque le titre est programmé au sein de plusieurs radios, qu’il est proposé aux réseaux commerciaux. Les propos du responsable promotion de Polydor concernant le parcours d’un artiste illustrent bien cette logique. « Pour Micky Green on a ciblé des radios élitistes tels que France Inter, Europe 1, Oui FM. C’est fonction de l’image qu’on veut développer autour de l’artiste pour faire un vrai buzz, un succès. Quelques mois après on a ciblé Virgin Radio et ensuite les petites radios ont suivi un an après. Puis, c’est en dernier qu’on a démarché NRJ. Tous les deux ou trois mois on a - 161 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs progressé. C’est un ensemble, c’est comme ça que ça marche. Il faut que les choses se fassent au bon moment. Si on était allé dès le début voir NRJ avec Micky Green, ça aurait été « non » direct » (Polydor Paris). Les industriels fonctionnent de la sorte, car les radios commerciales programment essentiellement des artistes confirmés auprès du public. En termes d’enjeux économiques, les radios commerciales ne peuvent pas se permettre de programmer des titres à risques, or, les artistes en développement constituent un risque. De ce fait, les industriels se doivent d’apporter des arguments rassurants qui confortent les diffuseurs dans leur choix sélectif. « Une radio si tu lui donnes des arguments elle diffuse l’artiste. Si la radio elle sait qu’elle sera entourée par la presse, que l’artiste est passé dans l’émission le Grand journal de Canal, à Taratata, au JT de France2 et TF1 ça aide, c’est parfait, c’est un argument » (EMI Paris). Le plus souvent, il s’agit pour les responsables promotion de proposer un plan de promotion en synergie avec un ensemble de médias (espace publicitaire dans le métro, presse, télévision, Internet…). Pour certains titres internationaux, les résultats des classements ou des ventes à l’étranger constituent également un argument de poids. De ce fait, lorsqu’un artiste confirmé est proposé auprès des grands groupes radiophoniques, il passe dans plusieurs médias simultanément. A cela s’ajoute l’effet d’endogamie observable au sein de l’espace radiophonique où lorsqu’un titre est entré dans la playlist d’un des réseaux leader, il est presque automatiquement programmé dans les playlists des plus petites radios commerciales. Dans ce contexte, il devient moins aisé pour les responsables promotion de trouver de la place pour les autres artistes. Pour l’ensemble des labels interrogés, les responsables promotion et/ou les attachés de presse s’entendent à dire que la radio constitue un outil de communication et de promotion des artistes important vis-à-vis du public. « Du coup, le seul et véritable moyen de faire découvrir un artiste ça reste la radio. Et c’est d’autant plus important aujourd’hui, même si les audiences baissent un peu dernièrement. Ça c’est l’effet des jeunes qui - 162 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs écoutent pas mal sur Internet mais la radio ça reste quand même un relais. Internet ça peut créer du « buzz » autour d’un artiste mais c’est sur du court terme. La radio elle peut prendre le relais du « buzz » parce qu’elle permet de rappeler la présence d’un artiste à force de le diffuser. La diffusion en boucle des titres toutes les heures c’est un peu ça. C’est pour rappeler aux gens la présence de l’artiste pour pas qu’ils oublient. Comme ça on finit par retenir le titre. La radio c’est un atout important (Sonymusic Paris). La radio représente également des avantages en termes de gratuité et d’instantanéité par rapport aux autres moyens de diffusion existants. « La diffusion radiophonique c’est primordial. A partir du moment où un artiste est diffusé en radio, il a une fenêtre qui s’ouvre sur le public. Il peut être entendu partout. Son titre sera exposé au maximum et pour vendre il faut avoir une visibilité médiatique. La radio, c’est le nerf de la guerre au niveau des médias. Il y a moins de gens qui lisent la presse spécialisée que de gens qui écoutent la radio. La presse, les magasines musicaux c’est payant. La radio c’est un média gratos et en plus ça prend moins de temps. C’est de l’immédiat. Puis la radio ça permet de faire des relances sur l’artiste même au niveau des concerts. On fait des jeux concours par exemple pour faire gagner des places. Ça nous donne un nouveau levier de communication. La radio c’est un formidable levier de communication (EMI Paris). La radio permet ainsi de prolonger la durée de vie d’un titre puisque : « C’est la radio et les tournées qui permettent à un disque de vivre plus longtemps. La diffusion radio elle prolonge la durée de vie d’un disque. Ben oui, un disque lorsqu’il sort il a une durée de vie d’un mois. Après, il va vite se faire chasser par d’autres sorties si la radio permet pas de le faire suivre plus longtemps. C’est toute une chaîne, une synergie entre le label, le tourneur et la radio. La radio c’est un relais. Par exemple, le groupe sort son album, il passe en tournée dans une ville. La radio fait une interview parce que c’est l’actualité. Du coup, le groupe il repasse en playlist » (Jarring Effect). Néanmoins, si la radio est un outil de promotion essentiel, elle reste difficile d’accès et notamment pour les labels indépendants pour lesquels les budgets marketing sont moins importants. « Si tu n’achètes pas de marketing tu ne passes pas en radio » (Aliénor Bordeaux). « Puis après c’est surtout une question d’argent. Si tu n’as pas d’argent pour acheter du marketing sur une radio tu ne rentres pas dans la diffusion de la radio c’est toujours la même chose. C’est d’ailleurs de plus en plus le cas pour la presse aussi. Plus tu achètes de publicité, plus tu auras de la place et plus ton interview elle sera longue » (Disque Aliénor) - 163 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Ainsi, afin de contourner le modèle de diffusion classique et de continuer à subsister, les labels indépendants se tournent vers la scène. « Nous on ne peut pas compter sur les radios. On compte sur la scène » (Neomme). - 164 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 3.4 Les critères de sélection d’un titre musical. Les responsables de la programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 reçoivent régulièrement un ensemble d’informations concernant la production musicale tant au niveau national qu’international. Il s’agit des classements des autres radios, des chiffres de vente d’albums, de singles en France et à l’étranger. Les diffuseurs ont également à leur disposition un ensemble de produits marketing en provenance des industriels. Ce sont les Cd de promotion, des places de concerts, des voyages…que leur envoient les responsables promotion et/ou les attachés de presse. « L’objectif c’est de faire rêver le programmateur pour qu’il fasse rêver les auditeurs. Les gens, ils achètent à l’affect » (Sonymusic Paris). Les programmateurs réalisent ainsi parmi l’ensemble des informations qui leur parviennent une sélection des titres afin de constituer le top 40. La playlist correspond à une sélection d’anciens ou de nouveaux titres musicaux. Cette liste comprend généralement une quarantaine de titres et doit représenter la couleur de la station et les artistes que la radio met en avant. La constitution de la playlist s’effectue selon des critères propres à une station. A l’aune des propos recueillis auprès des différents professionnels de la filière musicale, nous observons quatre principaux critères déterminants permettant à un titre musical de rentrer au sein des playlists des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Un titre musical doit nécessairement correspondre au format de la radio. Sans ça, un titre ne peut pas être sélectionné par les responsables promotion rattachés à l’industrie de la musique enregistrée. « De toute façon la base du métier d’un attaché de presse c’est de faire un tri sélectif de ce qui peut potentiellement plaire à un programmateur selon le format de la radio. Un attaché de presse qui se pointe avec des titres qui ne correspondent pas, ça n’existe pas. Ou bien c’est un apprenti » (Sonymusic paris) - 165 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Les industriels sélectionnant uniquement les titres qui correspondent aux courants musicaux représentatifs des groupes radiophoniques auxquels ils s’adressent. La tendance actuelle émergente, par exemple, correspond au format pop rock et dance. Comme le souligne le label Jarring Effect, il est difficile d’atteindre les radios commerciales lorsque le label ne regroupe pas des artistes qui produisent de la musique dans l’air du temps. Ainsi, il déplore le fait de ne pouvoir proposer aux radios commerciales certains artistes et courants musicaux. « Je pense que pour atteindre les radios commerciales, il faut un label qui soit plus pop-rock actuellement. […] C’est du rock aseptisé puis voilà. Des fois c’est vrai, ça me rend un peu amer par rapport à tout ça, parce qu’on mériterait d’avoir une visibilité. On a des artistes qui le mériteraient » (Jarring Effect Label) Il devient alors très difficile pour une œuvre musicale qui ne correspond pas aux tendances musicales du moment de s’insérer au sein des playlists des radios commerciales. Les radios commerciales intègrent plus facilement au sein des playlists des titres d’une certaine durée. Comme les œuvres musicales diffusées doivent être perçues puis mémorisées par les auditeurs, il faut des morceaux dont la durée est relativement courte. « Au delà de quatre minutes c’est trop long, mais ça peut arriver que l’on diffuse des morceaux plus longs, mais c’est plus rare » (Virgin Radio paris). Les responsables de la programmation utilisent le terme de Radio Edit. Un Radio Edit désigne le format musical demandé par un programmateur auprès d’un label pour conformer un morceau à la diffusion selon un format de trois minutes trente. Sont ainsi plus facilement exclus des programmations des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin radio et RTL2, les morceaux d’une durée excédant trois minutes trente. Et pour certains courants musicaux, le format Radio Edit n’existe pas. « Vous savez, la musique instrumentale n’est pas facile d’accès. On a souvent des morceaux de six minutes et ça ne correspond pas au format radio » (Jarring Effect). - 166 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Bien évidemment, il arrive que des titres programmés au sein des playlists des radios commerciales dépassent les trois minutes trente. Néanmoins, Il est quasiment impensable d’entendre un titre de six minutes aujourd’hui par exemple. Pour être parfaitement mémorisable et attirer l’attention des auditeurs, les morceaux ayant un format canonique avec une structure simple sont plus facilement sélectionnés. La structure canonique correspond à celle du « couplet-refrain-couplet-refrain ». Ce sont généralement des airs simples et la répétition du refrain permet ainsi de mieux mémoriser le titre et d’être identifiable en quelques secondes par les auditeurs. « En gros faut que ça sonne bien, le format canonique c’est : couplet – refrain –couplet – refrain » (Neomme). Enfin le dernier critère se situe dans l’investissement promotionnel autour d’un artiste. Si la radio sait que l’artiste va être diffusé sur plusieurs médias (presse, plateaux de télévision, espace publicitaire…) et qu’elle n’est pas la seule à s’intéresser à cet artiste, elle intègrera d’autant plus facilement un titre au sein de sa playlist. Il existe également un ensemble de critères propres à la programmation que les diffuseurs effectuent pour mettre en avant les titres sélectionnés au sein de la playlist. Par exemple, après un titre dont le tempo est lent, les responsables de la programmation adoptent un titre avec un tempo rapide afin d’obtenir une alternance de tempo qui ne soit pas uniforme. De plus, afin de garder leur audience, les responsables de la programmation font en sorte de diffuser un hit après une annonce publicitaire. Lorsque les animateurs enchaînent les morceaux et qu’ils annoncent un titre musical, ils doivent absolument éviter de parler sur la partie du morceau chanté. C’est l’ensemble de ces paramètres qui constitue la couleur musicale d’une station et qui crée une cohésion dans la programmation de la playlist. Une playlist ne correspond pas à un enchaînement mécanique de titres distincts mais il s’agit d’un - 167 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs ensemble de paramètres de liaisons entre les titres afin d’attirer l’oreille des auditeurs. Il existe des normes propres au métier de programmation dont les professionnels n’ont pas toujours conscience. Ces normes correspondent à un langage commun sur lequel se sont entendu l’ensemble des professionnels et ce de façon tacite. Nous prendrons pour exemple la définition toute particulière que nous livre le responsable promotion de Sonymusic pour qui un « choix artistique » correspond à un format radiophonique. C’est principalement des arguments artistiques dans ce métier. Qu’est ce que c’est qu’un argument artistique ? Ben, c’est tout simple, un argument artistique, c’est un single qui correspond au format musical de la radio. C’est ce que la radio attend. Il faut qu’il y ait un lien entre le morceau proposé, le format et la cible de la radio » (sonymusic Paris). A l’inverse, un choix artistique pourrait correspondre à la recherche de sonorités esthétiques et cette définition peut paraître déroutante pour le sens commun. - 168 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 4. Analyse des relations entre diffuseurs et industriels. 4.1 L’industrie de la musique enregistrée, un fournisseur de programmes. A la suite de la loi Fillioud en 1982, de nombreux programmes radiophoniques consacrés à la diffusion musicale explosent sur la bande FM. Les compagnies de disques de l’époque prennent de plus en plus d’importance en France. Progressivement des liens se nouent entre l’industrie radiophonique et l’industrie de la musique enregistrée. Les industriels viennent d’eux-même vers les diffuseurs afin de proposer et d’inviter les radios commerciales à diffuser des groupes musicaux. Dès l’apparition des radios commerciales, à la suite de l’introduction de la publicité au sein de l’espace radiophonique, les industriels ont su s’emparer de l’industrie radiophonique qui représente pour eux un moyen de communication primordial permettant de faire connaître leurs artistes à de vastes audiences. L’industrie de la musique enregistrée développe des axes de promotion avec des responsables promotion et des attachés de presse qui se chargent de convaincre les radios de diffuser les artistes qu’ils ont signés. Des relations privilégiées s’instaurent entre les responsables de la programmation musicale et les responsables promotion. L’industrie de la musique enregistrée s’inscrit alors dans un rôle de fournisseur de programmes à destination des radios commerciales. Les radios commerciales diffusent les artistes qui leurs sont proposés et le taux de diffusion d’un artiste peut avoir un effet sur les taux de vente d’un album (confère résultats des chiffres de ventes réalisés régulièrement par le SNEP). Néanmoins, tout comme l’industrie radiophonique, l’industrie de la musique enregistrée se trouve dans un marché concentré. Il existe aujourd’hui quatre grands groupes : les majors Universal Music, BMG-Sony, EMI-Virgin et Warner Music. Ces majors évoluent actuellement dans un contexte - 169 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs économique difficile et concurrentiel. Les responsables promotion et/ou les attachés de presse doivent faire de plus en plus d’efforts pour convaincre les radios commerciales de diffuser les artistes avec qui ils ont signé. Comme le souligne le responsable promotion du label Sonymusic à Paris, chaque label a ses artistes à défendre et développe des arguments pour convaincre les radios. Néanmoins, les places sont chères et le nombre de radios commerciales est restreint ainsi que les playlists qui comportent une quarantaine de titres, voire une trentaine pour certaines. « En plus, on a la concurrence des autres maisons de disque qui ont d’autres artistes à défendre et d’autres arguments. La France c’est un pays difficile. Il y a de grands réseaux radio mais ils sont peu nombreux. Je vois par exemple, aux Etats-Unis c’est différent. A New York par exemple, il y a quinze ou trente radios aussi importantes que nos réseaux commerciaux à nous. A ça, tu rajoutes les playlists qui comportent de moins en moins de titres c'est-à-dire en moyenne dix à trente titres au maximum. C’est super dur » (Sonymusic Paris). Dès lors, les responsables de la programmation et/ou les attachés de presse opèrent un premier tri sélectif auprès des artistes de leur label. Ils sélectionnent ceux qui sont susceptibles de correspondre au format des radios commerciales. Cette première sélection doit être précise et efficace afin de convaincre en peu de temps les responsables de la programmation des réseaux commerciaux qui sont submergés par les informations musicales. « Bon, on essaie de pas trop les saouler ou les submerger d’informations car on est un peu comme des spam pour eux. Si on fait des mails, il faut être bref et efficace. Il faut savoir cibler parce que des informations ils en reçoivent énormément et de l’ensemble des maisons de disques » (Sonymusic Paris). De ce fait, les responsables promotion connaissent parfaitement les attentes des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin radio et RTL2. « On doit connaître un média par cœur, ses contraintes, ses logiques de fonctionnement, ses motivations, sa façon de faire. Si jamais on ne comprend pas trop les contraintes du programmateur il va y avoir un décalage. Pour ça, avant tout rendez-vous, je dois savoir exactement comment ça va se passer. Comment va se dérouler l’entretien. Notre objectif, c’est de raccourcir le temps » (Polydor Paris). - 170 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 4.2 L’industrie radiophonique, une vitrine pour les œuvres musicales. Lorsque les responsables de la programmation reçoivent les CD de promotion en provenance des industriels, ils opèrent une nouvelle sélection des titres qu’ils vont introduire au sein de la playlist. La sélection est réalisée en fonction du format de la radio, du degré de notoriété de l’artiste et de l’importance du plan marketing proposé par les responsables promotion. Lorsque les titres sont sélectionnés, ils sont introduits au sein de la playlist et diffusés à l’antenne. Il s’agit alors dans un deuxième temps de vérifier si les titres présents au sein de la playlist correspondent aux goûts musicaux des auditeurs. Les responsables de la programmation vont ainsi effectuer des sondages. « On appelle les auditeurs et des non auditeurs de la radio et on voit leur réaction face à des titres puis on élabore à partir de ces données une programmation » (NRJ Paris). « Ces études ont pour objectif de connaître l’avis du public, de la majorité. Ça nous permet de surveiller si nos choix musicaux sont judicieux. S’ils sont validés ou pas. Les risques que l’on prend ou pas à faire connaître un titre, nous permettent d’avoir un lien avec le public » (Skyrock Paris). Les résultats de ces sondages permettent de laisser ou de sortir un titre de la playlist selon le taux de saturation des auditeurs. Les diffuseurs confortent également leur sélection auprès des chiffres de vente proposés par le SNEP (qui recense chaque semaine le nombre de singles et d’albums vendus dans les principaux points de vente en France). Concernant les titres internationaux, l’entrée en programmation est facilitée par le suivi des classements et du nombre de ventes effectuées à l’étranger. Néanmoins, les différents réseaux radiophoniques ont plus ou moins accès aux mêmes informations concernant la production discographique et les classements et/ou ventes en France et à l’étranger. Si chaque station possède son propre format, l’objectif d’une radio consiste à augmenter son audience par rapport à l’audience des radios concurrentes. Dans un contexte ultra concurrentiel, où chaque responsable des programmations épie la playlist - 171 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs de ses voisins, de nombreux titres similaires se trouvent programmés au sein de chaque playlist respective. A la question trouvez-vous des points communs ou au contraire des différences avec la diffusion musicale des autres radios musicales commerciales, les responsables de la programmation ont quelques difficultés à répondre. Les programmateurs en régional considèrent qu’il y a effectivement des points communs entre les playlists des principaux groupes radiophoniques. La similarité des playlists provient, selon eux, des contraintes de programmation et de l’actualité musicale qui sont identiques pour l’ensemble des stations commerciales. « Il y a sûrement quelques titres en communs puisque toutes les radios s’intéressent à l’actualité » (NRJ Grenoble). « Oui, on a forcément des titres en commun avec l’ensemble des radios musicales. C’est pareil partout. On a les mêmes contraintes en terme de rotation, de nouveautés, de quotas » (Virgin Radio Strasbourg). Viennent ensuite les considérations concernant les formats radiophoniques plus ou moins similaires de leurs concurrentes. « Dans la catégorie jeune c’est clair qu’on joue tous les mêmes titres. […] La musique dance qui passe sur NRJ est la même que sur Fun Radio avec quelques spécificités suivant les maisons de disques » (Fun Radio Marseille). « Quelques fois, certaines radios, surtout Fun Radio et NRJ viennent marcher sur nos plates bandes. Lorsqu’on est parti sur le rap, NRJ a suivi » (Skyrock Dunkerque). « On est directement en concurrence avec Europe2. C’est clair au niveau des slogans. RTL2 c’est « le son pop rock » et pour Europe2 c’est « que du rock, que de la pop ». Au niveau des programmations, on a 70% des titres en commun et 20% restant qui sont différentes. Après, la différence se fait sur des détails. RTL2 c’est les 25-45 ans et Europe2 les 15-35 ans. Nous, on vouvoie et Europe2 tutoie leurs auditeurs et les titres sont un peu plus jeunes chez eux » (RTL2 Bordeaux). A l’inverse, les responsables de la programmation parisienne considèrent que leurs programmations sont bien distinctes. « Ouais, ça peut arriver que l’on retrouve quelques morceaux en communs mais nos programmations sont quand même différentes puisqu’on a des formats à respecter » (Fun Radio Paris). « Aujourd’hui, chacun a une identité propre et cherche à avoir sa programmation contrairement à ce que souhaiteraient les maisons de disques. Elles voudraient que leurs artistes passent sur toutes les radios. Chacun a son univers. On a un paysage clair aujourd’hui » (Skyrock Paris). - 172 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs Ils dénoncent plus volontiers le mimétisme des radios commerciales de moindre envergure qui, selon eux, copient carrément leurs programmations. « Par contre, si on regarde les radios locales c’est différent. Là, le taux de duplication des programmations musicales est de 60%, voire même des fois 100%. Ce type de station se calque sur les radios leaders » (NRJ Paris). D’un point de vue idéal, les radios commerciales qui possèdent une programmation en continu, devraient proposer un éventail de genres musicaux au sein de leurs playlists et constituer de la sorte une vitrine d’exposition de la production musicale. Néanmoins, les logiques de programmation qui répondent à des exigences financières favorisent la surexposition d’un faible nombre de titres sur les antennes des radios commerciales. Dans ce contexte, les réseaux NRJ, Fun Radio, Virgin Radio et RTL2 deviennent des vitrines de luxe où seules les productions musicales ayant un fort investissement marketing sont diffusées. - 173 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 4.3 Des relations complexes entre diffuseurs et industriels. Le mode de fonctionnement de l’industrie radiophonique et de l’industrie de la musique enregistrée est relativement ancien. Comme nous l’avons vu précédemment, l’industrie radiophonique fonctionne selon un « modèle de flot ». La programmation des radios commerciales nécessite d’être renouvelée chaque jour. Les contenus des programmes sont éphémères et se doivent d’être fréquemment renouvelés. C’est ce que permet la conclusion des sondages réalisés par les radios commerciales, facilitant l’entrée ou la sortie d’un titre au sein des playlists. A l’inverse, l’industrie de la musique enregistrée fonctionne selon un « modèle éditorial ». Le « modèle éditorial » est quant à lui discontinu, individualisé et directement financé par chaque consommateur. La logique éditoriale se trouve aujourd’hui élargie par le développement des différents supports électroniques mais elle reste néanmoins bien prégnante au sein de l’industrie de la musique enregistrée. Les logiques du « modèle de flot » et du « modèle éditorial » s’articulent entre elles, plus qu’elles ne s’opposent ou se concurrencent directement. Nous observons ainsi une relation d’interdépendance entre l’industrie radiophonique et l’industrie de la musique enregistrée. Les radios commerciales prennent peu de risque par crainte de perdre des parts d’audience. De ce fait, les industriels sélectionnent au préalable les artistes qu’ils considèrent comme correspondant aux formats des radios commerciales. Aussi, comme « les radios sont plus attentives envers les artistes connus que ceux qui sont moins connus » (Sonymusic paris), les industriels achètent des espaces publicitaires. Il s’agit là, comme le souligne Balmer E., d’une situation paradoxale puisque les majors proposent à la fois le contenu des programmations musicales et elles doivent également acheter des espaces publicitaires comme n’importe quel annonceur (Balmer E., 2005). A l’inverse, alors que les radios commerciales ne représentent qu’une toute petite partie de la filière musicale, ce sont elles qui gèrent la sélection des titres qui seront mis en avant sur leurs antennes. Ainsi, les artistes sont tributaires des radios musicales commerciales. - 174 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs « Sans la radio on ne vaut pas grand-chose » (Neomme) « Financièrement, ça ne coûte pas grand chose l’envoi de disques aux radios, mais par contre le retour sur investissement est immédiat. […] C’est toute une chaîne, une synergie entre le label, le tourneur et la radio. La radio c’est un relais » (Jarring Effect). Il existe à la fois une relation d’interdépendance entre les diffuseurs et les industriels mais également des relations hétérogènes car les deux industries n’ont pas les mêmes objectifs. Pour l’industrie de la musique enregistrée, l’objectif est de toucher le plus large public possible afin d’augmenter le taux de vente d’albums. Pour cela, il faut diffuser les artistes sur le plus de radios possibles. « Au niveau commercial et politique éditoriale, c’est simple les maisons de disques elles ciblent le plus de médias possible pour la visibilité de leurs artistes. Une maison de disques a intérêt à ce que ces artistes soient diffusés sur un maximum de radio, sur toutes les radios » (Skyrock Paris). A l’inverse dans une logique concurrentielle et de distinction, les radios commerciales cherchent à se distinguer les une des autres. Elles s’inscrivent dans une logique d’exclusivité pour se différencier de la concurrence et capter les audiences. Il s’agit de ne pas se faire dépasser par les radios concurrentes en termes de nouveautés tout en prenant le moins de risques possibles. « Alors que nous on a intérêt à avoir l’exclusivité. Il faut que l’auditeur trouve une spécificité qu’il ne trouvera pas sur une autre antenne. Ce sont deux objectifs divergents mais on s’entend. On arrive à négocier » (Skyrock Paris). - 175 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs 4.4. Des rôles qui n’existent pas à l’état pur. L’industrie radiophonique et l’industrie de la musique enregistrée répondent mutuellement à des exigences et des contraintes budgétaires propres à leur mode de fonctionnement interne. Ces deux industries ont chacune des logiques financières distinctes l’une basée sur un « modèle de flot » et l’autre sur un « modèle éditorial ». L’industrie radiophonique répond aux contraintes de la logique de programmation de flot propre aux médias de programmation alors que l’industrie de la musique enregistrée doit écouler des stocks. Il s’agit de logiques qui interagissent et affectent les stratégies de programmation d’un titre au sein des playlists. De ce fait, l’entrelacement de logiques à la fois complémentaires et hétérogènes est à l’origine de la sélection d’un faible nombre d’artistes au sein des playlists. La programmation musicale des radios commerciales françaises est très restreinte contrairement aux témoignages des responsables de la programmation. La playlist est la résultante d’une sélection qui s’opère à deux niveaux. Il s’agit du premier tri effectué par les responsables promotion des labels pour correspondre au format de la radio et d’un second tri où les diffuseurs choisissent les groupes parmi ceux proposés par les industriels. Dans ce contexte, les titres qui ne correspondent pas aux critères de sélections requis sont exclus des programmations musicales des radios commerciales françaises. Il existe néanmoins une différence distincte entre le témoignage des responsables de la programmation en régional et en Ile de France. Cette divergence dans les propos semble inhérente à la situation dans laquelle se trouvent les diffuseurs. Les programmateurs régionaux, s’ils connaissent parfaitement en quoi consiste les stratégies de programmations musicales puisqu’ils proviennent d’écoles internes aux radios (école NRJ…), peuvent plus aisément prendre du recul vis-à-vis de leur profession. A l’inverse les - 176 - Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs responsables de la programmation parisienne évoluent dans un cercle plus fermé et sont les représentants de la programmation musicale puisque la programmation est entièrement réalisée sur Paris. De ce fait, il est plus difficile pour eux de se détacher du discours institutionnel. Dans ce contexte, les relations entre diffuseurs et industriels qui sont à l’origine de la programmation musicale, ne permettent pas aux labels indépendants d’émerger au sein des playlists. Mais ce qui est d’autant plus inquiétant, c’est que les labels indépendants ont également du mal à s’insérer au sein des programmations des radios du service public comme le réseau de Radio France. Les réseaux d’informations augmentent leur programmation de « talk » au dépend de la programmation musicale. Ainsi ces réseaux qui participaient à la diversité au sein de l’espace radiophonique, tendent à amoindrir leur offre. Et comme le souligne le label Neomme, il n’y a pas véritablement d’autres structures radiophoniques spécialisées permettant la mise en avant d’une expression musicale, représentative de l’ensemble des indépendants à destination d’audiences conséquentes. « Mais ce qui serait bien et qui n’existe pas dans le paysage radio ce serait des radios comme Virgin et les autres qui passeraient autre chose. Une autre programmation moins formatée » (Neomme). - 177 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale TROISIEME PARTIE UN RECOURS CROISSANT AUX TECHNIQUES DE MARKETING, FACE AU DEGRE D’INCERTITUDE QUE REVET LA PROGRAMMATION MUSICALE AU SEIN DE L’INDUSTRIE RADIOPHONIQUE. Dans cette troisième et dernière partie, nous allons nous pencher sur quelques travaux et études concernant la programmation musicale radiophonique. Nous allons mettre en corrélation les résultats de notre démarche empirique avec ces études afin d’apporter un éclairage sur les stratégies de programmation des professionnels de la radio. Cette troisième partie s’attachera donc à proposer quelques éléments de réflexion sur le mode de diffusion actuel et la définition de la diversité musicale au sein des radios de notre panel afin de les mettre en perspective dans le mouvement de mutation de la radio numérique. - 178 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 1. Les enjeux de la programmation. 1.1 La musique est un vecteur d’audience. L’écoute de la radio est une activité typiquement secondaire, c'està-dire une activité à laquelle les auditeurs s’adonnent en menant d’autres tâches. Si la radio reste un média encore très prégnant aujourd’hui, c’est à la fois grâce à ses facultés d’accompagnement du quotidien de bon nombre de personnes mais également grâce à la diffusion musicale qui constitue un moyen d’attrait des auditeurs. L’exemple d’une enquête menée au Canada et portant sur la place de la musique à la radio, illustre ce constat. Quoique solide sur le plan méthodologique, cette enquête n’a pas pour prétention d’avoir mesuré objectivement l’importance de la musique dans l’écoute de la radio. Elle peut toutefois être utilisée en termes relatifs pour notre analyse. L’étude effectuée par Benoît Gauthier, responsable de l’entreprise de consultation Circum, stipule l’importance de la musique pour les auditeurs en tant qu’élément attractif de la programmation radiophonique ; cela concerne la radio commerciale en général et les stations de radio en particulier. Ce sondage téléphonique, réalisé auprès de la population canadienne âgée de douze ans et plus, a interrogé 1 7071 personnes en 2001 (Gauthier B., janvier 2002, « Importance de la musique à la radio en 2001 : un sondage auprès des Canadiens », Réseau Circum consultation en gestion et en recherche, http://www.circum.qc.ca, consulté le 01/06/2005). Le questionnaire a été construit autour de six questions de recherche comprenant : les heures consacrées à diverses activités de loisirs, les raisons d’écoute de la radio, les raisons de choisir une station de radio en particulier, les questions hypothétiques sur l’absence de musique appréciée à la radio, et enfin les données sociodémographiques. - 179 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale Les résultats de l’enquête révèlent que la radio occupe, avec l’écoute de la télévision (autre que les chaînes musicales), une part importante du temps de loisirs des personnes interrogées. De ce fait, la radio tient le premier rang en heures consacrées parmi les sept activités de loisirs proposées aux participants de l’enquête (l’écoute de la radio, de la musique enregistrée, des chaînes de télévision musicales et de la télévision, la lecture, le sport et la navigation sur Internet). La principale raison citée pour privilégier l’écoute de la radio est l’actualité, les informations sur la circulation automobile et la météo. Globalement, la musique se retrouve en seconde position. Au total, 23% des participants ont indiqué que la musique constituait un attrait important pour l’écoute de la radio, sans tenir compte des auditeurs qui ne recherchent qu’un bruit de fond, où la musique pourrait pourtant représenter une composante importante (Ibid.). La moitié des participants a indiqué que la musique diffusée par la station est le facteur essentiel qui les incite à écouter une station en particulier. Ceci place la musique en tête des raisons pour lesquelles une station sera choisie. L’auteur de l’enquête émet l’hypothèse suivante : tout en constituant un facteur d’attraction important, l’actualité n’est pourtant pas l’élément qui déterminera le choix d’une station par un auditeur. A l’inverse, la musique constituera le principal aspect de la programmation que retiendra l’auditeur afin de choisir sa radio. C’est grâce à la distinction établie entre les auditeurs de stations commerciales axées sur la parole et entre les auditeurs de stations de radios commerciales musicales que l’auteur démontre l’importance de la musique. En effet, le groupe des auditeurs de stations de radio commerciales musicales présente un profil de motivations différentes. La part du temps accordé à la radio est légèrement plus élevée chez les auditeurs de stations de radio commerciales musicales et constitue une activité de loisirs importante sur le plan quantitatif. Pour 70% des auditeurs de ces stations, la musique est la première raison donnée pour choisir une station et elle rivalise avec l’actualité régionale et internationale (Ibid.). Le genre de musique offerte - 180 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale est déterminant pour 80% des personnes interrogées et la quantité vient en seconde position (Ibid.). Ainsi, les auditeurs des stations commerciales musicales écoutent davantage la radio ; ils consacrent davantage de temps de loisirs aux chaînes de télévision musicales et ils privilégient une radio en fonction de la musique qui y est diffusée plutôt que pour les informations générales. Les fondements théoriques de cette enquête partent de l’idée que les auditeurs de stations de radios musicales seraient peu enclins à écouter une station de radio sans musique si cette matière première n’était pas disponible aux programmateurs. Afin de vérifier cet état des lieux, deux questions hypothétiques ont été proposées aux participants de l’enquête, à savoir : « Si la musique jouée à votre station de radio préférée changeait tout à fait de genre, seriez-vous plus susceptible de continuer à écouter cette station ou de choisir une autre station ? ». Presque les trois quarts (72%) de l’ensemble des auditeurs de la radio changeraient leur station préférée pour une autre station si cette première changeait tout à fait de genre musical. Chez les auditeurs de stations commerciales musicales, plus de 8 auditeurs sur 10 (83%) adopteraient ce changement de comportement. Même chez les auditeurs de stations commerciales axées sur la parole, la moitié des auditeurs serait encline à changer de stations préférées dans le cas d’un changement important de genre musical (pourtant diffusé en moindre quantité sur les radios généralistes) (Ibid.). A la deuxième question hypothétique « Si vous ne pouviez pas entendre de musique à la radio, seriez-vous plus susceptible de choisir d’écouter une station de radio qui privilégie la parole, de passer plus de temps à écouter de la musique préenregistrée ou de faire autre chose ? », 67% de l’ensemble des auditeurs ont indiqué qu’ils abandonneraient la radio en faveur de l’écoute de musique préenregistrée. Cette proportion augmente aux trois quarts (78%) dans le cas des auditeurs de stations commerciales musicales. - 181 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale Dans ce groupe, seuls 13% des auditeurs choisiraient une station axée sur la parole. Même dans le groupe des auditeurs de stations commerciales axées sur la parole, seul un tiers (34%) des auditeurs a indiqué qu’il persisterait à écouter une telle station en l’absence de musique. Un autre tiers (36%) a répondu qu’il passerait davantage de temps à écouter de la musique préenregistrée. Même au sein de la programmation des stations principalement axées sur la parole, la part musicale présente de l’importance (Ibid.). Aussi, l’intérêt envers la musique diffusée par les stations de radio peut être évalué par l’importance que les auditeurs de la radio accordent à la musique dans leur vie. Cela regroupe le nombre d’heures consacrées à l’écoute de la musique préenregistrée et à l’écoute des chaînes de télévision musicales. Le temps consacré est plus important chez les auditeurs de la radio que chez les non auditeurs et plus remarquable encore chez les auditeurs de stations de radio commerciales musicales. Selon cette approche, les auditeurs de la radio accorderaient deux fois plus de leur temps de loisirs à la musique que les non auditeurs (24,8 heures vs. 8,9 heures) et une proportion deux fois plus grande de leur temps de loisirs (46% vs. 24%). La différence est encore plus marquée dans le cas des auditeurs de stations commerciales musicales (27,3 heures vs. 8,9 heures ; 50% vs. 24%) (Ibid.). Cette étude démontre que la musique constitue un facteur d’attrait important pour la radio et pour une station particulière d’une part, et que la musique est un facteur de rétention important à la radio et à une station en particulier, d’autre part. La musique a également tendance à primer sur l’information chez les auditeurs de stations commerciales musicales. Le contenu musical est de loin la plus importante raison pour laquelle les auditeurs préfèrent une station en particulier. Les auditeurs de la radio consacrent davantage de leur temps de loisirs à l’écoute de la musique, sous une forme ou sous une autre. Les auditeurs de la radio musicale présentent un profil socioéconomique et des