UNIVERSITE STENDHAL GRENOBLE 3 UFR des Sciences de l

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UNIVERSITE STENDHAL GRENOBLE 3 UFR des Sciences de l
UNIVERSITE STENDHAL GRENOBLE 3
UFR des Sciences de l’Information et de la Communication
GRESEC – Groupe de Recherche sur les Enjeux de la Communication
Thèse présentée en vue de l’obtention du titre de Docteur en Sciences de
l’Information et de la Communication soutenue publiquement le 14 janvier 2009
Amandine VIALE
Les enjeux de la programmation et la diversité musicale au sein des
radios commerciales françaises NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et
RTL2.
Sous la direction du Professeur Bernard MIEGE
Jury :
Bernard Miège, Professeur émérite en Sciences de l’Information et de la
Communication, Université Stendhal, Grenoble 3
Jean-Jacques Cheval, Professeur en Sciences de l’Information et de la
Communication, Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3
Yolande Combès, Professeure en Sciences de l’Information et de la
Communication, Université de Vincennes à Saint-Denis, Paris 13
Benoît Lafon, Maître de conférences en Sciences de l'Information et de la
Communication, Université Stendhal, Grenoble 3
André Nicolas, Directeur de l’Observatoire de la Musique, Cité de la Musique
Aux souvenirs de mes parents.
REMERCIEMENTS
Je tiens tout particulièrement à remercier mon directeur de thèse, Bernard
Miège,
pour
sa
disponibilité,
ses
encouragements
et
ses
conseils
pédagogiques.
Je remercie l’ensemble du jury pour la lecture et l’appréciation de ce travail.
Je remercie les personnes interrogées pour avoir accepté de m’accorder un peu
de leur temps dans le cadre des entretiens qualitatifs réalisés.
Mes remerciements vont également au laboratoire du GRESEC (Groupe de
Recherche sur les Enjeux de la Communication) et le GRER (Groupe de
Recherches et d’Etudes sur la Radio) pour les séminaires et colloques qui ont
enrichi ce travail et m’ont donné accès à des sources nécessaires à l’écriture de
ma thèse.
Enfin, je souhaite exprimer toute ma gratitude à mes amis pour la relecture de
ce texte, aux personnes qui m’ont apporté leur soutien et à tous ceux qui ont pu
contribuer à l’accomplissement de ce travail de recherche.
-2-
ABSTRACT
En France, les responsables de la programmation musicale
des réseaux commerciaux proposent quelques titres sélectionnés et diffusés
selon des critères « particuliers », propres au fonctionnement de l’industrie
radiophonique et de la musique enregistrée. La présence de certains titres
musicaux sur les playlists fluctuerait donc au gré des « tendances » que
proposent les professionnels de la radio. Alors que se pose nombre de
questionnements afin de préserver la diversité culturelle face aux lois du
marché et de la concurrence, il paraîtrait que la radio suggère insidieusement
un modèle culturel musical restreint et répétitif, avec relativement peu de
contestations et ceci avec d’autant plus d’efficacité qu’il est invisible. Ceci
apparaît d’autant plus embarrassant, que le médium radiophonique reste à ce
jour un des principaux moyens de diffusion musicale et qu’il représente un
vecteur primordial de vente de disques et d’accès des artistes à leur public.
Mots clé : Diversité musicale, Economie politique de la
communication, Grilles de rotation, Industrie radiophonique, Industrie de la
musique enregistrée, Logique mimétique, Programmation musicale, Playlists,
Recherche musicale, Top 40.
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LISTE DES SIGLES
CNCL : Commission Nationale de la Communication et des Libertés
CNRA : Conseil National des Radios Associatives
CNRL : Confédération Nationale des Radios Libres
CSA : Conseil Supérieur de l’Audiovisuel
CTR : Comités Techniques Radiophoniques
FERAROCK : Fédération française de radios associatives rock
FSER : Fond de soutien à l’expression radiophonique
GIE : Groupement des Indépendants
IASTAR: International Association of Student Television and Radio (Fédération
Française des Radios Etudiantes).
NOMIC : Nouvel Ordre Mondial de l’Information et de la Communication
SACEM : Syndicats National de l’Edition Phonographique
SNEP : Syndicat National de l’Edition Phonographique
SOFIRAD : Société Financière de Radiodiffusion
TICs : Technologies de l’Information et de la Communication
SNRL : Syndicat National des Radios Libres
SIRTI : Syndicat Interprofessionnel des Radios et Télévisions Indépendantes
UPFI : Union des producteurs Français Indépendants
-4-
LISTE DES TERMES PROPRES A LA PROGRAMMATION MUSICALE ET
EMPLOYES PAR LES PROFESSIONNELS DE L’INDUSTRIE
RADIOPHONIQUE.
Aircheck : Il s’agit du classement hebdomadaire des quarante titres les plus
diffusés par chacune des radios françaises, réalisé par l’institut français Ipsos
Music.
Airplay : C’est l’ensemble des titres qui sont diffusés sur une station de radio.
Audio Follow : Littéralement "Suivi audio". Il s’agit d’une procédure de
montage sonore employé au sein des stations de radio.
Auditoriums : C’est une technique de sondage, importée des Etats-Unis, qui
consiste à interroger un échantillon d’auditeurs dans une salle. Dans la plupart
des cas, les auditeurs sont munis de boîtiers et doivent attribuer une note en
fonction de leur préférence à de courts extraits musicaux qui leurs sont
proposés. Certains auditoriums se terminent par quelques questions fermées à
la fin de la séance, afin de mieux connaître la perception de la radio dans son
environnement concurrentiel.
Ambiancer : Verbe qui qualifie la démarche des responsables promotion ou
des attachés de presse auprès des radios pour la programmation d’un titre à
l’antenne.
Audience cumulée : C’est l’ensemble des auditeurs qui ont écouté une station
durant une minute ou une heure. L’audience cumulée sert à mesurer les parts
de marché des radios.
Breaker : Verbe qui signifie permettre à un artiste de sortir de l’anonymat et de
se faire connaître du grand public.
-5-
Burn out : C’est le terme employé pour parler d’un titre qui a atteint son taux
de saturation auprès des auditeurs et qui va disparaître de la programmation.
Call-out : C’est une technique de sondage téléphonique, importée des EtatsUnis, qui consiste à diffuser des extraits musicaux à un panel d’auditeurs afin
de connaître le taux d’inconnus, de passion ou bien de saturation d’un titre. Ces
enquêtes sont quotidiennes ou hebdomadaires et selon les résultats un titre
entre ou sort de la programmation.
Claim : Il s’agit des slogans qui définissent le format musical d’une radio. Par
exemple « Hit music only » pour la station NRJ, “le son pop rock des années
1980 à aujourd’hui” pour RTL2 constitue un Claim.
Couleur musicale : La couleur musicale est une expression fréquemment
employée par les responsables de la programmation musicale pour parler des
genres musicaux mais également des fonds sonores, jingles diffusés à
l’antenne. C’est en quelque sorte l’ensemble des sons diffusés mais également
le discours des animateurs qui accompagnent la programmation musicale. Cet
ensemble apporte ainsi un ton, une cohérence à la programmation et concourt
au façonnement d’une identité de la station. En d’autres termes, la couleur
musicale est une « marque de fabrique » de la programmation, permettant à
l’auditeur d’identifier rapidement une station parmi les autres.
Edit-radio : Format musical demandé par un programmateur auprès d’un label
pour conformer un morceau à la diffusion selon un format de trois minutes
trente.
Format : Le format correspond au genre musical diffusé à l’antenne et à la
cible à laquelle une station donnée s’adresse. On parle de format musical poprock, dance et R’n’b, classique mais encore de format jeune, jeune-adulte et
adulte.
-6-
Gold : Terme employé pour parler d’un titre diffusé ayant plus de trois ans
d’ancienneté.
Habillage d’antenne ou habillage musical : C’est l’ensemble des éléments
sonores qui sont diffusés entre les musiques (autour des publicités et des
annonces).
Hit ou Tube : C’est un titre qui connaît un succès du moment. Si les auditeurs
l’apprécient sur du long terme il peut devenir un « gold ».
Impacter : Verbe employé pour désigner une campagne de publicité autour
d’un artiste et de son nouvel album qui a eu un effet direct sur les ventes.
Jingle : Motif sonore court, employé pour introduire ou accompagner une
émission.
Libre antenne : C’est un type d’émission laissant la place à des discussions et
à la participation des auditeurs au sein d’un débat lancé en direct à l’antenne.
Playlist : La playlist correspond à une sélection d’anciens ou de nouveaux
titres musicaux opérés par le responsable de la programmation musicale au
sein d’une station donnée. Cette liste comprend généralement une quarantaine
de titres et doit représenter la couleur de la station et les artistes que la radio
met en avant.
Prime time : C’est un anglicisme désignant le créneau horaire correspondant
au début de soirée. En France, la première partie de soirée correspond à la
case horaire 21h00 à 22h30 ou 23h00. C'est dans ce créneau que l'on constate
les plus fortes audiences de la journée, les stations choisissent en général d'y
programmer ce qui est susceptible d'attirer le plus d’auditeurs.
-7-
Pro Tools/SSL : C’est un système audionumérique. Il est utilisé par une
grande partie de l'industrie de la production sonore. On le trouve dans des
domaines aussi variés que l'enregistrement et le mixage musical, la post
production audio film et télévision, le montage son, la création et l’illustration
sonore, la création et la composition musicale, etc.
Recherche musicale : Il s’agit des études et recherches concernant la ligne
éditoriale, la programmation musicale, les audiences, la technologie, l’efficacité
publicitaire, la veille concurrentielle, le juridique et le politique et la concurrence
entre radios. La recherche musicale est un outil qui permet, entre autre, aux
programmateurs de déceler le potentiel des succès, des titres qui vont plaire au
grand public et de mesurer la fatigue ou le rejet des auditeurs. Sont à la
disposition de la recherche musicale, les enquêtes stratégiques, les
auditoriums, les call-outs et les enquêtes via Internet.
Recurrents : Ce sont les titres diffusés à l’antenne qui ont entre un et trois ans
d’ancienneté.
Rotation : Il s’agit d’une grille qui permet de savoir le nombre de fois où un titre
sera diffusé à l’antenne au cours d’une journée par exemple. En d’autres
termes, c’est la fréquence de répétition d’un titre à la radio.
Selector : C’est un logiciel de programmation musicale importé des Etats-Unis
au début des années 1980 et utilisé par la plupart des radios professionnelles.
Il permet à son utilisateur de créer une base de données de titres musicaux, de
stocker des valeurs et des règles pour chaque titre, de construire des horloges
que le logiciel utilisera pour créer le flux musical, et d’aider le programmateur à
savoir ce qui a été programmé à travers des analyses et rapports d’historique.
Starter : Verbe utilisé pour parler d’une radio qui soutient un artiste et qu’elle
diffuse pendant plusieurs mois. On dira par exemple « NRJ a starté tel artiste ».
-8-
SOMMAIRE
PREAMBULE
P 12
INTRODUCTION
P 15
PREMIERE PARTIE : POUR UNE ANALYSE DES PROGRAMMATIONS
MUSICALES DES RADIOS ANALOGIQUES FRANCAISES NRJ, FUN
RADIO, SKYROCK, VIRGIN RADIO ET RTL2.
1. Quelques éléments de cadrage historique
1.1 Le contexte de développement des radios privées
P 21
1.2 La naissance des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio
et RTL2
P 27
1.3 Les principales étapes de la régulation proposées par le CSA
P 35
1.4 La naissance des playlists
P 45
2. Etat des connaissances et histoire de la programmation musicale
2.1 Aux origines hésitation entre deux modes de diffusion
P 51
2.2 Des programmations basées sur un « modèle de flot »
P 55
2.3 La thématisation des programmes et la fragmentation de l’audience P 59
2.4 La programmation un élément clé des industries culturelles
P 64
3. La notion de diversité culturelle et musicale
3.1 Impérialisme culturel et mondialisation de la culture
P 68
3.2 La diversité culturelle une notion inscrite dans le droit français
P 72
3.3 La diversité culturelle d’un point de vue institutionnel
P 81
3.4 La diversité musicale d’un point de vue définitionnel
P 86
4. Cadre théorique et méthode de la recherche
4.1 Problématique et hypothèses
P 89
4.2 Inscription du sujet de l’étude dans des courants théoriques
P 101
4.3 Démarche de validation des hypothèses
P 106
4.4 Définition du sujet sur une période donnée et définition du corpus
P 108
-9-
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES PROGRAMMATIONS MUSICALES ET
DES STRATEGIES D’ACTEURS AU SEIN DES RESEAUX NRJ, FUN RADIO,
SKYROCK, VIRGIN RADIO ET RTL2.
1. L’enquête
1.1 Méthodologie de l’enquête
P 112
1.2 Les critères d’analyse des programmations musicales et
des playlists
P 114
1.3 La réalisation des questionnaires à destination des groupes
musicaux
P 116
1.4 La réalisation des entretiens à destination des professionnels
P 122
2. L’évolution des programmations musicales de 2003 à 2007
2.1 La répartition de la diffusion par genres musicaux
P 129
2.2 La part des nouvelles entrées en playlist dans l’ensemble de
la diffusion
P 137
2.3 La part du top 40 des titres les plus diffusés dans l’ensemble
de la diffusion
P 140
2.4 L’évolution des grilles de rotation des titres
P 143
3. Traitement des données de l’enquête
3.1 Les résultats du questionnaire réalisé auprès des groupes musicaux P 148
3.2 L’analyse du discours des diffuseurs
P 153
3.3 L’analyse du discours des industriels
P 159
3.4 Les critères de sélection d’un titre musical
P 165
4. Analyse des relations entre diffuseurs et industriels
4.1 L’industrie de la musique enregistrée, un fournisseur de
programmes
P 169
4.2 L’industrie radiophonique, une vitrine pour les œuvres musicales
P 171
4.3 Des relations complexes entre diffuseurs et industriels
P 174
4.4 Des rôles qui n’existent pas à l’état pur
P 176
- 10 -
TROISIEME PARTIE : UN RECOURS CROISSANT AUX TECHNIQUES DE
MARKETING
FACE
PROGRAMMATION
AU DEGRE
MUSICALE
D’INCERTITUDE
AU
SEIN
QUE
DE
REVET LA
L’INDUSTRIE
RADIOPHONIQUE.
1. Les enjeux de la programmation
1.1 La musique est un vecteur d’audience
P 179
1.2 La perception auditive au centre des enjeux de la programmation
musicale
P 184
1.3 L’importance de la recherche sur la diffusion musicale
P 190
1.4 Stratégie de différenciation et homogénéisation des programmes
P 198
2. La double injonction du métier de programmateur et ses répercutions
2.1 Cibler et rassembler
P 202
2.2 Un « two sided market » ou la « spirale de la diffusion »
P 206
2.3 Le renouvellement de l’offre et la concentration de la promotion
P 209
2.4 Un parallèle entre les logiques managériales et mimétiques
P 214
3. Quelques éléments de réflexion sur le mode de diffusion musical actuel
3.1 Les paradoxes du mode de diffusion musical actuel
P 220
3.2 L’impasse d’une politique de quotas
P 225
3.3 Vers une définition de la diversité musicale
P 228
3.4 Vers d’autres modèles de diffusion musicale déjà existants
P 230
4. Conclusion
4.1 Synthèse de cette étude
P 235
4.2 Limites de cette étude
P 238
4.3 Perspectives de recherches
P 240
BIBLIOGRAPHIE
P 241
ANNEXES
- 11 -
PREAMBULE
Le point de départ de cette étude s’inscrit dans la continuité d’une
activité de cinq ans au sein de radio Campus Grenoble qui fait partie du réseau
associatif Iastar. La fréquentation de festivals, la participation à l’organisation
de spectacles vivants et la réalisation d’émissions radiophoniques consacrées
à la scène locale et ensuite élargies à d’autres scènes nous ont permis
d’accéder à diverses interrogations concernant la diffusion des œuvres
musicales à la radio. Au cours de ces cinq années, nous avons observé la
richesse et la diversité de la production musicale dont nous n’imaginions pas
l’ampleur, n’ayant pas accès auparavant aux maquettes d’albums, aux sorties
confidentielles, à certaines scènes locales, nationales et internationales. C’est
avec surprise et étonnement qu’au cours d’interviews réalisées, nous avons
constaté la récurrence des témoignages de groupes musicaux sur les
questions de la diffusion musicale dans les médias et plus précisément sur le
média radiophonique.
Il existe de fortes inquiétudes chez les groupes musicaux,
concernant la diffusion des œuvres sur les réseaux radiophonique thématique
en France. Ces derniers considèrent les radios commerciales comme
fondamentales, en termes d’audience, pour faire connaître et vendre leurs
productions musicales mais ils les jugent trop sélectives. Certains groupes ont
même abandonné l’idée d’être promus sur ce type de station et concentrent
leurs efforts sur les prestations scéniques. Néanmoins, ces dernières, fondées
sur le bouche-à-oreille représentent un travail considérable, à long terme. Bien
souvent, l’investissement personnel et financier devient trop lourd, mettant un
terme à de nombreux projets musicaux. S’il est vrai qu’il existe parfois une
réelle volonté, notamment pour certains courants musicaux, de rester
« underground » afin de créer un sentiment d’appartenance à un milieu de
connaisseurs, ce n’est pas toujours le cas et bien souvent ceux qui ne sont pas
exposés sur les ondes, ne le sont pas par choix.
- 12 -
Certains objecteront à ces propos, qu’il existe en France, un tissu
de radios associatives dont le rôle est de promouvoir la diversité musicale et les
groupes
régionaux.
Il
est
également
d’usage
de
parler
de
« professionnalisation » de ces radios, dans certains milieux aujourd’hui.
Cependant, ces derniers oublient que ces antennes ne couvrent pas l’ensemble
du territoire français et possèdent des taux d’audience très limités. De plus,
quand bien même, les radios associatives mobilisent des efforts considérables
en faveur de la diversité musicale, il est illusoire de penser qu’elles aient les
moyens de toucher de fortes audiences. Tant au niveau de la « gestion des
ressources humaines », qu’aux niveaux technique, financier et aussi en termes
de communication, il est difficile de parler de « professionnalisation » des
radios associatives. La communication de ce type de stations reste aujourd’hui
un secteur marginal et méconnu du grand public. Il est vrai que nous pouvons
évoquer une évolution dans l’organisation de ces structures, dans leurs
démarches et leurs méthodes de travail. Cependant il faut être prudent, car ceci
reviendrait à dire que les radios associatives produisent des programmations
musicales, avec les mêmes moyens que les radios commerciales. Ce qui n’est
bien évidemment pas le cas et ce serait ignorer les modalités de
fonctionnement d’une association. Il existe également des stations comme
Radio Néo, Le Mouv’ et France Inter dont les slogans ou l’intitulé des rubriques
présentes sur leur site web respectif tels que « libérateur de talents »,
« Découvre toutes les nouvelles tendances, les espoirs de demain […] ou
encore « le service culturel de France inter propose une sélection musicale et
vous présente un album et son créateur […] qui vous donne envie d’en savoir
d’avantage » indiquent clairement une volonté de mise en avant des œuvres
musicales. Néanmoins, Radio Néo et le Mouv’ ne sont pas présentes sur
l’ensemble du territoire français et France Inter n’a pas vocation à exposer de la
musique puisqu’elle a un caractère de chaîne généraliste publique.
Il n’apparaît donc pas excessif de dire aujourd’hui, qu’il existe de
véritables interrogations concernant la diffusion des œuvres musicales et qu’il
n’y a pas réellement de structures radiophoniques spécialisées permettant la
- 13 -
mise en avant d’une expression musicale, représentative de l’ensemble des
acteurs sociaux en présence à destination d’audiences conséquentes. A cela
s’ajoute, la non-reconnaissance du secteur artistique, peu suivi par les pouvoirs
publics, qui livre bien souvent la création musicale au domaine de la sphère
privée. Cette situation peut-elle s’expliquer en partie par le statut des œuvres
musicales dans nos sociétés ? Une œuvre musicale en tant que telle ne produit
pas directement de la richesse, mais son utilisation quant à elle génère des
recettes importantes dans le secteur de la musique enregistrée. A l’inverse, les
budgets publics sont insuffisants pour soutenir la création musicale et sa
diffusion. De ce paradoxe, naît un sentiment d’injustice.
- 14 -
Introduction
INTRODUCTION
A ce jour, peu de critiques ou de questionnements concernant la
diffusion musicale à la radio sont discutés dans « l’espace public ». La radio
reste un média relativement délaissé par les débats d’actualité que ce soit dans
le domaine de la vulgarisation scientifique ou de la recherche française en
comparaison avec l’analyse de la presse écrite, du média télévisuel ou des
techniques de l’information et de la communication (Tic) par exemple. Bien qu’il
existe plusieurs études et des laboratoires spécialisés dans le domaine, les
chercheurs déplorent une littérature peu abondante concernant les évolutions
et les mutations en cours du milieu radiophonique. Il semblerait que cette
situation puisse s’expliquer en partie par l’ancienneté de ce média mais
également par une évolution relativement lente qui n’attire pas, a priori,
l’attention des citoyens. La recherche musicale, quant à elle, reste plutôt
confidentielle, comme si le caractère de l’expérience musicale était soustrait de
toute approche de type scientifique ou rationnelle pour les auditeurs mais
également pour des raisons concurrentielles. Les professionnels de la radio
préfèrent garder leurs « recettes » de programmation plutôt que d’en faire part
aux radios concurrentes. Mais encore, d’après le cognitiviste Stephen
McAdams, il n’y a rien d’étonnant à ce que l’analyse des sons ne soit pas très
répandue dans « l’espace public », puisque la perception auditive est difficile à
appréhender et ceci en raison des caractéristiques qui lui sont propres
(McAdams, 1993). Si la vue largement sollicitée par nos médias occidentaux,
favorise l’observation, la comparaison et la critique, notamment sur ce qui est
absent au niveau de l’offre médiatique, l’ouïe en revanche a plus de difficulté à
percevoir ceci. De la sorte, comme le souligne Claude Schryer, « on ne peut
connaître les sons comme on connaît les images. La vue analyse et reflète.
Voir, c’est placer les choses côte à côte et les comparer » (Schryer, 2007, p.9).
A l’inverse un son diffusé à la radio est évanescent pour la mémoire humaine et
c’est peut-être une des raisons pour laquelle nous avons tendance à négliger
les questions concernant la diffusion musicale dans les médias.
- 15 -
Introduction
Pourtant, bien que présente dans tous les pays occidentaux, la
spécificité de la radio réside dans sa capacité à se faire oublier. Cette dernière,
nous accompagne à travers le flot de ses mélodies plusieurs heures par jour ;
sans même que nous effleure l’idée qu’elle ne nous laisse pas tout entendre
puisque nous n’avons pas directement accès à l’ensemble de la production
discographique. Les responsables des programmations des radios musicales
françaises proposent certains titres sélectionnés et diffusés selon des critères
particuliers, propres au fonctionnement de l’industrie radiophonique et de
l’industrie de la musique enregistrée. Cette particularité semble résider, depuis
quelques années, dans la diffusion en boucle de quelques titres « phares » au
détriment de la diversité musicale mais aussi d’un accès pour tous les artistes
aux grandes antennes de la FM. Si ce fait n’est pas récent d’un point de vue
historique, ce qui mérite d’être souligné, c’est l’augmentation des grilles de
rotation des playlists et le resserrement de ces dernières. Quelques acteurs
sociaux, notamment les musiciens, le dénoncent aujourd’hui. La présence de
certains titres musicaux dans les playlists fluctuerait au gré des tendances que
proposent les programmateurs musicaux, mais également en fonction des
sondages d’audience que suivent de très près les professionnels de la radio. La
pression des enquêtes serait telle, d’après Gilles Seydoux, ancien directeur de
l’antenne de Chérie F.M. qui déclarait en 2003, que 0,3 point d’audience en
moins représenterait quinze millions de francs de chiffres d’affaires de publicité
perdu (Seydoux, 2003, in Epok n°37, pp.13-22). Chri stophe Sabot, Directeur
Général d’Europe2 rajoutait à la même époque, que « dans une logique
d’audience, nous sommes soumis à des sondages perpétuels, et quiconque
s’amuse à ne pas en tenir compte tue la radio. Une radio, elle prend, elle jette.
C’est clair. » (Sabot, 2003, in Epok n°37, pp.13-22 ). Alors que se pose nombre
de questionnements afin de préserver la diversité culturelle face aux lois du
marché et de la concurrence, il semblerait que la radio suggère insidieusement
un modèle culturel musical restreint et répétitif, avec relativement peu de
contestations et ceci avec d’autant plus d’efficacité qu’il est invisible. Cela
apparaît paradoxal avec le rôle traditionnellement attribué à la radio qui
- 16 -
Introduction
représente un vecteur primordial de vente de disques et d’accès des groupes
musicaux à leur public.
De plus, la place de la culture et des loisirs, l’omniprésence de la
musique dans notre quotidien, les parts de marché qu’elle représente mais
également les particularités de ce moyen d’expression intéressent nombre de
chercheurs, d’industriels et d’auteurs-compositeurs. C’est ce qu’illustre
l’analyse d’un spécialiste, qui à partir de l’étude de l’œuvre musicale du
compositeur de musique de film Joe Hisaishi, explique selon lui, le caractère
universel de l’expression musicale en comparaison avec l’expression par
l’image : « […] la perception visuelle d’une œuvre reste soumise à la culture,
aux idéaux et à l’identité de chacun. […] Il s’agit de perception qu’une personne
possède selon ses propres critères de beauté ; un peu comme le mot « beau »
qui n’a de valeur que pour une personne comprenant le français » (Yaku, in
Analyse de l’œuvre musicale de Hisaishi, www.joehisaishi.net, consulté le
16/05/2005). Alors que « la musique n’a pas d’autre prétention que d’être la
seule forme artistique universelle à bien des égards. Le mot « beau » prend
alors un sens particulier, un sens impossible à décrire. C’est le beau universel,
le « beau » que l’on peut partager sans incompréhension avec autrui et ce,
sans utiliser un mot » (Ibid).
Si cette conception de la musique comme outil de communication
capable de transcender les barrières culturelles n’a pas été prouvée et reste
fortement critiquée par certains auteurs-compositeurs, elle témoigne cependant
de la dimension expressive de la musique qui s’adresse à la fois à nos sens et
notre imaginaire. En effet, tout individu dont le système auditif est opérant
perçoit la musique avant de l’analyser et de la décomposer. Il n’est d’ailleurs
pas nécessaire pour lui de savoir déchiffrer le solfège afin d’apprécier une
production sonore. Aussi en termes de communication, nous connaissons tous
l’adage qui consiste à dire qu’« une image vaut milles mots », mais nous
pourrions rajouter que la musique vaut milles mots et milles images tant son
- 17 -
Introduction
impact est direct sur l’imaginaire et l’appareil réceptif humain. Bien souvent
d’ailleurs, c’est la musique qui accompagne les images et rajoute une charge
émotionnelle considérable dans les productions cinématographiques ou les
clips publicitaires par exemple. Cependant, si nous n’avons pas besoin de
connaissances pré requises pour qu’une production musicale suscite en nous
des émotions, en revanche, le sens que nous attribuons aux sons reste soumis
à la culture à laquelle nous appartenons. C’est ce que confirme François
Delalande, responsable des recherches théoriques en sciences de la musique
au Groupe de Recherches Musicales, pour qui il en est de la musique comme
des langues, puisque : « nous ne comprenons pas davantage la musique des
japonais que leur langue. Le spectateur occidental ne retient qu'une impression
d'exotisme là ou le japonais cultivé apprécie une inflexion originale à une
interprétation banale. Réciproquement, n'importe quelle fausse note dans une
sonate de Mozart, qui ferait sursauter les auditeurs occidentaux, passe
complètement inaperçue d'oreilles orientales. C'est que, depuis le berceau, à
travers les chansons ou les disques, nous avons progressivement assimilé tout
un ensemble de conventions […]. Les grandes civilisations musicales de l'Asie
ont également leurs codes, différents entre eux, différents du nôtre mais tout
aussi conventionnels. Comme les langues, les musiques s'apprennent. »
(Delalande F., 1976, pp.24-30).
Dès lors, compte tenu de la libre circulation de la musique en
Europe et dans le monde, les questions concernant le respect d’une diversité
d’expression musicale peuvent se poser concernant la diffusion radiophonique
aujourd’hui. Car s’il apparaît difficile d’observer une progressive réduction de la
diversité musicale à la radio, ne reviendrait-il pas aux responsables des
programmations, des musiciens ou des chercheurs de s’interroger à ce sujet ?
Mais également face aux multiples modalités d’accès à la musique sur le Net,
comment la radio pourrait-elle pérenniser un modèle de diffusion ancien, déjà
critiqué dans les années 1990 et ne pas s’adapter aux évolutions en cours ?
L’objectif de cette étude est de saisir le mode de fonctionnement de l’industrie
- 18 -
Introduction
radiophonique, de comprendre l’évolution de ce média, ses modalités de
fonctionnement, les relations qu’il entretient avec l’industrie de la musique
enregistrée, la logique de programmation d’un titre musical et s’il y a
effectivement une diminution de la diversité musicale sur les ondes. Le média
radiophonique nous apparaît de ce point de vue comme un élément central au
sein de la filière musicale et comprendre sa position, c’est essayer de mettre en
lumière les éventuelles possibilités de donner accès à une culture musicale
conséquente et accessible.
- 19 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
PREMIERE PARTIE : POUR UNE ANALYSE DES PROGRAMMATIONS
MUSICALES DES RADIOS ANALOGIQUES FRANCAISES NRJ, FUN
RADIO, SKYROCK, VIRGIN RADIO ET RTL2.
Il s’agit dans cette première partie, de poser les éléments
historiques,
contextuels
et
théoriques
que
nous
considérons
comme
nécessaires à la compréhension et à l’analyse de l’espace radiophonique
français contemporain. L’aperçu historique de la formation des réseaux
radiophoniques NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2, des
obligations en matière de radiodiffusion, des réflexions concernant la
préservation de la diversité culturelle mais également des courants théoriques
fondateurs sont nécessaires dans un premier temps. Ces éléments de cadrage
vont nous permettre par la suite de mettre en perspective l’analyse des
programmations musicales des radios commerciales françaises NRJ, Fun
Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. En définitive, cette première partie
s’attache à définir les questions clés sur lesquelles sont fondées notre
recherche et les questionnements que font naître les évolutions en cours de
l’espace radiophonique.
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
1. Quelques éléments de cadrage historique.
1.1 Le contexte de développement des radios privées.
Il est important de noter qu’à ses origines, le développement de la
radiodiffusion s’est fait grâce à la recherche et aux financements à la fois privés
et publiques. Les radios dont le financement est public sont les premières à
développer une programmation cohérente pour des raisons d’ordre stratégique
et militaire (première guerre mondiale). Elles sont ensuite utilisées comme outil
de propagande pendant la seconde guerre mondiale et constituent encore, bien
après la guerre, un vecteur de communication au service de l’Etat (Prot, 1998,
p.6). A la fin des années 1970, de nombreuses radios associatives ou
communautaires voient le jour en France. Ces dernières sont à l’initiative de
personnes bénévoles qui choisissent d’émettre sans autorisation, sur la bande
FM inoccupée, depuis des émetteurs privés installés sur les toits des
immeubles. Les bénévoles confectionnent une programmation musicale qui
provient de leur discothèque personnelle mais également des artistes euxmêmes ou des groupes d’édition musicale qui leur envoient les titres pour en
assurer la promotion. Dès lors, ce mode de diffusion rencontre une audience
jeune, en quête d’une culture alternative qui n’est pas proposée par les radios
officielles publiques.
L’arrivée de ces stations indépendantes se révèle donc être, à la
fin des années 1970, un mode de diffusion qui correspond à une attente, peutêtre celle d’une radio de proximité dont les discours apparaissent moins
institutionnels que ceux des radios publiques. Néanmoins, ces « radios
pirates » sont strictement interdites par la loi française et les autorités des
années 1970 s’engagent dans la poursuite et la confiscation de matériels, avec
d’autant plus de fermeté que ces radios diffusent de la musique sans payer de
droits. Des lycéens et des étudiants, qui avaient pris des habitudes d’écoute y
voient une forme de censure. Ils protestent avec l’appui des forces politiques de
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
gauche qui, à l’approche des élections présidentielles de 1981, utilisent
indirectement le biais de ces radios pour se faire entendre et dénoncer le
manque de pluralité et de neutralité sur la radio et la télévision publiques. Le
candidat socialiste François Mitterrand inscrit alors, dans les cent-dix
propositions de sa campagne présidentielle, la promesse de légaliser les
« radios libres » en France.
Dès son arrivée au pouvoir, en 1981, ces dernières sont tolérées,
en attendant la définition de leur statut. Désormais, tout individu qui souhaite
partager ses goûts musicaux peut créer une radio et proposer sa propre
programmation. Le 29 juillet 1982, Georges Fillioud, ministre du gouvernement
Mauroy, proclame « la communication audiovisuelle libre ». Aussitôt, les
« radios libres » changent de nom et deviennent des « radios locales privées ».
Le monopole d’Etat est en partie défait avec la création de l’instance de
contrôle de l’audiovisuel, la Haute Autorité. L’Etat délègue ainsi, le pouvoir de
gérer les attributions de fréquences et de veiller au respect des engagements
des radios locales.
A partir de cette date, le milieu radiophonique est bouleversé, la
bande FM fait l’objet de toutes les convoitises, tant du point de vue des
particuliers qui souhaitent réaliser un projet radiophonique que de celui des
groupes commerciaux. Un grand nombre de fréquences est attribué malgré la
taille limitée de la bande FM qui s’arrête à 104 Méga Hertz. Nous assistons
alors à une situation paradoxale, avec une offre bien trop large, comprenant
une multitude de radios privées, cherchant une audience, par rapport à une
demande qui n’aime pas être bousculée dans ses habitudes d’écoute et reste
focalisée sur les stations de Radio France (Prot, 1998, p.16). La Haute Autorité
de l’Audiovisuel propose sans concertation des regroupements de stations par
thèmes surtout à Paris en raison du grand nombre de stations. Les désirs des
radios et des auditeurs ne sont alors pas pris en compte. De plus, malgré un
manque de ressources pour financer les radios ou payer des formations
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
techniques, artistiques et journalistiques, le ministre de la communication,
George Fillioud, continue à accorder plus d’autorisations que de fréquences
disponibles.
C’est ainsi qu’en l’absence d’un véritable plan de répartition de
fréquences, les différents projets d’exploitation de la FM finissent par causer
des nuisances entre radios. Entre les stations qui disposent d’un émetteur de
mauvaise qualité et celles qui cherchent à en augmenter la puissance, la bande
FM devient une véritable cacophonie. Le gouvernement décide de mettre de
l’ordre afin de remédier à la situation qui se dégrade de jours en jours. George
Fillioud prend les devants et demande aux fédérations d’imposer à leurs
adhérents une puissance faible, l’absence de toute publicité et de ne pas
constituer de réseaux. En limitant la puissance des émetteurs, le gouvernement
réduit le nombre potentiel d’auditeurs et empêche de la sorte le développement
des radios commerciales. Le premier ministre Pierre Mauroy déclare d’ailleurs
à ce sujet, pour faire comprendre les intentions du gouvernement en matière de
politique radiophonique : « On ne veut pas de radio fric ! » (Mauroy, 1982,
Chambre des députés). Ces mesures résultent d’une volonté de maintenir
certaines règles en matière de radiodiffusion mais surtout parce que les
directeurs des grandes entreprises de presse sont consultés au moment de
l’élaboration de la loi de 1982 et qu’ils sont réticents au développement de la
publicité sur les radios qui deviennent potentiellement des concurrentes de plus
en plus nombreuses.
La publicité est donc clairement interdite par la loi et provoque de
nombreuses interrogations quant aux financements de la radiodiffusion. La
plupart des radios ne rémunèrent pas les individus qui travaillent en leur sein et
même celles qui tendent à se professionnaliser manquent de moyens.
Certaines sont subventionnées par des collectivités locales, des industriels, des
groupes de presse. D’autres pratiquent le parrainage d’émissions, des jeux,
proposent des concerts de soutien, ou encore font payer une carte d’adhésion
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
à leurs bénévoles mais ces ressources ne sont pas suffisantes pour assurer les
frais de formation et de programmation. Quelques stations contournent alors
cette interdiction en faisant de la publicité clandestine. Ces dernières jouent sur
l’ambiguïté de la loi française qui interdit mais ne définie pas précisément le
terme de publicité. Les fédérations de radios se battent pour la reconnaissance
de la publicité, en demandant sa légalisation.
C’est dans l’urgence, en 1984, que le gouvernement en place
propose le vote d’une loi autorisant la publicité sur les radios locales privées.
Ces dernières ont alors le choix entre garder un statut associatif et obtenir des
subventions ou bien devenir des entreprises privées vivant de la publicité. A la
suite d’une demande grandissante d’attribution de fréquence, la Haute Autorité
établit un cahier des charges, dont l’objectif est de garantir une programmation
de qualité et une pluralité des contenus. Les stations commerciales doivent
respecter d’une part les normes techniques afin de permettre l’interopérabilité
des récepteurs, la stabilité des fréquences autorisées, les zones de couverture
et la puissance de l’émetteur qui sont délimitées afin d’éviter les brouillages
entre radios, et d’autre part les droits d’auteur, les règles d’une concurrence
équitable, ainsi que la protection légale des licences autorisées.
Face
à
l’évolution
du
milieu
radiophonique,
le
nouveau
gouvernement, issu de l’alternance, s’adapte et rédige une loi dans le
prolongement de celle de 1984. Le 30 septembre 1986, la loi Léotard, défait le
principe de monopole d’Etat et reconnaît la publicité comme nécessaire à la vie
d’une radio non subventionnée. Les réseaux sont autorisés mais dans une
certaine limite. Il est alors possible pour un groupe de cumuler un réseau
national et des autorisations locales, du moment que le nombre d’auditeurs
potentiels ne dépasse pas les trente millions. La Haute Autorité, jugée inapte à
gérer les attributions de fréquence et accusée d’avoir favorisé les radios de
sensibilités de gauche, est remplacée par la Commission Nationale de la
Communication et des Libertés (C.N.C.L). Cette dernière est chargée de faire
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
appliquer les nouvelles lois. Elle délivre, tout comme le faisait la Haute Autorité,
les autorisations d’émettre, et veille à l’application du cahier des charges pour
toute candidature à une fréquence.
A la suite de la loi Léotard, les autorisations d'émettre sont
redistribuées et des renouvellements de fréquences se font à Paris et dans
certaines régions. L’avènement de la publicité et l’autorisation de former des
réseaux entraînent une logique de compétition entre les radios qui cherchent à
se distinguer les unes des autres afin d’attirer une audience conséquente et
obtenir les budgets des annonceurs. De nombreuses stations indépendantes
disparaissent, laissant place aux autres radios qui s’inscrivent progressivement
dans une logique commerciale. En conséquence, les radios locales privées qui
ne peuvent plus subvenir à leurs besoins périssent. Celles qui choisissent de
rester et dont les problèmes budgétaires persistent n’ont pas d’autre choix que
d’accepter l’aide financière des radios commerciales. En échange la radio
change de nom, établit sa programmation en fonction d'une liste donnée par la
tête de réseau, et rediffuse à certains horaires le programme national. Comme
le souligne Robert Prot « c’est une autre forme de mort : l’antenne reste, mais
la radio locale diffuse un programme parisien, avec des annonces parisiennes,
des choix musicaux parisiens et des publicités parisiennes. » (Prot, 1998, p.18).
Ce dernier observe également que le contexte politique national et international
n’est pas en la faveur des petites radios commerciales. Nous assistons à une
véritable « ignorance de la part des élus locaux » qui ne se préoccupent pas de
l’avenir de ces radios et la Guerre du Golfe frappe durement les budgets des
annonceurs. Ces deux facteurs entérinent la situation difficile des petites radios
commerciales (Ibid., p.18).
A leur début, les radios privées proposent une programmation
alternative, face à un modèle de radiodiffusion public qui reste sous le
monopole de l’Etat à la fin de la guerre. Progressivement ce dernier est défait,
mais le gouvernement de l’époque tient à maintenir ces radios en dehors des
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
logiques commerciales. La publicité, considérée « comme symbole de la
société
de
consommation »
est
clairement
prohibée
des
antennes
radiophoniques (Cheval J-J, 2004, Invention et réinvention de la publicité de la
radio, de l’entre –deux-guerres aux années 1980, www.cairn.info, p.7). En
contrepartie, l’Etat propose des subventions mais ces dernières restent
modestes. Paradoxalement, seules les radios commerciales montrent leurs
capacités à pérenniser leurs activités dans le temps. Les autres radios
disparaissent peu à peu. Ainsi la volonté d’un espace radiophonique alternatif,
qui est à l’origine des radios indépendantes, n’est pas soutenue par une
politique cohérente et n’a donc pu résister au temps. A vouloir maintenir les
radios locales privées en dehors des lois du marché et refuser le financement
et une organisation structurée de l’espace radiophonique, les gouvernements
successifs ont participé à l’état de concentration dans lequel se trouve l’espace
radiophonique actuel. Les seules radios qui ont survécu sont celles qui ont su
contourner la loi interdisant la publicité. C’est ainsi, que de simples stations
locales au début de leur existence, certaines radios musicales s’étendent
progressivement, pour acquérir une dimension régionale, tandis que d’autres
acquièrent une dimension nationale.
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
1.2 La naissance des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin et RTL2.
La radio NRJ est créée en 1981, par Jean-Paul Baudecroux et
Max Guazzini, avec comme objectif de s’adresser à une audience jeune (d’où
la dénomination de Nouvelle Radio des Jeunes). Elle se situe, au départ, dans
un petit studio parisien et quelques bénévoles travaillent en son sein. La station
a encore un statut associatif lorsqu’elle commence à diffuser de la publicité
clandestine. Dès lors, les bénévoles constatent qu’il est possible de gagner de
l’argent provenant de la publicité et ils réclament un salaire. Une journée de
grève est organisée et de nombreux messages sont diffusés à l’antenne afin de
faire entendre les revendications des animateurs qui souhaitent bénéficier d’un
statut de salarié. En 1984, la publicité est légale et NRJ devient une entreprise
commerciale. La même année, la Haute Autorité suspend l’antenne de NRJ,
ainsi que celle de six autres stations, car ces dernières ne respectent pas la
limitation de puissance d’émission. La direction NRJ organise, en partenariat
avec une agence de publicité et des personnalités appartenant au monde du
show-biz, une manifestation en appelant les auditeurs à descendre dans la rue.
De nombreuses personnes s’associent à la manifestation, contraignant la
Haute Autorité à annuler sa sanction. En quelques années l’antenne se
transforme, passant du statut de radio locale à celui de radio nationale. Dès le
début NRJ s’intéresse au son et la programmation musicale de son antenne.
Nous assistons ainsi à l’émergence des « coloristes d’antenne », qui
s’occupent de l’habillage de l’antenne, des jingles, des spots publicitaires,
pendant que d’autres personnes travaillent les slogans. C’est à partir de cette
époque qu’apparaissent les premiers slogans anglo-saxons « NRJ i can Get
around », « NRJ makes you feel good » qui deviennent le symbole d’une radio
jeune et branchée. En 1985, NRJ augmente considérablement son audience
sur Paris et commence à ouvrir des stations en province. Avec l’arrivée de la
diffusion satellite en 1986, les radios provinciales conservent quelques heures
de programmes locaux et deviennent les relais du siège parisien. La direction
parisienne de la radio souhaite acquérir une ligne éditoriale homogène et
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
commune pour l’ensemble du réseau. Des programmateurs et animateurs sont
envoyés dans les radios locales provinciales et participent à l’élaboration d’une
programmation musicale plus cohérente calquée sur le modèle parisien. Les
titres musicaux diffusés à l’antenne sont étudiés et testés auprès d’un
échantillon d’auditeurs. Selon l’opinion de ces derniers, les disques restent ou
disparaissent
de
la
programmation.
Parallèlement,
NRJ
connaît
un
accroissement de son audience, dû au développement de son réseau et de ses
méthodes de communication. En 1991 NRJ entre en bourse. En 1995, la radio
déménage dans de nouveaux locaux plus vastes et c’est l’occasion de
renouveler l’équipement technique. Les anciens lecteurs disparaissent, laissant
place à la diffusion sur disque dur avec le système français audio Follow et les
ensembles Pro Tools/SSL pour l’édition et la production. Un câblage
compatible avec l’analogique et le numérique est également mis en place.
Parallèlement aux évolutions techniques, des mesures de gestion du personnel
sont proposées, l’objectif étant de dynamiser la programmation musicale. Afin
de libérer les animateurs des contraintes techniques et de créer un meilleur
enchaînement entre les disques et l’animation, des techniciens sont chargés
des éléments sonores. Aujourd’hui, l’ensemble des sources sonores de la radio
(lecteur CD, MiniDisc, et disque dur pour les rubriques, les jingles, les promos
et les publicités) est numérique et un système de décrochage permet d’envoyer
les programmes parisiens par satellite, qui après décodage fait basculer la
modulation sur le studio local. Le réseau NRJ est également équipé de micro
de qualité qui atténuent les sons aigus (pour un confort d’écoute) et ne captent
pas les bruits parasites. La programmation musicale, quant à elle, est assistée
par le logiciel Selector. Le programmateur entre au préalable les titres
musicaux à diffuser dans le logiciel qui en assure, automatiquement, les
rotations ou les horaires de passage. NRJ a aujourd’hui une dimension
européenne de par sa présence en Belgique, Suisse, Autriche, Allemagne,
Danemark, Finlande, Suède et Norvège. Toutefois, les programmations
musicales étrangères sont adaptées aux goûts musicaux du pays d’après des
études de sondages. Par exemple, la station NRJ diffuse une programmation
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
beaucoup plus rock à Berlin qu’en France. La station ne diffuse pas de jazz et
de classique et à l’image du slogan « Hit music only », elle ne diffuse que des
« tubes », ce qui fait de cette radio, l’emblème de la musique commerciale pour
certains.
C’est dans un contexte un peu particulier que naquit Fun Radio en
1985. Six stations de province, Nancy, Montpellier, Bordeaux, Carcassonne,
Toulouse, et Grenoble franchisées NRJ, quittent le réseau pour créer celui de
Fun Radio. Des tracts sont distribués, à la veille de ce changement, pour
annoncer la naissance de l’antenne dans les villes où ces dernières sont
implantées. Cette initiative dirigée par Eric Péchadre et Pierre Latès, deux
cadres de NRJ, ainsi que Jean-Baptiste Blachemain, directeur de NRJ
Montpellier, est préparé dans le plus grand secret. La direction parisienne de
NRJ est surprise par la nouvelle et prend conscience qu’il lui faut protéger son
réseau dont elle assurera la fidélité en créant une ligne éditoriale commune par
la suite. En 1987, le groupe Hersant rachète Fun Radio, qu’il fusionne avec le
réseau Chic FM. Cette fusion donne une implantation nationale à l’antenne. En
1989, Robert Hersant nomme à la direction générale Benoît Sillard, après le
départ de l'un des fondateurs de la station. Le nouveau directeur général en
place choisit de relancer la radio qui rencontre des problèmes d’audience. Il
propose un plan social, puis développe Fun Radio à l’étranger (en Roumanie,
Slovaquie et en Belgique.) En 1993, RTL Group entre dans le capital de la
station. En 1994, il manque à l’antenne un signe distinctif en termes de
programmation, mais en embauchant l’animateur Arthur puis avec la création
de l’émission « Lovin’Fun » calqué sur le modèle d’émissions américaines
« Love Line », Fun Radio se démarque. Le public découvre un nouveau type
d’animation, avec de la musique, des jeux mais également des émissions de
libre antenne sur la sexualité destinées aux adolescents et jeunes adultes.
Malgré le mécontentement du CSA et la polémique autour de ce type
d’émissions dont les propos sont jugés parfois vulgaires, la station est soutenue
par les auditeurs et son audience augmente. En 1996, nous assistons
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
progressivement à l’érosion de l’audience des émissions de libre antenne et,
afin de stabiliser cette dernière, Fun Radio réoriente sa programmation
musicale avec « le meilleur Mix », une programmation qui mélange du rock, du
rap, de la techno, et de la dance. En 1997, Fun Radio lance une chaîne de
télévision « Fun TV » sur le câble et le satellite avec un concept de radio filmée
mais l’idée est abandonnée un an plus tard. Le 3 Novembre 1997, Benoit
Sillard quitte Fun Radio et est remplacé par Axel Duroux, alors PDG de RTL2.
Les différents services de Fun Radio (technique, commercial et programmation)
sont mutualisés avec ceux de RTL2 et une bonne partie des salariés est
licenciée. Le logo de la station change ainsi que sa programmation musicale
qui devient rock et techno. En 1999, le logo de la radio change à nouveau et la
station déménage pour s’installer dans les locaux de RTL. Le format musical
devient alors « groove’n’dance’» et l’audience finit par se stabiliser. En 2002,
l’éventail musical de Fun Radio s’agrandit, elle passe au « hit et du fun » et à
« dance et r’n’b » en 2004 et depuis 2005 le slogan de la radio est « soul et
dance ». Le réseau Fun Radio affronte les problèmes financiers, les
changements de directions et la succession de nombreux animateurs.
L’antenne, qui n’avait pas réellement de ligne éditoriale à ses débuts, modifie
sa programmation en essayant de suivre les goûts des auditeurs au plus près.
Néanmoins, ces derniers n’ayant pas de repères face à des programmes sans
cesse en évolution ne sont pas toujours fidèles et la radio met un certain temps
à stabiliser son audience.
Skyrock est créé en 1986 par Pierre Bellanger, Frank Ténot et
Daniel Filipacchi. Le réseau se développe rapidement en France, avec la
première station franchisée à Grenoble qui sera suivie, ensuite, par d’autres
antennes régionales. En 1987, le réseau Skyrock est présent à Grenoble, Lyon,
Nancy, Strasbourg et Béziers. Ce dernier diffuse, comme les autres réseaux
thématiques privés français, une partie de sa programmation produite en locale
et une autre réalisée au niveau national. Le format musical initial est défini
comme « pop, rock et contemporain » et très vite, la station cherche à se
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
distinguer de ses concurrentes en adoptant un habillage d’antenne décalé, dont
certaines bandes annonces sont écrites par Pierre Bellanger lui-même. A partir
de 1990, la radio inaugure un programme du matin intitulé « Les Zigotos » et
diffuse des émissions de libre antenne. Ce type d’émission qui articule musique
et animation fédère une certaine audience qui progresse régulièrement. En
1996, dix ans après sa création, la programmation de Skyrock évolue pour faire
face à une audience dont les goûts musicaux changent. Elle adopte ainsi les
musiques urbaines telles que le rap, le r’n’b qui sont des genres musicaux
encore peu diffusés par les autres radios de la FM. Parallèlement, le PDG de
Skyrock, qui s’intéresse aux moyens de communication des pays étrangers,
crée « Skyblog.com ». Ce site Internet fait connaître et décoller les blogs en
France et constitue un autre moyen de découverte musicale. Le principe
permet à un artiste, non signé par une maison de disques, de se faire connaître
sur le Net et certains bénéficient d’une progression des ventes d’albums par ce
biais. C’est également un outil de plus pour affiner la programmation musicale
de Skyrock qui peut observer le nombre de visites des internautes et
programmer les titres les plus écoutés via ces sites. « Skyblog » est aujourd’hui
une filiale de Skyrock et elle est également leader sur le marché du blog en
France et en Europe. Le réseau Skyrock s’est développé au fil du temps et il
atteint aujourd’hui une envergure raisonnable.
Au départ, Europe2 correspond à un projet, proposé par Patrick
Fillioud et Marc Garcia, qui travaillent au sein du groupe Europe1. Ils souhaitent
accéder au marché publicitaire radiophonique qui prend véritablement son
essor en 1986 en France. La publicité est en pleine expansion durant cette
période et un des meilleurs moyens pour attirer les annonceurs, consiste à
intégrer le marché des radios musicales. Néanmoins, Europe2 n’a pas le statut
de radio puisqu’elle ne possède pas encore de fréquence sur la bande FM. Ce
sont plusieurs accords passés auprès de divers opérateurs qui vont permettre à
cette radio d’accéder à une fréquence. Europe2 commence par assurer la
fonction de fournisseur de programme auprès de plusieurs stations parisiennes.
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
Ainsi, l’antenne Top 101 héberge la programmation d’Europe2 durant un
certain temps, puis ce sera au tour de Hit FM. Lorsque le groupe Europe1
rachète la station Hit FM nous assistons au véritable lancement national
d’Europe2. Cette dernière qui possède désormais sa propre fréquence oriente
progressivement sa programmation vers une cible jeune. En 1998, le slogan de
la radio s’intitule « gravement groove », pour devenir « le meilleur de la pop »
en 2001, et « un Maxx’ de tubes » en 2002. En 2004, la station appartient
entièrement au groupe Lagardère Active. En 2005, le groupe Lagardère, lance
la chaîne « Europe2 TV » sur la Télévision Numérique Terrestre et sur le
satellite.
Le
réseau
radiophonique
Europe2
modifie
à
nouveau
sa
programmation qui devient « que du rock, que de la pop » et se stabilise enfin à
partir de 2006. En 2007, Lagardère Active dépose une demande auprès du
CSA pour renommer Europe2 en « Virgin Radio ». Cette demande est
acceptée par l'instance de régulation le 17 juillet 2007. La radio Europe2 se
dénomme donc vers la fin de l’année 2007, « Virgin Radio » et la chaîne de
télévision du même groupe, devient « Virgin 17 ». L'autorisation d’émettre est
accordée sous certaines conditions. Les logos de la radio et de la chaîne ne
doivent pas être confondus avec ceux de produits ou de services qui intègrent
la marque Virgin et il est également interdit de mentionner ou faire la publicité
des produits Virgin sur les antennes.
En 1989 la radio Maxximum est crée. En 1992, elle fusionne avec
le réseau Metropolys pour donner naissance à M40. En 1995, le groupe RTL
prend le contrôle de l’antenne M40. Il est décidé de transformer ce réseau en
radio à destination des « jeunes adultes » puisque le groupe possède déjà une
antenne à destination des « jeunes » avec Fun Radio. Ce projet s'accompagne
du changement de nom de la radio, ainsi que de sa programmation. Sans
demander l'autorisation au CSA, RTL transforme M40 en RTL1. Le CSA
ordonne de respecter le cahier des charges et de reprendre la programmation,
ainsi que le nom initial M40, sous peine de retirer l’autorisation d'émettre.
Durant
plusieurs
semaines,
les
émetteurs
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vont
alors
diffuser
une
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
programmation non identifiée, où le nom M40 est rarement prononcé à
l’antenne. Ceci dure le temps de trouver un accord avec le CSA et Europe1 qui
considère que le nom de RTL1 est trop proche du sien. Finalement, c'est sous
le nom de RTL2 que la station repart. A ses débuts, l’antenne diffuse
uniquement de la musique. Elle abandonne le format hit, techno, et dance afin
de cibler une audience plus large et propose à la place une programmation
« soft rock ». Elle diffuse ainsi principalement des golds des années 1980, mais
aussi quelques titres plus récents et des nouveautés. Ceci permettant à la radio
de rassembler plusieurs générations qui se retrouvent dans les morceaux
diffusés à l'antenne. En 2001 elle recentre sa programmation sur un son poprock, avec davantage de titres récents. RTL2 se veut une radio grand public
diffusant des hits actuels dont le slogan indique "le son pop-rock". Depuis
octobre 2006, RTL2 reprend son ancien slogan " RTL2, ce n'est pas de la
radio, c'est de la musique" qui avait été abandonné en avril 2000.
L’introduction de la publicité en 1984, puis l’assouplissement des
règles autorisant la propriété multiple permet aux entreprises la multiplication
des acquisitions et modifie durablement l’espace radiophonique français. Pour
survivre financièrement, de nombreuses radios fusionnent leurs activités ou
sont rachetées par celles qui disposent d’une régie publicitaire plus puissante
offrant la couverture médiatique requise pour les annonceurs. Les radios qui
opèrent un mouvement d’affiliation à un réseau souhaitent maintenir un certain
équilibre financier et augmenter la rentabilité de la station. L’affiliation confère
une diminution des charges salariales et des efforts de promotion, la disposition
d’une structure plus souple afin de faire face à des imprévus et émettre sans
interruption. Cependant, en contrepartie les fournisseurs de programmes
demandent de plus en plus à ce que les radios franchisées diffusent la totalité
des programmes satellite, prenant de la sorte le pas sur les programmes
locaux. Les mouvements de fusions ou d’acquisitions inscrivent dès lors les
grands réseaux radiophoniques dans une recherche d’exclusion de la
concurrence, en diminuant le nombre d’intervenants et permettant l’acquisition
- 33 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
d’un pouvoir de monopole. Les grandes stations de radios les plus écoutées
deviennent la propriété de puissants groupes de communication capables de
vendre leurs programmes au plus grand nombre de stations locales. Quelques
groupes interviennent sur plusieurs médias simultanément, souvent avec une
dimension internationale, c’est le cas aujourd’hui de : NRJ Group (qui
comprend les stations NRJ, Chérie FM, Nostalgie, Rire et Chansons) ; le
groupe Lagardère Active (avec Europe1, Europe1 Sport, Virgin Radio, RFM et
Lagardère Active Radio International) ; le groupe RTL (dont RTL, RTL2, Fun
Radio et RTL-L’équipe) et Skyrock.
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
1.3 Les principales étapes de la régulation proposées par le CSA.
En 1989, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel remplace la Haute
Autorité et la fonction d’attribution des autorisations au service de radiodiffusion
sonore lui revient. Le Conseil s’inscrit dès lors dans une volonté de
transparence et travaille sur les principes qui guident sa politique d’attribution
des fréquences. L’objectif est de construire un espace radiophonique qui soit
viable à long terme au niveau économique et qui réponde aux attentes du plus
grand nombre. Les règles d’encadrement des programmes radiophoniques et
des critères d’attributions de fréquences évoluent. Les candidats doivent suivre
la procédure d’autorisation, de conventionnement, de déclaration et les
obligations de contenus qui s’appliquent aux radios. Plusieurs mécanismes de
contrôle permettent à l’instance de régulation de veiller au respect des
engagements conventionnels pris par chaque opérateur. Ainsi, différentes
dates clés rythment la vie politique du CSA.
La loi du 1er février 1994 rehausse le seuil de concentration afin
de permettre à un même opérateur de desservir un auditoire potentiel
beaucoup plus large. Cette même loi simplifie la procédure de reconduction des
autorisations pour les radios. Les autorisations sont reconductibles par le CSA,
hors appel à candidatures, pour une durée de deux fois cinq ans. Par ailleurs,
malgré un contexte plutôt controversé, la loi de 1994 instaure des obligations
en matière de diffusion musicale. La présence d’œuvres françaises tend à
disparaître des ondes au profit des productions musicales anglo-saxonnes. A la
suite de diverses revendications provenant des institutions culturelles et des
milieux créatifs, le Conseil propose l’introduction d’un quota de chansons
d’expression française. Au départ, les diffuseurs sont réticents et craignent une
baisse significative de leur audience. Au final, cette mesure n’a pas amoindri
l’attractivité des programmations musicales des réseaux concernés et bien que
la loi soit aisément contournée, elle aura au moins permis de maintenir un
minimum d’œuvres francophones dans les playlists aujourd’hui.
- 35 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
Depuis la loi du 1er août 2000, le Conseil doit veiller à distribuer
de façon équitable les fréquences et maintenir un certain équilibre entre les
radios associatives et les réseaux. En 2005, 3 626 fréquences sont réparties
entre 959 opérateurs, soit 896 radios associatives, 162 radios commerciales
indépendantes, 228 radios commerciales affiliées à un réseau et 3 radios
généralistes (Les brochures du CSA, juin 2007, Créer une radio en France
éléments d’information, www.csa.fr, consulté le 19/09/2007, p.13). Malgré un
nombre relativement conséquent d’attribution de fréquences par rapport aux
autres pays européens, la rareté des fréquences hertziennes terrestres
nécessite de procéder à des appels à candidatures qui s’adressent à des
catégories de radios prédéfinies.
Dans le communiqué 34, du 29 août 1989 (Ibid.,p.13), le Conseil
Supérieur de l’Audiovisuel énonce les principes d’attribution de fréquences qui
s’appuient sur la définition de cinq catégories de services radiophoniques selon
leur caractère commercial ou non commercial, local ou non local, généraliste
ou thématique, indépendant ou affilié. C’est sur la base de ce texte que le
Conseil planifie les fréquences et modèle le milieu radiophonique aujourd’hui.
Avec l’aide des Comités Techniques Radiophoniques (CTR) implantés en
région et en outre-mer, sur l’ensemble du territoire français le Conseil procède
à des appels aux candidatures sur des zones géographiques déterminées. Les
CTR sont au nombre de seize et ont pour mission d’instruire les demandes
d’autorisation et de contrôler le respect par les opérateurs de leurs obligations.
Il est à noter que le CSA et les CTR n’ont pas pouvoir d’imposer des projets
éditoriaux comme aux Etats-Unis par exemple. Les candidats soumettent leur
volonté éditoriale qui est acceptée ou refusée selon la définition des catégories
de radios suivantes :
« Les radios de catégorie A, ou services associatifs éligibles au
fonds de soutien, ont pour vocation d'être des radios de proximité,
communautaires, culturelles ou scolaires. Leur programme est d'intérêt local et
- 36 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
doit représenter une durée quotidienne d'au moins quatre heures diffusées
entre 6h et 22h, hors publicité. Ces dernières peuvent éventuellement faire
appel à des banques de programmes ou à un fournisseur de programmes
identifié à condition que celui-ci appartienne à la catégorie A et que la fourniture
de programmes soit effectuée à titre gracieux. Les ressources commerciales,
de ce type de station, provenant de messages diffusés à l'antenne et
présentant le caractère de publicité de marque ou de parrainage doivent être
inférieures à 20% de leur chiffre d'affaires. Les radios de catégorie A sont
également éligibles au Fonds de Soutien à l'Expression Radiophonique
(FSER). Créé par la loi n° 82-652 du 29 juillet 198 2, le FSER est un fond à
destination des radios associatives, alimenté par une taxe parafiscale perçue
sur les recettes publicitaires radiodiffusées et télévisuelles.
Les stations de catégorie B, ou services locaux ou régionaux
indépendants et ne diffusant pas de programme national identifié, doivent avoir
une zone de desserte ne couvrant pas une population de plus de six millions
d'habitants. Cette catégorie se caractérise par la présence de programmes
d'intérêt local d'une durée quotidienne d'au moins quatre heures, diffusés entre
6h et 22h, hors publicité. Elles peuvent également faire appel à un fournisseur
de programmes qui ne s'identifie pas à l'antenne et n'insère pas de message
publicitaire dans le programme fourni.