attitudes différentes des auditeurs de la radio axée sur la - 182 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale parole. Hypothétiquement, une grande majorité d’auditeurs de la radio choisiraient une autre station que leur station préférée si celle-ci changeait de genre musical et une grande majorité d’auditeurs de la radio privilégierait l’écoute de musique préenregistrée à l’écoute de la radio si celle-ci n’offrait pas de contenu musical. Ces observations amènent l’auteur de l’enquête à conclure que, sans musique, la radio musicale aurait de la difficulté à retenir ses auditeurs dans un format axé uniquement sur la parole et elle aurait de la difficulté à maintenir ses audiences face à d’autres types d’activités. Les résultats de cette enquête réalisée au Canada, peuvent raisonnablement être étendus à la situation européenne et française. Cela apparaît d’autant plus plausible que la musique est bien souvent l’élément fédérateur d’un groupe et un signe de reconnaissance sociale. Il n’est donc pas étonnant qu’elle constitue un élément déterminant tant au niveau des pratiques culturelles des auditeurs qu’au niveau de la sélection d’une station de radio. La musique est donc un facteur essentiel ; la programmation joue un rôle primordial et déterminant quant au suivi et à la fidélité des auditeurs. - 183 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 1.2 La perception auditive au centre des enjeux de la programmation musicale. Des études réalisées par des chercheurs de l’Université MCGill à Montréal (http://francais.mcgill.ca/, consulté le 13/06/2009), ont montré que la musique active dans le cerveau les centres de récompense ou de plaisir qui sont associés à la nourriture ou au sexe. Ces chercheurs ont pu observer qu’une expérience musicale agréable a une base chimique dans la molécule de dopamine chez l’être humain. La répétition d’un titre musical, largement plébiscité par les auditeurs de radio dans les sondages, aurait donc comme objectif de générer du plaisir et surtout de marquer la mémoire de chacun. En effet, un son diffusé à la radio est évanescent alors que la reconnaissance et l’appréciation d’un titre passent par une phase de mémorisation. C’est une des raisons pour lesquelles il arrive à un sujet d’apprécier pleinement un titre musical après plusieurs écoutes. Il faut un certain temps pour que la musique s’inscrive dans le cerveau humain. La diversité des informations présentes dans le monde sonore nécessite la mise en œuvre d’un ensemble de processus intellectuels. En premier lieu, la musique parvient à nos oreilles et elle doit être interprétée pour donner naissance à une perception cohérente. La perception acoustique dépasse largement les qualités de la perception sensorielle et résulte d’un traitement de l’information. L’individu doit à la fois traiter des informations sensorielles (d’un point de vue biologique) et des informations symboliques (linguistique, sémantique, esthétique). Pour ce faire, il existe plusieurs types de mémoire distincts, parmi lesquels la mémoire à long terme qui revêt un certain intérêt pour les responsables de la programmation radiophonique. Toutefois, sans une bonne perception, la mémoire à long terme est parasitée et s’avère inefficace. La diffusion d’un titre en boucle peut constituer un moyen de pallier une mauvaise perception de l’information sonore. - 184 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale Malgré leurs différences de mécanisme, nous distinguons trois stades nécessaires à la mémorisation durable d’un son. Les stimuli sonores détectés par nos sens sont soit ignorés, et dans ce cas ils disparaissent de façon instantanée, soit ils sont perçus et ils entrent alors dans la mémoire sensorielle. Celle-ci ne nécessite pas d’attention, car le stockage se fait de façon automatique au cours de la perception. C’est ce qui se passe lorsqu’un individu écoute la radio en fond sonore. Son attention n’est pas mise à contribution mais il perçoit malgré lui la musique. Dans ce cas, il est coutume de parler d’une écoute non attentive. Néanmoins, l’écoute active, c'est-à-dire l’attention portée à une musique donnée, est essentielle car lorsqu’une attention particulière est portée à une information sonore, elle passe dans la mémoire à court terme. Si un son est maintenu suffisamment longtemps dans la mémoire à court terme, il peut alors être transféré dans la mémoire à long terme, ce qui permet une mémorisation durable. De la sorte, la répétition de l’information sonore permettrait un processus de mémorisation durable. Les trois stades nécessaires à la mémorisation durable d’un son peuvent-être représentés par le schéma suivant : - 185 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale - 186 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale Une fois présente dans le système perceptif, l’information sonore est reconnue, identifiée et reçoit une signification qui dépend à la fois du contexte et de l’expérience antérieure de l’auditeur. A l’exception du nouveauné, les sons ne parviennent pas dans un système sensoriel sans expérience et les connaissances interagissent avec les données sensorielles d’un sujet dans l’interprétation des stimulations auditives. Comme il n’y a pas d’objet persistant dans l’audition, les informations acoustiques doivent être stockées dans le temps et elles sont traitées en fonction des expériences antérieures de l’individu. Dès lors, les connaissances sonores mémorisées constituent une trame sur laquelle se greffent les nouvelles informations musicales. Plus la quantité de connaissances est grande, plus de nouvelles informations musicales peuvent y être greffées aisément. Le professeur en perception et cognition musicales à l'Université McGill, et directeur du Centre Interdisciplinaire de Recherche en Musique, Médias et Technologie, Stephen McAdams, donne l’exemple d’une personne en train de préparer son repas dans la cuisine et qui tout à coup entend un bruit dans le salon. L’analyse du bruit perçu permet à cet individu d’identifier le bruit de l’assiette qui se brise, le son des couverts qui rebondissent sur le carrelage et le miaulement du chat. L’identification de ces bruits permet à la personne de donner une signification à ce qui vient de se produire, à savoir, le chat jouant avec le coin de la nappe qui vient de faire tomber ce qui se trouvait sur la table. Ces quelques éléments de recherche confirment la mise en corrélation évidente entre les phénomènes répétitifs à la radio et le mode de mémorisation humain. Selon des professionnels de la radio, il est nécessaire de diffuser plusieurs fois un même titre et si possible, un titre faisant appel à des connaissances sonores antérieures chez l’auditeur afin de marquer les mémoires. Toutefois, ce mode de diffusion ne se justifie pas complètement et correspond à une vision hypodermique de la diffusion musicale, ce qui - 187 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale équivaudrait à réduire la perception musicale à une équation « stimulusréponse », propre à la théorie béhavioriste, dont il n’est plus la peine de démontrer aujourd’hui les limites. Si les professionnels de la radio ont plus ou moins conscience des limites du mode de diffusion musical répétitif, ils n’ont pour l’instant pas trouvé d’autre alternative. En effet, les mécanismes de perception musicale sont complexes et font appel à un ensemble de facteurs. La perception musicale touche aussi bien à la biologie (comme nous venons de le voir), qu’à la sociologie, à la psychologie humaine et au vécu de l’individu. D’un point de vue sociologique, l’audition peut déclencher des processus psychiques qui dépendent de plusieurs paramètres, dont l’environnement culturel. L’appartenance sociale ainsi que les tactiques de distinction, définies par Bourdieu P. (1980) et Lahire B. (1998), peuvent jouer un rôle déterminant et fortement modifier la perception et la façon d’écouter une musique. Ainsi, selon sa culture et son éducation, un sujet ne percevra pas un son de la même façon. D’un point de vue psychologique, les phénomènes de mode jouent également un rôle non négligeable. Si chaque style musical fait l’objet de critiques ou au contraire d’admiration, certains courants musicaux acquièrent une popularité incontestable. Outre l’aspect subjectif, l’époque, l’éducation, l’appartenance sociale,… l’image que reflète un courant musical a un rôle dans sa compréhension et son adoption par le grand public. Une connotation péjorative, par exemple, sera un frein à l’acceptation d’un genre musical et inversement. Enfin, la perception musicale, d’un point de vue individuel, est souvent rattachée à des expériences associées. La musique fait partie du quotidien, elle accompagne des instants de vie et elle est souvent reliée à des émotions ou à des souvenirs telle une madeleine de Proust. Si une musique est rattachée à un agréable souvenir, elle sera mieux mémorisée. Plus l’investissement personnel d’un individu est important, plus il a de chance de mémoriser la musique associée à ce moment. - 188 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale La répétition de l’information sonore permettrait la mémorisation à long terme. Cependant, cette stratégie de diffusion, largement plébiscitée par les radios musicales françaises, est moins efficace sur du long terme que le fait de donner un sens à un son, en l’associant à des connaissances musicales déjà acquises et/ou à des souvenirs personnels. La musique fait appel à des réactions émotives et elle est souvent rattachée à des expériences associées. La perception musicale varie selon les individus et fait la connexion entre les souvenirs et les émotions qui résident dans chaque être humain. De ce fait, la musique constitue une identité, une représentation du monde et un système de valeur qui nécessite une analyse, autant du point de vue individuel que collectif, car « ne serait-ce que parce que la musique est un moyen d’expression et de communication : […] elle utilise des codes et des critères esthétiques admis ou à faire admettre par ses destinataires. Il en émane une identité musicale, culturelle, sociale ou plus simplement personnelle au sens large où l’entendent les psychologues, c'est-à-dire une identité que l’on peut assimiler au système de sentiments et de représentations par lequel le Soi se spécifie et se singularise » (Capitolin, 1996, p. 146). Si les responsables de la programmation ont plus ou moins conscience de la complexité et des enjeux que représente la perception musicale humaine, ces derniers orientent leurs recherches vers une connaissance plus précise des goûts musicaux des auditeurs. - 189 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 1.3 L’importance de la recherche sur la diffusion musicale. C’est avec l’extension des réseaux musicaux privés puis le lancement des premières études d’audiences que se développent parallèlement les recherches en marketing au sein de l’espace radiophonique. Si, à l’origine, ces études ont été réalisées de façon occasionnelle, elles s’inscrivent aujourd’hui dans le quotidien d’une radio. L’ensemble des techniques supposées permettre de mieux connaître le profil et les goûts des auditeurs est réalisé par des instituts spécialisés. Certaines radios peuvent faire appel à des instances externes alors que d’autres radios possèdent leur propre institut. C’est le cas de la filiale d’études Médiapanel, présente au sein du groupe radiophonique RTL. Celle-ci comprend un pôle musical, un pôle éditorial et un pôle audience. Les études réalisées par Médiapanel sont au centre des différents enjeux parmi lesquels figurent la recherche éditoriale, les audiences, la technologie, l’efficacité publicitaire, la recherche musicale, la veille concurrentielle, le juridique et le politique et enfin, la concurrence entre radios. Il existe également d’autres sociétés, telles qu’Easyscore, Médianalyst…, qui proposent leurs services sur Internet et auxquelles les radios peuvent s’adresser. Au sein de l’espace radiophonique, il est d’usage de parler de « recherche musicale ». Si le terme de « recherche musicale » possède un sens très large qui s’applique à des domaines disparates, cette expression désigne notamment l’ensemble des recherches permettant de connaître les goûts musicaux des publics. La recherche musicale devient ainsi un outil de mesure de satisfaction au service d’une méthodologie pour des analyses à la frontière du qualitatif et du quantitatif. Les différents instituts peuvent réaliser des tests de discours, des tests d’extraits sonores ou musicaux, mais également de tout autre élément sur lequel un public peut porter une appréciation. Les tests permettent également à une station donnée de se situer - 190 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale par rapport à la concurrence. Nous recensons différents outils appartenant au domaine de la recherche musicale : il s’agit des enquêtes stratégiques, des auditoriums, des call-outs et enfin des enquêtes en ligne via Internet. Les enquêtes stratégiques permettent à une station donnée de se positionner par rapport aux autres stations. Ce sont des enquêtes de recadrage ou enquêtes fondamentales. Les radios musicales peuvent avoir besoin de ce type d’enquêtes mais celles-ci restent moins fréquentes que la réalisation d’auditoriums ou de call-out, par exemple. La réalisation d’auditoriums est préconisée pour tester un grand nombre de titres musicaux et le plus souvent sur des titres golds (de plus de trois ans d’ancienneté). Lors des auditoriums de recherche musicale, de courts extraits musicaux permettent de recueillir une appréciation des auditeurs. L’auditorium est réalisé auprès d’un échantillon d’auditeurs réguliers et d’auditeurs potentiels de la radio. Les participants sont sélectionnés suivant des quotas (sexe, âge, habitudes d’écoute). Au cours d’un auditorium, il est possible de tester l’appréciation et la notoriété de près de 400 extraits musicaux. L’évaluation des titres musicaux proposée aux auditeurs est réalisée à l’aide d’un boîtier de votes interactifs. Pour mesurer l’appréciation d’un titre, les questions peuvent être libellées ainsi : Source : http://www.medianalyst.com/ - 191 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale L’ensemble de la séance en auditorium s’effectue en une heure environ et afin de mieux connaître la perception de la radio dans son environnement concurrentiel, il est de coutume de proposer quelques questions fermées à la fin. Que ce soit en « Off line » ou « On-line », dans ces deux versions, la recherche musicale permet aux personnes interrogées de réagir en direct, de façon spontanée et anonyme. En « Off line », tous les participants sont réunis dans une même salle. Grâce à des boîtiers équipés d’un curseur gradué, ils répondent simultanément aux questions ou réagissent aux documents audiovisuels qui leur sont proposés. En « On-line », l’étude se construit en associant des questions (échelles graduées, liste de propositions). Les personnes interrogées répondent de leur domicile ou de leur lieu de travail, en déplaçant leur souris, ce qui fait varier la position d’un curseur associé à un lecteur multimédia spécifique. Les résultats obtenus peuvent être importés directement dans les logiciels classiques de programmation musicale. Ainsi, les auditoriums permettent de recueillir des résultats de façon quasi instantanée. Comme les participants traduisent une réaction émotionnelle en déplaçant le curseur, les réponses apparaissent de façon plus spontanée que les méthodes quantitatives traditionnelles qui obligent les personnes à interpréter leur réponse selon une grille de notation. La durée des extraits musicaux diffusés est de l’ordre de sept secondes pour des titres golds et d’environ quinze secondes pour des nouveautés. Pour chaque évaluation, deux informations principales peuvent être combinées ou exploitées séparément : l’appréciation moyenne et la dispersion des votes. En radio, la dispersion des notes peut être considérée comme un indicateur du caractère segmentant ou fédérateur d’un titre. De deux morceaux ayant obtenu la même note moyenne, c’est celui dont les notes seront les moins dispersées qui présentera le moins de risques pour la station et qui sera le plus souvent sélectionné. La programmation musicale d’une radio peut être ainsi considérée comme une combinaison de titres caractérisés par leur appréciation et leur risque. Chaque évaluation d’un titre est également suivie d’une mesure de notoriété au cours d’un auditorium. La notoriété d’un titre constitue un indicateur fondamental puisqu’elle influe sur - 192 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale l’appréciation et la capacité d’un titre à durer au sein de la programmation. La combinaison des critères d’appréciation et de notoriété permet de mesurer le « burn-out » ou le taux d’usure d’un titre musical. Lorsque les auditeurs sont lassés d’entendre un titre, il disparaît alors de la programmation. Les indicateurs clés de la recherche musicale peuvent se résumer à partir de trois questions : Reconnaissez-vous ce titre ?, A quel point aimez-vous ce titre ?, Etes vous lassé d’entendre ce titre ? Ces trois indicateurs permettent ainsi de connaître la notoriété d’un titre, son appréciation et son usure. Ils peuvent être représentés par le schéma suivant : - 193 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale LE CYCLE DE VIE D’UN TITRE MUSICAL EN RADIO. Lancement Décollage Croissance Maturité Déclin Taux d’inconnu Taux de passion Taux de fatigue Source : Jurgensen Tristan/Médiapanel - 194 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale Il existe également les enquêtes par call-out qui sont effectués au téléphone par une équipe d’enquêteurs. Une vingtaine de titres musicaux d’une durée de sept à dix secondes maximum sont testés par appel. L’ordre des extraits musicaux est fixé de manière aléatoire par ordinateur. Certaines sociétés d’étude font une distinction entre les call-out spécialisés sur les titres récurrents (de un à trois ans d’ancienneté) qui se réalisent à partir d’un serveur vocal interactif alors que les call-out concernant les hits (titres des douze dernier mois) font le plus souvent l’objet d’un terrain d’appel. Les numéros de téléphone sont sélectionnés de manière aléatoire, à l’aide du logiciel, sur la base des annuaires des zones étudiées. Enfin, d’autres enquêtes sont effectuées en ligne via le Net. Il s’agit d’obtenir des observations complémentaires, spécialement conçues sur mesure pour une station donnée. Ces enquêtes favorisent une certaine souplesse méthodologique mais permettent également d’approfondir la connaissance d’une cible. L’interprétation des résultats de la recherche musicale constitue par la suite un outil d’aide à la décision et la sélection de ce qui entre ou sort des programmations musicales. Les principales contraintes de ces études résident dans la constitution d’échantillons représentatifs, l’identification précise des biais du déclaratif, mais également dans l’intégration de la sous-performance des titres français puisque le CSA impose des quotas à respecter. Les responsables des pôles marketing en radio doivent également prendre en considération l’environnement d’un titre. Si la radio est le média principal sur lequel un titre va passer ou si elle va fonctionner en synergie avec la télévision, la presse et Internet, les démarches promotionnelles ne seront pas les mêmes. Si les moyens et les méthodes d’enquêtes n’ont guère évolué puisque la recherche musicale reste toujours liée à la disponibilité des personnes sondées, quelques pistes sont en cours. Comme le souligne Tristan Jurgensen, Directeur exécutif de Mediapanel, la recherche musicale actuelle - 195 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale tend à s’associer avec d’autres familles de la recherche permettant de développer des informations sur les tendances sociologiques, la présence de niches inexplorées menant à de nouveaux projets et au développement d’argumentaires indispensables aux unités commerciales (Jurgensen T., (2007),« La recherche musicale un juste équilibre entre prévision et intuition », Présentation séminaire « Musique, Radio et Nouveaux Médias », Université Paris 1, Sorbonne Panthéon - Institut National d’Histoire de l’Art, le 29 septembre 2007). Ainsi, la conception du métier de programmation, qui correspond plus ou moins à une logique d’accumulation des audiences selon des catégories d’auditeurs bien définies, est en train d’évoluer. La recherche musicale tend à s’orienter vers un travail prospectif. D’une part, parce qu’il existe un décalage entre les classes d’âge et les catégories sociales qui servent de base à la programmation, ces dernières ayant du retard sur les évolutions de la société actuelle, et d’autre part, parce que le développement des radios du Net apporte des changements. Jusqu’à l’arrivée du numérique, le marketing des programmes et de la programmation audiovisuelle en général se limitait à une dimension exclusivement quantitative. Il s’agissait de mesurer l’audience des écrans publicitaires et des programmes, puis de réajuster les grilles et le contenu des programmes en fonction de ces résultats. Toutefois, la gestion des grilles de programmation tend à être déléguée aux auditeurs via les radios numériques qui proposent des contenus à la carte. La radio numérique introduit un processus de fidélisation non plus à un instant précis, mais dans la durée. Face à ces évolutions, la programmation des radios analogiques n’a pas d’autre solution que d’essayer d’anticiper les comportements des auditeurs. La recherche musicale aide les programmateurs à déceler le potentiel des titres qui vont plaire au grand public, à mesurer la fatigue ou le rejet des auditeurs pour ainsi diminuer le risque d’erreur de choix de programmation. Si la recherche musicale ne définit pas entièrement les programmations musicales, si les professionnels de la radio insistent sur une nette distinction entre les équipes artistique et marketing, si les instituts de - 196 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale sondage ont parfois conscience de la nécessité de trouver un juste milieu entre la diversité musicale et l’installation de succès grand public, il est indéniable que la recherche musicale participe au processus de sélection des titres et qu’elle reste ancrée dans le quotidien des professionnels de la radio. Les techniques utilisées demeurent classiques mais la recherche musicale fait appel aux études, thèses et hypothèses des sciences humaines pour enrichir son impact. L’histoire de la recherche musicale révèle des évolutions avec une certaine relativisation de la vision « tout marketing » surtout présente dans les années 1990. La nouvelle génération du marketing radiophonique nécessitera à la fois l’utilisation d’outils quantitatifs et d’outils prospectifs afin d’anticiper le comportement des auditeurs et le renouvellement de l’offre. - 197 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 1.4 Stratégie de différenciation et homogénéisation des programmes. A la suite de la polémique lancée en 2001 par le réseau NRJ, qui dénonçait dans un communiqué de presse le « plagiat » de ses playlists par l’ensemble des petites stations commerciales françaises, la question de l’homogénéisation et de la standardisation des programmations musicales radiophoniques surgit au cœur des débats. La concentration des réseaux radiophoniques, la prédominance de la rationalité économique, l’évolution de la « recherche musicale » et la rationalisation des programmations : ces paramètres seraient-ils à l’origine de l’homogénéisation des programmes ou au contraire, inciteraient-ils les radios commerciales à différencier leur offre musicale ? D’après la littérature économique, les principaux textes fondateurs qui se partagent sur la question adoptent soit un point de vue favorable à l’homogénéisation ou au contraire, prônent plutôt une diversité des programmes. Une première approche, initiée par Steiner (1952), à partir de l’analyse des programmations télévisuelles, démontre que la concurrence produit l’homogénéité et le mimétisme des programmes (Steiner P.O, 1952. Dans Benzoni L., Bourreau M., « Mimétisme ou contre-programmation ? Un modèle de concurrence entre programmes pour la télévision en clair », www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=REDP, consulté le 08/06/2009). Partant d’un raisonnement intuitif et en supposant que les entreprises de médias se financent exclusivement par la publicité, P.O. Steiner montre que la diversité des programmes offerts est plus large dans une structure monopolistique que dans une structure oligopolistique. Il développe l’idée selon laquelle un média en situation de monopole peut proposer plusieurs programmes différenciés afin de toucher un audimat plus large et ainsi obtenir des recettes publicitaires plus élevées. A l’inverse, une entreprise médiatique en concurrence, et dont la programmation est spécialisée en fonction d’une audience précise, doit nécessairement proposer des programmes qui attirent - 198 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale plus d’auditeurs que ses concurrentes. Cette logique tend inévitablement à concentrer l’offre sur les contenus les plus demandés et, loin de se différencier, les chaînes risquent de diffuser des programmes très semblables. Si nous appliquons le raisonnement de Steiner à l’espace radiophonique actuel, il serait plus rentable pour une station musicale de diffuser des titres déjà programmés par ailleurs, afin de capter un fragment de l’audience des stations concurrentes, plutôt que de diffuser des titres non fédérateurs risquant de faire fuir l’audimat. Au contraire, en émettant l’hypothèse qu’il puisse exister en France un réseau radiophonique qui serait en situation de monopole dans le but de maximiser son audience, le réseau radiophonique en question pourrait proposer une programmation à la fois destinée au grand public et à un public dont les goûts seraient plus spécifiques. En choisissant de diffuser des titres à succès et des titres moins fédérateurs, cela permettrait à un réseau radiophonique en situation monopolistique de s’adresser à différents publics et d’obtenir des recettes publicitaires plus élevées. La seconde approche, toujours à partir de l’analyse des programmes télévisuels, est proposée par D.H. Waterman (1990) qui présume que le chiffre d’affaires d’une chaîne de télévision est égal au volume de son audience dont le montant est fixé de façon exogène et identique pour l’ensemble des chaînes (Waterman, 1990. Dans Benzoni L., Bourreau M., « Mimétisme ou contre-programmation ? Un modèle de concurrence entre programmes pour la télévision en clair », www.cairn.info/load_pdf. php?ID_ARTICLE=REDP, consulté le 08/06/2009). Waterman présuppose que si les téléspectateurs présentent une diversité de goûts, leur satisfaction croît avec le coût de production des programmes qu’ils sélectionnent. Ainsi, les chaînes ne se concurrencent pas sur les prix unitaires de l’audience mais sur la qualité des programmes. C’est pourquoi les firmes tendent à se démarquer le plus possible de leurs concurrentes. Selon Waterman, non seulement la concurrence produit de la diversité, mais l’offre de programmes télévisuels est même trop diversifiée. Toutefois, aussi rigoureux soit-il, ce raisonnement ne - 199 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale permet pas de comprendre les phénomènes de mimétisme à l’œuvre au sein des programmes télévisuels et radiophoniques dans notre cas. Dès lors, l’idée classique selon laquelle les phénomènes relevant de mécanismes économico-financiers équivalent nécessairement à l’homogénéisation des programmes, n’apparaît pas toujours évidente. La corrélation entre la concentration des entreprises médiatiques et la concentration des programmes audiovisuels nécessite également d’être interrogée. La situation oligopolistique dans laquelle se trouvent certaines entreprises médiatiques peut même être à l’origine de l’uniformisation des programmes. Au sein de l’industrie radiophonique, les grands réseaux spécialisés et en concurrence doivent nécessairement proposer des programmes qui attirent le plus possible d’auditeurs. Ce phénomène tend à réduire la diversité musicale et à concentrer la programmation sur quelques titres à succès. Comme nous l’avons vu, la concurrence au sein de l’industrie radiophonique ne se joue pas tant au niveau des infrastructures mais plus au niveau de la programmation musicale. Selon Christian Pradié, enseignant chercheur en Science de l’Information et de la Communication, et ce afin de vérifier l’impact de la financiarisation en termes de concentration, d’internationalisation et d’industrialisation, il faut replacer les évolutions dans l’Histoire pour cerner l’ensemble des stratégies (Miège B., 2005, « La concentration dans les industries de contenu », Réseaux n°131, p. 12). Philippe Bouquillion, professeur en Sciences de l’Information et de la Communication, prolonge le point de vue de Christian Pradié mais nous invite à considérer les stratégies et tactiques financières comme « autonomes » et à les distinguer des logiques industrielles. Ces logiques industrielles modifiant de façon significative les contenus culturels et informationnels (Ibid., p. 12). Philippe Bouquillion insiste sur le caractère ambivalent de la diversité et du lien que celle-ci entretient avec la concentration et l’homogénéisation des programmes. Il propose ainsi de synthétiser les deux approches consistant à séparer la différenciation et l’homogénéisation des programmations au sein des industries - 200 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale culturelles ; il dépasse en cela les limites du raisonnement et la conception binaire de P. O. Steiner et D.H. Watermann. En d’autres termes, les enjeux de la programmation musicale radiophonique intègrent simultanément le mécanisme qui les incite à produire des programmations homogènes et celui qui les incite à se différencier de la concurrence et « il faut s’habituer désormais à la coexistence de la massification et de la segmentation, de la standardisation de l’homogénéité et de la diversité culturelle » (Miège B, 2003, « La contribution des industries de la culture de l’information et de la communication à l’informationnalisation et à la globalisation », http://www.ques2com.fr/ index.php?p =details&cat=recherche&type=article&revue=25&id=394, consulté le 20/09/2009). - 201 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 2. La double injonction du métier de programmateur et ses répercussions. 2.1 Cibler et rassembler. Le métier de programmateur consiste à permettre la rencontre entre des programmes musicaux (l’offre) et l’audimat (la demande). Si l’apparition du terme de « programmation » et les réflexions concernant l’élaboration d’une grille de programmes dans les médias audiovisuels, apparaissent à partir de 1960, c’est véritablement au cours des années 1980 que sont formalisées les règles de la programmation. Chaque entreprise médiatique possède ses propres méthodes mais certaines règles de programmation restent immuables. Selon, Michel Souchon ancien directeur des études de France2 et France3, la mise en place d’une grille de programme nécessite au préalable une bonne connaissance de la cible à laquelle l’entreprise s’adresse. Une grille doit proposer une organisation du temps définie par des tranches horaires, et assurer à la fois la continuité et la diversité des programmes proposés aux auditeurs. La programmation donne alors un emploi du temps et des repères ; elle fixe des rendez-vous réguliers aux auditeurs. Les programmes doivent être cohérents, constitués de transitions afin de ne pas faire fuir le public du programme précédent ; ils doivent aussi proposer des rendez-vous qui sont fonction de la disponibilité des audiences. Les contenus sont choisis en fonction du goût moyen du plus grand nombre afin de correspondre à des centres d’intérêt communs. Aux différentes heures de la journée, certaines catégories sociales sont surreprésentées et la programmation doit s’adresser plus particulièrement à celles-ci. Une fois la grille et le processus de fidélisation instaurés, la logique de programmation s’inscrit dans le respect des habitudes d’écoute des auditeurs et crée de la sorte un effet d’accoutumance. De ce fait, il y a peu de place pour les changements et l’innovation des grilles de programmes, car le risque de perdre des parts d’audience serait alors trop grand (Souchon M., 1999, « Les règles d’or de la programmation », Les dossiers de l’audiovisuel, n°79, pp. 4-5). Ces - 202 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale règles qui servent de base à la programmation télévisuelle s’adaptent parfaitement à l’industrie radiophonique. Les radios doivent ainsi configurer leur programmation selon la cible à laquelle cette dernière s’adresse. A chaque cible correspond un style de vie et des goûts spécifiques qui devront transparaître au travers du format musical de la station. Toutefois, si les radios ont besoin de maximiser leurs audiences, elles assurent également un autre rôle, et ce depuis leurs origines. La radio, tout comme la télévision, possède une fonction qui est de nature politique. C’est ce que soulignent Paul Beaud, Patrice Flichy et Monique Sauvage, dans une analyse de la programmation à la Télévision française. La télévision et plus largement les industries culturelles sont chargées « de réactiver quotidiennement les repères par lesquels les individus se reconnaissent ensemble sujets d’une société » et leurs rôles consistent à renforcer le lien social (Beaud P, Flichy P et Sauvage M., 1993, Géomètre contre saltimbanque : la prédominance de la programmation dans la TV française, Réseau volume 11, Numéro 2, www.persee.fr, consulté le 28/06/2009, p. 198). Toujours selon ces mêmes auteurs, les programmateurs se trouvent bien face à deux modes d’articulation entre une rationalité de nature économique et une autre de nature politico-culturelle. Si les entreprises radiophoniques ont toujours été confrontées à ces deux types de logique, les rapports entre les deux ont évolué avec l’histoire. A l’origine, les radios publiques françaises fonctionnent selon une logique politique et idéologique ayant pour objectif de démocratiser la culture. L’introduction, en 1984, de la publicité et de la concurrence entre les radios, introduit par la suite la dominante de la rationalité économique. Dès lors, « On ne s’adresse plus à l’ensemble de la nation mais à des publics-cibles » (Ibid., p. 199). Ainsi, les différents genres musicaux diffusés à la radio doivent fixer des publics en fonction des goûts et des horaires supposés être adaptés à la spécificité de groupes sociaux, culturels et/ou professionnels. Dans ce contexte, la grille de programmes idéale doit à la fois s’ajuster aux goûts des auditeurs et à la concurrence. Les radios - 203 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale thématiques segmentent leurs auditoires et s’efforcent de développer des stratégies d’identification efficaces afin d’être reconnaissables en quelques secondes. L’objectif est de se positionner le plus clairement possible par rapport aux autres radios concurrentes et de se singulariser d’après une dominante musicale spécifique. Le choix de départ de l’auditoire est fondamental puisque le format d’une radio s’établit en fonction de la cible à laquelle la radio souhaite s’adresser. Il s’agit de proposer des programmations musicales en corrélation avec la promesse de départ de la radio dont l’objectif final consiste à fidéliser son auditoire. Une fois que les radios sont répertoriées en fonction du cœur de cible qu’elles souhaitent atteindre, elles développent un ensemble de stratégies d’identification par rapport aux autres radios du même type. Dans une logique de course à l’audience, en cherchant à gagner les parts d’audience de la concurrence, les radios finissent par diffuser des titres en commun. Certains titres peuvent faire l’unanimité auprès des auditeurs et rassembler l’ensemble des publics-cibles. Dans ce cas, un des éléments de distinction repose sur la plus ou moins forte rotation du titre en question. La différenciation entre radios se fait à partir de la taille de la playlist et du nombre de diffusions d’un titre. C’est aujourd’hui une des principales caractéristiques des radios qui ciblent des audiences jeunes. Plus une radio s’adresse à un public précis, plus il convient de sélectionner des titres dont elle soit sûre qu’ils fassent l’unanimité. Comme nous venons de le voir, il existe des règles de base de la programmation radiophonique et notamment de la programmation musicale. Si ces règles persistent dans leurs grandes lignes, elles se modifient et s’adaptent aux évolutions en cours. Depuis les origines de la programmation musicale, les professionnels de la radio se trouvent confrontés à une double rationalité à la fois politico-culturelle et économique. Avec l’introduction de la publicité et le jeu de la concurrence, cette double rationalité tend à laisser sa place à une dominante économique. Aujourd’hui, avec la démultiplication de l’offre et face à la pluralité des fournisseurs de programmes (Télévision, Radio, Internet), - 204 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale l’enjeu pour les responsables de la programmation est de taille. La prédominance de la rationalité économique nécessite conjointement de cibler des publics spécifiques et de gagner les parts d’audiences des autres radios, à savoir rassembler et cibler des publics distincts. - 205 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 2.2 Un « two sided market » ou la « spirale de la diffusion ». Dans les industries culturelles, il est d’usage de distinguer les médias dits gratuits, des médias payants. L’accès aux contenus radiophoniques est, a priori, gratuit pour les auditeurs puisqu’il est rétribué par la publicité. Patrice Flichy distingue les principales caractéristiques de la « culture de flot ». A l’inverse de la marchandise culturelle, les produits appartenant à la « culture de flot » sont, dans la plupart des cas, financés par la publicité et ils se caractérisent par la continuité et l’amplitude de la diffusion de telle sorte que de nouveaux produits remplacent ceux de la veille (Flichy P., 1991). C’est précisément selon le modèle de la « culture de flot » que fonctionne l’industrie radiophonique. Le financement par la publicité, apparaît significatif sur le plan de l’analyse concurrentielle puisque différents opérateurs proposent des programmes à destination d’audience spécifiques au sein de l’espace radiophonique. Ces opérateurs en situation oligopolistique se trouvent en compétition face à l’acquisition des recettes publicitaires. La concurrence s’opère et intervient à la fois sur le marché de l’audience et sur celui de la publicité. Il s’agit, selon Phillippe Bouquillion, d’un double marché ou du « two sided market » qui caractérise depuis longtemps l’économie des industries culturelles (Bouquillion P., 2008). Le financement publicitaire de l’industrie radiophonique oblige les responsables de la programmation à garantir à leurs annonceurs une audience déterminée et il fixe plus ou moins des normes de programmation. Les responsables des programmes doivent trouver un équilibre entre le format de la radio et les investissements des annonceurs. Face à ce double impératif, les professionnels tendent à conformer des programmes musicaux en vue d’assurer la constance de l’audimat. Le droit à l’erreur est extrêmement limité et les nouvelles entrées d’un titre en playlist comportent un risque puisqu’un titre doit correspondre au format d’une station mais également aux habitudes d’écoute des auditeurs. En ce sens, la grille de programmation constitue des normes artistiques et culturelles. Les titres musicaux qui ne correspondent pas à un format radiophonique représentent un risque artistique - 206 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale et sont souvent exclus de la programmation. Le programmateur tend à limiter les aléas en ayant recours aux sondages. L’apparition ou la disparition d'un titre est directement liée aux succès d'audience. Les résultats des sondages d’audience constituent ainsi des éléments d’anticipation, de planification de la programmation et ils représentent également un frein à la prise de risque. Les professionnels de la radio se trouvent confrontés à la nécessité de respecter les goûts des auditeurs et au besoin de proposer des nouveautés afin de