Les stations de catégorie C, ou services locaux ou régionaux
diffusant le programme d'un réseau thématique à vocation nationale, ne doivent
pas couvrir une population de plus de six millions d'habitants. Ces services se
caractérisent, soit par la diffusion quotidienne, pour une durée qui ne peut être
inférieure à trois heures d'un programme d'intérêt local, entre 6h et 22 h ; soit
par la diffusion en complément de ces émissions, d'un programme fourni par un
réseau thématique à vocation nationale.
- 37 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
La catégorie D, ou services thématiques à vocation nationale,
correspond à tous les services dont la vocation est la diffusion d'un programme
thématique sur le territoire national sans décrochages locaux. Le contenu des
programmes doit être décrit avec une grande précision pour les candidats à ce
type de station et plus particulièrement les réseaux musicaux concernés. En
effet, ces derniers doivent indiquer le type de programmation musicale choisi,
ainsi que les caractéristiques des émissions non musicales. Ils doivent
également préciser la proportion relative de la musique et des programmes
parlés et, à l'intérieur de ceux-ci, le pourcentage consacré à l'information.
La catégorie E, ou service généralistes à vocation nationale,
comprend des services à vocation nationale et généraliste dont les
programmes, d'une grande diversité de genres et de contenus, font une large
part à l'information. Ces services peuvent effectuer des décrochages, d'une
durée totale quotidienne inférieure à une heure, destinés à la diffusion
d'informations locales » (Les brochures du CSA, juin 2007, Créer une radio en
France éléments d’information, www.csa.fr, consulté le 19/09/2007, pp 18-19).
La définition des cinq catégories de radios privées est cruciale
tant parce qu’elle permet au CSA d’opérer une présélection des projets
radiophoniques que parce qu’elle introduit des obligations en termes de
programmation. Consécutivement à l’appel à candidature, le CSA délivre une
convention qui fixe les conditions techniques d’usage des fréquences (site,
puissance…) ainsi que les engagements de l’opérateur. Doit figurer dans la
convention les caractéristiques générales du programme de la station
concernée. Il s’agit du nom, de l’identification à l’antenne, du format (public
visé, type de musique diffusée, nature des émissions non musicales), de la
grille de programme détaillée (programme propre, éléments de programme
fournis par des tiers, programme de complément, programme d’intérêt local,
horaires des séquences publicitaires), de la durée hebdomadaire des
programmes, mais également de la durée quotidienne du programme, des
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
informations, ainsi que des rubriques locales de la station (Ibid., pp 23-24). De
même plusieurs règles de déontologie concernant le respect de la personne
humaine, la protection de l’enfance et de l’adolescence, l’honnêteté et le
pluralisme de l’information, la maîtrise du contenu des émissions programmées
à l’antenne, et les engagements particuliers relatifs aux programmes (en
particulier les quotas de chansons d’expression française et la part consacrée
aux nouveaux talents pour les réseaux musicaux) doivent être respectées
(Ibid., p.13).
Au cours de son assemblée plénière du 21 juin 2005, le Conseil a
élargi le panel des radios dont il contrôle le taux de diffusion de chansons
d'expression française, de nouveaux talents et de nouvelles productions. Un
panel tournant de quatre radios est ajouté au panel précédent qui contenait
déjà vingt-deux stations (Chérie FM, Europe2, Fun Radio, MFM, Nostalgie,
NRJ, RFM, RTL2, Skyrock et Le Mouv') et douze stations locales ou régionales
(Ado FM, Alouette, Contact FM, Hit West, Kiss FM, Oui FM, Radio Scoop, Top
Music, Vibration, Vitamine, Voltage et Wit FM). Il est à noter que la loi
concernant les quotas de chansons d’expression française s’applique à toutes
les stations qui diffusent des « musiques de variété ». En sont donc exonérées
les stations qui diffusent du jazz ou de la musique classique. Les stations
musicales, concernées, sont ainsi sommées de diffuser une certaine proportion
de chansons francophones selon l’article 12 de la loi de 1994 (Les brochures
du CSA, juin 2007, Créer une radio en France éléments d’information,
www.csa.fr, consulté le 19/09/2007, p.29). Cette dernière impose aux services
de radiodiffusion sonore pour la part de leur programme composé de musique
de variété, la diffusion aux heures d'écoute significatives d’un minimum de 40%
de chansons d'expression française, dont la moitié au moins (20%) provenant
de nouveaux talents ou de nouvelles productions (Ibid., p.29). A la suite de la
loi du 1er août 2000 encore en application aujourd’hui, le Conseil Supérieur de
l’Audiovisuel, peut par dérogation autoriser, pour des formats spécifiques,
différentes proportions. Pour les radios spécialisées dans la mise en valeur du
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
patrimoine musical, ces dernières doivent diffuser 60% de titres francophones,
dont un pourcentage de nouvelles productions pouvant aller jusqu'à 10% du
total, avec au minimum un titre par heure en moyenne (Ibid., p.29). Pour les
radios spécialisées dans la promotion de jeunes talents, ces dernières doivent
diffuser 35% de titres francophones, dont 25% au moins du total provenant de
nouveaux talents (Ibid., p.29). Le titulaire de l’autorisation doit indiquer l’option
choisie dans la convention. Ces obligations en matière de programmation, sont
basées sur des définitions précises.
Par « chanson » le CSA entend « toute œuvre comportant un
texte chanté, ou simplement récité s’il bénéficie d’un accompagnement musical,
diffusé dans son intégralité » (Ibid., p.29). Relèvent de la « chanson
d’expression française », « toute chanson interprétée en français ou dans une
langue régionale française » (Ibid., p.29). La catégorie des « nouveaux
talents » représente « tout artiste qui n’a pas obtenu, précédant son nouvel
enregistrement, deux albums disque d’or et qui a publié son premier disque à
partir de 1974 » (Ibid., p.29). Une « nouvelle production » correspond à « tout
titre, extrait ou non d'un album, pendant une durée de six mois à partir de sa
date de première diffusion sur l'une des radios du panel Ipsos Music, s'il
bénéficie d'au moins trois passages hebdomadaires pendant deux semaines
consécutives » (Ibid., p.29). Le CSA met également à disposition une liste
concernant les nouvelles productions (mises à jour chaque mois) ainsi que la
liste des artistes confirmés (actualisée deux fois par an) afin d’aider les stations
à s'acquitter de leurs obligations. Néanmoins, compte tenu du très grand
nombre de labels présents sur le marché français et du fait que ces labels ne
déclarent pas toutes leurs nouvelles productions, cette liste est communiquée à
titre indicatif et n’est pas considérée comme exhaustive. Enfin l’autorisation
d’usage de la (ou des) fréquence(s) attribuée pour une durée de cinq ans est
publiée dans le Journal Officiel. Il est également possible que le CSA rejette
une candidature si cette dernière ne correspond pas aux critères fixés pour
l’attribution des fréquences, à savoir, la sauvegarde du pluralisme des courants
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
socioculturels, la diversification des opérateurs, la nécessité d'éviter les abus
de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la
concurrence, le financement et les perspectives d’exploitation du service, les
participations directes ou indirectes détenues par le candidat dans le capital
d’une ou de plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d’une ou plusieurs
entreprises éditrices de publications de presse (Les brochures du CSA, juin
2007, Créer une radio en France éléments d’information, www.csa.fr, consulté
le 19/09/2007,p.30).
Jusqu’alors en instaurant le principe de la reconduction des
autorisations hors appel aux candidatures, la loi du 1er février 1994 a contribué
à figer l’essentiel de l’espace radiophonique pour une durée de quinze ans. Le
dernier cycle d’autorisation arrive prochainement à son terme avec 57% des
fréquences actuellement exploitées par les radios privées et doivent faire l’objet
d’une nouvelle attribution entre 2006 et 2008, dans le cadre du « plan FM
2006 » initié par Dominique Baudis. La cartographie des fréquences FM
proposée par le moteur de recherche Mixture.fr, nous permet d’avoir un aperçu
du patrimoine de fréquences des principaux réseaux musicaux sur le territoire
français (avant le plan de renouvellement des fréquences faisant l’objet d’appel
aux candidatures). Les données de ce site proviennent d’une méthode de
cartographie réalisée à partir des autorisations, publiées dans le journal Officiel
de la République, attribuées par le CSA. Les cartes de couverture sont
générées grâce à la puissance d’émission et le secteur d’azimut concerné
(c'est-à-dire la direction dans laquelle s’exerce la puissance d’émission). Il est
ensuite établi un rapport empirique entre la puissance et la distance, permettant
de définir la portée théorique d’un émetteur pour des conditions d’écoute
optimale. C’est le rapport entre puissance et distance (portée théorique de
chaque émetteur) qui est représenté sur les cartes (confère page suivante).
- 41 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
LA COUVERTURE FM DES RESEAUX NRJ, FUN RADIO, SKYROCK, VIRGIN
RADIO ET RTL2 SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS.
NRJ
Fun Radio
Virgin Radio
Skyrock
RTL2
Source : Cyril Grouin C., www.mixture.fr, consulté le
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18/09/2007
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
A la vue de ces cartes, il devient plus aisé de comprendre l’enjeu
financier que représente la couverture FM pour les grands opérateurs
radiophoniques. Plus un réseau comprend de fréquences, plus il a de chance
de toucher une audience conséquente. C’est pourquoi les principaux
opérateurs radiophoniques se livrent à une véritable course aux fréquences qui
s’amplifie avec le contexte du renouvellement des attributions et certains
entretiennent aujourd’hui une polémique concernant leur patrimoine de
fréquence qu’ils jugent insuffisant par rapport à leurs concurrents. S’il est vrai
que les différents réseaux musicaux français ne possèdent pas tous le même
nombre de fréquences selon leur histoire et le processus d’acquisition fusion
opéré au cours de ces dernières années, la couverture FM de NRJ, Fun Radio,
Skyrock, Virgin Radio et RTL2 est relativement homogène sur l’ensemble du
territoire français. Leur présence dans les principales agglomérations
françaises leur confère des audiences importantes. Pour avoir un ordre de
grandeur, nous pouvons donner l’exemple des radios associatives qui
détiennent près d’un tiers des fréquences allouées au secteur privé, mais
moins de 20% en zone urbaine (SNRL, 2007, « Communiqué », Rubrique « le
social » et « actualité », http://www.snrl.org/, consulté le 22/09/2007). A ce
sujet, certains acteurs dénoncent la pression des grands réseaux auprès du
CSA, mettant à mal son statut de régulateur et le reléguant au rôle de simple
arbitre. Comme le souligne le Syndicat National des Radios Libres (SNRL), « il
ne s’agit pas d’opposer un secteur à un autre mais de définir un bénéfice social
maximum dans un contexte de ressources rares. » (Ibid.) Le renouvellement
des attributions devient l’enjeu de concurrence entre les grands réseaux d’une
part et les radios associatives d’autre part, tout ceci au détriment des radios
associatives et de la diversité. L’opérateur NRJ et l’opérateur Bertelsmann (qui
détient aujourd’hui les deux tiers de RTL Group) ont saisi le Président de la
République, en aout 2007, en accusant le CSA de « favoritisme » pour
l’attribution des fréquences analogiques locales. Selon le SNRL, cette
technique de lobbying provenant de ces opérateurs tendrait à faire infléchir le
CSA qui « persiste à privilégier, dans son pouvoir légitime d’attribution de la
- 43 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
ressource, un alinéa de l’article 29 selon lequel un des critères d’éligibilité est
« le financement et les perspectives d’exploitation du service », au détriment
des autres critères : diversité musicale et nouveaux talents, pluralisme des
courants d’expression, respect de la dignité de la personne humaine » (Ibid.).
Ces altercations entre les différents acteurs sociaux au sein de l’espace
radiophonique amènent régulièrement à s’interroger sur le statut et les marges
de manœuvre que possède le CSA face à un espace radiophonique contrasté.
- 44 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
1.4 La naissance des playlists.
Les différentes techniques et outils d’aide à la programmation
musicale, existant actuellement en France, trouvent leur origine aux Etats-Unis.
Les classements de titres musicaux font leur apparition avec les premières
compilations de ventes menées par le Record Industry Association of America.
Au départ, ce sont des titres musicaux qui sont en vente et les noms des
artistes sont souvent omis. L’ensemble de ces données est destiné aux
producteurs et distributeurs puisque les auditeurs ne s’intéressent pas encore
aux classements, ni même à l’identité des artistes. C’est véritablement au cours
des années 1950 et 1960 que les classements vont faire leur apparition et
également s’installer au sein des programmations des radios musicales
américaines.
C’est Todd Storz, alors directeur de la station de radio AM-KOWH
à Omaha, qui découvre l’idée d’un Top 40 et ceci d’une façon plutôt amusante
puisqu’elle découle d’une histoire d’amour. Todd Storz fréquente régulièrement
un bar dans lequel travaille une serveuse dont il est amoureux. Au cours des
nombreuses journées écoulées à attendre le moment propice pour lui déclarer
sa flamme et vaincre sa timidité, il observe le comportement des clients du bar.
Il constate que ces derniers glissent des pièces dans le juke box pour écouter
toujours les mêmes chansons et ce plusieurs fois à la suite. Même les
employés du bar payent pour entendre des titres musicaux qu'ils ont pourtant
entendus toute la journée. Todd Storz décide dès lors de créer une nouvelle
émission en adoptant une formule basée sur le principe de répétition sélective,
repassant plusieurs fois les mêmes titres musicaux. Pour occuper le créneau
horaire de son émission entre dix heures et treize heures, soit trois heures
d’antenne, il lui faut quarante disques (Fisher, 2007). La liste des quarante
titres qu’il propose à ses auditeurs est ainsi directement issue des quarante
choix offerts dans la plupart des boites à musique de l’époque. Grâce à ce
dispositif, la station devient populaire et Todd Storz décide d’élargir son
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
patrimoine de fréquences en rachetant la station WTIX-AM à la NouvelleOrléans, en Louisiane, puis WUB-AM, une station de haute puissance au
Kansas city au Missouri qui est entendu dans l’ensemble du Midwest et les
grandes plaines américaines. Todd Storz converti ensuite progressivement ces
stations au format hits en lançant une émission avec un compte à rebours du
top 40. En quelques années, le top 40 est en plein essor dans l’ensemble du
pays, stimulé par la popularité de la musique rock and roll et en particulier celle
d’Elvis Presley (Fisher, 2007).
En France, la logique n’est pas tout à fait la même au départ
puisque les premières programmations musicales naissent au sein de stations
ayant un statut public. D’après Karine Le Bail (doctorante en histoire et
productrice des Greniers de la mémoire à France Musique), la radio a joué un
rôle majeur dans la diffusion et l’initiation du grand public aux œuvres
musicales. Les ondes publiques en sont à l’origine et assument le rôle de
médiateur musical en diffusant des œuvres classiques. Au départ la radio
hésite à programmer des disques, préférant la présence des musiciens en
studio. En 1930 et encore en 1944, les disques sont rares et peu adaptés à la
diffusion radiophonique puisqu’un soixante dix huit tours permet d’occuper
seulement quatre minutes d’antenne. Sous la pression des musiciens
d’orchestre qui défendent leur statut, les radios européennes se dotent alors de
formations musicales qui jouent en direct. C’est le cas en France, pour la
première fois en 1934, avec la création de l’orchestre national. Ce dernier est
pourvu de la mission de défense du répertoire français et de soutien à la
création musicale. Les années 1944 sont celles d’une radio entièrement sous le
monopole de l’Etat qui lui assigne une dimension culturelle. La radio devient un
outil de divertissement pour masquer les souvenirs de l’occupation allemande
et l’instrumentalisation de la musique pendant la guerre. A la fin de la guerre, la
programmation musicale prend un souffle nouveau avec la participation
d’individus majoritairement issus de la Résistance qui se retrouvent « unis par
conviction d’un nécessaire service public qui devra offrir la culture pour tous et
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
contribuer par elle à trouver un rang dans le monde » (Le Bail, 2001, p.7). En
1950 la radiodiffusion devient une institution culturelle centrale en matière de
diffusion musicale avec un service public qui joue le rôle « de médiateur par les
ondes et de producteur, par les concerts organisés et les solistes engagés »
(Ibid., p.8). Les années 1960 bouleversent la politique de programmation des
radios avec, notamment, la naissance de France Musique, une chaîne
entièrement consacrée à la musique classique. Certains programmateurs
s’opposent à ce projet car il constitue, selon eux, une menace pour ce genre
musical qui est mis à l’écart. Les différentes stations généralistes cherchent
alors à personnaliser leur programmation musicale pour faire face à la
concurrence naissante et refusent de diffuser de la musique classique
puisqu’elle possède désormais sa propre antenne. Aussi l’expansion du
microsillon amorce peu à peu le déclin et la disparition des liens entre les
formations musicales et la radio. En 1970, seuls trois orchestres régionaux
subsistent (Lyon, Nice et Toulouse) et par la suite les formations parisiennes
vont elles aussi se séparer de l’antenne de France Musique. Si la radio
publique est pionnière en matière de programmation et de diffusion des œuvres
musicales, elle n’a pu freiner le mouvement de cloisonnement des différents
genres musicaux qui s’est progressivement installé dans les politiques de
programmation par la suite. Malgré la volonté de Louis Dandrel et son équipe,
qui voulu diversifier l’offre musicale de France Musique en introduisant le
métissage culturel, la chanson, le rock, la musique extra européenne,
l’expérience fut de courte durée. Les auditeurs acceptent mal le changement et
manifestent leur mécontentement par des lettres adressées à la direction.
L’apogée fut atteint par Jean-Paul Sartre qui signe l’arrêt de l’émission par sa
lettre ouverte au journal Le Monde en expliquant qu’il ne pouvait « plus
travailler en écoutant France Musique » (Le Bail, 2001, p.9). Ceci contraint
l’équipe de Louis Dandrel à interrompre une expérience de diversification des
programmes musicaux et à démissionner en 1977. Cet évènement préfigure
des logiques de programmations musicales à venir au sein des radios privées.
Chaque station se spécialise dans un ou quelques genres musicaux. France
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
Musique ne diffuse que du classique, les autres genres musicaux moins
légitimes étant réservé pour les autres stations.
La programmation musicale en radio existe bien avant les années
1980, avec notamment la diffusion d’œuvres classiques, mais c’est
véritablement à partir de 1981 que la musique prend un essor considérable sur
les ondes radiophoniques. Pour Didier Aaron, chef du département radio à la
direction des programmes du CSA, c’est la fin du monopole d’Etat qui propulse
les radios libres et militantes au premier rang. Si cette période est empreinte de
recherche et de créativité en matière de diffusion musicale, d’autres radios
l’appréhendent sous un mode plus commercial. NRJ est la première radio en
France à proposer un programme musical continu à destination d’un public
jeune qui intègre des annonces publicitaires alors que ces dernières ne sont
pas encore légales. De nombreuses stations vont suivre cet exemple jusqu’à ce
que la législation française évolue. A la fin des années 1980 la plupart des
stations diffuse une programmation musicale généraliste avec des productions
éclectiques et il est envisageable d’entendre de la variété française,
internationale, du rock, de la pop, de la dance… Les stations commencent à
construire leur programmation avec les attachés de presse et les compagnies
de disque de l’époque « en fonction de critère plus subjectif lié à des
phénomènes de mode ou d’engouement par rapport à un genre musical ou un
artiste donné […] » (Aaron, 2001, p.10). Il n’y a pas encore d’études précises
issues de la recherche musicale mais quelques sondages effectués auprès de
leurs auditeurs. C’est vraisemblablement à partir des années 1990, que les
radios vont mettre en pratique des programmes qui sont composés de titres
diffusés de manière récurrente et constituent le top 40 de la station. L’utilisation
des techniques de sondages provenant de la recherche musicale devient
également plus prégnante au sein des radios françaises. La recherche
musicale, née aux Etats-Unis à la fin des années 1980, se développe assez
rapidement en France. Le terme de recherche musicale acquiert un sens tout
particulier dans le milieu radiophonique, puisque ce dernier désigne les études
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
de marché et d’audience dont les résultats sont directement introduits au cœur
de la ligne éditoriale des stations musicales. C’est en 1989 que Fun Radio
franchit une étape en intégrant directement dans ses programmes les résultats
de sondages menés auprès de son auditoire (Ibid., p.10). La méthode
d’enquête consiste à poser une série de questions sur un échantillon de titres
musicaux proposés soit par téléphone, soit dans des auditoriums à un panel
d’individus qui écoutent régulièrement la station. Avec le temps les techniques
d’enquêtes s’affinent et permettent de connaître de façon beaucoup plus
précise les goûts et les rejets des auditeurs. La précision des résultats obtenus
permet ainsi de connaître « la potentialité d’un titre, le taux de « zapping » que
la diffusion de ce titre peut générer, le niveau de saturation (c’est à dire le seuil
de diffusion au-delà duquel un auditeur ne souhaite plus entendre un titre
donné) » (Aaron, 2001, p.10). Fun Radio est contrainte de « diffuser quatrevingts à quatre-vingt-cinq pour cent de production internationale, les rotations
des titres se situant entre un à sept passages par jour » (Ibid., p.10). Les autres
radios musicales séduites à l’idée de capter et accroître leur audience mettent
en place des playlists d’une quarantaine de titres qu’elles diffusent en boucle
sur une période déterminée en fonction des réactions des auditeurs sondés.
La programmation musicale sur les ondes françaises s’inscrit
d’abord dans une logique de valorisation des œuvres classiques. La diffusion
de la « musique savante » résulte à la fois d’une volonté de mission publique
visant à rendre accessible la culture à un large public mais elle provient
également de la pression des musiciens d’orchestre de l’époque. Peu à peu les
formations musicales se séparent des antennes publiques et l’espace
radiophonique rencontre des mutations notoires avec l’apparition des radios
libres à la fin des années 1970. Il faut attendre les années 1980 pour entendre
de la « musique populaire » et des productions éclectiques sur les antennes
radiophoniques privées. Cette explosion musicale est de courte durée à la suite
du lancement du processus de restructuration de l’espace radiophonique, faute
de place sur la bande FM. De nombreux formats disparaissent et une certaine
- 49 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
diversité d’expressions musicales avec. L’introduction de la recherche
musicale, des techniques d’enquêtes et de sondages, des premiers
classements de titres musicaux au sein des playlists participent à une certaine
uniformisation
des
programmations
musicales
au
sein
des
réseaux
radiophoniques français. Les principaux réseaux musicaux s’inscrivent alors
dans une course à l’audience en proposant une programmation musicale qui
comporte le moins de risque artistique pour ne pas rebuter les oreilles de leurs
auditeurs. La programmation devient ainsi un compromis entre le travail de
promotion des compagnies de disques de l’époque et les résultats des
sondages réalisés auprès des auditeurs.
- 50 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
2. Etat des connaissances et histoire de la programmation
musicale.
2.1 Aux origines hésitation entre deux modes de diffusion.
Si
le
système
actuel
de
financement
des
programmes
radiophoniques n’apparaît pas comme évident au départ, il s’est pourtant
progressivement mis en place dans l’ensemble des pays européens. C’est aux
Etats-Unis à partir des années 1918-1920, que les fabricants de récepteurs de
radios découvrent l’idée de participer à la promotion de produits de
consommation de masse tels que les lessives (Miège, 1997). L’objectif étant de
couvrir les frais de programmation des stations de radio sans faire appel à la
participation financière des fabricants de récepteurs et/ou des auditeurs, la
publicité apparaît comme un moyen de rendre les programmes radios d’accès
gratuit à l’antenne. C’est ainsi que se tisse un lien étroit entre les radios privées
et les annonceurs qui participent désormais au bon fonctionnement de l’espace
radiophonique. En France, plusieurs facteurs d’ordre historique et culturel
créent une certaine hésitation entre un modèle de financement des
programmes radiophoniques payants ou gratuits (à savoir principalement
financés par la publicité). Si l’invention de la radio s’accompagne presque
immédiatement de l’invention de la publicité, l’acceptation de la publicité sur les
radios privées n’est pas simple (Cheval J-J, 2004, Invention et réinvention de la
publicité de la radio, de l’entre –deux-guerres aux années 1980, www.cairn.info,
consulté le 24/03/2009). Les programmes radios font d’abord l’objet de
l’intervention de l’Etat jusqu’en 1984. Puis l’ensemble de processus politiques
et économiques tels que l’abandon progressif du contrôle politique sur la
programmation audiovisuelle, l’impossibilité pour l’Etat de prendre en charge
les frais de production des programmes ou de faire accepter auprès des
auditeurs français une augmentation des taxes parafiscales, le mouvement de
libéralisation lancé au cours des années 1980 et l’accroissement de la
concurrence entre les différents médias existants, soulèvent la nécessité de
- 51 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
trouver de nouvelles sources pour rétribuer les programmes. Parallèlement, la
diffusion musicale prend son essor sur le réseau FM stéréo avec l’usage accru
du disque et de la bande magnétique. Les compagnies de disques de l’époque
se sentent alors menacées et s’opposent de façon virulente à la diffusion
musicale de haute qualité sur le réseau FM et de surcroit gratuite pour les
auditeurs. De nombreux questionnements se posent quant à la diffusion des
œuvres musicales et la rémunération des artistes. Après une controverse
virulente entre radios et compagnies de disques, un compromis est trouvé
puisque le système perdure aujourd’hui, non sans mal, et que les radios paient
un certain pourcentage de leurs revenus aux ayants droit pour utiliser les
contenus musicaux. De plus, des sociétés spécialisées veillent à ce que les
compositeurs, les paroliers et musiciens soient rémunérés lorsque leur musique
est diffusée à la radio.
Cependant, la financiarisation des programmes par la publicité
marque la spécificité des réseaux radiophonique et ce de façon durable.
Désormais, l’esprit d’entreprise accompagne les pratiques des professionnels
de la radio, les logiques d’acquisition, d’économie d’échelle et de profit
directement calqué sur le modèle de l’entreprise concourent à la formation de
grands groupes radiophoniques qui accroissent leur réseau dans le monde. La
programmation
musicale
apparaît
comme
un
élément
participant
au
développement économique et devient l’objet de pratiques professionnelles
spécialisées au cœur des entreprises radiophoniques. Nous assistons à
l’arrivée de professionnels, voire pour certains réseaux radiophoniques, de
pôles spécialisés dans la recherche musicale utilisant des techniques
d’enquêtes et de sondages qui étaient jusqu’alors réservées pour les études de
marché et cantonnées à certains secteurs industriels. Dans le contexte de la
« restructuration des économies occidentales » où « la nécessité d’accélérer
l’industrialisation de la culture et de l’information s’impose avec beaucoup
d’acuité », les principales radios musicales privées développent de nouvelles
façon d’appréhender la programmation en France (Miège, 1996, p.186). Ainsi, il
- 52 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
s’agit de la valorisation de capitaux « dans des secteurs de la vie sociale où,
pour des raisons diverses, on n’avait guère réussi à le faire jusqu’à présent.
Soit parce que l’on considérait que ces secteurs devaient échapper aux règles
du développement industriel et ne pas lui être soumis. Soit parce que la mise
en œuvre d’une production industrialisée avait rencontré des difficultés
particulières, et n’assurait pas une rentabilité suffisante ou sûre aux capitaux
investis » (Ibid., p.169). Or, la mise en avant relativement tardive de la
programmation musicale comme élément participant directement à l’économie
des entreprises radiophoniques s’explique en partie par les caractéristiques
propres aux œuvres musicales. La particularité de la production musicale
faisant appel à la créativité et à la subjectivité humaine rend son exploitation
aléatoire d’un point de vue industriel. Le contexte de réception, plus ou moins
accueillant, induit un travail de promotion des œuvres musicales complexe.
Plusieurs variables rentrent en ligne de compte puisque une œuvre musicale
s’inscrit dans un contexte de réception qui correspond à des modes musicales
selon les époques mais également selon les goûts des auditeurs qui sont
changeants suivant l’âge, le sexe et la catégorie sociale d’appartenance. Dans
ces conditions, un ensemble de paramètres sont à l’œuvre et il devient difficile
de connaître les goûts des auditeurs a priori et de prévoir l’échec ou le succès
d’un titre musical de façon précise. C’est pourquoi, les professionnels de la
radio ont recours aux techniques de sondage leur permettant de proposer une
programmation en adéquation avec les attentes des auditeurs mais également
d’éroder la part d’audience des radios concurrentes. Cette logique de captation
d’audience et de maintien des budgets publicitaires s’inscrit parmi les stratégies
d’adaptation des entreprises radiophoniques au contexte concurrentiel dans
lequel elles se trouvent. Une autre stratégie consiste à racheter les stations
locales afin d’agrandir leur réseau et de réaliser des économies d’échelle. Nous
assistons à la concentration de l’espace radiophonique où quelques grands
réseaux s’accaparent le marché des ressources publicitaires et excluent un
ensemble de petits acteurs sociaux tels les radios commerciales de moindre
envergure mais également des acteurs rattachés à la production, tels les
- 53 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
artistes dont la notoriété ne leur permet pas de réaliser des parts d’audience
importantes.
C’est ainsi que le marché publicitaire et l’ensemble des stratégies
qui s’opèrent autour de ce marché contribuent constamment à la structuration
ou à la déstructuration de l’espace radiophonique français (Cheval J-J, 2004,
Invention et réinvention de la publicité de la radio, de l’entre-deux-guerres aux
années 1980, www.cairn.info, consulté le 24/03/2009). Le mode de
financement des programmes radiophoniques par la publicité a introduit les
entreprises radiophoniques au cœur du capitalisme. Progressivement les
grands groupes radiophoniques entrent en bourse et créent un lien entre les
marchés financiers et l’espace radiophonique. La prise en compte des
phénomènes de détention et de contrôle permet de comprendre la
complexification de l’espace radiophonique due en grande partie à l’impact des
processus de financiarisation. Face au processus d’industrialisation des
sociétés occidentales et de libéralisation lancée dans les années 1980 mais
également face à la recherche de financements des programmes, les réseaux
radiophoniques qui répondent à une obligation de survie financière,
développent certaines caractéristiques de fonctionnement. Le modèle de
fusion/acquisition, menant à la formation de grands groupes radiophoniques, la
spécialisation des pratiques professionnelles des responsables de la
programmation, les stratégies de captation d’audience, de mise en avant des
titres musicaux à travers la playlist, le mode de financement des programmes
radio par la publicité et l’entrée en bourse des stations analogiques étudiées
correspond à une logique d’industrialisation de la programmation. A partir des
critères identifiables, nous pouvons dire que les réseaux radiophoniques
étudiés appartiennent à la catégorie des industries culturelles.
- 54 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
2.2 Des programmations basées sur un « modèle de flot ».
Au sein des industries culturelles et informationnelles, nous
observons des logiques organisationnelles selon différents modèles qui
structurent la production, la diffusion, la distribution et les modes d’usages des
produits culturels et informationnels. La définition de ces principaux modèles
« vise à éclairer le fonctionnement de l’ensemble des industries concernées
selon des logiques bien différenciées et concurrentes » puisque « ces modèles
ont un caractère dynamiques » et que « c’est autour d’eux que se développent
les stratégies des différentes catégories d’acteurs » (Miège, 1997, p.57). Il n’est
d’ailleurs pas rare que les différents acteurs sociaux du secteur des industries
culturelles soient « amenés à composer et à jouer avec les règles des différents
modèles » (Miège, 1996, p.180). L’industrie radiophonique fonctionne selon un
« modèle de flot » (ce que nous allons montrer par la suite), et ce, depuis le
développement des premières stations de radios commerciales aux Etats-Unis.
Concernant les stations françaises, nous constatons l’émergence du « modèle
de flot » de façon concomitante avec la décision de fabriquer des récepteurs
radiophoniques en série à faible coût et de faire appel aux annonceurs pour
financer les programmes radio. Plusieurs éléments caractérisent aujourd’hui la
logique de programmation de flot au sein des industries radiophoniques. Nous
relevons en premier lieu, la continuité des programmes diffusés à l’antenne,
avec notamment une grille de programme précise et des horaires fixes,
permettant de fixer des rendez-vous réguliers avec les auditeurs. L’objectif
étant de mettre en œuvre des procédures de fidélisation d’audience en
diffusant les programmes de façon continue et régulière, le renouvellement
permanent « de nouveaux [titres musicaux] qui rendent obsolète ceux de la
veille » est de rigueur (Ibid., p.178). Toute la stratégie de mise en avant des
œuvres musicales, au sein des radios commerciales, revient aux responsables
de la programmation qui construisent la ligne éditoriale de la station au
préalable. De la sorte, et il s’agit là de la deuxième caractéristique du « modèle
de flot », le rôle des responsables de la programmation salariés au sein de
- 55 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
l’entreprise radiophonique, devient central. Leur fonction, consiste entre autre,
à définir la couleur musicale de la station, permettant à la fois de faire le lien
entre les genres de musique diffusés à l’antenne, mais également de créer
l’identité des auditeurs susceptibles de l’écouter. C’est pourquoi, les
professionnels de la programmation s’appliquent à concevoir une ligne
éditoriale cohérente afin de créer une identité rattachée au son de la radio. La
programmation musicale participe pleinement à l’image de la station et place
les industries radiophoniques au centre des activités de communication. La
troisième spécificité de la programmation de flot demeure dans ses dispositions
à l’intersection du champ de la culture et de la communication mais également
dans ses dispositions à s’adresser à des audiences de masse. La quatrième
caractéristique du « modèle de flot » réside dans l’apparente gratuité de la
programmation musicale puisque l’auditeur y a directement accès alors qu’elle
est en réalité financée par la publicité et la redevance. Nous remarquons
également la toute particulière importance des achats de droits permettant la
diffusion des œuvres musicales sur les antennes radiophoniques. Dans le
contexte de forte concurrence, les radios commerciales s’efforcent de
développer des stratégies d’identification efficaces afin de fidéliser l’auditeur.
Nous assistons au processus de rationalisation des programmations musicales
afin de s’adapter aux évolutions en cours et « des phénomènes relevant de la
spécialisation économique se produisent, c'est-à-dire que des segments d’offre
distincts se développent » (Bouquillion, 2008, p.277-278). Les radios
segmentent leurs auditoires parce que les motifs d’écoute de la radio sont
différents selon les populations, il faut alors adapter les programmes en
fonction de la cible. Mais également parce que la segmentation des audiences
selon
des
tranches
d’âges
précises
correspond
aux
stratégies
de
communication et intéresse tout particulièrement les annonceurs. Enfin, en
cinquième point, dans le contexte du modèle économique financé par la
publicité, le « modèle de flot » se définit par sa disposition à orienter ses
programmes vers une segmentation de ses audiences.
- 56 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
A partir des différentes caractéristiques du « modèle de flot »,
nous remarquons que ce dernier structure la logique de programmation et de
diffusion des œuvres musicales. Dans un contexte concurrentiel où les
ressources publicitaires sont nécessairement rares, le « modèle de flot » se
révèle en adéquation avec les stratégies d’adaptation des industries
radiophoniques à leur environnement. Les responsables de la programmation
confient au flot le soin de répartir les audiences sur l’ensemble de la journée.
En proposant à l’antenne un catalogue de titres au sein de la playlist, ils
assurent le maintien de leur audience, leur permettant d’attirer les annonceurs
et de couvrir les frais de programmation dans leur ensemble. L’objectif étant de
diffuser les titres musicaux qui plaisent ou qui heurtent le moins possible les
oreilles des auditeurs pour qu’ils restent à l’écoute de la même fréquence, le
rôle du responsable des programmes consiste, entre autres, à gérer les
incertitudes et les échecs d’audience à l’aune de la recherche musicale. A
l’aide d’outils permettant de mieux connaître les goûts moyens, les
programmateurs cherchent à atteindre les auditeurs. La programmation
musicale
devient
segmentée
selon
des
tranches
d’âges
précises.
L’organisation structurelle des industries radiophoniques mais également
l’agencement de la programmation s’inscrivent dans une logique de prévision et
d’anticipation. Comme rien n’est moins prévisible que le contexte de réception
des œuvres musicales et que les apports financiers découlent des audiences
réalisées, le « modèle de flot » est un recours, une stratégie développée par les
responsables de la programmation afin de diminuer les risques économiques.
Face à l’incertitude propre aux industries radiophoniques, le « modèle de flot »,
permettant la répartition des risques économiques, inscrit la programmation
dans une logique de stratégie industrielle. Plus qu’un simple élément
méthodologique descriptif, le « modèle de flot » permet de comprendre et de
distinguer les stratégies des acteurs sociaux au sein des industries culturelles.
D’ailleurs, les modalités d’industrialisation des programmes radiophoniques
dépendent de l’ensemble de la chaîne de conception et de production
musicale. Au sein de cette chaîne cohabitent les trois modèles organisationnels
- 57 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
(le modèle « éditorial », le « modèle de flot », et le « modèle de l’information
écrite). Ces trois modèles sont changeants et évolutifs en fonction de l’arrivée
de nouveaux acteurs sociaux entrants suite au développement des réseaux
Internet permettant des échanges de fichiers musicaux par exemple. Ainsi la
confrontation entre les différents modèles, sans cesse en mouvement,
remettrait-elle en cause les modalités de programmation musicale existantes ?
- 58 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
2.3 La thématisation des programmes et la fragmentation de l’audience.
C’est après une période au cours de laquelle de nombreuses
approches radiophoniques voient le jour en France, que le nombre limité de
fréquences disponibles sur la bande FM conduit l’industrie radiophonique à
restreindre ses formats. Dès lors, les principaux réseaux radiophoniques
français se répartissent en deux grandes familles celle des radios généralistes
et celle des radios thématiques. La famille des radios généralistes, qui
constitue le modèle le plus ancien puisque toutes les stations sont généralistes
avant la Seconde Guerre mondiale, a pour objectif de s’adresser au plus grand
nombre sans chercher à cibler une audience particulière. Les radios
généralistes présentent ainsi des programmes, d'une grande diversité de
genres et de contenus, et font une large part à l'information. Cette catégorie de
radios propose généralement une alternance de programmes en fonction de
créneaux horaires et de leur audience. A l’opposé, les radios thématiques et
plus particulièrement les radios musicales, sélectionnent a priori un segment
d’auditeurs et proposent une programmation spécialisée dans quelques genres
musicaux. A la fin des années 1980, les stations musicales françaises se
répartissent déjà selon différentes catégories qui sont fonction de leurs cibles
avec « les radios jeunes (NRJ, Skyrock, Fun Radio, Metropolys, Radio Scoop,
Top Music), les radios jeunes adultes telle Europe2, et les stations adultes de
type Nostalgie ou RFM » (Aaron, 2001, p.10). Ce phénomène de segmentation
des publics, d’abord impulsé par la presse en France, gagne progressivement
les radios musicales. Les critères de programmation deviennent de plus en plus
précis et se basent essentiellement sur l’activité des attachés de presse ou
chargés de promotion rattachés à l’industrie de la musique enregistrée. A cela
s’ajoute l’adoption de « la philosophie bien américaine du format radio »
(Fenati, 1992, p.44) au sein des stations thématiques françaises. L’Amérique
du Nord apparaît comme une sorte de laboratoire en matière de formats. Le
format n’est pas seulement ce qui détermine la sélection et l’orientation
musicale d’une station mais il devient « un système conceptuel et
- 59 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
opérationnel » permettant de cibler une audience et d’ajuster la programmation
au cœur de cible (Ibid., p.44). Il permet de la sorte, l’adéquation entre l’offre
radiophonique et le caractère discontinu que revêt l’écoute de la radio dans
l’ensemble des pays occidentaux (Fenati, 1992). L’évolution du rythme de vie et
des horaires de travail des auditeurs, le développement des loisirs et
l’établissement de la télévision dans l’ensemble des pays européens, sont
autant de facteurs qui concourent à l’évolution des pratiques d’écoute de la
radio. Les auditeurs de plus en plus sollicités par différents canaux
d’information tels que la presse, la radio et la télévision sélectionnent les
programmes qui les intéressent ou dont ils ont besoin. La durée d’écoute par
auditeur baisse progressivement d’une année sur l’autre. L’auditeur de plus en
plus volage et de moins en moins fidèle à un seul programme devient l’élément
central de la programmation. Les stations musicales s’adressent à une tranche
d’âge prédéfinie, un sexe, une catégorie sociale de la population ainsi qu’à des
amateurs d’un genre musical. Les radios « jeune » ciblent la population des 1324 ans. C’est le cas, en France, des stations Ado FM, Champagne FM, Contact
FM, Fun Radio, Hit West, Kiss FM, NRJ, Scoop, Skyrock, Vibration, Vitamine et
Voltage FM. Les radios « jeune-adulte » s’adressent plus particulièrement aux
25-34 ans telles les stations Alouette, Virgin Radio, FIP, Le Mouv’, Oui FM,
Radio 6, Rire & Chansons, RTL2, Top Musique et Wit FM. Quant aux radios «
adulte » Chérie FM, France bleu, MFM, Nostalgie et RFM, elles convoitent les
35 et plus (Aaron, 2001).
A l’individualisation des pratiques d’écoute des auditeurs,
s’ajoutent la diminution et la répartition très inégalitaire des investissements
publicitaires affectés aux différents médias (Presse, Télévision, Radio,
Affichage, Cinéma, Internet). Les quatre groupes radiophoniques privés
commercialisent plus de 90% de l’audience des radios commerciales en France
et représentent en moyenne plus de 70% de l’audience totale de la radio sur
ces dernières années et alors que le nombre d’opérateurs a fortement
augmenté, la radio n’occupe en moyenne que 6 à 7% des investissements
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
média (Cheval J-J, 2004, Invention et réinvention de la publicité de la radio, de
l’entre-deux-guerres aux années 1980, www.cairn.info, consulté le 24/03/2009,
p.8). C’est pourquoi, les taux d’audience et l’obtention des investissements
publicitaires
deviennent
les
premiers
motifs
d’inquiétude
chez
les
professionnels de la radio. Parce que les recettes publicitaires en radio sont
relativement faibles, les principales stations musicales se livrent une véritable
bataille pour y avoir accès. Les stations musicales françaises, afin de se
positionner auprès des annonceurs spécialisent de plus en plus leurs
programmes en fonction d’un auditoire bien précis. Dans un contexte de plus
en plus concurrentiel au sein même de l’espace radiophonique, et pour des
raisons de survie les différentes stations musicales existantes sont amenées à
réfléchir à des stratégies de diversification afin de se démarquer les uns des
autres, pour être mieux identifiées par le ou les publics auxquels elles
souhaitent s’adresser. Nous assistons donc à un phénomène de double
segmentation par cible et par genre musicaux (Aaron, 2001). De ce fait, une
importance toute particulière est accordée à ce que les auditeurs reconnaissent
immédiatement le son qui caractérise la station d’une radio donnée parmi
l’ensemble des radios disponibles. Les auditeurs doivent pouvoir se faire une
idée de la radio et du style de musique qu’elle diffuse le plus rapidement
possible lorsqu’ils changent de fréquence. Partant du principe, qu’à chacun des
groupes d’auditeurs correspondent un style de vie, un comportement et des
goûts spécifiques qui doivent apparaître à l’antenne, le format radio devient
l’élément qui définit l’identité de la station ainsi que celle des auditeurs qui sont
susceptibles de l’écouter. Cette idée est reprise par Antoine Hennion et Cécile
Méadel, qui la résument ainsi: « Success in radio today depends on a station’s
format - the mix and arrangement of all ingredients in a station’s sound aimed
at attracting a particular audience. This includes type of music played, design of
news and talk, programs, and style of announcing, commercials, jingles and so
on1 » (Hennion, Méadel, 1998, p. 68. Dans Fenati B., (1992), « Radio de
1
Trad. Aujourd’hui, le succès d’une radio dépend d’un format radiophonique, du mélange et de
l’arrangement des différentes composantes sonores propres à une station et s’adressant à un public
- 61 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
programme et radio de flux : l’exemple italien », Réseaux, n° 52 mars – avril,
pp.41-55.) Les différents éléments qui constituent la programmation doivent
former un ensemble homogène afin de créer une certaine cohérence de ton et
de suivre la ligne éditoriale définie au préalable (Fenati, 1992). Afin d’atteindre
cet objectif, les professionnels de l’industrie radiophonique s’appuient sur des
techniques d’enquête et de marketing pour envisager le format radio et
l’adapter
aux
attentes
des
auditeurs.
Une
cellule
d’étude
interroge
régulièrement les goûts musicaux des auditeurs. Directement à partir des
résultats de ces enquêtes les stations musicales réajustent régulièrement leurs
programmes et développent des stratégies reposant par exemple sur la plus ou
moins forte rotation d’un titre, sur la taille de la playlist et sur la proportion des
nouveautés ou des titres plus anciens. L’ensemble de ces réajustements
permet la distinction majeure entre les formats radios jeune, jeune-adulte et
adulte.
La thématisation des programmes radiophoniques est à la fois
reliée aux évolutions des pratiques d’écoute des auditeurs mais également aux
restrictions publicitaires. C’est pour satisfaire l’individualisation des modes
d’écoutes de leurs auditeurs mais également pour répondre aux attentes des
annonceurs que les stations privées spécialisent leurs programmes. Les
annonceurs s’intéressent plus particulièrement aux radios musicales, car ces
dernières présentent de nombreux atouts en termes de stratégie de
communication, que ce soit en tant que média principal ou en synergie avec la
presse, la télévision, la publicité extérieure ou Internet. Les radios musicales
permettent de cibler des groupes sociaux démographiques spécifiques grâce
aux différents formats et à la thématisation, de fournir une audience prévisible,
de favoriser un contact et un impact publicitaire proche de l’acte d’achat parce
que la radio est un média mobile. C’est donc dans un contexte ultra
concurrentiel et à la suite des mouvements de fusion et de rachat opérés à la
fin des années 1980, que les réseaux NRJ, Fun Radio, Virgin Radio, Skyrock et
particulier. La réalisation des programmes comprend la conception des programmes musicaux, des
programmes parlés, de l’actualité, du slogan de la radio et de la publicité…
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
RTL2 se trouvent dans une position de concurrence et cherchent à se
démarquer les uns des autres afin d’attirer les auditeurs en adoptant une
dimension thématique. Paradoxalement, le développement du marketing
sonore et la recherche absolue de distinction pour se démarquer des réseaux
concurrents accentuent le phénomène d’uniformisation des programmes sur
l’ensemble de la FM. Les formats musicaux diffusés à l’antenne deviennent de
plus en plus précis en fonction des tranches d’âges auxquels ils s’adressent et
excluent les formats originaux. Les grands groupes radiophoniques cherchant à
contrôler les parts de marchés publicitaires sont confrontés à un paradoxe,
celui des marchés de masse qui sont « sauf exception nettement segmenté »
puisque « au total rien n’est plus éloigné des produits de masse que les
produits informationnels ou culturels modernes (Miège, 1997, p.205). Cette
caractéristique ne facilite guère les desseins des grands groupes mondiaux ; en
tout cas, elle les oblige à des stratégies très diversifiées et à des alliances
multiples » (Ibid., p.205). Dans le même temps, la programmation devient plus
sophistiquée et elle permet de suivre au plus près les attentes du public.
Certains responsables de la filière musicale soulignent que la thématisation des
réseaux est représentative de l’ensemble des genres musicaux existants et
voient
une
corrélation
entre
la
spécialisation
des
formats
radio
et
l’augmentation des genres musicaux exposés. Toutefois cette idée reste à
vérifier et il serait intéressant de savoir si la réduction du nombre d’acteurs et la
spécialisation des radios par genre musical constituent un accroissement de la
diversité et des genres musicaux diffusés sur les antennes.
- 63 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
2.4 La programmation un élément clé des industries culturelles.
L’activité de programmation structure l’organisation des industries
culturelles et médiatiques. Plusieurs règles et stratégies sont mises en place
par les responsables de la programmation selon la spécificité de l’entreprise
médiatique, qu’il s’agisse d’un format généraliste ou d’un format thématique.
L’objectif est de capter et de fidéliser un auditoire. La programmation doit
constituer un élément d’attrait qui reflète l’identité de l’entreprise médiatique et
permet aux auditeurs de la reconnaître en quelques secondes. La fonction des
responsables de la programmation consiste à identifier et définir au préalable
les différents paramètres de programmation des contenus culturels et/ou
informationnels selon l’identité, l’audience et le cahier des charges de
l’entreprise concernée. La méthode de construction de la programmation est
fondée sur une structure de base correspondant à une grille représentative des
programmes diffusés et répartis selon des horaires précis. L’agencement et la
structuration de cette grille constituent le travail de programmation mais pas
seulement. Il s’agit d’un travail complexe mettant en corrélation contenus
culturels et/ou informationnels, identité de l’entreprise médiatique et audience.
La dialectique entre ces trois éléments constitue le socle des métiers de
programmation. Pour ce faire un ensemble de dispositifs sont mis en œuvres,
au sein de certaines entreprises médiatiques, afin de connaître les audiences
et la position de l’entreprise par rapport à la concurrence. C’est en quelque
sorte une forme d’interactivité absolument nécessaire avec les audiences et
l’ensemble des industries culturelles et médiatiques car, « contrairement à une
croyance naïve, l’individualisation tendanciellement croissante des pratiques
informationnelles, culturelles et distractives, rend nécessaire un ciblage affiné
et surtout des interactions sinon de l’interactivité avec les récepteurs » (Miège,
2007, p.116). Les recherches concernant la connaissance des publics et de
l’audience jouent un rôle important dans l’élaboration des programmes même si
elles s’organisent assez tardivement de façon rationnelle au sein des industries
culturelles en France. Afin de se positionner par rapport aux offres des
- 64 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
programmes concurrents, les professionnels du secteur des industries
médiatiques intègrent rapidement les résultats des enquêtes directement au
sein de la programmation. Si l’activité de programmation mobilise de nombreux
acteurs sociaux, des infrastructures adaptées et différentes techniques
d’enquêtes, c’est dans l’objectif de former et conforter les audiences sur du
long terme. Pourtant, « ce travail de formation puis de fixation des audiences,
n’a pas pris naissance avec le recours aux techniques de marketing, celles-ci et
les spécialistes qui en sont les promoteurs sont venus relayer des méthodes
jugées insuffisantes pour s’assurer de la stabilisation des publics dans un
environnement de plus en plus concurrentiel » (Miège, 2007, p.116).
Si le recours aux techniques de marketing n’est pas nouveau au
sein des industries culturelles, nous assistons à son développement et à
l’arrivée de professionnels qui participent à la sélection et à la hiérarchisation
des contenus culturels et informationnel et ce, dès la fin des années 1980 en
France. L’objectif des programmations consistant à attirer, séduire et fidéliser
les audiences, les contenus culturels sont ainsi structurés à l’aide d’outils
marketings et en lien avec la représentation que se font les professionnels de
leur public. Les différentes instances médiatiques adoptent plus ou moins des
stratégies
similaires
de
mise
en
avant
des
contenus
culturels
ou
informationnels. De ce fait, la programmation au sein des industries culturelles
apparaît comme l’espace où s’exprime le choix de l’importance et de la
qualification de ce qui fait l’identité d’une instance médiatique donnée. A l’instar
d’un journal, la conception de la « Une » est construite de façon à attirer
l’attention d’un lectorat potentiel. La grille de programme d’une chaîne de
Télévision
s’adresse
tout
particulièrement
à
des
catégories
socioprofessionnelles plus ou moins représentées à certaines heures de la
journée. Tout comme dans la « Une » de la presse quotidienne et la grille de
programmation télévisuelle, la playlist des radios commerciales fait l’objet de
toutes les attentions de la part des professionnels et révèle les logiques de
- 65 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
sélection parmi les différents contenus culturels et/ou informationnels. Ces
choix correspondent à des logiques professionnelles particulières.
A partir de l’ensemble des éléments constitutifs à l’activité des
professionnels, nous observons le caractère fondamental de la programmation
au sein des industries culturelles et médiatiques. La programmation structure le
rapport au temps des différents acteurs sociaux et l’organisation économique
des industries culturelles. La conception d’une grille de programmes nécessite
de
nombreuses
et
régulières
concertations
qui
rythment
l’activité
professionnelle des directeurs artistiques, des responsables éditoriaux et des
responsables de chaînes. La programmation rythme également l’activité de
loisirs et d’information des auditeurs par le biais des rendez-vous qui leur sont
proposés via les instances médiatiques. De par ce rapport singulier au temps,
la programmation régie l’ensemble du fonctionnement économique des
industries culturelles et médiatiques. Le « modèle de flot » propre à la logique
de programmation nécessite la recherche régulière et constante de
financements pour continuer la parution ou la diffusion de contenus culturels
et/ou informationnels chaque jour. La programmation se trouve au centre de
l’activité des entreprises médiatiques puisqu’elle est en relation avec
l’ensemble des secteurs de la chaîne de diffusion à savoir la production, les
unités de programmes et les cellules d’études qui s’intéressent aux audiences
et aux entreprises médiatiques concurrentes. La situation au carrefour de
l’ensemble des activités des différents acteurs sociaux en présence confère
une dimension centrale à la programmation qui devient, de ce fait, l’élément
révélateur des différentes stratégies des industries culturelles en action. Mais
plus encore, de par son rôle d’intermédiaire entre la production et les
audiences, la programmation devient un vecteur de sélection permettant
l’accès des contenus culturels et/ou informationnels au public. Les structures
de diffusions surplombent ainsi l’ensemble de la chaine de production et
d’édition des programmes. Cette situation n’est pas nouvelle dans l’histoire des
médias, mais elle se fait plus prégnante dans le contexte actuel de production
- 66 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
croissante et généralisée des contenus culturels et/ou informationnels, créant
de la sorte une concurrence de plus en plus prononcée face aux œuvres
produites pour l’accès au grand public. Face au développement de nouveaux
modèles de diffusion des contenus culturels et/ou informationnels, tels que les
services à la demande via le Net, les exigences des publics évoluent. La
programmation répond aux logiques économiques du marché qui reposent sur
la dialectique entre l’offre et la demande, l’une interférant sur l’autre. Dans le
contexte de la multiplication du nombre d’œuvres produites, de la course à la
notoriété de ces œuvres et à l’augmentation du nombre d’intermédiaires de la
programmation se jouent les inégalités d’accès aux contenus culturels. Si la
programmation génère de nombreuses revendications face aux exclusions
qu’elle engendre, elle persiste à se maintenir « sous des formes qui
pérennisent
les
professionnelles
entreprises
médiatiques
légitimées »
(Miège,
en
2007,
place
p.118).
et
De
les
catégories
plus,
si
la
programmation permet à une instance médiatique de se positionner dans son
espace concurrentiel propre, elle s’inscrit également aujourd’hui dans le
contexte d’internationalisation des médias. De ce fait, la question de la mise en
avant des œuvres et de la diversité culturelle est devenue un enjeu important
au niveau mondial.
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
3. La notion de diversité culturelle et musicale.
3.1 Impérialisme culturel et mondialisation de la culture.
Depuis toujours les sociétés échangent, mutualisent, intègrent des
idées, des symboles, des valeurs et des produits culturels. Le développement
des échanges interculturels ne date pas d’aujourd’hui et dès le début, il est
vécu comme une menace par les sociétés. C’est dans le contexte de l’après
guerre que se révèle la controverse sur le système mondial de l’information. En
1946, William Benton, alors secrétaire d’Etat adjoint, affirme que : « Le
département d’Etat entend faire tout ce qui est en son pouvoir, tant au niveau
politique que diplomatique, pour contribuer à éliminer les obstacles artificiels à
l’expansion, à travers le monde, des agences de presse, magazines, films ou
autres moyens de communication américains appartenant au secteur privé. La
liberté de la presse – et celle des échanges d’information en général – fait
partie intégrante de notre politique étrangère » (Département of State Bulletin,
1946, 14 (344), 160. Dans Schiller H I., 1997, « La communication, une affaire
d’Etat pour Washington », http://monde-diplomatique.fr, consulté le18/12/2008,
p.2). Depuis, comme le souligne Herbert I. Schiller, les délégués de
Washington mobilisent une politique de communication assidue en faveur de la
« libre circulation de l’information » au sein de l’ONU, à l’Unesco2 ou lors des
conférences internationales. Selon ce même auteur, cette détermination pour
assurer la promotion du secteur culturel et informationnel américain n’est pas le
fruit du hasard, car outre les avantages économiques que cela rapporte aux
Etats-Unis, elle constitue un élément de propagande, au sortir de la guerre,
contre l’URSS et l’ensemble des pays ne pratiquant pas l’économie de marché
(Schiller, 1997, p.2). L’expansion culturelle américaine, grâce à de grands
groupes médiatiques qui s’organisent à travers le monde, est perçue comme
une volonté d’hégémonie politique, culturelle et économique et le principe de la
2
Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture créée en 1945 dont la mission
est de promouvoir la paix dans le monde via la valorisation de l’éducation, des sciences sociales et
humaines, de la culture, de la communication et de l’information.
- 68 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
« libre circulation de l’information » comme un prétexte afin de répondre aux
exigences des industriels américains. Les pays dont la puissance économique,
militaire et communicationnelle ne leur permet pas de rivaliser avec les EtatsUnis, et tout particulièrement les pays en voie de développement, se sentent
exclus des échanges transnationaux. C’est pourquoi, certaines critiques
apparaissent dans les milieux politiques, intellectuels, et universitaires.
Dès les années 1960, la critique marxiste étudie la diffusion de la
culture de masse produite par les industries culturelles occidentales dans le
monde. Puis d’autres chercheurs apportent leur contribution, notamment ceux
rattachés au courant de pensée de l’école de Francfort, qui parlent
d’homogénéisation et de standardisation de la culture. Tout particulièrement, la
pensée de Theodor W. Adorno qui considère les produits culturels et la
musique populaire conçus pour une consommation de masse comme un
moyen d’aliénation et d’invention d’une fausse individualité dans une société où
toute vraie individualité est écrasée. Mais encore, Herbert Marcuse, emploie le
terme « d’homogénéisation des consciences ». Dans les ouvrages Eros et
Civilisation et L'Homme unidimensionnel, il critique la rationalité technologique
qui organise chaque secteur de la société (culture, politique, social, économie)
et engendre selon lui des modes de vie uniformes et non contestataires (Morin
V., 1965, « Herbert Marcuse. Eros et Civilisation, Contribution à Freud »,
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript
/article/comm_0588-
8018_1965_num_6_1_1077, consulté le18/12/2008). Peu à peu, dans le
contexte d’internationalisation des médias, de déréglementation du marché
mondial, de concentration des entreprises et de développement des réseaux et
des services, les débats sur les échanges transnationaux et la diversité
culturelle deviennent encore plus prégnants. Les questions relevant de la
diversité culturelle et du rapport entre l’économique et le culturel orientent la
critique du modèle impérialiste vers une critique de la mondialisation
économique et médiatique.
- 69 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
Le
courant
de
pensée
de
l’économie
politique
de
la
communication apparaît ainsi à la fin des années 1970, afin de répondre aux
questions relevant des enjeux économiques mais également pour pallier les
« insatisfactions théoriques et pratiques provoquées par la thèse de l’industrie
culturelle chez Theodor W Adorno » et « celle de l’impérialisme culturel »
(Miège, 2004, p. 46-54). Différents auteurs participent à la construction de ce
courant de pensée, tels Schiller H. I (1969 et 1976), Guback (1969), Smythe
(1977), Garnham (1979), Mattelart Α. (1976) ainsi que Nordenstreng avec
Schiller H. I (1979), Murdock (1979) et bien d’autres. Parallèlement, d’autres
acteurs sociaux présents au sein de l’Unesco dénoncent la bipartition du
monde et l’inégalité engendrée par les échanges interculturels. L’ensemble des
discussions au sein de l’Unesco donne naissance au rapport McBride en 1980.
S’instaure alors l’objectif de réaliser un équilibre dans les échanges
interculturels avec un Nouvel Ordre Mondial de l’Information et de la
Communication (NOMIC). Ce projet n’est pas sans créer des tensions car les
principaux détracteurs, à savoir les Américains et les Anglais, considèrent que
le NOMIC restreint la liberté des individus et constitue un moyen de contrôle de
la presse et de la liberté d’expression par les gouvernements. Alors que les
pays qui soutiennent ce projet souhaitent trouver une alternative à ce qu’ils
perçoivent comme une domination occidentale en matière de diffusion culturelle
et informationnelle. Les altercations entre pro et anti NOMIC seront de courte
durée puisque la décennie 1980-1990 apporte de nombreux changements, de
nouveaux débats qui entérinent avec elle le NOMIC. Néanmoins, les importants
déplacements de capitaux dans le secteur de la communication et des médias,
le déploiement des stratégies de communication des Etats dominants visant à
valoriser les Technologies de l’Information et de la Communication et
reproduire le modèle consommatoire américain réactivent les débats. La
croissance des industries culturelles, sans antécédent dans l’histoire, qui
étendent leurs activités aux circuits de diffusion des produits culturels (réseaux
câblés, chaîne de télévision, parcs thématiques…) donne une nouvelle
dimension aux industries productrices de symboles.
- 70 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
Désormais, la production culturelle fait partie intégrante de la
production générale d’une nation et génère d’importantes recettes. L’économie
politique permettant l’étude de l’économie, de la politique et des rapports sociaux
dans le développement des contenus informationnels et culturels devient un
secteur de recherche et d’analyse crucial et s’oriente vers l’interdisciplinarité que
lui confèrent les auteurs tels qu’Hamelink (1983), Yves de la Haye (1984), Enrique
Bustamante et Ramon Zallo (1988), Nicholas Garnham (1990), Alain Herscovici
(1994), jusqu'à Edward S. Herman et R. Mc Chesney (1997), Bernard Miège
(1997), Cesar Bolano (2000) et d’autres encore aujourd’hui. D’un point de vue
historique, le rapport McBride et la volonté d’un NOMIC marquent une étape
importante dans le développement de la pensée de l’économie politique. C’est
pourquoi nous pouvons nous interroger à l’heure actuelle sur le rôle des industries
radiophoniques en France. « Le Rapport McBride, il y a 25 ans, relevait ceci :
« Dans toutes les régions du monde, la radio est le média le plus répandu. Dans
les pays en développement, seule la radio peut être qualifiée de moyen de
communication de masse. Une très vaste proportion de l’humanité peut aujourd’hui
recevoir des émissions et possède les moyens de les capter. Aucun autre moyen
de communication ne peut atteindre autant de personnes à la fois, aussi
efficacement, aux fins d’information et d’enseignement, de diffusion de la culture et
de récréation. La radio peut être utilisée facilement et économiquement pour
atteindre des régions écartées et pour communiquer dans les nombreuses langues
vernaculaires souvent sans écriture, qui existent dans les pays en développement.
Presque tous les pays sont en mesure de produire des programmes
radiophoniques conformes à leurs besoins politiques, à leurs modèles culturels et à
leurs valeurs fondamentales. La radio est peut-être de nos jours, le moyen
d’information qui a le moins subi l’emprise de la trans-nationalisation, tant pour les
formes de propriété que pour la nature des programmes. » (Cheval J-J, 2005, « La
radio : mass media démocratique ? », Colloque, Calenda, publié le dimanche 10
avril 2005, http:// calenda.revues.org/ nouvelle5322.html, consulté le 21/03/2007).
Dans une perspective plus contemporaine, quelles sont les suites de la transnationalisation, de la diffusion musicale sur les ondes radiophoniques ?
- 71 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
3.2 La diversité culturelle une notion inscrite dans le droit français.
Nous souhaitons aborder dans cette partie une vision succincte et
globale de la législation française relative à la diversité culturelle et musicale.
L’objectif est de comprendre les obligations existantes en matière de diffusion
musicale auprès des opérateurs radiophoniques. Dans cette optique, il convient
de préciser l’organisation des différentes sources de droit, à savoir les textes
internationaux, européens et internes (c'est-à-dire purement français), sachant
que les textes internationaux et européens ont une incidence non négligeable
sur le droit interne français en la matière. Tout d’abord, les textes
internationaux comprennent les conventions internationales relatives à la
diversité culturelle. Il s’agit de la convention Unesco de 2001 puis celle de
2005. Les rapports entre l’ordre législatif interne et les textes internationaux
sont complexes. Une convention internationale ne peut être ratifiée si elle n’est
pas conforme à la constitution. Dès lors que la France ratifie une convention
internationale, la convention prend une valeur obligatoire. En conséquence, il
convient de modifier la constitution pour la mettre en conformité avant de ratifier
la convention. Lorsque la convention internationale impose à la France
d’adopter des lois pour se conformer aux objectifs qu’elle définit, il n’existe
généralement pas d’organe susceptible de sanctionner la France si elle n’a pas
adopté la législation en question (cela ne vaut pas en revanche dans les
systèmes européens). La mise en œuvre de la Convention internationale
repose donc sur le bon vouloir politique des autorités. Ensuite, nous avons les
textes européens dont le traité constitutionnel et les autres textes européens.
Les textes européens proviennent de deux systèmes rattachés à deux
institutions distinctes, à savoir l’union européenne et le conseil de l’Europe, qui
influencent toutes les deux le droit français. Ces deux institutions créent du
droit. L’union Européenne s’occupe des traités européens dont le traité
d’Amsterdam du 2 octobre 1997, des directives européennes et d’autres textes
comme la Charte des droits fondamentaux (qui n’a pas de valeur contraignante
pour les Etats mais consacre des grands principes communs en matière de
- 72 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
libertés). Le conseil de l’Europe, quant à lui, gère principalement les
Convention
de
sauvegarde
des
droits
de
l’Homme
et
des
libertés
fondamentales. Ces textes définissent pour la plupart des grands principes et
des grandes lignes d’action qu’il appartient aux Etats de mettre en œuvre de
manière concrète par le biais de leur législation interne. Enfin, nous avons les
textes internes, relatifs à la protection de la diversité culturelle et à la
radiodiffusion.
D’un point de vue historique, plusieurs conventions dans le
domaine culturel existent, mais il convient avant toute chose, de préciser que
les textes internationaux ne s’intéressent pas précisément à la radiodiffusion
pour la plupart mais défendent d’une manière plus globale un principe de
diversité culturelle. Parmi les différentes conventions existantes, figurent
l'Accord de Florence de 1950 et son Protocole de Nairobi de 1976, la
Convention universelle sur les droits d'auteur de 1952, la Déclaration de
principes de la coopération culturelle internationale de 1966, la Convention
concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation,
l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels de 1970, la
Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de
1972, la Déclaration de l'Unesco sur la race et les préjugés raciaux de 1978, la
Recommandation relative à la condition de l'artiste de 1980 et la
Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire de
1989. Toutefois, c’est avec l’adoption de la convention de l’Unesco du 2
novembre 2001 à Paris que l’on peut véritablement parler d’un premier
instrument juridique en matière de protection et de défense de la diversité
culturelle. Pour ce faire, la convention de 2001 précise les conditions
normatives de valorisation de la culture dans les articles 6, 8, 9 et 10 :
« ARTICLE 6 Vers une diversité culturelle accessible à tous.
Tout en assurant la libre circulation des idées par le mot et par l’image, il faut
veiller à ce que toutes les cultures puissent s’exprimer et se faire connaître. La
liberté d’expression, le pluralisme des médias, le multi-linguisme, l’égalité
- 73 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
d’accès aux expressions artistiques, au savoir scientifique et technologique - y
compris sous la forme numérique - et la possibilité, pour toutes les cultures,
d’être présentes dans les moyens d’expression et de diffusion, sont les garants
de la diversité culturelle.
ARTICLE 8 Les biens et services culturels, des marchandises pas comme les
autres.
Face aux mutations économiques et technologiques actuelles, qui ouvrent de
vastes perspectives pour la création et l’innovation, une attention particulière
doit être accordée à la diversité de l’offre créatrice, à la juste prise en compte
des droits des auteurs et des artistes ainsi qu’à la spécificité des biens et
services culturels qui, parce qu’ils sont porteurs d'identité, de valeurs et de
sens, ne doivent pas être considérés comme des marchandises ou des biens
de consommation comme les autres.
ARTICLE 9 Les politiques culturelles, catalyseur de la créativité
Tout en assurant la libre circulation des idées et des œuvres, les politiques
culturelles doivent créer les conditions propices à la production et à la diffusion
de biens et services culturels diversifiés, grâce à des industries culturelles
disposant des moyens de s’affirmer à l’échelle locale et mondiale. Il revient à
chaque Etat, dans le respect de ses obligations internationales, de définir sa
politique culturelle et de la mettre en œuvre par les moyens d'action qu’il juge
les mieux adaptés, qu’il s’agisse de soutiens opérationnels ou de cadres
réglementaires appropriés.
ARTICLE 10 Renforcer les capacités de création et de diffusion à l’échelle
mondiale
Face aux déséquilibres que présentent actuellement les flux et les échanges
des biens culturels à l’échelle mondiale, il faut renforcer la coopération et la
solidarité internationales destinées à permettre à tous les pays, en particulier
aux pays en développement et aux pays en transition, de mettre en place des
industries culturelles viables et compétitives sur les plans national et
international » (Unesco, 2001, « Déclaration universelle de l’Unesco sur la
diversité culturelle, adoptée par la 31eme session de la conférence générale de
- 74 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
l’Unesco Paris », http://unesdoc.unesco.org/ images/ 0012/ 001271/127160
m.pdf, consulté le 16/12/2006, p. 7). A l’aune de ces articles, l’Unesco
reconnaît la spécificité des biens et services culturels et veille à créer les
conditions nécessaires permettant les échanges interculturels équilibrés à
travers le monde. Elle s’engage dans la protection, la promotion et l’accès à la
diversité des expressions culturelles, notamment dans les médias. Il s’agit de :
« stimuler la production, la sauvegarde et la diffusion de contenus diversifiés
dans les médias et les réseaux mondiaux d'information et, à cette fin,
promouvoir le rôle des services publics de radiodiffusion et de télévision dans le
développement de productions audiovisuelles de qualité, en particulier en
favorisant la mise en place de mécanismes coopératifs susceptibles d'en
faciliter la diffusion » (Ibid., p. 9). Le 20 octobre 2005, une nouvelle convention
qui s’inscrit dans le prolongement naturel de la convention 2001, est adoptée.
Elle reprend et modifie la convention de 2001, notamment, en matière de
radiodiffusion :
« Article 6-1 Dans le cadre de ses politiques et mesures culturelles telles que
décrites à l’article 4.6, et compte tenu des circonstances et des besoins qui lui
sont propres, chaque Partie peut adopter des mesures destinées à protéger et
promouvoir la diversité des expressions culturelles sur son territoire.
Article 6- 2. Ces mesures peuvent inclure : (h) les mesures qui visent à
promouvoir la diversité des médias, y compris au moyen du service public de
radiodiffusion » (Convention sur la protection et la promotion de la diversité des
expressions culturelles Paris, 2005, http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.phpurl_id=11281&url_do =do _topic&url_section=201.html, consulté le 16/12/2006,
pp. 7-8). Il est essentiellement question de valorisation de la diversité culturelle
pour le service public, alors que la convention encourage seulement la
contribution du secteur privée. Il s’agit de « reconnaître et encourager la
contribution que le secteur privé peut apporter à la valorisation de la diversité
culturelle, et faciliter, à cet effet, la mise en place d’espaces de dialogue entre
secteur public et secteur privé » (Unesco, 2001, « Déclaration universelle de
l’Unesco sur la diversité culturelle, adoptée par la 31eme session de la
- 75 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
conférence générale de l’Unesco Paris », http://unesdoc.unesco.org/ images/
0012/ 001271/127160m.pdf, consulté le 16/12/2006, p. 9). Aussi et compte tenu
du grand nombre de stations musicales dont le statut est privé en France, nous
pouvons nous interroger sur l’absence de véritables contraintes en matière de
diversité musicale.
La convention de 2001 démontre l’importance de la culture et la
nécessité de maintenir un certain équilibre dans les échanges afin de lutter
contre l’appauvrissement des expressions culturelles dans le monde. La
convention de 2005 va plus loin en fixant aux Etats des objectifs plus précis de
protection et de promotion de la culture. Les textes permettent d’établir une
série de droits et d’obligations, aux niveaux régional, national et international.
Les Etats signataires sont sommés de mettre en œuvre par le biais de leur
législation interne les grands principes et les grandes lignes d’action de la
convention. L’Unesco entend ainsi ne pas soumettre l’ensemble des biens et
des industries culturelles aux décisions de l’Organisation Mondiale du
Commerce et au principe de la libre concurrence. La culture devient un bien
particulier pouvant être subventionnée par les Etats. Néanmoins, si la
Convention sur la diversité culturelle confère un statut juridique aux biens et
services culturels, en revanche, les rapports qu’elle entretient avec les autres
instruments juridiques internationaux tels qu’ils sont définis dans les articles 20
et 21 sont ambigus. Son pouvoir face aux grands principes de l’Organisation
Mondiale du Commerce reste faible. En effet, l’article 20 de la convention
Unesco 2005 affirme le principe de non subordination. Il permet à la
Convention d’acquérir un caractère normatif en cas de litiges, mais indique que
rien dans le présent traité «ne peut être interprété comme modifiant les droits et
obligations des Parties au titre d’autres Traités auxquels elles sont parties»
(Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions
culturelles
Paris,
2005,
http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.php-url_id=
11281&url_do=do_topic&url_section=201.html, consulté le 16/12/2006, p. 12).
En d’autres termes, la Convention ne s’oppose pas aux acquis des
- 76 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
négociations multilatérales qui ont précédé son adoption. Les pays qui ont
libéralisé certains secteurs de la culture peuvent se rétracter s’ils le souhaitent.
De plus, au moment de la signature de la Convention, les pays ont le choix de
se soustraire définitivement à un engagement de leur part en le faisant
simplement savoir lors de la ratification. Par rapport à ce que souhaitent les
gouvernements du Québec et du Canada, la présente convention n’est pas tout
à fait satisfaisante. Elle n’a pas un caractère contraignant mais elle donne un
cadre général qu’il appartient aux Etats d’adopter. Dans ce cadre-là, nous ne
pouvons pas véritablement parler de contraintes en matière de diversité
musicale pour les radios musicales privées en France. De plus, si l’Unesco a
proposé une avancée dans la réflexion sur la promotion et la protection de la
diversité culturelle, reste à faire accepter cette convention par l’ensemble des
états partenaires. Outre le fait que les gouvernements canadien et français
aient largement participé à ce projet, d’autres pays voient dans ce texte une
expression du « protectionnisme » dans un secteur censé relever de la règle du
libre échange.
Du point de vue du droit européen relatif à la diversité culturelle.
La diversité culturelle est reconnue en droit européen. Les institutions
européennes n’ont pas toutes la même force contraignante sur les autorités
françaises. Quoi qu’il en soit, pour l’instant, les textes qui mentionnent la
protection de la diversité culturelle sont très généraux et leur application est
soumise au bon vouloir politique des Etats pour leur mise en œuvre pratique. Il
était question de faire figurer la notion de diversité culturelle notamment dans le
Traité constitutionnel européen (qui n’a pas été adopté cependant). Nous
retrouvons également la notion de diversité culturelle dans d’autres textes
européens, en vigueur, qui n’ont pas tous la même valeur contraignante. C’est
le cas dans la Charte des droits fondamentaux (UE), dans la Convention
européenne des Droits de l’Homme, ou encore dans le Traité d’ Amsterdam du
2 octobre 1997 (UE). Il est toujours question de diversité culturelle mais
aucunement de diversité musicale et d’obligations en la matière.
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
Concernant les textes internes, il existe des dispositions relatives
à la diversité culturelle et sociale dans différents textes normatifs français.
Néanmoins, c’est principalement dans l’Art. 29 de la loi du 30 septembre 1986
relative à la liberté de communication tel que modifié par l’Art. 48 de la loi du 9
juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de
communication audiovisuelle, qu’il est question d’une politique en faveur de la
diversité des programmes musicaux :
« Art. 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication
tel que modifié par l’Art. 48 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux
communications
électroniques
et
aux
services
de
communication
audiovisuelle :
Le conseil accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet
pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du
pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des
opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les
pratiques entravant le libre exercice de la concurrence.
Il tient également compte, pour les services dont les programmes musicaux
constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions
envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la
variété des œuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de
leurs conditions de programmation.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille, sur l'ensemble du territoire, à ce
qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services
édités par une association et accomplissant une mission de communication
sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre
les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants
socioculturels,
le
soutien
au
développement
local,
la
protection
de
l'environnement ou la lutte contre l'exclusion » (Art 29 alinéa 6 et Art. 29- 6°,
http://legifrance.gouv.fr/
affichTexteArticle.do;jsessionid=8F18FB5FA98B7598
9D2DF5249FE10FE3.tpdjo05v_2?cidTexte=JORFTEXT000000512205&idArticl
e=LEGIARTI000006420330&dateTexte=20090929&categorieLien=id, consulté
- 78 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
le 16/12/2006). Les textes internes inscrivent la prise en compte du critère de
diversité musicale de sauvegarde du pluralisme, des courants d’expressions
socioculturels, de la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les
abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice
de la concurrence, par le CSA lors du processus d’attribution des fréquences de
radio. Il tient également compte pour les services dont les programmes
musicaux constituent une proportion importante, des dispositions envisagées
en faveur de la diversité musicale au regard de la variété des œuvres, des
interprètes et des nouveaux talents programmés. Le CSA doit également veiller
au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et
les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. La
mission du département du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel consiste à
vérifier le respect par les opérateurs privés et publics de leurs obligations
inscrites dans leur convention ou dans leur cahier des missions et des charges,
en termes de contenu, que cela concerne le respect des quotas, la déontologie
des programmes, de l’information, de la publicité, de la protection de l’enfance,
etc.
D’autres dispositifs relatifs à la propriété et aux seuils de
concentration existent et s’appliquent à l’ensemble des industries culturelles.
Ces règles en faveur du pluralisme et de la diversité sont soutenues par les
pouvoirs d’action du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de l’autorité de
régulation des communications électroniques et des postes. Il existe trois types
de contraintes qui limitent la propriété croisée, le contrôle des marchés et les
seuils de détention des industries culturelles. Ces contraintes sont différentes
selon le pays où elles sont en application et les seuils de concentration ne
représentent pas le même pourcentage aux Etats-Unis qu’en France par
exemple.
Pour
la
diffusion
radiophonique
en
mode
analogique,
la
réglementation fixe des seuils d’audience à ne pas dépasser. Un réseau ne
peut pas desservir des bassins de population de 150 millions d’habitants et le
cumul d’autorisations analogiques et numériques est possible sous condition
- 79 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
que l’audience potentielle reste inférieure à 20% des audiences potentielles
cumulées de l’ensemble des services de radio (Loi n°2004-669 du 9 juillet 2004
relative aux communications électroniques et aux services de communication
audiovisuelle, http://www. legifrance.gouv.fr, consulté le 16/12/2006).
Ainsi,
l’industrie
radiophonique
doit
respecter
les
règles
spécifiques en faveur de la diversité musicale, adoptées au cours de l’histoire.
A la vue succincte des principaux textes concernant les obligations au sein de
l’industrie radiophonique, nous constatons avec P. Bouquillion que « ces
dispositifs […] forment aujourd’hui une stratification complexe, hétéroclite et
dont les enjeux pour le pluralisme et la diversité ne sont guère pensés »
(Bouquillion P., 2008, p. 103). Pour la plupart, il s’agit de textes généraux fixant
des objectifs à atteindre en matière de diversité culturelle. A l’exception des
quotas fixant un certain taux de diffusion de chansons d'expression française, il
n’existe pas véritablement de contraintes à destination des stations musicales
commerciales privées. Seuls les textes juridiques internes confèrent au CSA le
pouvoir de réguler l’espace radiophonique français. Si les pouvoirs d’action du
CSA sont importants, ces derniers évoluent au gré des changements qui
s’opèrent au sein de l’espace radiophonique et certaines lois sont assouplies.
Le rôle de régulateur du CSA n’est pas toujours aisé car souvent remis en
cause par les différents acteurs sociaux au sein de l’espace radiophonique. La
récente création d’un « bureau de radio » en mars 2009, en est une illustration.
Cette entité qui rassemble les quatre grands groupes radiophoniques privés
français, présidé par Michel Cacouault, entend mener des actions de lobbying
auprès des pouvoirs publics, en vue d’une révision des seuils anti-concentration
fixés par la loi qui freinent selon eux leur développement. Le bureau de la radio
a un rôle dans le dossier de la radio numérique. Dans ce contexte pourquoi les
radios devraient s’imposer des contraintes en matière de diversité musicale et
de programmation puisqu’a priori, elles n’ont aucune raison qui les y inciterait et
elles auraient même le pouvoir d’enfreindre les règles.
- 80 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
3.3 La diversité culturelle d’un point de vue institutionnel.
La libéralisation du marché des biens culturels et l’accélération
des échanges internationaux sont à l’origine de la mise en place de dispositifs
de protection des productions nationales (dans différents pays comme la
France, le Canada, la Suède et les Pays-Bas) face à la production américaine.
La vague de libéralisation de l’audiovisuel qui survient dans les années 1980 et
1990, tant au niveau national qu’international, marque l’avènement d’une
économie mondiale régie par les lois de la concurrence. Face au déséquilibre
des échanges de biens et services, la crainte de dominations culturelles et de
disparition d’un grand nombre de cultures se fait prégnante et la notion de
diversité culturelle acquiert un statut tridimensionnel. La diversité culturelle est
abordée d’un point de vue politique, juridique et économique par les diverses
institutions à l’œuvre.
Du point de vue politique, les différents Etats mettent en place des
mesures de politiques publiques destinées à maintenir la production, éviter la
disparition ou la standardisation et faciliter l’accès du public aux produits
culturels. Au départ, les politiques culturelles sont reliées à la construction des
identités nationales et la protection des marchés nationaux. La mise en place
de ces politiques culturelles résulte d’alternances entre des phases de forte
réglementation et de libre-échange (Sapiro G., 2005, “Politiques culturelles et
réglementation des industries de la culture : bilan des travaux et perspectives
de
recherche »,
http://www.observatoire-omic.org/extranet/pict/G%20Sapiro
Politiques%20culturelles%20WP%20V2%20PDF.pdf, consulté le 12/09/2008).
En France, c’est d’abord le secteur de l’audiovisuel qui donne lieu à
l’élaboration d’une politique culturelle. La radio qui est encore sous le monopole
public, jusqu’en 1970, a pour fonctions d’informer, de divertir et d’être au
service de l’éducation culturelle. La radio de service public devient ainsi un
moyen de diffusion des grandes œuvres nationales, notamment des œuvres
classiques, de soutien aux jeunes artistes et aux créations. A partir des années
- 81 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
1980, la politique culturelle redéfinit le concept de « démocratisation culturelle »
en s’inscrivant à la fois dans le cadre d’une lutte contre l’impérialisme culturel
américain et en réconciliant la culture avec l’économie (Ibid.). Mais peu à peu et
à la suite de l’introduction de la publicité au sein de l’espace radiophonique la
politique culturelle française s’éloigne de la radiodiffusion. Gisèle Sapiro,
Directrice de recherche au CNRS (Centre de sociologie européenne) fait
remarquer que les responsables politiques ont engagé des démarches de
soutien au secteur audiovisuel tardivement et que ce secteur n’est pas soutenu
en fonction de son poids sur le marché (Sapiro G., 2005, “Politiques culturelles
et réglementation des industries de la culture : bilan des travaux et perspectives
de
recherche »,
http://www.observatoire-omic.org/extranet/pict/G%20Sapiro
Politiques%20culturelles%20WP%20V2%20PDF.pdf, consulté le 12/09/2008).
Selon cet auteur, les aides publiques sont déterminées en fonction des enjeux
commerciaux, de la concurrence internationale dans le secteur culturel en
question, de sa valeur symbolique, de l’existence ou l’absence d’accords
interprofessionnels (Ibid.). Il est important d’ajouter que pour des raisons
historiques et culturelles, les professionnels de la filière musicale, en France,
ont toujours souhaité maintenir l’intervention de l’Etat à l’écart. D’autres raisons
sont évoquées par P. Bouquillion, pour qui, il faut considérer les différents
bouleversements de notre société survenus dans les années 1980. Ses
remarques s’appliquent au spectacle vivant mais son analyse peut aisément
s’étendre à l’espace radiophonique. Pour P. Bouquillion, les logiques
économiques marchandes deviennent le mode de régulation principal et la
politique culturelle gouvernementale se désengage. Les conditions de l’offre
culturelle sont transformées et en développant le caractère aléatoire de la
production culturelle, l’Etat souhaite résoudre les problèmes de financement par
« la main invisible » (Bouquillion P., 1992, « Le spectacle vivant : de l’économie
administrée à la marchandisation », http://observatoire-omic.org, consulté le
27/09/2009). Tout comme dans le secteur du spectacle vivant, l’Etat
dérèglemente l’espace radiophonique et avec l’introduction de la publicité pour
- 82 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
les stations commerciales, la programmation musicale s’insère désormais au
sein d’un espace concurrentiel et marchand.
Du point de vue juridique, plusieurs Etats mettent en place des
mesures visant à promouvoir l’expansion des expressions culturelles, des
productions nationales et locales. Les produits et services culturels étant
reconnus comme véhiculant des valeurs et une identité, ils nécessitent une
politique de soutien. Le Canada est le premier pays à instaurer un quota
minimum d’œuvres canadiennes dans les années 1970. La France emboite le
pas en 1986 avec l’imposition d’un quota de 40% de chansons d’expression
française. Les mesures de soutien qui s’instaurent en termes juridiques,
prennent le plus souvent la forme de quotas, de réglementation, de subvention
et la question de la propriété intellectuelle devient centrale. Si aux origines une
œuvre appartient à son auteur, lorsqu’elle est rendue publique, elle devient une
propriété publique et a vocation à être régie par la loi. Néanmoins, l’ensemble
de ces politiques de soutien et la liberté d’intervention des Etats sont largement
entravées par le droit de l’Organisation Mondiale du Commerce et les traités de
libre-échange. Dans ce contexte, l’intervention en matière de diversité culturelle
nécessite de mener de front à la fois les politiques étatiques de soutien à la
culture, le contrôle de la concurrence et l’ajustement de la propriété
intellectuelle. Il s’agit des objectifs envisagés par la Convention sur la protection
et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée à l’Unesco
en octobre 2005. Pour Gisèle Sapiro, l’élaboration d’une politique culturelle
européenne est difficile car elle est traversée par des exigences contradictoires,
dont les contraintes de libéralisation imposées par l’OMC, les objectifs de
« diversité culturelle » adoptés par l’Unesco en 2001 et l’élaboration d’une
politique communautaire dans le domaine culturel, réalisée indépendamment
des
politiques
nationales
(Sapiro
G., 2005,
“Politiques
culturelles
et
réglementation des industries de la culture : bilan des travaux et perspectives
de
recherche »,
http://www.observatoire-omic.org/extranet/pict/G%20Sapiro
Politiques%20culturelles%20WP%20V2%20PDF.pdf, consulté le 12/09/2008).
- 83 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
Du point de vue économique, les études sur les industries
culturelles se sont développées tardivement. La diversité culturelle est
envisagée à partir de la capacité du marché à promouvoir une production
diverse autant du point de vue de la production que de celui des
consommateurs. Les produits culturels et informationnels sont considérés
comme un bien collectif et la défense des intérêts économiques va de pair avec
celle des industries culturelles nationales. Les politiques publiques sont
appréhendées en termes de monopole et de limitation de la concentration et
des acquisitions par les grands groupes. Ainsi, les arguments en faveur de
l’intervention publique sont de deux ordres. La valorisation des produits
culturels étant incertaine et nécessitant un haut niveau de production afin de
réduire l’incertitude des revenus, l’intervention publique œuvre en faveur du
maintien de la production et lutte contre la disparition et la standardisation des
produits culturels et informationnels. Pour Armand Mattelart, en focalisant son
attention sur la diversité produite et proposée aux consommateurs, le point de
vue purement économique, réduit l’analyse de la diversité culturelle à des
aspects marchands et occulte les dimensions socioculturelle, politique et
symbolique propres aux produits culturels (Mattelart A., 2002, « La diversité
culturelle : entre histoire et géopolitique », http:// www.infoamerica.org/
documentos_pdf/Mattelart2.pdf, consulté le 16/09/2008). Armand Mattelart
souligne que, depuis les années 1980, « les stratèges du marketing et du
management ont fait de la diversité culturelle une notion opératoire en l’érigeant
en principe de la segmentation transnationale des cibles en « communautés de
consommateurs ». De la sorte, ils ont « anticipé l’établissement de profits
permettant de produire de la diversité de manière standardisée » et avec la
libéralisation du marché et la privatisation du secteur audiovisuel, « la culture a
basculé dans la nomenclature des « services » (Ibid.).
Les trois dimensions politique, juridique, économique se sont
formées au fils de l’histoire et participent à l’élaboration de dispositifs de
protection en matière de diversité culturelle. Avec l’industrialisation et la
- 84 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
marchandisation de la production culturelle, la montée en puissance de la
musique enregistrée et de l’audiovisuel et enfin la trans-nationnalisation des
programmes, les questions d’ordre économique deviennent centrales (Miège B,
(2003), « La contribution des industries de la culture de l’information et de la
communication
à
l’informationnalisation
et
à
la
globalisation »,
http://www.ques2com.fr/index.php?p=details&cat=recherche&type=article&revu
e=25&id=394, consulté le 20/09/2009). Néanmoins, persistent de nombreuses
interrogations non appréhendées par l’approche strictement économique de la
culture, dont les stratégies des différents acteurs en présence, les conflits
autour des régulations, mais également les questions ayant attrait à la notion
même de diversité culturelle. Qu’est ce que la diversité et comment la définir en
fonction du secteur culturel étudié ? C’est la définition de la notion de
«diversité » qui pose problème. Celle-ci recouvrant des représentations
différentes tant au niveau régional, que national et international, apparaît
comme pluri-sémantique.
- 85 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
3.4 La diversité musicale d’un point de vue définitionnel.
Des analyses contradictoires sont souvent énoncées à partir du
terme de « diversité culturelle ». La complexité et la difficulté d’appréhension de
la diversité culturelle réside, selon Tristan Mattelart, dans l’ambigüité de la
notion qui est d’une part polysémique et d’autre part évolutive en fonction du
contexte politique, économique et intellectuel au sein duquel elle s’insère
(Mattelart T., 2009, « Enjeux intellectuels de la diversité culturelle. Eléments de
déconstruction
théorique »,
http://www.culture.gouv.fr/deps,
consulté
le
27/09/2009). Cet auteur, souligne comment au fil du temps, l’évolution de
l’interprétation de la diversité culturelle, peut tantôt légitimer les politiques
publiques visant à promouvoir une pluralité culturelle et tantôt justifier les
stratégies des entreprises culturelles et de communication (Ibid.). A la fin des
années 1960, le courant d’économie politique critique fait partie des premiers
mouvements de pensée à considérer les différents processus à l’œuvre dans le
contexte
d’internationalisation
des
médias.
Les
recherches
critiques
s’intéressent aux rapports de domination et d’inégalité face au déséquilibre des
échanges culturels transnationaux. L’importance d’instaurer des politiques
publiques de communication afin de préserver la diversité culturelle est mise en
avant. La notion de diversité culturelle renvoie à la protection de la pluralité des
expressions
culturelles
face
au
contexte
d’internationalisation
et
de
commercialisation des médias. En 1970, d’autres courants de pensées
prennent une toute autre orientation et s’intéressent aux processus
d’intégration d’éléments culturels étrangers aux cultures nationales. La diversité
culturelle est considérée comme la résultante des interactions entre les
différentes cultures du monde et le contexte d’internationalisation participe à
l’accroissement de ces interactions. Dans le cadre de ces recherches, les
thèses de l’économie politique critique sont incriminées de défendre des
positions protectionnistes et nationales vis-à-vis de la culture. Les années 1980
marquent la prise en compte des phénomènes de domination sur le marché du
commerce
international,
sans
considérer
- 86 -
qu’il
y
ait
pour
autant
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
homogénéisation de la culture. Les chercheurs orientent leurs études sur les
processus d’appropriation culturelle. Ils considèrent que si quelques grandes
nations dominent le commerce international, notamment en termes de
production et de programmation télévisuelle, les lectures qui en sont faites par
les populations du monde sont diverses. Ainsi, les populations appréhendent la
culture de différentes façons et la diversité culturelle est caractérisée par ses
capacités à satisfaire les demandes spécifiques des consommateurs. De ce
point de vue, c’est à travers les différents modes de consommation culturelle
que s’exerce la diversité culturelle. Le principal argument de ces recherches
consiste à défendre l’idée selon laquelle l’internationalisation des échanges
culturels accroît le commerce des biens culturels et augmente « le menu de
choix » des consommateurs (Mattelart T., 2009, « Enjeux intellectuels de la
diversité
culturelle.
Eléments
de
déconstruction
théorique »,
http://www.culture.gouv.fr/deps, consulté le 27/09/2009). Les débats sur la
notion
de
diversité
culturelle
oscillent
aujourd’hui
entre
une
vision
anthropologique et une vision prenant en considération les industries
culturelles. Le premier point de vue s’intéresse plus aux interactions entre les
cultures alors que le second oriente ses réflexions sur les dangers
d’homogénéisation
culturelle
dont
sont
porteurs
les
flux
médiatiques
transnationaux.
Dès les années 1970, les Culturales Studies et l’anthropologie
présentent les flux transnationaux comme produisant de la diversité culturelle
puisque les populations se l’approprient. Ces échanges sont perçus comme
des apports permettant d’enrichir les cultures nationales distinctes. Comme le
souligne Tristan Mattelart, si l’orientation de ces recherches a participé à une
meilleure connaissance de l’appropriation des flux culturels transnationaux par
les publics, en revanche, elle occulte de l’analyse plusieurs éléments
fondamentaux. En ignorant les contenus culturels véhiculés, les différents
acteurs en présence et les logiques de domination qui s’instaurent dans le
contexte de l’internationalisation des échanges, le risque est « de laisser croire
- 87 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
que le libre jeu des interactions culturelles peut suffire à garantir la diversité
culturelle » et à ce jour aucune mesure législative ou aucune étude ne s’est
risquée à le démontrer (Ibid., p. 8). Ainsi, ne pas s’interroger sur les risques
d’inégalité que peut provoquer l’internationalisation des échanges culturels et
penser que ceux-ci doivent se soumettre exclusivement aux lois du marché
relève d’un positionnement idéologique. C’est pourquoi, afin de cerner et de
décrire la multiplicité des enjeux reliés à la notion de diversité culturelle et
musicale, nous allons observer les techniques de marketing et les stratégies
des acteurs sociaux à l’œuvre au sein de l’espace radiophonique. A partir de
ces observations nous allons proposer une définition de la diversité musicale.
- 88 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
4. Cadre théorique et méthode de la recherche.
4.1 Problématique et hypothèses.
L’espace radiophonique français se présente comme une
exception par rapport aux autres pays européens. Le rapport du député PierreChristophe Baguet, du 9 octobre 2003 à l’Assemblée Nationale, dénombre plus
de 6 000 fréquences exploitées, dont 3 429 par des opérateurs privés en
France (depuis l’espace radiophonique a peu bougé sous réserve du
renouvellement des fréquences actuellement en cours), contre 1 000
fréquences FM pour la Grande-Bretagne, 2 000 fréquences pour l’Allemagne et
une centaine pour chacun des pays nordiques (Baguet P-C., 2003, Projet de loi
de
finances
pour
2004
(n°1093),
http://www.assemble e-nationale.fr
/12/budget/plf2004/a1111-07.asp, consulté le 19/05/2008). D’après ces chiffres,
le nombre de fréquences radiophoniques françaises se révèle être une richesse
qui permet potentiellement de diffuser un large éventail de programmes variés,
notamment musicaux, afin de répondre aux attentes du plus grand nombre.
C’est ce que soulignent de nombreuses données statistiques fournies par le
Ministère de la Culture et de la Communication, le Département des études de
la prospective et des statistiques (DEPS) et Médiamétrie qui révèlent
aujourd’hui l’importance du média radiophonique en termes d’audience et de
diffusion musicale. Ces références précises qui s’intéressent à l’ensemble des
questions éditoriales et publicitaires permettent d’analyser les comportements
d’écoute des auditeurs et de mieux connaître la position du média radio dans le
secteur médiatique français. En dix ans, entre 1995-1996 et 2005-2006, le
nombre d’auditeurs est passé de 36 690 000 à 40 796 000 et la radio a ainsi
gagné plus de 4 millions d’auditeurs âgés de 15 ans et plus (Médiamétrie,
2006, « Panel Radio 2005-2006 – lundi/vendredi 1ère semaine – 05H/24H –
Couverture maximale (%) », www.médiamétrie.fr, consulté le 19/05/08). Son
succès réside dans la possibilité d’accompagner les auditeurs quels que soient
les lieux d’écoute qui multiplient le nombre de contacts avec le public mais
- 89 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
également grâce à la souplesse de ses contenus qui lui confère une grande
adaptabilité aux nouvelles techniques. Plus personne ne s’étonne d’ailleurs
aujourd’hui de la présence de la radio qui fait partie des biens d’équipements
d’usage. Le nombre d’appareils permettant de recevoir des programmes
radiophoniques est estimé à 5,8 par foyers français (Médiamétrie, 2006,
Enquête équipement radio 2006, www.mediametrie.fr, consulté le 19/05/2008).
L’intensification de l’utilisation des Technologies de l’information et de la
communication en France (Berret P., 2008, « Diffusion et utilisation des Tic en
France et en Europe », http://ww.culture.gouv.fr/deps, consulté le 27/09/2009)
place la radio au cœur de nombreux changements avec l’émergence de
nouveaux modes de réception des programmes radios via : le baladeur MP3
recevant la radio, les téléphones mobiles, les téléviseurs, le satellite, et enfin,
l’ordinateur connecté à Internet. Ainsi, en 2006, les auditeurs de radio
deviennent plus mobiles et mieux équipés en technologies nomades avec plus
d’une personne sur dix âgée de 13 ans et plus qui possède un baladeur MP3
recevant la radio (Médiamétrie, 2006, Enquête équipement radio 2006,
www.mediametrie.fr, consulté le 19/05/2008). Une part de 8,4% des individus
ont accès dans leur foyer à un téléphone mobile recevant la radio et une
personne sur quatre (soit 25,4% de la population âgée de 13 ans et plus) a la
possibilité d’écouter la radio à domicile par la télévision grâce à une offre
élargie (Ibid.). L’écoute à domicile par Internet est possible pour 43,2% des 13
ans et plus et l’écoute en direct sur Internet se développe avec 17,8% des 13
ans et plus qui ont déjà pratiqué cette écoute (Ibid.). Seule, l’écoute de la radio
en différé par Internet en streaming ou podcasting n’est pas totalement rentrée
dans les mœurs avec seulement 8,3% de personnes qui ont écouté une
émission de radio en différé sur Internet (Ibid.).
S’il est impossible de nier l’essor des pratiques d’écoute et de
découverte musicale via les supports émergents permettant les échanges de
fichiers musicaux, mais encore les technologies nomades (baladeurs mp3 et
autres) où l’auditeur peut créer lui-même sa programmation en sélectionnant
- 90 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
ses titres favoris, la radiodiffusion analogique représente encore aujourd’hui, le
média de références musicales à destination de fortes audiences. Ceci est
d’autant plus vrai, car l’écoute radiophonique des français est concentrée sur
les vingt et une stations nationales qui accaparent à elles seules, 82% du
volume d’écoute nationale de la radio (Médiamétrie, 2006, 126 000 radio –
Cumul Septembre 2005/juin 2006 – lundi/vendredi – 05h/24h – PDA (%),
www.mediametrie.fr, consulté le 19/05/2008) mais également parce que les
auditeurs sont fidèles à leurs stations préférées. Les Français n’écoutent en
moyenne que trois à quatre stations sur quinze jours en locales ou nationales
(Médiamétrie, 2006, Panel radio 2005-2006 – lundi/vendredi 15 jours – 05h/24h
Couverture maximale (%) – Base auditeurs 13 ans et +, www.mediametrie.fr,
consulté le 19/05/2008). En dépit d’une légère baisse d’audience des réseaux
radiophoniques analogiques pour l’année 2008, la présence de la radio au sein
des foyers Français, l’intérêt envers les programmes diffusés et la fonction
d’attrait que représente la musique, restent stables face au développement des
Tic et des diverses modalités d’accès à la musique sur le Net. A partir des
données statistiques vues précédemment, il est aisé de mettre en corrélation,
la force médiatique de la radio avec les objectifs de communication et de
promotion des artistes puisque les programmes radiophoniques gardent une
place de choix dans la consommation culturelle des Français.
Cependant, malgré une relative satisfaction envers les différents
programmes radiophoniques disponibles sur la FM, force est de constater que
la diffusion des œuvres musicales à la radio suscite certaines interrogations.
D’un point de vue historique, les stations musicales qui ont choisi un statut
commercial dès 1984, ont pris de l’avance dans la constitution de leur réseau
qui recouvre une bonne partie du territoire français mais également au niveau
des habitudes d’échanges avec les majors. Avec l’assouplissement des règles
autorisant la propriété multiple, les phénomènes de multiplication et
d’acquisitions s’accentuent. Nous observons ainsi un espace radiophonique
très contrasté où quelques grands réseaux thématiques se partagent les fortes
- 91 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
audiences, ainsi que le marché des annonceurs face à quelques radios dont les
formats alternatifs sont moins convoités par les investissements promotionnels.
L’introduction des panels dès la fin des années 1980, le nombre de titres
programmés à l’antenne et le nombre de musiciens diminuent peu à peu.
Certains artistes rejetés par les auditeurs sondés disparaissent complètement
de la programmation et les artistes francophones qui ne représentent plus
qu’une faible part de la programmation globale sont étouffés par une diffusion
massive de titres internationaux et/ou transnationaux anglo-saxons. A cela
s’ajoute l’évolution de la programmation de nombreuses radios qui a pour effet
de multiplier le nombre de passages quotidiens d’un même titre au détriment de
la diversité des artistes qui pourraient être diffusés aux heures de grande
écoute afin d’être entendu par un maximum d’auditeurs. Il apparaît évident que
ce mode de diffusion répétitif profitant à une minorité d’artistes, en exclut, du
même coup d’autres. Mais ce qui est plus inquiétant, c’est la répercussion de
ces pratiques de programmation sur l’ensemble de l’espace radiophonique,
puisque entre les grands réseaux thématiques et les formats alternatifs
subsistent des petites radios commerciales. Ces dernières, qui n’ont pas les
moyens de financer des études de sondage, calquent leurs programmations
musicales sur celles des grands réseaux afin d’attirer une audience. Dès lors,
l’entrée en playlists sur une grande station telle que NRJ, donne un passe droit
à un titre musical pour être diffusé sur l’ensemble des petites radios
commerciales. Il devient alors plus difficile pour des labels indépendants ou des
groupes autoproduits de s’insérer au sein des playlists des radios
commerciales. Ce type de diffusion musicale pose les questions suivantes : si
la radio a accompagné depuis plusieurs années la massification des modes
d’appropriation de la musique, aujourd’hui qu’en est-il ? La radio permet-elle de
diffuser une offre musicale qualitative et quantitative malgré les phénomènes
répétitifs des playlists ? Les politiques des maisons de disques et des radios
sont-elles en adéquation face à la promotion des artistes ? Les moyens
d’accéder à la bande FM sont-ils abordables pour l’ensemble des musiciens qui
souhaitent se faire connaître du grand public ? Si la radio permet de toucher
- 92 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
des millions de foyers qu’en est-il de sa réception ? Le mode de diffusion
musicale actuel pourrait-il orienter nos goûts musicaux ? Plus exactement quel
est le rôle de la diffusion radiophonique aujourd’hui, s’inscrit-elle dans une
dynamique de diversité culturelle ?
L’ensemble de ces questionnements n’est pas nouveau et
préoccupe depuis quelques temps déjà les politiques culturelles françaises. A
la suite du développement des formats radiophoniques de plus en plus précis
au cours des années 1990, de fortes tensions entre les différents acteurs de la
filière musicale amènent le Parlement à prendre des mesures notamment avec
la loi du 1e février 1994 imposant aux opérateurs de diffuser un quota minimum
de 40% de chansons d’expression française dont la moitié provenant de
nouveaux talents ou de nouvelles productions. Quatre ans après et compte
tenu de l’évolution de l’espace radiophonique, le CSA estime nécessaire
d’améliorer le texte voté en 1994 en permettant une modulation des quotas en
fonction des différents formats radiophoniques et en privilégiant la diffusion des
nouveaux talents d’expression française. Cependant, persistent de nombreuses
questions toujours en suspens. La réduction de la diversité des opérateurs
implique-t-elle
un
amoindrissement
de
l’offre ?
Comment
comprendre
l’augmentation des répertoires locaux alors que le nombre de titres diffusés sur
les antennes diminue ? Comment maintenir la place des nouveaux talents et
des musiques du monde au sein des playlists ? Comment préserver la diversité
musicale face au resserrement des playlists ? Quelle est l’évolution des
relations entre diffuseurs et industriels ? Existe-t-il des freins dans l’exercice de
leurs métiers respectifs ? Et enfin, comment revaloriser le travail des réseaux
radiophoniques alternatifs ? Le 29 mai 2001, le ministre de la culture et de la
communication charge le groupe de travail présidé par Eric Baptiste
« d’identifier les sujets et (…) d’apporter des réponses à un certain nombre de
questions faisant débat entre les représentants des radios et ceux de la filière
musicale » (Baptiste E., 2002, « Rapport du groupe de travail sur les relations
entre les radios et la filière musicale », http://www.culture.gouv.fr/culture
- 93 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
/actualites/rapports/baptiste/rapport.pdf, consulté le 08/11/2006, p. 1). Comme
le souligne le rapport Eric Baptiste, jusqu’alors la filière musicale n’a pas
souhaité l’intervention de l’Etat alors qu’elle ne disposait pas de groupe de
pression ou d’établissements pour la défendre comme il existe dans la filière
cinématographique avec le CNC ou encore le CNL dans le secteur de l’édition
par exemple. Il a donc été difficile pour l’Etat français de traiter les besoins, tant
les messages étaient contradictoires. Néanmoins, dans un contexte de
libéralisation, de mondialisation des échanges et d’accroissement de la
concurrence, la nécessité de défendre les identités culturelles multiples s’est
progressivement imposée. C’est pourquoi, le rapport du groupe de travail Eric
Baptiste préconise l’institutionnalisation de rencontres régulières entre le CSA
et les différents acteurs de la filière musicale avec à l’appui une institution qui
soit à même de vérifier : « la bonne application des règles déjà existantes plutôt
que d’ajouter de nouvelles règles comme c’est habituellement le réflexe en
France » (Baptiste E., 2002, « Rapport du groupe de travail sur les relations
entre
les
radios
et
la
filière
musicale »,
http://www.culture.gouv.fr/
culture/actualites/rapports/baptiste/rapport.pdf, consulté le 08/11/2006, p. 27).
C’est ainsi que le ministère de la culture procède à la mise en place d’un
accord professionnel entre les radiodiffuseurs, les éditeurs de musique, les
producteurs de phonogrammes et les auditeurs. Il reconnaît l’Observatoire de
la musique comme une instance de référence en matière de confection et
d’analyse des indicateurs de la diversité musicale dans les radios. Désormais,
l’Observatoire de la musique est ainsi sommé de mettre en place un comité de
suivi des indicateurs pour mesurer la diversité musicale dans les radios et
l’observation de ces données fait l’objet d’un rapport annuel remis au Ministre
de la Culture et de la Communication et au Président du CSA.
A l’heure actuelle, l’attention des politiques culturelles se tourne
vers la numérisation de la radio. Si le processus de numérisation a fait passer
au second plan les questions concernant la radio analogique, les tensions entre
les différents acteurs de la filière musicale persistent encore aujourd’hui. Les
- 94 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
groupes radiophoniques qui se sont constitués depuis 1984 n’ont pas
beaucoup bougé. Face à un marché publicitaire étroit, l’espace radiophonique
reste stationnaire. Les principaux réseaux radiophoniques privés ayant acquis
une certaine envergure se trouvent en situation oligopolistique et se partagent
les audiences selon des formats spécifiques. Les réseaux NrRJ, Fun Radio,
Skyrock, RTL2 et Virgin Radio ne sont plus véritablement en concurrence. Il n’y
a pas non plus de raisons économiques pour justifier la concentration en
termes d’infrastructures car les coûts de transmission sont faibles et comme la
plupart des industries médiatiques, la concentration du capital permet
l’augmentation des profits pour les actionnaires. Désormais, la question
centrale réside à la fois dans l’absence de concurrence et la concentration de la
concurrence au sein de l’espace radiophonique. La réponse résiderait-elle au
cœur des programmations musicales, à savoir la playlist ? Face au
développement des radios numériques et des supports permettant les
échanges de fichiers musicaux sur le Net, les revendications actuelles en
matière de diversité musicale apparaissent plus percutantes. Les supports
émergents dont le système d’offre reposent sur le choix du consommateur et
l’accès à l’ensemble des productions musicales mondiales ne remettent-ils pas
en cause l’activité des instances médiatiques dont la programmation est au
centre ? Dans cette perspective, les questionnements concernant la diversité
culturelle ne concernent pas seulement l’espace radiophonique mais
l’ensemble des industries culturelles et médiatiques. C’est à partir de
questionnements plus ou moins anciens, dans la perspective des évolutions
techniques récentes, mais également à la suite des différentes mesures prises
en charge par le Ministère de la Culture et dans le contexte actuel de
renouvellement des attributions de fréquences que nous envisageons cette
étude. Nous nous attacherons à observer si, à la suite du développement des
techniques de marketing à la fin des années 1980 et face à l’univers
concurrentiel dans lequel les stations analogiques françaises NRJ, Fun radio,
Skyrock, Virgin Radio et RTL2 évoluent, les stratégies de programmation se
sont complexifiées et rationalisées aux dépends de la diversité musicale.
- 95 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
La libéralisation et la déréglementation des marchés, le modèle de
fusion et d’acquisition des entreprises de communication, la réduction du
nombre d’opérateurs et le primat de l’économique sur le politique s’inscrivent
dans un processus mondial qui n’épargne pas les industries culturelles et
médiatiques. L’espace radiophonique ne semble pas échapper à cette règle.
Les stations qui choisissent un statut commercial dès 1984, prennent de
l’avance dans la constitution de leur réseau qui recouvre une bonne partie du
territoire français mais également au niveau des habitudes d’échanges avec
l’industrie de la musique enregistrée. L’assouplissement des règles autorisant
la propriété multiple, permet aux réseaux radiophoniques la multiplication des
acquisitions. La formation de grands groupes radiophoniques, l’accroissement
de la concurrence entre médias, la baisse des recettes publicitaires, les
innovations technologiques liées à la numérisation des contenus et au
développement des modalités d’accès à la musique sur le Net sont autant
d’éléments qui ont progressivement modifié la structuration et l’organisation de
l’industrie radiophonique depuis les années 1980. L’espace radiophonique
français devient contrasté avec quelques grands réseaux thématiques qui se
partagent les fortes audiences et le marché des annonceurs face à des radios
dont les formats alternatifs sont moins convoités par les investissements
promotionnels. Depuis, l’espace radiophonique français reste stable et les
réseaux musicaux NRJ, Skyrock, Fun Radio, Virgin Radio et RTL2 ont acquis
une envergure leur permettant de se partager les plus fortes audiences selon
des cœurs de cible distincts. Afin d’être identifiables en quelques secondes par
les auditeurs, les radios commerciales concentrent leur programmation sur
quelques genres musicaux. A chaque radio correspond un format musical
précis, composé de deux à trois courants musicaux dominants. De ce fait, peu
de nouveaux genres sont introduits au sein des programmations musicales.
Les principaux réseaux radiophoniques sont arrivés à un stade de maturation et
il n’y a plus véritablement de concurrence entre les grands groupes
radiophoniques, à l’exception de la playlist qui permet de se distinguer des
autres stations. La playlist doit représenter ce que les auditeurs veulent
- 96 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
entendre et devient l’élément autour duquel se livre une véritable bataille entre
radios concurrentes. A partir de l’ensemble des éléments mettant en lumière
les principales évolutions de l’espace radiophonique français, nous pouvons
émettre l’hypothèse que si les principaux réseaux radiophoniques analogiques
français évoluent actuellement dans un cadre stationnaire, la playlist devient
l’enjeu de la concurrence entre radios.
- 97 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
A la suite des engagements conventionnels, lors des attributions
de fréquences délivrées par le CSA, chaque opérateur radiophonique se
conforme à un format musical précis qu’il convient de respecter. Afin de
maintenir le budget des annonceurs, les responsables de la programmation
doivent sélectionner les titres qui plaisent aux auditeurs. L’objectif qui consiste
à respecter un format musical spécifique et en même temps rassembler le plus
grand nombre d’auditeurs constitue un paradoxe. Les responsables de la
programmation se trouvent face à des exigences contradictoires qui résident
dans l’adoption d’un format musical unique et spécifique, représentatif d’un
mode de vie et d’écoute particulière, mais qui doit plaire à tous. En parallèle,
les pratiques culturelles des auditeurs français évoluent. Ces derniers ont à leur
disposition différents moyens d’accès à la musique avec une offre reposant sur
le choix du consommateur. Face aux évolutions des pratiques d’écoute de la
radio, mais également face au contexte concurrentiel d’accès aux recettes
publicitaires, les professionnels de la radio adoptent des critères de sélection
des titres musicaux. La programmation est fréquemment renouvelée mais les
titres qui plaisent doivent être maintenus au sein de la playlist pour avoir une
chance de satisfaire un maximum d’auditeurs et ne pas manquer à la promesse
de départ que constitue le format radio annoncé. Toute nouvelle introduction
d’une œuvre musicale au sein de la playlist constitue un risque, car si celle-ci
ne plait pas, l’audience et le budget des annonceurs diminuent. Les modalités
de gestion et de captation d’audience auxquelles doivent faire face les radios
musicales commerciales privées ne permettent pas de prise de risque artistique
dans le choix des titres. Afin de réduire l’ensemble des risques, les
professionnels de la radio ont recours à des études d’audience dont les
résultats sont directement intégrés au sein des playlists. L’ensemble de ces
outils s’inscrit dans une logique de prédiction. Il faut prévoir à l’avance ce que
voudront entendre les auditeurs. Cette logique d’anticipation crée des
phénomènes de croyance et de mimétisme au sein de l’espace radiophonique
français, où les différentes stations commerciales copient les playlists de leur
concurrente. Ce qui nous amène à formuler ainsi notre deuxième hypothèse : si
- 98 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
les radios musicales commerciales sont soumises à des contraintes de gestion,
la playlist apparaît comme l’espace où s’exprime le choix de l’importance et de
la qualification de ce qui fait l’actualité musicale mais également des titres qui
vont faire le succès d’une radio. De ce fait, la playlist constitue le lieu de
sélection des titres qui vont connaître le succès et les titres qui vont connaître
le succès se trouvent dans la playlist.
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
Les relations entre l’industrie radiophonique et l’industrie de la
musique enregistrée sont à l’origine des programmations musicales en radio.
D’un point de vue historique, ces deux industries sont anciennes et se trouvent
aujourd’hui dans une situation d’extrême concentration. Le milieu de l’industrie
de la musique enregistrée comporte aujourd’hui quelques grands majors. Ces
majors traversent depuis quelques années une crise économique concernant la
vente des supports musicaux et doivent faire face à certaines modalités de
gestions. Les relations entre l’industrie radiophonique et l’industrie de la
musique enregistrée qui sont à l’origine des programmations musicales sont
complexes. Ces deux industries culturelles travaillent pareillement pour la
diffusion musicale avec un mode de fonctionnement et des contraintes
économiques différentes. Les industriels et les diffuseurs optent pour un mode
de fonctionnement propre à leur rentabilité respective. Néanmoins, le volume
de diffusion d’une œuvre musicale en radio semble avoir un impact non
négligeable sur son succès commercial. C’est pourquoi, les responsables
promotion qui travaillent au sein de l’industrie de la musique enregistrée
viennent d’eux-mêmes vers la radio afin de proposer les artistes qu’ils
souhaitent voir programmer sur les ondes radiophoniques. Pour l’industrie
radiophonique, l’industrie de la musique enregistrée est un fournisseur de
contenu des programmes. Les intérêts de l’industrie radiophonique et de
l’industrie de la musique enregistrée sont divergents. Si pour l’industrie de la
musique enregistrée l’objectif est de proposer un maximum d’artistes aux
radios, à l’inverse la vocation de l’industrie radiophonique consiste à
sélectionner les titres qui correspondent au format musical d’origine. Ce qui
nous amène à formuler notre troisième hypothèse : si les relations de l’industrie
radiophonique et de l’industrie de la musique enregistrée sont basées sur un
état de dépendance réciproque, elle n’en est pas pour autant source de conflits.
Les relations de « conflit / complicité », « connivence / concurrence », sont à
l’origine de la mise en avant d’une minorité d’artistes dans les playlists des
radios analogiques NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2.
- 100 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
4.2 Inscription du sujet de l’étude dans des courants théoriques.
Le cheminement de cette étude s’inscrit dans une logique
théorique particulière puisqu’il s’agit d’analyser la complexité et les enjeux de la
programmation musicale à partir d’un champ d’étude relativement atypique,
celui des radios musicales commerciales françaises. Afin d’atteindre cet
objectif, il nous apparait nécessaire de croiser plusieurs grilles d’analyses
empruntées à différentes disciplines puisque c’est sur cette voie que
s’inscrivent les sciences de l’information et de la communication. Nous allons
exploiter l’approche de l’économie politique de la communication, la
pragmatique linguistique et plus particulièrement l’analyse de discours, les
travaux concernant la perception musicale et les études concernant les
logiques managériales et mimétiques au sein des entreprises. Néanmoins,
c’est dans une perspective stratifiée que nous souhaitons aborder les différents
apports théoriques précités, car tous n’ont pas la même importance mais
certains nous permettent de faire le lien entre eux. Ces différents points de vue
nous permettent d’appréhender les logiques de diffusion des œuvres musicales
sous plusieurs dimensions afin d’identifier les politiques de programmations des
professionnels de la radio, les principales caractéristiques et les tendances
évolutives des playlists.
Si l’économie politique de la communication n’est pas un courant
de pensée homogène et qu’elle rassemble en son sein différents points de vue
théoriques, elle s’ouvre, à partir des années 1980, à de nouveaux champs de
recherches et de nouveaux questionnements, tels que l’internationalisation des
systèmes de communication, la concentration des firmes médiatiques, les
phénomènes de domination, le rapport entre nouveaux médias et médias
traditionnels, la sociologie des professionnels, la spécificité des produits
culturels et l’équilibre entre création et programmation. La particularité de ce
courant de pensée provient d’un apport de thématiques, de disciplines et de
théories permettant de ne pas appréhender les questions d’ordre culturel
- 101 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
uniquement d’un point de vue économique comme il est souvent d’usage. C’est
ce que soulignent Armand et Michèle Mattelart à ce sujet : « les nouveaux
paradigmes appellent la transversalité. N’ébranlent-ils pas les relations
univoques que la pensée linéaire a établi entre la cause et l’effet, l’émetteur et
le récepteur, le centre et le périphérique ? Ne remettent-ils pas en question le
déterminisme exclusif qui a marqué une conception de l’histoire et du progrès ?
Toutes
visions
linéaires
qui
se
sont
longtemps
accommodées
des
cloisonnements des catégories conceptuelles et des disciplines. » (Mattelart et
Mattelart, (1986), p. 262. Dans Miège B., 2004, « L’économie politique de la
communication »,
http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/9423/HERMES_2004_3
8_46.pdf;jsessionid=FEA0FC1D17066B6DB7CBF8C2225BDFF4?sequence=1,
consulté le 21/08/2009). Dès lors, l’évolution et l’orientation de la théorie des
industries culturelles nous apparait pertinente pour notre étude, puisqu’elle
envisage l’analyse des modalités d’organisation et de développement du
culturel dans les médias grâce à des références et des instruments appartenant
au domaine des sciences économiques. Elle nous propose d’articuler l’aspect
culturel, politique, et économique que révèlent les programmations musicales,
mais également d’appréhender les industries radiophoniques d’un point de vue
diachronique et synchronique afin de comprendre l’évolution dans le temps et
les contraintes actuelles des radios musicales commerciales françaises. Elle
met en lumière les phénomènes de globalisation au sein des grands réseaux
radiophoniques tout en prenant en considération les changements sociohistoriques, le rôle des instances de régulation et des politiques publiques en la
matière. Elle insiste sur l’importance d’analyse des rapports sociaux au sein de
l’industrie radiophonique. En d’autres termes, l’économie politique de la
communication s’inscrit dans une approche pluridisciplinaire permettant
l’appréhension de la structuration sociale des activités de programmation et
enfin la prise en compte des pratiques professionnelles et des phénomènes
socio-discursifs qui s’y rattachent (Ibid.).
- 102 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
La pragmatique de la linguistique et l'analyse de discours qui
prennent leur point de départ dans la théorie des actes de langage nous
permettent d’appréhender dans cette étude, les phénomènes sociaux et le rôle
des différents acteurs en présence, en termes d’enjeux des pratiques. Jürgen
Habermas propose une théorie de « l’agir communicationnel » qui permet
« une
élucidation
pragmatique-formelle
du
concept
d’activité
communicationnelle […] en suivant le fil directeur de l’activité langagière »
(Habermas J., (1987), p. 91). Pour Jürgen Habermas, à côté de l’agir
stratégique et instrumental, il existe un agir communicationnel axé sur le
langage dirigé vers l’intercompréhension humaine. Tout locuteur, du fait qu’il
est capable de comprendre et de se faire comprendre peut donner à ses
affirmations une prétention à la validité universelle. Cette analyse pragmatique
s’attache aux contextes performatifs des actes de langage. La théorie classique
des actes de langage part de l’idée que le langage humain a une dimension
performative, qu’il est un moyen par lequel nous pouvons agir sur les autres,
influencer et convaincre. Ainsi, les propos ne sont pas seulement des mots qui
décrivent une réalité mais ils visent la réalisation d’actions. La théorie des
« speech acts » s’intéresse aux interactions humaines, à la co-construction des
discours, « aux manifestations discursives des conflits de représentations, à la
présence du sujet dans son énoncé, à ses stratégies argumentatives » et « aux
formes manifestes de sa capacité autoréflexive » (Bonnafous S., 2006, p 219).
Les mots et les tournures de phrases employés ne sont pas seulement
révélateurs d’un positionnement professionnel et idéologique, mais ils sont
également le lieu d’affrontements. C’est pourquoi, la démarche de l’analyse de
discours, à la frontière entre la linguistique et les sciences humaines, nous
permet alors d’envisager la dimension explicite et implicite que révèlent les
propos des responsables de la programmation musicale. Elle nous invite à
appréhender les représentations que se font les responsables de la
programmation musicale de leur profession dans une dimension aussi bien
individuelle que collective.
- 103 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
Ensuite, nous allons nous appuyer sur quelques travaux
concernant la perception et la cognition musicale. La musique est l’élément
central de la programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin
Radio et RTL2. Pour comprendre les logiques de programmation musicale
radiophonique d’un point de vue global, il est nécessaire d’appréhender les
différentes dimensions que revêt la musique. La perception musicale humaine
requiert une dimension biologique, sociologique, psychologique et réfère au
vécu individuel. Mais alors, compte tenu du caractère multidimensionnel que
revêt la musique, comment programmer les titres musicaux qui vont plaire ? Si
les responsables de la programmation ont plus ou moins conscience de la
spécificité des œuvres musicales, les études d’audience, les recherches en
marketing au sein de l’espace radiophonique afin de mieux connaître les goûts
musicaux et le profil des auditeurs ont pour objectif de satisfaire les goûts
musicaux du plus grand nombre. Néanmoins, afin d’interroger les goûts
musicaux des auditeurs, encore faut-il que ces derniers soient capable de
reconnaître les titres qui leur sont donné à juger. L’appréciation d’un titre
musical passe nécessairement par une phase de mémorisation. Se pose alors
la question des différents stades nécessaires à la mémorisation d’un son. La
perception et la mémorisation auditive humaines se situent au centre du mode
de diffusion musical radiophonique actuel et la diffusion en boucle de quelques
titres sur les antennes radiophoniques va dans ce sens. Bien entendu, nous
n’allons pas mener une étude sur la réception musicale puisque nous avons
choisi de situer notre travail du point de vue des stratégies de programmation
musicale au sein des radios analogiques françaises NRJ, Fun Radio, Skyrock,
Virgin Radio et RTL2. Nous allons illustrer cette étude à l’aide de réflexions
permettant de comprendre l’éventuel impact des phénomènes répétitifs des
playlists sur le psychisme humain. Nous allons donc nous situer dans cette
partie dans une perspective analytique, plus ou moins extérieure aux logiques
de programmation des professionnels.
- 104 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
Enfin, les études managériales apportent des éléments de
compréhension aux logiques de programmation d’un titre musical en playlist.
Les réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 constituent leur
programmation en fonction d’une cible d’audience et d’un positionnement
musical spécifique. Il n’est pourtant pas rare que les playlists des différentes
stations comportent de nombreux titres en commun. La nécessité de
différenciation des programmations musicales est-elle la seule alternative
permettant
d’obtenir un
avantage
concurrentiel au
sein de
l’espace
radiophonique ? Comment expliquer la présence simultanée d’un même titre au
sein des playlists de radios concurrentes et dont le format musical est
spécifique ? Pourquoi les radios adoptent-elles plus ou moins les mêmes titres
au sein de leur playlist alors qu’elles cherchent à se démarquer les unes des
autres ? Différents courants de pensée empruntés aux sciences économiques,
aux sciences de la gestion ou encore en stratégie proposent des éléments de
réponse explicatifs aux comportements imitatifs. C’est dans une démarche
interprétativiste que nous souhaitons aborder les phénomènes de mimétisme
au sein de l’espace radiophonique. Pour ce faire, nous allons nous appuyer sur
les analyses de John Maynard Keynes, Gomez, DiMaggio et Powell mais
encore Levitt, Schnaars, et Phillipe Mouricou. Notre objectif est d’améliorer la
compréhension de l’imitation et des stratégies de programmation des
responsables de la programmation musicale au sein des réseaux français NRJ,
Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2.