conquérir et d’accroître l’audimat. Pour ce faire, ils doivent introduire des marges de nouveautés et d’innovations au sein des programmations musicales. Dans ce contexte, les exigences et les contraintes d’ordre économique influent largement sur les politiques éditoriales et il est difficile pour les professionnels de la radio de tenir un rôle d’information sur la diversité des contenus musicaux existants. La programmation musicale devient une sorte de challenge qui consiste à concilier deux types de marchés distincts : l’audience et les annonceurs. A cela s’ajoute le phénomène dit de la « spirale de la diffusion » développé dans les années 1970. Selon la théorie de la « spirale de la diffusion », l’augmentation de l’audience entraîne la croissance des recettes publicitaires, ce qui permet d’offrir des programmes de qualité qui attirent une audience de plus en plus élevée. La recherche de cette spirale vertueuse de la diffusion nécessite pour une entreprise médiatique d’acquérir une certaine envergure. Avec la déréglementation, pour des raisons d’économie d’échelle et de compétitivité, les entreprises médiatiques aspirent à acquérir une grande taille. Le double marché introduit dès lors les responsables de la programmation au cœur d’une dimension globale et mondiale qui dépasse largement les logiques et les stratégies de simples acteurs. Dans la recherche anglo-saxonne, Dallas Smythe a développé l’idée d’un public qui serait une marchandise. Selon Dallas Smythe, en s’adressant à des publics spécifiques, les programmes radiophoniques auraient comme principal objectif de vendre des audiences aux annonceurs. Néanmoins, comme le souligne Patrice Flichy dans « les industries de l’imaginaire », Dallas Smythe omet une des spécificités de la« culture de flot » qui se situe à l’intersection du champ de l’information et - 207 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale de la culture (Flichy P., 1991) : une entreprise radiophonique ne diffuse pas uniquement de la publicité mais également des contenus musicaux. Les questionnements que génère la place centrale de la publicité au sein de l’espace radiophonique, ne relèvent pas tant de la marchandisation des publics mais plus du renouvellement de l’offre et de la concentration de la promotion. C’est ce que nous allons observer dans le chapitre suivant. - 208 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 2.3 Le renouvellement de l’offre et la concentration de la promotion. L’objectif étant, pour une entreprise radiophonique, de stabiliser ses recettes publicitaires face à la concurrence, la configuration de la programmation sera un élément déterminant. Si les goûts musicaux sont en perpétuel mouvement, les responsables de la programmation doivent, quant à eux, proposer une programmation régulière afin de mobiliser les budgets des annonceurs. Le succès d’un titre étant aléatoire, les professionnels de la radio adoptent une politique éditoriale précise et rationnalisent la sélection des œuvres musicales en ayant recours aux sondages d’audience. Ils basent ainsi la sélection des titres sur leur potentiel à fédérer le plus d’auditeurs possible et concentrent la promotion sur un nombre restreint d’œuvres musicales. Alors que la production musicale n’est pas en décroissance, comment comprendre le rétrécissement des playlists, des origines de la programmation à nos jours ? Certains professionnels de la radio expliquent la concentration de la diffusion à partir des interfaces proposant des produits musicaux sur le Net. Selon eux, l’auditeur ayant accès de façon quasi instantanée aux sorties musicales se lasserait plus rapidement d’entendre ses titres préférés à la radio. Forts de cela, les responsables des programmations augmentent les grilles de rotation sur une durée déterminée de plus en plus courte afin de pallier les phénomènes de lassitude qui surviendraient plus vite chez l’auditeur. Philippe Bouquillon, à la suite d'A Le Diberder, met en lumière une tendance à la réduction de la durée de vie des produits culturels. Il s’agit là d’une spécificité de l’économie culturelle qui réside dans la valorisation d’un faible nombre de titres, laissant une place quasi inexistante aux titres non récents ou non destinés au grand public (Bouquillion P., 2008). Néanmoins, si cette remarque est juste, elle s’applique dans notre étude aux radios dont la programmation est basée sur les hits. Les autres stations ont tendance à prolonger la durée de vie des titres entrés en playlists, afin de garder une audience constante. Un titre n’est pas déprogrammé tant qu’il n’a pas atteint un certain taux de saturation puisqu’une nouvelle entrée en playlist comporte un risque. Ces deux logiques - 209 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale de programmations distinctes tendent toutes deux à concentrer la promotion sur quelques titres et un nombre déterminé d’artistes. Ainsi, le modèle de diffusion radiophonique actuel, en mettant en avant les œuvres attractives en termes d’audience, crée une séparation entre deux catégories de culture. D’un côté la culture des hits, à savoir les produits à forte valeur marketing à destination d’un vaste public et de l’autre, la culture titres musicaux à diffusion restreinte ou quasiment inexistante au sein des programmations des radios françaises. De la sorte, la concurrence au sein de l’industrie radiophonique s’instaure véritablement au niveau des structures de diffusion qui permettent à la fois la valorisation et l’accès des œuvres produites au grand public. En privilégiant le choix d’un certain nombre d’œuvres musicales, les programmateurs orientent plus ou moins le goût des consommateurs et s’inscrivent dans un rôle de prescripteurs. Cette logique de sélection et de promotion des œuvres est assez similaire à celui du milieu de l’édition où, comme le souligne Bertrand Legendre, « le discours promotionnel des médias […] fonctionne comme une instance de légitimation » (Legendre B, 2005, p. 63). Selon l’industrie radiophonique, cette logique de légitimation et de prescription serait d’autant plus dommageable, en termes de diversité musicale, qu’elle s’inscrit dans un système médiatique transnational. En effet, plus globalement, les échanges culturels à travers le monde apparaissent fortement polarisés sur les plus grandes puissances économiques. Malgré les revendications du tiers monde en faveur d’un certain rééquilibrage en matière d’échanges culturels et informationnels, l’internationalisation des médias génère de fortes inégalités de flux circulant en son sein. D’après les agences des Nations-Unies, la demande des biens culturels dans le monde est en constante progression depuis plus de vingt ans mais les échanges restent particulièrement déséquilibrés et concentrés (Almeida F., Alleman M.L., 2004, « Les industries culturelles des pays africains et l'enjeu de la diversité culturelle » http://www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=5796, consulté le 16/08/2009) Les échanges se réalisent de façon asymétrique et principalement entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et - 210 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale le Japon d’une part, puis le Brésil, l’Inde, la Chine, le Mexique, la Malaisie, les Philippines, la Corée-du-Sud, l’Egypte et l’Afrique-du-Sud, d’autre part. Depuis les origines de la pensée de l’économie politique de la communication, « l’internationalisation des médias ne peut être pensée indépendamment des rapports de domination qui structurent les relations internationales et notamment les relations Nord /Sud, où plus précisément des nouvelles formes de domination qui se mettent en place au lendemain des indépendances. Mieux, les moyens de communication sont des agents privilégiés de ces rapports de domination. » (Mattelart T., 2004, « L'internationalisation de l'audiovisuel : (bref) état des savoirs », http://www.planetagora.org/theme 4_suj1_note.html, consulté le 16/08/09). Du point de vue de l’industrie radiophonique, les programmations musicales s’inscrivent comme la résultante d’un processus global et historique. Le modèle de la radio commerciale a été inventé et développé aux Etats-Unis. Les avantages que possède la nation américaine sur le marché mondial lui ont permis d’importer, en France et dans le monde, un modèle de programmation. Les professionnels de la radio ont ainsi été formés au contact de la culture américaine et il ne semble pas étonnant aujourd’hui que les programmations musicales soient largement dominées par la production américaine. L’instauration d’une politique de quotas en France en est l’illustration même. Les responsables des politiques publiques n’ont trouvé d’autre alternative que d’imposer un certain pourcentage de titres français, sans quoi la programmation radiophonique, submergée par la diffusion massive de titres anglo-saxons, menaçait d’engloutir la production française. Sans compter la faible représentation des musiques du monde qui s’avèrent pour le moins exclues des programmations des radios commerciales et pour lesquelles il n’existe pas de quotas. Le sociologue britannique Jeremy Tunstall, dans The Media are American (1977), a développé l’idée selon laquelle les médias commerciaux américains sont une sorte d’école pour l’ensemble des médias de la planète. Grâce à l’importation de méthodes de travail et d’organisation des programmes à travers le monde, le continent américain exporte sa culture avec d’autant plus de facilité (Jeremy Tunstall J., - 211 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 1977, The media are american, Dans Mattelart T., 2004, « L'internationalisation de l'audiovisuel : (bref) état des savoirs », http://www.planetagora.org /theme4_suj1_note.html, consulté le 16/08/09). Le modèle du Top 40, les formats radiophoniques, la concentration de la promotion sur un faible nombre de titres sont autant d’éléments qui concourent à entretenir l’hégémonie du modèle culturel américain puisque si ces formats ont été créés aux Etats-Unis, c’est parce qu’ils correspondent au mode de production et à la culture musicale américains. Comme le souligne Tristan Mattelart, les théories de la mondialisation culturelle ont largement évolué depuis la fin des années 1980 et le regard porté par les chercheurs sur l’internationalisation des médias s’est enrichi par de nouvelles réflexions. A l’analyse des processus de domination au sein des flux culturels, s’ajoute l’analyse des interactions entre les cultures du monde (Mattelart T., 2004, « L'internationalisation de l'audiovisuel : (bref) état des savoirs », http://www. planetagora.org/theme4_suj1_note.html, consulté le 16/08/09). Si la musique est le parfait véhicule des interactions entre les cultures, restent néanmoins des constances en termes d’influences culturelles, notamment américaines, au niveau des programmations musicales radiophoniques. Les processus de domination et des rapports de force existant au niveau mondial qui s’expriment à travers le système médiatique transnational, la surproduction des œuvres musicales, l’émergence de nouveaux acteurs et l’accentuation de la concurrence entre médias sont un ensemble de paramètres qui participent au processus de rationalisation des programmations musicale et au phénomène de concentration de la diffusion. Il s’agit d’un phénomène global qui traverse l’économie des industries culturelles et qui n’épargne pas l’industrie radiophonique. L’objectif de l’industrie radiophonique étant de capturer l’audience et stabiliser les recettes, il est nécessaire pour les groupes radiophoniques de sélectionner les titres qui fédèrent les plus fortes audiences. La situation d’incertitude et les logiques de rentabilité économique particulièrement présentes au sein de l’industrie radiophonique, incitent les - 212 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale responsables artistiques à faire des choix prudents qui tendent à limiter la prise de risque dans la sélection des titres musicaux. La polarisation des programmations musicales sur quelques cultures dominantes est source d’exclusion. Néanmoins, la concentration des groupes radiophoniques, l’évolution de la diffusion musicale et des formats largement engagés dans le secteur des radios commerciales ne sont pas encore étendus aux radios publiques et associatives. - 213 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 2.4 Un parallèle entre les logiques managériales et mimétiques. Différentes recherches réalisées aux États-Unis ont révélé un mode de programmation particulièrement standardisé concernant les radios musicales commerciales (Alhkvist et Fisher 2000). Chaque station constitue sa programmation en fonction d’une cible d’audience et d’un positionnement musical spécifique. Il n’est pourtant pas rare que les playlists des différentes stations comportent de nombreux titres en commun. Alors qu’est largement véhiculée dans le milieu entrepreneurial l’idée selon laquelle la distinction et l’innovation sont les principales qualités permettant d’obtenir des avantages concurrentiels, les logiques de mimétisme sont pourtant courantes au sein de l’industrie radiophonique. Si les termes de mimétisme et de concurrence semblent a priori antinomiques, ils s’inscrivent pourtant dans une logique de gestion d’une entreprise radiophonique. En France, l’Observatoire de la Musique souligne un phénomène de « consanguinité des programmations » qui illustre l’état de concentration de l’espace radiophonique (Nicolas A., 2007, « Indicateurs de la diversité musicale dans le paysage radiophonique à partir d’un panel de 31 radios – Rapport 2007 », http://observatoire.cite-musique.fr, consulté le 15/02/2008, p. 7). D’autres acteurs sociaux stigmatisent les outils de recherche musicale et leur implication dans la standardisation des programmations. En effet, l’ensemble des radios musicales, et notamment celles n’ayant pas les moyens de financer des études d’audiences, se calquerait sur les playlists des radios leaders en termes d’audience. De plus, l’existence de la société Yacast, dont le rôle est de mesurer la diversité musicale en proposant des listes des titres les plus diffusés sur les antennes, attise la controverse. Les principaux réseaux radiophoniques estiment que les outils proposés par Yacast constituent un instrument permettant le plagiat de leurs programmations musicales puisque la majorité des radios nationales et locales a accès à ces listes sur le Net. Néanmoins, en limitant les risques liés à l’entrée d’un nouveau titre en playlist, la recherche musicale serait-elle l’unique élément responsable des phénomènes de mimétisme au sein de l’espace - 214 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale radiophonique ? Différents courants de pensées empruntés aux sciences sociales, économiques, aux sciences de la gestion ou encore en stratégie, proposent des éléments explicatifs aux comportements imitatifs. John Maynard Keynes fait partie des économistes qui, à partir de l’observation des marchés financiers, met en lumière les comportements des décideurs économiques. La pensée Keynésienne a pour particularité de mettre en corrélation des notions abstraites dans le domaine économique avec une pensée plus concrète, ce qui nous permet aisément de mettre en adéquation les comportements des investisseurs sur le marché financier avec les comportements des responsables de la programmation. John Maynard Keynes considère le marché financier comme un environnement incertain au sein duquel les investisseurs doivent prendre des décisions sur la base d’un recueil d’informations jugées correctes. Il distingue les investisseurs privés qui, plongés dans l’incertitude et n’ayant pas d’informations pour établir leurs prévisions, doivent se fier à leurs intuitions, des investisseurs professionnels qui eux, tentent d’anticiper les changements futurs. John Maynard Keynes observe que lorsqu’il n’existe pas d’ancrage pour les prévisions, les décisions économiques sont alors étroitement liées aux « vues concernant le futur » (Keynes J.M, (1934). Dans Benzoni L., Bourreau M., « Mimétisme ou contre-programmation ? Un modèle de concurrence entre programmes pour la télévision en clair », www.cairn.info/load_pdf .php?ID_ARTICLE=REDP, consulté le 08/06/2009) et en la confiance que les agents ont envers les prévisions. Ainsi, la méconnaissance du futur conduit les agents à élaborer des anticipations, à se baser sur des conventions (qui peuvent être comprises comme un accord tacite entre les participants) et sur des phénomènes de mimétisme. Selon cet angle d’observation, les comportements des investisseurs financiers sont similaires aux réactions des programmateurs musicaux au sein de l’espace radiophonique. Face à l’incertitude que revêt le travail de programmation, les responsables des programmes s’en remettent à la recherche musicale pour anticiper les titres qui vont plaire au plus grand nombre mais également les titres diffusés par les stations concurrentes. Dans ce contexte et dans l’analyse de Keynes, l’imitation - 215 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale acquiert une dimension sociale. Les individus agissent selon des conventions, des normes préalablement fixées entre les différents acteurs sociaux. Il s’agit de la théorie des conventions qui est un dérivé de la pensée de Keynes. C’est l’idée selon laquelle face aux situations n’ayant pas de références rationnelles, les individus alignent leurs actions sur un modèle considéré comme raisonnable (Gomez, 1996. Dans Mouricou P., 2006, « Toujours la même chanson : les logiques mimétiques www.crepa.dauphine.fr, des radios consulté le musicales 10/03/2007). Les françaises », comportements mimétiques acquièrent dès lors une dimension rationnelle en situation d’incertitude. La rationalité au centre des processus de mimétiques est également décrite par DiMaggio et Powell (1983, dans Ibid.). Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés, elle a tendance à prendre modèle sur une autre entreprise perçue comme performante en termes de résultats et de légitimité. D’autres travaux encore considèrent l’imitation comme un moyen de réduire les risques associés à l’innovation et de diminuer les coûts attribués à la recherche (Levitt, 1996 ; Schnaars, 1994, dans Ibid.). Ces quelques auteurs ont pour point commun d’apporter des éléments explicatifs aux phénomènes de mimétisme. Néanmoins, la recherche de Philippe Mouricou (2006), doctorant en Sciences de Gestion au Centre de Recherche en Management et Organisation à l’Université Paris-Dauphine, propose l’articulation de ces différentes approches mais également un élargissement des unités d’analyse en se focalisant non plus sur des organisations mais sur les individus décideurs. Selon cet auteur, les raisons qui amènent les responsables de la programmation au sein de l’espace radiophonique à imiter des solutions adoptées par d’autres programmateurs relèvent de trois grandes logiques : la logique utilitariste, la logique conventionnelle et la logique référentielle. La logique utilitariste consiste à adopter des pratiques préalablement utilisées par d’autres organisations afin de bénéficier des mêmes avantages. Cette logique se focalise plus sur les pratiques que sur un modèle ou une entreprise en particulier. L’imitation au sein de l’espace radiophonique - 216 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale consiste alors à programmer les titres diffusés dans les playlists des radios concurrentes ou les plus puissantes. De fait, les comportements imitatifs permettent aux entreprises radiophoniques d’économiser sur les coûts liés à la recherche musicale et de bénéficier de l’engouement des auditeurs pour les titres qu’elles diffusent. Les outils de recherche musicale mis en place par les radios leaders, en vue de tester les titres qu’elles diffusent auprès des auditeurs, ont un coût élevé qui devient accessible aux radios commerciales de moindre envergure. De plus, l’idée selon laquelle la diffusion des succès du moment fait également le succès d’une radio, renforce cette tendance. L’innovation résulte à la fois d’une démarche nécessaire (à savoir le renouvellement des playlists pour coller aux titres du moment et participant au succès d’une radio) et d’une démarche à risques (les nouveaux titres entrés en programmation vont-ils plaire ou non au grand public ?). Les responsables des programmations évitent les risques inhérents à leur métier en diffusant les mêmes titres que leurs concurrents. La logique référentielle est quant à elle tournée vers un modèle en particulier. Il s’agit de prendre à son compte une pratique adoptée par un référent. Pour ce faire, la logique référentielle repose sur un choix rationnel, qui semble le plus approprié à la situation. La démarche consiste à imiter une entreprise radiophonique dont les caractéristiques (statut, taille, performance etc.) sont communes. Cette logique s’inscrit dans un processus d’autocatégorisation où les décideurs reprennent des solutions adoptées par des entreprises qu’ils considèrent comme appartenant à la même catégorie. La tâche des directeurs des programmations oscille entre imiter une entreprise radiophonique dont la légitimité sociale est positive et la recherche d’une identité sociale positive qui lui est propre afin de se distinguer de la concurrence. Les responsables de la programmation voient donc en l’imitation un moyen d’accroître la légitimité de leur station. C’est la raison pour laquelle certains responsables des programmations attendent de voir les titres musicaux programmés par les autres stations avant de les intégrer à leurs playlists. - 217 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale La logique conventionnelle renvoie à l’adoption d’une pratique adoptée par la majorité. Face à l’impossibilité pour les responsables des programmations de prévoir le succès ou l’échec d’un titre musical, la logique conventionnelle s’inscrit dans une démarche de résolution des problèmes dans un contexte d’incertitude. L’objectif de départ consiste à deviner quels seront les titres adoptés par les concurrents et l’alignement sur la convention devient un facteur de réussite. Les outils de recherche musicale s’inscrivent alors dans un processus de validation et de vérification des titres a posteriori. Comme le souligne Philippe Mouricou, le raisonnement est tautologique : « Un titre est voué à devenir un tube car il est diffusé par d’autres radios, un titre ayant été diffusé par d’autres radios est un tube. » (Mouricou P., 2006, « Toujours la même chanson : les logiques mimétiques des radios musicales françaises », www.crepa.dauphine.fr, consulté le 10/03/2007, p.15) Longtemps tenues à l’écart de la recherche musicale, les logiques de mimétisme ont été reléguées au second plan, alors que l’innovation et la distinction étaient considérées comme les seules motrices de réussite au sein de l’entreprise (Mouricou, 2006). Plusieurs courants de pensée ont néanmoins mis en lumière les mécanismes mimétiques en œuvre dans le milieu entrepreneurial. Comme nous venons de le voir, les processus de mimétisme sont inhérents à la gestion ou au management d’une entreprise en général et à l’industrie radiophonique également. La diversité des explications théoriques concernant le couple « concurrence-mimétisme » révèle la complexité et l’ambigüité des phénomènes de mimétisme au sein de l’industrie radiophonique qui résultent à la fois d’une volonté de mimer ses concurrents et de se distinguer afin de capter les audiences. L’introduction d’un nouveau titre au sein des playlists constitue un risque car s’il déplaît aux auditeurs, le budget des annonceurs diminue. L’adoption des logiques mimétiques réside dans la volonté de résoudre un problème lié à l’incertitude que revêt la programmation musicale. Les trois logiques mimétiques, que ce soit une logique mimétique se focalisant sur les pratiques de programmation préalablement utilisées par - 218 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale d’autres radios, sur une entreprise radiophonique en particulier en fonction de sa taille et de ses performances, ou de l’adoption des titres musicaux parce qu’ils sont déjà programmés par les radios concurrentes, sont concomitantes au sein de l’espace radiophonique. L’ensemble de ces logiques pris indépendamment ou de façon simultanée au sein d’une même entreprise radiophonique participent à l’alignement de la programmation musicale sur quelques titres et à l’uniformisation des programmes musicaux. Mais ce qui contribue plus largement à la réduction d’une offre musicale diversifiée, c’est la présence de ces logiques distinctes à différents niveaux, au sein de l’espace radiophonique. Les logiques de mimétisme s’opèrent à un premier niveau entre les grands groupes radiophoniques NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 qui programment certains titres en commun afin d’éroder la part d’audience de leurs adversaires mais également à un deuxième niveau entre les grands groupes radiophoniques et les petites radios commerciales. Dans ce contexte, les possibilités de diffusion de la diversité musicale et du plus grand nombre d’artistes sont largement remises radiophonique français. - 219 - en cause dans l’espace Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 3. Quelques éléments de réflexion sur le mode de diffusion actuel. 3.1 Les paradoxes du mode de diffusion musical radiophonique actuel. Depuis les années 1990, l’évolution globale des programmations musicales concernant les radios commerciales françaises a pour effet de multiplier le passage d’un titre au sein des playlists afin d’attirer l’attention des auditeurs. La diffusion en boucle de quelques titres monopolise la place réduite dans les playlists (puisque celles-ci comportent une quarantaine de titres aujourd’hui) ; cela exclut de fait nombre de groupes musicaux qui pourraient être diffusés sur les antennes des radios commerciales françaises. Les responsables des programmations configurent la programmation des playlists à partir des résultats des études d’audience qu’ils réalisent régulièrement. Un des arguments qui revient souvent dans le discours des programmateurs consiste à dire que les titres présents dans les playlists correspondent à ce que veulent entendre les auditeurs. Néanmoins, les extraits qui sont proposés au cours des auditoriums ou des call-out correspondent à une présélection opérée par les responsables de la programmation. N’ayant pas accès à l’ensemble de la production discographique, les auditeurs vont donner leur avis sur les titres qui leurs sont proposés au cours de ces enquêtes et ils vont souvent sélectionner les titres qu’ils ont l’habitude d’entendre. Voilà pourquoi certains genres musicaux, parce qu’ils ne rentrent pas dans les habitudes des auditeurs, restent absents des playlists. Il s’agit d’établir une dialectique entre l’offre et la demande. Les radios diffusent en boucle les titres qui plaisent aux auditeurs et les auditeurs sélectionnent les titres qu’ils ont l’habitude d’entendre dans les playlists. A la suite des enquêtes réalisées, les responsables de la programmation augmentent les grilles de rotation des titres plébiscités par les auditeurs afin qu’ils soient entendus par le plus de personnes possible au cours d’une journée. - 220 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale Malgré cela, si la répétition permet la mémorisation d’un titre, elle n’implique pas nécessairement que celui-ci plaise aux auditeurs Comme nous l’avons vu préalablement, il n’y a pas d’effets mécaniques dans l’appréciation d’un titre musical et la musique fait appel à une dimension sociale, psychologique et affective chez l’individu. La surexposition d’un titre peut parfois avoir l’effet inverse de celui souhaité. Les auditeurs se lassent et éprouvent un rejet pour ce même titre mais également pour le mode de diffusion répétitif des réseaux radiophoniques commerciaux. Il suffit de se rendre sur certains blogs de discussion sur le Net4 pour constater le mécontentement de certains auditeurs, curieux ou passionnés, qui se plaignent du faible nombre de titres qui leur sont proposés sur les réseaux NRJ Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Face à une offre musicale proposant de plus en plus de possibilités sur le Net, avec les plates-formes de téléchargement, les opérateurs de téléphonie mobile, les fournisseurs d’accès internet et les web radios, l’augmentation de la consommation du téléchargement légal illustre bien la volonté de certains auditeurs de se tourner vers d’autres modèles de diffusion et de consommation musicale. Selon les chiffres du SNEP, pour l’année 2008-2009, si le chiffre d’affaires concernant le marché physique diminue, les chiffres des ventes numériques sont en constante progression depuis l’année 2004. En 2004, les ventes numériques représentaient 8,5 millions d’euros alors qu’elles représentent pour les neuf premiers mois de l’année 2009, 55,3 millions d’euros (SNEP, « Le marché de la musique enregistrée de l’année 2009 », http://www.disqueenfrance.com/fr /catalogpagexml?pg=1&id=314572&from=1&to=10, consulté le 18/10/2009). Pourtant, malgré la récente baisse d’audience des radios musicales, les programmateurs des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 continuent de diffuser en boucle quelques titres. Si les taux de rotation diminuent pour l’année 2008, ceux-ci restent encore élevés (confère rapport annuel de l’année 2008 Observatoire de la Musique). Selon les 4 http://www.melty.fr/vous-ecoutez-de-la-merde-forum5-146636.html, http://www.radioactu.com/la/p245363-10-07-2009-09:46:49.html - 221 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale responsables de la programmation, la loi sur les quotas de chansons d’expression française participe aux phénomènes répétitifs des playlists. Ils expliquent que cette loi, en ne prenant pas en considération les différences de format, favorise la rotation des titres francophones. Il est plus facile pour Skyrock, par exemple, de respecter les quotas de chansons d’expression française car la scène rap en France est plus importante que la scène pop-rock qui provient plus de la culture anglo-saxonne. Alors qu’il est plus difficile pour des formats radiophoniques tels que Virgin Radio de diffuser du pop-rock français. D’un point de vue économique, les responsables de la programmation sembleraient avoir intérêt à programmer les succès internationaux plutôt que des titres francophones. En effet, comme le souligne le responsable de Skyrock interrogé pour notre étude, pour un titre international, il est plus facile de se baser sur les classements et les ventes des pays étrangers. De ce fait, le responsable de la programmation n’a pas à se poser la question de savoir s’il a fait le bon ou le mauvais choix de programmation. A l’inverse, pour un titre francophone « la part du programmateur est beaucoup plus grande » et les titres français sont tributaires des médias français » (Skyrock Paris). Face à ce risque, nombre de programmateurs ont eu le réflexe de programmer des artistes francophones déjà connus et de contourner la loi sur les quotas de chansons d’expression française : « Comme il n’y a pas bien de choix dans l’actualité, la radio passe des hits anciens pour faire plaisir à la ménagère qui veut être dans le vent mais qui a besoin d’entendre un petit Garou. Du coup, on diffuse plus de golds. Les quotas de chansons françaises ne sont pas respectés la plupart du temps. Il existe aussi en radio ce qu’on appelle des capsules de 30 ou 40 secondes. Ce sont des extraits musicaux qui sont annoncés par un jingle. Ça permet de diffuser des nouveautés françaises qui ne sont pas rentrées dans les playlists mais ça rajoute une minute de titre français et ça permet à la radio de rentrer dans les quotas de chansons françaises » (RTL2 Bordeaux). « Puis, il y a des façons de contourner les quotas, en diffusant plusieurs fois le même titre en français, par exemple. Parfois, on est obligé de faire comme ça, car il n’y a pas assez de productions françaises et on est obligé de remplir nos quotas donc on passe le même artiste français » (Virgin Radio Strasbourg). - 222 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale Ainsi, lorsque les maisons de disques ne proposent pas beaucoup de titres francophones, les programmateurs diffusent plusieurs fois les mêmes titres afin de répondre à l’obligation des quotas de chansons d’expression française. « En plus, des fois on a des maisons de disques qui viennent avec dix titres internationaux et un seul titre français. Ça dépend de l’actualité et de la production. Il y a des périodes creuses. Des fois, ça arrive qu’il n’y ait pas de productions françaises. Dans ce cas, on fait comment pour remplir les 40% ? On diffuse en boucle le même titre. C’est absurde mais on est bien obligé » (NRJ Paris). Le programmateur de NRJ révèle ainsi que les majors présentent parfois très peu de production française pour dix fois plus de production internationale. Nous pouvons cependant nous demander s’il s’agit de la production française qui n’est pas assez riche ou bien si ce sont les labels qui ne mettent pas en avant la scène française. La loi sur les quotas se présente également comme un frein à la diffusion de la diversité musicale dans son ensemble. D’un côté, cette loi permet de prendre position en faveur des artistes francophones face à la surexposition des titres anglo-saxons sur les antennes des radios commerciales. Mais d’un autre côté, elle limite la place laissée aux musiques du monde autres qu’anglo-saxonnes. Il en est de même pour le jazz, le blues, le classique et la musique instrumentale qui constituent des genres musicaux absents des antennes des radios commerciales (confère études de l’Observatoire de la Musique). Alors que la loi sur les quotas de chanson d’expression française avait pour objectif de maintenir une certaine diversité sur les antennes des radios commerciales françaises, celle-ci œuvre à son insu et paradoxalement en faveur de la diffusion en boucle des artistes francophones les plus connus et freine la diffusion d’autres genres musicaux. Pour l’ensemble des programmateurs, les quotas constituent un obstacle à la diffusion de la diversité musicale qu’ils se voient obligés de contourner par divers moyens (jingle, capsules, rotation d’un même titre). Plutôt que de quantifier la part des titres francophones et celle de nouvelles productions, certains programmateurs - 223 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale proposent même de limiter les rotations et la diffusion des titres du top 40 qui constituent de véritables entraves à l’élargissement des playlists. « Je pense que la loi devrait plus insister sur le nombre d’artistes exposés que se focaliser sur un pourcentage parce que ça ne correspond à rien. C’est une fausse bonne loi. C’est beaucoup trop mathématique » (NRJ Paris). La diversité musicale n’est pas seulement francophone mais mondiale, et les nouveaux talents, les titres instrumentaux, les musiques du monde, le jazz, le blues et le classique cherchent encore leur place sur les antennes musicales des radios commerciales françaises, car ils comportent un risque en termes de programmation. - 224 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 3.2 L’impasse d’une politique de quotas. Alors que la diffusion musicale des radios commerciales est largement dominée par la production anglo-saxonne, les politiques culturelles françaises instaurent la loi sur les quotas de chanson d’expression française. Dans l’article 12 modifiant l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986, la loi Carignon du 1er février 1994, instaure un quota de diffusion de 40% de chansons d’expression française aux « heures d’écoute significatives » sur l’ensemble des radios de la bande FM (Les brochures du CSA, juin 2007, Créer une radio en France éléments d’information, www.csa.fr, consulté le 19/09/2007, p. 29). La moitié au moins de ces quotas doit provenir de « nouveaux talents » ou de « nouvelles productions » (Ibid., p. 29). La mise en œuvre de la politique de quotas ne se fait pas sans mal et suscite de fortes inquiétudes chez les professionnels de la radio en France. Les radios commerciales reprochent à la loi de ne pas prendre en considération la spécificité des formats et d’œuvrer en faveur de l’industrie de la musique enregistrée. Les groupes radiophoniques ont ainsi le sentiment de constituer une vitrine de présentation des nouvelles productions musicales francophones au profit de l’industrie de la musique enregistrée. Face aux revendications des radios commerciales qui se sentent lésées vis-à-vis de la loi sur les quotas d’expression française, le CSA négocie ses ambitions. La modification de la loi survenue le 1er aout 2002 autorise ainsi les radios à choisir entre trois options : « - soit, diffuser 40% de chansons d'expression française, dont la moitié au moins provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions ; - soit, pour les radios spécialisées dans la mise en valeur du patrimoine musical, diffuser 60% de titres francophones, dont un pourcentage de nouvelles productions pouvant aller jusqu'à 10% du total, avec au minimum un titre par heure en moyenne ; - 225 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale - soit, pour les radios spécialisées dans la promotion de jeunes talents, diffuser 35% de titres francophones, dont 25% au moins du total provenant de nouveaux talents » (Ibid., p. 29) Certains termes de la loi sont également clarifiés. Ainsi, relève de la « chanson d’expression française », « toute chanson interprétée en français ou dans une langue régionale française » (Ibid., p. 29). La catégorie des « nouveaux talents » représente « tout artiste qui n’a pas obtenu, précédant son nouvel enregistrement, deux albums disque d’or et qui a publié son premier disque à partir de 1974 » (Ibid., p. 29). Une « nouvelle production » correspond à « tout titre, extrait ou non d'un album, pendant une durée de six mois à partir de sa date de première diffusion sur l'une des radios du panel Ipsos Music, s'il bénéficie d'au moins trois passages hebdomadaires pendant deux semaines consécutives » (Ibid., p.29). Le caractère assez flou de ces définitions permet ainsi aux radios commerciales de répertorier, au sein de leur playlists, certains artistes qui ont parfois entre quinze et vingt ans de carrière scénique sous l’appellation de « nouveaux talents ». Au cours de l'année 2008, il a été prononcé sept mises en garde et trois mises en demeure pour les radios qui ne respectaient pas les quotas de chansons d’expression françaises (CSA, (2008), Rapport annuel 2008, http://www.csa.fr/rapport2008/donnees/rapport /III_suivi.htm#75, consulté le 11/09/2009). Malgré le contrôle régulier du CSA, qui vérifie chaque année le respect des engagements des opérateurs radiophoniques, la loi sur les quotas n’a pas eu les effets escomptés sur les stratégies de programmation musicale au sein des radios commerciales. En effet, la loi sur les quotas de chanson d’expression française, de par sa formulation assez imprécise, permet aux radios commerciales françaises d’être contournée. Mais d’autres dérives propres à une politique de quotas sont observables. Comme le souligne le dossier réalisé par Julien - 226 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale Demets pour le Collectif Réagissons pour la Liberté d’Ecouter5, une des dérives de cette loi serait de permettre d’instaurer des quotas pour l’ensemble des titres programmés au sein des radios commerciales françaises. Il faudrait alors instaurer des quotas pour l’introduction de nouveautés, de titres golds (titres ayant plus de trois ans d’ancienneté), mais également pour l’expression des cultures minoritaires. Dans ce cadre précis, les métiers de programmation seraient réduits à la simple fonction de statisticien. Les responsables de la programmation auraient pour attribution de gérer des pourcentages. Nous pouvons nous interroger sur les répercussions de cette façon de légiférer. Plus largement, la politique de quotas pointe du doigt le problème des normes propres à la sélection des œuvres musicales. En effet, à l’aune des discours recueillis pour notre étude, les responsables de la programmation ne représentent pas une catégorie socioprofessionnelle homogène. S’il existe des écoles de formation des programmateurs au sein des grands groupes radiophoniques, l’ensemble des personnes interrogées n’a pas le même parcours professionnel. De la spécificité des parcours, découle une conception différente de la programmation musicale qui est fonction de l’âge, des études effectuées ou d’une formation autodidacte ou de terrain. Nous pouvons nous interroger aujourd’hui sur l’intérêt d’une uniformisation de ces métiers ou au contraire sur la nécessité de prendre en considération des parcours et des approches différentes de la musique. Comme le souligne d’ailleurs le responsable de la programmation de Skyrock : « La musique, c’est des métiers de l’Humain ». De ce constat découle ce qui est à la fois le paradoxe majeur et le dilemme constant des métiers de programmation : sélectionner des titres selon des critères rigoureux propres à un format mais retenant également des critères humains et subjectifs. 5 Ce dossier accompagne la pétition lancée par le Collectif Réagissons pour la Liberté d’Ecouter envoyée le 21 juin 2006 au Ministère de la Culture et de la Communication, ainsi qu’au CSA. Le dossier met en évidence le manque de diversité à la radio. - 227 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 3.3 Vers une définition de la diversité musicale. A partir de la démarche empirique de cette étude, nous allons proposer une définition de la diversité musicale propre aux réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Pour les réseaux étudiés, cette définition correspond essentiellement à leur format et nous remarquons, à chaque fois, une définition propre à chaque station interrogée. Pour NRJ, la diversité musicale correspond à la variété des genres proposés. Comme NRJ est une radio de hits, elle n’a pas véritablement une couleur musicale spécifique. Elle diffuse tous les titres du moment qui plaisent aux auditeurs, allant des artistes nationaux aux artistes internationaux, tous genres musicaux confondus. « La diversité musicale, c’est le fait de promouvoir et de diffuser au plus grand nombre. […] On doit représenter tous les courants musicaux » (NRJ Grenoble) « C’est un top 40 généraliste […] Les autres radios ont un format thématique donc elles sont bien moins diversifiées que nous. On n’a pas de quotas ni de règles mais c’est dans nos gènes de diffuser aussi bien du Céline Dion que du Raphaël » (NRJ Paris). Auprès de Fun radio, la diversité musicale provient essentiellement des genres musicaux diffusés, à savoir la musique soul, dance, r’n’b et house. Il s’agit uniquement de quelques courants musicaux qui ne prennent pas en considération l’ensemble de la production musicale existante. Fun radio propose une diversité en adéquation avec un format musical restreint. « A Fun Radio, la diversité c’est soul, dance, r’n’b et house » (Fun radio Marseille). « C’est un mélange entre des titres anciens et des nouveautés » (Fun Radio Paris) Pour Skyrock, la notion de diversité n’est pas envisageable sur leur antenne mais elle est à prendre en considération sur l’ensemble de la bande FM. Ce sont plus précisément les radios associatives qui s’inscrivent dans une démarche de diversité musicale. - 228 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale « C’est en externe qui faut aller chercher la diversité. […] la diversité, elle est sur la bande FM » (Skyrock Paris). « C’est plus une question que se posent les radios associatives en France » (Skyrock Dunkerque). Pour Virgin Radio, il y a une distinction entre la diversité du point de vue des programmateurs interrogés et la diversité inhérente à la station. « La diversité musicale pour moi, c’est toutes les musiques et tous les styles. C’est quelque chose qui est important mais ce n’est pas évident à mettre en place. Pour Europe2, la diversité musicale reste en ce moment dans le rock et la pop » (Virgin radio Strasbourg). Au niveau parisien, le programmateur ne définit pas la diversité uniquement selon un format musical, mais il intègre à son analyse différents critères comme les voix féminines et les voix masculines, un tempo lent et un tempo rapide. « C’est le respect d’un certain équilibre dans l’intensité des morceaux, plus ou moins bruyants, des voix féminines et masculines, du rock et du folk, mais aussi au niveau des tempos, qu’il s’agisse de morceaux lents ou rapides » (Virgin Radio Paris). Pour RTL2, la programmation s’adresse à un public adulte et le format musical comprend des titres anciens recouvrant une période de plusieurs décennies. La diversité s’inscrit également dans l’alternance de différents critères. « La diversité musicale, c’est dans le style musical proprement dit, […]. Sur RTL2, on a différents sons pop rock entre l’ancien et le nouveau, entre un morceau rapide et un morceau lent, entre un titre étranger et français et on alterne tout ça » (RTL2 Bordeaux). - 229 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 3.4 Vers d’autres modèles de diffusion musicale déjà existants. Une étude qui s’intéresse aux lois régissant la diffusion musicale des grands réseaux radiophoniques ne peut se réaliser sans un aperçu des réseaux associatifs et du lancement de la radio numérique, ne serait-ce que pour en tirer les principales caractéristiques et les différences. Les fédérations Iastar et Ferrarock regroupent en leur sein plusieurs radios associatives présentes sur l’ensemble du territoire français. Elles se positionnent d’un point de vue alternatif, face au mode de diffusion « traditionnel » des radios commerciales, de par la souplesse que leur confère la structure associative. Il existe une série d’arguments promus par ces fédérations de radios, qui, méconnus du grand public, participent pourtant à la légitimation des discours concernant la diversité musicale. S’il peut être reproché à ce type d’association de ne pas pleinement participer à la diffusion de la diversité, (puisqu’elles n’ont pas un réseau FM recouvrant l’ensemble du territoire français et des taux d’audience réduits), en revanche les arguments concernant la diversité musicale qu’elles promeuvent sont révélateurs des questionnements auxquels doivent faire face les responsables de la programmation aujourd’hui. La fédération Iastar comprend plus de vingt six associations de Radios Campus qui s’adressent aux étudiants, aux consommateurs de culture, aux acteurs culturels et aux auditeurs ayant des goûts musicaux spécialisés. Elle est aujourd’hui « le premier diffuseur des musiques actuelles, exigeant les nouveaux talents et les nouvelles tendances de la création musicale » et « prend des risques artistiques et représente un espace de découverte et de promotion privilégié » (Iastar, « Présentation du réseau », http://www.radiocampus.org/presentation-du-reseau/, consulté le 18/10/2009). Grâce à un fonctionnement en réseau, Iastar a développé un outil de promotion de la musique en proposant des partenariats adaptés à des événements et des - 230 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale groupes musicaux (diffusions de concerts, résidences ou émissions musicales thématiques). La participation de bénévoles à l’organisation de ces structures permet d’établir un lien entre les artistes et le public. Elles sont également le relais de différents acteurs culturels locaux et participent au métissage culturel en présentant les cultures et les musiques du monde, notamment grâce à la participation des étudiants étrangers. Ces réseaux travaillent autant avec de petits labels qu’avec les majors. Nous pouvons citer les dix principaux labels avec lesquels la fédération a pour habitude de travailler en partenariat : - Fabric qui est un label londonien publiant régulièrement une collection de disques de DJ (mix ou live), - !K7 est une structure berlinoise initialement destinée à la production de vidéos sur des artistes punks et alternatifs et travaille aujourd’hui sur la musique électronique, - Warp est un label londonien axé également sur la musique électronique, - Ninja tune est la maison mère des musiques urbaines d’outre-Manche qui propose du breakbeat, du jazz, du drum’n’bass, du downtempo, de l’electro, du groove, du hip-hop, de la jungle, de l’electronica, du soundtracks et de la poésie, - Compost est un label munichois de jazz électronique, de down-tempo, d’electronica, de bossan, de drum’n’bass, de deep house et de deepsoul, - Tomlab est un label de Cologne avec un catalogue international de musique pop. L’étendue des genres musicaux proposés par ces labels permet aux antennes de la fédération Iastar d’offrir une alternative à la plupart des radios de la FM, de privilégier l’aspect de découverte et des sorties confidentielles qui n’ont pas d’ampleur médiatique. La fédération Ferarock est un regroupement de radios associative rock en France. Elle a pour finalité de diffuser principalement les musiques actuelles en émergence ou peu exposées sur les radios nationales - 231 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale et commerciales. La fédération regroupe aujourd'hui vingt-quatre radios partout en France et coopère avec quatre radios associatives belges et canadiennes. La programmation musicale des radios Ferarock est souvent complétée par des programmes et des émissions "alternatifs" animés par de nombreux bénévoles. Les radios de la fédération Ferrarock travaillent avec les interlocuteurs de leur région, ce qui leur confère une reconnaissance au niveau régional que n’ont pas les réseaux nationaux. Ainsi de par leur volonté de découverte, ces radios sont souvent des starters au niveau de la carrière des artistes. Les radios se sont multipliés sur le Net tout comme le développement des radios libres à la suite de la loi Fillioud en 1982 en France. Si le modèle numérique se structure de plus en plus aujourd’hui, le lancement de la radio numérique n’est pas encore arrivé à son terme. La radio numérique a l’avantage de capitaliser un modèle connu, celui de la radio analogique. Certaines radios offrent même des forums reprenant la formule de libre antenne des radios analogiques. Cependant, nous pouvons nous interroger si la radio numérique va changer les habitudes de programmations des professionnels de la radio. Les diffuseurs interrogés pour notre étude se partagent sur la question. Les responsables de la programmation au niveau régional projettent leur avenir professionnel avec la radio numérique et les web radios. « Je ne peux pas prédire l’avenir mais une chose est sûre et on voit déjà la tendance. On va principalement devoir faire avec les radios sur le Net » (Virgin Radio Strasbourg). Et pour eux, les radios numériques vont avoir un impact très important sur l’avenir de leur profession même si le travail de programmation restera plus ou moins similaire : « La radio sur le Net sera une priorité dans l’avenir. Je pense que la DAB sera la radio du futur permettant différents formats. Elle est la porte ouverte à plus de styles musicaux, bien que la base de travail reste la même » (NRJ Grenoble). - 232 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale Néanmoins, la radio numérique va permettre de faire évoluer la programmation et la façon dont les auditeurs auront accès à la musique. « Ça va permettre d’affiner les programmations plus facilement » (RTL2 Bordeaux) » « Avec le numérique on va oublier la diffusion FM et ça va obliger les gens à chercher la musique différemment. Le métier de programmateur va s’adapter aux évolutions technologiques. La majorité des gens vont aller plus loin dans leur recherche musicale mais ça sera toujours influencé ou orienté par la radio » (Fun Radio Marseille). Contrairement aux programmateurs régionaux, les programmateurs parisiens considèrent que le numérique et les web radios ne vont pas considérablement modifier leurs pratiques professionnelles. « Les radios du web vont se développer de plus en plus mais la radio à encore de belles années devant elle » (Virgin radio Paris). « La programmation va évoluer mais la radio jouera toujours son rôle de découverte. Il y aura des techniques différentes, de nouveaux outils, de nouvelles façons de programmer mais le fond du métier restera toujours le même » (Skyrock Paris). Ils considèrent leur profession comme déterminante et nécessaire à la conception d’une programmation cohérente. « Nôtre rôle est de défricher et de proposer des choses. On n’est pas inquiet pour l’avenir de notre profession. Bien sûr que l’on ne connaît pas les outils de demain. Certainement qu’ils permettront de faire plus de choses de façon automatique. Mais vous savez la musique ça reste quelque chose d’humain, qui s’adresse à l’affectif, à la sensibilité et ça aucune machine ne pourra le remplacer. Il y aura toujours une étape intermédiaire et besoin de personnes pour mettre la musique dans les machines. Là, par exemple, je vois mon ordinateur qui est en face de moi et je me dis qu’il n’a toujours pas d’oreilles… » (NRJ Paris). Comme le fait déjà le réseau Skyrock depuis la création de Skyblog, la plupart des responsables des programmations observent à partir des web radios les groupes musicaux qui attirent des auditeurs sur le Net. Se trouvent également sur le site des réseaux radiophoniques commerciaux des sonneries de portables, des titres à télécharger sur Itunes, des supports pour bâtir un blog, ainsi que des publicités pour le forfait NRJ mobile par exemple. Dans ce contexte, la radio numérique permet de cibler les auditeurs, de leur offrir des services et représente donc un enjeu marketing pour les diffuseurs. - 233 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale A cela s’ajoutent quelques questionnements concernant l’intégration des réseaux associatifs dans le lancement de la radio numérique. Les pouvoirs publics n’ont pas encore décidé la commercialisation de récepteurs multistandards (FM, T-DMB, DAB, DAB+, DRM, DRM+) permettant à tous les auditeurs d’accéder gratuitement aux programmes radiophoniques sur l’ensemble du territoire européen. Et alors que les présélections sont déjà bien avancées, le gouvernement n’a pas fait connaître le respect de ses engagements concernant le financement de la migration numérique des radios associatives. Ainsi, les réseaux associatifs se demandent toujours quelles vont être les « modalités de passage à la diffusion numérique des radios associatives », évoquées dans la loi sur l’audiovisuel (Iastar, « Communiqué commun mars 2009 », http://www.radio-campus.org/radio-numerique-terrestre/, consulté le 18/10/2009). - 234 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 4. Conclusion. 4.1. Synthèse de cette étude. A leur début, les radios privées proposent une programmation alternative, face à un modèle de radiodiffusion publique qui demeure sous le monopole d’Etat après la seconde guerre mondiale. Les radios musicales privées se sont ainsi construites en réaction à une programmation jugée trop institutionnelle. Progressivement, le monopole d’Etat est défait et la publicité est autorisée. A partir des années 1980, l’avènement de la publicité et l’autorisation de former des réseaux entraînent une logique de compétition entre les radios qui cherchent à se distinguer les unes des autres afin d’attirer une audience conséquente et obtenir les budgets des annonceurs. A la fin des années 1980, les stations musicales françaises se répartissent alors selon différentes catégories qui sont fonction de leurs cibles avec les radios jeunes, les radios jeunes-adultes et les stations adultes. Les radios musicales sélectionnent un segment d’auditeurs et proposent une programmation spécialisée dans quelques genres musicaux. A cela, s’ajoute l’importation des techniques de sondages et des formats radiophoniques américains en France. Le format devient ainsi un élément permettant de cibler une audience et d’ajuster la programmation au cœur de cible (Fenati, 1992). Aujourd’hui, les radios commerciales ne constituent que le reflet de ce qui a déjà été sélectionné par ailleurs (Presse, Télévision et Net) puisqu’une radio a besoin d’être « entourée » et ne programme jamais un titre toute seule. Avec le processus de libéralisation, à vouloir gagner des parts d’audience, les radios commerciales ont misé sur des cibles précises, sur des tendances musicales dont leurs playlists sont représentatives. Néanmoins, face aux évolutions sociales et techniques en cours, les radios privées ont perdu de l’avance dans la course à la nouveauté. En sectorisant leurs publics, les réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin radio et RTL2 se voient accuser une - 235 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale perte de vitesse. A l’inverse, les radios du service public voient leur audience en progression car elles travaillent sur des cibles plus larges et s’inscrivent dans la durée. L’ensemble de ces éléments correspond à des évolutions d’ordre politique, économique et culturel. L’analyse de Jean-Jacques Cheval, qui commente un travail d’André Jean Tudesq, illustre cette idée : « La radio prend place dans des systèmes d’information qui ne sont pas autonomes par rapport à la société globale. Avec eux la radio est reliée : - Au système politique par le statut qui lui est donné et par le pouvoir que l’on attribue aux messages et à l’information. - Au système économique par la valeur de ce qui est diffusé et par le coût nécessaire à sa production. - Au système culturel, car la radiodiffusion transmet, traduit et reflète toujours une idéologie, inhérente à toute expression. Dans le même temps, la radio s’inscrit dans des systèmes de communication définis par les techniques de diffusion en présence et le jeu, concurrentiel ou complémentaire, de supports de la communication différents » (Tudesq A-J, 1987. Dans Cheval J-J., 1997, « Les études historiques de la radio », http://www.iren-info.org, consulté le 24/03/2009). Cela nous fait comprendre que la diversité musicale n’est pas le fait seulement de la diffusion, mais elle s’inscrit dans un processus global de marché, auquel les radios commerciales ne peuvent échapper. Ainsi, cette dimension globale concourt au façonnement des playlists des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Et à l’aune de notre démarche empirique, nous relevons au sein des playlists : - la non représentation de différents genres musicaux (classique, jazz & blues et expressions culturelles mondiales). - un renouvellement restreint des titres. - une relative augmentation des rotations de titres du top 40. - 236 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale Du point de vue des relations entre diffuseurs et industriels, la centralisation des programmations sur Paris limite l’émergence des groupes locaux et entrave leur prise de contacts avec les responsables de la programmation. Le système de communication en vase clos entre diffuseurs et industriels exclut les labels indépendants et est à l’origine de critères de sélections tels que : - des titres qui suivent le format de la radio. - des musiques qui correspondent aux tendances musicales du moment. - des formats Radio Edit d’une durée de 3 mn 30. - des investissements promotionnels conséquents. Le choix de la programmation est également influencé par d’autres paramètres comprenant la programmation musicale des pays étrangers, les résultats issus de la recherche musicale sur les goûts des auditeurs et les modes esthétiques du moment. Si les radios commerciales sont plus puissantes car elles s’organisent en groupes industriels, il persiste différents modèles radiophoniques avec des statuts, des économies et des logiques de fonctionnement distincts. Le développement du numérique a vu l’émergence d’une multitude de radios sur le Net proposant une alternative au mode de diffusion analogique en termes de diversité musicale. Nombre de nouveautés musicales sont disponibles sur le Net bien avant l’entrée des titres au sein des playlists des radios NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin radio et RTL2. Rien ne semble encore déterminant aujourd’hui mais reste à savoir si les mutations liées à la numérisation de la radio et qui se profilent d’ores et déjà révèleront des évolutions en termes de programmation. Et dans ce contexte, si les radios associatives soutenues par les pouvoirs publics prennent conscience des enjeux culturels, elles pourraient alors favoriser la diversité musicale et ainsi diminuer les inégalités d’accès à la culture musicale. - 237 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 4.2. Limites de cette étude. Les limites de notre étude s’articulent autour de différents axes, d’abord d’un point de vue méthodologique propre aux techniques d’enquête utilisées, ensuite de manière plus globale sur l’étude réalisée. Selon un aspect méthodologique, la sélection des groupes musicaux interrogés sur les difficultés qu’ils peuvent rencontrer à vouloir contacter des labels (Majors/Indépendants) et des radios (Commerciales/Locales privées) n’est pas nécessairement représentative de l’ensemble de la production musicale. La sélection des groupes a été effectuée uniquement parmi les réponses obtenues via le site Myspace ; ce qui induit logiquement un choix restreint et naturellement arbitraire sur l’ensemble des artistes de la profession musicale. A cela s’ajoute une marge de subjectivité relative aux propos recueillis auprès des diffuseurs et des industriels. En effet, les entretiens ne reposent pas sur des données scientifiques à proprement parler mais ils émanent d’une opinion personnelle et du ressenti propre à chaque personne interrogée. Effectivement, selon leur parcours professionnel, leurs formations universitaires, le poste occupé et leur localisation au sein de l’entreprise radiophonique, les individus interrogés tiennent des propos pouvant discorder selon le type de relations existant entre diffuseurs et industriels ou encore selon qu’il s’agisse des web radios. Les entretiens semi-directifs à destination des responsables de la programmation musicale auraient également pu être développés, notamment concernant la promotion des artistes en développement au niveau régional. Cela nous aurait permis de mieux appréhender les objectifs de la programmation musicale par rapport à un poste similaire en région d’Ile-de-France. Essentiellement, l’analyse de notre étude est limitée aux groupes radiophoniques de format « jeunes » et « jeunes-adultes » NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin radio et RTL2 et ne prend pas en considération l’ensemble de - 238 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale l’espace radiophonique français. Les radios étudiées dans ce travail possèdent des formats musicaux spécifiques et, de fait, ne peuvent représenter à elles seules la diversité musicale existant sur la bande FM. Si l’Observatoire de la Musique qui prend en considération, dans son analyse, les trente-et-une radios représentant plus de 92% de l’audience des radios musicales, notre angle d’analyse apparaît censément plus restrictif dans l’exploration du champ de la diversité musicale. Notre étude révèle une place insuffisante accordée aux labels indépendants dans la relation entre diffuseurs et industriels. Néanmoins, certains titres provenant des labels indépendants se trouvent présents dans les playlists des radios commerciales. Ainsi, une analyse plus poussée dans les rapports entre diffuseurs et industriels nous aurait donné plus d’éléments d’informations sur les méthodes et les outils/moyens de communication mis à disposition des indépendants pour faire entrer leurs artistes dans les playlists des radios commerciales étudiées. - 239 - Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale 4.3. Perspectives de recherches. Afin de compléter les perspectives de cette étude, le point de vue des auditeurs pourrait s’avérer pertinent afin de connaître : leurs réactions visà-vis de la diffusion musicale radiophonique, la façon dont ils constituent leur propre playlists et leur moyen d’accéder à une certaine diversité en croisant les informations mises à leur disposition (Presse, Télévision, Internet,…). Il pourrait également être judicieux d’analyser la diffusion musicale sur l’ensemble des médias (Presse, Radio, Télévision, Internet…) en parallèle avec l’aide à la création et à la production des œuvres musicales, les politiques de soutiens des labels ainsi que la politique d’exportation de la musique. Une autre perspective envisageable serait de comparer la conception de la diversité musicale selon l’angle de vue américain avec celui de la France. En effet, les formats américains ont été importés en France sur un modèle préexistant, datant de la fin de la seconde guerre mondiale et avec des formats correspondant à une conception particulière de la musique et des métiers de programmation. En fonction d’un milieu socio-culturel donné, il serait pertinent d’observer la façon dont a évolué ce même modèle au niveau de la promotion des artistes locaux, de la diffusion et de la programmation musicale, des radios associatives et des relations entre pôle marketing et artistique. Et enfin, dans un contexte où les échanges se réalisent de façon asymétrique et principalement entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et le Japon d’une part, puis le Brésil, l’Inde, la Chine, le Mexique, la Malaisie, les Philippines, la Corée-du-Sud, l’Egypte et l’Afrique-duSud d’autre part, une approche comparative de l’industrie radiophonique et des différentes politiques culturelles entre les pays apporterait un éclairage à notre étude sur l’absence des musiques du monde au sein des playlists des radios commerciales françaises. - 240 - BIBLIOGRAPHIE 241 Ouvrages Albert P., Tudesq A-J., (1996), Histoire de la Radio-Télévision, Paris : Presse Universitaire de France. Balmer E., (2005), Les radios commerciales et les programmations musicales en France, Paris : L'harmattan. Bamberger M., (1997), La radio en France et en Europe, Paris : Presse Universitaire de France. 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Responsable d’antenne et promotion régionale. Je m’occupe des formations, du management des programmations et des annonces à destination du cœur cible (zone Annecy, Chambéry, Grenoble, Aix-les-Bains, Valence, Montpellier, Orange) au niveau local. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? J’occupe ce poste depuis un an et demi mais sinon, je suis dans le milieu radiophonique depuis dix-neuf ans. Quel est votre parcours professionnel ? J’ai d’abord commencé dans le bénévolat. J’ai été bénévole dans le Loiret. J’ai eu un baccalauréat en comptabilité et gestion. J’ai ensuite suivi un parcours universitaire. J’ai fait des études dans l’administration et l’économie. Pendant ce temps, j’ai toujours continué la radio. J’ai été animateur du groupe NRJ en 1998 en CharenteMaritime, à Chambéry, puis j’ai fait beaucoup de remplacements au niveau national. Ça fait dix-neuf ans que je suis dans le milieu radiophonique, d’abord en temps que bénévole puis ensuite, en tant que professionnel. Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ? Je travaille avec les animateurs locaux. Ce sont mes principaux interlocuteurs. On organise les émissions locales. Je m’occupe également des partenariats, de la communication pour la radio et de la promotion d’un artiste. Les programmations musicales de NRJ Grenoble correspondent-elles à une couleur musicale précise ? NRJ est une radio « trans-générationnelle » dont le cœur cible correspond aux 13-25 ans mais d’après les statistiques, la moyenne d’âge est de 28 ans. Il n’y a pas véritablement de couleur précise. NRJ c’est la radio des hits. On passe de la dance, du r’n’b, du rap, de la variété française….On diffuse les hits qui marchent et on 277 évolue en fonction des modes. Mais c’est uniquement du hit puisque l’objectif est de faire plaisir à une audience, et la plus large possible. Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à NRJ Grenoble ? L’objectif de nos playlists est de clairement identifier et faire ressortir les goûts, les besoins et les attentes des auditeurs. Il faut pour cela déterminer les hits les plus sollicités, ceux qui sont sur le déclin et ceux qui sont susceptibles de rester sur du long terme et que l’on peut mettre en rotation. L’objectif est d’adapter les problématiques de choix de goûts des auditeurs en adéquation avec l’actualité musicale. Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la playlist de NRJ Grenoble ? Les critères sont larges ; il faut que ça plaise au plus grand nombre et qu’un titre ne choque pas les auditeurs. Par exemple, si on prend le cas de l’artiste Lorie, actuellement les auditeurs ont du rejet pour cette artiste, du coup on ne la diffuse pas à l’antenne. Il faut plaire, de la ménagère jusqu’au gamin de 12 ans. Il faut faire la différence entre l’artiste qui peut fédérer et celui qui est trop spécifique. Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la playlist de NRJ Grenoble ? Il n’y a pas de règle précise. On peut se calquer sur les ventes d’albums par exemple. Les ventes sont importantes mais pas primordiales ; c’est un détail. La diffusion est là pour répondre à une demande. Pour le plus gros du travail, on se base sur les « call centers ». Il s’agit d’un amphithéâtre dans lequel on demande à des gens s’ils aiment ou pas les titres qu’on leur diffuse. La durée de diffusion est de sept minutes de refrain. Ça peut se faire par téléphone aussi. On s’intéresse également aux artistes qui ont un plan de promotion important, des shows cases, des tournées, des émissions de TV etc… C’est un critère qui peut faire rentrer un titre en playlist. Mais un critère important, c’est qu’il faut que ce soit un artiste qui s’adresse aux jeunes avant tout. 278 Les playlists sont-elles communes à l’ensemble du réseau NRJ ? Oui, puisque la force de NRJ aujourd’hui, c’est le hit ; donc, si on fait une programmation dans la programmation, c’est plus du NRJ. Il faut qu’il y ait une cohérence, qu’on ait une ligne commune pour qu’on reconnaisse le son de NRJ. Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur NRJ Grenoble ? Pour les gros hits, on peut les diffuser dix fois mais cela varie selon les tranches horaires. Entre 6h et 22h, on a 14h de diffusion, un titre peut être diffusé jusqu’à une fois toutes les 2h. En fait, chaque catégorie de titres est diffusée selon une stratégie. Par exemple, en ce moment on parle beaucoup du groupe Mika. Ce groupe permet de garder le public, du coup on le diffuse après la publicité ; comme ça, on garde les auditeurs. On est sûr de les retrouver après la publicité. Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à NRJ Grenoble ? En fait, on a surtout le respect des 40% de chansons françaises et aussi on doit respecter le cahier des charges déposé auprès du CSA. Puis bien sûr, on fait attention aux propos ambigus, antisémites au niveau des paroles des chansons. En fait, on fait attention au respect des valeurs propres à NRJ. On doit faire passer un message positif, jeune. Il n’y a aucun appel à la haine ou à la violence sur nos antennes. La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de NRJ Grenoble ? C’est plutôt une contrainte et ça complique le travail de programmation parce que durant certaines périodes, il y a beaucoup de contenus au niveau des sorties françaises et d’autres périodes sont plus creuses. Pendant les périodes creuses, on diffuse des « artistes en développement » qui ne sont pas connus pour atteindre les quotas, avec des artistes comme Ellur, Mario Vasquet, en ce moment. Sinon, on va plus vers un top 30 pour correspondre à ces quotas. Aujourd’hui, la durée d’écoute de la radio s’est considérablement réduite avec Internet, donc on se rapproche plus du top 30. Soit deux fois un même titre en l’espace de deux heures. 279 Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu radiophonique ? Non, je n’ai pas réellement constaté d’évolution pour NRJ puisque il y a adaptabilité de la marque par rapport aux goûts des gens. Il y a des courants musicaux plus forts à certains moments mais on n’a pas de refonte du format sur ces dernières années. Quelles sont les modalités de communication avec les responsables de promotion en radio ? Les contacts se font essentiellement au niveau de Paris. On a quelques contacts au niveau régional mais c’est très occasionnel. Puis si il y a des sollicitations au niveau local, on fait suivre sur Paris. C’est eux qui gèrent et qui voient si on peut diffuser les artistes proposés. Comment caractériseriez-vous ces relations ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale Ce sont des relations très importantes car la diffusion d’un titre en radio peut générer des ventes. Ces relations sont surtout importantes au niveau des plateaux avec les artistes ou les auditeurs. C’est bien de faire le lien entre les artistes et leur public. Donc, ouais, c’est surtout au niveau relationnel que ça ce passe. Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? Je ne peux pas véritablement répondre à cette question puisqu’on n’a pas de relation au niveau local. On n’a pas de relation directe. Tout se passe au niveau national. Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la diffusion musicale à la radio ? Il se peut qu’il y ait des blocages puisque parfois, certaines maisons de disques croient beaucoup en un artiste et les radios non, donc elles ne diffusent pas. On n’est pas toujours sur la même longueur d’ondes mais ça fait partie du travail. Chacun à ses contraintes. 280 Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le contenu musical de la radio et dans quel but ? Oui, on réalise des sondages une fois par semaine sur un panel d’environ une centaine de personnes. Ces résultats sont analysés par un institut en interne, propre à la radio NRJ. Ces sondages permettent de faire évoluer les programmations. Quelles sont les répercutions de ces études dans la politique de promotion des artistes et le contenu des playlists ? Si un titre est diffusé à outrance par exemple, il peut y avoir un effet de lassitude pour l’auditeur. Il y a une réelle répercussion de ces études sur les programmations puisqu’un titre peut passer de beaucoup de rotations à très peu de rotations, en fonction de la lassitude des auditeurs. Trouvez-vous des points communs ou au contraire des différences avec la diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ? Oui, on a des points en commun mais on a des différences aussi puisque chaque radio a son format. Il y a sûrement quelques titres en commun puisque toutes les radios s’intéressent à l’actualité. On a quelques exclusivités mais c’est uniquement en amont de la sortie d’un album pendant un temps très court. Uniquement pour un lancement et sur un extrait de l’album. Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ? Oui, puisque NRJ fait vendre les hits et puisqu’elle crédibilise l’artiste en le diffusant et ceci génère des ventes. Mais il existe des contre-exemples puisque certains artistes marchent sans les radios. Mais à partir du moment où un titre est diffusé à l’antenne, ceci ouvre une porte plus large. Les artistes diffusés à la radio n’ont pas besoin de chercher un public susceptible de s’intéresser à leur son ; c’est la radio qui le fait pour eux. Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à NRJ Grenoble ? Il y a une diversité sur NRJ car on n’a pas de format particulier. Pour moi, la diversité musicale, c’est le fait de promouvoir et diffuser au plus grand nombre. On diffuse 281 plus qu’un seul et même type de musique par rapport à notre cible qui est large. On se doit de représenter tous les courants musicaux qui fonctionnent. Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du métier de programmateur à la radio ? Programmation à la demande Sur le net Aujourd’hui, la radio a perdu des auditeurs par rapport au Net où on peut découvrir des radios du monde entier, et par rapport aux téléchargements aussi. Les radios FM ont à développer des radios ciblées sur le Net. C’est le cas de NRJ. On commence à se développer sur Internet parce que ça nous permet de nous adresser à un public plus pointilleux, qui s’intéresse à un genre musical précis. La radio sur le Net sera une priorité dans l’avenir. Je pense que la DAB sera la radio du futur permettant différents formats. Elle est la porte ouverte à plus de styles musicaux, bien que la base de travail reste la même. Pour la programmation à la demande, avec la participation directe des auditeurs, je ne pense pas que ce soit possible. Aujourd’hui par exemple, les auditeurs qui appellent pour participer à des jeux représentent moins de 1%. Il s’agit de minorités. La programmation à la demande serait alors trop sélective et ne correspondrait pas à une logique collective comme l’est NRJ actuellement. 282 ENTRETIEN FUN RADIO MARSEILLE (Durée 53 mn) Quel poste occupez-vous actuellement ? J’occupe le poste de responsable d’antenne et je suis également animateur au sein de Fun Radio. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? Depuis août 2002. Quel est votre parcours professionnel ? J’ai un parcours universitaire de trois années de Droit et d’Histoire. J’ai été pendant cinq ans à Fun Radio Nancy et en août 2002, j’ai pu intégrer Fun radio Marseille. Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ? Je m’occupe de la programmation en locale et de l’animation des tranches horaires 12h-16h. Je m’occupe de la planification publicitaire. Je gère les relations avec les régies publicitaires, puis tout ce qui concerne la gestion et la mise en ondes des messages publicitaires. Les programmations musicales de Fun Radio Marseille correspondent-elles à une couleur musicale précise ? Pour Fun Radio, la marque c’est soul and dance. Toute la programmation tourne autour de morceaux r’n’b américain et français. C’est des termes génériques mais par dance, on entend techno, house. C'est-à-dire tous les morceaux qui marchent dans les clubs. Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à Fun Radio Marseille ? L’objectif est de cibler un certain nombre d’auditeurs. C’est cibler de façon la plus large possible afin de toucher un maximum de personnes. La cible de Fun Radio, c’est les 13-35 ans. Les playlists représentent aussi les artistes que l’on défend (les gros DJ qui tournent…). De toute façon, tous les artistes que l’on diffuse à l’antenne sont mis en avant. 283 Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la playlist de Fun Radio Marseille ? La programmation qui se fait sur Paris passe par le « call out ». Ce sont des morceaux de trente secondes et si les auditeurs accrochent, alors le titre entre en programmation sur Paris et puis sur l’ensemble du réseau. Mais ça dépend aussi du feeling du programmateur. Bon, il y a les formats génériques de trois minutes trente mais ça nous arrive de passer aussi des morceaux de cinq ou de deux minutes. Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la playlist de Fun Radio Marseille ? Dans la plupart des cas, c’est en fonction des contacts avec les maisons de disques qui proposent aux radios des titres. Il y a les sites comme Myspace sur le Net également, mais en grande partie, ce sont les maisons de disques qui nous présentent les artistes qu’elles veulent qu’on diffuse. Les playlists, sont-elles communes à l’ensemble du réseau Fun Radio ? Oui, complètement. On a la même programmation partout dans l’ensemble du réseau. Sur une journée combien de fois un titre musicale peut-il être diffusé sur Fun Radio Marseille ? C’est aléatoire, mais pour les plus grosses rotations, ça peut aller jusqu’à une fois toutes les 1h30. C’est le cas par exemple de David Guetta parce que cet artiste est en tournée avec Fun Radio et parce qu’il correspond à notre cible. Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à Fun radio ? On a principalement la loi sur les quotas de chansons françaises et aussi les accords de diffusion qu’on a passés avec les maisons de disques. 284 La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de Fun Radio Marseille ? C’est à la fois une dynamique mais c’est en même temps un peu compliqué pour un programmateur. A la fois, ça nous permet de passer des artistes français et d’en découvrir. Mais d’un autre côté, c’est un peu une contrainte puisqu’on est tenu avec le CSA. Puis ça peut être au détriment de certains artistes. Par exemple, il y a des périodes où il n’y a pas de nouveaux talents. Dans ce cas, on est obligé de piocher des titres qui ne sont pas forcément qualitatifs pour rester dans les quotas. Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu radiophonique ? Oui, on a des programmations plus éclectiques qu’avant 1997. D’ailleurs le « Claim » de la radio c’est « le meilleur mix ». On a de la techno, de la pop, du rock etc. Aujourd’hui, les radios sont de plus en plus ciblées. A Fun Radio, le cœur de cible est plus précis. On s’adresse à des gens qui écoutent de la soul et de la dance. Au niveau technique aussi ça a bougé. Avant, ça marchait avec des CD puis on a eu le MP3 et aujourd’hui, tout se gère via l’informatique. Quelles sont les modalités de communication avec les responsables de promotion en radio ? On a seulement des contacts avec eux lorsqu’on a des interviews d’artistes qui sont en tournée dans la région. Sinon pour le reste, ça se passe sur Paris. Comment caractériseriez-vous ces relations ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale Pareil ; les relations ça se passe tout sur Paris. Nous on n’en a quasiment aucune. 285 Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels au sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? Je ne pense pas. Je ne sais pas, vu qu’on n’a pas de relations directes avec Paris. Pensez-vous qu’il existe des obstacles, des contraintes au niveau de la diffusion musicale à la radio ? C’est compliqué parce qu’il y a des accords avec les maisons de disques. Puis il faut que ce soit dans la couleur, la dynamique de la radio. Il y a plein de paramètres qui rentrent en jeux. Bien sûr, il faut que ça accroche à l’oreille. On ne peut pas dire qu’il y ait des paramètres théoriques. Il n’y a pas de recettes miracles du tube. Pourquoi un morceau va marcher par rapport à un autre, on n’en sait rien. C’est très subjectif. Mais ça reste difficile de s’écarter des gros artistes comme Madonna par exemple. Le dernier Madonna, on est obligé de le passer. Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le contenu musical de la radio et dans quel but ? On utilise la technique de « call out ». Il y a également Médiamétrie. Puis on a un service au sein de Fun Radio. C’est notre petit institut de sondage en interne, en quelque sorte. Il y en a dans toutes les radios. Pour RTL2, par exemple, ça s’appelle Média Panel. Ça nous permet de connaître les tendances. On appelle, au hasard, des personnes. On sélectionne les gens par catégories socio-professionnelles. Pour Marseille, on réalise les études sur 1000 personnes et on fait ça sur deux vagues de septembre à décembre et de janvier à juin. Quelles sont les répercutions de ces études dans la politique de promotion des artistes et le contenu des playlists ? Ces résultats nous indiquent si un titre marche. C’est le seul indice pour savoir si le format plaît. Ce sont des études très précises. On sait, au quart d’heure près, tout ce qui ce passe. Ça sert aussi pour l’aspect commercial. Les annonceurs savent qu’elle population ils touchent. On croise les critères musicaux avec la publicité. Selon la cible, on sait quelle publicité va passer après telle tranche horaire musicale. Ça se passe plus sur une couleur musicale qu’un artiste en particulier. 286 Trouvez-vous des points communs ou au contraire des différences avec la diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ? Alors je dirais qu’il y a les radios jeunes et les radios adultes. Dans la catégorie jeune, c’est clair qu’on joue tous les mêmes titres. C’est différent de la programmation de RTL2 ou RFM par exemple ou de NRJ qui est plus pop que Fun Radio, par exemple. La musique dance qui passe sur NRJ est la même que sur Fun Radio avec quelques spécificités avec les maisons de disques. Pour les autres radios musicales, on a en commun environ 30 à 40% de la programmation. Puis pour avoir un artiste en exclusivité, c’est très rare car si un artiste rentre en radio, c’est pour être diffusé le plus possible. On échange donc des artistes en terme de communication, pas en terme de diffusion. C’est pour ça que l’on a des titres en commun. Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ? Complètement. Surtout pour les mises en avant lorsqu’un artiste est diffusé toutes les heures. Un morceau rentre plus facilement dans la tête des gens même si à la longue ça risque de soûler les gens et même si il y a la télévision et la presse. On a l’impression que tout le monde se niche en ce moment. En ciblant, on a décidé d’être populaire. Car plus ta programmation est populaire plus tu attires du monde. L’objectif reste de fédérer pour avoir un maximum d’auditeurs. Qu’est ce que la « diversité musicale » pour vous et quels termes utiliseriezvous si vous devez donner une définition propre à Fun Radio Marseille ? Elle est liée à la couleur de la radio. On se spécialise, donc la diversité se fait dans les genres que tu as décidé de diffuser. Les radios locales comme radio Grenouille ou Nova, par exemple, ont des programmations musicales plus larges et moins ciblées. Mais plus tu es diversifié et moins tu fais d’audience. A la limite ça peu marcher pour un public plus vieux car généralement ils veulent écouter autre chose. C’est vrai certaines personnes, ça les gonfle, les grilles de rotation. A Fun Radio la diversité c’est soul, dance, r’n’b et house. 287 Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales radiophonique ? Programmation à la demande Sur le net Aujourd’hui, on a beaucoup de choix. Les modes d’écoute changent beaucoup avec le MP3 mais il me semble que les programmations s’établissent toujours à partir de la radio. Le choix des auditeurs est défini par la radio. A la fois, c’est nous qui conditionnons le goût des auditeurs et en même temps, c’est eux qui demandent de diffuser les titres. C’est un peu le chat qui se mort la queue. Plus le temps avance et plus les gens vont faire leur programmation et moins ils écouteront la radio. Avec le numérique, on va oublier la diffusion FM et ça va obliger les gens à chercher la musique différemment. Le métier de programmateur va s’adapter aux évolutions technologiques. La majorité des gens vont aller plus loin dans leur recherche musicale mais ça sera toujours influencé ou orienté par la radio. 288 ENTRETIEN SKYROCK DUNKERQUE (Durée 40 mn) Quel poste occupez-vous actuellement ? Je suis responsable d’antenne et de la programmation de Skyrock. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? Depuis début 2001. Quel est votre parcours professionnel ? J’ai été principalement animateur à Skyrock Toulouse depuis 1998, puis je suis devenu responsable de la programmation à Skyrock Dunkerque en 2001. Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ? Je m’occupe de l’animation, de la programmation musicale et des dédicaces en Nord Pas-de-Calais, Picardie. Je gère également les écrans de publicité sur la zone où l’on diffuse, des rubriques locales. Puis, j’ai deux tranches horaires d’animation en national le samedi. Les programmations musicales de Skyrock Dunkerque correspondent-elles à une couleur musicale précise ? Oui, pour Skyrock, c’est le rap et le r’n’b non-stop, mais la programmation n’est pas fermée non plus. On passe un peu de reggae et du raï. Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à Skyrock Dunkerque ? C’est la musique que l’on diffuse en dehors des talks. Les playlists, c’est la musique que l’on diffuse. En fait, Skyrock se divise en trois équipes : les animateurs, les auditeurs et les artistes. Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la playlist de Skyrock Dunkerque ? C’est au niveau national que les responsables de la programmation choisissent si le titre proposé correspond au format de Skyrock et à la cible des 13-24 ans. Alors bien 289 sûr, c’est en fonction des ventes, de ce qu’aiment les auditeurs puis aussi au feeling du programmateur. Skyrock est une radio pour les gens, pour les auditeurs. Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la playlist de Skyrock Dunkerque ? Ce sont surtout les maisons de disques qui nous fournissent 98% des titres lorsqu’elles démarchent auprès des radios et pour le reste, on regarde sur Internet. Les playlists, sont-elles communes à l’ensemble du réseau Skyrock? Oui, mais il y a quelques décrochages locaux pour le Nord Pas-de-Calais, Marseille et Paris entre 12h30 et 16h. Le reste de la journée, ce sont les programmations nationales qui passent à l’antenne. Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur Skyrock Dunkerque ? Entre 5h et minuit, un titre peut être diffusé entre huit et dix fois. Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à Skyrock Dunkerque ? Oui, on a surtout des contraintes vis-à-vis du CSA. Lorsqu’une radio a choisi de défendre certains styles musicaux, il faut qu’elle s’y tienne. Puis on a les quotas de chansons françaises. Pour Skyrock, on a gardé 40%. Pour l’ensemble des radios musicales, on a le choix entre 30 et 40%. Nous, c’est 40% de chansons françaises et 20% pour les nouveaux talents. Si on a gardé ces quotas, c’est parce que ça nous convient pour le rap et l’ensemble de la programmation musicale. La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de Skyrock Dunkerque ? Ce n’est pas un problème, cette loi. C’est un plus pour le rap et le r’n’b et ça a permis au rap français d’exploser. 290 Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu radiophonique ? Oui, depuis 1998, on avait un rap français qui provenait plus de la rue, qui était plus revendicatif, plus conscient ; aujourd’hui, on a une programmation plus axée r’n’b avec un son plus dansant et plus festif qu’avant. Quelles sont les modalités de communication avec les responsables de promotion en radio ? Je n’ai pas un poste assez important pour vous expliquer. Je n’ai pas de contact direct avec les maisons de disques, mais il y a des rencontres en face à face avec les responsables de promotion. On reçoit les disques. Ces relations se font surtout avec les grands majors tels qu’Universal, Virgin, Sony etc… Comment caractériseriez-vous ces relations ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale On n’a pas de contact direct, tout se passe sur Paris et nous on veille au bon fonctionnement de la programmation au niveau local. Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels, au sein de la filière musicale, afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? Je vais vous répondre la même chose. L’information se passe sur Paris. Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la diffusion musicale ? Oui, puisqu’à la base, une radio refuse beaucoup plus que ce qu’elle accepte. Il est impossible de tout passer. Alors que pour une maison de disques, plus elle propose de disques, plus elle a de chances qu’il y ait au moins cinq ou six titres qui soient programmés en radio. C’est donc un infime pourcentage de la production de disques qui passe à la radio. 291 Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le contenu musical de la radio et dans quel but ? Oui, on teste sur des panels, on fait des enquêtes téléphoniques. Ce sont des personnes qui sont employées en interne à la radio, un peu comme des instituts de sondages, en quelque sorte. L’objectif de ces études, c’est de savoir ce que les gens veulent entendre. Ça aide les programmateurs à faire la programmation musicale. Il y a un investissement budgétaire important sur la « recherche musicale » en radio. En plus, à Skyrock on est attentif aux tendances. On cherche à être à la pointe de ce qui s’écoute au Japon, aux Etats-Unis, par exemple. Il existe également des Skyblogs sur le Net. On a été la première plateforme en Europe proposée par notre PDG. Le principe permet à un artiste non signé par une maison de disques de se faire connaître et certains artistes sont devenus cinquièmes des ventes par ce biais. C’est un nouveau moyen de découvrir de la musique. Quelles sont les répercutions de ces études dans la promotion des artistes et le contenu des playlists ? Si le titre est apprécié des auditeurs, il passe en forte rotation et inversement, il sort de la programmation. Certains artistes jouent leur carrière à la radio. 80% des personnes déclarent acheter un disque parce qu’ils l’ont entendu à la radio. Trouvez-vous des points communs, ou au contraire des différences, avec la diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ? Il y a un large choix de radios thématiques en France. Chacune à sa programmation. Quelquefois, certaines radios, surtout Fun Radio et NRJ viennent marcher sur nos plates-bandes. Lorsqu’on est parti sur le rap, NRJ a suivi. Le succès de Skyrock les a fait bouger dans leur positionnement. Par exemple, en 1992, NRJ ne voulait pas passer l’artiste Khaled car c’était trop typé comme musique. Ils en sont revenus. Entre radios, on surveille les voisins et principalement NRJ. Pour Yacast, c’est un peu le même principe mais c’est plus les radios de province qui sont concernées et qui consultent les titres qui marchent bien sur les grosses radios, comme Scoop, par exemple. Ces radios n’ont pas les moyens de s’acheter des tests donc elles regardent les listes de Yacast et les programmations de NRJ. Pour toutes les radios, il est important de se positionner par rapport aux autres radios ; par rapport à la concurrence. 292 Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ? Oui, souvent, mais ce n’est pas une généralité non plus. Certains groupes comme Louise Attaque ont marché sans les radios. Il me semble qu’ils ont vendu dans les 200 000 albums avant de passer en radio. La radio a fait exploser les ventes une fois qu’ils ont été diffusés mais ils vendaient déjà pas mal avant. Et inversement, certains artistes sont diffusés à la radio et ils prennent des « bides ». C’est le cas d’un artiste, dernièrement, qui a été joué sur Fun Radio et qui n’a pas marché. Il existe certains paradoxes, c’est le cas du groupe Grand Corps Malade qui vend beaucoup de disques et le titre ne passe pas en radio car d’après les études de sondages, les gens ne veulent pas l’entendre à la radio. Mais la radio permet quand même de faire connaître un titre surtout, que certaines maisons de disques se lancent dans la production de clips à partir du moment où le titre passe en radio. Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à Skyrock Dunkerque ? On représente ce qui marche le plus. On ne peut pas tout diffuser. Pour nous, la diversité n’est pas un critère puisque le but d’une radio, c’est un peu la compétition. On ne peut pas faire ce qu’on aime puisqu’on peut nous demander d’arrêter si ça ne convient pas aux auditeurs. On peut passer certains titres que l’on aime bien mais on ne se pose pas ce genre de question concernant la diversité musicale. On ne cherche pas. Il existe bien sûr quelques émissions pour diversifier la programmation, comme par exemple, Planète Rap où le dimanche soir on a une émission de raï. Il y a un animateur qui amène sa programmation aussi. Ce sont des titres qui ne passent pas le reste de la journée. La question de la diversité, c’est plus une question que se posent les radios associatives en France. On plaît aux auditeurs car lorsqu’ils écoutent la radio, ils ont envie de savoir ce qu’ils vont entendre. Les radios ultra généralistes ne parlent à personne. Passer différents genres musicaux par tranche horaire, pour plaire aux lycéens en fin de journée et à la ménagère le matin, ce n’est pas possible, c’est ce que fait Radio Scoop et son audience baisse car c’est une des principales erreurs. 293 Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales radiophonique ? Programmation à la demande Sur le net Avec les nouveaux médias, il va falloir que la radio s’adapte. On a perdu en durée d’écoute. Est-ce que la bande FM va devenir obsolète et que l’on pourra écouter la radio numérique dans la voiture avec une multitude de radios ? Je ne sais pas. En tous cas, Internet, à l’heure actuelle, permet à un artiste de faire un « buzz ». Le bouche à oreille, la notoriété peut partir du Net. Ça permet de faire découvrir des artistes. Pour ce qui est de la programmation à la demande, Skyrock fonctionne déjà un peu comme ça puisque les auditeurs choisissent via Skyblog et en fonction du nombre de visites sur le site, ça nous permet de savoir si un titre plaît ou pas. 294 ENTRETIEN EUROPE2 (VIRGIN RADIO DEPUIS 2008) STRASBOURG (Durée 40 mn) Quel est le poste que vous occupez actuellement ? Je suis responsable des programmes et animatrice technico-réalisatrice. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? J’occupe ce poste depuis six ans et demi maintenant. Quel est votre parcours professionnel ? Si on reprend rapidement, j’ai suivi un parcours LEA en fac puis je me suis tournée vers un BTS d’animateur technico-réalisateur en expression radiophonique, mais j’ai surtout été animatrice sur une radio locale de quatorze à dix-sept ans. Ensuite, j’ai travaillé à Nostalgie sur Paris en tant qu’assistante d’antenne et de programmation. Depuis le mois de mai 2001, je m’occupe de la programmation à Europe2. Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ? J’anime la tranche horaire du 13h-17h, du lundi au vendredi. Je mixe des titres et j’organise des jeux à l’antenne. Les programmations musicales d’Europe2 Strasbourg correspondent-elles à une couleur musicale précise ? Oui, Europe2 c’est du rock et de la pop, donc la programmation ne comprend pas d’artistes comme Céline Dion ou autre. On a une couleur précise qui est fonction de notre cible. Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à Europe2 Strasbourg ? Sachant que la durée d’écoute est en général de 1h à 2h par jour par auditeur, le rôle de la playlist est de limiter le nombre de titres à tourner pour qu’une certaine rotation s’installe, selon les nouveautés, golds et les quotas qui sont imposés par le CSA. 295 Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la playlists d’Europe2 Strasbourg ? Il n’y a pas vraiment de critères. Il faut que les titres musicaux proposés à l’antenne correspondent au son pop-rock de la station. Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la playlist d’Europe2 Strasbourg ? En régional, on ne constitue pas les playlists mais en règle générale, ce sont les maisons de disques qui présentent leurs artistes aux radios et les radios sélectionnent selon leur format, selon leur cible. Il faut que ça corresponde au son de la radio. Les playlists sont-elles communes à l’ensemble du réseau Europe2 ? Oui, les playlists sont les même sur l’ensemble du réseau Europe2, à part quelques stations encore indépendantes qui peuvent passer des programmes de leur choix. C’est le cas pour Europe2 Lens. Il me semble qu’ils font de la retransmission en direct des matchs de football. Mais pas au niveau de la programmation musicale. Ouais, on passe les mêmes titres. Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur Europe2 Strasbourg ? Sur une journée, la grille de rotation maximum, c’est dix fois. Un titre peut passer dix fois sur une journée ; après c’est trop. Dix fois, ça permet aux auditeurs d’entendre le titre et de savoir s’ils l’aiment ou pas. Si le son leur plaît. Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à Europe2 Strasbourg ? Non, on n’a pas de cahier des charges au sein d’Europe2. Après, on a des obligations auprès du CSA. On a des quotas de chansons françaises. On fait attention aux paroles des chansons qu’on diffuse. Il y a un respect des auditeurs. Il ne faut pas qu’il y ait des paroles à caractères antisémites ou de la violence dans les titres qu’on diffuse, par exemple. 296 La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne d’Europe2 Strasbourg ? Je pense que c’est l’inverse parce que ça bloque des groupes français qui chantent en anglais. Les groupes français qui chantent en anglais ne sont pas considérés dans les quotas de chansons françaises alors qu’ils sont d’origine française. Du coup, on ne va pas les diffuser ou moins facilement. Je pense que c’est un vrai problème pour eux. Ils ont beaucoup de concurrence de la part des groupes anglosaxons. Puis, il y a des façons de contourner les quotas, en diffusant plusieurs fois le même titre en français par exemple. Parfois, on est obligé de faire comme ça, car il n’y a pas assez de production française et on est obligé de remplir nos quotas, donc on passe le même artiste français. Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu radiophonique ? Oui, les radios changent de format de temps en temps. A Europe2, on a eu le son pop, la musique des années 1990 à aujourd’hui. C’est surtout en fonction des changements de direction, de slogans. Il y a beaucoup de raisons pour qu’une programmation évolue mais généralement, ça se fait toujours de façon progressive pour ne pas trop perturber les habitudes des auditeurs. Les auditeurs n’aiment pas trop changer leurs habitudes et surtout pas leurs goûts musicaux. Ça n’empêche pas les radios de faire évoluer leur programmation musicale. C’est le cas de Nostalgie. A l’époque quand je travaillais là-bas, on avait rarement le droit de diffuser des titres des années 1980 alors que maintenant, ça a changé. Quelles sont les modalités de communication avec les responsables promotion en radio ? Alors en local, on a très peu de contacts avec les maisons de disques et quand ça arrive, ça se passe par téléphone ou par mail. Les relations qu’on a avec les maisons de disques, c’est quasiment uniquement pour caler des interviews avec des artistes de passage dans la région ou annoncer des nouveautés, des sorties. 297 Comment caractériseriez-vous ces relations ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale On a des relations formelles par mails et par téléphone. Je pense que ce n’est pas pareil sur Paris. Ils ont plus de contacts entre eux. Ils se connaissent mieux entre programmateurs et maisons de disques. Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels au sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? Je pense que la circulation des œuvres musicales n’est plus totalement dirigée par les radios désormais. C’est plus tout à fait pareil depuis quelques temps avec le Net qui joue quand même un rôle important dans la diffusion musicale. Il y a de plus en plus de groupes comme Radiohead qui n’ont plus à réclamer des passages radio sur la FM ou les web radios. La preuve, leur dernier album s’est vendu uniquement sur le Net. Mais pour le dialogue entre diffuseurs et industriels, c’est pognon pognon ! Les diffuseurs ne prennent plus de risques. Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la diffusion musicale à la radio ? Oui, il y en a. On n’a pas les mêmes objectifs si vous voulez, avec les maisons de disques. Nous, on doit choisir les titres qui plaisent à un maximum d’auditeurs et les maisons de disques, elles veulent caser le plus d’artistes possibles dans les playlists. On n’est pas toujours d’accord sur les titres qui vont marcher aussi. Donc, oui, il y a plein d’obstacles. Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le contenu musical de la radio et dans quel but ? Tous les six mois, il y a des sondages qui sont réalisés pour connaître l’audience d’Europe2 sur Lille. Mais ces sondages servent surtout à une chose : appuyer l’argumentation des commerciaux pour vendre de la publicité. Oui, on a des sondages concernant la programmation musicale, ça nous permet d’ajuster la programmation, de connaître ce qui convient aux auditeurs. 298 Quelles sont les répercutions de ces études dans la promotion des artistes et le contenu des playlists ? Les sondages, ça permet de savoir les titres que les auditeurs ont envie d’entendre. S’il y a une majorité de personnes interrogées qui apprécient un titre, il reste en playlist alors qu’au contraire, si les auditeurs jugent qu’ils en ont marre d’entendre un titre, dans ce cas on le retire de la playlist. Les études de sondage nous permettent d’affiner et d’ajuster la programmation musicale. Trouvez-vous des points communs, ou au contraire des différences, avec la diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ? Oui, on a forcément des titres en commun avec l’ensemble des radios musicales. C’est pareil partout. On a les mêmes contraintes en termes de rotation, de nouveautés, de quotas. La programmation musicale varie un peu entre Skyrock et Oui FM par exemple, mais c’est obligé d’avoir quelques titres en commun puisque, pour les artistes, l’objectif c’est d’être diffusés en radio. Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ? Oui, définitivement oui ! Sauf qu’aujourd’hui, contrairement à il y a quelques années ou les artistes n’avaient pas d’autre choix que la radio pour être connus du public, on a de nouveaux moyens. Avec le Net, le développement de sites comme Myspace, ça change pas mal de choses. On voit même des groupes qui ont une renommée internationale qui se servent de ces sites. On a de nouveaux moyens de promotion qui sont incontournables pour les artistes. Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à Europe2 Strasbourg ? La diversité musicale pour moi, c’est toute la musique et tous les styles. C’est quelque chose qui est important mais ce n’est pas évident à mettre en place. Pour Europe2, la diversité musicale reste, en ce moment, dans le rock et la pop. Alors c’est vrai qu’il y a certains titres qui sont en programmation et on ne sait pas trop pourquoi, parce qu’on ne sait pas vraiment dans quelle catégorie les classer. Puis entre l’émission « Happy Rock Hours » et « Europe2 Nouvelle Scène » qui ne joue pas toujours des artistes qui représentent une nouvelle scène, ce n’est pas évident. C’est vrai, par exemple, des groupes comme Matmatah, Cali, etc. C’est plus 299 vraiment des nouveaux groupes. On ne prend pas trop de risques au niveau de la programmation en les passant à l’antenne. Après, à voir ce que ça va donner pour Virgin Radio en 2008. Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du métier de programmateur à la radio ? Programmation à la demande ? Sur le net ? Je ne peux pas prédire l’avenir mais une chose est sûre et on voit déjà la tendance. On va principalement devoir faire avec les radios sur le Net. Alors, est-ce que ça va changer les choses ? Je ne suis pas sûre. On aura toujours des programmateurs et on le voit déjà sur les web radios en ligne. Il faut bien un format, une cible et quelqu’un pour sélectionner les titres. 300 ENTRETIEN RTL2 BORDEAUX (Durée 1h20) Quel poste occupez-vous actuellement ? Je suis animateur sur RTL2, responsable de la programmation, de la promotion et des partenariats. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? Ça fait six ou sept mois. Quel est votre parcours professionnel ? En 2000, j’ai intégré la station Max FM au sein de laquelle j’ai fait de l’animation et de la promotion. En 2004, j’étais sur Hot Radio, toujours en animation et promotion. Vers la fin 2006, début 2007, je me suis occupé de la coordination de l’antenne de Hot Radio. Depuis 2007, je suis sur RTL2 au service de l’animation et de la promotion. Au niveau régional, il n’y a pas un responsable de la programmation même si on s’occupe de la musique et que c’est une partie importante. C’est souvent des personnes comme moi qui s’occupent de l’animation, la promotion ; et on veille à ce que la programmation musicale fonctionne comme il se doit. Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ? Mon activité s’organise principalement autour de trois axes. Au niveau de l’animation, on a des décrochages locaux entre 13h et 17h. Le CSA a obligé toute radio nationale de catégorie C à avoir un service commercial et une animation pour les citoyens de la ville, c'est-à-dire une programmation locale. Par exemple, je dois citer le nom de Bordeaux dans mon discours et de façon régulière. Au niveau de la promotion, je monte des opérations de promotion pour des évènements locaux. Je m’occupe des dotations à offrir aux auditeurs, de faire connaître l’événement via les médias locaux, les sponsors, la presse, les articles sur le Net, etc. C’est de la communication. Je dois véhiculer l’image de RTL2, c’est-à-dire le logo de la radio sur les évènements de la région, sur le plus de supports possibles, sur les concerts, etc. Au niveau de la programmation musicale, elle se fait principalement sur Paris et de mon côté, j’anime certains créneaux horaires et je veille essentiellement à ce que les morceaux s’enchaînent bien, lors des décrochages régionaux. 301 Les programmations musicales de RTL2 Bordeaux correspondent-elles à une couleur musicale précise ? Oui, pour RTL2 la programmation musicale correspond au format pop-rock puisque le slogan c’est « le son pop-rock des années 1980 à aujourd’hui ». Ce n’est pas une programmation généraliste ni du hit. Ce n’est pas une programmation qui passe l’actualité musicale puisqu’il s’agit des années 1980. Notre programmation concerne uniquement les années 1980 à 1990. Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à RTL2 Bordeaux ? Pour les radios comme Hot radio, dont j’ai fait partie, on est tributaire des sociétés comme yacast. On a tendance à diffuser les titres qui marchent bien sur les radios nationales. En France, des radios comme NRJ font la pluie et le beau temps sur les radios. Ce sont eux qui lancent les titres. Pour RTL2, c’est différent, c’est à Paris qu’on s’en occupe. RTL2 ne tient pas trop compte de Yacast. Nous, on fait des playlists qu’on rentre dans un logiciel informatique. En fait, c’est plus pour avoir des classements de nos titres. Ça nous permet de faire des catégories au sein des playlists. C’est un outil de travail pour programmer. Pour Hot Radio, par exemple, il y a cinq catégories qui correspondent à un nombre de passages par jour. C’est différent pour chaque radio. Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la playlist de RTL2 Bordeaux ? Pour Hot radio, un titre doit seulement et uniquement être en playlist sur une autre radio concurrente pour être programmé. Pour RTL2, il faut que ce soit un titre poprock des années 1980 à nos jours et que ça ne rebute pas les auditeurs. On doit correspondre à un format d’environ trois à quatre minutes mais ce n’est pas tellement un critère pour rentrer en playlist. En fait, on ne fait que rajouter et enlever des titres. Un titre peut rentrer pour faire plaisir à une maison de disques. Par exemple, une maison de disques nous dit : « J’ai U2 qui est en France pour quinze jours. On vous propose de faire le concert avec RTL2 mais en contrepartie, vous diffusez un autre artiste de notre maison. » Souvent, ils négocient un plus petit artiste qui est moins connu. Ça existe souvent ce genre d’arrangement entre maisons de disques et radios. Dans ce cas, c’est le comité de direction qui donne son avis. 302 Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la playlist de RTL2 Bordeaux ? On a une cellule d’écoute qui se fait uniquement par téléphone. C’est l’équipe qui appelle les personnes pour faire écouter les titres et demander l’avis aux auditeurs. Ce genre d’enquête permet d’affiner la programmation. Mais le principal outil de programmation pour RTL2, ce sont les maisons de disques directement. Ouais, en effet, RTL2 n’a pas pour but de lancer des titres. La logique n’est pas la recherche de nouveauté. On suit un peu la tendance. Comme c’est une radio ciblée, on est dans un moule et on ne peut pas en sortir. Pour Hot Radio c’était Yacast et le magazine professionnel Musique Info qui sortaient les classements. Les playlists sont-elles communes à l’ensemble du réseau RTL2 ? Il y a un réseau, une programmation et un comité qui décident de faire rentrer un titre. Tout est informatisé et le son ne part pas de plusieurs points mais d’un seul point. Même lors des décrochages locaux, la programmation musicale est la même. Il y a seulement les interventions/micro qui sont différentes. On diffuse les disques par Paris deux fois par heures ainsi que des écrans publicitaires qui contiennent de la publicité nationale vendue par les services commerciaux. A la fin des dix sept secondes, on libère l’accès à l’émetteur pour Paris avec trois minutes de publicité nationale et trois minutes de publicité locale. Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur RTL2 Bordeaux ? Un titre peut être diffusé jusqu’à cinq fois par jour, mais pas plus sur RTL2. Existe-t-il des cahiers des charges pour la diffusion musicale à RTL2 Bordeaux ? Non, on a seulement pour obligation d’enregistrer tout ce qu’on diffuse, y compris la programmation musicale, les piges ; au cas où il y aurait un problème. Le CSA peut nous le demander au cas où certains propos racistes aient été tenus sur nos antennes, par exemple. Concernant les titres musicaux, ces derniers sont validés par le CSA et la Sacem, donc généralement, il n’y a pas de problème. Ça concerne plus les producteurs ; c’est leur problème à eux. Il y a, bien sûr, les quotas de chansons françaises qui sont de 30 ou 40%. Sinon, c’est tout. 303 La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de RTL2 Bordeaux ? Au niveau de la production française, vu qu’il n’y en a pas beaucoup et qu’elle n’est pas de très bonne qualité par rapport au format RTL2, ça constitue plutôt un handicap. Comme il n’y a pas bien de choix dans l’actualité, la radio passe des hits anciens pour faire plaisir à la ménagère qui veut être dans le vent mais qui a besoin d’entendre un petit Garou. Du coup, on diffuse plus de golds. Les quotas de chansons françaises ne sont pas respectés la plupart du temps. Il existe aussi en radio ce qu’on appelle des capsules de 30 ou 40 secondes. Ce sont des extraits musicaux qui sont annoncés par un jingle. Ça permet de diffuser des nouveautés françaises qui ne sont pas rentrées dans les playlists, mais ça rajoute une minute de titre français et ça permet à la radio de rentrer dans les quotas de chansons françaises. Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu radiophonique ? A part ce qu’on entend dans les médias ou qu’on lit dans les journaux, à savoir que le Rap est en baisse, que la musique électronique remonte et que la musique en général est en crise à cause du téléchargement, je ne vois pas de gros changements au niveau des programmations. Le seul gros changement, c’est peut-être la technique. Les outils informatiques ont évolué. Avant, lorsque j’étais à Max FM, on avait de petits logiciels. A Hot Radio, ils étaient un peu plus gros. Et aujourd’hui, on a de bons logiciels. On a Adeuxi. C’est un logiciel de diffusion qui coûte 75 000 euros et il est très bien pour faire du direct. Si, on peut dire qu’il y a eu une nette amélioration au niveau du matériel. En plus, avec Adeuxi, on peut avoir quatre voix différentes en même temps. C’est tout sur une table et on n’a pas besoin de souris pour lancer les titres à partir d’un ordinateur par exemple. La configuration visuelle est beaucoup mieux et c’est vraiment une autre façon de travailler. 304 Quelles sont les modalités de communication avec les responsables de promotion en radio ? Pour Hot radio, il s’agissait d’envoi d’albums, environ cinq à dix par jour. On n’avait pratiquement pas de contacts avec les maisons de disques. Vous savez ça se passe surtout à Paris, vu que la programmation est faite là-bas et que les maisons de disques sont là-bas. C’est la proximité qui joue. Moi, je ne m’occupe pas des relations avec les maisons de disques. Tout se passe sur Paris à cause de la crise du disque. Avant, il y avait des bureaux en province mais depuis que les CD se vendent plus, tout se fait à Paris. Ça coûte plus cher d’envoyer une personne que d’envoyer des CD. Comment caractériseriez-vous ces relations ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale En fait, tout dépend des maisons de disques, de ce qu’elles représentent. Dans certains cas, ce sont les radios qui démarchent auprès des maisons de disques pour des gros artistes. Dès fois, les radios « lèchent les bottes » pour avoir la diffusion d’un artiste sur les ondes. Mais tout dépend de l’importance de la radio et de la maison de disques, en fait. Au niveau relationnel c’est simple. On utilise en général le tutoiement. C’est plutôt une ambiance « show-biz ». Il y a beaucoup d’ironie et du troc : « Tu passes ça… ». C’est de la négociation, en fait. Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels au sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? Non, je pense que les relations sont suffisantes. Il y a plusieurs organismes qui référencent les interlocuteurs, les maisons de disques, etc. Puis, il y a les mails pour remettre à jour le téléphone des entreprises. Puis les outils de communication existent ; avec Internet, on peut échanger de l’image, du son. On envoie des clips, des liens pour télécharger des titres en très bonne qualité. En plus, les liens Internet, c’est encore moins cher que d’envoyer des CD et je pense que c’est suffisant. 305 Pensez-vous qu’il existe des obstacles, des contraintes au niveau de la diffusion musicale à la radio ? Bien sûr, il y a la concurrence, la production musicale. On doit sélectionner les meilleurs des meilleurs. Ça doit correspondre à la couleur de la radio. Puis pour les petites radios par exemple, c’est obligatoire de suivre NRJ. Pour un titre, c’est impossible d’être diffusé si tu n’es pas passé par la case NRJ. Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le contenu musical de la radio et dans quel but ? Il y a des cellules d’écoute. Mais sur RTL2, ce n’est pas super régulier par ce que c’est très cher. Ça se fait une fois par an. En plus à RTL2, il y a rarement des titres qui sortent mais on en rentre surtout. Bon, ils ressortent après, sauf s’ils cartonnent grâce aux résultats de vente qui nous sont donnés par les magazines comme Musique Info. Quelles sont les répercutions de ces études dans la promotion des artistes et le contenu des playlists ? Je dirais que c’est plus les ventes qui ont une répercussion sur la promotion d’un artiste, sur sa crédibilité. Disons qu’il y aura plus de facilité pour que le deuxième album d’un artiste donné soit diffusé en radio s’il a de bons scores de vente, plus que si c’est un flop, par exemple. Trouvez-vous des points communs ou au contraire des différences avec la diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ? Il y a différents formats. RTL2, c’est un créneau particulier. On est directement en concurrence avec Europe2. C’est clair au niveau des slogans. RTL2 c’est « le son pop-rock » et pour Europe2, c’est « que du rock, que de la pop ». Au niveau des programmations, on a 70% des titres en commun et 20% restants qui sont différents. Après, la différence se fait sur des détails. RTL2, c’est les 25-45 ans et Europe2 les 15-35 ans. Nous, on vouvoie et Europe2 ils tutoient leurs auditeurs et les titres sont un peu plus jeunes chez eux. 306 Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ? Oui, puisque si Europe2 passe un titre qu’on ne diffuse pas, on va y réfléchir et on va s’y intéresser si on voit que ça marche. Complètement d’ailleurs, même si avec Internet, c’est un peu moins le cas aujourd’hui. Avant le Net, la radio était le seul accès à du nouveau son. Mais la radio a quand même un impact sur les ventes et c’est de la communication. Si tu ne diffuses pas l’information, comment veux-tu que les gens soient informés ? Puis le bouche à oreille, ce n’est pas suffisant. La scène, par exemple, pour un artiste, c’est long pour se faire connaître. C’est toi qui dois démarcher les gens pour qu’ils écoutent ta musique. C’est vrai que ça peut avoir un effet inverse mais aujourd’hui 84% des français écoutent au moins une fois par jour la radio et c’est le seul média mobile qu’on peut écouter en voiture. Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à RTL2 Bordeaux ? La diversité musicale, c’est dans le style musical proprement dit, que ce soit dans le classique ou le rock. C’est une très bonne chose, la diversité. C’est ce qu’attendent les gens ; ça permet de spécialiser les programmations. Ça permet d’entendre de tout. C’est une notion à prendre en compte car s’il y a de la diversité, c’est qu’il y a une demande. Que ce soit de la musique dynamique ou calme. Par exemple, à Hot Radio, il y avait une dizaine de styles différents. Pour les playlists il y a des genres différents. Pour les logiciels, il y a notion de critère pour les séries musicales. Par exemple, c’est incohérent de passer deux morceaux identiques à la suite. L’auditeur veut entendre de tout. Sur RTL2, on a différents sons pop-rock entre l’ancien et le nouveau, entre un morceau rapide et un morceau lent, entre un titre étranger et un français ; et on alterne tout ça. Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du métier de programmateur à la radio ? Programmation à la demande Sur le net Dans trois ou quatre ans, les gens pourront choisir parmi beaucoup de radios. A terme, il y aura sûrement un impact sur les radios traditionnelles. On aura énormément de choix entre différentes radios thématiques. L’avantage, c’est qu’on peut voir en temps et en heure qui écoute la radio, avec la connexion Internet, 307 puisqu’on a une adresse IP. Par exemple, si au moment où on diffuse un titre et que 20% des auditeurs quittent le poste à ce moment-là, on saura alors en temps réel que le titre qui passe ne plaît pas aux auditeurs. Ça va permettre d’affiner les programmations plus facilement. Déjà qu’on peut presque se passer de la radio avec l’Ipod, ça risque d’être dur pour les radios analogiques. Ça va réveiller les programmateurs et complexifier leur métier mais ça a du bon. C’est intéressant. 