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Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
4.3 Démarche de validation des hypothèses.
Afin de confirmer ou infirmer nos hypothèses de départ, nous
allons procéder en plusieurs étapes. Le champ de notre étude étant composé
de différents groupes sociaux en interaction, l’analyse nécessite la prise en
considération des différents points de vue à l’œuvre au sein de l’espace
radiophonique. Notre démarche générale consiste donc à appréhender ce qui
est observable (étude de données chiffrées) pour aller vers le moins visible et
le moins explicite (étude des stratégies d’acteurs).
Le contenu effectif des playlists des réseaux radiophonique NRJ,
Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 constitue la base de notre analyse.
Pour des raisons d’exhaustivité nous allons nous appuyer sur les rapports
annuels fournis par l’Observatoire de la Musique (instance de référence en
matière de confection et d’analyse des indicateurs de la diversité musicale à la
radio en France). L’ensemble des données quantitatives et qualitatives réalisé
par l’Observatoire de la Musique va nous permettre entre autre d’observer le
contenu effectif des playlists des groupes radiophoniques étudiés.
Nous allons ensuite nous intéresser aux stratégies des différents
acteurs sociaux en présence. Ces données, non visibles au premier abord,
seront observables grâce au recueil de témoignages. Dans un premier temps,
nous allons confirmer à l’aide d’un questionnaire les réelles inquiétudes des
groupes musicaux face à la diffusion musicale au sein des playlists des
groupes radiophoniques thématiques. Dans un deuxième temps, nous allons
interroger les professionnels qui sont à l’origine de la programmation musicale
à la radio. Le travail d’investigation empirique retenu comporte ainsi le recueil
des propos des professionnels de l’industrie radiophonique et de l’industrie de
la musique enregistrée sur leurs pratiques de programmation et le mode de
fonctionnement des deux industries respectives. Nous allons observer les
habitudes et les stratégies de programmation d’un titre au sein des playlists,
- 106 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
ainsi que les contraintes économiques et concurrentielles auxquelles sont
confrontés les grands groupes radiophoniques. L’étude des stratégies d’acteurs
est essentiellement concentrée sur un corpus d’énoncés, de passages
comportant des thèmes ou expressions jugés intéressantes. L’analyse lexicale
de ces passages est fondée sur la comparaison des contextes d’emploi par le
biais d’une analyse qualitative et contrastive.
Dans un troisième temps, la mise en corrélation du contenu
effectif des playlists au discours des programmateurs musicaux nous apparaît
ensuite comme déterminante dans la démarche de validation des hypothèses
de ce travail.
- 107 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
4.4 Définition du sujet sur une période donnée et définition du corpus.
Une démarche essentielle pour les sciences de l’Information et de
la communication consiste à appréhender l’analyse d’un média en termes de
concurrence. C’est la raison pour laquelle notre sujet s’inscrit sur une période
donnée qui correspond aux mouvements de concentration dans les médias et
aux mutations en cours opérés par le développement des Technologies de
l’Information et de la Communication. L’essor des réseaux permettant de
partager des fichiers musicaux mais également le développement des radios
numériques sur le Net proposent une offre musicale conséquente et diversifiée
qui évoque, par comparaison, nombre de questions sur la légitimité et les
spécificités de la radiodiffusion analogique. C’est dans ce contexte en
perpétuelle évolution que nous souhaitons situer notre recherche. Néanmoins,
l’intérêt des pouvoirs publics en matière de diversité musicale et la mise en
place d’une structure d’observation de la filière musicale relativement tardive en
France déterminent la période d’analyse de notre sujet. Antérieurement à
l’année 2003, date à laquelle correspond le premier rapport de l’Observatoire
de la Musique, nous n’avons pas d’études permettant de mesurer la diversité
musicale dans les radios. Les quelques études préexistantes, avant la mise en
place de l’Observatoire de la Musique, n’ont pas fait l’objet de protocoles
rigoureux et d’une reconnaissance par le Ministère de la Culture. C’est
pourquoi, nous nous baserons dans notre étude sur les références en matière
de confection et d’analyse des indicateurs de la diversité musicale dans les
radios de l’année 2003 à 2007. L’analyse évolutive des programmations et des
playlists réalisée sur cinq ans nous permet ainsi d’apporter un éclairage sur les
politiques de programmation des radios commerciales françaises. Nous avons
pour ce faire sélectionné un panel de radios sur lesquelles nous allons nous
appuyer pour comprendre les logiques de programmations musicales à l’œuvre
en France. L’espace radiophonique français comprend les opérateurs privés
(NRJ, Fun Radio, Skyrock, Europe 1 et Virgin Radio, RTL et RTL 2, RFM,
Nostalgie, Rire & Chansons, MFM et Chérie FM), les radios du groupe Radio
- 108 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
France (France Inter, France Bleu, FIP et le Mouv’), les radios indépendantes
(Ado FM, Alouette FM, Champagne FM, Contact FM, Hit West, Kiss FM, Oui
FM, Radio 6, Radio Scoop, Sud Radio, Top Music, Vibration, Vitamine, Voltage
et Wit FM, Skyrock et MFM) et enfin les radios associatives représentées par
les fédérations Iastar (International Association of Student Television and
Radio), Férarock (Fédération des radios associatives musiques actuelles Radios de découverte), le Conseil National des Radios Associatives et le
Syndicat National des Radios Libres. Ces radios peuvent également être
classées par groupe d’opérateurs, à savoir : le groupe NRJ (dont NRJ, Chérie
FM, Nostalgie et Rire & Chansons), le groupe RTL (avec RTL, RTL 2 et Fun
Radio), le groupe Lagardère Active (qui dispose d’Europe 1, Virgin radio et
RFM), le groupe Radio France (dont : France Inter, France bleu, FIP et le
Mouv’) et enfin le « groupe des stations indépendantes » représenté par le
SIRTI à l’exception de Skyrock et de MFM. Ces radios possèdent un format
musical prédéfini qui est fonction de leur positionnement et de leur cible. Nous
distinguons quatre principaux formats radiophoniques : les radios « jeunes »
qui convoitent les 13-24 ans, les radios « jeune-adulte » qui s’adressent aux
25-34 ans, les radios « adulte » qui ciblent les 35 et plus et enfin les radios
généralistes. Pour notre étude nous nous intéresserons uniquement aux
groupes privés qui possèdent un format « jeune » et « jeune-adulte ». Nous
avons donc retenu un échantillon de cinq radios, pour des raisons
d’exhaustivité mais également à partir de critères précis. Ces radios
représentent au moins un des groupes d’opérateurs privés français. Nous
avons NRJ pour le groupe NRJ, Fun Radio et RTL2 pour le groupe RTL, Virgin
Radio pour le groupe Lagardère Active et enfin Skyrock. Les réseaux NRJ, Fun
Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ont pour particularité de diffuser des
programmations musicales spécialisées, plus ou moins composées de
nouveautés, à destination d’auditeurs jeunes, sensibles aux phénomènes de
mode et pour certains dont les goûts musicaux sont en formation. Ces stations
musicales sont implantées dans des bassins de population importants et
possèdent de forts taux d’audiences. Le choix des radios retenues s’est donc
- 109 -
Première Partie : Analyse des programmations musicales des radios analogiques française
opéré à partir des critères d’audience, de format et de couverture du territoire
français. Les radios de notre panel ne représentent donc pas l’espace
radiophonique dans son ensemble et nous avons expressément exclu de notre
recherche les réseaux musicaux appartenant au service publique comme Le
Mouv’, Fip, RFM et les radios musicales associatives puisque ces dernières
possèdent un réseau FM incomplet qui ne recouvre pas l’ensemble du territoire
français et d’autres possèdent des taux d’audience faibles.
- 110 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
DEUXIEME PARTIE
ANALYSE DES PROGRAMMATIONS MUSICALES ET DES STRATEGIES
D’ACTEURS AU SEIN DES RESEAUX ANALOGIQUES NRJ, FUN RADIO,
SKYROCK, VIRGIN RADIO ET RTL2.
L’objectif dans cette deuxième partie consiste à analyser le
contenu des playlists et les stratégies d’acteurs qui sont à l’origine des
programmations musicales des réseaux analogiques NRJ, Fun Radio, Skyrock,
Virgin Radio et RTL2. Dans le cadre d’une approche communicationnelle, notre
volonté est de questionner le point de vue des différents acteurs sociaux en
présence et de recueillir leurs propos dans un premier temps. Ensuite, l’analyse
de la forme et de la nature des différents discours, en tenant compte de la
situation de communication dans laquelle elles sont intégrées, va nous
permettre de distinguer les stratégies développées par les professionnels de la
radio en vue de légitimer leurs sélections musicales.
- 111 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
1. L’enquête.
1.1 Méthodologie de l’enquête.
Le présent chapitre, expose la méthodologie utilisée pour mener à
bien l’enquête de terrain. L’objectif de la présente étude consiste à déterminer
les logiques de sélection et de diffusion des œuvres musicales mais également
d’analyser les programmations des radios commerciales françaises en termes
de diversité musicale. Nos choix méthodologiques se sont naturellement portés
vers l’analyse des playlists des réseaux étudiés, la méthode de questionnaires
et d’entretiens semi directifs. Dans un premier temps, l’analyse du contenu
effectif des programmations musicales s’est avérée pertinente. Afin d’obtenir un
point de vue évolutif des programmations, le détail des contenus des
programmations musicales et des playlists, à partir de quatre indicateurs de
diversité musicale, s’est imposé. L’analyse contrastive des programmations sur
une durée déterminée de cinq ans permet ainsi de faire un état des lieux de la
diversité musicale. Dans un deuxième temps, il est apparu nécessaire de
récolter les différents points de vue des acteurs en présence, à savoir le point
de vue des groupes musicaux, des responsables de la programmation des
radios musicales et des responsables promotion rattachés à l’industrie de la
musique enregistrée. Pour ce faire, nous avons d’abord proposé un
questionnaire aux groupes musicaux afin de connaître leurs rapports au média
radiophonique en termes de communication et de promotion. Nous avons
ensuite interrogé les acteurs de l’industrie radiophonique et ceux de l’industrie
de la musique enregistrée sur leurs pratiques professionnelles respectives.
Dans un troisième temps, à l’aune de l’ensemble de ces données récoltées,
nous allons détailler les différents critères permettant aux professionnels de
programmer un titre musical au sein des playlists afin d’observer s’ils
s’inscrivent dans une exigence de mise en avant de la diversité musicale. Au
cours des chapitres suivants, nous allons appréhender la conception et la
réalisation du questionnaire à destination des groupes musicaux, la conception
- 112 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
et la réalisation du guide d’entretiens à destination des professionnels mais
également la création de pré-test, la mise en place de l’échantillonnage et du
travail de terrain lui-même. Enfin, seront abordés le traitement et l’analyse des
données récoltées auprès des professionnels en interaction au sein de l’espace
radiophonique.
- 113 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
1.2 Les critères d’analyse des programmations musicales et des playlists.
Nous nous somme appuyés, dans cette partie, sur l’analyse de
l’Observatoire de la Musique qui réalise des rapports annuels sur la diversité à
la radio à partir de la base des diffusions musicales recensées 24h sur 24 et
sept jours sur sept par la société Yacast. L’Observatoire de la Musique
distingue deux niveaux de lecture organisée autour du concept de la diversité
musicale. Il s’agit d’une analyse basée sur des indicateurs internes et externes
à l’espace radiophonique. Les indicateurs externes sont représentatifs des
chiffres clés de la diffusion musicale. Ils expriment la diversité globale de
l’espace radiophonique, sachant que l’Observatoire de la Musique se base sur
un panel de trente-et-une radios comprenant également les radios généralistes.
Les indicateurs internes quant à eux expriment la stratégie et/ou le marketing
des radios, ainsi que la contribution des radios à la diversité musicale. Il s’agit
de l’analyse des critères de programmation et/ou de positionnement des radios.
Pour notre part, nous allons nous baser essentiellement sur les indicateurs
internes puisque nous nous intéressons, dans notre étude, uniquement aux
stations musicales à fortes audiences dont NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin
Radio et RTL2 et non pas à l’ensemble des radios au sein de l’espace
radiophonique français. Nous avons ainsi sélectionné et pris en compte quatre
indicateurs de diversité nous permettant différents niveaux de lecture :
•
La répartition de la diffusion par genres musicaux.
•
La part des nouvelles entrées en playlist
•
La part du top 40 des titres les plus diffusés
•
Les grilles de rotation des titres musicaux
La répartition de la diffusion par genres musicaux permet de voir
l’évolution en pourcentage des différents genres musicaux diffusés sur les
radios du panel entre l’année 2003 et 2007. L’Observatoire de la Musique
distingue huit catégories musicales, à savoir, la variété française, la variété
- 114 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
internationale, le pop-rock, le groove, la dance, le rap, le reggae/musiques du
monde, et enfin le classique/jazz/blues. Il est à noter que certaines radios du
panel sont spécialisées dans un genre musical donné. Une radio est
considérée comme spécialisée lorsqu’elle consacre plus de 50% dans le même
genre musical. Pour notre panel, c’est le cas par exemple de Fun Radio qui est
spécialisée dans le genre dance ou encore Virgin Radio et RTL2 qui sont
spécialisées dans le genre pop rock.
L’observation des nouvelles entrées au sein des playlists permet
de connaître la réactivité d’une radio et sa capacité à réactualiser sa
programmation musicale. Ce sont les nouveautés entrées en playlists qui
constituent la part du top 40. L’objectif étant d’affiner l’analyse des
programmations musicales des radios du panel, la part du top 40 est
considérée comme un élément déterminant car il révèle les stratégies et le
positionnement de chaque radio les unes part rapport aux autres. C’est
pourquoi, notre troisième indicateur de diversité musicale concerne la part du
top 40. Enfin, nous nous intéressons aux grilles de rotation des titres musicaux.
Il s’agit du nombre de fois où un titre est diffusé à l’antenne. L’effet conjugué du
choix de titres dans une playlist et du rythme de rotations relève également de
la stratégie de positionnement des radios du panel entre elles. L’analyse des
rotations moyennes des titres internationaux et francophones n’a pas été prise
en compte pour notre analyse à cause d’un ensemble de paramètres
complexes à considérer. En effet, il faut rappeler qu’au regard de la
réglementation des quotas, dès lors qu’un titre est chanté en anglais, il se
retrouve classé comme titre anglo-saxon, même si l’artiste est français. De
nombreux artistes se trouvent ainsi classés comme artistes anglophones, ainsi
que leurs titres. De plus, la loi sur les quotas de chansons françaises est
largement détournée par les responsables des programmations comme nous
allons le voir dans les entretiens semi-directifs.
- 115 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
1.3 La réalisation des questionnaires à destination des groupes
musicaux.
Les groupes musicaux ont d’abord été interrogés puisque ce sont
les premiers concernés par la diffusion radiophonique. L’objectif étant de
connaître le point de vue de l’ensemble des groupes musicaux, tout genre
musical produit et tout statut confondu (musiciens amateurs, en voie de
professionnalisation et professionnels), la réalisation d’un questionnaire à la
frontière du qualitatif et du quantitatif s’est avéré nécessaire afin de faciliter
l’interprétation des résultats obtenus. La méthode du questionnaire ne
correspond pas à une méthodologie traditionnelle mais c’était une façon d’éviter
des réponses aléatoires. Dans un premier temps, le questionnaire devait être
diffusé par l’intermédiaire d’associations culturelles, de salles de répétitions, de
productions et d’enregistrements où se retrouvent régulièrement les groupes de
musique dans différentes régions de l’hexagone. Néanmoins, la réalisation de
pré-test dans la région grenobloise et lyonnaise a orienté différemment nos
recherches. A la suite du dépôt d’une trentaine de questionnaires dans la région
grenobloise et lyonnaise auprès des associations et lieux de concerts Eve,
Magic bus, L’ar-ti-cho, La Bobine et le Citron, les questionnaires tardaient à
revenir et les quelques résultats obtenus n’étaient pas complets. Une méthode
plus rapide permettant d’obtenir les réponses aux questionnaires dans leur
intégralité a donc été privilégiée. Nous nous sommes tournés vers le site
Internet de réseau social Myspace qui met gratuitement à disposition de ses
membres un espace web personnalisé. Ce site est également connu pour
héberger de nombreuses pages Internet de groupes de musique qui
entreposent, présentent leurs compositions musicales et annoncent leurs
concerts à venir via cette interface. Ainsi une page Myspace3 a été créée en
expliquant brièvement l’objet de la recherche et proposant le questionnaire en
ligne. Le questionnaire a été réalisé à partir d’un générateur de formulaire
proposé gratuitement sur le Net. Le programme est fait de sorte que nos
3
La page est consultable à l’adresse suivante :
http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile &friendid=295722510
- 116 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
interlocuteurs choisissant d’y répondre soient obligés de remplir l’intégralité des
champs proposés pour pouvoir valider et envoyer le questionnaire. A chaque
fois qu’un questionnaire était correctement effectué un email contenant les
résultats nous parvenait. Dans le cas échéant, le questionnaire était
automatiquement renvoyé dans la boîte mail de l’émetteur. De plus, le
formulaire identifiait les points de connexion de l’utilisateur, ceci permettait
d’éviter qu’un même utilisateur réponde deux fois au questionnaire. Cinquante
questionnaires ont ensuite été sélectionnés parmi l’ensemble des réponses
obtenues. Cette sélection s’est faite en fonction du lieu géographique des
réponses afin d’obtenir une certaine représentativité du territoire français. Dix
questionnaires provenant des cinq régions présentes sur les cinq points de la
carte française en provenance de Paris, Strasbourg, Marseille, Grenoble et
Lyon ont ainsi été choisi. Le questionnaire mis en ligne et auquel nos
interlocuteurs ont été soumis a été proposé sous la forme suivante :
Nous effectuons une étude sur les programmations des radios
commerciales françaises NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin radio et RTL2. Nous
avons besoin de votre collaboration en remplissant ce court formulaire qui nous
permettra de mener à terme notre étude. Nous vous remercions par avance de
votre intérêt et de votre participation.
1) Nom du groupe : ____________________________________
2) Genre de musique :
Variété française/Chanson française
Indie/Pop/Rock
Hard/Metal/Heavy Metal
Rap/Hip Hop/R’nB/Soul
Drum’n Bass/Jungle
- 117 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Musiques électroniques
Musiques classiques
Musiques du monde
Jazz & Blues
Ska/Reggæ
World Music
Autre (précisez) : _________________________________
2) Statut du groupe :
Professionnel
En voie de professionnalisation
Amateur
4) Depuis combien de temps votre groupe existe-t-il ?_____________________
5) La musique que vous produisez est-elle diffusée sur les radios musicales
françaises ?
Oui
Non
Si vous avez coché « oui », votre musique est diffusée sur : (Vous pouvez
cocher plusieurs réponses)
Des radios associatives
Lesquelles ?_____________________________________________________
_______________________________________________________________
Des radios locales privées
Lesquelles ?_____________________________________________________
_______________________________________________________________
- 118 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Des radios nationales musicales
Lesquelles ?_____________________________________________________
_______________________________________________________________
Des radios généralistes
Lesquelles ?_____________________________________________________
_______________________________________________________________
Si vous avez coché « non » à la question n°5, avez- vous déjà tenté de passer
sur les radios musicales de la FM ?
Oui
lesquelles ?________________________________________________
_______________________________________________________________
Non
pourquoi ?_________________________________________________
_______________________________________________________________
6) Selon vous, passer à la radio favorise-t-il la notoriété et la carrière des
groupes/artistes ?
Oui
Non
Si vous avez coché « oui »
pourquoi ?_______________________________________________________
_______________________________________________________________
Si
vous
avez
coché
« non »
pourquoi ?_______________________________________________________
_______________________________________________________________
- 119 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
7) D’après vous, les radios musicales commerciales sont-elles réticentes à
diffuser des groupes peu connus ?
Oui
Pourquoi ?_________________________________________________
_______________________________________________________________
_______________________________________________________________
Non
Pourquoi ?_________________________________________________
_______________________________________________________________
_______________________________________________________________
8) Est-il plus facile de faire connaître votre production musicale sur des radios
du net ?
Oui
pourquoi ?_________________________________________________
_______________________________________________________________
_______________________________________________________________
Non
pourquoi ?_________________________________________________
_______________________________________________________________
_______________________________________________________________
9) Pour vous, afin de se faire connaître du grand public les concerts sont :
Aussi importants que la radio
Pourquoi ?_______________________________________________________
_______________________________________________________________
_______________________________________________________________
- 120 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Plus importants que la radio
Pourquoi ?_______________________________________________________
_______________________________________________________________
_______________________________________________________________
Moins importants que la radio
Pourquoi ?_______________________________________________________
_______________________________________________________________
_______________________________________________________________
_________________
Renseignements généraux
Quelle activité professionnelle exercez-vous ?
Elève
Etudiant
Cadre/Profession libérale
Collégien
Ouvrier
Demandeur d’emploi
Lycéen
Employé/Technicien
Autres
Lieu d’habitation : ____________________________________________
- 121 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
1.4 La réalisation des entretiens à destination des professionnels.
Pour compléter l’analyse du processus de programmation, nous
avons procédé à deux séries d’entretiens semi-directifs. La première série
d’entretiens à été réalisée auprès des responsables de la programmation
musicale des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. La
deuxième série a été effectuée auprès des responsables promotion en radio
rattachés à l’industrie de la musique enregistrée. La visée qualitative de ces
entretiens a pour objectif de mettre en évidence les représentations que les
acteurs en présence ont de leurs activités professionnelles et de proposer un
état des lieux concernant les critères de sélection des titres musicaux au sein
des réseaux de notre panel. En d’autres termes, il s’agit d’analyser la façon
dont les diffuseurs et les industriels perçoivent leurs relations mutuelles à
l’origine
des
programmations
musicales,
à
travers
les
discours
qui
accompagnent leurs pratiques. A partir de l’analyse de leurs propos, il devient
ainsi possible de comprendre les règles professionnelles en fonction desquelles
agissent les responsables des programmations, mais également de discerner
les représentations existantes au sein de l’espace radiophonique, les codes et
les normes de travail que ces professionnels adoptent. Les responsables de la
programmation musicale et les responsables promotions rattachés à l’industrie
de la musique enregistrée travaillent ensemble. Les industriels proposent aux
radios les artistes qu’ils souhaitent promouvoir. Les interactions et le point de
vue de ces différents acteurs apparaissent déterminants pour la compréhension
des logiques de programmation musicales. Cependant, la démarche de recueil
du discours des professionnels comporte un biais méthodologique car il existe
toujours un décalage entre les discours et la réalité des pratiques
professionnelles. Ainsi l’analyse de discours réalisée dans cette étude
correspond davantage au discours des acteurs sur leur pratique qu’aux
pratiques elles-même. Quinze entretiens ont été réalisés par téléphone et
retranscrits dans leur intégralité. A partir de ces données recueillies nous avons
procédé à l’analyse thématique croisée entre les propos tenus par les diffuseurs
- 122 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
et les industriels, d’une part. D’autre part, nous avons mis en évidence les
différences entre les discours des diffuseurs (Ile-de-France/Régionaux) et ceux
des industriels de la musique (Majors/Labels indépendants). Les deux types
d’entretiens semi directifs débutent par une présentation brève des personnes
interrogées sur leur activité professionnelle. La séquence de questions qui suivt
est établie de telle sorte que les réponses données ne soient pas influencées
par les questions précédentes. La structure des entretiens est construite selon
le guide d’entretient suivant :
•
Parcours professionnel et spécificité de l’activité au sein de l’institution.
•
Vocation des radios musicales et de l’industrie de la musique
enregistrée.
•
Rôle et objectifs des programmations musicales.
•
Relations entre diffuseurs et industriels.
•
Spécificité des préoccupations de gestion des diffuseurs et des
industriels
•
Importance des études de marché.
•
Conséquences de la concurrence.
•
Perception de l’évolution historique.
Les entretiens à destination des programmateurs radio ont d’abord
fait l’objet d’un pré test auprès d’un panel de radios locales sur Grenoble (Hot
radio, New’s FM et Max FM). Les entrevues réalisées nous ont permis de
déceler divers éléments. Les responsables des programmations utilisent un
vocabulaire spécifique aux programmations musicales, issue de la culture
anglo-saxonne où la programmation radiophonique trouve ses origines. En
discutant avec les programmateurs des radios musicales commerciales locales
grenobloises, nous nous sommes aperçu que ces dernières calquaient leurs
programmations musicales à partir des classements des titres les plus diffusés
dans les playlists des grands groupes radiophoniques français. Il existe des
classements des titres musicaux proposés par la société privée Yacast, que les
- 123 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
radios locales, qui ne sont pas en mesure de financer des études de sondage,
peuvent facilement se procurer sur le Net. La séquence de questions
concernant les sondages réalisés auprès des audiences n’était donc pas
réalisable dans ce contexte. Néanmoins, malgré quelques questions sans
réponse, puis quelques reformulations de l’entretien, les pré-tests furent
convaincants. Nous avons ainsi opté pour réaliser directement notre enquête de
terrain auprès des réseaux radiophoniques analysés dans notre étude, mais ce
dans un premier temps, au niveau régional. Pour des raisons d’opérationnalité,
les entretiens semi-directifs n’ont pas pu être réalisés en face-à-face mais
uniquement par téléphone. Cette méthode a permis d’éviter de nombreux
déplacements
et
d’obtenir
plus
facilement
les
témoignages
de
nos
interlocuteurs dont la disponibilité est assez restreinte. C’est ainsi que les radios
NRJ à Grenoble, Fun Radio à Marseille, Skyrock à Dunkerque, Virgin Radio à
Strasbourg et RTL2 à Bordeaux, présentes sur les cinq points de la carte
française ont été interrogées et ce dans un souci de représentativité. A la suite
de la première série d’entretiens, il était nécessaire de se tourner vers les
responsables des programmations en région parisienne puisque ce sont
précisément eux qui régissent les programmations de l'ensemble du territoire
français. Si les entretiens réalisés au niveau régional ont été relativement facile
à obtenir, ce fut plus difficile pour Paris. Certaines stations ont été plus
réactives que d’autres et l’ensemble des entretiens s’est étalé sur deux ans.
Seul le réseau RTL2 parisien n’a pas souhaité répondre à l’enquête. Les
différentes personnes interrogées ont donc été soumises à l’entretien semi
directif sous sa forme finale, comme suit :
● La première série de questions concerne la personne interrogée
1) Quel est le poste que vous occupez actuellement ?
2) Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
3) Quel est votre parcours professionnel ?
4) Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ?
- 124 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
● La deuxième série de questions concerne la programmation musicale et
la constitution de la playlist
5) Les programmations musicales correspondent-elles à une couleur musicale
précise ?
6) Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists, à radio
X?
7) Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la
playlist de radio X ?
8) Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la
playlist de radio X ?
9) Les playlists sont-elles communes à l’ensemble du réseau X ?
● La troisième série de questions concerne les obligations et directives en
matière de programmation musicale.
10) Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur
radio X ?
11) Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à radio
X?
12) La loi sur les quotas de chansons françaises constitue-t-elle une dynamique
pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de radio X ?
● La quatrième série de questions s’intéresse aux interactions entre
industriels et diffuseurs.
13) Quelles sont les modalités de communication avec les responsables
promotion en radio ?
14) Comment caractériseriez-vous ces relations ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
- 125 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
15) Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels
afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres
musicales ?
16) Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la
diffusion musicale à la radio ?
● La cinquième série de questions a pour objet l’analyse des stratégies de
programmation
17) Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le
contenu musical de la radio et dans quel but ?
18) Quelles sont les répercussions de ces études dans la promotion des
artistes et le contenu des playlists ?
19) Trouvez-vous des points communs ou au contraire des différences avec la
diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ?
● La sixième série de questions interroge les interviewés sur leur fonction
précise au sein de radio X.
20) Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des
programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu
radiophonique ?
21) Selon vous la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ?
22) Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous et quels termes utiliseriez
vous si vous deviez donner une définition propre à radio X ?
23) Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du
métier de programmateur à la radio ?
Programmation à la demande ?
Sur le net ?
- 126 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Nous avons ensuite procédé de la même façon pour réaliser les
entretiens semi-directifs à destination des responsables promotion ou des
attachés de presse au sein de l’industrie de la musique enregistrée. Les labels
régionaux Jarring effect label, Les Disques Aliénor, Nomme et les Majors
Polydor, Sonymusic, et EMI ont été interrogés. Nos interlocuteurs ont été
sélectionnés en fonction de leur point de vue particulier au sein de la filière
musicale. Les demandes d’entretiens se sont relativement bien déroulées et les
interviews ont été plus faciles à obtenir. Les industriels se sentant moins
personnellement impliqués par la thématique de notre recherche, ils ont, de fait,
montré moins de réticence à répondre. Ainsi, l’entretien a été proposé comme
suit auprès des responsables promotion ou des attachés de presse :
● La première série de questions concerne la personne interrogée :
1) Quel est le poste que vous occupez actuellement ?
2) Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
3) Pourriez-vous décrire votre activité au sein de X ?
● La deuxième série de questions s’intéresse aux stratégies pour
promouvoir un artiste :
4) Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion d’un artiste au
sein des playlists des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ?
5) Quels sont les enjeux de la diffusion radiophonique pour un artiste et pour les
maisons de disques ?
6) Sur un budget total consacré à un artiste, quelle est la part du budget en
pourcentage consacrée à la promotion ?
7) On entend souvent dire que l’investissement des budgets marketing sur les
gros artistes permet de faire vivre les petits artistes, pourquoi ?
- 127 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
● La troisième série de questions s’intéresse aux relations entre
diffuseurs et industriels :
8) Avez-vous des contacts directs avec les programmateurs radio, les
directeurs de programmation ou les conseillers artistiques des réseaux NRJ,
Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ?
9) Comment caractériseriez-vous ces relations avec les professionnels de la
radio ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
10) Quelles stratégies utilisez-vous pour négocier la programmation d’un titre
au sein des playlists des
réseaux Nrj, Fun radio, Skyrock, Virgin radio et
RTL2 ?
11) Est-ce que vous considérez faire de plus en plus d’efforts auprès des
programmateurs radio afin de négocier le passage d’un artiste dans les
playlists ?
12) Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels
afin d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres
musicales ?
● La quatrième série de questions interroge l’interviewés sur leur corps
de métier :
13) Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la
diffusion musicale ?
14) Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession ?
- 128 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
2. L’évolution des programmations musicales de 2003 à 2007.
2.1 La répartition de la diffusion par genres musicaux.
Dans un premier temps, nous allons analyser la répartition de la
diffusion par genres musicaux au sein des programmations des réseaux NRJ,
Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Les différents genres diffusés dans
les programmations des radios de notre panel constituent notre premier
indicateur de diversité. Il s’agit d’observer, d’après la nomenclature des genres
musicaux proposés par l’Observatoire de la Musique, la répartition de la
diffusion de la variété française, de la variété internationale, du pop/rock, du
groove, de la dance, du rap, du reggae et des musiques du monde et enfin du
classique, du jazz et du blues au sein des programmations des radios du panel.
Pour plus de clarté, nous avons présenté sous forme de représentations
graphiques, les chiffres clés de la diffusion par genres musicaux afin d’étudier
l’évolution des programmations musicales des radios du panel. Les
histogrammes qui suivent représentent donc la part en pourcentage des
différents genres musicaux diffusés sur une durée déterminée de cinq ans de
l’année 2003 jusqu’à l’année 2007 sur les réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock,
Virgin Radio et RTL2.
- 129 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Variété française
20
18
16
pourcentage
14
NRJ
12
Fun Radio
10
Skyrock
8
Europe 2
RTL2
6
4
2
0
2003
2004
2005
2006
2007
année
Variété internationale
14
12
pourcentage
10
NRJ
Fun Radio
8
Skyrock
6
Europe 2
RTL2
4
2
0
2003
2004
2005
année
- 130 -
2006
2007
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Pop Rock
90
80
pourcentage
70
60
NRJ
50
Fun Radio
Skyrock
40
Europe 2
30
RTL2
20
10
0
2003
2004
2005
2006
2007
année
Groove
70
60
pourcentage
50
NRJ
Fun Radio
40
Skyrock
30
Europe 2
RTL2
20
10
0
2003
2004
2005
année
- 131 -
2006
2007
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Dance
60
50
pourcentage
40
NRJ
Fun Radio
30
Skyrock
Europe 2
RTL2
20
10
0
2003
2004
2005
2006
2007
année
Rap
60
50
pourcentage
40
NRJ
Fun Radio
30
Skyrock
Europe 2
RTL2
20
10
0
2003
2004
2005
année
- 132 -
2006
2007
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Reggae / Musique du monde
12
10
pourcentage
8
NRJ
Fun Radio
6
Skyrock
Europe 2
RTL2
4
2
0
2003
2004
2005
2006
2007
année
Classique / Jazz / Blues
0,7
0,6
pourcentage
0,5
NRJ
Fun Radio
0,4
Skyrock
0,3
Europe 2
RTL2
0,2
0,1
0
2003
2004
2005
année
- 133 -
2006
2007
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Les données proposées par l’Observatoire de la Musique
soulignent, entre l’année 2003 et 2007, l’absence ou la très faible
représentation
des
genres
classiques,
jazz
et
blues
au
sein
des
programmations des radios du panel appartenant au format jeune et jeuneadulte. Avec un pourcentage nul, les stations de format jeune ont donc choisi
d’exclure totalement ces genres musicaux de leur programmation leur étant
consacrée. Seules les deux radios de format jeune-adulte, Europe2 et RTL2,
proposent une diffusion très faible de classique, de jazz et de blues qui
atteignent 0,1% et 0,3% en 2007. La variété française, qui est principalement
programmée sur les radios de format jeune-adulte, voit une progression sur ce
type de stations. Europe2 et RTL2 accordent 11,5% et 18,3% de part de
diffusion pour l’année 2007 contre 6,3% et 17,5% en 2003 à la variété
française. Fun Radio consacre une très faible part à la variété française qui est
de 1% et NRJ passe de 14% de sa diffusion en 2003 à 12,7% en 2007. Quant
au réseau Skyrock, ce dernier a choisi, dès le départ, d’exclure de sa
programmation la variété française qui affleure les 0,3% en 2005 et représente
0% en 2007. La variété internationale est en baisse pour l’ensemble des radios
du panel et faiblement représentée par le réseau Skyrock qui le la supprime
totalement de sa programmation en 2007. C’est un genre musical
principalement diffusé par RTL2 avec 10,3% de part en diffusion en 2007. Les
autres radios lui consacrent entre 5,1% et 2,5% de leur programmation pour
l’année 2007. A partir de ces premiers constats, nous pouvons émettre
l’hypothèse suivante : face aux critiques émises au sein de la filière musicale
concernant la surreprésentation des titres internationaux et notamment anglosaxons, face à la loi sur les quotas de chanson d’expression française mais
également face à la création d’un Observatoire de la diversité musicale, les
responsables des programmations modifient leurs habitudes de programmation.
La grande tendance qui se dégage pour l’année 2007 et par rapport aux
années précédentes, consiste à diminuer la part de la variété internationale et à
augmenter progressivement la diffusion de variété française au sein des
programmations des radios du panel. D’autre part, nous observons une
- 134 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
disposition majoritaire et grandissante à diffuser des genres pop/rock
programmés sur les réseaux jeunes adultes qui lui consacrent 80,6% pour
Europe2 et 69,2% pour RTL2 en 2007 alors que ces mêmes stations
consacraient 60,3% et 68,8% à ce genre musical en 2003. Sur les autres
réseaux, le pop/rock est en baisse passant de 26% à 17,6% pour NRJ, de 9% à
1,7% pour Fun Radio et de 0,5% à 0,1% pour Skyrock en 2007. La présence de
la musique groove au contraire est en augmentation pour les réseaux NRJ,
Skyrock et un peu sur RTL2, alors qu’elle est en baisse pour Fun Radio qui
réduit sa programmation de moitié avec 45,8% en 2003 contre 28,1% en 2007.
Europe2 diminue également sa programmation de groove passant de 8,8% à
1,5% en 2007. Pour le genre dance, l’augmentation des diffusions caractérise la
programmation de Fun radio qui passe de 22% en 2003 à 54,2% en 2007. NRJ
voit aussi sa diffusion de dance progresser avec 12,2% en 2003 et 19,8% en
2007. Du reste, ce genre musical est nettement moins présent sur les autres
radios du panel. Quant au rap, ce dernier progresse un peu sur NRJ passant de
7,5% à 8,8% mais il diminue sur l’ensemble des stations du panel. Le reggae et
les musiques du monde apparaissent peu représentés et en diminution pour les
réseaux Fun Radio, Skyrock, et Europe2. Nous constatons toutefois une légère
augmentation du reggae et des musiques du monde au sein des
programmations de RTL2 et de NRJ. Ainsi, le reggae et les musiques du
monde qui se situent en 2003 entre 0,3% et 9,5% pour les 5 radios du panel
représentent 0,7% à 6,3% de la diffusion en 2007. A l’aune de l’ensemble de
ces données, nous retenons une tendance à la spécialisation des radios du
panel dans un même genre musical. Il est à noter que la spécialisation n’est
pas seulement une caractéristique des radios de format jeune mais que celle-ci
concerne également celui des radios de format jeune-adulte. Sur cinq ans,
entre 2003 et 2007, NRJ a diminué sa programmation de variété française, de
variété internationale et de pop/rock alors qu’elle a augmenté sa programmation
de groove, de dance, de rap et légèrement celle de reggae et des musiques du
monde. Fun Radio a un peu augmenté sa programmation de variété française
mais a également diminué sa programmation de variété internationale, de
- 135 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
pop/rock, de groove, de dance. La tendance globale de Fun Radio a été de
diminuer sa programmation de rap, de reggae et de musiques du monde.
Skyrock ne programme pas de variété française, très peu de variété
internationale et a diminué sa programmation de pop/rock, de rap, de reggae et
de musiques du monde. A l’inverse Skyrock a augmenté sa programmation
groove. Europe2 a augmenté sa programmation de variété française, de
pop/rock et a diminué sa programmation de variété internationale, de groove,
de dance, de rap, de reggae et de musiques du monde. Enfin, RTL2 a
augmenté sa programmation de variété française, de pop/rock, de groove, de
reggae et de musiques du monde. A l’inverse la part de programmation en
variété internationale et de dance a diminué. Quand au rap, c’est un genre
musical totalement exclu des programmations de RTL2. La dominante musicale
de chaque station du panel peut ainsi se résumer : NRJ diffuse majoritairement
de la musique groove, dance et un peu pop/rock. NRJ n’a pas un format
musical bien défini compte tenu qu’il s’agit d’une radio des hits qui ne passent
que les succès du moment. Fun radio est spécialisée dans les genres groove et
dance, Skyrock dans le groove et le rap alors que Europe2 et RTL2 orientent
leur programmation vers un son pop/rock. Il est important de souligner ici, que
pour des raisons d’exhaustivité mais également de lisibilité des chiffres, la
nomenclature des genres musicaux proposée par l’Observatoire de la Musique
correspond à la catégorisation des genres musicaux des circuits commerciaux.
Nous sommes en mesure de nous interroger, par exemple, sur la place que
peut avoir un titre comportant différentes influences musicales au sein de ce
classement. La catégorisation et le classement des genres musicaux restent
difficiles.
- 136 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
2.2 La part des nouvelles entrées en playlist dans l’ensemble de la
diffusion en moyenne trimestrielle.
Notre deuxième indicateur de diversité concerne la part des
nouvelles entrées en playlist. Celle-ci révèle la capacité des radios à renouveler
leur programmation musicale. Sont considérés comme nouvelles entrées en
playlist, les nouveaux titres qui cumulent pour la première fois plus de trois
diffusions hebdomadaires sur une station musicale donnée. Les différents
tableaux qui suivent expriment le nombre des nouvelles entrées en playlist, le
nombre de diffusions de ces nouvelles entrées en playlist ainsi que la part en
diffusion en moyenne trimestrielle.
Nombre de nouvelles entrées en playlist en moyenne trimestrielle
2003
2004
2005
2006
2007
NRJ
61
59
58
57
56
Fun Radio
64
55
66
55
52
Skyrock
36
40
40
37
36
Europe2
48
42
45
50
56
RTL2
37
35
32
34
32
Nombre de diffusions des nouvelles entrées en playlist en moyenne
trimestrielle
2003
2004
2005
2006
2007
NRJ
8 667
8 143
7 666
8 414
8 328
Fun Radio
6 862
7 986
6 960
6 138
6 971
Skyrock
5 574
5 581
5 392
5 859
5 723
Europe2
7 547
5 981
6 344
5 313
5 122
RTL2
2 471
2 565
2 385
2 498
2 929
- 137 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Part en diffusions en moyenne trimestrielle
2003
2004
2005
2006
2007
NRJ
29,3%
24,6%
27,3%
25,5%
23,2%
Fun Radio
21,6%
26,9%
25,9%
26,1%
23,0%
Skyrock
26,6%
22,3%
25,1%
26,5%
21,9%
Europe2
9,8%
10,9%
10,6%
8,3%
8,1%
RTL2
13,9%
13,5%
10,9%
10,7%
12,4%
« Source : Observatoire de la Musique/Yacast »
La première tendance qui émane des chiffres proposés dans les
tableaux précédents concerne une baisse du nombre de nouveautés entrées
en playlist. Une diminution du nombre de nouvelles entrées au sein des
playlists de NRJ, Fun Radio et RTL2 est observable en 2007. Skyrock, qui est
la station qui possède le plus faible nombre de nouvelles entrées en playlist,
conserve le même nombre de titres qui s’élève à 36 pour l’année 2003 et
également 36 titres en 2007. Seule Europe2 augmente le nombre de nouvelles
entrées en playlist passant de 48 titres en 2003 à 56 titres en 2007. A l’inverse,
le nombre de diffusions des nouvelles entrées en playlist augmente pour Fun
Radio, Skyrock et RTL2. Fun radio passe de 6 862 diffusions en 2003 à 6 971
en 2007, Skyrock propose 5 574 diffusions en 2003 et 5 723 diffusions en 2007
et enfin RTL2 présente 2 471 diffusions en 2003 et 2 929 en 2007. NRJ et
Europe2 diminuent légèrement leur nombre de diffusions des nouvelles entrées
en playlist. NRJ passe de 8 667 diffusions en 2003 à 6 971 diffusions en 2007
et Europe2 propose 7 547 diffusions en 2003 et 5 122 diffusions en moyenne
trimestrielle pour l’année 2007. Ainsi, la part de diffusions des nouvelles
entrées en playlist en moyenne trimestrielle représente 23,2% pour NRJ, 23%
pour Fun Radio, 21,9% pour Skyrock, 8,1% pour Europe2 et 12,4% pour RTL2
pour l’année 2007. Nous observons ainsi une réduction du nombre d’entrées en
playlist et corrélativement une augmentation du nombre de diffusions de ces
nouvelles entrées en playlist. La politique de programmation musicale des
- 138 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
radios du panel correspond à une logique de promotion des œuvres musicales
qui nécessite un certain nombre de passages des titres sur les antennes afin
d’être entendus puis ensuite reconnus par les auditeurs. Comme la plupart des
industries culturelles, l’industrie radiophonique devrait baser sa politique de
programmation des nouvelles productions musicales au rythme de leurs
sorties. Néanmoins, l’introduction de nouvelles productions comporte des
risques économiques qui diminuent avec le temps et avec l’apparition des
succès. C’est pourquoi la politique éditoriale des radios est principalement axée
sur la promotion des titres musicaux à succès auprès du public, à savoir les
hits. Seules les radios ayant une programmation dont le format relève d’une
thématique précise n’adoptent pas cette politique éditoriale. C’est plus
particulièrement le cas des stations de format adulte qui choisissent des
thématiques musicales telles que les années 1980, 1990, etc. Ainsi les radios
adultes axent majoritairement leurs programmations musicales sur les titres
golds (les titres musicaux diffusés ayant plus de trois ans d’ancienneté sur les
antennes) et laissent peu de place aux nouveaux titres. La diffusion des
nouveautés reste donc en grande partie assurée par les radios jeunes et
participe à la constitution de ce qu’on appelle les tops 40 au sein de l’espace
radiophonique.
- 139 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
2.3 La part du top 40 des titres les plus diffusés dans l’ensemble de la
diffusion en moyenne hebdomadaire et trimestrielle.
Notre troisième indicateur de diversité concerne la part du top 40.
Le top 40 est révélateur du positionnement musical des radios du panel et il
doit être analysé au regard du nombre de titres différents classés et de la durée
de vie moyenne d’un titre en nombre de semaines. Proposons-nous d’observer
les tops 40 des radios du panel de l’année 2003 jusqu’à l’année 2007.
Part du top 40 en moyenne hebdomadaire
2003
2004
2005
2006
2007
NRJ
64%
68%
70%
69%
71%
Fun Radio
66%
70%
67%
62%
65%
Skyrock
72%
73%
73%
74%
80%
Europe2
62%
57%
53%
44%
40%
RTL2
32%
30%
30%
30%
31%
Nombre de titres classés en moyenne trimestrielle
2003
2004
2005
2006
2007
NRJ
85
82
83
86
84
Fun Radio
78
79
82
84
77
Skyrock
96
95
83
95
95
Europe2
84
81
79
82
85
RTL2
75
93
84
95
90
Durée de vie moyenne en nombre de semaines en moyenne trimestrielle
2003
2004
2005
2006
2007
NRJ
10,1
10,8
10,1
9,6
9,9
Fun Radio
11,8
12,1
14,4
12,8
13,0
Skyrock
15,8
17,1
16,0
15,9
18,0
Europe2
11,2
11,9
12,5
12,6
11,5
RTL2
20,8
15,7
16,0
15,7
17,0
« Source : Observatoire de la Musique/Yacast »
- 140 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
D’un point de vue général, l’ensemble des radios du panel
accorde une part plus ou moins importante à leur top 40 en fonction de
l’auditoire auquel elles s’adressent. La part du top 40 des titres les plus diffusés
en moyenne hebdomadaire est en progression pour deux radios du panel, NRJ
qui passe de 64% en 2003 à 71% en 2007 et Skyrock qui passe de 72% en
2003 à 80% en 2007. Ces deux radios s’adressent à des audiences jeunes,
elles accordent donc une part importante à leur top 40. Les autres radios du
panel voient leur part du top 40 des titres les plus diffusés à la baisse. Fun
radio et RTL2 diminuent très légèrement leur part de top 40 en moyenne
hebdomadaire de 1% entre 2003 et 2007. Seule Europe2 voit la part de son top
40 réellement chuter passant de 62% en 2003 à 40% en 2007. La primauté des
tops 40 est plus marquée au sein des réseaux jeunes qui consacrent entre 65%
et 80% de part du top 40 alors que les radios jeunes-adultes accordent une part
qui se situe entre 31% et 40% en 2007. Ainsi, la part consacrée au top 40 est
moins importante pour les réseaux Europe2 et RTL2 qui s’adressent à une
audience jeunes-adultes et plus importante pour les réseaux NRJ, Fun Radio et
Skyrock. Néanmoins, une part en pourcentage relativement importante est
consacrée au top 40 pour l’ensemble des radios du panel puisqu’elle se situe
entre 71% et 31% en 2007. Parallèlement, le nombre de titres classés en
moyenne trimestrielle au sein du top 40 des réseaux NRJ, Fun Radio et
Skyrock diminue légèrement avec une moyenne de 75 à 96 titres en 2003 et 77
à 95 titres en 2007. Entre 2003 et 2007, NRJ, Fun Radio et Skyrock suppriment
en moyenne 1 à 2 titres de leur programmation. A l’inverse, les stations
Europe2 et RTL2 augmentent le nombre de titres classés au sein de leur top
40. Europe2 propose 84 titres en 2003 et 85 titres en 2007. La plus forte
augmentation revient à RTL2 qui diffuse 75 titres en 2003 et confirme cette
progression avec 90 titres en 2007. Nous noterons un nombre de titres
relativement plus important sur les radios jeunes-adultes que sur les radios
jeunes. Les radios jeunes-adultes étant plus enclines à diffuser un plus grand
nombre de titres différents au sein de leur top 40. La durée de vie moyenne
d’un titre en nombre de semaines en moyenne trimestrielle augmente pour Fun
- 141 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Radio, Skyrock et Europe2. Fun Radio diffuse un titre sur 11,8 semaines, Skyrock
sur 15,8 semaines et Europe2 sur 11,2 semaines en 2003. La durée de vie d’un
titre classé augmente en 2007 sur ces même stations musicales puisque Fun radio
propose un titre sur 13 semaines, Skyrock sur 18 semaines et Europe2 sur 11,5
semaines en 2007. A l’inverse les réseaux NRJ et RTL2 diminuent légèrement la
durée de vie moyenne en nombre de semaines en moyenne trimestrielle d’un titre
musical. NRJ passe de 10,1 semaines en 2003 à 9,9 semaines en 2007 et RTL2
de 20,8 en 2003 à 17 semaines en 2007. Le phénomène de diminution de la durée
de vie moyenne d’un titre en nombre de semaines en moyenne trimestrielle pour
NRJ et RTL2, s’explique par les choix éditoriaux bien distincts de ces stations.
Pour conclure, nous constatons une forte tendance à accorder une prépondérance
à la part du top 40 des titres les plus diffusés dans l’ensemble de la diffusion en
moyenne hebdomadaire et trimestrielle pour l’ensemble des radios de notre panel
d’étude. De plus, la durée de vie d’un titre au sein du top 40 est relativement
longue puisque lorsqu’il est programmé, un titre reste en moyenne un peu plus
d’une semaine, voire jusqu’à 15 jours dans les programmations de certaines
stations. Les radios jeunes-adultes Europe2 et RTL2 proposent un nombre de
titres classés en moyenne trimestrielle relativement plus important et dont la durée
de vie est plus longue que les radios jeunes de notre panel. Au contraire, les
réseaux NRJ, Fun Radio et Skyrock choisissent de diffuser moins de titres et le
temps de présence de ces titres est moins long sur les antennes. Ces deux
politiques de programmation correspondent à deux choix éditoriaux distincts. Les
radios jeunes-adultes font le choix éditorial de diffuser plus de titres et donc de
laisser le temps à un titre de s’installer au sein de la programmation et dans l’esprit
des auditeurs. Les radios jeunes focalisent plus leur ligne éditoriale sur le succès
d’un nouveau titre lorsqu’il celui-ci est entré en playlist. C’est le cas de la radio
NRJ, par exemple, qui est une radio de hits et qui doit renouveler fréquemment sa
programmation musicale pour répondre à ses promesses éditoriales. Soit le titre
plaît rapidement aux auditeurs soit il est directement exclu de la programmation
musicale. Dans les deux cas de figure, il s’agit de deux politiques éditoriales
différentes mais qui s’inscrivent toutes deux dans une logique d’atténuation de
prise de risques économiques.
- 142 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
2.4
L’évolution
des
grilles
de
rotation
des
titres
en
moyenne
hebdomadaire et trimestrielle.
Le dernier et quatrième indicateur de diversité musicale repose
sur une lecture croisée de la rotation moyenne d’un titre en moyenne
hebdomadaire d’une part, avec la plus forte rotation d’un titre hebdomadaire en
moyenne trimestrielle d’autre part et enfin avec les rotations moyennes des
titres du top 40 des stations de notre panel. La rotation d’un titre correspond à
une grille permettant de savoir le nombre de fois où un titre sera diffusé au
cours d’une journée sur une station donnée. Il s’agit de la fréquence de
répétition d’un titre à la radio. L’entrée d’un titre au sein de la programmation
musicale et tout particulièrement l’entrée en playlist ainsi que son rythme de
rotation font l’objet d’un choix promotionnel qui est établi avec les responsables
promotion de l’industrie de la musique enregistrée. Les récentes analyses
complémentaires proposées par l’Observatoire de le Musique, concernant les
rotations moyennes des titres du top 40 et effectuées au quatrième trimestre
2007, nous permettent d’approfondir l’analyse. En effet, l’examen des grilles de
rotation que nous allons proposer relève de moyennes établies de façon
hebdomadaire. Ces moyennes donnent un aperçu du nombre de rotations des
titres mais elles effacent une partie de la réalité qui peut être perçue grâce au
traitement complémentaire des rotations des titres du top 40 qui suivent.
Rotation moyenne d’un titre en moyenne hebdomadaire
2003
2004
2005
2006
2007
NRJ
8,4
7,8
6,6
5,9
5,6
Fun Radio
6,9
7,4
6,4
6,3
6,4
Skyrock
5,3
4,8
4,8
4,6
7,2
Europe2
9,4
8,2
8,2
6,2
5,7
RTL2
4,2
4,3
4,2
4,4
4,3
- 143 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Plus forte rotation hebdomadaire en moyenne trimestrielle
2003
2004
2005
2006
2007
NRJ
65
68
65
61
64
Fun Radio
60
64
70
91
91
Skyrock
74
76
72
74
83
Europe2
71
81
66
54
54
RTL2
36
35
35
36
37
Rotations moyennes des titres du top 40 des stations (4eme trimestre 2007)
NRJ
32,6
Fun Radio
35,2
Skyrock
37,7
Europe2
25,6
RTL2
19,0
« Source : Observatoire de la Musique/Yacast »
Les grilles de rotation correspondent au nombre de fois où un
même titre est programmé sur l’antenne d’une radio. Une station ne choisit pas
le même rythme de rotation pour un titre s’il s’agit d’un artiste confirmé (connu)
ou en développement (à faire connaître) et si le titre musical est ancien ou
récent. L’entrée d’un titre en playlist ainsi que son rythme de rotation font donc
l’objet d’un choix promotionnel qui est fonction de la notoriété de l’artiste et du
titre musical. D’emblée, nous observons une diminution des rotations moyennes
d’un titre musical en moyenne hebdomadaire pour les stations NRJ, Fun Radio
et Europe2. En effet, NRJ diffuse 8,4 fois un même titre en 2003 alors qu’elle
propose 5,6 diffusions en 2007. Fun Radio passe de 6,9 rotations moyennes
d’un titre en moyenne hebdomadaire en 2003 à 6,4 rotations en 2007. Les
rotations moyennes hebdomadaires allouées aux œuvres musicales d’Europe2
sont de l’ordre de 9,4 en 2003 alors qu’elles sont de 5,7 en 2007. Les grilles de
- 144 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
rotation de RTL2 n’évoluent guère et se situent dans une fourchette de 4,2 à
4,4 entre 2003 et 2007. Skyrock, qui fait souvent exception à la règle, augmente
ses grilles de rotation moyenne d’un titre en moyenne hebdomadaire passant
de 5,3 rotations en 2003 à 7,2 en 2007. A l’inverse, les plus fortes rotations
hebdomadaires en moyenne trimestrielle, cette fois-ci, sont plus élevées sur
l’ensemble des stations de notre panel. Le niveau de rotations d’un titre est
corrélé à la cible de l’auditoire avec des rotations moyennes fortes
principalement pour les radios jeunes. Les rotations moyennes hebdomadaires
allouées aux titres sur NRJ, Fun Radio et Skyrock sont comprises dans une
fourchette de 64 à 83 en 2007 pour les radios jeunes, et de 37 à 54 pour les
radios jeunes-adultes Europe2 et RTL2. Ce sont surtout Fun Radio, Skyrock et
RTL2 qui augmentent leurs plus fortes rotations hebdomadaires en moyenne
trimestrielle avec 60 rotations en 2003 et 91 en 2007 pour Fun radio, 74 rotation
en 2003 contre 83 en 2007 pour Skyrock et enfin, 36 rotations en 2003 et 37
rotations en 2007 pour RTL2. NRJ diminue très légèrement ses plus fortes
rotations passant de 65 rotations en 2003 à 64 rotations en 2007. Seule
Europe2 réduit réellement les plus fortes rotations d’un titre avec 71 rotations
en 2003 avec, par contre, 54 rotations en 2007. L’examen des grilles de rotation
relevant de moyennes établies de façon hebdomadaire, donne un aperçu des
politiques de programmation des radios de notre panel. Néanmoins, l’analyse
complémentaire des rotations moyennes des titres du top 40 au quatrième
trimestre 2007 souligne plus particulièrement la concentration des diffusions sur
un nombre assez restreint de titres musicaux. En effet, NRJ propose 32,6
rotations, Fun radio 35,2 rotations, Skyrock 37,7 rotations, Europe2 diffuse 25,6
fois un même titre et enfin RTL2 alloue 19 rotations moyennes à un titre entré
en playlist au quatrième semestre 2007. Ce sont donc les radios jeunes qui
possèdent des taux de rotation les plus élevés avec par ordre décroissant
Skyrock qui a le plus fort taux de rotation, ensuite Fun Radio, puis NRJ. Les
deux stations jeunes-adultes Europe2 et RTL2 possèdent des taux de rotations
plus faibles que les stations jeunes. L’ensemble de ces données révèle que le
rythme de rotation d’un titre est choisi en fonction de l’auditoire auquel une
- 145 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
radio s’adresse. D’un point de vue général, les radios du panel ont tendance à
maintenir des grilles de rotation élevées notamment en ce qui concerne leur
playlist. Ainsi, les radios de formats jeunes et jeune-adultes consacrent une
grande partie de leur diffusion à leurs playlist.
L’observation des genres musicaux diffusés, des nouvelles
entrées en playlist, du top 40 et des grilles de rotations nous permet de relever
les principales caractéristiques des politiques éditoriales des réseaux NRJ, Fun
Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Les programmations musicales de ce
type de station sont fortement spécialisées sur quelques genres musicaux. NRJ
diffuse majoritairement de la musique groove, dance et pop-rock, Fun radio est
spécialisée dans le groove et la dance, Skyrock dans le groove et le rap alors
que Virgin radio et RTL2 ont un format pop-rock. Globalement, la tendance est
à la réduction du nombre de nouvelles entrées en playlist alors que le nombre
de diffusions de ces nouvelles entrées augmente. Les radios de format jeunesadultes proposent un nombre de titres classés en moyenne trimestrielle
relativement plus important et dont la durée de vie est plus longue que les
radios de format jeunes de notre panel. Ainsi, la diffusion des nouveautés reste
en grande partie assurée par les radios à destination d’une audience jeune.
Néanmoins, les réseaux de format jeunes choisissent de diffuser moins de
titres et elles possèdent des taux de rotation plus élevés que les radios de
format jeunes-adultes. Les radios de notre panel ont tendance à maintenir des
grilles de rotation élevée et plus encore pour leurs playlists. Le top 40
représente une part conséquente sur la diffusion musicale globale pour
l’ensemble des stations de notre panel. Au sein des Top 40 nous assistons à
l’allongement de la durée de vie des titres et à la baisse du nombre de titres
différents classés. Cette situation n’est pas la même pour les radios comme
NRJ, dont la programmation repose moins sur la spécialisation d’un format
musical précis mais plus sur la promotion des hits. Pour ce genre de station, le
renouvellement de l’offre correspond à un rythme plus soutenu. En moyenne,
pour l’ensemble des stations de notre panel, la rotation d’un même titre rentré
- 146 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
en playlist se situe entre 7 à 15 diffusions par jour. A cela s’ajoute le
phénomène d’endogamie, défini par l’Observatoire de la Musique, comme la
part de titres que les radios ont en commun au sein de leur top 40.
L’endogamie est particulièrement importante chez les radios de format jeunes
et jeunes-adultes. Ce type de station ne permet pas un renouvellement régulier
de leurs playlists. Au regard de ces données, la diffusion de la diversité
musicale ne paraît pas satisfaisante. De plus, si les stations présentes au sein
de l’espace radiophonique français diffusent annuellement en moyenne 3 580
titres en 2007, les radios généralistes, diffusent quant à elles, une moyenne de
6 442 titres différents en 2007 (Observatoire de la Musique, 2007). A première
vue, nous pourrions penser qu’il existe une certaine diversité musicale comblée
par les divers formats radiophoniques existants. Toutefois, les radios
généralistes consacrent de plus en plus de temps d’antenne aux émissions
dites « de talk » et diffusent de moins en moins de musique, avec une baisse
de – 29,2% depuis 2003, ce qui réduit indubitablement le nombre de titres
diffusés et la diversité de ceux-ci (Observatoire de la Musique, 2007). La
concentration de la programmation musicale persiste depuis 2003 jusqu’en
2007 et sur l’ensemble des radios puisque 2,7%, soit 1 728 titres sont diffusés
plus de 400 fois et totalisent 75% de part de diffusion (Observatoire de la
Musique, 2007). Cette situation s’explique en partie par l’importance et la
rotation particulièrement élevée du top 40. L’ensemble des radios de notre
panel concentre ainsi la promotion sur quelques titres au détriment du grand
nombre d’œuvres musicales produites chaque année et ne donnent pas la
possibilité pour nombre d’artistes d’accéder à leurs antennes. Il n’est d’ailleurs
pas rare que certains groupes, pourtant fort d’un succès public et scénique
avéré, ne passent pas sur ce type de stations.
- 147 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
3. Traitement des données de l’enquête.
3.1 Les résultats du questionnaire réalisé auprès des groupes musicaux.
A partir des questionnaires réalisés auprès des groupes musicaux,
nous allons nous attacher à observer les différents résultats obtenus. Dans un
premier temps, nous présenterons le profil des groupes musicaux retenus pour
cette étude. Dans un deuxième temps, nous proposerons une analyse point par
point aux questions posées. Nous explorerons par la suite le contenu des
différentes réponses obtenues et nous en analyserons les corrélations.
La majorité des groupes ayant répondu au questionnaire sont
amateurs ou en voie de professionnalisation (donc, cette catégorie met bien en
exergue la ou les difficultés qui peuvent se présenter lorsqu’il s’agit de se faire
connaître par le biais de la radio). Une minorité des groupes interrogés est
professionnelle. Les cinquante groupes musicaux interrogés ont entre quelques
mois et dix à quinze ans d’existence mais dans la globalité, ils ont en moyenne
cinq ans de vie. Les genres musicaux représentés par les groupes musicaux
interrogés sont observables sur le camembert suivant :
- 148 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Genre de musique
18%
6%
chanson française
pop rock
hard heavy metal
6%
rap hip hop
2%
drum and bass
electronique
4%
50%
2%
musique du monde
ska reggae
2%
autres
10%
Il est à noter qu’aucun des groupes interrogés ne produit de la musique
classique, du jazz & blues et de la world musique. Ce phénomène peut
vraisemblablement s’expliquer par le fait que ces genres musicaux ne
correspondent pas aux tendances musicales actuelles en France. Il apparaît
évident que selon les époques, certains courants musicaux ont plus de succès
que d’autres, car la demande est bien souvent en corrélation avec l’offre. Si les
auditeurs ou les musiciens eux-mêmes n’écoutent pas ces genres musicaux, il
apparaît évident qu’ils ne vont pas produire un genre musical qu’ils ont peu
l’habitude d’entendre.
L’ensemble des résultats obtenus à partir de la question 5 jusqu’à
la question 9 peut être représenté comme suit :
- 149 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Synthèse des réponses aux questions 5 à 9
60
50
40
oui
non
30
20
10
0
5
6
7
8
9
N°question
Question 5 : La musique produite est-elle diffusée sur les radios musicales
françaises ?