308 ENTRETIEN NRJ PARIS (Durée 40 mn) Quel poste occupez-vous actuellement ? Je suis responsable des programmations musicales à NRJ Paris. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? J’occupe ce poste depuis peu, depuis octobre 2007. Quel est votre parcours professionnel ? Précédemment, j’étais au sein de RTL et de Fun Radio. Je suis passé chez les concurrents pendant un certain temps, puis je suis revenu sur NRJ. J’étais responsable de la programmation à NRJ de 2001 à 2005. Auparavant, j’ai été pendant 2 ans sur le Mouv’ de 1998 à 2000. De 1995 à 1998 j’étais sur la Radio Voltage. Mon parcours radio a débuté depuis 1983. Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ? Je m’occupe de tout ce qui a un rapport avec la musique et la programmation musicale de la radio. C’est-à-dire le relationnel avec l’industrie du disque, les producteurs, les tourneurs. Je m’occupe de la stratégie musicale de l’antenne. Je sélectionne les ingrédients musicaux pour donner au final un produit cohérent. Les programmations musicales de NRJ correspondent-elles à une couleur musicale précise ? Oui. Toutes les radios ont un format. Ce dernier est conçu en fonction de la cible choisie. On établit au préalable une stratégie musicale. Pour NRJ, c’est la seule radio musicale généraliste à destination d’un public jeunes. Cependant, nous n’excluons pas les 30-40 ans. S’ils nous écoutent, c’est tant mieux ! Nous n’avons pas un format musical particulier. On diffuse de tout du point de vue musical. 309 Précisément, quels sont les objectifs des playlists à NRJ ? L’objectif des playlists est de faire passer le meilleur de la musique à nos auditeurs. On doit avant tout satisfaire nos auditeurs. On travaille au quotidien afin de tenir compte et de se rapprocher au plus près des goûts des auditeurs. On ne peut pas être numéro un, si on ne fait pas ça. Bon, de ce fait, c’est sûr, on est amené à exposer certains artistes. Bien sûr, qu’il y a un choix derrière. Certaines choses vont se mettre en place au préalable avec les maisons de disques. Il y a un vrai choix en amont. On n’est pas là pour surexposer un artiste mais pour faire cohabiter dans une programmation cohérente le plus grand nombre de titres afin de cibler le plus d’auditeurs. On essaie de faire le travail au mieux. Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la playlist de NRJ ? Il n’y a aucun critère. Il n’y a pas de règle prédéfinie. Ce serait trop facile ! Rien n’est exclu par rapport à notre format qui est généraliste. En terme de son, il arrive bien sûr que certains sons ne correspondent pas du tout au format de la radio. C’est surtout en rapport avec la cible à atteindre. Par exemple, on ne va pas passer du Cabrel à un public jeunes. C’est du format Chérie FM, ça. Il n’y a pas de règle, pas de codage. Les contenus musicaux évoluent en permanence. On vérifie si le choix des titres est judicieux grâce à des outils marketing mais on sélectionne toujours en amont un titre puis on vérifie. Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la playlist d’NRJ ? Au début, on reçoit des projets et ces derniers ne sont connus de personne. Tout se base sur des critères subjectifs. Chaque disque a une histoire différente. L’information provient à 95% des maisons de disques, ce sont les titres qu’elles défendent. Les projets nous parviennent. Certains artistes nous envoient directement leur production mais c’est rare. Généralement, pour les productions indépendantes, on vérifie la faisabilité du projet et la signature vient après. Il y a 5 à 10% de nos sources d’informations qui échappent à cette règle. Ce ne sont pas toujours les maisons de disques qui nous donnent la source de nos playlists. Je me renseigne sur le Net, la presse spécialisée, les blogs, les forums, dans les pays voisins, dans le 310 monde entier. En fait, c’est tout ce qui suscite de l’intérêt de la part des auditeurs qui m’intéresse. Il faut être constamment à l’écoute. Il faut être le plus ouvert possible. Les playlists, sont-elles communes à l’ensemble du réseau NRJ ? Oui, entièrement. Il existe bien sûr des programmes locaux mais ce sont quelques heures de décrochage et ça concerne essentiellement tout ce qui est rédactionnel. On ne pourrait pas concevoir une programmation musicale avec, un jour on entend un son sur Lille et quelques heures plus tard, tu changes de ville et tu entends un son différent. On ne peut pas avoir une couleur musicale différente dans chaque ville. En musique il n’y a pratiquement pas de décrochage. Les seuls à quelques exceptions près, c’est lorsqu’il y a un événement dans la ville en question, une activité locale, une actualité particulière. Par exemple, il y a Calogero qui est en concert sur la ville de Lyon, c’est normal que sur l’antenne NRJ à Lyon on passe plus de titres de Calogero puisque ça a un rapport avec l’actualité. Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur NRJ ? Le maximum sur 24h, je dis bien 24h, on peut aller jusqu’à huit passages. On estime que c’est suffisant. De plus, ça concerne uniquement les titres qui sont les plus sollicités par les auditeurs. C’est donc un nombre restreint de titres sinon on ne pourrait pas faire une programmation musicale. Ça serait inaudible d’entendre toujours les mêmes titres. Puis c’est selon les titres. Ça peut aller jusqu’à cinq fois par jour. Pour d’autres titres, ce sera trois fois par jour ou seulement quelques fois par semaine. C’est variable. Ceci dépend surtout du public, de son appréciation. Certains de nos confrères vont jusqu’à quinze fois par jour mais nous, non. On estime que plus de huit passages sur 24h heures, ça peut avoir un effet négatif. Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à NRJ ? Non, nous on appelle ça un conducteur d’antenne. C’est un conducteur qui est établi la veille pour le lendemain. Tous les titres sont positionnés. Rien n’est laissé au choix de l’animateur. Ce dernier doit les jouer dans l’ordre établi en amont. Sinon, on a les quotas de chansons françaises imposés par le CSA, mais c’est tout. 311 La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une dynamique dans la sélection des titres qui passent sur les antennes de NRJ ? Ce n’est pas une mauvaise loi en soi, mais elle ne prend pas en compte les spécificités de chaque antenne. Par exemple, vous prenez France Inter sur une tranche horaire disons entre 9h et 10h. Si la station diffuse 50% de quotas de chansons d’expressions françaises, on va dire que France Inter fait beaucoup de choses pour la diversité. Alors que si on prend NRJ sur la même tranche horaire et si on diffuse, sur quatorze disques, quatre disques d’expression française. On aura en fait quatre fois plus de titres francophones que France Inter, mais comme on ne sera pas dans les pourcentages de quotas, on dira NRJ ne respecte pas les quotas. Vous voyez ce que je veux dire ? De plus, à l’inverse on peut respecter les 40% de quotas en diffusant en boucle quelques artistes. Je pense que la loi devrait plus insister sur le nombre d’artistes exposés que se focaliser sur un pourcentage. Parce que ça ne correspond à rien. C’est une fausse bonne loi. C’est beaucoup trop mathématique et la loi ne tient pas compte de certaines choses. En plus, des fois on a des maisons de disques qui viennent avec dix titres internationaux et un seul titre français. Ça dépend de l’actualité et de la production. Il y a des périodes creuses. Des fois, ça arrive qu’il n’y ait pas de production française. Dans ce cas, on fait comment pour remplir les 40% ? On diffuse en boucle le même titre. C’est absurde mais on est bien obligé. Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu radiophonique ? Oui. C’est en perpétuel mouvement. D’abord parce que le média radio évolue en rapport avec les autres médias. La consommation des médias évolue et celle de la radio aussi. Donc, bien évidemment les programmations radio évoluent. Compte tenu des autres médias, certains phénomènes se mettent en place. Le plus gros changement que l’on peut observer ayant un impact direct sur les programmations musicales, je pense que c’est au niveau de la rapidité de la consommation de la musique. Avant, au début quand j’ai commencé, un gros titre avait pour exploitation globale en moyenne 800 passages et parfois 1000. Aujourd’hui, un titre est passé à 500 passages d’exploitation globale. On a plus de titres qui dépassent les 500 passages. La durée de vie d’un titre s’est considérablement réduite. Pourquoi ? A 312 cause des différentes possibilités d’écoute. Avec l’Ipod par exemple. Avant, on n’avait que la radio comme média pour découvrir la musique. Aujourd’hui, il y a le téléchargement. On balance directement de la musique sur son Ipod et on fait ses propres rotations. Ce sont des rotations qu’on ne fait plus à l’antenne. Les gens les font eux même. Du coup, ils sont plus vite lassés d’un titre et le phénomène s’accentue de jour en jour. Bien sûr, qu’il y a toujours eu des cycles musicaux, des modes. Vous savez la musique c’est très cyclique, ça revient. Il y a toujours eu des années plus rocks, plus dance mais avec l’Ipod, tout ça s’accentue et s’accélère. Quelles sont les modalités de communication avec les responsables promotion en radio ? On échange beaucoup d’informations, que ce soit au niveau du service promotion, pour les projets ou pour écouter les projets musicaux… Comme on doit constamment établir le dialogue, on utilise l’ensemble des différents moyens de communication qui sont à notre disposition. Le « face to face », les mails, le téléphone, les sites Internet. On est constamment en contact. Il ne se passe pas un jour où je ne suis pas en relation avec les maisons de disques. Comment caractériseriez-vous ces relations ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale Alors déjà, il n’y a aucun niveau commercial. Je n’ai pas de relation commerciale. Je ne vends rien dans ma profession. On est un pôle artistique et c’est bien distinct du pôle marketing. On ne mélange pas les genres. On a des relations de partenaire. Vous savez moi, je dis toujours dans le « showbizz » nous on est la partie « show ». Le « bizz » ça concerne le pôle régie publicitaire. Il n’est aucunement question d’argent, ça n’intervient pas dans le processus de diffusion ou dans le choix d’un titre. Avec les maisons de disques, on a des projets et on voit ce qu’on peut faire autour d’un artiste pour que ça marche. 313 Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels au sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? On est pas mal en contact. Ce qui est immuable c’est qu’il faut un artiste, une chanson et un public. Après, le buzz autour d’un artiste se fait ou pas. Pensez-vous qu’il existe des obstacles, des contraintes au niveau de la diffusion musicale ? Je ne pense pas qu’il y ait de réels obstacles. Comme je vous l’ai dit, il faut un artiste et un public. Il y a des maillons au milieu, des intermédiaires. Bien sûr, les maillons peuvent bouger. Par exemple, certains artistes sont promus à la radio et pas à la télévision, ou inversement, ou par la presse ; ça arrive. La distribution est amenée à évoluer. Ce ne sont que des étapes intermédiaires. Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le contenu musical de la radio et dans quel but ? Oui. On cherche à se rapprocher des auditeurs. C’est un pur choix artistique. Après, on diffuse le titre un certain nombre de fois pour que le public s’y fasse. On a un service étude au sein de la radio qui vérifie en permanence. C’est un pôle de recherche musicale. Je ne peux pas vous donner son nom car je ne le connais pas et je n’ai pas le droit de le diffuser. On a un terrain qui est externe. On appelle les auditeurs et des non auditeurs de la radio et on voit leur réaction face à des titres puis on élabore à partir de ces données une programmation. On a l’outil marketing « focus » également ; mais ça, ça ne concerne pas directement la programmation musicale. Un peu, mais ça touche plus le rédactionnel. En fait, la technique consiste à recueillir les propos d’auditeurs concernant la radio. On les enferme dans une salle avec un maître de cérémonie qui les guide dans leur conversation puis on recueille les propos pour les analyser ensuite. On voit comment ils perçoivent la radio. Quelles sont les répercussions de ces études dans la politique de promotion des artistes et le contenu des playlists ? Lorsqu’un titre ne plaît pas on ne s’entête pas à le diffuser. On passe à autre chose. Si l’auditeur adhère, on propose à nouveau. On répond toujours aux souhaits de l’auditeur. 314 Trouvez-vous des points communs, ou au contraire des différences, avec la diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ? Non, elles sont toutes différentes. Ça arrive qu’il y ait des points en commun sur quelques titres mais ça le fait pour quatre ou cinq titres, pas plus. Chacun a son format, en fait. Par contre, si on regarde les radios locales, c’est différent. Là, le taux de duplication des programmations musicales est de 60%, voire même des fois 100%. Ce type de station se calque sur les radios leaders. NRJ ; c’est le format le plus copié en France. Lorsqu’un titre rentre sur NRJ, il rentre en même temps sur 200 ou 300 radios en France. Ben oui, les petites radios elles n’ont pas les moyens de faire des études en interne alors elles nous font confiance. Si elles voient qu’un titre fonctionne sur NRJ, alors elles le rentrent dans leur programmation. Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ? Clairement. La radio, ça reste le média par excellence pour découvrir de la musique. Il y a bien 70% de personnes qui découvrent la musique à la radio. C’est le média qui a la palme devant tous les autres médias. Regardez, à la télévision par exemple, au niveau musical, c’est plutôt le désert. Ce n’est pas un média comparable en termes de découverte. Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous, et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à NRJ ? C’est quelque chose qui préoccupe beaucoup la filière musicale. Ça fait depuis cinq ans qu’il existe une instance qui s’occupe de ce genre de questions et qui scrute en permanence. Oui, c’est l’Observatoire de la Musique ! De mon point de vue NRJ, c’est le top 40 généraliste donc oui, on doit être diversifié ! C’est même notre préoccupation quotidienne. Les autres radios ont un format thématique donc elles sont bien moins diversifiées que nous. On n’a pas de quotas ni de règles, mais c’est dans nos gènes de diffuser aussi bien du Céline Dion que du Raphaël. On ne se pose même pas la question, la diversité fait partie des gènes de la radio. 315 Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du métier de programmateur à la radio ? Programmation à la demande Sur le net Eh bien, je dirais que je n’ai pas une boule de cristal mais vous avez raison : on devine des évolutions. Il faudra s’adapter aux consommateurs et ce, de plus en plus. Parce qu’aujourd’hui, on parle beaucoup de ces jeunes qui font leurs propres programmations. Certes, c’est vrai on observe un phénomène à ce niveau. Mais tout ceci, ça correspond à une tranche d’âge, à une période de sa vie. Ce sont des jeunes qui ne sont pas encore dans la vie professionnelle. Après, dans la vie quotidienne, on a relativement moins de temps à consacrer à tout ça. Les programmateurs sont là pour faire le travail à la place des gens qui n’ont pas le temps de lire, de s’informer des nouveautés musicales. Notre rôle est de défricher et de proposer des choses. On n’est pas inquiet pour l’avenir de notre profession. Bien sûr que l’on ne connaît pas les outils de demain. Certainement qu’ils permettront de faire plus de choses de façon automatique. Mais vous savez, la musique ça reste quelque chose d’humain, qui s’adresse à l’affectif, à la sensibilité et ça, aucune machine ne pourra le remplacer. Il y aura toujours une étape intermédiaire et besoin de personnes pour mettre la musique dans les machines. Là, par exemple, je vois mon ordinateur qui est en face de moi et je me dis qu’il n’a toujours pas d’oreilles… 316 ENTRETIEN FUN RADIO PARIS (Durée 40 mn) Quel est le poste que vous occupez actuellement ? On est plusieurs à gérer la programmation mais on a un planning serré et je n’ai pas beaucoup de temps pour répondre, alors posez-moi directement les questions sur la programmation. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? Sans réponse. Quel est votre parcours professionnel ? Sans réponse. Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ? Sans réponse. Les programmations musicales de Fun Radio correspondent-elles à une couleur musicale précise ? Oui, pour Fun Radio, on a une couleur musicale spécifique. On a notre propre son. C’est dance, r’n’b et soul avec un certain quota de musique française. On a une programmation qui est ouverte. On s’intéresse aux nouveautés et surtout à ce qui intéresse les auditeurs. On est ouvert et à l’écoute de tout. Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à Fun Radio ? L’objectif, c’est d’attirer le plus d’auditeurs possible, de bien enchaîner les titres afin que les auditeurs écoutent la station un maximum de temps. C’est ça, une playlist. Une playlist, c’est représentatif du son de la station et des artistes qu’on défend. Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la playlist de Fun radio ? C’est surtout l’originalité qui prime. Un son qui nous paraît commun ne nous intéresse pas. Il faut qu’il y ait une touche d’originalité dans un titre pour qu’il passe 317 sur Fun Radio. Il doit également convenir au format de Fun radio. C’est le format dance et r’n’b. La durée du morceau, c’est entre deux et trois minutes parce qu’on reçoit des versions radio Edit. Un titre plus long, ça n’existe pas de toute façon en radio. On ne reçoit pas de titres plus longs. Du moins, c’est rare. Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la playlist de Fun Radio ? En fait, les playlists ce n’est pas réellement nous qui les faisons. Bien sûr, on sélectionne des titres puis des fois, ça arrive qu’on ne soit pas d’accord avec les maisons de disques. Mais ce sont surtout les maisons de disques, les attachés de presse qui envoient les disques et si c’est intéressant, on prend rendez-vous avec eux. Souvent, ce sont eux qui harcèlent la programmation musicale. Mais on se connaît bien ; donc, on n’a pas trop de surprises, vous savez. Ce n’est pas comme si c’était des petits labels. On connaît un peu d’avance les produits qu’ils nous envoient. La programmation connaît les produits par labels car on connaît les labels depuis longtemps. Alors, c’est vrai que ça ne change rien qu’on se connaisse depuis longtemps. Après, c’est sûr, un titre on l’apprécie ou pas. Ça peut arriver que ça ne corresponde pas tout à fait au format de la radio. Dans ce cas, on ne prend pas. Mais généralement, les maisons de disques nous connaissent bien donc elles savent ce qu’elles vont nous proposer par avance. Les playlists sont-elles communes à l’ensemble du réseau Fun radio ? Oui, carrément. Il y a un horaire de décrochage entre 13h et 16h d’une durée de trois heures mais sinon, tout le reste de la programmation, c’est national. Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur Fun radio ? Ça dépend de ce qui est convenu avec les maisons de disques. On s’entend au préalable avec les maisons de disques selon qu’on ait à faire à un artiste confirmé ou pas. Ça peut être une rotation de deux à trois fois par jour jusqu’à toutes les heures. Ça dépend encore s’il s’agit d’un titre gold ou d’une nouveauté. Une nouveauté, on la passera plus souvent alors qu’un gold, c’est une ou deux fois par journée ; ça dépend. 318 Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à Fun radio ? Non. On n’a pas un cahier des charges spécifique en interne. A part les quotas de chansons françaises de 20 ou 30% imposés par le CSA. Après, on gère en fonction de l’ensemble de la playlist pour qu’il y ait un son cohérent. Par exemple, on ne va pas mettre deux morceaux lents à la suite. Ça n’a pas de sens. Il y a certaines règles dans la programmation mais c’est surtout du bon sens. La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de Fun Radio ? Souvent, on est obligé de diffuser pas mal de titres français et on préférerait plutôt des titres anglo-saxons. Bon, c’est bien de passer des titres français. Ça fait partie de la production nationale. Mais après, ça dépend de pleins de choses, de la cohérence de la playlist comme je disais tout à l’heure puis de la production aussi. Il y a certaines périodes où c’est assez plat au niveau de la production française. Ça dépend. Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu radiophonique ? Oui, il y a des tendances. Il y a des périodes où on a plus de rap parce que ça marche bien. Puis, d’autres fois ce sera plus de la dance. En fait, c’est selon la production qui arrive sur le marché mais aussi selon ce que les gens ont envie d’entendre. Il y a des modes en matière d’écoute musicale. Il y a des périodes. Ça dépend vraiment de plusieurs facteurs. Il y a un va-et-vient entre ce qui est proposé et ce qui peut plaire. Le travail de programmateur, c’est faire ce lien entre la production musicale et ce qui plaît aux auditeurs. Quelles sont les modalités de communication avec les responsables promotion en radio ? Ça ce passe surtout par mails ou par téléphone. Ça arrive qu’on fixe des entretiens pour discuter d’un plan de promotion mais la plupart du temps, les maisons de disques nous envoient les disques, puis on choisit si ça rentre en playlist ou pas. 319 Comment caractériseriez-vous ces relations ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale Ben, au niveau relationnel ça se passe bien. Il n’y a rien à signaler à ce niveau-là. On organise des concerts avec plusieurs artistes qui sont partenaires de la radio. On fait un plan promotion avec des dotations. On fait des jeux à l’antenne et on fait gagner aux auditeurs des CD, des voyages, des play-stations,…etc. Tout ça, c’est en accord avec les labels tels que Sony, BMG, EMI. Souvent aussi, on propose de faire gagner des places de concerts avec plusieurs concerts à la fois dans la même soirée. C’est varié, tous les artistes ne viennent pas du même label et ça permet de découvrir plusieurs artistes. Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels au sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? Ben en fait, il y a déjà pas mal d’échanges. L’objectif c’est que chacun trouve son intérêt. Puis, c’est dans l’ordre des choses. Nous, on diffuse et les maisons de disques ont intérêt à faire connaître leurs artistes. Puis, si ça ne convient pas, ça ne convient pas. On ne va pas tergiverser pendant des heures. Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la diffusion musicale à la radio ? Oui, il faut une signature de label sur le disque pour qu’il passe en radio. Si on n’a pas de label on ne passe pas à la radio. Il faut qu’il y ait un contrat. A part les gens comme Cauet qui réalisent des parodies musicales, des chansons paillardes pour rigoler, on ne peut pas passer des titres qui ne sont pas sur un label. Donc, oui, ça peut constituer un obstacle pour les groupes qui n’ont pas de label. Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le contenu musical de la radio et dans quel but ? Oui, il y a l’institut Médiapanel que vous connaissez et on a Médiamétrie qui réalise des études sur un panel de 70 000 auditeurs. C’est un classement qui nous permet de connaître le rang de la radio par rapport aux autres radios. Que se soit les radios 320 généralistes ou thématiques. Pour Fun Radio, on a gagné 1 million d’auditeurs sur un an et ce n’est pas rien ! Vous pouvez aller voir sur le site de Médiamétrie regarder les sondages de décembre. On touche toutes les tranches d’âge. Ceci est principalement dû à la programmation musicale et aux dotations. On passe beaucoup de nouveautés et on fait gagner des voyages. Dernièrement, il y avait une opération de promotion avec une voiture par jour à faire gagner puis un tirage au sort pour gagner la possibilité que Fun radio paie les factures des gens pendant un an. En fait là, la radio se transforme un peu comme un service. Toutes ces opérations de promotion, ça permet d’augmenter l’audience. Les gens écoutent et ils appellent pour gagner aux jeux. Dernièrement aussi, on faisait une présélection de DJ. Les jeunes DJ peu connus pouvaient participer et remporter un prix et se faire connaître du grand public. Quelles sont les répercussions de ces études dans la politique de promotion des artistes et le contenu des playlists ? Les sondages, ça nous permet de nous situer, de connaître ce que les gens on envie d’écouter. Selon les résultats, on réajuste nos programmations pour correspondre aux attentes du plus grand nombre, à ce que veulent les auditeurs, à ce qu’ils attendent. Trouvez-vous des points communs, ou au contraire des différences, avec la diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ? Euh…sur Fun Radio, c’est une programmation plutôt rap avec le slogan « C’est planète rap », d’ailleurs. Pour NRJ, c’est plutôt les hits, tous formats confondus. Nous, on a aussi un format dance et r’n’b. Ouais, ça peut arriver que l’on retrouve quelques morceaux en commun mais nos programmations sont quand même différentes puisqu’on a des formats à respecter. Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ? Oui et non. Par exemple, Fun Radio a lancé le groupe Cap Corneille. On a été les premiers à le passer donc oui, forcément, il a commencé à se faire connaître. C’était un artiste Fun radio et on l’a lancé, en quelque sorte. Mais parfois, ça ne marche pas. Ça arrive. On sait pas pourquoi mais c’est comme ça. Il n’y a pas de règle pour le succès d’un artiste. C’est selon les modes, puis ça dépend. Il y a plein de critères 321 qui entrent en jeux et si les auditeurs n’aiment pas, c’est comme ça. Dans ce cas, on oublie l’artiste tout de suite. Ce n’est pas la peine. Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à Fun radio ? Je ne comprends pas trop votre question en fait. Nous, on passe du Bob Sinclair, du Leslie, du Yelle, du Robin, du Mondoteq, du Post Daddy et ça marche bien. C’est un mélange, en fait, entre des titres anciens et des nouveautés. Ouais, voilà ; c’est ça, la diversité pour Fun radio. On donne la priorité aux nouveautés parce qu’il y a la possibilité de faire gagner des choses pour les auditeurs. On privilégie l’auditeur. C’est ça, la diversité. Après, de là à donner une définition… Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du métier de programmateur à la radio ? Programmation à la demande ? Sur le net ? Je ne sais pas trop. C’est assez difficile de prévoir exactement comment ça va se passer. On voit un peu comment ça se profil déjà. C’est sûr, du fait qu’il existe des blogs sur Internet, ça change la donne. Ça change pas mal de choses. Puis, ça va changer pas mal de choses pour les métiers de la programmation. Mais comment ça va évoluer exactement, je ne sais pas. En fait, je pense que peut-être qu’à l’avenir on aura plus une programmation à la demande. En fait, se sera plus ciblé selon les goûts des auditeurs. On sera encore plus proche des auditeurs et de ce qu’ils auront envie d’entendre. Mais c’est sûr que le Net, ça va changer beaucoup de choses. 322 ENTRETIEN SKYROCK PARIS (Durée 58 mn) Quel est le poste que vous occupez actuellement ? Je suis directeur général des programmes. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? Depuis la création de la radio en 1986. Quel est votre parcours professionnel ? J’ai été animateur à la Voie du Lézard qui est l’ancêtre de Skyrock. Ensuite, j’ai été responsable de la programmation puis responsable de la recherche musicale. Je suis resté un temps au département étude musicale et je suis actuellement directeur général de la programmation à Skyrock Paris. Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ? Je m’occupe de l’ensemble de la programmation de l’antenne mais plus spécifiquement de la programmation musicale. Je suis également chargé de la rédaction du magazine Planète Rap. C’est moi qui m’occupe des accords passés entre France 4 et Planète Rap. Nous sommes en co-production avec le stade de France « Urban stade 2 » et je gère en même temps, je ne sais pas si vous écoutez, en ce moment on fait un jeu à l’antenne « Skyroulette ». Je gère les dotations des jeux. Je supervise la régie musicale. Les programmations musicales de Skyrock correspondent-elles à une couleur musicale précise ? Oui. On a un format axé sur le rap et le r’n’b. L’audience de la radio représente 4 millions d’auditeurs de plus de 13 ans. En gros, la structure de notre audience, c’est 40% des moins de 20 ans, 20% des 20-25 ans et 20% des 45-49 ans. La stratégie du groupe, c’est purement les moins de 25 ans. On est la première radio française des moins de 25 ans. 323 Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à Skyrock ? Il faut plaire au plus grand nombre et fidéliser l’auditoire. Chacun a son métier avec des objectifs différents. Pour les producteurs, l’objectif c’est d’exposer leurs artistes afin de vendre des disques. Nous, c’est différent ; ce n’est pas les artistes qui font la radio, qui représentent la radio. C’est nous qui défendons leur travail. Donc oui, la playlist ça permet de montrer une sélection. C’est un choix. Ce sont des disques que j’écoute et je fais le pari sur ces disques-là. Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la playlist de Skyrock ? Il n’y a pas de critères précis. C’est en fonction des goûts des auditeurs, selon l’audience. Les gens sont libres d’écouter une radio s’ils aiment la programmation ou de changer de station si la musique ne leur plaît pas. On a une batterie d’étude avec douze ou quinze personnes qui travaillent, qui font des sondages toutes les semaines. C’est un peu notre rétroviseur. Nous, on conduit et les sondages nous permettent de regarder dans le rétroviseur. On a un choix artistique en amont, c’est au feeling. J’écoute les albums. Je fais des choix et je sens ce qui peut plaire au plus grand nombre. Après on peut se tromper, vous savez, ça arrive ! Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la playlist de Skyrock ? Ce sont principalement les maisons de disques. On surveille l’actualité musicale, la sortie des disques internationaux, Internet avec notamment les Skyblogs mais là, le tracé est difficile à vérifier. Effectivement, certaines personnes ont intérêt à gonfler le nombre de passages sur le site pour m’influencer pour que je programme les titres à l’antenne. C’est sûr, les artistes qui passent à l’antenne sont plus contents que s’ils ne passent pas. Il y a beaucoup d’artistes qui disent qu’ils s’en foutent et certains discours du genre, on s’en fout de pas passer à la radio. Mais la vérité, c’est que tout le monde aimerait bien passer à la radio. Il y a beaucoup d’artistes qui se présentent et très peu d’élus. En tout, c’est trente cinq titres, donc on ne peut pas passer tout le monde. Sur un laps de temps plus grand on a une plus grande liberté de programmation. La playlist c’est plus court, c’est différent des émissions. 324 Les playlists sont-elles communes à l’ensemble du réseau Skyrock ? Entièrement. Skyrock c’est une radio nationale donc on a globalement le même format. Puis vous savez, il y en a presque plus, des décrochages locaux. L’intégralité de la programmation est faite par nous. Sur Paris …euh…non, ça a une connotation péjorative de dire « la programmation se fait sur Paris ». C’est moi qui m’occupe de la programmation. La programmation musicale pourrait se faire n’importe où, d’autant que j’aime bien, je préfère même…euh…je serais plus du Sud moi, vous savez. Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur Skyrock ? Sur Skyrock, un titre peut être diffusé…en fait, on parle de rotation et ces dernières sont faites en fonction de la durée d’écoute. Non, je le précise parce que vous savez, c’est une tradition française de critiquer. On entend dire « Ouais, vous passez pas de diversité, vous passez en boucle les mêmes titres ». Mais ce qu’il faut prendre en compte, ce n’est pas le nombre de fois qu’on passe le titre par jour mais la totalité du temps d’écoute par personne. Sur 24h, évidemment ça paraît beaucoup ; nos titres, on les diffuse toutes les 2h, donc ça peut aller pour une rotation maximale jusqu’à dix passages par jour. Mais si on prend la moyenne d’écoute d’un auditeur qui est d’1h30, car c’est lui qui nous intéresse, ça lui fait entendre son titre préféré une seule fois par jour. Ce n’est pas énorme. La radio est faite pour l’auditeur et aucun auditeur n’écoute la radio 24h sur 24h. Vous comprenez ? C’est sur la durée qu’on peut observer une grille de rotation. Sur un temps long, la rotation est plus espacée. Donc les gens ils critiquent…enfin, de toute façon en France, on aime bien critiquer puis on aime bien les émissions qui ne marchent pas parce que ça fait bien ! Dans la rue, les gens te diront tous qu’Arte c’est la meilleure chaîne et que Thalassa c’est une émission super mais quand tu regardes les chiffres, personne n’est devant son petit écran pour les regarder. Mais ça fait bien de critiquer, ça fait intellectuel. J’ai rien contre la critique, c’est constructif. Mais bon, c’est un fait, c’est un constat : en France on aime bien critiquer. 325 Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à Skyrock ? Il existe la loi sur les quotas de chansons françaises dont j’ai parlé tout à l’heure. Sur Skyrock, on passe 45% de chansons d’expression française et entre 38% et 40% de nouvelles productions. La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de Skyrock ? La loi sur les quotas a protégé la chanson d’expression française. C’est important de le noter. Ce n’est pas les chansons d’origine française mais d’expression française, et c’est une bonne chose pour la programmation et pour le travail de programmateur, ça a simplifié des choses. C’est plus compliqué de travailler avec la production française qu’avec la production internationale. La part du programmateur est beaucoup plus grande. Il a plus de responsabilités. Concernant la programmation des titres internationaux, on a les classements des pays étrangers. Alors que pour la programmation française, c’est nous qui faisons découvrir les artistes. Les titres français sont tributaires des médias français. Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu radiophonique ? Il y a toujours des évolutions ! En ce moment, on a le courant dance qui a fait remonter la radio. On a eu le retour des anglais avec des groupes comme Mika. Chaque année il y a des tendances. Depuis deux ou trois ans, il y a un attrait pour les nouveaux artistes qui sortent leurs premiers albums. Ce sont des tendances qui proviennent du public. Nos métiers ne sont jamais statiques. C’est toujours en perpétuel mouvement et nous devons anticiper sans trop anticiper. Il faut savoir prendre le train au bon moment. C’est la notion de timing qui est très importante pour les métiers artistiques comme les nôtres. Il n’y a rien de mathématique ou des règles quelconques. C’est tangible. C’est à l’image de la chanson de Jean Gabin. Tout est tangible. C’est un peu comme une équipe de football. Sauf que nous, on a une équipe d’artistes et on essaie de gagner avec eux. On vit nos morceaux. La musique, c’est au feeling. La musique, c’est de l’émotion. On fait des paris sur certains musiciens et souvent l’audience est au rendez-vous. Nous, notre succès est sur 326 quatre millions d’auditeurs, de personnes. C’est beaucoup plus important que les succès des maisons de disques. Un disque qui marche, ça fait un succès sur une minorité. On vit chaque semaine avec nos résultats. Quelles sont les modalités de communication avec les responsables promotion en radio ? C’est un métier de dialogue où on est sans arrêt en train d’expliquer nos choix. Ça fait 22 ans que je suis dans le métier et j’ai grandi avec eux. Ce sont de vieux copains depuis 20 ans. C’est un métier de personnes, c’est humain. Les enjeux sont considérables mais c’est très humain. Les métiers de la musique, c’est de l’humain. Comment caractériseriez-vous ces relations ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale Au niveau relationnel c’est une ambiance amicale et professionnelle. On a des objectifs différents, des logiques différentes. Chacun doit s’entendre. Parfois on s’engueule très fort. Ça arrive, mais vous savez, on parle toujours des maisons de disques comme si c’était de grandes entreprises mais en France, ce sont de toutes petites entités. C’est tout petit. C’est de l’artisanat. Au niveau commercial et politique éditoriale, c’est simple, les maisons de disques elles ciblent le plus de médias possible pour la visibilité de leurs artistes. Une maison de disques a intérêt à ce que ces artistes soient diffusés sur un maximum de radios, sur toutes les radios. Alors que nous, on a intérêt à avoir l’exclusivité. Il faut que l’auditeur trouve une spécificité qu’il ne trouvera pas sur une autre antenne. Ce sont deux objectifs divergents, mais on s’entend. On arrive à négocier. Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels au sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? Non, rien de tout ça. Les échanges, l’information, ça se passe très bien. Encore une fois, c’est de l’émotion. Je choisis si j’aime un morceau ou pas. Le public veut une grande diversité mais il en plébiscite très peu. Demandez à des personnes dans la rue de vous citer trente artistes. Très peu peuvent le faire. C’est ce que je dis au 327 gens, moi, et souvent ils n’arrivent pas à me citer plus que quelques artistes. J’écoute et je choisis. C’est une prise de risque. C’est un parti pris. Un point de vue sur la programmation. Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la diffusion musicale à la radio ? Il y a les quotas de chansons d’expression française, mais on est libre. On doit avoir des résultats mais c’est le métier. C’est notre métier. L’objectif c’est d’être la première radio de France et qu’elle le demeure. C’est un métier passionnant vous savez. Je me fixe des résultats. Ça fait vingt deux ans que je travaille pour Skyrock et je ne me suis jamais ennuyé. Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le contenu musical de la radio et dans quel but ? On a un pôle interne à Skyrock. Non, je ne peux pas vous communiquer le nom de ce pôle parce que lorsqu’on réalise les enquêtes, on ne se présente pas. C’est confidentiel. Vous comprenez ? Sinon les résultats seraient biaisés. Si on dit « on est Skyrock », les gens vont répondre de façon moins objective à nos questions. On cherche toujours à paraître sous son meilleur angle. C’est ce que je fais moi quand je vous parle. C’est humain. C’est normal. Donc, on préfère ne pas se présenter sous le nom du pôle de recherche pour obtenir des résultats plus justes, plus spontanés. Ces études ont pour objectif de connaître l’avis du public, de la majorité. Ça nous permet de surveiller si nos choix musicaux sont judicieux. S’ils sont validés ou pas. Les risques que l’on prend ou pas à faire connaître un titre, nous permettent d’avoir un lien avec le public. On a le standard, les SMS ; mais ça ne représente pas l’ensemble des personnes. Ce n’est pas la majorité. La majorité est silencieuse et la recherche musicale permet de savoir ce que pense la majorité. Quelles sont les répercussions de ces études dans la politique de promotion des artistes et le contenu des playlists ? Comme je disais, c’est un rétroviseur. Chaque semaine, on a une programmation différente. Oui, il y a des critères tels que le nombre de passage, les entrées en playlists. La recherche, ça nous permet un réajustement. Ça nous confirme nos choix. C’est nécessaire, un point c’est tout. 328 Trouvez-vous des points communs, ou au contraire, des différences avec la diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ? Chacun a un format différent. On est arrivé à une maturité aujourd’hui. Pendant très longtemps NRJ était la première radio de France, donc tout le monde se calquait sur la programmation de NRJ. Tout le monde prenait modèle. Aujourd’hui, chacun a une identité propre et cherche à avoir sa programmation contrairement à ce que souhaiteraient les maisons de disques. Elles voudraient que leurs artistes passent sur toutes les radios. Chacun a son univers. On a un paysage clair aujourd’hui. Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ? Ce n’est pas à moi qu’il faut demander ça mais plutôt aux maisons de disques. Mais oui, la radio est capitale. La majorité des artistes ne sont pas connus avant de passer à la radio. La radio a toujours une fonction de découverte. C’est différent sur Nostalgie où là on rachète sa jeunesse. Quand je parle avec des amis, je parle des groupes qui nous plaisaient lorsqu’on était jeune et avec la programmation de Skyrock je parle avec leurs enfants, sur leurs goûts actuels. Comme ça, je m’adresse à toutes les générations. La musique, ça marque les gens entre 15 et 22 ans. Il y a une tranche d’âge où on est très concerné par la musique. Après, on recherche toujours les groupes qui nous ont marqués. Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous, et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à Skyrock ? Nous, on fait du rap et du r’n’b. La diversité ce n’est pas en interne mais en externe qu’il faut aller la chercher. C’est l’ensemble des stations qui font la richesse de la bande FM. La diversité, elle est sur la bande FM. Ma logique de programmation, c’est « Je dois offrir aujourd’hui les trente-cinq titres les meilleurs du moment ». Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du métier de programmateur à la radio ? Programmation à la demande ? Sur le net ? Aujourd’hui, on peut découvrir de la musique via Internet, sur des blogs et différents sites. Mais pour que les gens disent ce qu’ils ont envie d’entendre, il faut qu’il y ait quelqu’un qui propose, qui sélectionne les disques. Il y aura toujours besoin de 329 personnes pour faire le travail de défrichement, pour dire « Je pense que cet artistelà va fonctionner ». La programmation va évoluer mais la radio jouera toujours son rôle de découverte. Il y aura des techniques différentes, de nouveaux outils, de nouvelles façon de programmer mais le fond du métier restera toujours le même. On pose le disque sur une platine et on écoute puis on choisit et on le fait découvrir au grand public. Vous savez, il y a une chose à laquelle on est habitué à faire attention dans ce métier. C’est qu’il y a une grande différence entre ce que les gens disent et ce qu’ils font réellement. Entre ce qu’on dit aimer écouter et ce qu’on écoute réellement. Par exemple, en France on dit aimer les groupes internationaux, mais en fait on préfère de très loin les groupes français car on a une plus grande proximité au niveau de la langue, du sens. On est plus touché par les paroles. Alors qu’avec les artistes internationaux, on est sûrement moins dur avec eux puisqu’on ne comprend pas toujours les paroles mais on n’a pas la même démarche, pas la même approche vis-à-vis de ces groupes. La programmation, c’est ça. C’est être capable de voir ces choses-là et ça, seul le programmateur, c'est-à-dire une seule personne peut le faire. Le métier de programmation, c’est un métier de l’ordre de l’humain et vous savez, on apprend beaucoup sur soi-même aussi. 330 ENTRETIEN VIRGIN RADIO PARIS (Durée 53 mn) Quel est le poste que vous occupez actuellement ? J’occupe le poste de directeur des programmations musicales à Virgin Radio Paris. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? J’occupe ce poste depuis octobre 2005. Ça fait donc à peu près quatre ans, quatre ans et demi. Quel est votre parcours professionnel ? Je viens du milieu de la Télévision, à la base. J’ai travaillé en télévision à MCM en 1994. J’ai commencé comme stagiaire. Je m’occupais de la production, du montage, de la programmation, du choix des invités…C’était l’époque où on faisait un peu tout. Je participais à toutes les étapes d’une émission. Ensuite, j’ai créé une émission intitulée « Hit MCM », puis j’ai fait une émission sur le rap, puis l’émission intitulée « L’intégrale ». Je m’occupais des artistes, des interviews. Je synthétise de façon rapide car ça a pris douze ans de ma vie, tout ça. J’étais plutôt dans la black music plus que dans le rock. Ensuite, vous connaissez l’histoire : Lagardère a racheté Virgin Radio et MCM. C’est Christophe Sabot le responsable qui m’a demandé si la direction de la programmation de la radio, ça me disait et je suis à Virgin Radio aujourd’hui. Pourriez-vous décrire votre activité au sein de Virgin Radio ? En résumé, je choisis les musiques qui vont être diffusées à l’antenne. Mon travail consiste dans l’élaboration d’un format, d’une stratégie musicale. Je programme le logiciel Selector dont la plupart des radios sont équipées aujourd’hui. Je travaille avec une programmatrice et une assistante de programmation. Mes interlocuteurs privilégiés sont les maisons de disques. On gère l’antenne au jour-le-jour et c’est un travail collectif avec de nombreuses vérifications. 331 Les programmations musicales de Virgin Radio correspondent-elles à une couleur musicale précise ? Oui, on a une ligne qui est clairement annoncée. La ligne éditoriale correspond au « claim » actuel de la radio : « rock star music ». Quand je suis arrivé dans la radio, c’était « ma musique de 1990 à demain » ; ce qui ne voulait rien dire, d’ailleurs. Mais aujourd’hui, c’est plus un esprit rock. On ne va pas passer du R’n’B, du rap ou de la musique black, par exemple. On doit diffuser des titres qui correspondent à un format pop-rock. Alors c’est vrai que c’est subjectif. Ça va de l’appréciation de chacun. Parfois il faut s’ouvrir. Il y a certains titres sur lesquels on hésite. On ne sait pas comment on fait, jusqu’où on peut aller dans la programmation. Surtout que le rock français a évolué, donc on doit s’adapter. C’est un réajustement de la couleur musicale, de la ligne éditoriale en fonction aussi de l’évolution de la scène musicale. On a une ligne, une grande tendance musicale mais ce n’est pas figé, c’est évolutif. Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à Virgin Radio ? La playlist, c’est ce qui fait tourner l’antenne, c’est le contenu. On fait des choix, c’est certain ; mais c’est les titres musicaux du moment. On a des golds (des titres anciens) et des nouveautés. La playlist, c’est les nouveautés dans le respect du contrat, du format déposé auprès du CSA. Alors c’est vrai que la playlist, elle est plus ou moins importante pour les radios. Pour Nostalgie par exemple, ça n’a pas grand intérêt puisque c’est une radio de format gold (titres de plus de trois ans d’ancienneté). Du coup, il n’y a pas de nouveautés. Chez nous à Virgin, on a 30% de gold et 70% de nouveautés. Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la playlist de Virgin Radio ? Il n’y a pas de règles préétablies. Il faut que les morceaux rentrent dans le format et qu’ils plaisent à un maximum d’auditeurs. Alors bien-sûr, il y a quelques règles de base comme les règles de déontologie. On est un média donc on a un rôle social. On ne peut pas diffuser n’importe quoi, des paroles violentes etc.…Puis, bien-sûr, vous avez la durée des morceaux. Au delà de quatre minutes c’est trop long, mais ça peut arriver que l’on diffuse des morceaux plus longs, mais c’est plus rare. 332 Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la playlist de Virgin Radio? On me propose beaucoup de musique. Je reçois énormément d’albums, d’informations, de presses, de mails…etc. Je suis constamment submergé par l’information musicale. Puis je m’informe. Je regarde beaucoup les sites de ventes d’albums en France, à l’étranger, les ventes sur Internet, mais également ce que font les autres radios, les concurrents. Il y a aussi le SNEP qui publie régulièrement des chiffres. L’objectif, c’est de bien connaître son public et de se baser sur son intuition. Il n’y a rien de mathématique. On se base à la fois sur des éléments précis et sur notre intuition. Il y a une grosse part de feeling. Les playlists sont-elles communes à l’ensemble du réseau Virgin Radio ? Oui. On fait la programmation pour la journée à Paris, et en région vous avez des animateurs qui prennent la main avec des décrochages. En régional, c’est impossible de modifier la playlist. On a besoin d’une playlist commune à l’ensemble du réseau pour un minimum de cohérence. Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur Virgin Radio ? Ça dépend du cycle de vie d’un titre. Il y a plusieurs catégories et selon la catégorie à laquelle appartient un titre, il sera en plus ou moins grande rotation à l’antenne. Selon qu’il s’agit d’un nouveau titre par exemple, ça peut aller de deux fois par jour, jusqu’à dix fois par jour pour un titre un peu moins récent. Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à Virgin Radio ? En interne, on ne se met pas nous-mêmes des contraintes. On a juste les contraintes en provenance du CSA avec les 40% de chansons françaises. La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de Virgin Radio ? La loi sur les quotas, c’est une obligation, pas une dynamique. S’il n’y avait pas les quotas, c’est vrai qu’il n’y aurait pas ou presque plus de titres de production française 333 sur les antennes. En fait, c’est 40% de titres chantés en français parce qu’un groupe peut être français et chanter en anglais par exemple et dans ce cas ça ne rentre pas dans les quotas. Il faut qu’ils chantent en français. Je pense que les quotas, c’est une bonne chose. La production interne à un pays est obligatoirement importante. En programmation, on a un nombre de place pour les titres étrangers et un nombre de place pour les titres français. En plus, c’est vrai que pour les maisons de disques par exemple, c’est plus avantageux. La production française ça rapporte plus. Ben oui, tu prends Capitol, par exemple. C’est plus intéressant pour elle de vendre un groupe français comme « M » parce qu’au moins, c’est de l’argent qui reste en France. Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu radiophonique ? En programmation, on se remet en cause chaque semaine. C’est une constante remise en cause. On peut se tromper, ça arrive. Mais je pense que c’est plus au niveau de la musique qu’il y a des évolutions. Vous me direz programmation et musique c’est un peu la même chose. Quand je suis arrivé dans la radio, on avait une programmation très rock sur l’étranger avec des groupes comme Green Day, Placebo etc.… Aujourd’hui on a une ouverture d’esprit. On a réussit à développer des artistes qui ont un son rock mais des gens de la nouvelle scène française. Il y a certains artistes qui passaient pas avant et c’est rentré dans les mœurs. On a poussé pas mal de chansons françaises dès la fin des années 1990 et on a participé à l’introduction de la variété française sur l’antenne. L’introduction de la production musicale des artistes issus de la nouvelle chanson française a permis d’introduire ces artistes sur un grand nombre de radios jeunes. D’ailleurs, ça pose des problèmes aux radios de format adultes comme Chérie FM et aux autres, car c’était plutôt leur format à eux, les artistes français, avant. Du coup, ils ne savent plus trop où se positionner. Quelles sont les modalités de communication avec les responsables promotion en radio ? On utilise les mails, le téléphone. On a des rendez-vous un peu comme n’importe quelle relation. Oui, on a aussi la mise à disposition de titres musicaux sur des sites. 334 Ça se fait mais c’est loin d’être la révolution annoncée. On continue quand même de façon traditionnelle par rendez-vous et par mails. Comment caractériseriez-vous ces relations ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale Je ne vois pas trop où vous voulez en venir. Je ne comprends pas ce que vous chercher ? On a de bonnes relations. Tout se passe bien. Vous savez, Virgin Radio c’est une radio importante. Alors les maisons de disques, ce sont elles qui font la démarche de venir nous chercher. Elles ont tout intérêt à ce qu’on diffuse les artistes qu’elles ont signé. Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels au sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? En fait, on fonctionne d’un point de vue de l’offre et de la demande. On a tout qui nous est fourni. On est beaucoup sollicité, donc il y a une très bonne circulation de l’information. Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la diffusion musicale à la radio ? Par définition, ce n’est pas à moi de faire un procès de l’ensemble des professionnels de la programmation. Virgin Radio a développé de nombreux artistes. On peut pas faire tout et n’importe quoi. On a des partenariats avec des maisons de disques et en ce moment, les maisons de disques n’ont pas beaucoup d’argent donc c’est vrai, c’est un peu plus difficile pour obtenir des opérations de promotion. Du coup, c’est moins facile pour faire de la promotion. C’est plus facile quand on a des voyages à faire gagner, des « live » (concerts en direct) qui permettent de faire un « buzz » autour de l’artiste. De ce point de vue-là, c’est un peu plus compliqué aujourd’hui. 335 Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le contenu musical de la radio et dans quel but ? On effectue des sondages tous les trois mois concernant les audiences et on effectue aussi des tests sur les morceaux musicaux toutes les semaines. Ça nous permet d’orienter la programmation, d’accélérer la rotation d’un titre ou contraire de la diminuer parce que les gens en ont marre. On croise l’ensemble des informations qu’on a, puis on met l’ensemble de ces résultats dans la playlist. Quelles sont les répercussions de ces études dans la politique de promotion des artistes et le contenu des playlists ? Les tests nous permettent de classer les différents titres dans des catégories et de construire la playlist. Par exemple, pour la catégorie A, ce sera les titres en forte rotation. Pour la catégorie B, les nouveautés en rotation moyenne et en C, les titres très nouveaux qui seront en moindre rotation. Oui, les titres tout nouveaux sont en faible rotation parce que par définition, un titre musical que les gens ne connaissent pas fait fuir les audiences. Les gens zappent. Les tests ont un impact direct sur les playlists. C’est un outil qui nous permet de réajuster la playlist aux goûts des auditeurs. En fonction de ce qu’ils ont envie d’entendre ou pas. Trouvez-vous des points communs, ou au contraire des différences, avec la diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ? En fait, ça dépend des formats. Si vous prenez Skyrock, on n’a jamais de titres en commun puisque leur format c’est rap et R’n’B. ça peut arriver mais c’est quand même rare. Avec NRJ on a des titres en commun puisqu’eux leurs formats, « des hits », ça veut tout dire. Ça correspond un peu à tous les styles confondus. Tout est fonction des différents formats. Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ? Oui, car c’est une exposition énorme pour un titre. La radio, c’est le média par excellence. Non, à la Télévision ce n’est pas les mêmes audiences puis compte tenu du paysage musical qui est un vrai désert, puis ce n’est pas les mêmes audiences que les radios musicales. Les gens qui écoutent la radio veulent entendre de la musique. Puis le Net, pareil ; ce n’est pas encore structuré. Pour la radio, tu as encore huit personnes sur dix qui allument leur poste tous les jours. C’est un média 336 très puissant avec de fortes audiences. C’est une sacrée fenêtre de visibilité pour un artiste. Qu’est ce que la « diversité musicale » pour vous, et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à Virgin Radio ? Oui, la diversité c’est quelque chose qui nous intéresse et qu’on essaie de respecter. C’est le respect d’un certain équilibre dans l’intensité des morceaux, plus ou moins bruyants, des voix féminines et masculines, du rock et du folk, mais aussi au niveau du tempo, qu’il s’agisse de morceaux lents ou de morceaux rapides. C’est beaucoup de choses à prendre en considération. Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du métier de programmateur à la radio ? Programmation à la demande ? Sur le net ? Les radios du web vont se développer de plus en plus mais la radio a encore de belles années devant elle. Ce sera sûrement de plus en plus dur par rapport aux années 1980 et 1990. On voit bien que les audiences baissent régulièrement mais on a encore de la marge. Depuis que je suis arrivé à la radio, il me semble que l’offre est de plus en plus énorme. Peut-être que ça se passera moins avec les maisons de disques dans les années à venir parce qu’on aura de plus en plus d’informations sur le Net. Les artistes viendront plus directement avec les sites Internet. Ça se fait déjà avec Myspace et d’autres sites où les artistes se font découvrir comme ça. Je pense qu’on aura peut-être moins d’intermédiaires. Mais de toute façon, ça paraît peut-être prétentieux de dire ça, mais on aura toujours besoin de personnes qui ont un peu d’oreille, qui connaissent la musique et qui sont capables de créer un flux cohérent. Vu qu’il y a une production musicale énorme, on aura toujours besoin de connaissances musicales et de connaissances des règles de base de rotation et de diffusion des titres. 337 Entretiens semi directifs à destination des responsables promotion et/ou des attachés de presse de EMI, Sonymusic, Polydor, Jarring Effect Label, Les Disques Aliénor et Néomme. 338 ENTRETIEN EMI PARIS (Durée 60 mn) Quel est le poste que vous occupez actuellement ? Je suis responsable radio pour le groupe EMI. C’est un gros label indépendant. On a tendance à parler de major mais c’est plutôt un gros label indépendant. EMI comprend des sous labels. Il y a Virgin, Austin, Labels, Capitol, Note. Après, il y a plusieurs éléments à l’intérieur de EMI. Tu as EMI classique, EMI spécial marketing qui fait de la promotion, qui s’occupe des compilations, des albums en réédition etc.…Moi, mon job c’est uniquement le relationnel avec les radios. Je m’occupe des passages radio et de la programmation des artistes. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? Je suis responsable pour la radio depuis environ deux mois. En fait, je suis en poste depuis 1998. Sinon, ça fait sept ans et demi que je suis dans le milieu. J’ai commencé chez Warner. J’étais attaché de presse pour les grosses radios de province. Ensuite, j’ai été débauchée il y a quatre ans de Warner pour EMI et toujours pour m’occuper des programmations des artistes en radio. Pourriez-vous décrire votre activité au sein de EMI ? En fait, si tu veux, un responsable radio c’est exactement le boulot d’un attaché de presse. On me donne un projet. Généralement c’est le premier single d’un artiste, qu’on envoie environ deux à trois mois en radio avant sa sortie dans le commerce. On envoie tout ça aux réseaux Virgin Radio, Skyrock, RTL2, NRJ, Chérie FM, Oui FM, le Mouv’, Radio Nova. On envoie et on attend que les programmateurs écoutent. Mon rôle, c’est de rappeler chaque programmateur ou responsable de la programmation en radio pour savoir ce qu’ils en ont pensé. Alors, bien sûr, on n’envoie pas n’importe comment. Au départ, tu as une sélection des titres en fonction du format de la radio à laquelle on s’adresse. On envoie toujours un titre en fonction du format de la radio. Quand on appelle, il y a plusieurs réponses possibles. Soit, tu as le pire des cas, où les programmateurs ne veulent pas diffuser le titre parce que ça ne leur convient pas du tout. Soit, ils trouvent le titre moyen ; alors dans ce cas, je dois les convaincre. Soit c’est un tube ; et un tube, quand c’est un tube, ça se sent tout de suite. Dans ce cas, les programmateurs vont le rentrer en playlist tout de suite. La playlists comprend quarante titres qui jouent en permanence sur la 339 semaine. Le titre le plus haut dans la playlists peut passer jusqu’à quatre vingt fois en une journée. Nous, on considère qu’il faut au minimum trois passages par jours. Pour arriver à ça, il faut avoir des arguments. Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion d’un artiste au sein des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? Si tu veux, tu as les directeurs artistiques qui signent au préalable les artistes. Les directeurs artistiques ils ont l’oreille et ils sélectionnent les artistes qu’on va garder. Les directeurs artistiques sont spécialisés dans un genre musical. Ensuite, il y a le service promotion auquel j’appartiens. Puis un service marketing qui travail avec les différents acteurs de la société. Ils sont en contact avec le manager et l’artiste. Le service marketing va tout orchestrer. Il fait le lien entre les labels, la publicité et tout. Nous on récupère le projet fini. Le produit musical est masterisé, la pochette est finie, tout le produit est fini. A partir de ce produit final, on va sélectionner les radios qui sont susceptibles de pouvoir le diffuser. Par exemple, moi en ce moment, je bosse avec Lily Allen. Alors, Lily Allen c’est une artiste qui peut passer sur NRJ, sur Virgin Radio, sur les radios pop, les radios adultes parce que c’est une artiste assez varié au niveau musical. Elle est « large » musicalement. C’est vraiment en fonction du format de la radio. Par contre Lily Allen, on ne pourra jamais la passer sur Skyrock. On ne pourrait pas aller vers du rap dur. On connaît les radios avec lesquelles on travaille. Quels sont les enjeux de la diffusion radiophonique pour un label comme le vôtre ? C’est très important. La diffusion radiophonique c’est primordial. A partir du moment où un artiste est diffusé en radio, il a une fenêtre qui s’ouvre sur le public. Il peut être entendu partout. Son titre sera exposé au maximum et pour vendre il faut avoir une visibilité médiatique. La radio, c’est le nerf de la guerre au niveau des médias. Il y a moins de gens qui lisent la presse spécialisée que de gens qui écoutent la radio. La presse, les magasines musicaux c’est payant. La radio, c’est un média gratos et en plus, ça prend moins de temps. C’est de l’immédiat. Puis la radio, ça permet de faire des relances sur l’artiste même au niveau des concerts. On fait des jeux concours par exemple, pour faire gagner des places. Ça nous donne un nouveau levier de communication. La radio, c’est un formidable levier de communication. 340 Quelles stratégies utilisez-vous pour négocier la programmation d’un titre en radios ? Alors il n’y a pas de secret, on ne peut pas faire des merveilles avec un tube de merde. Mon métier c’est un métier de contacts. Il faut de la patience. Il faut avoir du culot et extrêmement bien connaître le média auquel on s’adresse. Il faut également s’intéresser à tout ce qui ce passe autour de soi. Par exemple, en ce moment c’est la crise ; alors les radios elles en pâtissent comme tout le monde. Du coup, les radios elles vont avoir besoin de mettre des titres sympas. Des titres dansants plutôt que des titres moroses. Du coup, on aura plus tendance à proposer des titres qu’on appelle « Up Tempo ». Déjà, la stratégie, c’est un peu de s’adapter au contexte ambiant. Ensuite, tu as d’autres trucs. Par exemple, quand tu as un artiste international, il faut voir quand l’artiste peut venir en France, en studio. Le mieux c’est que l’artiste vienne au même moment de la sortie de l’album. Comme ça on concentre les interviews au moment des sorties d’album. C’est parfait pour une radio. Ça correspond à ce qu’elle attend en termes de promotion. Par exemple, en ce moment on a une grosse sortie : c’est Robbie William. Cette semaine, on a monté une opération pour aller voir son concert. On accompagne la sortie de l’album. Du coup, on conforte une radio dans le choix qu’elle a fait de diffuser cet artiste. Une radio, si tu lui donnes des arguments, elle diffuse l’artiste. Si la radio elle sait qu’elle sera entourée par la presse, que l’artiste est passé dans l’émission le Grand journal de Canal, à Taratata, au JT de France2 et TF1, ça aide ; c’est parfait, c’est un argument. Est-ce que vous considérez faire de plus en plus d’efforts auprès des programmateurs radio afin de négocier le passage d’un artiste dans les playlists ? Oui, vraiment et de plus en plus. C’est de plus en plus dur parce qu’on a l’arrivée d’Internet et des échanges de musique. Les radios perdent beaucoup d’auditeurs. Les radios qui gagnent des auditeurs, ce sont les radios d’information. Avec la crise, les gens écoutent plus ce qui se passe dans monde que de la musique. Ce sont plus les jeunes qui écoutent de la musique et ils n’ont pas besoin d’écouter la radio avec Internet. Les nouveautés sont déjà sur Internet alors que les radios n’ont pas encore rentré les nouveautés en playlist. Puis, tu as les sites comme Myspace, Facebook où les gens trouvent plein de découvertes. Les gens qui sont curieux et qui ont des 341 goûts musicaux pointus, ils vont sur le Net. Du coup, c’est un cercle vicieux, puisque comme les radios perdent des auditeurs, elles veulent consolider leurs playlist et maintenir leur audience. Du coup, rien ne bouge. Elles ne veulent plus rentrer de nouveautés les radios ; et c’est de plus en plus dur de programmer de nouveaux titres dans les playlists. Sur un budget total consacré à un artiste, quelle est la part du budget en pourcentage consacré à la promotion ? Alors le budget de diffusion, ça varie selon les artistes avec lesquels tu travailles. Sur un album international par exemple, si tu dois faire venir l’artiste en studio, il faut payer le déplacement. Pour les artistes internationaux, deux jours de promotion ça peut aller jusqu’à 50 000 euros. Après, en pourcentage, je ne sais pas. Je ne peux pas te donner de chiffre exact. Ça varie d’un artiste sur l’autre. Mais en gros, tu n’as pas de sortie d’album avec une promotion en dessous de 60 000 euros. Pour un artiste qui a dix ans de carrière, je peux te dire que le budget promotion il est conséquent ; c’est normal. Puis, c’est plein de trucs la promotion, ça va des dépenses pour la publicité dans les magazines, à la télévision, dans le métro…etc. et ça varie selon les artistes. On entend souvent dire que l’investissement des budgets marketing sur les gros artistes permet de faire vivre les petits artistes, pourquoi ? Oui, puisque quand tu vends beaucoup d’albums, des albums d’un artiste connus par exemple, ça rapporte de l’argent. Cet argent, ça permet de faire vivre les autres artistes. Plus tu as d’argent dans les caisses, plus tu peux signer de nouveaux artistes. Les gros artistes ils permettent de prévoir un chiffre. Avec l’argent qu’on va gagner, on pourra signer d’autres artistes. C’est obligatoire pour une maison de disque de renouveler son répertoire d’artistes. Il faut toujours signer de nouveaux artistes pour renouveler le catalogue parce que tu as des groupes qui se séparent, des artistes qui arrêtent leur carrière, des contrats qui sont sur deux ou trois albums…puis si un artiste trouve une proposition plus alléchante ailleurs, il peut changer de majors. 342 Avez-vous des contacts directs avec les programmateurs radio ou les directeurs de programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? Oui, j’ai des contacts directs avec les programmateurs radio. Je les appelle plusieurs fois par semaine. Je leur fait écouter des nouveautés. On parle de stratégies. Comment on va programmer un titre avec quel média partenaire etc.… Hier, par exemple, j’étais à Chérie FM puis RTL2. La semaine dernière c’était Oui FM. En fait, on est perpétuellement sur le terrain. On accompagne les artistes pour les émissions. On ne laisse jamais un artiste tout seul dans une émission de radio. Il faut que ça se passe bien. C’est à nous de gérer si jamais il y a des problèmes. On est là pour que l’artiste et que la radio soient contents. Pour que tout se passe bien. Comment caractériseriez-vous ces relations avec les professionnels de la radio ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale Alors ce sont des ententes cordiales. En fait, dans mon métier il ne faut pas avoir peur de parler. Il faut aimer ce qu’on fait et convaincre. Donc on est déjà dans une prédisposition à bien s’entendre. L’objectif ce n’est pas de se mettre à dos avec les responsables de la programmation des radios. Nous, on propose des titres et eux, ils choisissent en fonction de leur ligne éditoriale. Rien de plus. Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? Ce n’est pas nous qui faisons les programmations musicales. On a chacun nos obligations et nos objectifs. Les radios font pas forcement ce qu’on a envie qu’elles fassent. Il arrive qu’on ne soit pas d’accord mais dans la globalité, ça ce passe plutôt pas mal. On sélectionne les titres qui a priori peuvent plaire à la radio. On va pas proposer des titres dont on est quasiment sûr que la radio ne va pas les prendre. Donc non, chacun a son métier et ça se passe bien. 343 Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la diffusion musicale en France ? Oui, il y a des contraintes, tout ne peut pas rentrer dans une playlist. Une playlist, elle comprend quarante titres, donc on ne peut pas tout programmer. Puis, il y a des périodes, il y a des vagues dans la musique. Il y a des fois où on aimerait bien programmer certains titres mais ce n’est pas ce que les gens veulent entendre. Selon les époques, il y a certaines musiques qui passent mieux que d’autres. Il y a des modes. En ce moment on entend moins de rap français par exemple. C’est plus de la dance qu’on entend en ce moment. Avec la crise, on veut des titres plus dansants. Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession ? C’est un peu flou. Le business change. Le digital prend le pas sur les ventes d’album. En France, c’est plus lent qu’en Angleterre ou aux Etats-Unis par exemple. En fait, c’est culturel. On n’a pas la même façon de consommer la musique dans le monde. Ça n’a rien de comparable avec la France. Les français, c’est vraiment au niveau de la sûreté que ça ce passe. Il ne faut pas trop changer leurs habitudes d’écoute. Après, ça va changer. Puis les gens auront toujours besoin d’écouter de la musique pour s’évader. Les moyens de consommation de la musique changent et évoluent. Une industrie qui change, ça ne se fait pas en deux temps trois mouvements mais il y a une chose qui ne bougera pas : c’est qu’on aura toujours besoin de personnes pour sélectionner la musique. Sur le principe, ça ne changera pas des masses. Il y aura toujours des radios avec de nouveau outils de communication. On communique par mail, beaucoup plus qu’avant déjà. Moi, lorsque j’ai commencé dans ce métier, ça existait peu la communication par mail alors qu’aujourd’hui on se sert énormément des vidéos, de l’image et de choses comme ça. Je suis très confiante. Aujourd’hui, il y a pas mal de choses avec les sonneries de téléphone, les albums que l’on peut vendre sur téléphone… tout ça est en perpétuel changement, mais c’est ça qui est intéressant justement. 344 ENTRETIEN POLYDOR PARIS (Durée 48 mn) Quel est le poste que vous occupez actuellement ? Je suis directeur de promotion, du marketing et de l’image de Polydor le label d’Universal Music. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? J’occupe ce poste depuis trois ans et demi, sachant que je suis au sein d’Universal Music depuis près de douze ans maintenant. J’ai commencé en temps que petit attaché de presse et j’ai gravi les échelons petit à petit. J’ai également bossé dans des magazines de hard rock et dans des radios auparavant. Sachant que la radio c’est un des médias le plus marketing, ça m’a formé. J’ai ensuite évolué dans le secteur de la promotion jusqu’à devenir directeur de promotion et du marketing. Oui, j’ai oublié de signaler que pour ma formation, j’ai fait une Sup de pub dans mes études. Pourriez-vous décrire votre activité au sein de Polydor France ? Pour ce qui est de la promotion, je m’occupe d’une équipe qui comprend une dizaine d’attachés de presse qui ont en charge tout un catalogue d’artistes à promouvoir sur le plus de médias possible. Du côté de la direction marketing, le service est divisé en deux. Il y a le service dit domestique où on s’occupe des artistes du répertoire local pour la France. On a environ une quarantaine d’artistes. On a également des artistes à vocation internationale comme Feist, Micky Green. Puis on a le service international ; ce dernier comprend tous les artistes du label Interscope ainsi que des nouveaux artistes. Il s’agit d’un des plus gros labels américains. Mon rôle, c’est donc de faire la promotion de mes artistes sur le plus de médias possible. En fait, on peut résumer la situation comme ça : le marketing, c’est ce qui vous permet d’être le plus efficace possible et de prendre les bonnes décisions au bon moment. Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion d’un artiste au sein des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? Nous, on travaille sur tous les styles musicaux en même temps. En fait, l’histoire commence avec une signature avec un artiste qui nous plaît et si on sent qu’il a du potentiel. A priori, le choix est artistique. Ensuite, on va déterminer avec l’artiste des 345 singles potentiels et, par la suite seulement, on définit un axe de promotion. Par exemple, avec Micky Green dont on s’occupe, il s’agit d’un ancien top model et c’est une nouvelle artiste qui n’est pas encore connue du public. Du coup, on va pas travailler de la même façon que pour une artiste comme Mylène Farmer qui, au moment de la sortie de son album, est une artiste connue. On cible telle radio en fonction de tel courant musical. C’est fonction des formats radios. Pour Micky Green on a ciblé des radios élitistes tels que France Inter, Europe 1, Oui FM. C’est fonction de l’image qu’on veut développer autour de l’artiste pour faire un vrai buzz, un succès. Quelques mois après, on a ciblé Virgin Radio et ensuite les petites radios ont suivi un an après. Puis, c’est en dernier qu’on a démarché NRJ. Tous les deux ou trois mois on a progressé. C’est un ensemble, c’est comme ça que ça marche. Il faut que les choses se fassent au bon moment. Si on était allé dès le début voir NRJ avec Micky Green, ça aurais été « non » direct. A l’inverse, on y est allé avec beaucoup d’émissions, de la promotion, des ventes et de très bons retours des radios. Du coup, on peut présenter nos artistes et ça marche. Quels sont les enjeux de la diffusion radiophonique pour un artiste et pour un label comme le vôtre ? Les enjeux sont multiples. Le premier, c’est de se faire connaître. Les radios musicales, encore aujourd’hui, permettent d’écouter et de découvrir de la musique. Une fois qu’on est connu, l’objectif, c’est d’accéder au tube. On appuie sur le bouton de la commercialisation. L’objectif, c’est que le titre rentre dans les grilles de rotation. On a un travail de deux mois de rotation en radio avant la sortie du single. Oui, il faut bien compter deux mois d’airplay. Bien sûr, ça prend moins de temps pour des artistes confirmés comme Mylène Farmer et c’est au bon vouloir des radios. Les radios font des choix. Notre métier c’est de faire en sorte que ces choix correspondent à nos objectifs. Quelles stratégies utilisez-vous pour négocier la programmation d’un titre au sein des playlists des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? Plutôt que négociation, je parlerai de présentation des artistes. En fait, les attachés de presse vont voir les programmateurs radio. Alors, ça peut se faire par téléphone ou sur rendez-vous. Le programmateur donne son avis sur l’artiste, s’il aime ou pas. Le boulot de l’attaché de presse c’est d’aller vite et de faire en sorte qu’il y ait un 346 coup de cœur pour l’artiste. Mais il n’y a pas de règles. Il y a plein de facteurs qui rentrent en ligne de compte. Il y a l’environnement artistique de l’artiste qui peut plaire ou pas par exemple. Est-ce que vous considérez faire de plus en plus d’efforts auprès des programmateurs radio afin de négocier le passage d’un artiste dans les playlists ? Par rapport a il y a quelques années, on a des radios avec des formats spécifiques. Donc, avant le rendez vous avec le programmateur, on a déjà ciblé nos objectifs. En plus, selon les labels c’est différent. Avec la force de frappe de Polydor, c’est plus simple. C’est un des plus gros labels de France. Nous, on a d’abord une base artistique, parce que tu as beau avoir toutes les techniques de marketing possibles, si tu as un son pourri, les auditeurs ils ne vont pas aimer donc ça ne sert à rien. Il faut un son irréprochable. La deuxième base importante, c’est notre métier, c'est-àdire rendre le projet le plus sexy possible. C’est sûr, on fait de plus en plus d’efforts que par le passé. Mais pour répondre à ta question, on va aller voir une radio et lui dire : « tu vois, on a négocié auparavant avec FIP puis on a des plateaux de télévision organisés tous les trois mois. Il va donc y avoir des retombées et ça pourrait être intéressant pour toi ». Tous ces paramètres peuvent rentrer en jeux mais le premier, le principal, c’est l’adéquation entre l’univers musical de l’artiste et le format de la radio. Par exemple, pour NRJ, c’est la radio du hit donc les critères sont les plus larges. Pour Skyrock, on sait qu’on proposera du rap, du r’n’ b etc. Sur un budget total consacré à un artiste, quelle est la part du budget en pourcentage consacrée à la promotion ? Il n’y a pas de règle mais d’une manière générale, l’objectif c’est de dépenser 17% par rapport au chiffre d’affaires. Bien sûr, c’est différent selon l’artiste. Pour un petit artiste, le budget va être plus important. Il faut plus d’argent pour se faire connaître. De toute façon, la plupart du temps, on travaille toujours à perte. C’est la globalité de la maison de disques qui permet de développer les nouveaux artistes, même si on sait qu’on perd toujours de l’argent au départ. En plus, compte tenu de l’état actuel du marché avec le numérique, on souffre pas mal en ce moment. Les radios, elles sont tendues. Elles ne veulent pas prendre de risque et elles resserrent les playlists. En plus, pour nous, c’est tendu également. C’est donc beaucoup plus difficile que par 347 le passé. Nous, notre métier c’est de développer de nouveaux artistes, alors si on a des médias en face de nous qui ont peur de ça, ça devient très compliqué. On entend souvent dire que l’investissement des budgets marketing sur les gros artistes permet de faire vivre les petits artistes, pourquoi ? C’est ce que je vous disais. Vu qu’on perd de l’argent sur l’ensemble des artistes grands et petits confondus à la base, on a quelques projets qui nous permettent de faire vivre l’ensemble des artistes. Mais ça arrive que des nouveaux talents qui « buzzent » dès leur premier album permettent également de faire vivre la maison de disques. S’ils arrivent dans les cinq ou six premières ventes en France, ça fait vivre un label. Ce fut le cas pour Olivia Ruiz, Tokyo Hotel l’année dernière. Dans ce métier, la règle de base, c’est qu’il faut savoir perdre. Dès fois, c’est sur la durée, sur deux ou trois albums que ça marche. Celui qui réussit le mieux dans ce métier, c’est celui qui se trompe le moins sur ses paris. Avez-vous des contacts directs avec les programmateurs radio ou les directeurs de programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? Oui, on a des contacts directs avec les responsables des programmations tous médias confondus, que ce soit avec les programmateurs de radios, les responsables de service de presse, les journalistes, les gens de télévision…etc. Tout le monde. Comment caractériseriez-vous ces relations avec les professionnels de la radio ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale Pour moi, les médias sont des partenaires. On a donc de très bons contacts. Il faut bien travailler avec tout le monde pour avoir un maximum de chance de programmer nos artistes. Le but d’un attaché de presse, c’est d’être en bon terme pour amener les programmateurs dans l’univers de nos artistes. Parfois, je ne vous cache pas que c’est la crise. On fait tous du business, donc ça peut être tendu pour diverses raisons, si une émission s’est mal passée, si un artiste a été mal reçu, etc. Dans tous 348 les cas, on fait en sorte d’être le plus professionnel possible. C’est un métier de communication. Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? On voudrait toujours qu’il y ait plus de dialogue et c’est vrai qu’on doit aller encore plus loin. On doit connaître un média par cœur, ses contraintes, ses logiques de fonctionnement, ses motivations, sa façon de faire. Si jamais on ne comprend pas trop les contraintes du programmateur, il va y avoir un décalage. Pour ça, avant tout rendez-vous, je dois savoir exactement comment ça va se passer. Comment va se dérouler l’entretien. Notre objectif, c’est de raccourcir le temps. Il faut donc éliminer par avance toutes les contraintes et favoriser l’adhésion. Par exemple, pour l’artiste Micky Green, il nous a fallu treize mois. On a proposé aux radios de faire le pari de la jouer. On leur a fait comprendre qu’elles allaient y gagner et qu’elles n’allaient pas perdre d’audience. C’est de l’argumentation ajoutée à de la passion. La musique c’est de la passion, donc ça marche à tous les coups. Il n’y a pas de clé de la réussite, puisque c’est à nous d’être imaginatifs et volontaires. C’est un métier de conviction. Quand j’ai un projet, je sais où je vais et je ne lâche pas. Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la diffusion musicale en France ? Il y a certaines contraintes, c’est obligé. Je suis pour la loi des quotas mais d’une certaines façon c’est une contrainte. Je prends toujours l’exemple de Micky Green mais avec la loi sur les quotas de chanson française, compte tenu qu’elle chante en anglais, c’est une artiste qui va se retrouver dans la catégorie des artistes anglosaxons tels que Madonna ou d’autres projet qui sont connus dans le monde entier. Déjà, c’est plus dur. En plus, avec les quotas, il y a un nombre limité de places dans la catégorie anglo-saxonne. Les formats radio aussi sont des contraintes, la durée d’un titre etc. Il y a que des contraintes en face de nous et on doit faire en sorte de les contourner le plus possible. Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession ? La musique n’a jamais été autant consommée qu’aujourd’hui. Il y a de nouvelles façons de se l’approprier avec les nouvelles technologies. Ce qu’on vit aujourd’hui 349 c’est un peu la même chose que l’explosion de la FM à ses débuts. C’est un peu une démultiplication des médias. Cependant, il y aura toujours besoin de promotion et de marketing pour les artistes, pour les faire connaître. Après, ça se fera sûrement de façon différente. Nos métiers peuvent évoluer. En plus, la musique c’est un métier qui nous permet d’avoir une vision transversale. On s’occupe de l’artistique, du marketing, de la communication. C’est un métier qui n’est pas très éloigné du métier de publicitaire également. Puis c’est une passion. Ça a un côté magique presque et c’est en perpétuelle évolution. Les artistes en tournée, ça existe depuis le MoyenAge donc ce n’est pas près d’être fini. 350 ENTRETIEN SONYMUSIC PARIS (Durée 53 mn) Quel est le poste que vous occupez actuellement ? Je suis attaché de presse radio chez Sonymusic et je m’occupe des réseaux jeunes, à savoir NRJ, Virgin Radio, RTL2 et Skyrock. Je m’occupe aussi de quelques radios provinciales Ado, Nova, Hit West, Contact FM, Alouette, puis quelques chaînes musicales en télévision. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? Je travaille chez Sony depuis dix ans et pour le poste d’attaché de presse radio depuis trois - quatre ans. Pourriez-vous décrire votre activité au sein de Sonymusic ? Je travaille au quotidien avec les radios ; c’est nécessaire pour diffuser les artistes qu’on défend lors des sorties d’albums. C’est un métier. C’est beaucoup dans les relations humaines. On informe les radios sur l’actualité des artistes et sur leur univers. Mon métier, c’est principalement abreuver les radios d’informations et les convaincre. Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion d’un artiste au sein des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? Il n’y a pas vraiment de critères. C’est différent pour un artiste en développement ou un artiste confirmé. Pour un artiste en développement, un artiste en local, on doit construire son histoire, son univers. Alors que pour un artiste confirmé, c’est un peu moins compliqué. Ce sont des artistes qui sont déjà passés en radio. C’est donc des artistes qu’on connaît. Si l’artiste en question correspond au format de la radio, une radio elle prend tout de suite. Il faut que l’artiste corresponde au format et à la cible de la radio. Pour les artistes internationaux par exemple, on a tendance à attendre les résultats dans leur pays d’origine puis après, ça devient un argument de vente auprès des radios. On peut dire « Machin » c’est un carton aux Etats-Unis. « Machin » a été téléchargé ou la page de «Machin » sur Myspace, Itune, Youtube a été visitée dix millions de fois par jour. Il n’y a pas d’informations stupides. On est à l’affût de tout un ensemble d’éléments qui se passe autour de l’artiste et on s’en sert comme argument pour la promotion auprès des radios. Il faut être attentif à l’attention 351 du public envers les artistes. Puis, c’est vrai que les radios sont plus attentives envers les artistes connus que ceux qui sont moins connus. Quels sont les enjeux de la diffusion radiophonique pour un artiste et pour un label comme le vôtre ? Eh bien d’abord, le marché de la musique et les ventes de disques souffrent depuis quelques temps. Les gens n’achètent pratiquement pas mais pourtant on n’a jamais autant consommé de musique. Si vous voulez, c’est un ancien mode de communication qui est en crise. C’est du chiffre qu’on perd. A côté, il y a peu d’émissions de variété en télévision à l’exception de la Star Académy mais après, ça ne plaît pas à tout le monde. Du coup, le seul et véritable moyen de faire découvrir un artiste, ça reste la radio. Et c’est d’autant plus important aujourd’hui, même si les audiences baissent un peu dernièrement. Ça, c’est l’effet des jeunes qui écoutent pas mal sur Internet mais la radio ça reste quand même un relais. Internet ; ça peut créer du « buzz » autour d’un artiste mais c’est sur du court terme. La radio, elle peut prendre le relais du « buzz » parce qu’elle permet de rappeler la présence d’un artiste à force de le diffuser. La diffusion en boucle des titres toutes les heures, c’est un peu ça. C’est pour rappeler aux gens la présence de l’artiste pour pas qu’ils oublient. Comme ça, on finit par retenir le titre. La radio c’est un atout important. Quelles stratégies utilisez-vous pour négocier la programmation d’un titre au sein des playlists des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? Avec les radios, on n’a pas les mêmes intérêts. Pour une radio, l’objectif c’est d’avoir le plus d’audience possible. Si vous savez que les radios ont des formats, par exemple NRJ c’est que les hits, Virgin Radio c’est le format pop rock, une autre radio c’est du r’n b etc. Vous allez leur faire écouter ce qu’elles veulent en fonction de leur format. Bon, alors il y a certaines maisons de disques qui tendent une carotte avec un gros artiste et qui essayent de négocier la diffusion d’un artiste moins connu en même temps. Ça se négocie. Mais le principe de base, c’est l’argumentation. C’est principalement des arguments artistiques dans ce métier. Qu’est ce que c’est qu’un argument artistique ? Ben, c’est tout simple : un argument artistique, c’est un single qui correspond au format musical de la radio. C’est ce que la radio attend. Il faut qu’il y ait un lien entre le morceau proposé, le format et la cible de la radio. Si un artiste ne correspond à aucun format de radio comment ça se passe ? Dans ce cas, il va 352 falloir beaucoup plus argumenter. Quels arguments on utilise ? On se sert des autres médias. On va garder les coupures de presse, regarder les émissions genre le grand journal sur Canal+. Ce qui importe, c’est tout ce qui se passe autour de l’artiste. On utilise tout ce qui est arguments de notoriété. Parfois, c’est tout un long travail sur Internet. Pour les artistes en développement, comme je disais, on construit son histoire. Parfois, il y a des groupes qui sont parrainés par un producteur qui est connu. Eh bien, c’est encore un argument de plus. Aussi, on fait des concerts de présentation pour les programmateurs radio pour les convaincre. Une radio, elle a besoin de se sentir entourée, de savoir qu’il y a d’autres médias qui vont prendre le relais, qu’il va y avoir des concerts, qu’il va se passer quelque chose autour de l’artiste qu’elle va prendre. Mais il faut toujours tenter. Vous savez, les formats, ça change. Ils évoluent selon les époques, donc oui, même si on a un artiste qui ne correspond à aucun format radio, on tente quand même. La mode, c’est cyclique. Actuellement, par exemple, ce qui marche c’est la dance, la pop acoustique ou les connotations faussement reggae avec des groupes comme Tryo etc. Quand on a un genre musical qui marche, on signe quatre, cinq, six artistes du même style, puis quand ça lasse, on arrête et on passe à autre chose. Sinon, il y a des artistes qui ne passent pas en radio. Ils font des tournées et beaucoup de concerts. Pour les artistes confirmés, c’est purement artistique. Alors vous me direz c’est subjectif, mais la musique c’est des métiers de l’ordre du subjectif. La musique, c’est que du subjectif. Est-ce que vous considérez faire de plus en plus d’efforts auprès des programmateurs radio afin de négocier le passage d’un artiste dans les playlists ? Oui, c’est de plus en plus dur. Déjà il y a de moins en moins de maisons de disques avec les fusions etc. Aujourd’hui, on a une dizaine d’artistes en développement à défendre et il y en aura seulement trois ou quatre qui vont passer en radio. En plus, on a la concurrence des autres maisons de disque qui ont d’autres artistes à défendre et d’autres arguments. La France, c’est un pays difficile. Il y a de grands réseaux radio mais ils sont peu nombreux. Je vois, par exemple aux Etats-Unis, c’est différent. A New York par exemple, il y a quinze ou trente radios aussi importantes que nos réseaux commerciaux à nous. A ça, tu rajoutes les playlists qui comportent de moins en moins de titres c'est-à-dire en moyenne dix à trente titres au maximum. 353 C’est super dur. Les auditeurs français, ils sont lents en plus. Ils mettent du temps à adhérer à un titre mais également du temps à se détacher d’un titre qu’ils aiment bien. C’est la culture française. C’est comme ça. Ils n’aiment pas les sons qu’ils ne connaissent pas. Si c’est nouveau, ils zappent pour essayer de chercher un titre qu’ils connaissent à la radio. Sur un budget total consacré à un artiste, quelle est la part du budget en pourcentage consacrée à la promotion ? Il n’y a pas vraiment de règle. Pour un artiste international, il va falloir payer les billets, le trajet, les maquilleurs, les coiffeurs et ça revient tout de suite plus cher. On fait de plus en plus d’efforts et il y a de moins en moins de fenêtres. Donc oui, les budgets promo, ils explosent mais je ne peux pas vous donner de chiffres exacts. C’est impossible, il y a trop de variables qui sont en jeu. On a des budgets en fonction des médias. Tu as la presse qui fait l’histoire de l’artiste. La radio qui crée l’univers musical de l’artiste et la télévision qui fait l’image et assoit l’aura d’un artiste. On entend souvent dire que l’investissement des budgets marketing sur les gros artistes permet de faire vivre les petits artistes, pourquoi ? Oui, quand tu signes un artiste en développement, à la base ce n’est pas cher. Ce qui va te coûter, c’est la promotion pour le faire connaître. Dans la plupart des cas, tu es déficitaire. Plus un artiste grandit et se fait connaître, moins tu as d’investissement à faire en promotion. Ça se fait tout seul rien qu’avec le nom, l’aura de la personne. Du coup, l’argent des artistes confirmés permet d’investir sur les artistes en développement. Quand on investit dans le marketing, on attend beaucoup des singles. Avez-vous des contacts directs avec les programmateurs radio ou les directeurs de programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? Oui, on a régulièrement des contacts directs avec les responsables de la programmation que ce soit par mails, par téléphone. Bon, on essaie de pas trop les saoûler ou les submerger d’informations car on est un peu comme des spam pour eux. Si on fait des mails, il faut être bref et efficace. Il faut savoir cibler parce que des informations, ils en reçoivent énormément, et de l’ensemble des maisons de disques. 354 Comment caractériseriez-vous ces relations avec les professionnels de la radio ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale Je dirais qu’au niveau relationnel, il y a des personnes avec qui on s’entend bien et d’autres où c’est juste professionnel. De toute façon, on est un peu obligé de s’entendre. On n’a pas trop le choix. C’est notre métier. C’est beaucoup la politique du « non dit » qu’on applique. Même si un programmateur tu le trouves super con, tu ne peux pas lui dire. Ce sont des relations courtoises et de durée en plus. Ce sont les mêmes. On finit par bien se connaître avec le temps. De toute façon, la base du métier d’un attaché de presse, c’est de faire un tri sélectif de ce qui peut potentiellement plaire à un programmateur selon le format de la radio. Un attaché de presse qui se pointe avec des titres qui ne correspondent pas, ça n’existe pas ou c’est un apprenti. Donc non, à ce niveau là c’est rare qu’il y ait des malentendus. Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? Oui, on pourrait toujours et on espère toujours qu’on puisse améliorer les choses. Il existe sûrement des moyens pour échanger plus d’informations mais j’avoue que ce n’est pas mon domaine et que je n’y ai pas réfléchi. Moi je me limite aux informations concernant les artistes que je défends. Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la diffusion musicale en France ? Les principaux obstacles, ce sont les formats. Les formats, ils excluent des artistes. Tu as les extrêmes comme le hard rock, le death métal, le death métal trash qui ne passent pas en radio ou bien très tard. Tu as les formats et en terme de contraintes pour les attachés de presse, c’est d’arriver au bon moment. De présenter le bon artiste au moment où la radio cherche de la dance par exemple. Dès fois, les attentes des radios ne sont pas les mêmes et du coup, les artistes pourront pas passer à l’antenne. Puis, tu as la durée de vie d’un titre aussi qui rentre en jeux. Si un titre il reste longtemps, il n’y a pas la place pour en mettre un nouveau. Dès fois, la durée de vie d’un titre, elle peut durer un an et ça peut être long. Là, en ce 355 moment on a un titre du groupe Grenoblois Peps qui dure depuis trente cinq semaines. Pour Yelle on a eu un titre sur une année. Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession ? On ne peut pas faire de la promotion sans faire du marketing. Pour être attaché de presse, il faut être à l’écoute de tout. Il faut être le plus ouvert possible sur l’ensemble des médias. Concernant Internet, il y a une grosse partie à venir. Il faut avoir des idées, des projets ambitieux et beaucoup d’idées autour d’un artiste. On n’arrive pas auprès d’une radio avec un single mais avec un pack de concerts et de tournées. L’objectif principal, c’est de faire rêver le programmateur pour qu’il puisse ensuite faire rêver les auditeurs. Les gens, ils achètent à l’affect. Un artiste, il faut qu’il ait une aura et qu’il paraisse accessible. C’est pour ça qu’il y a tout un « buzz » en ce moment sur Internet avec les sites comme Myspace. C’est parce que ce sont des gens qui commencent comme tout le monde et qui paraissent accessibles. Pour ce qui est des radios numériques, personnellement je n’y crois pas. On nous fait beaucoup de promesses mais il y a d’abord beaucoup d’investissement à faire pour la mise en place. C’est compliqué à installer. Puis ça signifie aussi la mort des petits. Tous ceux qui n’ont pas les moyens d’investir. Non, je pense que c’est plus l’information qu’il y a derrière qui est intéressante sur Internet. Tu as le titre qui peut être diffusé avec l’histoire du groupe puis tu peux cliquer pour télécharger le titre. Tu peux acheter immédiatement le titre après l’avoir écouté à la radio. Comme ça, ça permet de toucher les différents types de consommateurs. Tu as deux types de consommateurs. Ceux qui sont lents mais une fois qu’ils aiment un titre ils le lâchent plus. Puis, tu as ceux qui aiment avoir tout de suite le titre, ceux qui aiment être à la pointe et avoir tout en premier. C’est donc un bon moyen qui permet d’anticiper et de dégainer rapidement, en quelque sorte, parce que des fois, il faut attendre des mois avant de pouvoir télécharger un titre même de façon illégale, entre le moment où il passe en radio et le moment où tu le trouves sur E-mule. 356 ENTRETIEN JARING EFFECT LABEL LYON (Durée 46 mn) Quel est le poste que vous occupez actuellement ? Je suis responsable promotion, chargé de communication. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? J’occupe ce poste depuis 2004. Pourriez-vous décrire votre activité au sein de Jarring Effect Label ? C’est tout ce qui regroupe l’ensemble des activités d’attaché de presse, tout ce qui concerne les relations publiques. C'est-à-dire l’envoi des disques pour les radios, caler des interviews avec les artistes, la partie web surtout pour la promotion du label, la rédaction de biographie pour les groupes que l’on défend, la confection de dossiers de presse permettant de mobiliser les commerciaux. Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion d’un artiste au sein des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? De notre point de vue, on a un catalogue d’artistes plutôt homogène. On sélectionne les radios dont la programmation correspond à nos artistes, si on sait qu’elles sont capables de les défendre. C’est surtout en fonction des émissions spécialisées de la station. C’est principalement les réseaux associatifs Ferrarock et Radio Campus qui ont des émissions spécialisées mais ça arrive qu’on cible d’autres radios comme Radio Nova, Oui FM, Le Mouv’. Pour ce genre de radios, c’est purement pragmatique. C’est en fonction du genre musical, s’il correspond ou pas à la radio, à ses émissions, à ses formats. Pour certaines stations, c’est en fonction de la teneur artistique des groupes. On fait des envois systématiques avec ce genre de radios. Par contre, pour les radios nationales comme France Inter, les stations de Radio France, on a beaucoup de mal. Pour les radios commerciales, il ne faut même pas y compter. Vous savez, la musique instrumentale n’est pas facile d’accès. On a souvent des morceaux de six minutes et ça ne correspond pas au format radio. Il y a plein de paramètres pour diffuser des titres à la radio. On n’est pas un format poprock. On n’a pas le calibre des formats de 2 minutes 30. C’est simple, on n’est pas diffusable par les radios qui sont tenues par la publicité. Il faut une certaine marge de manœuvre pour diffuser nos artistes. Elle est plus large pour les radios avec 357 lesquelles on a plus l’habitude de travailler, les Ferrarock ou Campus. Je pense que pour atteindre les radios commerciales, il faut un label qui soit plus pop-rock actuellement, mais bon. Dernièrement, on avait un groupe français qui me semblait correspondre au format radio actuelle. Puis, surtout avec les quotas, je me suis dis que ça allait marcher. Surtout que c’est un groupe qui a un public qui le suit déjà depuis un certain temps dans les concerts. Ils ont quatre albums à leur actif. J’ai fait un essai. J’ai envoyé le disque. On nous a demandé s’il n’y avait pas une version avec un couplet et un refrain. On a répondu, mais ils l’on trouvé trop long et après ils n’ont pas donné de suite. On arrive très peu à atteindre les grosses radios. De temps en temps, on a Couleur3. On capte surtout dans le Jura, la Suisse, mais c’est déjà une plus grosse audience. On arrive à avoir des chroniques dans la matinale ou des entrées dans la playlist générale, mais pas plus. En fait, je pense que les radios comme Europe2, Skyrock et tout, elles ne se mouillent pas. Elles suivent ce que dicte la presse écrite, s’il y a des bons échos et si ça marche, mais ça ne vas pas plus loin. C’est du rock aseptisé, puis voilà. Des fois c’est vrai, ça me rend un peu amer par rapport à tout ça, parce qu’on mériterait d’avoir une visibilité. On a des artistes qui le mériteraient. Quels sont les enjeux de la diffusion radiophonique pour un artiste et pour un label comme le vôtre ? Financièrement, ça ne coûte pas grand chose l’envoie de disque aux radios, mais par contre, le retour sur investissement, il est immédiat. C’est des milliers de personnes qui écoutent et tout ça sans engager aucun frais. Ça n’a rien avoir avec les 10 ou 15 000 euros pour avoir un encart dans les magazines classique, par exemple. C’est une certaine visibilité pour les artistes. En plus, aujourd’hui la presse magazine a tendance à piquer du nez. Il faut avoir des ronds pour s’abonner et il faut avoir du temps pour les lire. Il reste deux médias, la radio et le web. Alors c’est vrai qu’il n’y a pas d’outils palpables qui permettent de savoir si on va vendre un album en quantité. S’il va y avoir des tournées etc. C’est la radio et les tournées qui permettent à un disque de vivre plus longtemps. La diffusion radio, elle prolonge la durée de vie d’un disque. Ben oui, un disque lorsqu’il sort, il a une durée de vie d’un mois. Après, il va vite se faire chasser par d’autres sorties si la radio permet pas de le faire suivre plus longtemps. C’est toute une chaîne, une synergie entre le label, le tourneur et la radio. La radio, c’est un relais. Par exemple, le groupe sort son album, 358 il passe en tournée dans une ville. La radio fait une interview parce que c’est l’actualité. Du coup, le groupe il repasse en playlist. Quelles stratégies utilisez-vous pour négocier la programmation d’un titre au sein des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? Eh bien, on n’a pas trop de stratégie ou de modalité de négociation. Nous de notre point de vue, parce qu’on est un petit label, lorsqu’on démarche avec les radios Ferrarock ou les Radios Campus, ça nous arrive de faire des relances mais c’est des radios qui sont autonomes dans leurs démarches. Ce sont elles qui choisissent. Si ça leur plaît, c’est bon, mais sinon, c’est leur choix. C’est associatif de toute façon, donc ils font comme ils veulent. Pour des radios comme Nova, je relance de temps en temps, ça arrive. Les stations Skyrock, les commerciales, ça n’arrive jamais. Je ne tente même pas. J’ai peut-être tort, mais les rares fois où on a essayé, on n’a jamais eu de retour. Est-ce que vous considérez faire de plus en plus d’efforts auprès des programmateurs radio afin de négocier le passage d’un artiste dans les playlists ? Du coup, non, puisqu’on a les radios avec lesquelles on a l’habitude de travailler et ce sont elles qui choisissent. Sur un budget total consacré à un artiste, quelle est la part du budget en pourcentage consacré à la promotion ? Ça dépend des groupes. Pour des groupes confirmés, les budgets sont plus conséquents. Ça va de 10 à 15 000 euros, tout compris. Ça comprend les affranchissements pour les envois de disques, les plans publicitaires à savoir les encarts dans les magazines, le PLV (publicité sur le lieu de vente), les stickers, les cartes postales et les badges, etc. Lorsqu’il s’agit d’un plus petit groupe, qui en est à son premier album, on coupe la poire en deux. C’est le même budget divisé par deux. Puis aussi, on compte dans ce budget les relances ou bien lorsqu’on monte une OP (opération publicitaire) auprès des radios qui nous font un retour. On propose des CD, des vinyles, des places de concerts ou des interviews. Les radios aiment bien généralement, car ça remplit leur émission et les auditeurs appellent pour répondre aux jeux. 359 On entend souvent dire que l’investissement des budgets marketing sur les gros artistes permet de faire vivre les petits artistes, pourquoi ? Je ne sais pas trop. Peut-être pour les majors ça a un sens mais non, je ne vois pas. Pour un label indépendant c’est plus ses interlocuteurs qui sont intéressés par les gros artistes. Puis, peut-être qu’un gros artiste, ça permet surtout de négocier un passage radio pour un petit artiste. Avez-vous des contacts directs avec les programmateurs radio ou les directeurs de programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? Concernant les radios commerciales, non. C’est un univers qui m’échappe complètement. Nous n’avons aucun contact. Lorsqu’on envoie des disques, c’est un peu comme une bouteille d’eau jetée à la mer, ça doit se perdre. Ils doivent en recevoir énormément. Puis, ils ne font jamais la démarche de s’adresser à nous. Je pense même qu’ils ignorent l’existence de Jarring Effect. On n’est pas vraiment du même monde. Déjà que même avec le service public et des radios comme le Mouv’, on a du mal. Elles ne font pas vraiment d’efforts. Il ne faut pas proposer des choses trop compliquées. Les radios, elles ont des œillères devant les yeux. Vous savez les radios, on a du mal à les « attraper ». Comment caractériseriez-vous ces relations avec les professionnels de la radio ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale Concernant les radios associatives avec lesquelles on a l’habitude de travailler, on parle surtout musique et ça, c’est intéressant. Il n’y a rien de financier et la ligne éditoriale est totalement indépendante. C’est encore différent avec la presse écrite. Il y a des sous-entendus comme quoi si on prend de la publicité, on aura un article. Avec les radios type Europe2, NRJ, Skyrock etc., les relations sont complètement inexistantes mais j’aimerais bien rencontrer des programmateurs pour connaître leurs critères. Ça m’intéresserait. En plus, c’est vraiment français cette situation parce que j’ai plus de relations avec des radios commerciales étrangères au Canada ou au Québec. On arrive à intéresser et programmer des titres sur Radio Canada 360 alors qu’en France, ce n’est pas possible. Comme quoi, nul n’est prophète en son pays comme on dit ! Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? Pas avec toutes, mais de toute façon, plus les radios sont grosses, plus il y a des enjeux en terme d’audience et moins elles sont ouvertes au niveau des programmations. Elles doivent répondre aux attentes du plus grand nombre. Elles doivent être efficaces, donc les règles de la bienséance, elles ne connaissent pas ! Elles ne prennent même pas la peine de répondre. Dans ce cas, oui, il faudrait plus de dialogue. Ce serait bien. Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la diffusion musicale en France ? En tant que tel, le disque est un obstacle. Soit il est dans l’air du temps, soit il ne correspond pas à ce que les gens ont envie d’entendre. C’est le contenu musical luimême qui peut être un obstacle. Si on a le bon contact au bon moment avec la bonne radio, c’est parfait. Par principe, les petites sorties c’est toujours compliqué. Les groupes qui sont en émergence, c’est un véritable problème. Ça demande beaucoup plus de relances et de travail pour les faire connaître et il y a énormément de paramètres qui rentrent en jeux. Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession ? Plutôt mal ! Un label, c’est un maillon au sein de la chaîne de production de disques. Aujourd’hui, ça va de mal en pis. Les ventes de disques ne marchent pas très bien. Bientôt, je pense qu’on aura plus que des productions genre Star academy dans les bacs. Ils ont une visibilité médiatique, donc ça leur permet de vendre. Pour les indépendants comme nous, on trouve des solutions autres. On cherche à contourner les obstacles par le web. Pour pallier la grande distribution on trouve des solutions diverses. Nous, par exemple, on a créé CD1D. C’est une plateforme qui fédère une trentaine de labels indépendants français. Ainsi, notre public peut acheter de la musique via cette plateforme. C’est en fait une relation directe du producteur au consommateur. Nos disques seront de moins en moins dans les bacs mais le consommateur pourra les acheter sous le format mp3. Pour l’instant, on a 2000 361 références. Alors bien sûr, comme c’est associatif, il y a une adhésion mais au final, c’est un peu la seule solution pour contrecarrer les aléas de la distribution. On se lance également dans l’édition afin de faire des rentrées d’argent et on utilise notre patrimoine musical pour illustrer des reportages. Voilà ; c’est tout un autre versant du métier qui est à explorer. 362 ENTRETIEN NEOMME VILLEURBANNE (Durée 35 mn) Quel est le poste que vous occupez actuellement ? Je suis directeur du label. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? Depuis sa création en 2000. Pourriez-vous décrire votre activité au sein de Neomme ? C’est un tout petit label, donc je fais tout. J’ai un statut polyvalent. Je travaille sur la production, l’élaboration du projet jusqu’à la sortie du disque. Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion d’un artiste au sein des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? Alors on est complètement en dehors de tout ça car les artistes qu’on a ne correspondent pas aux formats des radios Virgin, NRJ, Fun…. Du coup, on n’a pas du tout affaire à eux. Quels sont les enjeux de la diffusion radiophonique pour un artiste et pour un label comme le vôtre ? Tout dépend du style de musique. Pour les majors par exemple, c’est plus des histoires de marché sur un public jeune. C’est un peu comme la bourse. Les projets musicaux doivent être définis en amont et on essaie de les faire coller au format des radios commerciales. C’est du deal avec des formats prédéfinis. En gros, faut que ça sonne bien, le format canonique c’est : couplet – refrain –couplet – refrain. Je pense que pour un artiste, la radio c’est capital. Sans la radio, on ne vaut pas grand-chose mais à partir du moment où on a des artistes de scène, ça remplace la radio. Nous, on ne compte pas trop sur la radio, on fait avec la scène. Quelles stratégies utilisez-vous pour négocier la programmation d’un titre au sein des playlists des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? Sur ces réseaux, on n’a aucune chance. On ne négocie pas de passage en playlist. A l’exception de RTL2, qui a un format qui est un peu plus ouvert que les autres. 363 Sinon, il y a les réseaux France Inter, France Culture, tout ce qui est Radio France qui sont un peu plus accessibles. Et encore…c’est en train de se rapprocher du formatage. Nous, on ne peut pas compter sur les radios. On compte sur la scène. Est-ce que vous considérez faire de plus en plus d’efforts auprès des programmateurs radio afin de négocier le passage d’un artiste dans les playlists ? Non. Ça dépend de ce que j’ai à leur proposer. Si ça arrive, quand j’ai un projet qui correspond à leur format, il n’y a rien à négocier. C’est ok pour eux. En même temps, c’est très rare. En même temps, ça fait dix ans qu’on tient sans les radios. Sur un budget total consacré à un artiste, quelle est la part du budget en pourcentage consacrée à la promotion ? Je dirais en règle générale 30%. On n’a pas des gros projets comme Universal pour qui le budget promotion est supérieur au budget de la production. On entend souvent dire que l’investissement des budgets marketing sur les gros artistes permet de faire vivre les petits artistes, pourquoi ? Non, ce n’est pas vrai ça. C’est un peu comme les maisons d’édition ; quand il y a un chef de file, ça permet de financer pour les petits mais en même temps, les budgets sont tellement gros sur les gros artistes… Il faut qu’ils vendent tellement d’albums pour rentrer dans leur frais que la marge n’est pas si grande que ça à la fin. Au final, les majors se concentrent sur les gros projets qui ne peuvent que ramener de l’argent. Avez-vous des contacts directs avec les programmateurs radio ou les directeurs de programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? Oui, avec France Inter, on a des contacts directs. On a une attachée de presse qui s’occupe des sorties d’albums. Sur les autres radios, non. On n’a pas de contact du tout. 364 Comment caractériseriez-vous ces relations avec les professionnels de la radio ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale En fait, je dirais qu’il y a beaucoup de directives qui viennent d’en haut dans ce milieu. Les personnes sont bridées par des consignes. Il ne faut pas passer n’importe quoi et il y a peu d’espace de diffusion. Puis il y a la pression des maisons de disques. Les places sont chères et les programmateurs ne font pas ce qu’ils veulent. C’est un ensemble promotion qui est très standardisé. Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? Je ne pense pas que ce soit une histoire de dialogue mais c’est le temps qui manque. Ce n’est pas que les programmateurs ne nous écoutent pas mais c’est qu’ils ont des directives. Puis ils n’ont pas le temps. C’est la chaîne. Ils reçoivent énormément d’albums. Ils enchaînent. C’est sûr, ils ont accès à des bases de données de toutes les nouvelles productions sur Internet ; après, la liberté de prise de risques, elle n’existe pas. Mais ce qui serait bien et qui n’existe pas dans le paysage radio, ce serait des radios comme Virgin et les autres qui passeraient autre chose : une autre programmation moins formatée. Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la diffusion musicale en France ? Oui, il y a les contraintes commerciales, le format de la radio…En fait, une bonne chanson est toujours une bonne chanson. Et ça marche. Mais le risque est très rarement pris car les radios commerciales collent à un modèle bien défini qui bouge pas depuis vingt ans. Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession ? On n’a pas vraiment d’avenir. Moi, je leur dis à mes artistes. L’avenir c’est que les artistes soient leur propre label. Il y a de moins en moins d’argent qui va rentrer à cause de la baisse de vente des albums et le seul moyen de s’en sortir ce sera « l’artiste-label ». Les gros labels garderont toujours leurs gros projets et en parallèle 365 ils rachèteront des « artistes-labels » qui auront un projet. Après sur le champ de la concurrence pour les labels, si vous voulez, il y a certains genres musicaux qui ont moins de concurrence que les autres. Si on prend tout ce qui est la musique extraterrestre (c’est l’électro, tout ça), on ne peut pas dire qu’il y ait vraiment une bataille entre les majors et les petits labels. Le souci pour les petits labels, c’est plus quand on produit de la musique populaire entre guillemets, car on marche sur les platesbandes des majors, donc c’est très difficile. 366 ENTRETIEN LES DISQUES ALIENOR SUR BORDEAUX (Durée 30 mn) Quel est le poste que vous occupez actuellement ? Je suis attachée de presse. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ? Ça fait un an et demi que je suis là. Pourriez-vous décrire votre activité au sein du label Les Disques Aliénor ? Alors Aliénor, nous on est un label indépendant plutôt rock électronique. Je fais le travail d’un chef de projet. Je m’occupe de la fabrication des disques, des vinyles, de la promotion quand un disque est sorti. Alors ça va de la promotion en radio, à la télévision, dans la presse spécialisée et sur le web, bien sûr. Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion d’un artiste au sein des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? On travaille surtout avec les réseaux Ferrarock, Iastar ou les radios associatives. Avec les autres grosses radios, les grands réseaux, on a beaucoup de mal. Même avec les radios de Radio France, c’est compliqué. Vous prenez RTL2, ils ne font pas beaucoup de nouveautés dans leurs playlists, donc il n’y aura pas beaucoup d’indépendants. Donc déjà pour eux, ce n’est pas la peine. Non, puis pour les autres, c’est pareil. Si tu n’achètes pas de marketing lorsqu’un artiste fait de la scène par exemple, tu ne passes pas sur ces radios. Nous, on n’a pas les moyens de payer des campagnes de publicité sur ces grands réseaux, donc on ne rentre pas dans leurs playlists. Quels sont les enjeux de la diffusion radiophonique pour un artiste et pour un label comme le vôtre ? Faire écouter le titre. Pour nous, comme on est un label indépendant, on ne va pas viser le grand public mais on a besoin que l’artiste arrive dans les oreilles des gens qui sont des gens avertis qui écoutent les radios associatives… 367 Quelles stratégies utilisez-vous pour négocier la programmation d’un titre au sein des playlists des réseaux NRJ, Fun Radio, Syrock, Virgin Radio et RTL2 ? On fabrique des CD de promotion mais en fait, c’est relatif au programmateur radio. Un titre, soit il lui plaît, soit il lui plaît pas. En fait, on surveille ce que les radios diffusent dans leur playlist puis, si on voit qu’ils passent certains artistes comme les nôtres, ça nous fait des arguments. On regarde s’il y a des artistes similaires ou pas. Ça, c’est dans la majorité des cas, puis c’est plus sur les radios associatives. Après, là dernièrement, on a un artiste qui serait susceptible de passer sur les radios commerciales. Dans ce cas, on a fait appel à une attachée de presse indépendante qui travaille dans ce milieu, qui connaît bien tous les programmateurs des radios commerciales et c’est elle qui va leur proposer. Est-ce que vous considérez faire de plus en plus d’efforts auprès des programmateurs radio afin de négocier le passage d’un artiste dans les playlists ? D’un point de vue général, non. Auprès des radios commerciales, oui, mais ça ne sert pas à grand-chose. Comparé à la presse on a vachement plus de mal. Je pense qu’en fait, c’est dû à l’indépendance du média puis de la place qu’ils ont, surtout. En presse, il y a plus de place que dans la radio, il me semble. Sur un budget total consacré à un artiste, quelle est la part du budget en pourcentage consacrée à la promotion ? Alors le budget promotion, ça comprend la fabrication des albums, l’achat d’espace publicitaire, les envois postaux. Je dirais 40%. On entend souvent dire que l’investissement des budgets marketing sur les gros artistes permet de faire vivre les petits artistes, pourquoi ? Alors ça, ce n’est pas vrai ! C’est un faire-valoir comme argument, je pense. Les majors, elles vont te dire qu’en vendant du Patrick Bruel, elles peuvent distribuer les petits artistes sauf que quand tu as Patrick Bruel comme artiste, c’est tout ce qu’il y a derrière que tu as avec. Tu as les plateaux de télévision, les affichages dans le métro. Pour les labels indépendants, ce n’est pas pareil. Nous, on n’a pas tout ça et on s’occupe des petits artistes. 368 Avez-vous des contacts directs avec les programmateurs radio ou les directeurs de programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ? On a des contacts avec les radios associatives, comme je vous disais. Pour les autres radios, même FIP, France Inter, les Radios France on a très peu de contacts, voire pas du tout. Comment caractériseriez-vous ces relations avec les professionnels de la radio ? Au niveau relationnel Au niveau commercial Au niveau de la politique éditoriale Généralement, c’est plutôt sympa pour les radios avec lesquelles on a l’habitude de travailler. Pour les radios commerciales, c’est simple, on n’a aucun contact, on n’a aucun retour. On n’a même pas de réponse. On n’a rien. On envoie et on n’a rien ! Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ? Certainement ! Déjà, ça nous permettrait de comprendre les enjeux de la radio et peut-être que pour eux, ça leur permettrait de comprendre les nôtres. En fait de dialoguer, ça nous permettrait de comprendre quels sont les intérêts des uns et des autres et d’être plus efficace peut-être. Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la diffusion musicale en France ? Oui, bien sûr qu’il existe des obstacles. Déjà par rapport à la couleur musicale d’une radio. Puis après, c’est surtout une question d’argent. Si tu n’as pas d’argent pour acheter du marketing sur une radio, tu ne rentres pas dans la diffusion de la radio ; c’est toujours la même chose. C’est d’ailleurs de plus en plus le cas pour la presse aussi. Plus tu achètes de publicité, plus tu auras de la place et plus ton interview elle sera longue. 369 Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession ? Je l’envisage super mal ! Je dirais même très très mal. En temps que label indépendant, c’est très dur et ça l’est de plus en plus. Les disques se vendent moins. Alors c’est sûr que proportionnellement, par rapport à un gros label, on a moins perdu d’argent mais c’est quand même difficile. En plus, c’est un cercle vicieux car les disques se vendent moins, donc on a moins d’argent, donc on ne peut pas faire de la publicité, donc on ne peut pas prendre d’autres artistes. Même sur le Net, ça pose problème aujourd’hui. On fait déjà pas mal de trucs avec le Net. On a développé des outils mais on ne peut pas dire qu’il y ait de gros changements. On ne vend pas assez et puis sur le Net, le téléchargement illégal ça pose problème aussi. 370