Question 6 : La radio favorise-t-elle la notoriété des groupes musicaux ou des
artistes ?
Question 7 : Les radios sont-elles réticentes à diffuser des nouveautés ?
Question 8 : La radio du Net permet-elle une meilleure promotion des groupes
musicaux ?
Question 9 : Les concerts sont-ils aussi importants que la radio analogique pour
se faire connaître du grand public ?
Sur notre échantillon de groupes musicaux interrogés 21 sur 50
sont diffusés en radio dont 2 sur des radios commerciales. Sur les 29 groupes
musicaux non diffusés en radio, seulement 1 groupe musical a déjà tenté de
passer sur les radios musicales commerciales. Nous observons une perte de
motivation des groupes musicaux pour s’insérer sur les playlists des radios
commerciales qui ont carrément abandonné l’idée d’être promus sur ce type de
stations. Les groupes musicaux interrogés restent principalement diffusés sur
les radios associatives ou locales ; d’où l’intérêt de ces réseaux en termes
d’émergence pour les débuts d’une carrière musicale.
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Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Sur le panel des groupes musicaux interrogés, 48 sur 50 pensent
que la radio favorise la notoriété et la carrière d’un groupe ou artiste, contre 2
sur 50 qui pensent l’inverse. Ces réponses paraissent contradictoires avec les
réponses à la question précédente puisque les groupes en voie de
professionnalisation ou professionnels pensent que la radio participe à la
notoriété mais ils ne tentent pas d’être diffusés sur les radios commerciales.
Cette interprétation des groupes musicaux peut s’expliquer par la difficulté
d’obtenir un label de se faire connaître du grand public. Et comme un groupe
sans label a peu de chance d’être diffusé dans les playlists des réseaux NRJ,
Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2, il s’agit là d’un cercle vicieux.
Il y a 96% des groupes interrogés qui pensent que les radios
commerciales sont réticentes à diffuser des groupes peu connus. Ceci explique
la perte de motivation des groupes musicaux face à la diffusion radiophonique.
La situation est d’autant plus décourageante pour un groupe musical puisque
les radios commerciales de moindre envergure copient les playlists des grands
groupes radiophoniques, laissant de ce fait peu de place à la nouveauté.
Il y a 10 groupes musicaux sur 50 qui pensent que les radios sur
le Net sont un moyen plus efficace de faire connaître leur production musicale
que les radios analogiques commerciales. Ce chiffre semble normal car nombre
de radios commerciales analogiques ont leur déclinaison sur le Net. Il existe
d’autres radios numériques mais les adresses de ces dernières sont moins
connues du grand public. Leur existence est comparable à celle d’une bouteille
jetée à la mer car elles sont perdues dans l’abondance du réseau Internet.
Il y a 88% des groupes musicaux interrogés qui pensent que les
concerts sont plus importants que la radio pour se faire connaître du grand
public. Les groupes régionaux font souvent les premières parties de concerts
de groupes plus connus. Cela leur permet de se faire connaître d’un plus vaste
- 151 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
public. En effet, dans la plupart des cas, ce sont les concerts qui permettent aux
groupes émergeants de se construire un public et une certaine notoriété.
Pour conclure, la grande majorité des groupes interrogés ne
passe pas sur les réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2.
Très peu ont tenté de s’adresser directement aux responsables de la
programmation des réseaux commerciaux car ils pensent que les radios
commerciales sont réticentes à diffuser des nouveautés. Les radios
commerciales sont perçues comme des radios timorées qui ne veulent pas
prendre de risques en termes de programmation musicale. La majeure partie
des groupes musicaux est ainsi diffusée sur des radios locales associatives.
Forts de ces remarques, nous observons une certaine répartition des tâches au
sein de l’espace radiophonique. Nous avons tout d’abord les radios
associatives qui servent de « défricheurs » de talents. Ces dernières, de par
leur structure et leur mode de financement peuvent prendre le risque de
décevoir les auditeurs puisqu’il n’y a quasiment aucun engagement financier à
tenir. A l’inverse, les radios commerciales ne diffusent que les groupes qui
connaissent un succès vérifié auprès du public. Cette situation apparaît
préoccupante, car compte tenu des faibles scores d’audience des radios
associatives, ce phénomène de répartition des rôles au sein de l’espace
radiophonique tend à sectoriser les œuvres musicales et freiner l’accès des
groupes musicaux à un plus vaste public. Aujourd’hui les radios du Net
n’apparaissent pas aux groupes musicaux comme un moyen d’accéder à un
large public. Seuls les concerts restent un moyen de se produire et de débuter
une carrière professionnelle fondée sur le bouche-à-oreille. Les résultats du
questionnaire révèlent ainsi la difficulté des artistes à accéder aux playlists des
radios commerciales ceci s’expliquant certainement par les rapports de
connivence qu’il existe entre diffuseurs et industriels, ces relations laissant peu
de place aux artistes amateurs ou en voie de professionnalisation.
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Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
3.2 L’analyse du discours des diffuseurs.
Le discours des responsables de la programmation des réseaux
NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 révèle des similitudes et des
divergences selon le lieu d’exercice de leur profession. Au niveau régional, les
responsables des programmations possèdent un point de vue particulier sur les
logiques de programmation musicale. Les programmateurs interrogés ont les
mêmes objectifs au sein de l’entreprise radiophonique dans laquelle ils
travaillent. Ils doivent respecter la programmation musicale définie sur Paris,
insérer les publicités et les informations locales lors des décrochages radio et
enfin opérer des sondages auprès des auditeurs. Il s’agit également d’organiser
des jeux sur les antennes régionales et de couvrir les concerts ou les
évènements musicaux locaux. Le responsable de la programmation de RTL2
Bordeaux résume assez bien l’ensemble des objectifs de sa profession ceux-ci
s’organisant autour de trois activités : l’animation, la promotion et la
programmation musicale.
« Mon activité s’organise principalement autour de trois axes. Au niveau
de l’animation, on a des décrochages locaux entre 13h et 17h. Le CSA a
obligé toute radio nationale de catégorie C à avoir un service commercial
et une animation pour les citoyens de la ville, c'est-à-dire une
programmation locale. Par exemple, je dois citer le nom de Bordeaux
dans mon discours et de façon régulière. Au niveau de la promotion, je
monte des opérations de promotion pour des évènements locaux. Je
m’occupe des dotations à offrir aux auditeurs, de faire connaître
l’événement via les médias locaux, les sponsors, la presse, les articles
sur le Net etc. C’est de la communication. Je dois véhiculer l’image de
RTL2, c’est à dire le logo de la radio sur les évènements de la région, sur
le plus de supports possibles, sur les concerts etc. Au niveau de la
programmation musicale, elle se fait principalement sur Paris et de mon
côté j’anime certains créneaux horaires et je veille essentiellement à ce
que les morceaux s’enchaînent bien lors des décrochages régionaux »
(RTL2 Bordeaux).
Les responsables de la programmation des antennes régionales
ne s’occupent pas de la sélection musicale et des relations avec les labels. Les
programmateurs ne peuvent pas promouvoir les artistes locaux, car l’ensemble
des décisions est pris à Paris. Ils n’ont aucun contact avec les attachés de
presse ou les responsables promotion en radio rattachés à l’industrie de la
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Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
musique enregistrée. Les antennes régionales servent de relais à la
programmation et aux playlists qui sont entièrement réalisées sur Paris par les
responsables de la programmation parisiens.
« Vous savez ça se passe surtout à Paris vu que la programmation est
faite là-bas et que les maisons de disques sont là-bas. C’est la proximité
qui joue. Moi je ne m’occupe pas des relations avec les maisons de
disques. Tout se passe sur Paris à cause de la crise du disque. Avant il y
avait des bureaux en province mais depuis que les CD se vendent plus,
tout se fait à Paris. Ça coûte plus cher d’envoyer une personne que
d’envoyer des CD » (RTL2 Bordeaux).
De ce fait, si des artistes, des groupes musicaux ou des labels indépendants
contactent les réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 au
niveau local afin de promouvoir leur production musicale, ils voient leurs CD de
promotion directement envoyés sur Paris.
« Puis s’il y a des sollicitations au niveau local, on fait suivre sur Paris.
C’est eux qui gèrent et qui voient si on peut diffuser les artistes proposés »
(NRJ Grenoble).
Néanmoins, cette démarche est vaine, car les responsables de la
programmation à Paris s’occupent prioritairement des titres qui leur sont
proposés par les majors Universal Music, BMG-Sony, EMI-Virgin et Warner
Music avec qui ils ont l’habitude de travailler.
« Mais ce sont surtout les maisons de disques, les attachés de presse qui
envoient les disques et si c’est intéressant on prend rendez-vous avec eux.
Souvent, ce sont eux qui harcèlent la programmation musicale. Mais on se
connaît bien donc on n’a pas trop de surprises, vous savez. Ce n’est pas
comme si c’était des petits labels. » (Fun Radio Paris).
Et bien souvent, les responsables de la programmation n’ont pas le temps de
traiter l’ensemble des informations qui leur parviennent :
« On me propose beaucoup de musique. Je reçois énormément d’albums,
d’informations, de presses, de mails etc.… Je suis constamment submergé
par l’information musicale » (Virgin Radio Paris).
Les artistes et les labels indépendants locaux n’ont donc pratiquement jamais
de retour sur leurs envois.
« Lorsqu’on envoie des disques, c’est un peu comme une bouteille d’eau
jetée à la mer, ça doit se perdre » (Jarring effet)
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Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
« Pour les radios commerciales, c’est simple, on n’a aucun contact, on a
aucun retour. On n’a même pas de réponse. On n’a rien. On envoie et on
n’a rien ! » (Les Disques Aliénor).
Ils sont obligés de passer par les grands majors qui sont en contact avec NRJ,
Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 au niveau parisien pour avoir une
chance de rentrer dans la programmation de leurs playlists.
De plus, à la question « Estimez-vous qu’il faudrait plus de
dialogue au sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations
et la circulation des œuvres musicales ? », les programmateurs en régional ont
un discours différent de celui des programmateurs parisiens. Pour eux, la
dimension financière dans les discours tenus entre diffuseurs et industriels est
importante alors que pour les programmateurs parisiens, la question n’est
jamais abordée.
« Mais pour le dialogue entre diffuseurs et industriels c’est pognon
pognon ! Les diffuseurs ne prennent plus de risques » (Virgin Radio
Strasbourg).
Pour les labels indépendants, ceci peut être source de difficulté pour être en
contact avec les diffuseurs et l’insertion des artistes dans les playlists.
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Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
En région parisienne, les responsables de la programmation ont la
même fonction qui consiste à élaborer la programmation musicale, créer les
playlists et mettre en corrélation les résultats des études de sondages avec les
rotations, l’entrée et la sortie d’un titre au sein de la playlist.
« En résumé, je choisis les musiques qui vont être diffusées à l’antenne.
Mon travail consiste dans l’élaboration d’un format, d’une stratégie
musicale. Je programme le logiciel Selector dont la plupart des radios sont
équipées aujourd’hui » (Virgin Radio).
« Je m’occupe de la stratégie musicale de l’antenne. Je sélectionne les
ingrédients musicaux pour donner au final un produit cohérent » (NRJ
Paris).
L’ensemble de ces activités doit correspondre au format de la radio. Chaque
radio a une couleur musicale précise qui correspond à un format défini.
« Pour NRJ, c’est la seule radio musicale généraliste à destination d’un
public jeune. » (NRJ Paris).
« Oui, pour Fun Radio on a une couleur musicale spécifique. On a notre
propre son. C’est dance, r’n’b et soul avec un certain quota de musique
française. » (Fun Radio Paris).
« Oui. On a un format axé sur le rap et le r’n’b » (Skyrock Paris).
« La ligne éditoriale correspond au « claim » actuel de la radio : « rock star
music » (Virgin Radio Paris).
La playlist correspond à un choix, à une sélection des titres musicaux opérée
par les responsables de la programmation avec pour objectif de :
« plaire au plus grand nombre et fidéliser l’auditoire » (Skyrock Paris).
« d’attirer le plus d’auditeurs possible, de bien enchaîner les titres afin que
les auditeurs écoutent la station un maximum de temps » (Fun Radio
Paris).
Et comme le remarque un responsable de la programmation, les playlists de
certaines stations ont plus de poids que d’autres :
« En France des radios comme NRJ font la pluie et le beau temps sur les
radios. Ce sont eux qui lancent les titres » (NRJ Grenoble).
L’ensemble des radios réalise des sondages afin de concevoir et
de limiter les risques dans la sélection des titres qui vont rentrer ou sortir de la
playlist.
« Ces études ont pour objectif de connaître l’avis du public, de la majorité.
Ça nous permet de surveiller si nos choix musicaux sont judicieux. S’ils
sont validés ou pas. Les risques que l’on prend ou pas à faire connaître un
titre, nous permettent d’avoir un lien avec le public » (Skyrock Paris).
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Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
« On effectue des sondages tous les trois mois concernant les audiences
et on effectue aussi des tests sur les morceaux musicaux toutes les
semaines. Ça nous permet d’orienter la programmation, d’accélérer la
rotation d’un titre ou au contraire de la diminuer parce que les gens en on
marre. On croise l’ensemble des informations qu’on a, puis on met
l’ensemble de ces résultats dans la playlist » (Virgin Radio paris).
Pour les responsables de la programmation musicale en Ile-deFrance, les relations entre diffuseurs et industriels sont bonnes puisque
nécessaires. Les professionnels de l’industrie de la musique enregistrée ont
besoin des radios pour faire connaître leurs artistes et ce sont eux qui
proposent les titres aux radios.
« On a de bonnes relations. Tout se passe bien. Vous savez Virgin Radio
c’est une radio importante. Alors les maisons de disques ce sont elles qui
font la démarche de venir nous chercher. Elles ont tout intérêt à ce qu’on
diffuse les artistes qu’elles ont signé » (Virgin Radio).
Et à la question « Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue au
sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la
circulation des œuvres musicales ? », les responsables de la programmation
en région parisienne considèrent qu’il y a une bonne communication entre les
diffuseurs et les industriels et que la circulation des œuvres musicales est
suffisante.
« On est pas mal en contact » (NRJ Paris).
« Les échanges, l’information, ça se passe très bien » (Skyrock Paris)
« En fait, on fonctionne d’un point de vue de l’offre et de la demande. On a
tout qui nous est fourni. On est beaucoup sollicité donc il y a une très
bonne circulation de l’information » (Virgin Radio Paris)
Dans les discussions entre diffuseurs et industriels, il n’est aucunement
question de critères financiers puisque la programmation musicale est distincte
des pôles marketing.
« Alors déjà il n’y a aucun niveau commercial. Je n’ai pas de relation
commerciale. Je ne vends rien dans ma profession. On est un pôle
artistique et c’est bien distinct du pôle marketing. On ne mélange pas les
genres. On a des relations de partenaire. […] Il n’est aucunement question
d’argent, ça n’intervient pas dans le processus de diffusion ou dans le
choix d’un titre » (NRJ Paris).
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Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Nous observons ainsi des récurrences dans les arguments des
responsables de la programmation des réseaux de notre panel. Ces
récurrences sont dues aux pratiques de programmation communes au sein
d’un même réseau mais également parce que les programmateurs ont
développé des arguments en défense vis-à-vis d’éventuelles critiques. A
travers ce constat, nous pouvons émettre l’hypothèse suivante : à la suite des
études commandées par les politiques culturelles françaises concernant
l’exposition de la diversité musicale à la radio sur ces dernières années mais
également à la suite des rapports élaborés par l’Observatoire de la Musique,
les responsables promotion ont développé des arguments collectifs visant à
légitimer leurs pratiques de programmation.
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Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
3.3 L’analyse du discours des industriels.
La fonction des responsables promotion et/ou des attachés de
presse, consiste à informer et convaincre les radios de diffuser les artistes
qu’ils ont signés. Les responsables promotion interrogés pour cette étude, font
ainsi l’intermédiaire entre les radios et les groupes musicaux.
« On informe les radios sur l’actualité des artistes et leur univers. Mon
métier c’est principalement abreuver les radios d’informations et les
convaincre. » (Sonymusic Paris).
Cependant, les industriels n’ont pas tous la même démarche dans l’exercice de
leur activité et dans leurs méthodes argumentaires vis-à-vis des diffuseurs.
Les responsables des labels indépendants ont une activité
polyvalente et transversale. Ils suivent une œuvre musicale depuis sa
production jusqu’à la sortie de l’album.
« C’est un tout petit label donc je fais tout. J’ai un statut polyvalent. Je
travaille sur la production, l’élaboration du projet jusqu’à la sortie du
disque » (Neomme)
« Je fais le travail d’un chef de projet. Je m’occupe de la fabrication des
disques, des vinyles, de la promotion quand un disque est sorti. Alors ça
va de la promotion en radio, à la télévision, dans la presse spécialisée et
sur le web bien sûr » (Les disques Aliénor).
Les responsables promotion indépendants ne sélectionnent pas quelques
artistes (parmi un ensemble d’artistes) qu’ils vont présenter aux radios. Ils
sélectionnent les radios qui sont susceptibles de mettre en avant les quelques
artistes avec lesquels ils travaillent.
« On sélectionne les radios dont la programmation correspond à nos
artistes, si on sait qu’elle est capable de les défendre » (Jarring Effect
Label).
Ils travaillent principalement avec les radios associatives et parfois avec les
radios de Radio France, avec Radio Nova ou encore Oui FM.
« On travaille surtout avec les réseaux Ferrarock, Iastar ou les radios
associatives » (Les Disques Aliénor)
« C’est principalement les réseaux associatifs Ferrarock et Radio Campus
qui ont des émissions spécialisées mais ça arrive qu’on cible d’autres
radios comme Radio Nova, Oui FM, Le Mouv’ » (Jarring Effect Label).
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Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
A la question, « Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion
d’un artiste au sein des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et
RTL2 ? », les labels indépendants répondent qu’ils se préoccupent peu de ce
type de réseaux.
« Alors on est complètement en dehors de tout ça, car les artistes qu’on a
ne correspondent pas aux formats des radios Virgin, NRJ, Fun…. Du coup
on n’a pas du tout affaire à eux » (Neomme).
Ils insistent sur le fait qu’il existe un réel décalage entre l’univers dans lequel
évoluent les responsables de la programmation et les labels indépendants.
« Je pense même qu’ils ignorent l’existence de Jarring Effect. On n’est pas
vraiment du même monde » (Jarring Effect).
Les labels indépendants ne contactent pas les réseaux NRJ, Fun Radio,
Skyrock, Virgin Radio et RTL2, car il y a, selon eux, de très faibles chances
d’avoir un retour. Les radios commerciales répondent rarement et si elles le font
elles finissent par ne pas donner suite.
« Les stations Skyrock, les commerciales, ça n’arrive jamais. Je ne tente
même pas. J’ai peut-être tort mais les rares fois où on a essayé, on n’a
jamais eu de retour » (Jarring Effect)
« Avec les autres grosses radios, les grands réseaux on a beaucoup de
mal. Même avec les radios de Radio France c’est compliqué. Vous prenez
RTL2 ils ne font pas beaucoup de nouveautés dans leurs playlists donc il
n’y aura pas beaucoup d’indépendants. Donc, déjà pour eux, ce n’est pas
la peine. Non puis pour les autres c’est pareil » (Les disques Aliénor)
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Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Les responsables promotion et/ou attachés de presse rattachés à
une major ont une activité transversale, mais la chaîne partant de la production
jusqu’à la diffusion d’une œuvre musicale est sectorisée par tâches. Différentes
personnes s’occupent des tâches à accomplir. C’est ce qu’illustrent les propos
de la responsable promotion pour EMI.
« EMI comprend des sous-labels. Il y a Virgin, Austin, Labels, Capitol,
Note. Après il y a plusieurs éléments à l’intérieur de EMI. Tu as EMI
classique, EMI spécial marketing qui fait de la promotion, qui s’occupe des
compilations, des albums en réédition etc.…Moi mon job c’est uniquement
le relationnel avec les radios. Je m’occupe des passages radio et de la
programmation des artistes » (EMI Paris).
Les industriels sélectionnent un certain nombre d’artistes qu’ils proposent aux
radios en fonction du format et des attentes de la radio. Cette sélection s’opère
avant l’envoie des Cd de promotion aux responsables des programmations des
radios commerciales.
« Alors bien sûr, on n’envoie pas n’importe comment. Au départ, tu as une
sélection des titres en fonction du format de la radio à laquelle on
s’adresse. On envoie toujours un titre en fonction du format de la radio à
laquelle on s’adresse » (EMI Paris).
Il existe néanmoins différentes stratégies de programmation distinctes
entre un artiste confirmé (reconnu du grand public) ou un artiste en
développement (à faire connaître). Pour un artiste en développement, il
est plus difficile de présenter un CD de promotion directement aux
réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Dans ce cas, les
majors proposent dans un premier temps leurs titres auprès des réseaux
de Radio France, pour qui la programmation musicale représente un
enjeu de moindre envergure, en comparaison des radios musicales
commerciales. C’est seulement dans un deuxième temps, lorsque le titre
est programmé au sein de plusieurs radios, qu’il est proposé aux réseaux
commerciaux. Les propos du responsable promotion de Polydor
concernant le parcours d’un artiste illustrent bien cette logique.
« Pour Micky Green on a ciblé des radios élitistes tels que France Inter,
Europe 1, Oui FM. C’est fonction de l’image qu’on veut développer autour
de l’artiste pour faire un vrai buzz, un succès. Quelques mois après on a
ciblé Virgin Radio et ensuite les petites radios ont suivi un an après. Puis,
c’est en dernier qu’on a démarché NRJ. Tous les deux ou trois mois on a
- 161 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
progressé. C’est un ensemble, c’est comme ça que ça marche. Il faut que
les choses se fassent au bon moment. Si on était allé dès le début voir
NRJ avec Micky Green, ça aurait été « non » direct » (Polydor Paris).
Les industriels fonctionnent de la sorte, car les radios commerciales
programment essentiellement des artistes confirmés auprès du public. En
termes d’enjeux économiques, les radios commerciales ne peuvent pas
se permettre de programmer des titres à risques, or, les artistes en
développement constituent un risque. De ce fait, les industriels se doivent
d’apporter des arguments rassurants qui confortent les diffuseurs dans
leur choix sélectif.
« Une radio si tu lui donnes des arguments elle diffuse l’artiste. Si la radio
elle sait qu’elle sera entourée par la presse, que l’artiste est passé dans
l’émission le Grand journal de Canal, à Taratata, au JT de France2 et TF1
ça aide, c’est parfait, c’est un argument » (EMI Paris).
Le plus souvent, il s’agit pour les responsables promotion de proposer un
plan de promotion en synergie avec un ensemble de médias (espace
publicitaire dans le métro, presse, télévision, Internet…). Pour certains
titres internationaux, les résultats des classements ou des ventes à
l’étranger constituent également un argument de poids. De ce fait,
lorsqu’un artiste confirmé est proposé auprès des grands groupes
radiophoniques, il passe dans plusieurs médias simultanément. A cela
s’ajoute l’effet d’endogamie observable au sein de l’espace radiophonique
où lorsqu’un titre est entré dans la playlist d’un des réseaux leader, il est
presque automatiquement programmé dans les playlists des plus petites
radios commerciales. Dans ce contexte, il devient moins aisé pour les
responsables promotion de trouver de la place pour les autres artistes.
Pour l’ensemble des labels interrogés, les responsables
promotion et/ou les attachés de presse s’entendent à dire que la radio
constitue un outil de communication et de promotion des artistes important
vis-à-vis du public.
« Du coup, le seul et véritable moyen de faire découvrir un artiste ça reste
la radio. Et c’est d’autant plus important aujourd’hui, même si les
audiences baissent un peu dernièrement. Ça c’est l’effet des jeunes qui
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Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
écoutent pas mal sur Internet mais la radio ça reste quand même un relais.
Internet ça peut créer du « buzz » autour d’un artiste mais c’est sur du
court terme. La radio elle peut prendre le relais du « buzz » parce qu’elle
permet de rappeler la présence d’un artiste à force de le diffuser. La
diffusion en boucle des titres toutes les heures c’est un peu ça. C’est pour
rappeler aux gens la présence de l’artiste pour pas qu’ils oublient. Comme
ça on finit par retenir le titre. La radio c’est un atout important (Sonymusic
Paris).
La radio représente également des avantages en termes de gratuité et
d’instantanéité par rapport aux autres moyens de diffusion existants.
« La diffusion radiophonique c’est primordial. A partir du moment où un
artiste est diffusé en radio, il a une fenêtre qui s’ouvre sur le public. Il peut
être entendu partout. Son titre sera exposé au maximum et pour vendre il
faut avoir une visibilité médiatique. La radio, c’est le nerf de la guerre au
niveau des médias. Il y a moins de gens qui lisent la presse spécialisée
que de gens qui écoutent la radio. La presse, les magasines musicaux
c’est payant. La radio c’est un média gratos et en plus ça prend moins de
temps. C’est de l’immédiat. Puis la radio ça permet de faire des relances
sur l’artiste même au niveau des concerts. On fait des jeux concours par
exemple pour faire gagner des places. Ça nous donne un nouveau levier
de communication. La radio c’est un formidable levier de communication
(EMI Paris).
La radio permet ainsi de prolonger la durée de vie d’un titre puisque :
« C’est la radio et les tournées qui permettent à un disque de vivre plus
longtemps. La diffusion radio elle prolonge la durée de vie d’un disque.
Ben oui, un disque lorsqu’il sort il a une durée de vie d’un mois. Après, il va
vite se faire chasser par d’autres sorties si la radio permet pas de le faire
suivre plus longtemps. C’est toute une chaîne, une synergie entre le label,
le tourneur et la radio. La radio c’est un relais. Par exemple, le groupe sort
son album, il passe en tournée dans une ville. La radio fait une interview
parce que c’est l’actualité. Du coup, le groupe il repasse en playlist »
(Jarring Effect).
Néanmoins, si la radio est un outil de promotion essentiel,
elle reste difficile d’accès et notamment pour les labels indépendants pour
lesquels les budgets marketing sont moins importants.
« Si tu n’achètes pas de marketing tu ne passes pas en radio » (Aliénor
Bordeaux).
« Puis après c’est surtout une question d’argent. Si tu n’as pas d’argent
pour acheter du marketing sur une radio tu ne rentres pas dans la diffusion
de la radio c’est toujours la même chose. C’est d’ailleurs de plus en plus le
cas pour la presse aussi. Plus tu achètes de publicité, plus tu auras de la
place et plus ton interview elle sera longue » (Disque Aliénor)
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Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Ainsi, afin de contourner le modèle de diffusion classique et de continuer à
subsister, les labels indépendants se tournent vers la scène.
« Nous on ne peut pas compter sur les radios. On compte sur la scène »
(Neomme).
- 164 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
3.4 Les critères de sélection d’un titre musical.
Les responsables de la programmation des réseaux NRJ, Fun
Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 reçoivent régulièrement un ensemble
d’informations concernant la production musicale tant au niveau national
qu’international. Il s’agit des classements des autres radios, des chiffres de
vente d’albums, de singles en France et à l’étranger. Les diffuseurs ont
également à leur disposition un ensemble de produits marketing en provenance
des industriels. Ce sont les Cd de promotion, des places de concerts, des
voyages…que leur envoient les responsables promotion et/ou les attachés de
presse.
« L’objectif c’est de faire rêver le programmateur pour qu’il fasse rêver les
auditeurs. Les gens, ils achètent à l’affect » (Sonymusic Paris).
Les programmateurs réalisent ainsi parmi l’ensemble des informations qui leur
parviennent une sélection des titres afin de constituer le top 40. La playlist
correspond à une sélection d’anciens ou de nouveaux titres musicaux. Cette
liste comprend généralement une quarantaine de titres et doit représenter la
couleur de la station et les artistes que la radio met en avant. La constitution de
la playlist s’effectue selon des critères propres à une station. A l’aune des
propos recueillis auprès des différents professionnels de la filière musicale,
nous observons quatre principaux critères déterminants permettant à un titre
musical de rentrer au sein des playlists des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock,
Virgin Radio et RTL2.
Un titre musical doit nécessairement correspondre au format de la
radio. Sans ça, un titre ne peut pas être sélectionné par les responsables
promotion rattachés à l’industrie de la musique enregistrée.
« De toute façon la base du métier d’un attaché de presse c’est de faire un
tri sélectif de ce qui peut potentiellement plaire à un programmateur selon
le format de la radio. Un attaché de presse qui se pointe avec des titres qui
ne correspondent pas, ça n’existe pas. Ou bien c’est un apprenti »
(Sonymusic paris)
- 165 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Les industriels sélectionnant uniquement les titres qui correspondent aux
courants musicaux représentatifs des groupes radiophoniques auxquels ils
s’adressent. La tendance actuelle émergente, par exemple, correspond au
format pop rock et dance. Comme le souligne le label Jarring Effect, il est
difficile d’atteindre les radios commerciales lorsque le label ne regroupe pas
des artistes qui produisent de la musique dans l’air du temps. Ainsi, il déplore le
fait de ne pouvoir proposer aux radios commerciales certains artistes et
courants musicaux.
« Je pense que pour atteindre les radios commerciales, il faut un label qui
soit plus pop-rock actuellement. […] C’est du rock aseptisé puis voilà. Des
fois c’est vrai, ça me rend un peu amer par rapport à tout ça, parce qu’on
mériterait d’avoir une visibilité. On a des artistes qui le mériteraient »
(Jarring Effect Label)
Il devient alors très difficile pour une œuvre musicale qui ne correspond pas
aux tendances musicales du moment de s’insérer au sein des playlists des
radios commerciales.
Les radios commerciales intègrent plus facilement au sein des
playlists des titres d’une certaine durée. Comme les œuvres musicales
diffusées doivent être perçues puis mémorisées par les auditeurs, il faut des
morceaux dont la durée est relativement courte.
« Au delà de quatre minutes c’est trop long, mais ça peut arriver que l’on
diffuse des morceaux plus longs, mais c’est plus rare » (Virgin Radio
paris).
Les responsables de la programmation utilisent le terme de Radio Edit. Un
Radio Edit désigne le format musical demandé par un programmateur auprès
d’un label pour conformer un morceau à la diffusion selon un format de trois
minutes trente. Sont ainsi plus facilement exclus des programmations des
réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin radio et RTL2, les morceaux d’une
durée excédant trois minutes trente. Et pour certains courants musicaux, le
format Radio Edit n’existe pas.
« Vous savez, la musique instrumentale n’est pas facile d’accès. On a
souvent des morceaux de six minutes et ça ne correspond pas au format
radio » (Jarring Effect).
- 166 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Bien évidemment, il arrive que des titres programmés au sein des playlists des
radios commerciales dépassent les trois minutes trente. Néanmoins, Il est
quasiment impensable d’entendre un titre de six minutes aujourd’hui par
exemple.
Pour être parfaitement mémorisable et attirer l’attention des
auditeurs, les morceaux ayant un format canonique avec une structure simple
sont plus facilement sélectionnés. La structure canonique correspond à celle du
« couplet-refrain-couplet-refrain ». Ce sont généralement des airs simples et la
répétition du refrain permet ainsi de mieux mémoriser le titre et d’être
identifiable en quelques secondes par les auditeurs.
« En gros faut que ça sonne bien, le format canonique c’est : couplet –
refrain –couplet – refrain » (Neomme).
Enfin le dernier critère se situe dans l’investissement promotionnel
autour d’un artiste. Si la radio sait que l’artiste va être diffusé sur plusieurs
médias (presse, plateaux de télévision, espace publicitaire…) et qu’elle n’est
pas la seule à s’intéresser à cet artiste, elle intègrera d’autant plus facilement
un titre au sein de sa playlist.
Il existe également un ensemble de critères propres à la
programmation que les diffuseurs effectuent pour mettre en avant les titres
sélectionnés au sein de la playlist. Par exemple, après un titre dont le tempo
est lent, les responsables de la programmation adoptent un titre avec un tempo
rapide afin d’obtenir une alternance de tempo qui ne soit pas uniforme. De plus,
afin de garder leur audience, les responsables de la programmation font en
sorte de diffuser un hit après une annonce publicitaire. Lorsque les animateurs
enchaînent les morceaux et qu’ils annoncent un titre musical, ils doivent
absolument éviter de parler sur la partie du morceau chanté. C’est l’ensemble
de ces paramètres qui constitue la couleur musicale d’une station et qui crée
une cohésion dans la programmation de la playlist. Une playlist ne correspond
pas à un enchaînement mécanique de titres distincts mais il s’agit d’un
- 167 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
ensemble de paramètres de liaisons entre les titres afin d’attirer l’oreille des
auditeurs.
Il existe des normes propres au métier de programmation dont les
professionnels n’ont pas toujours conscience. Ces normes correspondent à un
langage commun sur lequel se sont entendu l’ensemble des professionnels et
ce de façon tacite. Nous prendrons pour exemple la définition toute particulière
que nous livre le responsable promotion de Sonymusic pour qui un « choix
artistique » correspond à un format radiophonique.
C’est principalement des arguments artistiques dans ce métier. Qu’est ce
que c’est qu’un argument artistique ? Ben, c’est tout simple, un argument
artistique, c’est un single qui correspond au format musical de la radio.
C’est ce que la radio attend. Il faut qu’il y ait un lien entre le morceau
proposé, le format et la cible de la radio » (sonymusic Paris).
A l’inverse, un choix artistique pourrait correspondre à la recherche de
sonorités esthétiques et cette définition peut paraître déroutante pour le sens
commun.
- 168 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
4. Analyse des relations entre diffuseurs et industriels.
4.1 L’industrie de la musique enregistrée, un fournisseur de programmes.
A la suite de la loi Fillioud en 1982, de nombreux programmes
radiophoniques consacrés à la diffusion musicale explosent sur la bande FM.
Les compagnies de disques de l’époque prennent de plus en plus d’importance
en France. Progressivement des liens se nouent entre l’industrie radiophonique
et l’industrie de la musique enregistrée. Les industriels viennent d’eux-même
vers les diffuseurs afin de proposer et d’inviter les radios commerciales à
diffuser des groupes musicaux.
Dès l’apparition des radios commerciales, à la suite de
l’introduction de la publicité au sein de l’espace radiophonique, les industriels
ont su s’emparer de l’industrie radiophonique qui représente pour eux un
moyen de communication primordial permettant de faire connaître leurs artistes
à de vastes audiences. L’industrie de la musique enregistrée développe des
axes de promotion avec des responsables promotion et des attachés de presse
qui se chargent de convaincre les radios de diffuser les artistes qu’ils ont
signés. Des relations privilégiées s’instaurent entre les responsables de la
programmation musicale et les responsables promotion. L’industrie de la
musique enregistrée s’inscrit alors dans un rôle de fournisseur de programmes
à destination des radios commerciales. Les radios commerciales diffusent les
artistes qui leurs sont proposés et le taux de diffusion d’un artiste peut avoir un
effet sur les taux de vente d’un album (confère résultats des chiffres de ventes
réalisés régulièrement par le SNEP).
Néanmoins, tout comme l’industrie radiophonique, l’industrie de la
musique enregistrée se trouve dans un marché concentré. Il existe aujourd’hui
quatre grands groupes : les majors Universal Music, BMG-Sony, EMI-Virgin et
Warner Music. Ces majors évoluent actuellement dans un contexte
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Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
économique difficile et concurrentiel. Les responsables promotion et/ou les
attachés de presse doivent faire de plus en plus d’efforts pour convaincre les
radios commerciales de diffuser les artistes avec qui ils ont signé. Comme le
souligne le responsable promotion du label Sonymusic à Paris, chaque label a
ses artistes à défendre et développe des arguments pour convaincre les radios.
Néanmoins, les places sont chères et le nombre de radios commerciales est
restreint ainsi que les playlists qui comportent une quarantaine de titres, voire
une trentaine pour certaines.
« En plus, on a la concurrence des autres maisons de disque qui ont
d’autres artistes à défendre et d’autres arguments. La France c’est un pays
difficile. Il y a de grands réseaux radio mais ils sont peu nombreux. Je vois
par exemple, aux Etats-Unis c’est différent. A New York par exemple, il y a
quinze ou trente radios aussi importantes que nos réseaux commerciaux à
nous. A ça, tu rajoutes les playlists qui comportent de moins en moins de
titres c'est-à-dire en moyenne dix à trente titres au maximum. C’est super
dur » (Sonymusic Paris).
Dès lors, les responsables de la programmation et/ou les attachés
de presse opèrent un premier tri sélectif auprès des artistes de leur label. Ils
sélectionnent ceux qui sont susceptibles de correspondre au format des radios
commerciales. Cette première sélection doit être précise et efficace afin de
convaincre en peu de temps les responsables de la programmation des
réseaux commerciaux qui sont submergés par les informations musicales.
« Bon, on essaie de pas trop les saouler ou les submerger d’informations
car on est un peu comme des spam pour eux. Si on fait des mails, il faut
être bref et efficace. Il faut savoir cibler parce que des informations ils en
reçoivent énormément et de l’ensemble des maisons de disques »
(Sonymusic Paris).
De ce fait, les responsables promotion connaissent parfaitement les attentes
des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin radio et RTL2.
« On doit connaître un média par cœur, ses contraintes, ses logiques de
fonctionnement, ses motivations, sa façon de faire. Si jamais on ne
comprend pas trop les contraintes du programmateur il va y avoir un
décalage. Pour ça, avant tout rendez-vous, je dois savoir exactement
comment ça va se passer. Comment va se dérouler l’entretien. Notre
objectif, c’est de raccourcir le temps » (Polydor Paris).
- 170 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
4.2 L’industrie radiophonique, une vitrine pour les œuvres musicales.
Lorsque les responsables de la programmation reçoivent les CD
de promotion en provenance des industriels, ils opèrent une nouvelle sélection
des titres qu’ils vont introduire au sein de la playlist. La sélection est réalisée en
fonction du format de la radio, du degré de notoriété de l’artiste et de
l’importance du plan marketing proposé par les responsables promotion.
Lorsque les titres sont sélectionnés, ils sont introduits au sein de la playlist et
diffusés à l’antenne. Il s’agit alors dans un deuxième temps de vérifier si les
titres présents au sein de la playlist correspondent aux goûts musicaux des
auditeurs. Les responsables de la programmation vont ainsi effectuer des
sondages.
« On appelle les auditeurs et des non auditeurs de la radio et on voit leur
réaction face à des titres puis on élabore à partir de ces données une
programmation » (NRJ Paris).
« Ces études ont pour objectif de connaître l’avis du public, de la majorité.
Ça nous permet de surveiller si nos choix musicaux sont judicieux. S’ils
sont validés ou pas. Les risques que l’on prend ou pas à faire connaître un
titre, nous permettent d’avoir un lien avec le public » (Skyrock Paris).
Les résultats de ces sondages permettent de laisser ou de sortir un titre de la
playlist selon le taux de saturation des auditeurs. Les diffuseurs confortent
également leur sélection auprès des chiffres de vente proposés par le SNEP
(qui recense chaque semaine le nombre de singles et d’albums vendus dans
les principaux points de vente en France). Concernant les titres internationaux,
l’entrée en programmation est facilitée par le suivi des classements et du
nombre de ventes effectuées à l’étranger.
Néanmoins, les différents réseaux radiophoniques ont plus ou
moins accès aux mêmes informations concernant la production discographique
et les classements et/ou ventes en France et à l’étranger. Si chaque station
possède son propre format, l’objectif d’une radio consiste à augmenter son
audience par rapport à l’audience des radios concurrentes. Dans un contexte
ultra concurrentiel, où chaque responsable des programmations épie la playlist
- 171 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
de ses voisins, de nombreux titres similaires se trouvent programmés au sein
de chaque playlist respective. A la question trouvez-vous des points communs
ou au contraire des différences avec la diffusion musicale des autres radios
musicales commerciales, les responsables de la programmation ont quelques
difficultés à répondre. Les programmateurs en régional considèrent qu’il y a
effectivement des points communs entre les playlists des principaux groupes
radiophoniques. La similarité des playlists provient, selon eux, des contraintes
de programmation et de l’actualité musicale qui sont identiques pour l’ensemble
des stations commerciales.
« Il y a sûrement quelques titres en communs puisque toutes les radios
s’intéressent à l’actualité » (NRJ Grenoble).
« Oui, on a forcément des titres en commun avec l’ensemble des radios
musicales. C’est pareil partout. On a les mêmes contraintes en terme de
rotation, de nouveautés, de quotas » (Virgin Radio Strasbourg).
Viennent ensuite les considérations concernant les formats radiophoniques plus
ou moins similaires de leurs concurrentes.
« Dans la catégorie jeune c’est clair qu’on joue tous les mêmes titres. […]
La musique dance qui passe sur NRJ est la même que sur Fun Radio avec
quelques spécificités suivant les maisons de disques » (Fun Radio
Marseille).
« Quelques fois, certaines radios, surtout Fun Radio et NRJ viennent
marcher sur nos plates bandes. Lorsqu’on est parti sur le rap, NRJ a
suivi » (Skyrock Dunkerque).
« On est directement en concurrence avec Europe2. C’est clair au niveau
des slogans. RTL2 c’est « le son pop rock » et pour Europe2 c’est « que
du rock, que de la pop ». Au niveau des programmations, on a 70% des
titres en commun et 20% restant qui sont différentes. Après, la différence
se fait sur des détails. RTL2 c’est les 25-45 ans et Europe2 les 15-35 ans.
Nous, on vouvoie et Europe2 tutoie leurs auditeurs et les titres sont un peu
plus jeunes chez eux » (RTL2 Bordeaux).
A l’inverse, les responsables de la programmation parisienne considèrent que
leurs programmations sont bien distinctes.
« Ouais, ça peut arriver que l’on retrouve quelques morceaux en communs
mais nos programmations sont quand même différentes puisqu’on a des
formats à respecter » (Fun Radio Paris).
« Aujourd’hui, chacun a une identité propre et cherche à avoir sa
programmation contrairement à ce que souhaiteraient les maisons de
disques. Elles voudraient que leurs artistes passent sur toutes les radios.
Chacun a son univers. On a un paysage clair aujourd’hui » (Skyrock
Paris).
- 172 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
Ils dénoncent plus volontiers le mimétisme des radios commerciales de
moindre envergure qui, selon eux, copient carrément leurs programmations.
« Par contre, si on regarde les radios locales c’est différent. Là, le taux de
duplication des programmations musicales est de 60%, voire même des
fois 100%. Ce type de station se calque sur les radios leaders » (NRJ
Paris).
D’un point de vue idéal, les radios commerciales qui possèdent
une programmation en continu, devraient proposer un éventail de genres
musicaux au sein de leurs playlists et constituer de la sorte une vitrine
d’exposition de la production musicale. Néanmoins, les logiques de
programmation qui répondent à des exigences financières favorisent la
surexposition d’un faible nombre de titres sur les antennes des radios
commerciales. Dans ce contexte, les réseaux NRJ, Fun Radio, Virgin Radio et
RTL2 deviennent des vitrines de luxe où seules les productions musicales
ayant un fort investissement marketing sont diffusées.
- 173 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
4.3 Des relations complexes entre diffuseurs et industriels.
Le mode de fonctionnement de l’industrie radiophonique et de
l’industrie de la musique enregistrée est relativement ancien. Comme nous
l’avons vu précédemment, l’industrie radiophonique fonctionne selon un
« modèle de flot ». La programmation des radios commerciales nécessite d’être
renouvelée chaque jour. Les contenus des programmes sont éphémères et se
doivent d’être fréquemment renouvelés. C’est ce que permet la conclusion des
sondages réalisés par les radios commerciales, facilitant l’entrée ou la sortie
d’un titre au sein des playlists. A l’inverse, l’industrie de la musique enregistrée
fonctionne selon un « modèle éditorial ». Le « modèle éditorial » est quant à lui
discontinu, individualisé et directement financé par chaque consommateur. La
logique éditoriale se trouve aujourd’hui élargie par le développement des
différents supports électroniques mais elle reste néanmoins bien prégnante au
sein de l’industrie de la musique enregistrée. Les logiques du « modèle de flot »
et du « modèle éditorial » s’articulent entre elles, plus qu’elles ne s’opposent ou
se
concurrencent
directement.
Nous
observons
ainsi
une
relation
d’interdépendance entre l’industrie radiophonique et l’industrie de la musique
enregistrée. Les radios commerciales prennent peu de risque par crainte de
perdre des parts d’audience. De ce fait, les industriels sélectionnent au
préalable les artistes qu’ils considèrent comme correspondant aux formats des
radios commerciales. Aussi, comme « les radios sont plus attentives envers les
artistes connus que ceux qui sont moins connus » (Sonymusic paris), les
industriels achètent des espaces publicitaires. Il s’agit là, comme le souligne
Balmer E., d’une situation paradoxale puisque les majors proposent à la fois le
contenu des programmations musicales et elles doivent également acheter des
espaces publicitaires comme n’importe quel annonceur (Balmer E., 2005). A
l’inverse, alors que les radios commerciales ne représentent qu’une toute petite
partie de la filière musicale, ce sont elles qui gèrent la sélection des titres qui
seront mis en avant sur leurs antennes. Ainsi, les artistes sont tributaires des
radios musicales commerciales.
- 174 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
« Sans la radio on ne vaut pas grand-chose » (Neomme)
« Financièrement, ça ne coûte pas grand chose l’envoi de disques aux
radios, mais par contre le retour sur investissement est immédiat. […]
C’est toute une chaîne, une synergie entre le label, le tourneur et la radio.
La radio c’est un relais » (Jarring Effect).
Il existe à la fois une relation d’interdépendance entre les
diffuseurs et les industriels mais également des relations hétérogènes car les
deux industries n’ont pas les mêmes objectifs. Pour l’industrie de la musique
enregistrée, l’objectif est de toucher le plus large public possible afin
d’augmenter le taux de vente d’albums. Pour cela, il faut diffuser les artistes sur
le plus de radios possibles.
« Au niveau commercial et politique éditoriale, c’est simple les maisons de
disques elles ciblent le plus de médias possible pour la visibilité de leurs
artistes. Une maison de disques a intérêt à ce que ces artistes soient
diffusés sur un maximum de radio, sur toutes les radios » (Skyrock Paris).
A l’inverse dans une logique concurrentielle et de distinction, les radios
commerciales cherchent à se distinguer les une des autres. Elles s’inscrivent
dans une logique d’exclusivité pour se différencier de la concurrence et capter
les audiences. Il s’agit de ne pas se faire dépasser par les radios concurrentes
en termes de nouveautés tout en prenant le moins de risques possibles.
« Alors que nous on a intérêt à avoir l’exclusivité. Il faut que l’auditeur
trouve une spécificité qu’il ne trouvera pas sur une autre antenne. Ce sont
deux objectifs divergents mais on s’entend. On arrive à négocier »
(Skyrock Paris).
- 175 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
4.4. Des rôles qui n’existent pas à l’état pur.
L’industrie radiophonique et l’industrie de la musique enregistrée
répondent mutuellement à des exigences et des contraintes budgétaires
propres à leur mode de fonctionnement interne. Ces deux industries ont
chacune des logiques financières distinctes l’une basée sur un « modèle de
flot » et l’autre sur un « modèle éditorial ». L’industrie radiophonique répond
aux contraintes de la logique de programmation de flot propre aux médias de
programmation alors que l’industrie de la musique enregistrée doit écouler des
stocks. Il s’agit de logiques qui interagissent et affectent les stratégies de
programmation d’un titre au sein des playlists. De ce fait, l’entrelacement de
logiques à la fois complémentaires et hétérogènes est à l’origine de la sélection
d’un faible nombre d’artistes au sein des playlists.
La programmation musicale des radios commerciales françaises
est très restreinte contrairement aux témoignages des responsables de la
programmation. La playlist est la résultante d’une sélection qui s’opère à deux
niveaux. Il s’agit du premier tri effectué par les responsables promotion des
labels pour correspondre au format de la radio et d’un second tri où les
diffuseurs choisissent les groupes parmi ceux proposés par les industriels.
Dans ce contexte, les titres qui ne correspondent pas aux critères de sélections
requis sont exclus des programmations musicales des radios commerciales
françaises.
Il existe néanmoins une différence distincte entre le témoignage
des responsables de la programmation en régional et en Ile de France. Cette
divergence dans les propos semble inhérente à la situation dans laquelle se
trouvent les diffuseurs. Les programmateurs régionaux, s’ils connaissent
parfaitement en quoi consiste les stratégies de programmations musicales
puisqu’ils proviennent d’écoles internes aux radios (école NRJ…), peuvent plus
aisément prendre du recul vis-à-vis de leur profession. A l’inverse les
- 176 -
Deuxième Partie : Analyse des programmations musicales et des stratégies d’acteurs
responsables de la programmation parisienne évoluent dans un cercle plus
fermé et sont les représentants de la programmation musicale puisque la
programmation est entièrement réalisée sur Paris. De ce fait, il est plus difficile
pour eux de se détacher du discours institutionnel.
Dans ce contexte, les relations entre diffuseurs et industriels qui
sont à l’origine de la programmation musicale, ne permettent pas aux labels
indépendants d’émerger au sein des playlists. Mais ce qui est d’autant plus
inquiétant, c’est que les labels indépendants ont également du mal à s’insérer
au sein des programmations des radios du service public comme le réseau de
Radio France. Les réseaux d’informations augmentent leur programmation de
« talk » au dépend de la programmation musicale. Ainsi ces réseaux qui
participaient à la diversité au sein de l’espace radiophonique, tendent à
amoindrir leur offre. Et comme le souligne le label Neomme, il n’y a pas
véritablement d’autres structures radiophoniques spécialisées permettant la
mise en avant d’une expression musicale, représentative de l’ensemble des
indépendants à destination d’audiences conséquentes.
« Mais ce qui serait bien et qui n’existe pas dans le paysage radio ce serait
des radios comme Virgin et les autres qui passeraient autre chose. Une
autre programmation moins formatée » (Neomme).
- 177 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
TROISIEME PARTIE
UN RECOURS CROISSANT AUX TECHNIQUES DE MARKETING, FACE AU
DEGRE D’INCERTITUDE QUE REVET LA PROGRAMMATION MUSICALE
AU SEIN DE L’INDUSTRIE RADIOPHONIQUE.
Dans cette troisième et dernière partie, nous allons nous pencher
sur quelques travaux et études concernant la programmation musicale
radiophonique. Nous allons mettre en corrélation les résultats de notre
démarche empirique avec ces études afin d’apporter un éclairage sur les
stratégies de programmation des professionnels de la radio. Cette troisième
partie s’attachera donc à proposer quelques éléments de réflexion sur le mode
de diffusion actuel et la définition de la diversité musicale au sein des radios de
notre panel afin de les mettre en perspective dans le mouvement de mutation
de la radio numérique.
- 178 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
1. Les enjeux de la programmation.
1.1 La musique est un vecteur d’audience.
L’écoute de la radio est une activité typiquement secondaire, c'està-dire une activité à laquelle les auditeurs s’adonnent en menant d’autres
tâches. Si la radio reste un média encore très prégnant aujourd’hui, c’est à la
fois grâce à ses facultés d’accompagnement du quotidien de bon nombre de
personnes mais également grâce à la diffusion musicale qui constitue un
moyen d’attrait des auditeurs. L’exemple d’une enquête menée au Canada et
portant sur la place de la musique à la radio, illustre ce constat.
Quoique solide sur le plan méthodologique, cette enquête n’a pas
pour prétention d’avoir mesuré objectivement l’importance de la musique dans
l’écoute de la radio. Elle peut toutefois être utilisée en termes relatifs pour notre
analyse. L’étude effectuée par Benoît Gauthier, responsable de l’entreprise de
consultation Circum, stipule l’importance de la musique pour les auditeurs en
tant qu’élément attractif de la programmation radiophonique ; cela concerne la
radio commerciale en général et les stations de radio en particulier. Ce sondage
téléphonique, réalisé auprès de la population canadienne âgée de douze ans et
plus, a interrogé 1 7071 personnes en 2001 (Gauthier B., janvier 2002,
« Importance de la musique à la radio en 2001 : un sondage auprès des
Canadiens », Réseau Circum consultation en gestion et en recherche,
http://www.circum.qc.ca, consulté le 01/06/2005). Le questionnaire a été
construit autour de six questions de recherche comprenant : les heures
consacrées à diverses activités de loisirs, les raisons d’écoute de la radio, les
raisons de choisir une station de radio en particulier, les questions
hypothétiques sur l’absence de musique appréciée à la radio, et enfin les
données sociodémographiques.
- 179 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
Les résultats de l’enquête révèlent que la radio occupe, avec
l’écoute de la télévision (autre que les chaînes musicales), une part importante
du temps de loisirs des personnes interrogées. De ce fait, la radio tient le
premier rang en heures consacrées parmi les sept activités de loisirs proposées
aux participants de l’enquête (l’écoute de la radio, de la musique enregistrée,
des chaînes de télévision musicales et de la télévision, la lecture, le sport et la
navigation sur Internet). La principale raison citée pour privilégier l’écoute de la
radio est l’actualité, les informations sur la circulation automobile et la météo.
Globalement, la musique se retrouve en seconde position. Au total, 23% des
participants ont indiqué que la musique constituait un attrait important pour
l’écoute de la radio, sans tenir compte des auditeurs qui ne recherchent qu’un
bruit de fond, où la musique pourrait pourtant représenter une composante
importante (Ibid.). La moitié des participants a indiqué que la musique diffusée
par la station est le facteur essentiel qui les incite à écouter une station en
particulier. Ceci place la musique en tête des raisons pour lesquelles une
station sera choisie.
L’auteur de l’enquête émet l’hypothèse suivante : tout en
constituant un facteur d’attraction important, l’actualité n’est pourtant pas
l’élément qui déterminera le choix d’une station par un auditeur. A l’inverse, la
musique constituera le principal aspect de la programmation que retiendra
l’auditeur afin de choisir sa radio. C’est grâce à la distinction établie entre les
auditeurs de stations commerciales axées sur la parole et entre les auditeurs de
stations de radios commerciales musicales que l’auteur démontre l’importance
de la musique. En effet, le groupe des auditeurs de stations de radio
commerciales musicales présente un profil de motivations différentes. La part
du temps accordé à la radio est légèrement plus élevée chez les auditeurs de
stations de radio commerciales musicales et constitue une activité de loisirs
importante sur le plan quantitatif. Pour 70% des auditeurs de ces stations, la
musique est la première raison donnée pour choisir une station et elle rivalise
avec l’actualité régionale et internationale (Ibid.). Le genre de musique offerte
- 180 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
est déterminant pour 80% des personnes interrogées et la quantité vient en
seconde position (Ibid.). Ainsi, les auditeurs des stations commerciales
musicales écoutent davantage la radio ; ils consacrent davantage de temps de
loisirs aux chaînes de télévision musicales et ils privilégient une radio en
fonction de la musique qui y est diffusée plutôt que pour les informations
générales.
Les fondements théoriques de cette enquête partent de l’idée que
les auditeurs de stations de radios musicales seraient peu enclins à écouter
une station de radio sans musique si cette matière première n’était pas
disponible aux programmateurs. Afin de vérifier cet état des lieux, deux
questions hypothétiques ont été proposées aux participants de l’enquête, à
savoir : « Si la musique jouée à votre station de radio préférée changeait tout à
fait de genre, seriez-vous plus susceptible de continuer à écouter cette station
ou de choisir une autre station ? ». Presque les trois quarts (72%) de
l’ensemble des auditeurs de la radio changeraient leur station préférée pour
une autre station si cette première changeait tout à fait de genre musical. Chez
les auditeurs de stations commerciales musicales, plus de 8 auditeurs sur 10
(83%) adopteraient ce changement de comportement. Même chez les auditeurs
de stations commerciales axées sur la parole, la moitié des auditeurs serait
encline à changer de stations préférées dans le cas d’un changement important
de genre musical (pourtant diffusé en moindre quantité sur les radios
généralistes) (Ibid.).
A la deuxième question hypothétique « Si vous ne pouviez pas
entendre de musique à la radio, seriez-vous plus susceptible de choisir
d’écouter une station de radio qui privilégie la parole, de passer plus de temps à
écouter de la musique préenregistrée ou de faire autre chose ? », 67% de
l’ensemble des auditeurs ont indiqué qu’ils abandonneraient la radio en faveur
de l’écoute de musique préenregistrée. Cette proportion augmente aux trois
quarts (78%) dans le cas des auditeurs de stations commerciales musicales.
- 181 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
Dans ce groupe, seuls 13% des auditeurs choisiraient une station axée sur la
parole. Même dans le groupe des auditeurs de stations commerciales axées
sur la parole, seul un tiers (34%) des auditeurs a indiqué qu’il persisterait à
écouter une telle station en l’absence de musique. Un autre tiers (36%) a
répondu qu’il passerait davantage de temps à écouter de la musique
préenregistrée. Même au sein de la programmation des stations principalement
axées sur la parole, la part musicale présente de l’importance (Ibid.).
Aussi, l’intérêt envers la musique diffusée par les stations de radio
peut être évalué par l’importance que les auditeurs de la radio accordent à la
musique dans leur vie. Cela regroupe le nombre d’heures consacrées à l’écoute
de la musique préenregistrée et à l’écoute des chaînes de télévision musicales.
Le temps consacré est plus important chez les auditeurs de la radio que chez
les non auditeurs et plus remarquable encore chez les auditeurs de stations de
radio commerciales musicales. Selon cette approche, les auditeurs de la radio
accorderaient deux fois plus de leur temps de loisirs à la musique que les non
auditeurs (24,8 heures vs. 8,9 heures) et une proportion deux fois plus grande
de leur temps de loisirs (46% vs. 24%). La différence est encore plus marquée
dans le cas des auditeurs de stations commerciales musicales (27,3 heures vs.
8,9 heures ; 50% vs. 24%) (Ibid.).
Cette étude démontre que la musique constitue un facteur d’attrait
important pour la radio et pour une station particulière d’une part, et que la
musique est un facteur de rétention important à la radio et à une station en
particulier, d’autre part. La musique a également tendance à primer sur
l’information chez les auditeurs de stations commerciales musicales. Le
contenu musical est de loin la plus importante raison pour laquelle les auditeurs
préfèrent une station en particulier. Les auditeurs de la radio consacrent
davantage de leur temps de loisirs à l’écoute de la musique, sous une forme ou
sous une autre. Les auditeurs de la radio musicale présentent un profil socioéconomique et des attitudes différentes des auditeurs de la radio axée sur la
- 182 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
parole. Hypothétiquement, une grande majorité d’auditeurs de la radio
choisiraient une autre station que leur station préférée si celle-ci changeait de
genre musical et une grande majorité d’auditeurs de la radio privilégierait
l’écoute de musique préenregistrée à l’écoute de la radio si celle-ci n’offrait pas
de contenu musical. Ces observations amènent l’auteur de l’enquête à conclure
que, sans musique, la radio musicale aurait de la difficulté à retenir ses
auditeurs dans un format axé uniquement sur la parole et elle aurait de la
difficulté à maintenir ses audiences face à d’autres types d’activités.
Les résultats de cette enquête réalisée au Canada, peuvent
raisonnablement être étendus à la situation européenne et française. Cela
apparaît d’autant plus plausible que la musique est bien souvent l’élément
fédérateur d’un groupe et un signe de reconnaissance sociale. Il n’est donc pas
étonnant qu’elle constitue un élément déterminant tant au niveau des pratiques
culturelles des auditeurs qu’au niveau de la sélection d’une station de radio. La
musique est donc un facteur essentiel ; la programmation joue un rôle
primordial et déterminant quant au suivi et à la fidélité des auditeurs.
- 183 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
1.2 La perception auditive au centre des enjeux de la programmation
musicale.
Des études réalisées par des chercheurs de l’Université MCGill à
Montréal (http://francais.mcgill.ca/, consulté le 13/06/2009), ont montré que la
musique active dans le cerveau les centres de récompense ou de plaisir qui
sont associés à la nourriture ou au sexe. Ces chercheurs ont pu observer
qu’une expérience musicale agréable a une base chimique dans la molécule de
dopamine chez l’être humain. La répétition d’un titre musical, largement
plébiscité par les auditeurs de radio dans les sondages, aurait donc comme
objectif de générer du plaisir et surtout de marquer la mémoire de chacun. En
effet, un son diffusé à la radio est évanescent alors que la reconnaissance et
l’appréciation d’un titre passent par une phase de mémorisation. C’est une des
raisons pour lesquelles il arrive à un sujet d’apprécier pleinement un titre
musical après plusieurs écoutes. Il faut un certain temps pour que la musique
s’inscrive dans le cerveau humain.
La diversité des informations présentes dans le monde sonore
nécessite la mise en œuvre d’un ensemble de processus intellectuels. En
premier lieu, la musique parvient à nos oreilles et elle doit être interprétée pour
donner naissance à une perception cohérente. La perception acoustique
dépasse largement les qualités de la perception sensorielle et résulte d’un
traitement de l’information. L’individu doit à la fois traiter des informations
sensorielles (d’un point de vue biologique) et des informations symboliques
(linguistique, sémantique, esthétique). Pour ce faire, il existe plusieurs types de
mémoire distincts, parmi lesquels la mémoire à long terme qui revêt un certain
intérêt pour les responsables de la programmation radiophonique. Toutefois,
sans une bonne perception, la mémoire à long terme est parasitée et s’avère
inefficace. La diffusion d’un titre en boucle peut constituer un moyen de pallier
une mauvaise perception de l’information sonore.
- 184 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
Malgré leurs différences de mécanisme, nous distinguons trois
stades nécessaires à la mémorisation durable d’un son. Les stimuli sonores
détectés par nos sens sont soit ignorés, et dans ce cas ils disparaissent de
façon instantanée, soit ils sont perçus et ils entrent alors dans la mémoire
sensorielle. Celle-ci ne nécessite pas d’attention, car le stockage se fait de
façon automatique au cours de la perception. C’est ce qui se passe lorsqu’un
individu écoute la radio en fond sonore. Son attention n’est pas mise à
contribution mais il perçoit malgré lui la musique. Dans ce cas, il est coutume
de parler d’une écoute non attentive. Néanmoins, l’écoute active, c'est-à-dire
l’attention portée à une musique donnée, est essentielle car lorsqu’une
attention particulière est portée à une information sonore, elle passe dans la
mémoire à court terme. Si un son est maintenu suffisamment longtemps dans
la mémoire à court terme, il peut alors être transféré dans la mémoire à long
terme, ce qui permet une mémorisation durable. De la sorte, la répétition de
l’information sonore permettrait un processus de mémorisation durable. Les
trois stades nécessaires à la mémorisation durable d’un son peuvent-être
représentés par le schéma suivant :
- 185 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
- 186 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
Une fois présente dans le système perceptif, l’information
sonore est reconnue, identifiée et reçoit une signification qui dépend à la fois du
contexte et de l’expérience antérieure de l’auditeur. A l’exception du nouveauné, les sons ne parviennent pas dans un système sensoriel sans expérience et
les connaissances interagissent avec les données sensorielles d’un sujet dans
l’interprétation des stimulations auditives. Comme il n’y a pas d’objet persistant
dans l’audition, les informations acoustiques doivent être stockées dans le
temps et elles sont traitées en fonction des expériences antérieures de
l’individu. Dès lors, les connaissances sonores mémorisées constituent une
trame sur laquelle se greffent les nouvelles informations musicales. Plus la
quantité de connaissances est grande, plus de nouvelles informations
musicales peuvent y être greffées aisément.
Le professeur en perception et cognition musicales à
l'Université McGill, et directeur du Centre Interdisciplinaire de Recherche en
Musique, Médias et Technologie, Stephen McAdams, donne l’exemple d’une
personne en train de préparer son repas dans la cuisine et qui tout à coup
entend un bruit dans le salon. L’analyse du bruit perçu permet à cet individu
d’identifier le bruit de l’assiette qui se brise, le son des couverts qui
rebondissent sur le carrelage et le miaulement du chat. L’identification de ces
bruits permet à la personne de donner une signification à ce qui vient de se
produire, à savoir, le chat jouant avec le coin de la nappe qui vient de faire
tomber ce qui se trouvait sur la table.
Ces quelques éléments de recherche confirment la mise en
corrélation évidente entre les phénomènes répétitifs à la radio et le mode de
mémorisation humain. Selon des professionnels de la radio, il est nécessaire de
diffuser plusieurs fois un même titre et si possible, un titre faisant appel à des
connaissances sonores antérieures chez l’auditeur afin de marquer les
mémoires. Toutefois, ce mode de diffusion ne se justifie pas complètement et
correspond à une vision hypodermique de la diffusion musicale, ce qui
- 187 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
équivaudrait à réduire la perception musicale à une équation « stimulusréponse », propre à la théorie béhavioriste, dont il n’est plus la peine de
démontrer aujourd’hui les limites. Si les professionnels de la radio ont plus ou
moins conscience des limites du mode de diffusion musical répétitif, ils n’ont
pour l’instant pas trouvé d’autre alternative. En effet, les mécanismes de
perception musicale sont complexes et font appel à un ensemble de facteurs.
La perception musicale touche aussi bien à la biologie (comme nous venons de
le voir), qu’à la sociologie, à la psychologie humaine et au vécu de l’individu.
D’un point de vue sociologique, l’audition peut déclencher des
processus
psychiques
qui
dépendent
de
plusieurs
paramètres,
dont
l’environnement culturel. L’appartenance sociale ainsi que les tactiques de
distinction, définies par Bourdieu P. (1980) et Lahire B. (1998), peuvent jouer un
rôle déterminant et fortement modifier la perception et la façon d’écouter une
musique. Ainsi, selon sa culture et son éducation, un sujet ne percevra pas un
son de la même façon.
D’un point de vue psychologique, les phénomènes de mode
jouent également un rôle non négligeable. Si chaque style musical fait l’objet de
critiques ou au contraire d’admiration, certains courants musicaux acquièrent
une popularité incontestable. Outre l’aspect subjectif, l’époque, l’éducation,
l’appartenance sociale,… l’image que reflète un courant musical a un rôle dans
sa compréhension et son adoption par le grand public. Une connotation
péjorative, par exemple, sera un frein à l’acceptation d’un genre musical et
inversement. Enfin, la perception musicale, d’un point de vue individuel, est
souvent rattachée à des expériences associées. La musique fait partie du
quotidien, elle accompagne des instants de vie et elle est souvent reliée à des
émotions ou à des souvenirs telle une madeleine de Proust. Si une musique est
rattachée à un agréable souvenir, elle sera mieux mémorisée. Plus
l’investissement personnel d’un individu est important, plus il a de chance de
mémoriser la musique associée à ce moment.
- 188 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
La
répétition
de
l’information
sonore
permettrait
la
mémorisation à long terme. Cependant, cette stratégie de diffusion, largement
plébiscitée par les radios musicales françaises, est moins efficace sur du long
terme que le fait de donner un sens à un son, en l’associant à des
connaissances musicales déjà acquises et/ou à des souvenirs personnels. La
musique fait appel à des réactions émotives et elle est souvent rattachée à des
expériences associées. La perception musicale varie selon les individus et fait
la connexion entre les souvenirs et les émotions qui résident dans chaque être
humain. De ce fait, la musique constitue une identité, une représentation du
monde et un système de valeur qui nécessite une analyse, autant du point de
vue individuel que collectif, car « ne serait-ce que parce que la musique est un
moyen d’expression et de communication : […] elle utilise des codes et des
critères esthétiques admis ou à faire admettre par ses destinataires. Il en
émane une identité musicale, culturelle, sociale ou plus simplement personnelle
au sens large où l’entendent les psychologues, c'est-à-dire une identité que l’on
peut assimiler au système de sentiments et de représentations par lequel le Soi
se spécifie et se singularise » (Capitolin, 1996, p. 146). Si les responsables de
la programmation ont plus ou moins conscience de la complexité et des enjeux
que représente la perception musicale humaine, ces derniers orientent leurs
recherches vers une connaissance plus précise des goûts musicaux des
auditeurs.
- 189 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
1.3 L’importance de la recherche sur la diffusion musicale.
C’est avec l’extension des réseaux musicaux privés puis le
lancement des premières études d’audiences que se développent parallèlement
les recherches en marketing au sein de l’espace radiophonique. Si, à l’origine,
ces études ont été réalisées de façon occasionnelle, elles s’inscrivent
aujourd’hui dans le quotidien d’une radio. L’ensemble des techniques
supposées permettre de mieux connaître le profil et les goûts des auditeurs est
réalisé par des instituts spécialisés.
Certaines radios peuvent faire appel à des instances externes
alors que d’autres radios possèdent leur propre institut. C’est le cas de la filiale
d’études Médiapanel, présente au sein du groupe radiophonique RTL. Celle-ci
comprend un pôle musical, un pôle éditorial et un pôle audience. Les études
réalisées par Médiapanel sont au centre des différents enjeux parmi lesquels
figurent la recherche éditoriale, les audiences, la technologie, l’efficacité
publicitaire, la recherche musicale, la veille concurrentielle, le juridique et le
politique et enfin, la concurrence entre radios. Il existe également d’autres
sociétés, telles qu’Easyscore, Médianalyst…, qui proposent leurs services sur
Internet et auxquelles les radios peuvent s’adresser.
Au sein de l’espace radiophonique, il est d’usage de parler de
« recherche musicale ». Si le terme de « recherche musicale » possède un
sens très large qui s’applique à des domaines disparates, cette expression
désigne notamment l’ensemble des recherches permettant de connaître les
goûts musicaux des publics. La recherche musicale devient ainsi un outil de
mesure de satisfaction au service d’une méthodologie pour des analyses à la
frontière du qualitatif et du quantitatif. Les différents instituts peuvent réaliser
des tests de discours, des tests d’extraits sonores ou musicaux, mais
également de tout autre élément sur lequel un public peut porter une
appréciation. Les tests permettent également à une station donnée de se situer
- 190 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
par rapport à la concurrence. Nous recensons différents outils appartenant au
domaine de la recherche musicale : il s’agit des enquêtes stratégiques, des
auditoriums, des call-outs et enfin des enquêtes en ligne via Internet.
Les enquêtes stratégiques permettent à une station donnée de se
positionner par rapport aux autres stations. Ce sont des enquêtes de recadrage
ou enquêtes fondamentales. Les radios musicales peuvent avoir besoin de ce
type d’enquêtes mais celles-ci restent moins fréquentes que la réalisation
d’auditoriums ou de call-out, par exemple.
La réalisation d’auditoriums est préconisée pour tester un grand
nombre de titres musicaux et le plus souvent sur des titres golds (de plus de
trois ans d’ancienneté). Lors des auditoriums de recherche musicale, de courts
extraits musicaux permettent de recueillir une appréciation des auditeurs.
L’auditorium est réalisé auprès d’un échantillon d’auditeurs réguliers et
d’auditeurs potentiels de la radio. Les participants sont sélectionnés suivant des
quotas (sexe, âge, habitudes d’écoute). Au cours d’un auditorium, il est possible
de tester l’appréciation et la notoriété de près de 400 extraits musicaux.
L’évaluation des titres musicaux proposée aux auditeurs est réalisée à l’aide
d’un boîtier de votes interactifs. Pour mesurer l’appréciation d’un titre, les
questions peuvent être libellées ainsi :
Source : http://www.medianalyst.com/
- 191 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
L’ensemble de la séance en auditorium s’effectue en une heure
environ et afin de mieux connaître la perception de la radio dans son
environnement concurrentiel, il est de coutume de proposer quelques questions
fermées à la fin. Que ce soit en « Off line » ou « On-line », dans ces deux
versions, la recherche musicale permet aux personnes interrogées de réagir en
direct, de façon spontanée et anonyme. En « Off line », tous les participants
sont réunis dans une même salle. Grâce à des boîtiers équipés d’un curseur
gradué, ils répondent simultanément aux questions ou réagissent aux
documents audiovisuels qui leur sont proposés. En « On-line », l’étude se
construit en associant des questions (échelles graduées, liste de propositions).
Les personnes interrogées répondent de leur domicile ou de leur lieu de travail,
en déplaçant leur souris, ce qui fait varier la position d’un curseur associé à un
lecteur multimédia spécifique. Les résultats obtenus peuvent être importés
directement dans les logiciels classiques de programmation musicale. Ainsi, les
auditoriums permettent de recueillir des résultats de façon quasi instantanée.
Comme les participants traduisent une réaction émotionnelle en déplaçant le
curseur, les réponses apparaissent de façon plus spontanée que les méthodes
quantitatives traditionnelles qui obligent les personnes à interpréter leur
réponse selon une grille de notation. La durée des extraits musicaux diffusés
est de l’ordre de sept secondes pour des titres golds et d’environ quinze
secondes pour des nouveautés. Pour chaque évaluation, deux informations
principales peuvent être combinées ou exploitées séparément : l’appréciation
moyenne et la dispersion des votes. En radio, la dispersion des notes peut être
considérée comme un indicateur du caractère segmentant ou fédérateur d’un
titre. De deux morceaux ayant obtenu la même note moyenne, c’est celui dont
les notes seront les moins dispersées qui présentera le moins de risques pour
la station et qui sera le plus souvent sélectionné. La programmation musicale
d’une radio peut être ainsi considérée comme une combinaison de titres
caractérisés par leur appréciation et leur risque. Chaque évaluation d’un titre
est également suivie d’une mesure de notoriété au cours d’un auditorium. La
notoriété d’un titre constitue un indicateur fondamental puisqu’elle influe sur
- 192 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
l’appréciation et la capacité d’un titre à durer au sein de la programmation. La
combinaison des critères d’appréciation et de notoriété permet de mesurer le
« burn-out » ou le taux d’usure d’un titre musical. Lorsque les auditeurs sont
lassés d’entendre un titre, il disparaît alors de la programmation. Les
indicateurs clés de la recherche musicale peuvent se résumer à partir de trois
questions : Reconnaissez-vous ce titre ?, A quel point aimez-vous ce titre ?,
Etes vous lassé d’entendre ce titre ? Ces trois indicateurs permettent ainsi de
connaître la notoriété d’un titre, son appréciation et son usure. Ils peuvent être
représentés par le schéma suivant :
- 193 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
LE CYCLE DE VIE D’UN TITRE MUSICAL EN RADIO.
Lancement
Décollage
Croissance
Maturité
Déclin
Taux d’inconnu
Taux de passion
Taux de fatigue
Source : Jurgensen Tristan/Médiapanel
- 194 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
Il existe également les enquêtes par call-out qui sont effectués au
téléphone par une équipe d’enquêteurs. Une vingtaine de titres musicaux d’une
durée de sept à dix secondes maximum sont testés par appel. L’ordre des
extraits musicaux est fixé de manière aléatoire par ordinateur. Certaines
sociétés d’étude font une distinction entre les call-out spécialisés sur les titres
récurrents (de un à trois ans d’ancienneté) qui se réalisent à partir d’un serveur
vocal interactif alors que les call-out concernant les hits (titres des douze
dernier mois) font le plus souvent l’objet d’un terrain d’appel. Les numéros de
téléphone sont sélectionnés de manière aléatoire, à l’aide du logiciel, sur la
base des annuaires des zones étudiées.
Enfin, d’autres enquêtes sont effectuées en ligne via le Net. Il
s’agit d’obtenir des observations complémentaires, spécialement conçues sur
mesure pour une station donnée. Ces enquêtes favorisent une certaine
souplesse méthodologique mais permettent également d’approfondir la
connaissance d’une cible. L’interprétation des résultats de la recherche
musicale constitue par la suite un outil d’aide à la décision et la sélection de ce
qui entre ou sort des programmations musicales. Les principales contraintes de
ces études résident dans la constitution d’échantillons représentatifs,
l’identification précise des biais du déclaratif, mais également dans l’intégration
de la sous-performance des titres français puisque le CSA impose des quotas à
respecter. Les responsables des pôles marketing en radio doivent également
prendre en considération l’environnement d’un titre. Si la radio est le média
principal sur lequel un titre va passer ou si elle va fonctionner en synergie avec
la télévision, la presse et Internet, les démarches promotionnelles ne seront
pas les mêmes.
Si les moyens et les méthodes d’enquêtes n’ont guère évolué
puisque la recherche musicale reste toujours liée à la disponibilité des
personnes sondées, quelques pistes sont en cours. Comme le souligne Tristan
Jurgensen, Directeur exécutif de Mediapanel, la recherche musicale actuelle
- 195 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
tend à s’associer avec d’autres familles de la recherche permettant de
développer des informations sur les tendances sociologiques, la présence de
niches inexplorées menant à de nouveaux projets et au développement
d’argumentaires indispensables aux unités commerciales (Jurgensen T.,
(2007),« La recherche musicale un juste équilibre entre prévision et intuition »,
Présentation séminaire « Musique, Radio et Nouveaux Médias », Université
Paris 1, Sorbonne Panthéon - Institut National d’Histoire de l’Art, le 29
septembre 2007). Ainsi, la conception du métier de programmation, qui
correspond plus ou moins à une logique d’accumulation des audiences selon
des catégories d’auditeurs bien définies, est en train d’évoluer. La recherche
musicale tend à s’orienter vers un travail prospectif. D’une part, parce qu’il
existe un décalage entre les classes d’âge et les catégories sociales qui
servent de base à la programmation, ces dernières ayant du retard sur les
évolutions de la société actuelle, et d’autre part, parce que le développement
des radios du Net apporte des changements. Jusqu’à l’arrivée du numérique, le
marketing des programmes et de la programmation audiovisuelle en général se
limitait à une dimension exclusivement quantitative. Il s’agissait de mesurer
l’audience des écrans publicitaires et des programmes, puis de réajuster les
grilles et le contenu des programmes en fonction de ces résultats. Toutefois, la
gestion des grilles de programmation tend à être déléguée aux auditeurs via les
radios numériques qui proposent des contenus à la carte. La radio numérique
introduit un processus de fidélisation non plus à un instant précis, mais dans la
durée. Face à ces évolutions, la programmation des radios analogiques n’a pas
d’autre solution que d’essayer d’anticiper les comportements des auditeurs.
La recherche musicale aide les programmateurs à déceler le
potentiel des titres qui vont plaire au grand public, à mesurer la fatigue ou le
rejet des auditeurs pour ainsi diminuer le risque d’erreur de choix de
programmation. Si la recherche musicale ne définit pas entièrement les
programmations musicales, si les professionnels de la radio insistent sur une
nette distinction entre les équipes artistique et marketing, si les instituts de
- 196 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
sondage ont parfois conscience de la nécessité de trouver un juste milieu entre
la diversité musicale et l’installation de succès grand public, il est indéniable
que la recherche musicale participe au processus de sélection des titres et
qu’elle reste ancrée dans le quotidien des professionnels de la radio. Les
techniques utilisées demeurent classiques mais la recherche musicale fait
appel aux études, thèses et hypothèses des sciences humaines pour enrichir
son impact. L’histoire de la recherche musicale révèle des évolutions avec une
certaine relativisation de la vision « tout marketing » surtout présente dans les
années 1990. La nouvelle génération du marketing radiophonique nécessitera
à la fois l’utilisation d’outils quantitatifs et d’outils prospectifs afin d’anticiper le
comportement des auditeurs et le renouvellement de l’offre.
- 197 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
1.4 Stratégie de différenciation et homogénéisation des programmes.
A la suite de la polémique lancée en 2001 par le réseau NRJ, qui
dénonçait dans un communiqué de presse le « plagiat » de ses playlists par
l’ensemble des petites stations commerciales françaises, la question de
l’homogénéisation et de la standardisation des programmations musicales
radiophoniques surgit au cœur des débats. La concentration des réseaux
radiophoniques, la prédominance de la rationalité économique, l’évolution de la
« recherche musicale » et la rationalisation des programmations : ces
paramètres seraient-ils à l’origine de l’homogénéisation des programmes ou au
contraire, inciteraient-ils les radios commerciales à différencier leur offre
musicale ?
D’après la littérature économique, les principaux textes fondateurs
qui se partagent sur la question adoptent soit un point de vue favorable à
l’homogénéisation
ou au
contraire,
prônent
plutôt
une
diversité
des
programmes. Une première approche, initiée par Steiner (1952), à partir de
l’analyse des programmations télévisuelles, démontre que la concurrence
produit l’homogénéité et le mimétisme des programmes (Steiner P.O, 1952.
Dans Benzoni L., Bourreau M., « Mimétisme ou contre-programmation ? Un
modèle de concurrence entre programmes pour la télévision en clair »,
www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=REDP, consulté le 08/06/2009).
Partant d’un raisonnement intuitif et en supposant que les entreprises de
médias se financent exclusivement par la publicité, P.O. Steiner montre que la
diversité des programmes offerts est plus large dans une structure
monopolistique que dans une structure oligopolistique. Il développe l’idée selon
laquelle un média en situation de monopole peut proposer plusieurs
programmes différenciés afin de toucher un audimat plus large et ainsi obtenir
des recettes publicitaires plus élevées. A l’inverse, une entreprise médiatique
en concurrence, et dont la programmation est spécialisée en fonction d’une
audience précise, doit nécessairement proposer des programmes qui attirent
- 198 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
plus d’auditeurs que ses concurrentes. Cette logique tend inévitablement à
concentrer l’offre sur les contenus les plus demandés et, loin de se différencier,
les chaînes risquent de diffuser des programmes très semblables. Si nous
appliquons le raisonnement de Steiner à l’espace radiophonique actuel, il serait
plus rentable pour une station musicale de diffuser des titres déjà programmés
par ailleurs, afin de capter un fragment de l’audience des stations concurrentes,
plutôt que de diffuser des titres non fédérateurs risquant de faire fuir l’audimat.
Au contraire, en émettant l’hypothèse qu’il puisse exister en France un réseau
radiophonique qui serait en situation de monopole dans le but de maximiser
son audience, le réseau radiophonique en question pourrait proposer une
programmation à la fois destinée au grand public et à un public dont les goûts
seraient plus spécifiques. En choisissant de diffuser des titres à succès et des
titres moins fédérateurs, cela permettrait à un réseau radiophonique en
situation monopolistique de s’adresser à différents publics et d’obtenir des
recettes publicitaires plus élevées.
La seconde approche, toujours à partir de l’analyse des
programmes télévisuels, est proposée par D.H. Waterman (1990) qui présume
que le chiffre d’affaires d’une chaîne de télévision est égal au volume de son
audience dont le montant est fixé de façon exogène et identique pour
l’ensemble des chaînes (Waterman, 1990. Dans Benzoni L., Bourreau M.,
« Mimétisme ou contre-programmation ? Un modèle de concurrence entre
programmes
pour
la
télévision
en
clair »,
www.cairn.info/load_pdf.
php?ID_ARTICLE=REDP, consulté le 08/06/2009). Waterman présuppose que
si les téléspectateurs présentent une diversité de goûts, leur satisfaction croît
avec le coût de production des programmes qu’ils sélectionnent. Ainsi, les
chaînes ne se concurrencent pas sur les prix unitaires de l’audience mais sur la
qualité des programmes. C’est pourquoi les firmes tendent à se démarquer le
plus possible de leurs concurrentes. Selon Waterman, non seulement la
concurrence produit de la diversité, mais l’offre de programmes télévisuels est
même trop diversifiée. Toutefois, aussi rigoureux soit-il, ce raisonnement ne
- 199 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
permet pas de comprendre les phénomènes de mimétisme à l’œuvre au sein
des programmes télévisuels et radiophoniques dans notre cas.
Dès lors, l’idée classique selon laquelle les phénomènes relevant
de
mécanismes
économico-financiers
équivalent
nécessairement
à
l’homogénéisation des programmes, n’apparaît pas toujours évidente. La
corrélation
entre
la concentration
des entreprises
médiatiques
et
la
concentration des programmes audiovisuels nécessite également d’être
interrogée. La situation oligopolistique dans laquelle se trouvent certaines
entreprises médiatiques peut même être à l’origine de l’uniformisation des
programmes. Au sein de l’industrie radiophonique, les grands réseaux
spécialisés
et
en
concurrence
doivent
nécessairement
proposer
des
programmes qui attirent le plus possible d’auditeurs. Ce phénomène tend à
réduire la diversité musicale et à concentrer la programmation sur quelques
titres à succès. Comme nous l’avons vu, la concurrence au sein de l’industrie
radiophonique ne se joue pas tant au niveau des infrastructures mais plus au
niveau de la programmation musicale. Selon Christian Pradié, enseignant
chercheur en Science de l’Information et de la Communication, et ce afin de
vérifier
l’impact
de
la
financiarisation
en
termes
de
concentration,
d’internationalisation et d’industrialisation, il faut replacer les évolutions dans
l’Histoire pour cerner l’ensemble des stratégies (Miège B., 2005, « La
concentration dans les industries de contenu », Réseaux n°131, p. 12). Philippe
Bouquillion, professeur en Sciences de l’Information et de la Communication,
prolonge le point de vue de Christian Pradié mais nous invite à considérer les
stratégies et tactiques financières comme « autonomes » et à les distinguer des
logiques industrielles. Ces logiques industrielles modifiant de façon significative
les contenus culturels et informationnels (Ibid., p. 12). Philippe Bouquillion
insiste sur le caractère ambivalent de la diversité et du lien que celle-ci
entretient avec la concentration et l’homogénéisation des programmes. Il
propose ainsi de synthétiser les deux approches consistant à séparer la
différenciation et l’homogénéisation des programmations au sein des industries
- 200 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
culturelles ; il dépasse en cela les limites du raisonnement et la conception
binaire de P. O. Steiner et D.H. Watermann. En d’autres termes, les enjeux de
la
programmation
musicale
radiophonique
intègrent
simultanément
le
mécanisme qui les incite à produire des programmations homogènes et celui
qui les incite à se différencier de la concurrence et « il faut s’habituer désormais
à la coexistence de la massification et de la segmentation, de la standardisation
de l’homogénéité et de la diversité culturelle » (Miège B, 2003, « La contribution
des industries de la culture de l’information et de la communication à
l’informationnalisation
et
à
la
globalisation »,
http://www.ques2com.fr/
index.php?p =details&cat=recherche&type=article&revue=25&id=394, consulté
le 20/09/2009).
- 201 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
2. La double injonction du métier de programmateur et ses répercussions.
2.1 Cibler et rassembler.
Le métier de programmateur consiste à permettre la rencontre
entre des programmes musicaux (l’offre) et l’audimat (la demande). Si
l’apparition du terme de « programmation » et les réflexions concernant
l’élaboration d’une grille de programmes dans les médias audiovisuels,
apparaissent à partir de 1960, c’est véritablement au cours des années 1980
que sont formalisées les règles de la programmation. Chaque entreprise
médiatique possède ses propres méthodes mais certaines règles de
programmation restent immuables. Selon, Michel Souchon ancien directeur des
études de France2 et France3, la mise en place d’une grille de programme
nécessite au préalable une bonne connaissance de la cible à laquelle
l’entreprise s’adresse. Une grille doit proposer une organisation du temps
définie par des tranches horaires, et assurer à la fois la continuité et la diversité
des programmes proposés aux auditeurs. La programmation donne alors un
emploi du temps et des repères ; elle fixe des rendez-vous réguliers aux
auditeurs. Les programmes doivent être cohérents, constitués de transitions
afin de ne pas faire fuir le public du programme précédent ; ils doivent aussi
proposer des rendez-vous qui sont fonction de la disponibilité des audiences.
Les contenus sont choisis en fonction du goût moyen du plus grand nombre
afin de correspondre à des centres d’intérêt communs. Aux différentes heures
de la journée, certaines catégories sociales sont surreprésentées et la
programmation doit s’adresser plus particulièrement à celles-ci. Une fois la
grille et le processus de fidélisation instaurés, la logique de programmation
s’inscrit dans le respect des habitudes d’écoute des auditeurs et crée de la
sorte un effet d’accoutumance. De ce fait, il y a peu de place pour les
changements et l’innovation des grilles de programmes, car le risque de perdre
des parts d’audience serait alors trop grand (Souchon M., 1999, « Les règles
d’or de la programmation », Les dossiers de l’audiovisuel, n°79, pp. 4-5). Ces
- 202 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
règles qui servent de base à la programmation télévisuelle s’adaptent
parfaitement à l’industrie radiophonique. Les radios doivent ainsi configurer leur
programmation selon la cible à laquelle cette dernière s’adresse. A chaque
cible correspond un style de vie et des goûts spécifiques qui devront
transparaître au travers du format musical de la station.
Toutefois, si les radios ont besoin de maximiser leurs audiences,
elles assurent également un autre rôle, et ce depuis leurs origines. La radio,
tout comme la télévision, possède une fonction qui est de nature politique.
C’est ce que soulignent Paul Beaud, Patrice Flichy et Monique Sauvage, dans
une analyse de la programmation à la Télévision française. La télévision et plus
largement
les
industries
culturelles
sont
chargées
« de
réactiver
quotidiennement les repères par lesquels les individus se reconnaissent
ensemble sujets d’une société » et leurs rôles consistent à renforcer le lien
social (Beaud P, Flichy P et Sauvage M., 1993, Géomètre contre
saltimbanque : la prédominance de la programmation dans la TV française,
Réseau volume 11, Numéro 2, www.persee.fr, consulté le 28/06/2009, p. 198).
Toujours selon ces mêmes auteurs, les programmateurs se trouvent bien face
à deux modes d’articulation entre une rationalité de nature économique et une
autre de nature politico-culturelle. Si les entreprises radiophoniques ont
toujours été confrontées à ces deux types de logique, les rapports entre les
deux ont évolué avec l’histoire. A l’origine, les radios publiques françaises
fonctionnent selon une logique politique et idéologique ayant pour objectif de
démocratiser la culture. L’introduction, en 1984, de la publicité et de la
concurrence entre les radios, introduit par la suite la dominante de la rationalité
économique. Dès lors, « On ne s’adresse plus à l’ensemble de la nation mais à
des publics-cibles » (Ibid., p. 199). Ainsi, les différents genres musicaux
diffusés à la radio doivent fixer des publics en fonction des goûts et des
horaires supposés être adaptés à la spécificité de groupes sociaux, culturels
et/ou professionnels. Dans ce contexte, la grille de programmes idéale doit à la
fois s’ajuster aux goûts des auditeurs et à la concurrence. Les radios
- 203 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
thématiques segmentent leurs auditoires et s’efforcent de développer des
stratégies d’identification efficaces afin d’être reconnaissables en quelques
secondes. L’objectif est de se positionner le plus clairement possible par
rapport aux autres radios concurrentes et de se singulariser d’après une
dominante musicale spécifique. Le choix de départ de l’auditoire est
fondamental puisque le format d’une radio s’établit en fonction de la cible à
laquelle la radio souhaite s’adresser. Il s’agit de proposer des programmations
musicales en corrélation avec la promesse de départ de la radio dont l’objectif
final consiste à fidéliser son auditoire. Une fois que les radios sont répertoriées
en fonction du cœur de cible qu’elles souhaitent atteindre, elles développent un
ensemble de stratégies d’identification par rapport aux autres radios du même
type. Dans une logique de course à l’audience, en cherchant à gagner les parts
d’audience de la concurrence, les radios finissent par diffuser des titres en
commun. Certains titres peuvent faire l’unanimité auprès des auditeurs et
rassembler l’ensemble des publics-cibles. Dans ce cas, un des éléments de
distinction repose sur la plus ou moins forte rotation du titre en question. La
différenciation entre radios se fait à partir de la taille de la playlist et du nombre
de diffusions d’un titre. C’est aujourd’hui une des principales caractéristiques
des radios qui ciblent des audiences jeunes. Plus une radio s’adresse à un
public précis, plus il convient de sélectionner des titres dont elle soit sûre qu’ils
fassent l’unanimité.
Comme nous venons de le voir, il existe des règles de base de la
programmation radiophonique et notamment de la programmation musicale. Si
ces règles persistent dans leurs grandes lignes, elles se modifient et s’adaptent
aux évolutions en cours. Depuis les origines de la programmation musicale, les
professionnels de la radio se trouvent confrontés à une double rationalité à la
fois politico-culturelle et économique. Avec l’introduction de la publicité et le jeu
de la concurrence, cette double rationalité tend à laisser sa place à une
dominante économique. Aujourd’hui, avec la démultiplication de l’offre et face à
la pluralité des fournisseurs de programmes (Télévision, Radio, Internet),
- 204 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
l’enjeu pour les responsables de la programmation est de taille. La
prédominance de la rationalité économique nécessite conjointement de cibler
des publics spécifiques et de gagner les parts d’audiences des autres radios, à
savoir rassembler et cibler des publics distincts.
- 205 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
2.2 Un « two sided market » ou la « spirale de la diffusion ».
Dans les industries culturelles, il est d’usage de distinguer les
médias
dits
gratuits,
des
médias
payants.
L’accès
aux
contenus
radiophoniques est, a priori, gratuit pour les auditeurs puisqu’il est rétribué par
la publicité. Patrice Flichy distingue les principales caractéristiques de la
« culture de flot ». A l’inverse de la marchandise culturelle, les produits
appartenant à la « culture de flot » sont, dans la plupart des cas, financés par la
publicité et ils se caractérisent par la continuité et l’amplitude de la diffusion de
telle sorte que de nouveaux produits remplacent ceux de la veille (Flichy P.,
1991). C’est précisément selon le modèle de la « culture de flot » que
fonctionne l’industrie radiophonique. Le financement par la publicité, apparaît
significatif sur le plan de l’analyse concurrentielle puisque différents opérateurs
proposent des programmes à destination d’audience spécifiques au sein de
l’espace radiophonique. Ces opérateurs en situation oligopolistique se trouvent
en compétition face à l’acquisition des recettes publicitaires. La concurrence
s’opère et intervient à la fois sur le marché de l’audience et sur celui de la
publicité. Il s’agit, selon Phillippe Bouquillion, d’un double marché ou du « two
sided market » qui caractérise depuis longtemps l’économie des industries
culturelles (Bouquillion P., 2008). Le financement publicitaire de l’industrie
radiophonique oblige les responsables de la programmation à garantir à leurs
annonceurs une audience déterminée et il fixe plus ou moins des normes de
programmation. Les responsables des programmes doivent trouver un équilibre
entre le format de la radio et les investissements des annonceurs. Face à ce
double impératif, les professionnels tendent à conformer des programmes
musicaux en vue d’assurer la constance de l’audimat. Le droit à l’erreur est
extrêmement limité et les nouvelles entrées d’un titre en playlist comportent un
risque puisqu’un titre doit correspondre au format d’une station mais également
aux habitudes d’écoute des auditeurs. En ce sens, la grille de programmation
constitue des normes artistiques et culturelles. Les titres musicaux qui ne
correspondent pas à un format radiophonique représentent un risque artistique
- 206 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
et sont souvent exclus de la programmation. Le programmateur tend à limiter
les aléas en ayant recours aux sondages. L’apparition ou la disparition d'un titre
est directement liée aux succès d'audience. Les résultats des sondages
d’audience constituent ainsi des éléments d’anticipation, de planification de la
programmation et ils représentent également un frein à la prise de risque. Les
professionnels de la radio se trouvent confrontés à la nécessité de respecter
les goûts des auditeurs et au besoin de proposer des nouveautés afin de
conquérir et d’accroître l’audimat. Pour ce faire, ils doivent introduire des
marges de nouveautés et d’innovations au sein des programmations musicales.
Dans ce contexte, les exigences et les contraintes d’ordre économique influent
largement sur les politiques éditoriales et il est difficile pour les professionnels
de la radio de tenir un rôle d’information sur la diversité des contenus musicaux
existants. La programmation musicale devient une sorte de challenge qui
consiste à concilier deux types de marchés distincts : l’audience et les
annonceurs. A cela s’ajoute le phénomène dit de la « spirale de la diffusion »
développé dans les années 1970. Selon la théorie de la « spirale de la
diffusion », l’augmentation de l’audience entraîne la croissance des recettes
publicitaires, ce qui permet d’offrir des programmes de qualité qui attirent une
audience de plus en plus élevée. La recherche de cette spirale vertueuse de la
diffusion nécessite pour une entreprise médiatique d’acquérir une certaine
envergure. Avec la déréglementation, pour des raisons d’économie d’échelle et
de compétitivité, les entreprises médiatiques aspirent à acquérir une grande
taille. Le double marché introduit dès lors les responsables de la
programmation au cœur d’une dimension globale et mondiale qui dépasse
largement les logiques et les stratégies de simples acteurs. Dans la recherche
anglo-saxonne, Dallas Smythe a développé l’idée d’un public qui serait une
marchandise. Selon Dallas Smythe, en s’adressant à des publics spécifiques,
les programmes radiophoniques auraient comme principal objectif de vendre
des audiences aux annonceurs. Néanmoins, comme le souligne Patrice Flichy
dans « les industries de l’imaginaire », Dallas Smythe omet une des spécificités
de la« culture de flot » qui se situe à l’intersection du champ de l’information et
- 207 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
de la culture (Flichy P., 1991) : une entreprise radiophonique ne diffuse pas
uniquement de la publicité mais également des contenus musicaux. Les
questionnements que génère la place centrale de la publicité au sein de
l’espace radiophonique, ne relèvent pas tant de la marchandisation des publics
mais plus du renouvellement de l’offre et de la concentration de la promotion.
C’est ce que nous allons observer dans le chapitre suivant.
- 208 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
2.3 Le renouvellement de l’offre et la concentration de la promotion.
L’objectif étant, pour une entreprise radiophonique, de stabiliser
ses recettes publicitaires face à la concurrence, la configuration de la
programmation sera un élément déterminant. Si les goûts musicaux sont en
perpétuel mouvement, les responsables de la programmation doivent, quant à
eux, proposer une programmation régulière afin de mobiliser les budgets des
annonceurs. Le succès d’un titre étant aléatoire, les professionnels de la radio
adoptent une politique éditoriale précise et rationnalisent la sélection des
œuvres musicales en ayant recours aux sondages d’audience. Ils basent ainsi
la sélection des titres sur leur potentiel à fédérer le plus d’auditeurs possible et
concentrent la promotion sur un nombre restreint d’œuvres musicales. Alors
que la production musicale n’est pas en décroissance, comment comprendre le
rétrécissement des playlists, des origines de la programmation à nos jours ?
Certains professionnels de la radio expliquent la concentration de la diffusion à
partir des interfaces proposant des produits musicaux sur le Net. Selon eux,
l’auditeur ayant accès de façon quasi instantanée aux sorties musicales se
lasserait plus rapidement d’entendre ses titres préférés à la radio. Forts de
cela, les responsables des programmations augmentent les grilles de rotation
sur une durée déterminée de plus en plus courte afin de pallier les
phénomènes de lassitude qui surviendraient plus vite chez l’auditeur. Philippe
Bouquillon, à la suite d'A Le Diberder, met en lumière une tendance à la
réduction de la durée de vie des produits culturels. Il s’agit là d’une spécificité
de l’économie culturelle qui réside dans la valorisation d’un faible nombre de
titres, laissant une place quasi inexistante aux titres non récents ou non
destinés au grand public (Bouquillion P., 2008). Néanmoins, si cette remarque
est juste, elle s’applique dans notre étude aux radios dont la programmation est
basée sur les hits. Les autres stations ont tendance à prolonger la durée de vie
des titres entrés en playlists, afin de garder une audience constante. Un titre
n’est pas déprogrammé tant qu’il n’a pas atteint un certain taux de saturation
puisqu’une nouvelle entrée en playlist comporte un risque. Ces deux logiques
- 209 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
de programmations distinctes tendent toutes deux à concentrer la promotion
sur quelques titres et un nombre déterminé d’artistes. Ainsi, le modèle de
diffusion radiophonique actuel, en mettant en avant les œuvres attractives en
termes d’audience, crée une séparation entre deux catégories de culture. D’un
côté la culture des hits, à savoir les produits à forte valeur marketing à
destination d’un vaste public et de l’autre, la culture titres musicaux à diffusion
restreinte ou quasiment inexistante au sein des programmations des radios
françaises. De la sorte, la concurrence au sein de l’industrie radiophonique
s’instaure véritablement au niveau des structures de diffusion qui permettent à
la fois la valorisation et l’accès des œuvres produites au grand public. En
privilégiant
le
choix
d’un
certain
nombre
d’œuvres
musicales,
les
programmateurs orientent plus ou moins le goût des consommateurs et
s’inscrivent dans un rôle de prescripteurs. Cette logique de sélection et de
promotion des œuvres est assez similaire à celui du milieu de l’édition où,
comme le souligne Bertrand Legendre, « le discours promotionnel des médias
[…] fonctionne comme une instance de légitimation » (Legendre B, 2005, p.
63). Selon l’industrie radiophonique, cette logique de légitimation et de
prescription serait d’autant plus dommageable, en termes de diversité
musicale, qu’elle s’inscrit dans un système médiatique transnational. En effet,
plus globalement, les échanges culturels à travers le monde apparaissent
fortement polarisés sur les plus grandes puissances économiques. Malgré les
revendications du tiers monde en faveur d’un certain rééquilibrage en matière
d’échanges culturels et informationnels, l’internationalisation des médias
génère de fortes inégalités de flux circulant en son sein. D’après les agences
des Nations-Unies, la demande des biens culturels dans le monde est en
constante progression depuis plus de vingt ans mais les échanges restent
particulièrement déséquilibrés et concentrés (Almeida F., Alleman M.L., 2004,
« Les industries culturelles des pays africains et l'enjeu de la diversité
culturelle » http://www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=5796,
consulté le 16/08/2009) Les échanges se réalisent de façon asymétrique et
principalement entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et
- 210 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
le Japon d’une part, puis le Brésil, l’Inde, la Chine, le Mexique, la Malaisie, les
Philippines, la Corée-du-Sud, l’Egypte et l’Afrique-du-Sud, d’autre part. Depuis
les origines de la pensée de l’économie politique de la communication,
« l’internationalisation des médias ne peut être pensée indépendamment des
rapports de domination qui structurent les relations internationales et
notamment les relations Nord /Sud, où plus précisément des nouvelles formes
de domination qui se mettent en place au lendemain des indépendances.
Mieux, les moyens de communication sont des agents privilégiés de ces
rapports de domination. » (Mattelart T., 2004, « L'internationalisation de
l'audiovisuel : (bref) état des savoirs », http://www.planetagora.org/theme
4_suj1_note.html, consulté le 16/08/09). Du point de vue de l’industrie
radiophonique, les programmations musicales s’inscrivent comme la résultante
d’un processus global et historique. Le modèle de la radio commerciale a été
inventé et développé aux Etats-Unis. Les avantages que possède la nation
américaine sur le marché mondial lui ont permis d’importer, en France et dans
le monde, un modèle de programmation. Les professionnels de la radio ont
ainsi été formés au contact de la culture américaine et il ne semble pas
étonnant aujourd’hui que les programmations musicales soient largement
dominées par la production américaine. L’instauration d’une politique de quotas
en France en est l’illustration même. Les responsables des politiques publiques
n’ont trouvé d’autre alternative que d’imposer un certain pourcentage de titres
français, sans quoi la programmation radiophonique, submergée par la
diffusion massive de titres anglo-saxons, menaçait d’engloutir la production
française. Sans compter la faible représentation des musiques du monde qui
s’avèrent pour le moins exclues des programmations des radios commerciales
et pour lesquelles il n’existe pas de quotas. Le sociologue britannique Jeremy
Tunstall, dans The Media are American (1977), a développé l’idée selon
laquelle les médias commerciaux américains sont une sorte d’école pour
l’ensemble des médias de la planète. Grâce à l’importation de méthodes de
travail et d’organisation des programmes à travers le monde, le continent
américain exporte sa culture avec d’autant plus de facilité (Jeremy Tunstall J.,
- 211 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
1977, The media are american, Dans Mattelart T., 2004, « L'internationalisation
de l'audiovisuel : (bref) état des savoirs », http://www.planetagora.org
/theme4_suj1_note.html, consulté le 16/08/09). Le modèle du Top 40, les
formats radiophoniques, la concentration de la promotion sur un faible nombre
de titres sont autant d’éléments qui concourent à entretenir l’hégémonie du
modèle culturel américain puisque si ces formats ont été créés aux Etats-Unis,
c’est parce qu’ils correspondent au mode de production et à la culture musicale
américains. Comme le souligne Tristan Mattelart, les théories de la
mondialisation culturelle ont largement évolué depuis la fin des années 1980 et
le regard porté par les chercheurs sur l’internationalisation des médias s’est
enrichi par de nouvelles réflexions. A l’analyse des processus de domination au
sein des flux culturels, s’ajoute l’analyse des interactions entre les cultures du
monde (Mattelart T., 2004, « L'internationalisation de l'audiovisuel : (bref) état
des savoirs », http://www. planetagora.org/theme4_suj1_note.html, consulté le
16/08/09). Si la musique est le parfait véhicule des interactions entre les
cultures, restent néanmoins des constances en termes d’influences culturelles,
notamment
américaines,
au
niveau
des
programmations
musicales
radiophoniques.
Les processus de domination et des rapports de force existant au
niveau mondial qui s’expriment à travers le système médiatique transnational,
la surproduction des œuvres musicales, l’émergence de nouveaux acteurs et
l’accentuation de la concurrence entre médias sont un ensemble de paramètres
qui participent au processus de rationalisation des programmations musicale et
au phénomène de concentration de la diffusion. Il s’agit d’un phénomène global
qui traverse l’économie des industries culturelles et qui n’épargne pas
l’industrie radiophonique. L’objectif de l’industrie radiophonique étant de
capturer l’audience et stabiliser les recettes, il est nécessaire pour les groupes
radiophoniques de sélectionner les titres qui fédèrent les plus fortes audiences.
La
situation
d’incertitude
et
les
logiques
de
rentabilité
économique
particulièrement présentes au sein de l’industrie radiophonique, incitent les
- 212 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
responsables artistiques à faire des choix prudents qui tendent à limiter la prise
de risque dans la sélection des titres musicaux. La polarisation des
programmations musicales sur quelques cultures dominantes est source
d’exclusion. Néanmoins, la concentration des groupes radiophoniques,
l’évolution de la diffusion musicale et des formats largement engagés dans le
secteur des radios commerciales ne sont pas encore étendus aux radios
publiques et associatives.
- 213 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
2.4 Un parallèle entre les logiques managériales et mimétiques.
Différentes recherches réalisées aux États-Unis ont révélé un
mode de programmation particulièrement standardisé concernant les radios
musicales commerciales (Alhkvist et Fisher 2000). Chaque station constitue sa
programmation en fonction d’une cible d’audience et d’un positionnement
musical spécifique. Il n’est pourtant pas rare que les playlists des différentes
stations comportent de nombreux titres en commun. Alors qu’est largement
véhiculée dans le milieu entrepreneurial l’idée selon laquelle la distinction et
l’innovation sont les principales qualités permettant d’obtenir des avantages
concurrentiels, les logiques de mimétisme sont pourtant courantes au sein de
l’industrie radiophonique. Si les termes de mimétisme et de concurrence
semblent a priori antinomiques, ils s’inscrivent pourtant dans une logique de
gestion d’une entreprise radiophonique. En France, l’Observatoire de la
Musique souligne un phénomène de « consanguinité des programmations » qui
illustre l’état de concentration de l’espace radiophonique (Nicolas A., 2007,
« Indicateurs de la diversité musicale dans le paysage radiophonique à partir
d’un panel de 31 radios – Rapport 2007 », http://observatoire.cite-musique.fr,
consulté le 15/02/2008, p. 7). D’autres acteurs sociaux stigmatisent les outils de
recherche
musicale
et
leur
implication
dans
la
standardisation
des
programmations. En effet, l’ensemble des radios musicales, et notamment
celles n’ayant pas les moyens de financer des études d’audiences, se
calquerait sur les playlists des radios leaders en termes d’audience. De plus,
l’existence de la société Yacast, dont le rôle est de mesurer la diversité
musicale en proposant des listes des titres les plus diffusés sur les antennes,
attise la controverse. Les principaux réseaux radiophoniques estiment que les
outils proposés par Yacast constituent un instrument permettant le plagiat de
leurs programmations musicales puisque la majorité des radios nationales et
locales a accès à ces listes sur le Net. Néanmoins, en limitant les risques liés à
l’entrée d’un nouveau titre en playlist, la recherche musicale serait-elle l’unique
élément responsable des phénomènes de mimétisme au sein de l’espace
- 214 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
radiophonique ? Différents courants de pensées empruntés aux sciences
sociales, économiques, aux sciences de la gestion ou encore en stratégie,
proposent des éléments explicatifs aux comportements imitatifs. John Maynard
Keynes fait partie des économistes qui, à partir de l’observation des marchés
financiers, met en lumière les comportements des décideurs économiques. La
pensée Keynésienne a pour particularité de mettre en corrélation des notions
abstraites dans le domaine économique avec une pensée plus concrète, ce qui
nous permet aisément de mettre en adéquation les comportements des
investisseurs sur le marché financier avec les comportements des responsables
de la programmation. John Maynard Keynes considère le marché financier
comme un environnement incertain au sein duquel les investisseurs doivent
prendre des décisions sur la base d’un recueil d’informations jugées correctes.
Il distingue les investisseurs privés qui, plongés dans l’incertitude et n’ayant pas
d’informations pour établir leurs prévisions, doivent se fier à leurs intuitions, des
investisseurs professionnels qui eux, tentent d’anticiper les changements futurs.
John Maynard Keynes observe que lorsqu’il n’existe pas d’ancrage pour les
prévisions, les décisions économiques sont alors étroitement liées aux « vues
concernant le futur » (Keynes J.M, (1934). Dans Benzoni L., Bourreau M.,
« Mimétisme ou contre-programmation ? Un modèle de concurrence entre
programmes
pour
la
télévision
en
clair »,
www.cairn.info/load_pdf
.php?ID_ARTICLE=REDP, consulté le 08/06/2009) et en la confiance que les
agents ont envers les prévisions. Ainsi, la méconnaissance du futur conduit les
agents à élaborer des anticipations, à se baser sur des conventions (qui
peuvent être comprises comme un accord tacite entre les participants) et sur
des
phénomènes de
mimétisme.
Selon cet angle
d’observation,
les
comportements des investisseurs financiers sont similaires aux réactions des
programmateurs musicaux au sein de l’espace radiophonique. Face à
l’incertitude que revêt le travail de programmation, les responsables des
programmes s’en remettent à la recherche musicale pour anticiper les titres qui
vont plaire au plus grand nombre mais également les titres diffusés par les
stations concurrentes. Dans ce contexte et dans l’analyse de Keynes, l’imitation
- 215 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
acquiert une dimension sociale. Les individus agissent selon des conventions,
des normes préalablement fixées entre les différents acteurs sociaux. Il s’agit
de la théorie des conventions qui est un dérivé de la pensée de Keynes. C’est
l’idée selon laquelle face aux situations n’ayant pas de références rationnelles,
les individus alignent leurs actions sur un modèle considéré comme raisonnable
(Gomez, 1996. Dans Mouricou P., 2006, « Toujours la même chanson : les
logiques
mimétiques
www.crepa.dauphine.fr,
des
radios
consulté
le
musicales
10/03/2007).
Les
françaises »,
comportements
mimétiques acquièrent dès lors une dimension rationnelle en situation
d’incertitude. La rationalité au centre des processus de mimétiques est
également décrite par DiMaggio et Powell (1983, dans Ibid.). Lorsqu’une
entreprise rencontre des difficultés, elle a tendance à prendre modèle sur une
autre entreprise perçue comme performante en termes de résultats et de
légitimité. D’autres travaux encore considèrent l’imitation comme un moyen de
réduire les risques associés à l’innovation et de diminuer les coûts attribués à la
recherche (Levitt, 1996 ; Schnaars, 1994, dans Ibid.). Ces quelques auteurs ont
pour point commun d’apporter des éléments explicatifs aux phénomènes de
mimétisme. Néanmoins, la recherche de Philippe Mouricou (2006), doctorant en
Sciences de Gestion au Centre de Recherche en Management et Organisation
à l’Université Paris-Dauphine, propose l’articulation de ces différentes
approches mais également un élargissement des unités d’analyse en se
focalisant non plus sur des organisations mais sur les individus décideurs.
Selon cet auteur, les raisons qui amènent les responsables de la
programmation au sein de l’espace radiophonique à imiter des solutions
adoptées par d’autres programmateurs relèvent de trois grandes logiques : la
logique utilitariste, la logique conventionnelle et la logique référentielle.
La
logique
utilitariste
consiste
à
adopter
des
pratiques
préalablement utilisées par d’autres organisations afin de bénéficier des mêmes
avantages. Cette logique se focalise plus sur les pratiques que sur un modèle
ou une entreprise en particulier. L’imitation au sein de l’espace radiophonique
- 216 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
consiste alors à programmer les titres diffusés dans les playlists des radios
concurrentes ou les plus puissantes. De fait, les comportements imitatifs
permettent aux entreprises radiophoniques d’économiser sur les coûts liés à la
recherche musicale et de bénéficier de l’engouement des auditeurs pour les
titres qu’elles diffusent. Les outils de recherche musicale mis en place par les
radios leaders, en vue de tester les titres qu’elles diffusent auprès des
auditeurs, ont un coût élevé qui devient accessible aux radios commerciales de
moindre envergure. De plus, l’idée selon laquelle la diffusion des succès du
moment fait également le succès d’une radio, renforce cette tendance.
L’innovation résulte à la fois d’une démarche nécessaire (à savoir le
renouvellement des playlists pour coller aux titres du moment et participant au
succès d’une radio) et d’une démarche à risques (les nouveaux titres entrés en
programmation vont-ils plaire ou non au grand public ?). Les responsables des
programmations évitent les risques inhérents à leur métier en diffusant les
mêmes titres que leurs concurrents.
La logique référentielle est quant à elle tournée vers un modèle en
particulier. Il s’agit de prendre à son compte une pratique adoptée par un
référent. Pour ce faire, la logique référentielle repose sur un choix rationnel, qui
semble le plus approprié à la situation. La démarche consiste à imiter une
entreprise radiophonique dont les caractéristiques (statut, taille, performance
etc.) sont communes. Cette logique s’inscrit dans un processus d’autocatégorisation où les décideurs reprennent des solutions adoptées par des
entreprises qu’ils considèrent comme appartenant à la même catégorie. La
tâche des directeurs des programmations oscille entre imiter une entreprise
radiophonique dont la légitimité sociale est positive et la recherche d’une
identité sociale positive qui lui est propre afin de se distinguer de la
concurrence. Les responsables de la programmation voient donc en l’imitation
un moyen d’accroître la légitimité de leur station. C’est la raison pour laquelle
certains responsables des programmations attendent de voir les titres musicaux
programmés par les autres stations avant de les intégrer à leurs playlists.
- 217 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
La logique conventionnelle renvoie à l’adoption d’une pratique
adoptée par la majorité. Face à l’impossibilité pour les responsables des
programmations de prévoir le succès ou l’échec d’un titre musical, la logique
conventionnelle s’inscrit dans une démarche de résolution des problèmes dans
un contexte d’incertitude. L’objectif de départ consiste à deviner quels seront
les titres adoptés par les concurrents et l’alignement sur la convention devient
un facteur de réussite. Les outils de recherche musicale s’inscrivent alors dans
un processus de validation et de vérification des titres a posteriori. Comme le
souligne Philippe Mouricou, le raisonnement est tautologique : « Un titre est
voué à devenir un tube car il est diffusé par d’autres radios, un titre ayant été
diffusé par d’autres radios est un tube. » (Mouricou P., 2006, « Toujours la
même chanson : les logiques mimétiques des radios musicales françaises »,
www.crepa.dauphine.fr, consulté le 10/03/2007, p.15)
Longtemps tenues à l’écart de la recherche musicale, les logiques
de mimétisme ont été reléguées au second plan, alors que l’innovation et la
distinction étaient considérées comme les seules motrices de réussite au sein
de l’entreprise (Mouricou, 2006). Plusieurs courants de pensée ont néanmoins
mis en lumière les mécanismes mimétiques en œuvre dans le milieu
entrepreneurial. Comme nous venons de le voir, les processus de mimétisme
sont inhérents à la gestion ou au management d’une entreprise en général et à
l’industrie radiophonique également. La diversité des explications théoriques
concernant le couple « concurrence-mimétisme » révèle la complexité et
l’ambigüité des phénomènes de mimétisme au sein de l’industrie radiophonique
qui résultent à la fois d’une volonté de mimer ses concurrents et de se
distinguer afin de capter les audiences. L’introduction d’un nouveau titre au sein
des playlists constitue un risque car s’il déplaît aux auditeurs, le budget des
annonceurs diminue. L’adoption des logiques mimétiques réside dans la
volonté de résoudre un problème lié à l’incertitude que revêt la programmation
musicale. Les trois logiques mimétiques, que ce soit une logique mimétique se
focalisant sur les pratiques de programmation préalablement utilisées par
- 218 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
d’autres radios, sur une entreprise radiophonique en particulier en fonction de
sa taille et de ses performances, ou de l’adoption des titres musicaux parce
qu’ils sont déjà programmés par les radios concurrentes, sont concomitantes au
sein
de
l’espace
radiophonique.
L’ensemble
de
ces
logiques
pris
indépendamment ou de façon simultanée au sein d’une même entreprise
radiophonique participent à l’alignement de la programmation musicale sur
quelques titres et à l’uniformisation des programmes musicaux. Mais ce qui
contribue plus largement à la réduction d’une offre musicale diversifiée, c’est la
présence de ces logiques distinctes à différents niveaux, au sein de l’espace
radiophonique. Les logiques de mimétisme s’opèrent à un premier niveau entre
les grands groupes radiophoniques NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et
RTL2 qui programment certains titres en commun afin d’éroder la part
d’audience de leurs adversaires mais également à un deuxième niveau entre
les grands groupes radiophoniques et les petites radios commerciales. Dans ce
contexte, les possibilités de diffusion de la diversité musicale et du plus grand
nombre
d’artistes
sont
largement
remises
radiophonique français.
- 219 -
en
cause
dans
l’espace
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
3. Quelques éléments de réflexion sur le mode de diffusion actuel.
3.1 Les paradoxes du mode de diffusion musical radiophonique actuel.
Depuis
les
années
1990,
l’évolution
globale
des
programmations musicales concernant les radios commerciales françaises a
pour effet de multiplier le passage d’un titre au sein des playlists afin d’attirer
l’attention des auditeurs. La diffusion en boucle de quelques titres monopolise
la place réduite dans les playlists (puisque celles-ci comportent une quarantaine
de titres aujourd’hui) ; cela exclut de fait nombre de groupes musicaux qui
pourraient être diffusés sur les antennes des radios commerciales françaises.
Les responsables des programmations configurent la programmation des
playlists à partir des résultats des études d’audience qu’ils réalisent
régulièrement. Un des arguments qui revient souvent dans le discours des
programmateurs consiste à dire que les titres présents dans les playlists
correspondent à ce que veulent entendre les auditeurs. Néanmoins, les extraits
qui sont proposés au cours des auditoriums ou des call-out correspondent à
une présélection opérée par les responsables de la programmation. N’ayant
pas accès à l’ensemble de la production discographique, les auditeurs vont
donner leur avis sur les titres qui leurs sont proposés au cours de ces enquêtes
et ils vont souvent sélectionner les titres qu’ils ont l’habitude d’entendre. Voilà
pourquoi certains genres musicaux, parce qu’ils ne rentrent pas dans les
habitudes des auditeurs, restent absents des playlists. Il s’agit d’établir une
dialectique entre l’offre et la demande. Les radios diffusent en boucle les titres
qui plaisent aux auditeurs et les auditeurs sélectionnent les titres qu’ils ont
l’habitude d’entendre dans les playlists. A la suite des enquêtes réalisées, les
responsables de la programmation augmentent les grilles de rotation des titres
plébiscités par les auditeurs afin qu’ils soient entendus par le plus de personnes
possible au cours d’une journée.
- 220 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
Malgré cela, si la répétition permet la mémorisation d’un titre,
elle n’implique pas nécessairement que celui-ci plaise aux auditeurs Comme
nous l’avons vu préalablement, il n’y a pas d’effets mécaniques dans
l’appréciation d’un titre musical et la musique fait appel à une dimension
sociale, psychologique et affective chez l’individu. La surexposition d’un titre
peut parfois avoir l’effet inverse de celui souhaité. Les auditeurs se lassent et
éprouvent un rejet pour ce même titre mais également pour le mode de
diffusion répétitif des réseaux radiophoniques commerciaux. Il suffit de se
rendre sur certains blogs de discussion sur le Net4 pour constater le
mécontentement de certains auditeurs, curieux ou passionnés, qui se plaignent
du faible nombre de titres qui leur sont proposés sur les réseaux NRJ Fun
Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Face à une offre musicale proposant de
plus en plus de possibilités sur le Net, avec les plates-formes de
téléchargement, les opérateurs de téléphonie mobile, les fournisseurs d’accès
internet
et
les
web
radios,
l’augmentation
de
la
consommation
du
téléchargement légal illustre bien la volonté de certains auditeurs de se tourner
vers d’autres modèles de diffusion et de consommation musicale. Selon les
chiffres du SNEP, pour l’année 2008-2009, si le chiffre d’affaires concernant le
marché physique diminue, les chiffres des ventes numériques sont en
constante progression depuis l’année 2004. En 2004, les ventes numériques
représentaient 8,5 millions d’euros alors qu’elles représentent pour les neuf
premiers mois de l’année 2009, 55,3 millions d’euros (SNEP, « Le marché de la
musique enregistrée de l’année 2009 », http://www.disqueenfrance.com/fr
/catalogpagexml?pg=1&id=314572&from=1&to=10, consulté le 18/10/2009).
Pourtant, malgré la récente baisse d’audience des radios
musicales, les programmateurs des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin
Radio et RTL2 continuent de diffuser en boucle quelques titres. Si les taux de
rotation diminuent pour l’année 2008, ceux-ci restent encore élevés (confère
rapport annuel de l’année 2008 Observatoire de la Musique). Selon les
4
http://www.melty.fr/vous-ecoutez-de-la-merde-forum5-146636.html,
http://www.radioactu.com/la/p245363-10-07-2009-09:46:49.html
- 221 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
responsables de la programmation, la loi sur les quotas de chansons
d’expression française participe aux phénomènes répétitifs des playlists. Ils
expliquent que cette loi, en ne prenant pas en considération les différences de
format, favorise la rotation des titres francophones. Il est plus facile pour
Skyrock, par exemple, de respecter les quotas de chansons d’expression
française car la scène rap en France est plus importante que la scène pop-rock
qui provient plus de la culture anglo-saxonne. Alors qu’il est plus difficile pour
des formats radiophoniques tels que Virgin Radio de diffuser du pop-rock
français. D’un point de vue économique, les responsables de la programmation
sembleraient avoir intérêt à programmer les succès internationaux plutôt que
des titres francophones. En effet, comme le souligne le responsable de Skyrock
interrogé pour notre étude, pour un titre international, il est plus facile de se
baser sur les classements et les ventes des pays étrangers. De ce fait, le
responsable de la programmation n’a pas à se poser la question de savoir s’il a
fait le bon ou le mauvais choix de programmation. A l’inverse, pour un titre
francophone « la part du programmateur est beaucoup plus grande » et les
titres français sont tributaires des médias français » (Skyrock Paris). Face à ce
risque, nombre de programmateurs ont eu le réflexe de programmer des
artistes francophones déjà connus et de contourner la loi sur les quotas de
chansons d’expression française :
« Comme il n’y a pas bien de choix dans l’actualité, la radio
passe des hits anciens pour faire plaisir à la ménagère qui veut
être dans le vent mais qui a besoin d’entendre un petit Garou.
Du coup, on diffuse plus de golds. Les quotas de chansons
françaises ne sont pas respectés la plupart du temps. Il existe
aussi en radio ce qu’on appelle des capsules de 30 ou 40
secondes. Ce sont des extraits musicaux qui sont annoncés par
un jingle. Ça permet de diffuser des nouveautés françaises qui
ne sont pas rentrées dans les playlists mais ça rajoute une
minute de titre français et ça permet à la radio de rentrer dans
les quotas de chansons françaises » (RTL2 Bordeaux).
« Puis, il y a des façons de contourner les quotas, en diffusant
plusieurs fois le même titre en français, par exemple. Parfois, on
est obligé de faire comme ça, car il n’y a pas assez de
productions françaises et on est obligé de remplir nos quotas
donc on passe le même artiste français » (Virgin Radio
Strasbourg).
- 222 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
Ainsi, lorsque les maisons de disques ne proposent pas beaucoup de titres
francophones, les programmateurs diffusent plusieurs fois les mêmes titres afin
de répondre à l’obligation des quotas de chansons d’expression française.
« En plus, des fois on a des maisons de disques qui viennent
avec dix titres internationaux et un seul titre français. Ça
dépend de l’actualité et de la production. Il y a des périodes
creuses. Des fois, ça arrive qu’il n’y ait pas de productions
françaises. Dans ce cas, on fait comment pour remplir les
40% ? On diffuse en boucle le même titre. C’est absurde mais
on est bien obligé » (NRJ Paris).
Le programmateur de NRJ révèle ainsi que les majors présentent parfois très
peu de production française pour dix fois plus de production internationale.
Nous pouvons cependant nous demander s’il s’agit de la production française
qui n’est pas assez riche ou bien si ce sont les labels qui ne mettent pas en
avant la scène française. La loi sur les quotas se présente également comme
un frein à la diffusion de la diversité musicale dans son ensemble. D’un côté,
cette loi permet de prendre position en faveur des artistes francophones face à
la surexposition des titres anglo-saxons sur les antennes des radios
commerciales. Mais d’un autre côté, elle limite la place laissée aux musiques du
monde autres qu’anglo-saxonnes. Il en est de même pour le jazz, le blues, le
classique et la musique instrumentale qui constituent des genres musicaux
absents
des
antennes
des radios
commerciales
(confère études de
l’Observatoire de la Musique).
Alors que la loi sur les quotas de chanson d’expression française
avait pour objectif de maintenir une certaine diversité sur les antennes des
radios commerciales françaises, celle-ci œuvre à son insu et paradoxalement
en faveur de la diffusion en boucle des artistes francophones les plus connus et
freine
la
diffusion
d’autres
genres
musicaux.
Pour
l’ensemble
des
programmateurs, les quotas constituent un obstacle à la diffusion de la diversité
musicale qu’ils se voient obligés de contourner par divers moyens (jingle,
capsules, rotation d’un même titre). Plutôt que de quantifier la part des titres
francophones et celle de nouvelles productions, certains programmateurs
- 223 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
proposent même de limiter les rotations et la diffusion des titres du top 40 qui
constituent de véritables entraves à l’élargissement des playlists.
« Je pense que la loi devrait plus insister sur le nombre d’artistes exposés
que se focaliser sur un pourcentage parce que ça ne correspond à rien.
C’est une fausse bonne loi. C’est beaucoup trop mathématique » (NRJ
Paris).
La diversité musicale n’est pas seulement francophone mais mondiale, et les
nouveaux talents, les titres instrumentaux, les musiques du monde, le jazz, le
blues et le classique cherchent encore leur place sur les antennes musicales
des radios commerciales françaises, car ils comportent un risque en termes de
programmation.
- 224 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
3.2 L’impasse d’une politique de quotas.
Alors que la diffusion musicale des radios commerciales est
largement dominée par la production anglo-saxonne, les politiques culturelles
françaises instaurent la loi sur les quotas de chanson d’expression française.
Dans l’article 12 modifiant l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986, la loi
Carignon du 1er février 1994, instaure un quota de diffusion de 40% de
chansons d’expression française aux « heures d’écoute significatives » sur
l’ensemble des radios de la bande FM (Les brochures du CSA, juin 2007,
Créer une radio en France éléments d’information, www.csa.fr, consulté le
19/09/2007, p. 29). La moitié au moins de ces quotas doit provenir de
« nouveaux talents » ou de « nouvelles productions » (Ibid., p. 29). La mise
en œuvre de la politique de quotas ne se fait pas sans mal et suscite de fortes
inquiétudes chez les professionnels de la radio en France. Les radios
commerciales reprochent à la loi de ne pas prendre en considération la
spécificité des formats et d’œuvrer en faveur de l’industrie de la musique
enregistrée. Les groupes radiophoniques ont ainsi le sentiment de constituer
une
vitrine
de
présentation
des
nouvelles
productions
musicales
francophones au profit de l’industrie de la musique enregistrée. Face aux
revendications des radios commerciales qui se sentent lésées vis-à-vis de la
loi sur les quotas d’expression française, le CSA négocie ses ambitions. La
modification de la loi survenue le 1er aout 2002 autorise ainsi les radios à
choisir entre trois options :
« - soit, diffuser 40% de chansons d'expression française, dont la moitié au
moins provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions ;
- soit, pour les radios spécialisées dans la mise en valeur du patrimoine
musical, diffuser 60% de titres francophones, dont un pourcentage de
nouvelles productions pouvant aller jusqu'à 10% du total, avec au minimum
un titre par heure en moyenne ;
- 225 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
- soit, pour les radios spécialisées dans la promotion de jeunes talents,
diffuser 35% de titres francophones, dont 25% au moins du total provenant de
nouveaux talents » (Ibid., p. 29)
Certains termes de la loi sont également clarifiés. Ainsi, relève de la
« chanson d’expression française », « toute chanson interprétée en français
ou dans une langue régionale française » (Ibid., p. 29). La catégorie des
« nouveaux talents » représente « tout artiste qui n’a pas obtenu, précédant
son nouvel enregistrement, deux albums disque d’or et qui a publié son
premier disque à partir de 1974 » (Ibid., p. 29). Une « nouvelle production »
correspond à « tout titre, extrait ou non d'un album, pendant une durée de six
mois à partir de sa date de première diffusion sur l'une des radios du panel
Ipsos Music, s'il bénéficie d'au moins trois passages hebdomadaires pendant
deux semaines consécutives » (Ibid., p.29). Le caractère assez flou de ces
définitions permet ainsi aux radios commerciales de répertorier, au sein de
leur playlists, certains artistes qui ont parfois entre quinze et vingt ans de
carrière scénique sous l’appellation de « nouveaux talents ». Au cours de
l'année 2008, il a été prononcé sept mises en garde et trois mises en
demeure pour les radios qui ne respectaient pas les quotas de chansons
d’expression
françaises
(CSA,
(2008),
Rapport
annuel
2008,
http://www.csa.fr/rapport2008/donnees/rapport /III_suivi.htm#75, consulté le
11/09/2009). Malgré le contrôle régulier du CSA, qui vérifie chaque année le
respect des engagements des opérateurs radiophoniques, la loi sur les
quotas n’a pas eu les effets escomptés sur les stratégies de programmation
musicale au sein des radios commerciales.
En effet, la loi sur les quotas de chanson d’expression française,
de par sa formulation assez imprécise, permet aux radios commerciales
françaises d’être contournée. Mais d’autres dérives propres à une politique de
quotas sont observables. Comme le souligne le dossier réalisé par Julien
- 226 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
Demets pour le Collectif Réagissons pour la Liberté d’Ecouter5, une des dérives
de cette loi serait de permettre d’instaurer des quotas pour l’ensemble des titres
programmés au sein des radios commerciales françaises. Il faudrait alors
instaurer des quotas pour l’introduction de nouveautés, de titres golds (titres
ayant plus de trois ans d’ancienneté), mais également pour l’expression des
cultures minoritaires. Dans ce cadre précis, les métiers de programmation
seraient réduits à la simple fonction de statisticien. Les responsables de la
programmation auraient pour attribution de gérer des pourcentages. Nous
pouvons nous interroger sur les répercussions de cette façon de légiférer. Plus
largement, la politique de quotas pointe du doigt le problème des normes
propres à la sélection des œuvres musicales. En effet, à l’aune des discours
recueillis pour notre étude, les responsables de la programmation ne
représentent pas une catégorie socioprofessionnelle homogène. S’il existe des
écoles de formation des programmateurs au sein des grands groupes
radiophoniques, l’ensemble des personnes interrogées n’a pas le même
parcours professionnel. De la spécificité des parcours, découle une conception
différente de la programmation musicale qui est fonction de l’âge, des études
effectuées ou d’une formation autodidacte ou de terrain. Nous pouvons nous
interroger aujourd’hui sur l’intérêt d’une uniformisation de ces métiers ou au
contraire sur la nécessité de prendre en considération des parcours et des
approches différentes de la musique. Comme le souligne d’ailleurs le
responsable de la programmation de Skyrock : « La musique, c’est des métiers
de l’Humain ». De ce constat découle ce qui est à la fois le paradoxe majeur et
le dilemme constant des métiers de programmation : sélectionner des titres
selon des critères rigoureux propres à un format mais retenant également des
critères humains et subjectifs.
5
Ce dossier accompagne la pétition lancée par le Collectif Réagissons pour la Liberté d’Ecouter
envoyée le 21 juin 2006 au Ministère de la Culture et de la Communication, ainsi qu’au CSA. Le dossier
met en évidence le manque de diversité à la radio.
- 227 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
3.3 Vers une définition de la diversité musicale.
A partir de la démarche empirique de cette étude, nous allons
proposer une définition de la diversité musicale propre aux réseaux NRJ, Fun
Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Pour les réseaux étudiés, cette définition
correspond essentiellement à leur format et nous remarquons, à chaque fois,
une définition propre à chaque station interrogée.
Pour NRJ, la diversité musicale correspond à la variété des
genres proposés. Comme NRJ est une radio de hits, elle n’a pas véritablement
une couleur musicale spécifique. Elle diffuse tous les titres du moment qui
plaisent aux auditeurs, allant des artistes nationaux aux artistes internationaux,
tous genres musicaux confondus.
« La diversité musicale, c’est le fait de promouvoir et de diffuser au plus
grand nombre. […] On doit représenter tous les courants musicaux » (NRJ
Grenoble)
« C’est un top 40 généraliste […] Les autres radios ont un format
thématique donc elles sont bien moins diversifiées que nous. On n’a pas
de quotas ni de règles mais c’est dans nos gènes de diffuser aussi bien du
Céline Dion que du Raphaël » (NRJ Paris).
Auprès
de
Fun
radio,
la
diversité
musicale
provient
essentiellement des genres musicaux diffusés, à savoir la musique soul, dance,
r’n’b et house. Il s’agit uniquement de quelques courants musicaux qui ne
prennent pas en considération l’ensemble de la production musicale existante.
Fun radio propose une diversité en adéquation avec un format musical
restreint.
« A Fun Radio, la diversité c’est soul, dance, r’n’b et house » (Fun radio
Marseille).
« C’est un mélange entre des titres anciens et des nouveautés » (Fun
Radio Paris)
Pour Skyrock, la notion de diversité n’est pas envisageable sur
leur antenne mais elle est à prendre en considération sur l’ensemble de la
bande FM. Ce sont plus précisément les radios associatives qui s’inscrivent
dans une démarche de diversité musicale.
- 228 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
« C’est en externe qui faut aller chercher la diversité. […] la diversité, elle
est sur la bande FM » (Skyrock Paris).
« C’est plus une question que se posent les radios associatives en
France » (Skyrock Dunkerque).
Pour Virgin Radio, il y a une distinction entre la diversité du point
de vue des programmateurs interrogés et la diversité inhérente à la station.
« La diversité musicale pour moi, c’est toutes les musiques et tous les
styles. C’est quelque chose qui est important mais ce n’est pas évident à
mettre en place. Pour Europe2, la diversité musicale reste en ce moment
dans le rock et la pop » (Virgin radio Strasbourg).
Au niveau parisien, le programmateur ne définit pas la diversité uniquement selon un
format musical, mais il intègre à son analyse différents critères comme les voix
féminines et les voix masculines, un tempo lent et un tempo rapide.
« C’est le respect d’un certain équilibre dans l’intensité des morceaux, plus
ou moins bruyants, des voix féminines et masculines, du rock et du folk,
mais aussi au niveau des tempos, qu’il s’agisse de morceaux lents ou
rapides » (Virgin Radio Paris).
Pour RTL2, la programmation s’adresse à un public adulte et le
format musical comprend des titres anciens recouvrant une période de
plusieurs décennies. La diversité s’inscrit également dans l’alternance de
différents critères.
« La diversité musicale, c’est dans le style musical proprement dit, […]. Sur
RTL2, on a différents sons pop rock entre l’ancien et le nouveau, entre un
morceau rapide et un morceau lent, entre un titre étranger et français et on
alterne tout ça » (RTL2 Bordeaux).
- 229 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
3.4 Vers d’autres modèles de diffusion musicale déjà existants.
Une étude qui s’intéresse aux lois régissant la diffusion musicale
des grands réseaux radiophoniques ne peut se réaliser sans un aperçu des
réseaux associatifs et du lancement de la radio numérique, ne serait-ce que
pour en tirer les principales caractéristiques et les différences.
Les fédérations Iastar et Ferrarock regroupent en leur sein
plusieurs radios associatives présentes sur l’ensemble du territoire français.
Elles se positionnent d’un point de vue alternatif, face au mode de diffusion
« traditionnel » des radios commerciales, de par la souplesse que leur confère
la structure associative. Il existe une série d’arguments promus par ces
fédérations de radios, qui, méconnus du grand public, participent pourtant à la
légitimation des discours concernant la diversité musicale. S’il peut être
reproché à ce type d’association de ne pas pleinement participer à la diffusion
de la diversité, (puisqu’elles n’ont pas un réseau FM recouvrant l’ensemble du
territoire français et des taux d’audience réduits), en revanche les arguments
concernant la diversité musicale qu’elles promeuvent sont révélateurs des
questionnements auxquels doivent faire face les responsables de la
programmation aujourd’hui.
La fédération Iastar comprend plus de vingt six associations de
Radios Campus qui s’adressent aux étudiants, aux consommateurs de culture,
aux acteurs culturels et aux auditeurs ayant des goûts musicaux spécialisés.
Elle est aujourd’hui « le premier diffuseur des musiques actuelles, exigeant les
nouveaux talents et les nouvelles tendances de la création musicale » et
« prend des risques artistiques et représente un espace de découverte et de
promotion privilégié » (Iastar, « Présentation du réseau », http://www.radiocampus.org/presentation-du-reseau/, consulté le 18/10/2009). Grâce à un
fonctionnement en réseau, Iastar a développé un outil de promotion de la
musique en proposant des partenariats adaptés à des événements et des
- 230 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
groupes musicaux (diffusions de concerts, résidences ou émissions musicales
thématiques). La participation de bénévoles à l’organisation de ces structures
permet d’établir un lien entre les artistes et le public. Elles sont également le
relais de différents acteurs culturels locaux et participent au métissage culturel
en présentant les cultures et les musiques du monde, notamment grâce à la
participation des étudiants étrangers. Ces réseaux travaillent autant avec de
petits labels qu’avec les majors. Nous pouvons citer les dix principaux labels
avec lesquels la fédération a pour habitude de travailler en partenariat :
-
Fabric qui est un label londonien publiant régulièrement une collection
de disques de DJ (mix ou live),
-
!K7 est une structure berlinoise initialement destinée à la production de
vidéos sur des artistes punks et alternatifs et travaille aujourd’hui sur la
musique électronique,
-
Warp est un label londonien axé également sur la musique électronique,
-
Ninja tune est la maison mère des musiques urbaines d’outre-Manche
qui propose du breakbeat, du jazz, du drum’n’bass, du downtempo, de
l’electro, du groove, du hip-hop, de la jungle, de l’electronica, du
soundtracks et de la poésie,
-
Compost est un label munichois de jazz électronique, de down-tempo,
d’electronica, de bossan, de drum’n’bass, de deep house et de deepsoul,
-
Tomlab est un label de Cologne avec un catalogue international de
musique pop.
L’étendue des genres musicaux proposés par ces labels permet aux
antennes de la fédération Iastar d’offrir une alternative à la plupart des
radios de la FM, de privilégier l’aspect de découverte et des sorties
confidentielles qui n’ont pas d’ampleur médiatique.
La fédération Ferarock est un regroupement de radios
associative rock en France. Elle a pour finalité de diffuser principalement les
musiques actuelles en émergence ou peu exposées sur les radios nationales
- 231 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
et commerciales. La fédération regroupe aujourd'hui vingt-quatre radios
partout en France et coopère avec quatre radios associatives belges et
canadiennes. La programmation musicale des radios Ferarock est souvent
complétée par des programmes et des émissions "alternatifs" animés par de
nombreux bénévoles. Les radios de la fédération Ferrarock travaillent avec
les interlocuteurs de leur région, ce qui leur confère une reconnaissance au
niveau régional que n’ont pas les réseaux nationaux. Ainsi de par leur
volonté de découverte, ces radios sont souvent des starters au niveau de la
carrière des artistes.
Les radios se sont multipliés sur le Net tout comme le
développement des radios libres à la suite de la loi Fillioud en 1982 en France.
Si le modèle numérique se structure de plus en plus aujourd’hui, le lancement
de la radio numérique n’est pas encore arrivé à son terme. La radio numérique
a l’avantage de capitaliser un modèle connu, celui de la radio analogique.
Certaines radios offrent même des forums reprenant la formule de libre
antenne des radios analogiques. Cependant, nous pouvons nous interroger si
la radio numérique va changer les habitudes de programmations des
professionnels de la radio. Les diffuseurs interrogés pour notre étude se
partagent sur la question.
Les responsables de la programmation au niveau régional
projettent leur avenir professionnel avec la radio numérique et les web radios.
« Je ne peux pas prédire l’avenir mais une chose est sûre et on voit déjà la
tendance. On va principalement devoir faire avec les radios sur le Net »
(Virgin Radio Strasbourg).
Et pour eux, les radios numériques vont avoir un impact très important sur
l’avenir de leur profession même si le travail de programmation restera plus ou
moins similaire :
« La radio sur le Net sera une priorité dans l’avenir. Je pense que la DAB
sera la radio du futur permettant différents formats. Elle est la porte
ouverte à plus de styles musicaux, bien que la base de travail reste la
même » (NRJ Grenoble).
- 232 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
Néanmoins, la radio numérique va permettre de faire évoluer la programmation
et la façon dont les auditeurs auront accès à la musique.
« Ça va permettre d’affiner les programmations plus facilement » (RTL2
Bordeaux) »
« Avec le numérique on va oublier la diffusion FM et ça va obliger les gens
à chercher la musique différemment. Le métier de programmateur va
s’adapter aux évolutions technologiques. La majorité des gens vont aller
plus loin dans leur recherche musicale mais ça sera toujours influencé ou
orienté par la radio » (Fun Radio Marseille).
Contrairement
aux
programmateurs
régionaux,
les
programmateurs parisiens considèrent que le numérique et les web radios ne
vont pas considérablement modifier leurs pratiques professionnelles.
« Les radios du web vont se développer de plus en plus mais la radio à
encore de belles années devant elle » (Virgin radio Paris).
« La programmation va évoluer mais la radio jouera toujours son rôle de
découverte. Il y aura des techniques différentes, de nouveaux outils, de
nouvelles façons de programmer mais le fond du métier restera toujours le
même » (Skyrock Paris).
Ils considèrent leur profession comme déterminante et nécessaire à la
conception d’une programmation cohérente.
« Nôtre rôle est de défricher et de proposer des choses. On n’est pas
inquiet pour l’avenir de notre profession. Bien sûr que l’on ne connaît pas
les outils de demain. Certainement qu’ils permettront de faire plus de
choses de façon automatique. Mais vous savez la musique ça reste
quelque chose d’humain, qui s’adresse à l’affectif, à la sensibilité et ça
aucune machine ne pourra le remplacer. Il y aura toujours une étape
intermédiaire et besoin de personnes pour mettre la musique dans les
machines. Là, par exemple, je vois mon ordinateur qui est en face de moi
et je me dis qu’il n’a toujours pas d’oreilles… » (NRJ Paris).
Comme le fait déjà le réseau Skyrock depuis la création de
Skyblog, la plupart des responsables des programmations observent à partir
des web radios les groupes musicaux qui attirent des auditeurs sur le Net. Se
trouvent également sur le site des réseaux radiophoniques commerciaux des
sonneries de portables, des titres à télécharger sur Itunes, des supports pour
bâtir un blog, ainsi que des publicités pour le forfait NRJ mobile par exemple.
Dans ce contexte, la radio numérique permet de cibler les auditeurs, de leur
offrir des services et représente donc un enjeu marketing pour les diffuseurs.
- 233 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
A
cela
s’ajoutent
quelques
questionnements
concernant
l’intégration des réseaux associatifs dans le lancement de la radio numérique.
Les pouvoirs publics n’ont pas encore décidé la commercialisation de
récepteurs multistandards (FM, T-DMB, DAB, DAB+, DRM, DRM+) permettant
à tous les auditeurs d’accéder gratuitement aux programmes radiophoniques
sur l’ensemble du territoire européen. Et alors que les présélections sont déjà
bien avancées, le gouvernement n’a pas fait connaître le respect de ses
engagements concernant le financement de la migration numérique des radios
associatives. Ainsi, les réseaux associatifs se demandent toujours quelles vont
être les « modalités de passage à la diffusion numérique des radios
associatives », évoquées dans la loi sur l’audiovisuel (Iastar, « Communiqué
commun mars 2009 », http://www.radio-campus.org/radio-numerique-terrestre/,
consulté le 18/10/2009).
- 234 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
4. Conclusion.
4.1. Synthèse de cette étude.
A leur début, les radios privées proposent une programmation
alternative, face à un modèle de radiodiffusion publique qui demeure sous le
monopole d’Etat après la seconde guerre mondiale. Les radios musicales
privées se sont ainsi construites en réaction à une programmation jugée trop
institutionnelle. Progressivement, le monopole d’Etat est défait et la publicité est
autorisée. A partir des années 1980, l’avènement de la publicité et l’autorisation
de former des réseaux entraînent une logique de compétition entre les radios
qui cherchent à se distinguer les unes des autres afin d’attirer une audience
conséquente et obtenir les budgets des annonceurs. A la fin des années 1980,
les stations musicales françaises se répartissent alors selon différentes
catégories qui sont fonction de leurs cibles avec les radios jeunes, les radios
jeunes-adultes et les stations adultes. Les radios musicales sélectionnent un
segment d’auditeurs et proposent une programmation spécialisée dans
quelques genres musicaux. A cela, s’ajoute l’importation des techniques de
sondages et des formats radiophoniques américains en France. Le format
devient ainsi un élément permettant de cibler une audience et d’ajuster la
programmation au cœur de cible (Fenati, 1992).
Aujourd’hui, les radios commerciales ne constituent que le reflet
de ce qui a déjà été sélectionné par ailleurs (Presse, Télévision et Net)
puisqu’une radio a besoin d’être « entourée » et ne programme jamais un titre
toute seule. Avec le processus de libéralisation, à vouloir gagner des parts
d’audience, les radios commerciales ont misé sur des cibles précises, sur des
tendances musicales dont leurs playlists sont représentatives. Néanmoins, face
aux évolutions sociales et techniques en cours, les radios privées ont perdu de
l’avance dans la course à la nouveauté. En sectorisant leurs publics, les
réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin radio et RTL2 se voient accuser une
- 235 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
perte de vitesse. A l’inverse, les radios du service public voient leur audience
en progression car elles travaillent sur des cibles plus larges et s’inscrivent
dans la durée.
L’ensemble de ces éléments correspond à des évolutions d’ordre
politique, économique et culturel. L’analyse de Jean-Jacques Cheval, qui
commente un travail d’André Jean Tudesq, illustre cette idée : « La radio prend
place dans des systèmes d’information qui ne sont pas autonomes par rapport
à la société globale. Avec eux la radio est reliée :
-
Au système politique par le statut qui lui est donné et par le pouvoir que
l’on attribue aux messages et à l’information.
-
Au système économique par la valeur de ce qui est diffusé et par le coût
nécessaire à sa production.
-
Au système culturel, car la radiodiffusion transmet, traduit et reflète
toujours une idéologie, inhérente à toute expression.
Dans le même temps, la radio s’inscrit dans des systèmes de communication
définis par les techniques de diffusion en présence et le jeu, concurrentiel ou
complémentaire, de supports de la communication différents » (Tudesq A-J,
1987. Dans Cheval J-J., 1997, « Les études historiques de la radio »,
http://www.iren-info.org, consulté le 24/03/2009). Cela nous fait comprendre
que la diversité musicale n’est pas le fait seulement de la diffusion, mais elle
s’inscrit dans un processus global de marché, auquel les radios commerciales
ne peuvent échapper. Ainsi, cette dimension globale concourt au façonnement
des playlists des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2. Et à
l’aune de notre démarche empirique, nous relevons au sein des playlists :
-
la non représentation de différents genres musicaux (classique, jazz &
blues et expressions culturelles mondiales).
-
un renouvellement restreint des titres.
-
une relative augmentation des rotations de titres du top 40.
- 236 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
Du point de vue des relations entre diffuseurs et industriels, la
centralisation des programmations sur Paris limite l’émergence des groupes
locaux et entrave leur prise de contacts avec les responsables de la
programmation. Le système de communication en vase clos entre diffuseurs et
industriels exclut les labels indépendants et est à l’origine de critères de
sélections tels que :
-
des titres qui suivent le format de la radio.
-
des musiques qui correspondent aux tendances musicales du moment.
-
des formats Radio Edit d’une durée de 3 mn 30.
-
des investissements promotionnels conséquents.
Le choix de la programmation est également influencé par d’autres paramètres
comprenant la programmation musicale des pays étrangers, les résultats issus
de la recherche musicale sur les goûts des auditeurs et les modes esthétiques
du moment.
Si les radios commerciales sont plus puissantes car elles
s’organisent
en
groupes
industriels,
il
persiste
différents
modèles
radiophoniques avec des statuts, des économies et des logiques de
fonctionnement distincts. Le développement du numérique a vu l’émergence
d’une multitude de radios sur le Net proposant une alternative au mode de
diffusion analogique en termes de diversité musicale. Nombre de nouveautés
musicales sont disponibles sur le Net bien avant l’entrée des titres au sein des
playlists des radios NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin radio et RTL2. Rien ne
semble encore déterminant aujourd’hui mais reste à savoir si les mutations
liées à la numérisation de la radio et qui se profilent d’ores et déjà révèleront
des évolutions en termes de programmation. Et dans ce contexte, si les radios
associatives soutenues par les pouvoirs publics prennent conscience des
enjeux culturels, elles pourraient alors favoriser la diversité musicale et ainsi
diminuer les inégalités d’accès à la culture musicale.
- 237 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
4.2. Limites de cette étude.
Les limites de notre étude s’articulent autour de différents axes,
d’abord d’un point de vue méthodologique propre aux techniques d’enquête
utilisées, ensuite de manière plus globale sur l’étude réalisée.
Selon un aspect méthodologique, la sélection des groupes
musicaux interrogés sur les difficultés qu’ils peuvent rencontrer à vouloir
contacter
des
labels
(Majors/Indépendants)
et
des
radios
(Commerciales/Locales privées) n’est pas nécessairement représentative de
l’ensemble de la production musicale. La sélection des groupes a été effectuée
uniquement parmi les réponses obtenues via le site Myspace ; ce qui induit
logiquement un choix restreint et naturellement arbitraire sur l’ensemble des
artistes de la profession musicale. A cela s’ajoute une marge de subjectivité
relative aux propos recueillis auprès des diffuseurs et des industriels. En effet,
les entretiens ne reposent pas sur des données scientifiques à proprement
parler mais ils émanent d’une opinion personnelle et du ressenti propre à
chaque personne interrogée. Effectivement, selon leur parcours professionnel,
leurs formations universitaires, le poste occupé et leur localisation au sein de
l’entreprise radiophonique, les individus interrogés tiennent des propos pouvant
discorder selon le type de relations existant entre diffuseurs et industriels ou
encore selon qu’il s’agisse des web radios. Les entretiens semi-directifs à
destination des responsables de la programmation musicale auraient
également pu être développés, notamment concernant la promotion des
artistes en développement au niveau régional. Cela nous aurait permis de
mieux appréhender les objectifs de la programmation musicale par rapport à un
poste similaire en région d’Ile-de-France.
Essentiellement, l’analyse de notre étude est limitée aux groupes
radiophoniques de format « jeunes » et « jeunes-adultes » NRJ, Fun Radio,
Skyrock, Virgin radio et RTL2 et ne prend pas en considération l’ensemble de
- 238 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
l’espace radiophonique français. Les radios étudiées dans ce travail possèdent
des formats musicaux spécifiques et, de fait, ne peuvent représenter à elles
seules la diversité musicale existant sur la bande FM. Si l’Observatoire de la
Musique qui prend en considération, dans son analyse, les trente-et-une radios
représentant plus de 92% de l’audience des radios musicales, notre angle
d’analyse apparaît censément plus restrictif dans l’exploration du champ de la
diversité musicale.
Notre étude révèle une place insuffisante accordée aux labels
indépendants dans la relation entre diffuseurs et industriels. Néanmoins,
certains titres provenant des labels indépendants se trouvent présents dans les
playlists des radios commerciales. Ainsi, une analyse plus poussée dans les
rapports entre diffuseurs et industriels nous aurait donné plus d’éléments
d’informations sur les méthodes et les outils/moyens de communication mis à
disposition des indépendants pour faire entrer leurs artistes dans les playlists
des radios commerciales étudiées.
- 239 -
Troisième Partie : Techniques de marketing face au degré d’incertitude de la programmation musicale
4.3. Perspectives de recherches.
Afin de compléter les perspectives de cette étude, le point de vue
des auditeurs pourrait s’avérer pertinent afin de connaître : leurs réactions visà-vis de la diffusion musicale radiophonique, la façon dont ils constituent leur
propre playlists et leur moyen d’accéder à une certaine diversité en croisant les
informations mises à leur disposition (Presse, Télévision, Internet,…).
Il pourrait également être judicieux d’analyser la diffusion musicale
sur l’ensemble des médias (Presse, Radio, Télévision, Internet…) en parallèle
avec l’aide à la création et à la production des œuvres musicales, les politiques
de soutiens des labels ainsi que la politique d’exportation de la musique.
Une autre perspective envisageable serait de comparer la
conception de la diversité musicale selon l’angle de vue américain avec celui
de la France. En effet, les formats américains ont été importés en France sur
un modèle préexistant, datant de la fin de la seconde guerre mondiale et avec
des formats correspondant à une conception particulière de la musique et des
métiers de programmation. En fonction d’un milieu socio-culturel donné, il serait
pertinent d’observer la façon dont a évolué ce même modèle au niveau de la
promotion des artistes locaux, de la diffusion et de la programmation musicale,
des radios associatives et des relations entre pôle marketing et artistique.
Et enfin, dans un contexte où les échanges se réalisent de façon
asymétrique et principalement entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni,
l’Allemagne, la France et le Japon d’une part, puis le Brésil, l’Inde, la Chine, le
Mexique, la Malaisie, les Philippines, la Corée-du-Sud, l’Egypte et l’Afrique-duSud d’autre part, une approche comparative de l’industrie radiophonique et des
différentes politiques culturelles entre les pays apporterait un éclairage à notre
étude sur l’absence des musiques du monde au sein des playlists des radios
commerciales françaises.
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www.médiamétrie.fr
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www.mixture.fr [moteur de recherche des fréquences FM en France métropolitaine
ainsi que dans les DOM/TOM]
www.monde-diplomatique.fr
www.NRJ.fr
http://olfac.univ-lyon1.fr [psycho acoustique et cognition auditive]
www.ontheair.com [pour trouver et écouter des stations du monde entier]
www.RTL2.fr
www.skyrock.com
www.snrl.org [Syndicat National des Radios Libre]
www.tnsmediaintelligence.fr
www.tns-sofres.com
www.yacast.fr [société spécialisée dans la fourniture d'études statistiques sur la
diffusion musicale en radio
262
- ANNEXES -
263
Données de l’Observatoire de la Musique.
264
265
266
267
268
269
270
271
272
273
274
275
Entretiens semi-directifs à destination des responsables de la programmation
musicale de NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2.
276
ENTRETIEN NRJ GRENOBLE (Durée 50 mn)
Quel poste occupez-vous actuellement ?
Responsable d’antenne et promotion régionale. Je m’occupe des formations, du
management des programmations et des annonces à destination du cœur cible
(zone Annecy, Chambéry, Grenoble, Aix-les-Bains, Valence, Montpellier, Orange) au
niveau local.
Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
J’occupe ce poste depuis un an et demi mais sinon, je suis dans le milieu
radiophonique depuis dix-neuf ans.
Quel est votre parcours professionnel ?
J’ai d’abord commencé dans le bénévolat. J’ai été bénévole dans le Loiret. J’ai eu un
baccalauréat en comptabilité et gestion. J’ai ensuite suivi un parcours universitaire.
J’ai fait des études dans l’administration et l’économie. Pendant ce temps, j’ai
toujours continué la radio. J’ai été animateur du groupe NRJ en 1998 en CharenteMaritime, à Chambéry, puis j’ai fait beaucoup de remplacements au niveau national.
Ça fait dix-neuf ans que je suis dans le milieu radiophonique, d’abord en temps que
bénévole puis ensuite, en tant que professionnel.
Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ?
Je travaille avec les animateurs locaux. Ce sont mes principaux interlocuteurs. On
organise les émissions locales. Je m’occupe également des partenariats, de la
communication pour la radio et de la promotion d’un artiste.
Les programmations musicales de NRJ Grenoble correspondent-elles à une
couleur musicale précise ?
NRJ est une radio « trans-générationnelle » dont le cœur cible correspond aux 13-25
ans mais d’après les statistiques, la moyenne d’âge est de 28 ans. Il n’y a pas
véritablement de couleur précise. NRJ c’est la radio des hits. On passe de la dance,
du r’n’b, du rap, de la variété française….On diffuse les hits qui marchent et on
277
évolue en fonction des modes. Mais c’est uniquement du hit puisque l’objectif est de
faire plaisir à une audience, et la plus large possible.
Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à NRJ
Grenoble ?
L’objectif de nos playlists est de clairement identifier et faire ressortir les goûts, les
besoins et les attentes des auditeurs. Il faut pour cela déterminer les hits les plus
sollicités, ceux qui sont sur le déclin et ceux qui sont susceptibles de rester sur du
long terme et que l’on peut mettre en rotation. L’objectif est d’adapter les
problématiques de choix de goûts des auditeurs en adéquation avec l’actualité
musicale.
Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la
playlist de NRJ Grenoble ?
Les critères sont larges ; il faut que ça plaise au plus grand nombre et qu’un titre ne
choque pas les auditeurs. Par exemple, si on prend le cas de l’artiste Lorie,
actuellement les auditeurs ont du rejet pour cette artiste, du coup on ne la diffuse pas
à l’antenne. Il faut plaire, de la ménagère jusqu’au gamin de 12 ans. Il faut faire la
différence entre l’artiste qui peut fédérer et celui qui est trop spécifique.
Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la
playlist de NRJ Grenoble ?
Il n’y a pas de règle précise. On peut se calquer sur les ventes d’albums par
exemple. Les ventes sont importantes mais pas primordiales ; c’est un détail. La
diffusion est là pour répondre à une demande. Pour le plus gros du travail, on se
base sur les « call centers ». Il s’agit d’un amphithéâtre dans lequel on demande à
des gens s’ils aiment ou pas les titres qu’on leur diffuse. La durée de diffusion est de
sept minutes de refrain. Ça peut se faire par téléphone aussi. On s’intéresse
également aux artistes qui ont un plan de promotion important, des shows cases,
des tournées, des émissions de TV etc… C’est un critère qui peut faire rentrer un
titre en playlist. Mais un critère important, c’est qu’il faut que ce soit un artiste qui
s’adresse aux jeunes avant tout.
278
Les playlists sont-elles communes à l’ensemble du réseau NRJ ?
Oui, puisque la force de NRJ aujourd’hui, c’est le hit ; donc, si on fait une
programmation dans la programmation, c’est plus du NRJ. Il faut qu’il y ait une
cohérence, qu’on ait une ligne commune pour qu’on reconnaisse le son de NRJ.
Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur NRJ
Grenoble ?
Pour les gros hits, on peut les diffuser dix fois mais cela varie selon les tranches
horaires. Entre 6h et 22h, on a 14h de diffusion, un titre peut être diffusé jusqu’à une
fois toutes les 2h. En fait, chaque catégorie de titres est diffusée selon une stratégie.
Par exemple, en ce moment on parle beaucoup du groupe Mika. Ce groupe permet
de garder le public, du coup on le diffuse après la publicité ; comme ça, on garde les
auditeurs. On est sûr de les retrouver après la publicité.
Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à NRJ
Grenoble ?
En fait, on a surtout le respect des 40% de chansons françaises et aussi on doit
respecter le cahier des charges déposé auprès du CSA. Puis bien sûr, on fait
attention aux propos ambigus, antisémites au niveau des paroles des chansons. En
fait, on fait attention au respect des valeurs propres à NRJ. On doit faire passer un
message positif, jeune. Il n’y a aucun appel à la haine ou à la violence sur nos
antennes.
La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une
dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de NRJ
Grenoble ?
C’est plutôt une contrainte et ça complique le travail de programmation parce que
durant certaines périodes, il y a beaucoup de contenus au niveau des sorties
françaises et d’autres périodes sont plus creuses. Pendant les périodes creuses, on
diffuse des « artistes en développement » qui ne sont pas connus pour atteindre les
quotas, avec des artistes comme Ellur, Mario Vasquet, en ce moment. Sinon, on va
plus vers un top 30 pour correspondre à ces quotas. Aujourd’hui, la durée d’écoute
de la radio s’est considérablement réduite avec Internet, donc on se rapproche plus
du top 30. Soit deux fois un même titre en l’espace de deux heures.
279
Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des
programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu
radiophonique ?
Non, je n’ai pas réellement constaté d’évolution pour NRJ puisque il y a adaptabilité
de la marque par rapport aux goûts des gens. Il y a des courants musicaux plus forts
à certains moments mais on n’a pas de refonte du format sur ces dernières années.
Quelles sont les modalités de communication avec les responsables de
promotion en radio ?
Les contacts se font essentiellement au niveau de Paris. On a quelques contacts au
niveau régional mais c’est très occasionnel. Puis si il y a des sollicitations au niveau
local, on fait suivre sur Paris. C’est eux qui gèrent et qui voient si on peut diffuser les
artistes proposés.
Comment caractériseriez-vous ces relations ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
Ce sont des relations très importantes car la diffusion d’un titre en radio peut générer
des ventes. Ces relations sont surtout importantes au niveau des plateaux avec les
artistes ou les auditeurs. C’est bien de faire le lien entre les artistes et leur public.
Donc, ouais, c’est surtout au niveau relationnel que ça ce passe.
Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin
d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ?
Je ne peux pas véritablement répondre à cette question puisqu’on n’a pas de relation
au niveau local. On n’a pas de relation directe. Tout se passe au niveau national.
Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la
diffusion musicale à la radio ?
Il se peut qu’il y ait des blocages puisque parfois, certaines maisons de disques
croient beaucoup en un artiste et les radios non, donc elles ne diffusent pas. On n’est
pas toujours sur la même longueur d’ondes mais ça fait partie du travail. Chacun à
ses contraintes.
280
Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le
contenu musical de la radio et dans quel but ?
Oui, on réalise des sondages une fois par semaine sur un panel d’environ une
centaine de personnes. Ces résultats sont analysés par un institut en interne, propre
à la radio NRJ. Ces sondages permettent de faire évoluer les programmations.
Quelles sont les répercutions de ces études dans la politique de promotion des
artistes et le contenu des playlists ?
Si un titre est diffusé à outrance par exemple, il peut y avoir un effet de lassitude
pour l’auditeur. Il y a une réelle répercussion de ces études sur les programmations
puisqu’un titre peut passer de beaucoup de rotations à très peu de rotations, en
fonction de la lassitude des auditeurs.
Trouvez-vous des points communs ou au contraire des différences avec la
diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ?
Oui, on a des points en commun mais on a des différences aussi puisque chaque
radio a son format. Il y a sûrement quelques titres en commun puisque toutes les
radios s’intéressent à l’actualité. On a quelques exclusivités mais c’est uniquement
en amont de la sortie d’un album pendant un temps très court. Uniquement pour un
lancement et sur un extrait de l’album.
Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ?
Oui, puisque NRJ fait vendre les hits et puisqu’elle crédibilise l’artiste en le diffusant
et ceci génère des ventes. Mais il existe des contre-exemples puisque certains
artistes marchent sans les radios. Mais à partir du moment où un titre est diffusé à
l’antenne, ceci ouvre une porte plus large. Les artistes diffusés à la radio n’ont pas
besoin de chercher un public susceptible de s’intéresser à leur son ; c’est la radio qui
le fait pour eux.
Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à NRJ Grenoble ?
Il y a une diversité sur NRJ car on n’a pas de format particulier. Pour moi, la diversité
musicale, c’est le fait de promouvoir et diffuser au plus grand nombre. On diffuse
281
plus qu’un seul et même type de musique par rapport à notre cible qui est large. On
se doit de représenter tous les courants musicaux qui fonctionnent.
Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du métier
de programmateur à la radio ?
Programmation à la demande
Sur le net
Aujourd’hui, la radio a perdu des auditeurs par rapport au Net où on peut découvrir
des radios du monde entier, et par rapport aux téléchargements aussi. Les radios FM
ont à développer des radios ciblées sur le Net. C’est le cas de NRJ. On commence à
se développer sur Internet parce que ça nous permet de nous adresser à un public
plus pointilleux, qui s’intéresse à un genre musical précis. La radio sur le Net sera
une priorité dans l’avenir. Je pense que la DAB sera la radio du futur permettant
différents formats. Elle est la porte ouverte à plus de styles musicaux, bien que la
base de travail reste la même. Pour la programmation à la demande, avec la
participation directe des auditeurs, je ne pense pas que ce soit possible. Aujourd’hui
par exemple, les auditeurs qui appellent pour participer à des jeux représentent
moins de 1%. Il s’agit de minorités. La programmation à la demande serait alors trop
sélective et ne correspondrait pas à une logique collective comme l’est NRJ
actuellement.
282
ENTRETIEN FUN RADIO MARSEILLE (Durée 53 mn)
Quel poste occupez-vous actuellement ?
J’occupe le poste de responsable d’antenne et je suis également animateur au sein
de Fun Radio.
Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
Depuis août 2002.
Quel est votre parcours professionnel ?
J’ai un parcours universitaire de trois années de Droit et d’Histoire. J’ai été pendant
cinq ans à Fun Radio Nancy et en août 2002, j’ai pu intégrer Fun radio Marseille.
Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ?
Je m’occupe de la programmation en locale et de l’animation des tranches horaires
12h-16h. Je m’occupe de la planification publicitaire. Je gère les relations avec les
régies publicitaires, puis tout ce qui concerne la gestion et la mise en ondes des
messages publicitaires.
Les programmations musicales de Fun Radio Marseille correspondent-elles à
une couleur musicale précise ?
Pour Fun Radio, la marque c’est soul and dance. Toute la programmation tourne
autour de morceaux r’n’b américain et français. C’est des termes génériques mais
par dance, on entend techno, house. C'est-à-dire tous les morceaux qui marchent
dans les clubs.
Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à Fun
Radio Marseille ?
L’objectif est de cibler un certain nombre d’auditeurs. C’est cibler de façon la plus
large possible afin de toucher un maximum de personnes. La cible de Fun Radio,
c’est les 13-35 ans. Les playlists représentent aussi les artistes que l’on défend (les
gros DJ qui tournent…). De toute façon, tous les artistes que l’on diffuse à l’antenne
sont mis en avant.
283
Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la
playlist de Fun Radio Marseille ?
La programmation qui se fait sur Paris passe par le « call out ». Ce sont des
morceaux de trente secondes et si les auditeurs accrochent, alors le titre entre en
programmation sur Paris et puis sur l’ensemble du réseau. Mais ça dépend aussi du
feeling du programmateur. Bon, il y a les formats génériques de trois minutes trente
mais ça nous arrive de passer aussi des morceaux de cinq ou de deux minutes.
Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la
playlist de Fun Radio Marseille ?
Dans la plupart des cas, c’est en fonction des contacts avec les maisons de disques
qui proposent aux radios des titres. Il y a les sites comme Myspace sur le Net
également, mais en grande partie, ce sont les maisons de disques qui nous
présentent les artistes qu’elles veulent qu’on diffuse.
Les playlists, sont-elles communes à l’ensemble du réseau Fun Radio ?
Oui, complètement. On a la même programmation partout dans l’ensemble du
réseau.
Sur une journée combien de fois un titre musicale peut-il être diffusé sur Fun
Radio Marseille ?
C’est aléatoire, mais pour les plus grosses rotations, ça peut aller jusqu’à une fois
toutes les 1h30. C’est le cas par exemple de David Guetta parce que cet artiste est
en tournée avec Fun Radio et parce qu’il correspond à notre cible.
Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à Fun
radio ?
On a principalement la loi sur les quotas de chansons françaises et aussi les accords
de diffusion qu’on a passés avec les maisons de disques.
284
La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une
dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de Fun Radio
Marseille ?
C’est à la fois une dynamique mais c’est en même temps un peu compliqué pour un
programmateur. A la fois, ça nous permet de passer des artistes français et d’en
découvrir. Mais d’un autre côté, c’est un peu une contrainte puisqu’on est tenu avec
le CSA. Puis ça peut être au détriment de certains artistes. Par exemple, il y a des
périodes où il n’y a pas de nouveaux talents. Dans ce cas, on est obligé de piocher
des titres qui ne sont pas forcément qualitatifs pour rester dans les quotas.
Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des
programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu
radiophonique ?
Oui, on a des programmations plus éclectiques qu’avant 1997. D’ailleurs le « Claim »
de la radio c’est « le meilleur mix ». On a de la techno, de la pop, du rock etc.
Aujourd’hui, les radios sont de plus en plus ciblées. A Fun Radio, le cœur de cible
est plus précis. On s’adresse à des gens qui écoutent de la soul et de la dance. Au
niveau technique aussi ça a bougé. Avant, ça marchait avec des CD puis on a eu le
MP3 et aujourd’hui, tout se gère via l’informatique.
Quelles sont les modalités de communication avec les responsables de
promotion en radio ?
On a seulement des contacts avec eux lorsqu’on a des interviews d’artistes qui sont
en tournée dans la région. Sinon pour le reste, ça se passe sur Paris.
Comment caractériseriez-vous ces relations ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
Pareil ; les relations ça se passe tout sur Paris. Nous on n’en a quasiment aucune.
285
Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels au
sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la
circulation des œuvres musicales ?
Je ne pense pas. Je ne sais pas, vu qu’on n’a pas de relations directes avec Paris.
Pensez-vous qu’il existe des obstacles, des contraintes au niveau de la
diffusion musicale à la radio ?
C’est compliqué parce qu’il y a des accords avec les maisons de disques. Puis il faut
que ce soit dans la couleur, la dynamique de la radio. Il y a plein de paramètres qui
rentrent en jeux. Bien sûr, il faut que ça accroche à l’oreille. On ne peut pas dire qu’il
y ait des paramètres théoriques. Il n’y a pas de recettes miracles du tube. Pourquoi
un morceau va marcher par rapport à un autre, on n’en sait rien. C’est très subjectif.
Mais ça reste difficile de s’écarter des gros artistes comme Madonna par exemple.
Le dernier Madonna, on est obligé de le passer.
Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le
contenu musical de la radio et dans quel but ?
On utilise la technique de « call out ». Il y a également Médiamétrie. Puis on a un
service au sein de Fun Radio. C’est notre petit institut de sondage en interne, en
quelque sorte. Il y en a dans toutes les radios. Pour RTL2, par exemple, ça s’appelle
Média Panel. Ça nous permet de connaître les tendances. On appelle, au hasard,
des personnes. On sélectionne les gens par catégories socio-professionnelles. Pour
Marseille, on réalise les études sur 1000 personnes et on fait ça sur deux vagues de
septembre à décembre et de janvier à juin.
Quelles sont les répercutions de ces études dans la politique de promotion des
artistes et le contenu des playlists ?
Ces résultats nous indiquent si un titre marche. C’est le seul indice pour savoir si le
format plaît. Ce sont des études très précises. On sait, au quart d’heure près, tout ce
qui ce passe. Ça sert aussi pour l’aspect commercial. Les annonceurs savent qu’elle
population ils touchent. On croise les critères musicaux avec la publicité. Selon la
cible, on sait quelle publicité va passer après telle tranche horaire musicale. Ça se
passe plus sur une couleur musicale qu’un artiste en particulier.
286
Trouvez-vous des points communs ou au contraire des différences avec la
diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ?
Alors je dirais qu’il y a les radios jeunes et les radios adultes. Dans la catégorie
jeune, c’est clair qu’on joue tous les mêmes titres. C’est différent de la
programmation de RTL2 ou RFM par exemple ou de NRJ qui est plus pop que Fun
Radio, par exemple. La musique dance qui passe sur NRJ est la même que sur Fun
Radio avec quelques spécificités avec les maisons de disques. Pour les autres
radios musicales, on a en commun environ 30 à 40% de la programmation. Puis pour
avoir un artiste en exclusivité, c’est très rare car si un artiste rentre en radio, c’est
pour être diffusé le plus possible. On échange donc des artistes en terme de
communication, pas en terme de diffusion. C’est pour ça que l’on a des titres en
commun.
Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ?
Complètement. Surtout pour les mises en avant lorsqu’un artiste est diffusé toutes
les heures. Un morceau rentre plus facilement dans la tête des gens même si à la
longue ça risque de soûler les gens et même si il y a la télévision et la presse. On a
l’impression que tout le monde se niche en ce moment. En ciblant, on a décidé d’être
populaire. Car plus ta programmation est populaire plus tu attires du monde.
L’objectif reste de fédérer pour avoir un maximum d’auditeurs.
Qu’est ce que la « diversité musicale » pour vous et quels termes utiliseriezvous si vous devez donner une définition propre à Fun Radio Marseille ?
Elle est liée à la couleur de la radio. On se spécialise, donc la diversité se fait dans
les genres que tu as décidé de diffuser. Les radios locales comme radio Grenouille
ou Nova, par exemple, ont des programmations musicales plus larges et moins
ciblées. Mais plus tu es diversifié et moins tu fais d’audience. A la limite ça peu
marcher pour un public plus vieux car généralement ils veulent écouter autre chose.
C’est vrai certaines personnes, ça les gonfle, les grilles de rotation. A Fun Radio la
diversité c’est soul, dance, r’n’b et house.
287
Comment
envisagez-vous
l’avenir
des
programmations
musicales
radiophonique ?
Programmation à la demande
Sur le net
Aujourd’hui, on a beaucoup de choix. Les modes d’écoute changent beaucoup avec
le MP3 mais il me semble que les programmations s’établissent toujours à partir de
la radio. Le choix des auditeurs est défini par la radio. A la fois, c’est nous qui
conditionnons le goût des auditeurs et en même temps, c’est eux qui demandent de
diffuser les titres. C’est un peu le chat qui se mort la queue. Plus le temps avance et
plus les gens vont faire leur programmation et moins ils écouteront la radio. Avec le
numérique, on va oublier la diffusion FM et ça va obliger les gens à chercher la
musique différemment. Le métier de programmateur va s’adapter aux évolutions
technologiques. La majorité des gens vont aller plus loin dans leur recherche
musicale mais ça sera toujours influencé ou orienté par la radio.
288
ENTRETIEN SKYROCK DUNKERQUE (Durée 40 mn)
Quel poste occupez-vous actuellement ?
Je suis responsable d’antenne et de la programmation de Skyrock.
Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
Depuis début 2001.
Quel est votre parcours professionnel ?
J’ai été principalement animateur à Skyrock Toulouse depuis 1998, puis je suis
devenu responsable de la programmation à Skyrock Dunkerque en 2001.
Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ?
Je m’occupe de l’animation, de la programmation musicale et des dédicaces en Nord
Pas-de-Calais, Picardie. Je gère également les écrans de publicité sur la zone où
l’on diffuse, des rubriques locales. Puis, j’ai deux tranches horaires d’animation en
national le samedi.
Les programmations musicales de Skyrock Dunkerque correspondent-elles à
une couleur musicale précise ?
Oui, pour Skyrock, c’est le rap et le r’n’b non-stop, mais la programmation n’est pas
fermée non plus. On passe un peu de reggae et du raï.
Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à Skyrock
Dunkerque ?
C’est la musique que l’on diffuse en dehors des talks. Les playlists, c’est la musique
que l’on diffuse. En fait, Skyrock se divise en trois équipes : les animateurs, les
auditeurs et les artistes.
Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la
playlist de Skyrock Dunkerque ?
C’est au niveau national que les responsables de la programmation choisissent si le
titre proposé correspond au format de Skyrock et à la cible des 13-24 ans. Alors bien
289
sûr, c’est en fonction des ventes, de ce qu’aiment les auditeurs puis aussi au feeling
du programmateur. Skyrock est une radio pour les gens, pour les auditeurs.
Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la
playlist de Skyrock Dunkerque ?
Ce sont surtout les maisons de disques qui nous fournissent 98% des titres
lorsqu’elles démarchent auprès des radios et pour le reste, on regarde sur Internet.
Les playlists, sont-elles communes à l’ensemble du réseau Skyrock?
Oui, mais il y a quelques décrochages locaux pour le Nord Pas-de-Calais, Marseille
et Paris entre 12h30 et 16h. Le reste de la journée, ce sont les programmations
nationales qui passent à l’antenne.
Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur
Skyrock Dunkerque ?
Entre 5h et minuit, un titre peut être diffusé entre huit et dix fois.
Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à Skyrock
Dunkerque ?
Oui, on a surtout des contraintes vis-à-vis du CSA. Lorsqu’une radio a choisi de
défendre certains styles musicaux, il faut qu’elle s’y tienne. Puis on a les quotas de
chansons françaises. Pour Skyrock, on a gardé 40%. Pour l’ensemble des radios
musicales, on a le choix entre 30 et 40%. Nous, c’est 40% de chansons françaises et
20% pour les nouveaux talents. Si on a gardé ces quotas, c’est parce que ça nous
convient pour le rap et l’ensemble de la programmation musicale.
La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une
dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de Skyrock
Dunkerque ?
Ce n’est pas un problème, cette loi. C’est un plus pour le rap et le r’n’b et ça a permis
au rap français d’exploser.
290
Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des
programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu
radiophonique ?
Oui, depuis 1998, on avait un rap français qui provenait plus de la rue, qui était plus
revendicatif, plus conscient ; aujourd’hui, on a une programmation plus axée r’n’b
avec un son plus dansant et plus festif qu’avant.
Quelles sont les modalités de communication avec les responsables de
promotion en radio ?
Je n’ai pas un poste assez important pour vous expliquer. Je n’ai pas de contact
direct avec les maisons de disques, mais il y a des rencontres en face à face avec
les responsables de promotion. On reçoit les disques. Ces relations se font surtout
avec les grands majors tels qu’Universal, Virgin, Sony etc…
Comment caractériseriez-vous ces relations ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
On n’a pas de contact direct, tout se passe sur Paris et nous on veille au bon
fonctionnement de la programmation au niveau local.
Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels, au
sein de la filière musicale, afin d’améliorer l’échange d’informations et la
circulation des œuvres musicales ?
Je vais vous répondre la même chose. L’information se passe sur Paris.
Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la
diffusion musicale ?
Oui, puisqu’à la base, une radio refuse beaucoup plus que ce qu’elle accepte. Il est
impossible de tout passer. Alors que pour une maison de disques, plus elle propose
de disques, plus elle a de chances qu’il y ait au moins cinq ou six titres qui soient
programmés en radio. C’est donc un infime pourcentage de la production de disques
qui passe à la radio.
291
Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le
contenu musical de la radio et dans quel but ?
Oui, on teste sur des panels, on fait des enquêtes téléphoniques. Ce sont des
personnes qui sont employées en interne à la radio, un peu comme des instituts de
sondages, en quelque sorte. L’objectif de ces études, c’est de savoir ce que les gens
veulent entendre. Ça aide les programmateurs à faire la programmation musicale. Il
y a un investissement budgétaire important sur la « recherche musicale » en radio.
En plus, à Skyrock on est attentif aux tendances. On cherche à être à la pointe de ce
qui s’écoute au Japon, aux Etats-Unis, par exemple. Il existe également des
Skyblogs sur le Net. On a été la première plateforme en Europe proposée par notre
PDG. Le principe permet à un artiste non signé par une maison de disques de se
faire connaître et certains artistes sont devenus cinquièmes des ventes par ce biais.
C’est un nouveau moyen de découvrir de la musique.
Quelles sont les répercutions de ces études dans la promotion des artistes et
le contenu des playlists ?
Si le titre est apprécié des auditeurs, il passe en forte rotation et inversement, il sort
de la programmation. Certains artistes jouent leur carrière à la radio. 80% des
personnes déclarent acheter un disque parce qu’ils l’ont entendu à la radio.
Trouvez-vous des points communs, ou au contraire des différences, avec la
diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ?
Il y a un large choix de radios thématiques en France. Chacune à sa programmation.
Quelquefois, certaines radios, surtout Fun Radio et NRJ viennent marcher sur nos
plates-bandes. Lorsqu’on est parti sur le rap, NRJ a suivi. Le succès de Skyrock les
a fait bouger dans leur positionnement. Par exemple, en 1992, NRJ ne voulait pas
passer l’artiste Khaled car c’était trop typé comme musique. Ils en sont revenus.
Entre radios, on surveille les voisins et principalement NRJ. Pour Yacast, c’est un
peu le même principe mais c’est plus les radios de province qui sont concernées et
qui consultent les titres qui marchent bien sur les grosses radios, comme Scoop, par
exemple. Ces radios n’ont pas les moyens de s’acheter des tests donc elles
regardent les listes de Yacast et les programmations de NRJ. Pour toutes les radios,
il est important de se positionner par rapport aux autres radios ; par rapport à la
concurrence.
292
Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ?
Oui, souvent, mais ce n’est pas une généralité non plus. Certains groupes comme
Louise Attaque ont marché sans les radios. Il me semble qu’ils ont vendu dans les
200 000 albums avant de passer en radio. La radio a fait exploser les ventes une fois
qu’ils ont été diffusés mais ils vendaient déjà pas mal avant. Et inversement, certains
artistes sont diffusés à la radio et ils prennent des « bides ». C’est le cas d’un artiste,
dernièrement, qui a été joué sur Fun Radio et qui n’a pas marché. Il existe certains
paradoxes, c’est le cas du groupe Grand Corps Malade qui vend beaucoup de
disques et le titre ne passe pas en radio car d’après les études de sondages, les
gens ne veulent pas l’entendre à la radio. Mais la radio permet quand même de faire
connaître un titre surtout, que certaines maisons de disques se lancent dans la
production de clips à partir du moment où le titre passe en radio.
Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à Skyrock Dunkerque ?
On représente ce qui marche le plus. On ne peut pas tout diffuser. Pour nous, la
diversité n’est pas un critère puisque le but d’une radio, c’est un peu la compétition.
On ne peut pas faire ce qu’on aime puisqu’on peut nous demander d’arrêter si ça ne
convient pas aux auditeurs. On peut passer certains titres que l’on aime bien mais on
ne se pose pas ce genre de question concernant la diversité musicale. On ne
cherche pas. Il existe bien sûr quelques émissions pour diversifier la programmation,
comme par exemple, Planète Rap où le dimanche soir on a une émission de raï. Il y
a un animateur qui amène sa programmation aussi. Ce sont des titres qui ne passent
pas le reste de la journée. La question de la diversité, c’est plus une question que se
posent les radios associatives en France. On plaît aux auditeurs car lorsqu’ils
écoutent la radio, ils ont envie de savoir ce qu’ils vont entendre. Les radios ultra
généralistes ne parlent à personne. Passer différents genres musicaux par tranche
horaire, pour plaire aux lycéens en fin de journée et à la ménagère le matin, ce n’est
pas possible, c’est ce que fait Radio Scoop et son audience baisse car c’est une des
principales erreurs.
293
Comment
envisagez-vous
l’avenir
des
programmations
musicales
radiophonique ?
Programmation à la demande
Sur le net
Avec les nouveaux médias, il va falloir que la radio s’adapte. On a perdu en durée
d’écoute. Est-ce que la bande FM va devenir obsolète et que l’on pourra écouter la
radio numérique dans la voiture avec une multitude de radios ? Je ne sais pas. En
tous cas, Internet, à l’heure actuelle, permet à un artiste de faire un « buzz ». Le
bouche à oreille, la notoriété peut partir du Net. Ça permet de faire découvrir des
artistes. Pour ce qui est de la programmation à la demande, Skyrock fonctionne déjà
un peu comme ça puisque les auditeurs choisissent via Skyblog et en fonction du
nombre de visites sur le site, ça nous permet de savoir si un titre plaît ou pas.
294
ENTRETIEN EUROPE2 (VIRGIN RADIO DEPUIS 2008) STRASBOURG (Durée 40
mn)
Quel est le poste que vous occupez actuellement ?
Je suis responsable des programmes et animatrice technico-réalisatrice.
Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
J’occupe ce poste depuis six ans et demi maintenant.
Quel est votre parcours professionnel ?
Si on reprend rapidement, j’ai suivi un parcours LEA en fac puis je me suis tournée
vers un BTS d’animateur technico-réalisateur en expression radiophonique, mais j’ai
surtout été animatrice sur une radio locale de quatorze à dix-sept ans. Ensuite, j’ai
travaillé à Nostalgie sur Paris en tant qu’assistante d’antenne et de programmation.
Depuis le mois de mai 2001, je m’occupe de la programmation à Europe2.
Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ?
J’anime la tranche horaire du 13h-17h, du lundi au vendredi. Je mixe des titres et
j’organise des jeux à l’antenne.
Les programmations musicales d’Europe2 Strasbourg correspondent-elles à
une couleur musicale précise ?
Oui, Europe2 c’est du rock et de la pop, donc la programmation ne comprend pas
d’artistes comme Céline Dion ou autre. On a une couleur précise qui est fonction de
notre cible.
Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à Europe2
Strasbourg ?
Sachant que la durée d’écoute est en général de 1h à 2h par jour par auditeur, le rôle
de la playlist est de limiter le nombre de titres à tourner pour qu’une certaine rotation
s’installe, selon les nouveautés, golds et les quotas qui sont imposés par le CSA.
295
Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la
playlists d’Europe2 Strasbourg ?
Il n’y a pas vraiment de critères. Il faut que les titres musicaux proposés à l’antenne
correspondent au son pop-rock de la station.
Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la
playlist d’Europe2 Strasbourg ?
En régional, on ne constitue pas les playlists mais en règle générale, ce sont les
maisons de disques qui présentent leurs artistes aux radios et les radios
sélectionnent selon leur format, selon leur cible. Il faut que ça corresponde au son de
la radio.
Les playlists sont-elles communes à l’ensemble du réseau Europe2 ?
Oui, les playlists sont les même sur l’ensemble du réseau Europe2, à part quelques
stations encore indépendantes qui peuvent passer des programmes de leur choix.
C’est le cas pour Europe2 Lens. Il me semble qu’ils font de la retransmission en
direct des matchs de football. Mais pas au niveau de la programmation musicale.
Ouais, on passe les mêmes titres.
Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur
Europe2 Strasbourg ?
Sur une journée, la grille de rotation maximum, c’est dix fois. Un titre peut passer dix
fois sur une journée ; après c’est trop. Dix fois, ça permet aux auditeurs d’entendre le
titre et de savoir s’ils l’aiment ou pas. Si le son leur plaît.
Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à Europe2
Strasbourg ?
Non, on n’a pas de cahier des charges au sein d’Europe2. Après, on a des
obligations auprès du CSA. On a des quotas de chansons françaises. On fait
attention aux paroles des chansons qu’on diffuse. Il y a un respect des auditeurs. Il
ne faut pas qu’il y ait des paroles à caractères antisémites ou de la violence dans les
titres qu’on diffuse, par exemple.
296
La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une
dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne d’Europe2
Strasbourg ?
Je pense que c’est l’inverse parce que ça bloque des groupes français qui chantent
en anglais. Les groupes français qui chantent en anglais ne sont pas considérés
dans les quotas de chansons françaises alors qu’ils sont d’origine française. Du
coup, on ne va pas les diffuser ou moins facilement. Je pense que c’est un vrai
problème pour eux. Ils ont beaucoup de concurrence de la part des groupes anglosaxons. Puis, il y a des façons de contourner les quotas, en diffusant plusieurs fois le
même titre en français par exemple. Parfois, on est obligé de faire comme ça, car il
n’y a pas assez de production française et on est obligé de remplir nos quotas, donc
on passe le même artiste français.
Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des
programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu
radiophonique ?
Oui, les radios changent de format de temps en temps. A Europe2, on a eu le son
pop, la musique des années 1990 à aujourd’hui. C’est surtout en fonction des
changements de direction, de slogans. Il y a beaucoup de raisons pour qu’une
programmation évolue mais généralement, ça se fait toujours de façon progressive
pour ne pas trop perturber les habitudes des auditeurs. Les auditeurs n’aiment pas
trop changer leurs habitudes et surtout pas leurs goûts musicaux. Ça n’empêche pas
les radios de faire évoluer leur programmation musicale. C’est le cas de Nostalgie. A
l’époque quand je travaillais là-bas, on avait rarement le droit de diffuser des titres
des années 1980 alors que maintenant, ça a changé.
Quelles sont les modalités de communication avec les responsables
promotion en radio ?
Alors en local, on a très peu de contacts avec les maisons de disques et quand ça
arrive, ça se passe par téléphone ou par mail. Les relations qu’on a avec les maisons
de disques, c’est quasiment uniquement pour caler des interviews avec des artistes
de passage dans la région ou annoncer des nouveautés, des sorties.
297
Comment caractériseriez-vous ces relations ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
On a des relations formelles par mails et par téléphone. Je pense que ce n’est pas
pareil sur Paris. Ils ont plus de contacts entre eux. Ils se connaissent mieux entre
programmateurs et maisons de disques.
Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels au
sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la
circulation des œuvres musicales ?
Je pense que la circulation des œuvres musicales n’est plus totalement dirigée par
les radios désormais. C’est plus tout à fait pareil depuis quelques temps avec le Net
qui joue quand même un rôle important dans la diffusion musicale. Il y a de plus en
plus de groupes comme Radiohead qui n’ont plus à réclamer des passages radio sur
la FM ou les web radios. La preuve, leur dernier album s’est vendu uniquement sur le
Net. Mais pour le dialogue entre diffuseurs et industriels, c’est pognon pognon ! Les
diffuseurs ne prennent plus de risques.
Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la
diffusion musicale à la radio ?
Oui, il y en a. On n’a pas les mêmes objectifs si vous voulez, avec les maisons de
disques. Nous, on doit choisir les titres qui plaisent à un maximum d’auditeurs et les
maisons de disques, elles veulent caser le plus d’artistes possibles dans les playlists.
On n’est pas toujours d’accord sur les titres qui vont marcher aussi. Donc, oui, il y a
plein d’obstacles.
Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le
contenu musical de la radio et dans quel but ?
Tous les six mois, il y a des sondages qui sont réalisés pour connaître l’audience
d’Europe2 sur Lille. Mais ces sondages servent surtout à une chose : appuyer
l’argumentation des commerciaux pour vendre de la publicité. Oui, on a des
sondages concernant la programmation musicale, ça nous permet d’ajuster la
programmation, de connaître ce qui convient aux auditeurs.
298
Quelles sont les répercutions de ces études dans la promotion des artistes et
le contenu des playlists ?
Les sondages, ça permet de savoir les titres que les auditeurs ont envie d’entendre.
S’il y a une majorité de personnes interrogées qui apprécient un titre, il reste en
playlist alors qu’au contraire, si les auditeurs jugent qu’ils en ont marre d’entendre un
titre, dans ce cas on le retire de la playlist. Les études de sondage nous permettent
d’affiner et d’ajuster la programmation musicale.
Trouvez-vous des points communs, ou au contraire des différences, avec la
diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ?
Oui, on a forcément des titres en commun avec l’ensemble des radios musicales.
C’est pareil partout. On a les mêmes contraintes en termes de rotation, de
nouveautés, de quotas. La programmation musicale varie un peu entre Skyrock et
Oui FM par exemple, mais c’est obligé d’avoir quelques titres en commun puisque,
pour les artistes, l’objectif c’est d’être diffusés en radio.
Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ?
Oui, définitivement oui ! Sauf qu’aujourd’hui, contrairement à il y a quelques années
ou les artistes n’avaient pas d’autre choix que la radio pour être connus du public, on
a de nouveaux moyens. Avec le Net, le développement de sites comme Myspace, ça
change pas mal de choses. On voit même des groupes qui ont une renommée
internationale qui se servent de ces sites. On a de nouveaux moyens de promotion
qui sont incontournables pour les artistes.
Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à Europe2 Strasbourg ?
La diversité musicale pour moi, c’est toute la musique et tous les styles. C’est
quelque chose qui est important mais ce n’est pas évident à mettre en place. Pour
Europe2, la diversité musicale reste, en ce moment, dans le rock et la pop. Alors
c’est vrai qu’il y a certains titres qui sont en programmation et on ne sait pas trop
pourquoi, parce qu’on ne sait pas vraiment dans quelle catégorie les classer. Puis
entre l’émission « Happy Rock Hours » et « Europe2 Nouvelle Scène » qui ne joue
pas toujours des artistes qui représentent une nouvelle scène, ce n’est pas évident.
C’est vrai, par exemple, des groupes comme Matmatah, Cali, etc. C’est plus
299
vraiment des nouveaux groupes. On ne prend pas trop de risques au niveau de la
programmation en les passant à l’antenne. Après, à voir ce que ça va donner pour
Virgin Radio en 2008.
Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du métier
de programmateur à la radio ?
Programmation à la demande ?
Sur le net ?
Je ne peux pas prédire l’avenir mais une chose est sûre et on voit déjà la tendance.
On va principalement devoir faire avec les radios sur le Net. Alors, est-ce que ça va
changer les choses ? Je ne suis pas sûre. On aura toujours des programmateurs et
on le voit déjà sur les web radios en ligne. Il faut bien un format, une cible et
quelqu’un pour sélectionner les titres.
300
ENTRETIEN RTL2 BORDEAUX (Durée 1h20)
Quel poste occupez-vous actuellement ?
Je suis animateur sur RTL2, responsable de la programmation, de la promotion et
des partenariats.
Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
Ça fait six ou sept mois.
Quel est votre parcours professionnel ?
En 2000, j’ai intégré la station Max FM au sein de laquelle j’ai fait de l’animation et de
la promotion. En 2004, j’étais sur Hot Radio, toujours en animation et promotion.
Vers la fin 2006, début 2007, je me suis occupé de la coordination de l’antenne de
Hot Radio. Depuis 2007, je suis sur RTL2 au service de l’animation et de la
promotion. Au niveau régional, il n’y a pas un responsable de la programmation
même si on s’occupe de la musique et que c’est une partie importante. C’est souvent
des personnes comme moi qui s’occupent de l’animation, la promotion ; et on veille à
ce que la programmation musicale fonctionne comme il se doit.
Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ?
Mon activité s’organise principalement autour de trois axes. Au niveau de l’animation,
on a des décrochages locaux entre 13h et 17h. Le CSA a obligé toute radio nationale
de catégorie C à avoir un service commercial et une animation pour les citoyens de
la ville, c'est-à-dire une programmation locale. Par exemple, je dois citer le nom de
Bordeaux dans mon discours et de façon régulière. Au niveau de la promotion, je
monte des opérations de promotion pour des évènements locaux. Je m’occupe des
dotations à offrir aux auditeurs, de faire connaître l’événement via les médias locaux,
les sponsors, la presse, les articles sur le Net, etc. C’est de la communication. Je
dois véhiculer l’image de RTL2, c’est-à-dire le logo de la radio sur les évènements de
la région, sur le plus de supports possibles, sur les concerts, etc. Au niveau de la
programmation musicale, elle se fait principalement sur Paris et de mon côté, j’anime
certains créneaux horaires et je veille essentiellement à ce que les morceaux
s’enchaînent bien, lors des décrochages régionaux.
301
Les programmations musicales de RTL2 Bordeaux correspondent-elles à une
couleur musicale précise ?
Oui, pour RTL2 la programmation musicale correspond au format pop-rock puisque
le slogan c’est « le son pop-rock des années 1980 à aujourd’hui ». Ce n’est pas une
programmation généraliste ni du hit. Ce n’est pas une programmation qui passe
l’actualité musicale puisqu’il s’agit des années 1980. Notre programmation concerne
uniquement les années 1980 à 1990.
Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à RTL2
Bordeaux ?
Pour les radios comme Hot radio, dont j’ai fait partie, on est tributaire des sociétés
comme yacast. On a tendance à diffuser les titres qui marchent bien sur les radios
nationales. En France, des radios comme NRJ font la pluie et le beau temps sur les
radios. Ce sont eux qui lancent les titres. Pour RTL2, c’est différent, c’est à Paris
qu’on s’en occupe. RTL2 ne tient pas trop compte de Yacast. Nous, on fait des
playlists qu’on rentre dans un logiciel informatique. En fait, c’est plus pour avoir des
classements de nos titres. Ça nous permet de faire des catégories au sein des
playlists. C’est un outil de travail pour programmer. Pour Hot Radio, par exemple, il y
a cinq catégories qui correspondent à un nombre de passages par jour. C’est
différent pour chaque radio.
Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la
playlist de RTL2 Bordeaux ?
Pour Hot radio, un titre doit seulement et uniquement être en playlist sur une autre
radio concurrente pour être programmé. Pour RTL2, il faut que ce soit un titre poprock des années 1980 à nos jours et que ça ne rebute pas les auditeurs. On doit
correspondre à un format d’environ trois à quatre minutes mais ce n’est pas
tellement un critère pour rentrer en playlist. En fait, on ne fait que rajouter et enlever
des titres. Un titre peut rentrer pour faire plaisir à une maison de disques. Par
exemple, une maison de disques nous dit : « J’ai U2 qui est en France pour quinze
jours. On vous propose de faire le concert avec RTL2 mais en contrepartie, vous
diffusez un autre artiste de notre maison. » Souvent, ils négocient un plus petit artiste
qui est moins connu. Ça existe souvent ce genre d’arrangement entre maisons de
disques et radios. Dans ce cas, c’est le comité de direction qui donne son avis.
302
Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la
playlist de RTL2 Bordeaux ?
On a une cellule d’écoute qui se fait uniquement par téléphone. C’est l’équipe qui
appelle les personnes pour faire écouter les titres et demander l’avis aux auditeurs.
Ce genre d’enquête permet d’affiner la programmation. Mais le principal outil de
programmation pour RTL2, ce sont les maisons de disques directement. Ouais, en
effet, RTL2 n’a pas pour but de lancer des titres. La logique n’est pas la recherche de
nouveauté. On suit un peu la tendance. Comme c’est une radio ciblée, on est dans
un moule et on ne peut pas en sortir. Pour Hot Radio c’était Yacast et le magazine
professionnel Musique Info qui sortaient les classements.
Les playlists sont-elles communes à l’ensemble du réseau RTL2 ?
Il y a un réseau, une programmation et un comité qui décident de faire rentrer un
titre. Tout est informatisé et le son ne part pas de plusieurs points mais d’un seul
point. Même lors des décrochages locaux, la programmation musicale est la même.
Il y a seulement les interventions/micro qui sont différentes. On diffuse les disques
par Paris deux fois par heures ainsi que des écrans publicitaires qui contiennent de
la publicité nationale vendue par les services commerciaux. A la fin des dix sept
secondes, on libère l’accès à l’émetteur pour Paris avec trois minutes de publicité
nationale et trois minutes de publicité locale.
Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur RTL2
Bordeaux ?
Un titre peut être diffusé jusqu’à cinq fois par jour, mais pas plus sur RTL2.
Existe-t-il des cahiers des charges pour la diffusion musicale à RTL2
Bordeaux ?
Non, on a seulement pour obligation d’enregistrer tout ce qu’on diffuse, y compris la
programmation musicale, les piges ; au cas où il y aurait un problème. Le CSA peut
nous le demander au cas où certains propos racistes aient été tenus sur nos
antennes, par exemple. Concernant les titres musicaux, ces derniers sont validés par
le CSA et la Sacem, donc généralement, il n’y a pas de problème. Ça concerne plus
les producteurs ; c’est leur problème à eux. Il y a, bien sûr, les quotas de chansons
françaises qui sont de 30 ou 40%. Sinon, c’est tout.
303
La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une
dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de RTL2
Bordeaux ?
Au niveau de la production française, vu qu’il n’y en a pas beaucoup et qu’elle n’est
pas de très bonne qualité par rapport au format RTL2, ça constitue plutôt un
handicap. Comme il n’y a pas bien de choix dans l’actualité, la radio passe des hits
anciens pour faire plaisir à la ménagère qui veut être dans le vent mais qui a besoin
d’entendre un petit Garou. Du coup, on diffuse plus de golds. Les quotas de
chansons françaises ne sont pas respectés la plupart du temps. Il existe aussi en
radio ce qu’on appelle des capsules de 30 ou 40 secondes. Ce sont des extraits
musicaux qui sont annoncés par un jingle. Ça permet de diffuser des nouveautés
françaises qui ne sont pas rentrées dans les playlists, mais ça rajoute une minute de
titre français et ça permet à la radio de rentrer dans les quotas de chansons
françaises.
Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des
programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu
radiophonique ?
A part ce qu’on entend dans les médias ou qu’on lit dans les journaux, à savoir que
le Rap est en baisse, que la musique électronique remonte et que la musique en
général est en crise à cause du téléchargement, je ne vois pas de gros changements
au niveau des programmations. Le seul gros changement, c’est peut-être la
technique. Les outils informatiques ont évolué. Avant, lorsque j’étais à Max FM, on
avait de petits logiciels. A Hot Radio, ils étaient un peu plus gros. Et aujourd’hui, on a
de bons logiciels. On a Adeuxi. C’est un logiciel de diffusion qui coûte 75 000 euros
et il est très bien pour faire du direct. Si, on peut dire qu’il y a eu une nette
amélioration au niveau du matériel. En plus, avec Adeuxi, on peut avoir quatre voix
différentes en même temps. C’est tout sur une table et on n’a pas besoin de souris
pour lancer les titres à partir d’un ordinateur par exemple. La configuration visuelle
est beaucoup mieux et c’est vraiment une autre façon de travailler.
304
Quelles sont les modalités de communication avec les responsables de
promotion en radio ?
Pour Hot radio, il s’agissait d’envoi d’albums, environ cinq à dix par jour. On n’avait
pratiquement pas de contacts avec les maisons de disques. Vous savez ça se passe
surtout à Paris, vu que la programmation est faite là-bas et que les maisons de
disques sont là-bas. C’est la proximité qui joue. Moi, je ne m’occupe pas des
relations avec les maisons de disques. Tout se passe sur Paris à cause de la crise
du disque. Avant, il y avait des bureaux en province mais depuis que les CD se
vendent plus, tout se fait à Paris. Ça coûte plus cher d’envoyer une personne que
d’envoyer des CD.
Comment caractériseriez-vous ces relations ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
En fait, tout dépend des maisons de disques, de ce qu’elles représentent. Dans
certains cas, ce sont les radios qui démarchent auprès des maisons de disques pour
des gros artistes. Dès fois, les radios « lèchent les bottes » pour avoir la diffusion
d’un artiste sur les ondes. Mais tout dépend de l’importance de la radio et de la
maison de disques, en fait. Au niveau relationnel c’est simple. On utilise en général
le tutoiement. C’est plutôt une ambiance « show-biz ». Il y a beaucoup d’ironie et du
troc : « Tu passes ça… ». C’est de la négociation, en fait.
Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels au
sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la
circulation des œuvres musicales ?
Non, je pense que les relations sont suffisantes. Il y a plusieurs organismes qui
référencent les interlocuteurs, les maisons de disques, etc. Puis, il y a les mails pour
remettre à jour le téléphone des entreprises. Puis les outils de communication
existent ; avec Internet, on peut échanger de l’image, du son. On envoie des clips,
des liens pour télécharger des titres en très bonne qualité. En plus, les liens Internet,
c’est encore moins cher que d’envoyer des CD et je pense que c’est suffisant.
305
Pensez-vous qu’il existe des obstacles, des contraintes au niveau de la
diffusion musicale à la radio ?
Bien sûr, il y a la concurrence, la production musicale. On doit sélectionner les
meilleurs des meilleurs. Ça doit correspondre à la couleur de la radio. Puis pour les
petites radios par exemple, c’est obligatoire de suivre NRJ. Pour un titre, c’est
impossible d’être diffusé si tu n’es pas passé par la case NRJ.
Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le
contenu musical de la radio et dans quel but ?
Il y a des cellules d’écoute. Mais sur RTL2, ce n’est pas super régulier par ce que
c’est très cher. Ça se fait une fois par an. En plus à RTL2, il y a rarement des titres
qui sortent mais on en rentre surtout. Bon, ils ressortent après, sauf s’ils cartonnent
grâce aux résultats de vente qui nous sont donnés par les magazines comme
Musique Info.
Quelles sont les répercutions de ces études dans la promotion des artistes et
le contenu des playlists ?
Je dirais que c’est plus les ventes qui ont une répercussion sur la promotion d’un
artiste, sur sa crédibilité. Disons qu’il y aura plus de facilité pour que le deuxième
album d’un artiste donné soit diffusé en radio s’il a de bons scores de vente, plus que
si c’est un flop, par exemple.
Trouvez-vous des points communs ou au contraire des différences avec la
diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ?
Il y a différents formats. RTL2, c’est un créneau particulier. On est directement en
concurrence avec Europe2. C’est clair au niveau des slogans. RTL2 c’est « le son
pop-rock » et pour Europe2, c’est « que du rock, que de la pop ». Au niveau des
programmations, on a 70% des titres en commun et 20% restants qui sont différents.
Après, la différence se fait sur des détails. RTL2, c’est les 25-45 ans et Europe2 les
15-35 ans. Nous, on vouvoie et Europe2 ils tutoient leurs auditeurs et les titres sont
un peu plus jeunes chez eux.
306
Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ?
Oui, puisque si Europe2 passe un titre qu’on ne diffuse pas, on va y réfléchir et on va
s’y intéresser si on voit que ça marche. Complètement d’ailleurs, même si avec
Internet, c’est un peu moins le cas aujourd’hui. Avant le Net, la radio était le seul
accès à du nouveau son. Mais la radio a quand même un impact sur les ventes et
c’est de la communication. Si tu ne diffuses pas l’information, comment veux-tu que
les gens soient informés ? Puis le bouche à oreille, ce n’est pas suffisant. La scène,
par exemple, pour un artiste, c’est long pour se faire connaître. C’est toi qui dois
démarcher les gens pour qu’ils écoutent ta musique. C’est vrai que ça peut avoir un
effet inverse mais aujourd’hui 84% des français écoutent au moins une fois par jour
la radio et c’est le seul média mobile qu’on peut écouter en voiture.
Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à RTL2 Bordeaux ?
La diversité musicale, c’est dans le style musical proprement dit, que ce soit dans le
classique ou le rock. C’est une très bonne chose, la diversité. C’est ce qu’attendent
les gens ; ça permet de spécialiser les programmations. Ça permet d’entendre de
tout. C’est une notion à prendre en compte car s’il y a de la diversité, c’est qu’il y a
une demande. Que ce soit de la musique dynamique ou calme. Par exemple, à Hot
Radio, il y avait une dizaine de styles différents. Pour les playlists il y a des genres
différents. Pour les logiciels, il y a notion de critère pour les séries musicales. Par
exemple, c’est incohérent de passer deux morceaux identiques à la suite. L’auditeur
veut entendre de tout. Sur RTL2, on a différents sons pop-rock entre l’ancien et le
nouveau, entre un morceau rapide et un morceau lent, entre un titre étranger et un
français ; et on alterne tout ça.
Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du métier
de programmateur à la radio ?
Programmation à la demande
Sur le net
Dans trois ou quatre ans, les gens pourront choisir parmi beaucoup de radios. A
terme, il y aura sûrement un impact sur les radios traditionnelles. On aura
énormément de choix entre différentes radios thématiques. L’avantage, c’est qu’on
peut voir en temps et en heure qui écoute la radio, avec la connexion Internet,
307
puisqu’on a une adresse IP. Par exemple, si au moment où on diffuse un titre et que
20% des auditeurs quittent le poste à ce moment-là, on saura alors en temps réel
que le titre qui passe ne plaît pas aux auditeurs. Ça va permettre d’affiner les
programmations plus facilement. Déjà qu’on peut presque se passer de la radio avec
l’Ipod, ça risque d’être dur pour les radios analogiques. Ça va réveiller les
programmateurs et complexifier leur métier mais ça a du bon. C’est intéressant.
308
ENTRETIEN NRJ PARIS (Durée 40 mn)
Quel poste occupez-vous actuellement ?
Je suis responsable des programmations musicales à NRJ Paris.
Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
J’occupe ce poste depuis peu, depuis octobre 2007.
Quel est votre parcours professionnel ?
Précédemment, j’étais au sein de RTL et de Fun Radio. Je suis passé chez les
concurrents pendant un certain temps, puis je suis revenu sur NRJ. J’étais
responsable de la programmation à NRJ de 2001 à 2005. Auparavant, j’ai été
pendant 2 ans sur le Mouv’ de 1998 à 2000. De 1995 à 1998 j’étais sur la Radio
Voltage. Mon parcours radio a débuté depuis 1983.
Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ?
Je m’occupe de tout ce qui a un rapport avec la musique et la programmation
musicale de la radio. C’est-à-dire le relationnel avec l’industrie du disque, les
producteurs, les tourneurs. Je m’occupe de la stratégie musicale de l’antenne. Je
sélectionne les ingrédients musicaux pour donner au final un produit cohérent.
Les programmations musicales de NRJ correspondent-elles à une couleur
musicale précise ?
Oui. Toutes les radios ont un format. Ce dernier est conçu en fonction de la cible
choisie. On établit au préalable une stratégie musicale. Pour NRJ, c’est la seule radio
musicale généraliste à destination d’un public jeunes. Cependant, nous n’excluons
pas les 30-40 ans. S’ils nous écoutent, c’est tant mieux ! Nous n’avons pas un format
musical particulier. On diffuse de tout du point de vue musical.
309
Précisément, quels sont les objectifs des playlists à NRJ ?
L’objectif des playlists est de faire passer le meilleur de la musique à nos auditeurs.
On doit avant tout satisfaire nos auditeurs. On travaille au quotidien afin de tenir
compte et de se rapprocher au plus près des goûts des auditeurs. On ne peut pas
être numéro un, si on ne fait pas ça. Bon, de ce fait, c’est sûr, on est amené à
exposer certains artistes. Bien sûr, qu’il y a un choix derrière. Certaines choses vont
se mettre en place au préalable avec les maisons de disques. Il y a un vrai choix en
amont. On n’est pas là pour surexposer un artiste mais pour faire cohabiter dans une
programmation cohérente le plus grand nombre de titres afin de cibler le plus
d’auditeurs. On essaie de faire le travail au mieux.
Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la
playlist de NRJ ?
Il n’y a aucun critère. Il n’y a pas de règle prédéfinie. Ce serait trop facile ! Rien n’est
exclu par rapport à notre format qui est généraliste. En terme de son, il arrive bien
sûr que certains sons ne correspondent pas du tout au format de la radio. C’est
surtout en rapport avec la cible à atteindre. Par exemple, on ne va pas passer du
Cabrel à un public jeunes. C’est du format Chérie FM, ça. Il n’y a pas de règle, pas
de codage. Les contenus musicaux évoluent en permanence. On vérifie si le choix
des titres est judicieux grâce à des outils marketing mais on sélectionne toujours en
amont un titre puis on vérifie.
Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la
playlist d’NRJ ?
Au début, on reçoit des projets et ces derniers ne sont connus de personne. Tout se
base sur des critères subjectifs. Chaque disque a une histoire différente.
L’information provient à 95% des maisons de disques, ce sont les titres qu’elles
défendent. Les projets nous parviennent. Certains artistes nous envoient directement
leur production mais c’est rare. Généralement, pour les productions indépendantes,
on vérifie la faisabilité du projet et la signature vient après. Il y a 5 à 10% de nos
sources d’informations qui échappent à cette règle. Ce ne sont pas toujours les
maisons de disques qui nous donnent la source de nos playlists. Je me renseigne
sur le Net, la presse spécialisée, les blogs, les forums, dans les pays voisins, dans le
310
monde entier. En fait, c’est tout ce qui suscite de l’intérêt de la part des auditeurs qui
m’intéresse. Il faut être constamment à l’écoute. Il faut être le plus ouvert possible.
Les playlists, sont-elles communes à l’ensemble du réseau NRJ ?
Oui, entièrement. Il existe bien sûr des programmes locaux mais ce sont quelques
heures de décrochage et ça concerne essentiellement tout ce qui est rédactionnel.
On ne pourrait pas concevoir une programmation musicale avec, un jour on entend
un son sur Lille et quelques heures plus tard, tu changes de ville et tu entends un
son différent. On ne peut pas avoir une couleur musicale différente dans chaque
ville. En musique il n’y a pratiquement pas de décrochage. Les seuls à quelques
exceptions près, c’est lorsqu’il y a un événement dans la ville en question, une
activité locale, une actualité particulière. Par exemple, il y a Calogero qui est en
concert sur la ville de Lyon, c’est normal que sur l’antenne NRJ à Lyon on passe plus
de titres de Calogero puisque ça a un rapport avec l’actualité.
Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur NRJ ?
Le maximum sur 24h, je dis bien 24h, on peut aller jusqu’à huit passages. On estime
que c’est suffisant. De plus, ça concerne uniquement les titres qui sont les plus
sollicités par les auditeurs. C’est donc un nombre restreint de titres sinon on ne
pourrait pas faire une programmation musicale. Ça serait inaudible d’entendre
toujours les mêmes titres. Puis c’est selon les titres. Ça peut aller jusqu’à cinq fois
par jour. Pour d’autres titres, ce sera trois fois par jour ou seulement quelques fois
par semaine. C’est variable. Ceci dépend surtout du public, de son appréciation.
Certains de nos confrères vont jusqu’à quinze fois par jour mais nous, non. On
estime que plus de huit passages sur 24h heures, ça peut avoir un effet négatif.
Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à NRJ ?
Non, nous on appelle ça un conducteur d’antenne. C’est un conducteur qui est établi
la veille pour le lendemain. Tous les titres sont positionnés. Rien n’est laissé au choix
de l’animateur. Ce dernier doit les jouer dans l’ordre établi en amont. Sinon, on a les
quotas de chansons françaises imposés par le CSA, mais c’est tout.
311
La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une
dynamique dans la sélection des titres qui passent sur les antennes de NRJ ?
Ce n’est pas une mauvaise loi en soi, mais elle ne prend pas en compte les
spécificités de chaque antenne. Par exemple, vous prenez France Inter sur une
tranche horaire disons entre 9h et 10h. Si la station diffuse 50% de quotas de
chansons d’expressions françaises, on va dire que France Inter fait beaucoup de
choses pour la diversité. Alors que si on prend NRJ sur la même tranche horaire et si
on diffuse, sur quatorze disques, quatre disques d’expression française. On aura en
fait quatre fois plus de titres francophones que France Inter, mais comme on ne sera
pas dans les pourcentages de quotas, on dira NRJ ne respecte pas les quotas. Vous
voyez ce que je veux dire ? De plus, à l’inverse on peut respecter les 40% de quotas
en diffusant en boucle quelques artistes. Je pense que la loi devrait plus insister sur
le nombre d’artistes exposés que se focaliser sur un pourcentage. Parce que ça ne
correspond à rien. C’est une fausse bonne loi. C’est beaucoup trop mathématique et
la loi ne tient pas compte de certaines choses. En plus, des fois on a des maisons de
disques qui viennent avec dix titres internationaux et un seul titre français. Ça
dépend de l’actualité et de la production. Il y a des périodes creuses. Des fois, ça
arrive qu’il n’y ait pas de production française. Dans ce cas, on fait comment pour
remplir les 40% ? On diffuse en boucle le même titre. C’est absurde mais on est bien
obligé.
Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des
programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu
radiophonique ?
Oui. C’est en perpétuel mouvement. D’abord parce que le média radio évolue en
rapport avec les autres médias. La consommation des médias évolue et celle de la
radio aussi. Donc, bien évidemment les programmations radio évoluent. Compte
tenu des autres médias, certains phénomènes se mettent en place. Le plus gros
changement que l’on peut observer ayant un impact direct sur les programmations
musicales, je pense que c’est au niveau de la rapidité de la consommation de la
musique. Avant, au début quand j’ai commencé, un gros titre avait pour exploitation
globale en moyenne 800 passages et parfois 1000. Aujourd’hui, un titre est passé à
500 passages d’exploitation globale. On a plus de titres qui dépassent les 500
passages. La durée de vie d’un titre s’est considérablement réduite. Pourquoi ? A
312
cause des différentes possibilités d’écoute. Avec l’Ipod par exemple. Avant, on
n’avait que la radio comme média pour découvrir la musique. Aujourd’hui, il y a le
téléchargement. On balance directement de la musique sur son Ipod et on fait ses
propres rotations. Ce sont des rotations qu’on ne fait plus à l’antenne. Les gens les
font eux même. Du coup, ils sont plus vite lassés d’un titre et le phénomène
s’accentue de jour en jour. Bien sûr, qu’il y a toujours eu des cycles musicaux, des
modes. Vous savez la musique c’est très cyclique, ça revient. Il y a toujours eu des
années plus rocks, plus dance mais avec l’Ipod, tout ça s’accentue et s’accélère.
Quelles sont les modalités de communication avec les responsables
promotion en radio ?
On échange beaucoup d’informations, que ce soit au niveau du service promotion,
pour les projets ou pour écouter les projets musicaux… Comme on doit
constamment établir le dialogue, on utilise l’ensemble des différents moyens de
communication qui sont à notre disposition. Le « face to face », les mails, le
téléphone, les sites Internet. On est constamment en contact. Il ne se passe pas un
jour où je ne suis pas en relation avec les maisons de disques.
Comment caractériseriez-vous ces relations ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
Alors déjà, il n’y a aucun niveau commercial. Je n’ai pas de relation commerciale. Je
ne vends rien dans ma profession. On est un pôle artistique et c’est bien distinct du
pôle marketing. On ne mélange pas les genres. On a des relations de partenaire.
Vous savez moi, je dis toujours dans le « showbizz » nous on est la partie « show ».
Le « bizz » ça concerne le pôle régie publicitaire. Il n’est aucunement question
d’argent, ça n’intervient pas dans le processus de diffusion ou dans le choix d’un
titre. Avec les maisons de disques, on a des projets et on voit ce qu’on peut faire
autour d’un artiste pour que ça marche.
313
Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels au
sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la
circulation des œuvres musicales ?
On est pas mal en contact. Ce qui est immuable c’est qu’il faut un artiste, une
chanson et un public. Après, le buzz autour d’un artiste se fait ou pas.
Pensez-vous qu’il existe des obstacles, des contraintes au niveau de la
diffusion musicale ?
Je ne pense pas qu’il y ait de réels obstacles. Comme je vous l’ai dit, il faut un artiste
et un public. Il y a des maillons au milieu, des intermédiaires. Bien sûr, les maillons
peuvent bouger. Par exemple, certains artistes sont promus à la radio et pas à la
télévision, ou inversement, ou par la presse ; ça arrive. La distribution est amenée à
évoluer. Ce ne sont que des étapes intermédiaires.
Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le
contenu musical de la radio et dans quel but ?
Oui. On cherche à se rapprocher des auditeurs. C’est un pur choix artistique. Après,
on diffuse le titre un certain nombre de fois pour que le public s’y fasse. On a un
service étude au sein de la radio qui vérifie en permanence. C’est un pôle de
recherche musicale. Je ne peux pas vous donner son nom car je ne le connais pas
et je n’ai pas le droit de le diffuser. On a un terrain qui est externe. On appelle les
auditeurs et des non auditeurs de la radio et on voit leur réaction face à des titres
puis on élabore à partir de ces données une programmation. On a l’outil marketing
« focus » également ; mais ça, ça ne concerne pas directement la programmation
musicale. Un peu, mais ça touche plus le rédactionnel. En fait, la technique consiste
à recueillir les propos d’auditeurs concernant la radio. On les enferme dans une salle
avec un maître de cérémonie qui les guide dans leur conversation puis on recueille
les propos pour les analyser ensuite. On voit comment ils perçoivent la radio.
Quelles sont les répercussions de ces études dans la politique de promotion
des artistes et le contenu des playlists ?
Lorsqu’un titre ne plaît pas on ne s’entête pas à le diffuser. On passe à autre chose.
Si l’auditeur adhère, on propose à nouveau. On répond toujours aux souhaits de
l’auditeur.
314
Trouvez-vous des points communs, ou au contraire des différences, avec la
diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ?
Non, elles sont toutes différentes. Ça arrive qu’il y ait des points en commun sur
quelques titres mais ça le fait pour quatre ou cinq titres, pas plus. Chacun a son
format, en fait. Par contre, si on regarde les radios locales, c’est différent. Là, le taux
de duplication des programmations musicales est de 60%, voire même des fois
100%. Ce type de station se calque sur les radios leaders. NRJ ; c’est le format le
plus copié en France. Lorsqu’un titre rentre sur NRJ, il rentre en même temps sur
200 ou 300 radios en France. Ben oui, les petites radios elles n’ont pas les moyens
de faire des études en interne alors elles nous font confiance. Si elles voient qu’un
titre fonctionne sur NRJ, alors elles le rentrent dans leur programmation.
Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ?
Clairement. La radio, ça reste le média par excellence pour découvrir de la musique.
Il y a bien 70% de personnes qui découvrent la musique à la radio. C’est le média qui
a la palme devant tous les autres médias. Regardez, à la télévision par exemple, au
niveau musical, c’est plutôt le désert. Ce n’est pas un média comparable en termes
de découverte.
Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous, et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à NRJ ?
C’est quelque chose qui préoccupe beaucoup la filière musicale. Ça fait depuis cinq
ans qu’il existe une instance qui s’occupe de ce genre de questions et qui scrute en
permanence. Oui, c’est l’Observatoire de la Musique ! De mon point de vue NRJ,
c’est le top 40 généraliste donc oui, on doit être diversifié ! C’est même notre
préoccupation quotidienne. Les autres radios ont un format thématique donc elles
sont bien moins diversifiées que nous. On n’a pas de quotas ni de règles, mais c’est
dans nos gènes de diffuser aussi bien du Céline Dion que du Raphaël. On ne se
pose même pas la question, la diversité fait partie des gènes de la radio.
315
Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du métier
de programmateur à la radio ?
Programmation à la demande
Sur le net
Eh bien, je dirais que je n’ai pas une boule de cristal mais vous avez raison : on
devine des évolutions. Il faudra s’adapter aux consommateurs et ce, de plus en plus.
Parce qu’aujourd’hui, on parle beaucoup de ces jeunes qui font leurs propres
programmations. Certes, c’est vrai on observe un phénomène à ce niveau. Mais tout
ceci, ça correspond à une tranche d’âge, à une période de sa vie. Ce sont des
jeunes qui ne sont pas encore dans la vie professionnelle. Après, dans la vie
quotidienne, on a relativement moins de temps à consacrer à tout ça. Les
programmateurs sont là pour faire le travail à la place des gens qui n’ont pas le
temps de lire, de s’informer des nouveautés musicales. Notre rôle est de défricher et
de proposer des choses. On n’est pas inquiet pour l’avenir de notre profession. Bien
sûr que l’on ne connaît pas les outils de demain. Certainement qu’ils permettront de
faire plus de choses de façon automatique. Mais vous savez, la musique ça reste
quelque chose d’humain, qui s’adresse à l’affectif, à la sensibilité et ça, aucune
machine ne pourra le remplacer. Il y aura toujours une étape intermédiaire et besoin
de personnes pour mettre la musique dans les machines. Là, par exemple, je vois
mon ordinateur qui est en face de moi et je me dis qu’il n’a toujours pas d’oreilles…
316
ENTRETIEN FUN RADIO PARIS (Durée 40 mn)
Quel est le poste que vous occupez actuellement ?
On est plusieurs à gérer la programmation mais on a un planning serré et je n’ai pas
beaucoup de temps pour répondre, alors posez-moi directement les questions sur la
programmation.
Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
Sans réponse.
Quel est votre parcours professionnel ?
Sans réponse.
Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ?
Sans réponse.
Les programmations musicales de Fun Radio correspondent-elles à une
couleur musicale précise ?
Oui, pour Fun Radio, on a une couleur musicale spécifique. On a notre propre son.
C’est dance, r’n’b et soul avec un certain quota de musique française. On a une
programmation qui est ouverte. On s’intéresse aux nouveautés et surtout à ce qui
intéresse les auditeurs. On est ouvert et à l’écoute de tout.
Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à Fun
Radio ?
L’objectif, c’est d’attirer le plus d’auditeurs possible, de bien enchaîner les titres afin
que les auditeurs écoutent la station un maximum de temps. C’est ça, une playlist.
Une playlist, c’est représentatif du son de la station et des artistes qu’on défend.
Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la
playlist de Fun radio ?
C’est surtout l’originalité qui prime. Un son qui nous paraît commun ne nous
intéresse pas. Il faut qu’il y ait une touche d’originalité dans un titre pour qu’il passe
317
sur Fun Radio. Il doit également convenir au format de Fun radio. C’est le format
dance et r’n’b. La durée du morceau, c’est entre deux et trois minutes parce qu’on
reçoit des versions radio Edit. Un titre plus long, ça n’existe pas de toute façon en
radio. On ne reçoit pas de titres plus longs. Du moins, c’est rare.
Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la
playlist de Fun Radio ?
En fait, les playlists ce n’est pas réellement nous qui les faisons. Bien sûr, on
sélectionne des titres puis des fois, ça arrive qu’on ne soit pas d’accord avec les
maisons de disques. Mais ce sont surtout les maisons de disques, les attachés de
presse qui envoient les disques et si c’est intéressant, on prend rendez-vous avec
eux. Souvent, ce sont eux qui harcèlent la programmation musicale. Mais on se
connaît bien ; donc, on n’a pas trop de surprises, vous savez. Ce n’est pas comme si
c’était des petits labels. On connaît un peu d’avance les produits qu’ils nous
envoient. La programmation connaît les produits par labels car on connaît les labels
depuis longtemps. Alors, c’est vrai que ça ne change rien qu’on se connaisse depuis
longtemps. Après, c’est sûr, un titre on l’apprécie ou pas. Ça peut arriver que ça ne
corresponde pas tout à fait au format de la radio. Dans ce cas, on ne prend pas.
Mais généralement, les maisons de disques nous connaissent bien donc elles savent
ce qu’elles vont nous proposer par avance.
Les playlists sont-elles communes à l’ensemble du réseau Fun radio ?
Oui, carrément. Il y a un horaire de décrochage entre 13h et 16h d’une durée de trois
heures mais sinon, tout le reste de la programmation, c’est national.
Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur Fun
radio ?
Ça dépend de ce qui est convenu avec les maisons de disques. On s’entend au
préalable avec les maisons de disques selon qu’on ait à faire à un artiste confirmé ou
pas. Ça peut être une rotation de deux à trois fois par jour jusqu’à toutes les heures.
Ça dépend encore s’il s’agit d’un titre gold ou d’une nouveauté. Une nouveauté, on la
passera plus souvent alors qu’un gold, c’est une ou deux fois par journée ; ça
dépend.
318
Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à Fun
radio ?
Non. On n’a pas un cahier des charges spécifique en interne. A part les quotas de
chansons françaises de 20 ou 30% imposés par le CSA. Après, on gère en fonction
de l’ensemble de la playlist pour qu’il y ait un son cohérent. Par exemple, on ne va
pas mettre deux morceaux lents à la suite. Ça n’a pas de sens. Il y a certaines règles
dans la programmation mais c’est surtout du bon sens.
La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une
dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de Fun
Radio ?
Souvent, on est obligé de diffuser pas mal de titres français et on préférerait plutôt
des titres anglo-saxons. Bon, c’est bien de passer des titres français. Ça fait partie
de la production nationale. Mais après, ça dépend de pleins de choses, de la
cohérence de la playlist comme je disais tout à l’heure puis de la production aussi. Il
y a certaines périodes où c’est assez plat au niveau de la production française. Ça
dépend.
Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des
programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu
radiophonique ?
Oui, il y a des tendances. Il y a des périodes où on a plus de rap parce que ça
marche bien. Puis, d’autres fois ce sera plus de la dance. En fait, c’est selon la
production qui arrive sur le marché mais aussi selon ce que les gens ont envie
d’entendre. Il y a des modes en matière d’écoute musicale. Il y a des périodes. Ça
dépend vraiment de plusieurs facteurs. Il y a un va-et-vient entre ce qui est proposé
et ce qui peut plaire. Le travail de programmateur, c’est faire ce lien entre la
production musicale et ce qui plaît aux auditeurs.
Quelles sont les modalités de communication avec les responsables
promotion en radio ?
Ça ce passe surtout par mails ou par téléphone. Ça arrive qu’on fixe des entretiens
pour discuter d’un plan de promotion mais la plupart du temps, les maisons de
disques nous envoient les disques, puis on choisit si ça rentre en playlist ou pas.
319
Comment caractériseriez-vous ces relations ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
Ben, au niveau relationnel ça se passe bien. Il n’y a rien à signaler à ce niveau-là. On
organise des concerts avec plusieurs artistes qui sont partenaires de la radio. On fait
un plan promotion avec des dotations. On fait des jeux à l’antenne et on fait gagner
aux auditeurs des CD, des voyages, des play-stations,…etc. Tout ça, c’est en accord
avec les labels tels que Sony, BMG, EMI. Souvent aussi, on propose de faire gagner
des places de concerts avec plusieurs concerts à la fois dans la même soirée. C’est
varié, tous les artistes ne viennent pas du même label et ça permet de découvrir
plusieurs artistes.
Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels au
sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la
circulation des œuvres musicales ?
Ben en fait, il y a déjà pas mal d’échanges. L’objectif c’est que chacun trouve son
intérêt. Puis, c’est dans l’ordre des choses. Nous, on diffuse et les maisons de
disques ont intérêt à faire connaître leurs artistes. Puis, si ça ne convient pas, ça ne
convient pas. On ne va pas tergiverser pendant des heures.
Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la
diffusion musicale à la radio ?
Oui, il faut une signature de label sur le disque pour qu’il passe en radio. Si on n’a
pas de label on ne passe pas à la radio. Il faut qu’il y ait un contrat. A part les gens
comme Cauet qui réalisent des parodies musicales, des chansons paillardes pour
rigoler, on ne peut pas passer des titres qui ne sont pas sur un label. Donc, oui, ça
peut constituer un obstacle pour les groupes qui n’ont pas de label.
Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le
contenu musical de la radio et dans quel but ?
Oui, il y a l’institut Médiapanel que vous connaissez et on a Médiamétrie qui réalise
des études sur un panel de 70 000 auditeurs. C’est un classement qui nous permet
de connaître le rang de la radio par rapport aux autres radios. Que se soit les radios
320
généralistes ou thématiques. Pour Fun Radio, on a gagné 1 million d’auditeurs sur
un an et ce n’est pas rien ! Vous pouvez aller voir sur le site de Médiamétrie regarder
les sondages de décembre. On touche toutes les tranches d’âge. Ceci est
principalement dû à la programmation musicale et aux dotations. On passe
beaucoup de nouveautés et on fait gagner des voyages. Dernièrement, il y avait une
opération de promotion avec une voiture par jour à faire gagner puis un tirage au sort
pour gagner la possibilité que Fun radio paie les factures des gens pendant un an.
En fait là, la radio se transforme un peu comme un service. Toutes ces opérations de
promotion, ça permet d’augmenter l’audience. Les gens écoutent et ils appellent pour
gagner aux jeux. Dernièrement aussi, on faisait une présélection de DJ. Les jeunes
DJ peu connus pouvaient participer et remporter un prix et se faire connaître du
grand public.
Quelles sont les répercussions de ces études dans la politique de promotion
des artistes et le contenu des playlists ?
Les sondages, ça nous permet de nous situer, de connaître ce que les gens on envie
d’écouter. Selon les résultats, on réajuste nos programmations pour correspondre
aux attentes du plus grand nombre, à ce que veulent les auditeurs, à ce qu’ils
attendent.
Trouvez-vous des points communs, ou au contraire des différences, avec la
diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ?
Euh…sur Fun Radio, c’est une programmation plutôt rap avec le slogan « C’est
planète rap », d’ailleurs. Pour NRJ, c’est plutôt les hits, tous formats confondus.
Nous, on a aussi un format dance et r’n’b. Ouais, ça peut arriver que l’on retrouve
quelques morceaux en commun mais nos programmations sont quand même
différentes puisqu’on a des formats à respecter.
Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ?
Oui et non. Par exemple, Fun Radio a lancé le groupe Cap Corneille. On a été les
premiers à le passer donc oui, forcément, il a commencé à se faire connaître. C’était
un artiste Fun radio et on l’a lancé, en quelque sorte. Mais parfois, ça ne marche
pas. Ça arrive. On sait pas pourquoi mais c’est comme ça. Il n’y a pas de règle pour
le succès d’un artiste. C’est selon les modes, puis ça dépend. Il y a plein de critères
321
qui entrent en jeux et si les auditeurs n’aiment pas, c’est comme ça. Dans ce cas, on
oublie l’artiste tout de suite. Ce n’est pas la peine.
Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à Fun radio ?
Je ne comprends pas trop votre question en fait. Nous, on passe du Bob Sinclair, du
Leslie, du Yelle, du Robin, du Mondoteq, du Post Daddy et ça marche bien. C’est un
mélange, en fait, entre des titres anciens et des nouveautés. Ouais, voilà ; c’est ça,
la diversité pour Fun radio. On donne la priorité aux nouveautés parce qu’il y a la
possibilité de faire gagner des choses pour les auditeurs. On privilégie l’auditeur.
C’est ça, la diversité. Après, de là à donner une définition…
Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du métier
de programmateur à la radio ?
Programmation à la demande ?
Sur le net ?
Je ne sais pas trop. C’est assez difficile de prévoir exactement comment ça va se
passer. On voit un peu comment ça se profil déjà. C’est sûr, du fait qu’il existe des
blogs sur Internet, ça change la donne. Ça change pas mal de choses. Puis, ça va
changer pas mal de choses pour les métiers de la programmation. Mais comment ça
va évoluer exactement, je ne sais pas. En fait, je pense que peut-être qu’à l’avenir on
aura plus une programmation à la demande. En fait, se sera plus ciblé selon les
goûts des auditeurs. On sera encore plus proche des auditeurs et de ce qu’ils auront
envie d’entendre. Mais c’est sûr que le Net, ça va changer beaucoup de choses.
322
ENTRETIEN SKYROCK PARIS (Durée 58 mn)
Quel est le poste que vous occupez actuellement ?
Je suis directeur général des programmes.
Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
Depuis la création de la radio en 1986.
Quel est votre parcours professionnel ?
J’ai été animateur à la Voie du Lézard qui est l’ancêtre de Skyrock. Ensuite, j’ai été
responsable de la programmation puis responsable de la recherche musicale. Je
suis resté un temps au département étude musicale et je suis actuellement directeur
général de la programmation à Skyrock Paris.
Pourriez-vous décrire votre activité au sein de la radio ?
Je m’occupe de l’ensemble de la programmation de l’antenne mais plus
spécifiquement de la programmation musicale. Je suis également chargé de la
rédaction du magazine Planète Rap. C’est moi qui m’occupe des accords passés
entre France 4 et Planète Rap. Nous sommes en co-production avec le stade de
France « Urban stade 2 » et je gère en même temps, je ne sais pas si vous écoutez,
en ce moment on fait un jeu à l’antenne « Skyroulette ». Je gère les dotations des
jeux. Je supervise la régie musicale.
Les programmations musicales de Skyrock correspondent-elles à une couleur
musicale précise ?
Oui. On a un format axé sur le rap et le r’n’b. L’audience de la radio représente 4
millions d’auditeurs de plus de 13 ans. En gros, la structure de notre audience, c’est
40% des moins de 20 ans, 20% des 20-25 ans et 20% des 45-49 ans. La stratégie
du groupe, c’est purement les moins de 25 ans. On est la première radio française
des moins de 25 ans.
323
Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à
Skyrock ?
Il faut plaire au plus grand nombre et fidéliser l’auditoire. Chacun a son métier avec
des objectifs différents. Pour les producteurs, l’objectif c’est d’exposer leurs artistes
afin de vendre des disques. Nous, c’est différent ; ce n’est pas les artistes qui font la
radio, qui représentent la radio. C’est nous qui défendons leur travail. Donc oui, la
playlist ça permet de montrer une sélection. C’est un choix. Ce sont des disques que
j’écoute et je fais le pari sur ces disques-là.
Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la
playlist de Skyrock ?
Il n’y a pas de critères précis. C’est en fonction des goûts des auditeurs, selon
l’audience. Les gens sont libres d’écouter une radio s’ils aiment la programmation ou
de changer de station si la musique ne leur plaît pas. On a une batterie d’étude avec
douze ou quinze personnes qui travaillent, qui font des sondages toutes les
semaines. C’est un peu notre rétroviseur. Nous, on conduit et les sondages nous
permettent de regarder dans le rétroviseur. On a un choix artistique en amont, c’est
au feeling. J’écoute les albums. Je fais des choix et je sens ce qui peut plaire au plus
grand nombre. Après on peut se tromper, vous savez, ça arrive !
Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la
playlist de Skyrock ?
Ce sont principalement les maisons de disques. On surveille l’actualité musicale, la
sortie des disques internationaux, Internet avec notamment les Skyblogs mais là, le
tracé est difficile à vérifier. Effectivement, certaines personnes ont intérêt à gonfler le
nombre de passages sur le site pour m’influencer pour que je programme les titres à
l’antenne. C’est sûr, les artistes qui passent à l’antenne sont plus contents que s’ils
ne passent pas. Il y a beaucoup d’artistes qui disent qu’ils s’en foutent et certains
discours du genre, on s’en fout de pas passer à la radio. Mais la vérité, c’est que tout
le monde aimerait bien passer à la radio. Il y a beaucoup d’artistes qui se présentent
et très peu d’élus. En tout, c’est trente cinq titres, donc on ne peut pas passer tout le
monde. Sur un laps de temps plus grand on a une plus grande liberté de
programmation. La playlist c’est plus court, c’est différent des émissions.
324
Les playlists sont-elles communes à l’ensemble du réseau Skyrock ?
Entièrement. Skyrock c’est une radio nationale donc on a globalement le même
format. Puis vous savez, il y en a presque plus, des décrochages locaux. L’intégralité
de la programmation est faite par nous. Sur Paris …euh…non, ça a une connotation
péjorative de dire « la programmation se fait sur Paris ». C’est moi qui m’occupe de
la programmation. La programmation musicale pourrait se faire n’importe où,
d’autant que j’aime bien, je préfère même…euh…je serais plus du Sud moi, vous
savez.
Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur
Skyrock ?
Sur Skyrock, un titre peut être diffusé…en fait, on parle de rotation et ces dernières
sont faites en fonction de la durée d’écoute. Non, je le précise parce que vous savez,
c’est une tradition française de critiquer. On entend dire « Ouais, vous passez pas de
diversité, vous passez en boucle les mêmes titres ». Mais ce qu’il faut prendre en
compte, ce n’est pas le nombre de fois qu’on passe le titre par jour mais la totalité du
temps d’écoute par personne. Sur 24h, évidemment ça paraît beaucoup ; nos titres,
on les diffuse toutes les 2h, donc ça peut aller pour une rotation maximale jusqu’à dix
passages par jour. Mais si on prend la moyenne d’écoute d’un auditeur qui est
d’1h30, car c’est lui qui nous intéresse, ça lui fait entendre son titre préféré une seule
fois par jour. Ce n’est pas énorme. La radio est faite pour l’auditeur et aucun auditeur
n’écoute la radio 24h sur 24h. Vous comprenez ? C’est sur la durée qu’on peut
observer une grille de rotation. Sur un temps long, la rotation est plus espacée. Donc
les gens ils critiquent…enfin, de toute façon en France, on aime bien critiquer puis on
aime bien les émissions qui ne marchent pas parce que ça fait bien ! Dans la rue, les
gens te diront tous qu’Arte c’est la meilleure chaîne et que Thalassa c’est une
émission super mais quand tu regardes les chiffres, personne n’est devant son petit
écran pour les regarder. Mais ça fait bien de critiquer, ça fait intellectuel. J’ai rien
contre la critique, c’est constructif. Mais bon, c’est un fait, c’est un constat : en
France on aime bien critiquer.
325
Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à
Skyrock ?
Il existe la loi sur les quotas de chansons françaises dont j’ai parlé tout à l’heure. Sur
Skyrock, on passe 45% de chansons d’expression française et entre 38% et 40% de
nouvelles productions.
La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une
dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de Skyrock ?
La loi sur les quotas a protégé la chanson d’expression française. C’est important de
le noter. Ce n’est pas les chansons d’origine française mais d’expression française,
et c’est une bonne chose pour la programmation et pour le travail de programmateur,
ça a simplifié des choses. C’est plus compliqué de travailler avec la production
française qu’avec la production internationale. La part du programmateur est
beaucoup plus grande. Il a plus de responsabilités. Concernant la programmation
des titres internationaux, on a les classements des pays étrangers. Alors que pour la
programmation française, c’est nous qui faisons découvrir les artistes. Les titres
français sont tributaires des médias français.
Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des
programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu
radiophonique ?
Il y a toujours des évolutions ! En ce moment, on a le courant dance qui a fait
remonter la radio. On a eu le retour des anglais avec des groupes comme Mika.
Chaque année il y a des tendances. Depuis deux ou trois ans, il y a un attrait pour
les nouveaux artistes qui sortent leurs premiers albums. Ce sont des tendances qui
proviennent du public. Nos métiers ne sont jamais statiques. C’est toujours en
perpétuel mouvement et nous devons anticiper sans trop anticiper. Il faut savoir
prendre le train au bon moment. C’est la notion de timing qui est très importante pour
les métiers artistiques comme les nôtres. Il n’y a rien de mathématique ou des règles
quelconques. C’est tangible. C’est à l’image de la chanson de Jean Gabin. Tout est
tangible. C’est un peu comme une équipe de football. Sauf que nous, on a une
équipe d’artistes et on essaie de gagner avec eux. On vit nos morceaux. La musique,
c’est au feeling. La musique, c’est de l’émotion. On fait des paris sur certains
musiciens et souvent l’audience est au rendez-vous. Nous, notre succès est sur
326
quatre millions d’auditeurs, de personnes. C’est beaucoup plus important que les
succès des maisons de disques. Un disque qui marche, ça fait un succès sur une
minorité. On vit chaque semaine avec nos résultats.
Quelles sont les modalités de communication avec les responsables
promotion en radio ?
C’est un métier de dialogue où on est sans arrêt en train d’expliquer nos choix. Ça
fait 22 ans que je suis dans le métier et j’ai grandi avec eux. Ce sont de vieux
copains depuis 20 ans. C’est un métier de personnes, c’est humain. Les enjeux sont
considérables mais c’est très humain. Les métiers de la musique, c’est de l’humain.
Comment caractériseriez-vous ces relations ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
Au niveau relationnel c’est une ambiance amicale et professionnelle. On a des
objectifs différents, des logiques différentes. Chacun doit s’entendre. Parfois on
s’engueule très fort. Ça arrive, mais vous savez, on parle toujours des maisons de
disques comme si c’était de grandes entreprises mais en France, ce sont de toutes
petites entités. C’est tout petit. C’est de l’artisanat. Au niveau commercial et politique
éditoriale, c’est simple, les maisons de disques elles ciblent le plus de médias
possible pour la visibilité de leurs artistes. Une maison de disques a intérêt à ce que
ces artistes soient diffusés sur un maximum de radios, sur toutes les radios. Alors
que nous, on a intérêt à avoir l’exclusivité. Il faut que l’auditeur trouve une spécificité
qu’il ne trouvera pas sur une autre antenne. Ce sont deux objectifs divergents, mais
on s’entend. On arrive à négocier.
Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels au
sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la
circulation des œuvres musicales ?
Non, rien de tout ça. Les échanges, l’information, ça se passe très bien. Encore une
fois, c’est de l’émotion. Je choisis si j’aime un morceau ou pas. Le public veut une
grande diversité mais il en plébiscite très peu. Demandez à des personnes dans la
rue de vous citer trente artistes. Très peu peuvent le faire. C’est ce que je dis au
327
gens, moi, et souvent ils n’arrivent pas à me citer plus que quelques artistes.
J’écoute et je choisis. C’est une prise de risque. C’est un parti pris. Un point de vue
sur la programmation.
Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la
diffusion musicale à la radio ?
Il y a les quotas de chansons d’expression française, mais on est libre. On doit avoir
des résultats mais c’est le métier. C’est notre métier. L’objectif c’est d’être la
première radio de France et qu’elle le demeure. C’est un métier passionnant vous
savez. Je me fixe des résultats. Ça fait vingt deux ans que je travaille pour Skyrock
et je ne me suis jamais ennuyé.
Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le
contenu musical de la radio et dans quel but ?
On a un pôle interne à Skyrock. Non, je ne peux pas vous communiquer le nom de
ce pôle parce que lorsqu’on réalise les enquêtes, on ne se présente pas. C’est
confidentiel. Vous comprenez ? Sinon les résultats seraient biaisés. Si on dit « on est
Skyrock », les gens vont répondre de façon moins objective à nos questions. On
cherche toujours à paraître sous son meilleur angle. C’est ce que je fais moi quand je
vous parle. C’est humain. C’est normal. Donc, on préfère ne pas se présenter sous le
nom du pôle de recherche pour obtenir des résultats plus justes, plus spontanés.
Ces études ont pour objectif de connaître l’avis du public, de la majorité. Ça nous
permet de surveiller si nos choix musicaux sont judicieux. S’ils sont validés ou pas.
Les risques que l’on prend ou pas à faire connaître un titre, nous permettent d’avoir
un lien avec le public. On a le standard, les SMS ; mais ça ne représente pas
l’ensemble des personnes. Ce n’est pas la majorité. La majorité est silencieuse et la
recherche musicale permet de savoir ce que pense la majorité.
Quelles sont les répercussions de ces études dans la politique de promotion
des artistes et le contenu des playlists ?
Comme je disais, c’est un rétroviseur. Chaque semaine, on a une programmation
différente. Oui, il y a des critères tels que le nombre de passage, les entrées en
playlists. La recherche, ça nous permet un réajustement. Ça nous confirme nos
choix. C’est nécessaire, un point c’est tout.
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Trouvez-vous des points communs, ou au contraire, des différences avec la
diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ?
Chacun a un format différent. On est arrivé à une maturité aujourd’hui. Pendant très
longtemps NRJ était la première radio de France, donc tout le monde se calquait sur
la programmation de NRJ. Tout le monde prenait modèle. Aujourd’hui, chacun a une
identité propre et cherche à avoir sa programmation contrairement à ce que
souhaiteraient les maisons de disques. Elles voudraient que leurs artistes passent
sur toutes les radios. Chacun a son univers. On a un paysage clair aujourd’hui.
Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ?
Ce n’est pas à moi qu’il faut demander ça mais plutôt aux maisons de disques. Mais
oui, la radio est capitale. La majorité des artistes ne sont pas connus avant de passer
à la radio. La radio a toujours une fonction de découverte. C’est différent sur
Nostalgie où là on rachète sa jeunesse. Quand je parle avec des amis, je parle des
groupes qui nous plaisaient lorsqu’on était jeune et avec la programmation de
Skyrock je parle avec leurs enfants, sur leurs goûts actuels. Comme ça, je m’adresse
à toutes les générations. La musique, ça marque les gens entre 15 et 22 ans. Il y a
une tranche d’âge où on est très concerné par la musique. Après, on recherche
toujours les groupes qui nous ont marqués.
Qu’est-ce que la « diversité musicale » pour vous, et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à Skyrock ?
Nous, on fait du rap et du r’n’b. La diversité ce n’est pas en interne mais en externe
qu’il faut aller la chercher. C’est l’ensemble des stations qui font la richesse de la
bande FM. La diversité, elle est sur la bande FM. Ma logique de programmation,
c’est « Je dois offrir aujourd’hui les trente-cinq titres les meilleurs du moment ».
Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du métier
de programmateur à la radio ?
Programmation à la demande ?
Sur le net ?
Aujourd’hui, on peut découvrir de la musique via Internet, sur des blogs et différents
sites. Mais pour que les gens disent ce qu’ils ont envie d’entendre, il faut qu’il y ait
quelqu’un qui propose, qui sélectionne les disques. Il y aura toujours besoin de
329
personnes pour faire le travail de défrichement, pour dire « Je pense que cet artistelà va fonctionner ». La programmation va évoluer mais la radio jouera toujours son
rôle de découverte. Il y aura des techniques différentes, de nouveaux outils, de
nouvelles façon de programmer mais le fond du métier restera toujours le même. On
pose le disque sur une platine et on écoute puis on choisit et on le fait découvrir au
grand public. Vous savez, il y a une chose à laquelle on est habitué à faire attention
dans ce métier. C’est qu’il y a une grande différence entre ce que les gens disent et
ce qu’ils font réellement. Entre ce qu’on dit aimer écouter et ce qu’on écoute
réellement. Par exemple, en France on dit aimer les groupes internationaux, mais en
fait on préfère de très loin les groupes français car on a une plus grande proximité au
niveau de la langue, du sens. On est plus touché par les paroles. Alors qu’avec les
artistes internationaux, on est sûrement moins dur avec eux puisqu’on ne comprend
pas toujours les paroles mais on n’a pas la même démarche, pas la même approche
vis-à-vis de ces groupes. La programmation, c’est ça. C’est être capable de voir ces
choses-là et ça, seul le programmateur, c'est-à-dire une seule personne peut le faire.
Le métier de programmation, c’est un métier de l’ordre de l’humain et vous savez, on
apprend beaucoup sur soi-même aussi.
330
ENTRETIEN VIRGIN RADIO PARIS (Durée 53 mn)
Quel est le poste que vous occupez actuellement ?
J’occupe le poste de directeur des programmations musicales à Virgin Radio Paris.
Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
J’occupe ce poste depuis octobre 2005. Ça fait donc à peu près quatre ans, quatre
ans et demi.
Quel est votre parcours professionnel ?
Je viens du milieu de la Télévision, à la base. J’ai travaillé en télévision à MCM en
1994. J’ai commencé comme stagiaire. Je m’occupais de la production, du montage,
de la programmation, du choix des invités…C’était l’époque où on faisait un peu tout.
Je participais à toutes les étapes d’une émission. Ensuite, j’ai créé une émission
intitulée « Hit MCM », puis j’ai fait une émission sur le rap, puis l’émission intitulée
« L’intégrale ». Je m’occupais des artistes, des interviews. Je synthétise de façon
rapide car ça a pris douze ans de ma vie, tout ça. J’étais plutôt dans la black music
plus que dans le rock. Ensuite, vous connaissez l’histoire : Lagardère a racheté
Virgin Radio et MCM. C’est Christophe Sabot le responsable qui m’a demandé si la
direction de la programmation de la radio, ça me disait et je suis à Virgin Radio
aujourd’hui.
Pourriez-vous décrire votre activité au sein de Virgin Radio ?
En résumé, je choisis les musiques qui vont être diffusées à l’antenne. Mon travail
consiste dans l’élaboration d’un format, d’une stratégie musicale. Je programme le
logiciel Selector dont la plupart des radios sont équipées aujourd’hui. Je travaille
avec une programmatrice et une assistante de programmation. Mes interlocuteurs
privilégiés sont les maisons de disques. On gère l’antenne au jour-le-jour et c’est un
travail collectif avec de nombreuses vérifications.
331
Les programmations musicales de Virgin Radio correspondent-elles à une
couleur musicale précise ?
Oui, on a une ligne qui est clairement annoncée. La ligne éditoriale correspond au
« claim » actuel de la radio : « rock star music ». Quand je suis arrivé dans la radio,
c’était « ma musique de 1990 à demain » ; ce qui ne voulait rien dire, d’ailleurs. Mais
aujourd’hui, c’est plus un esprit rock. On ne va pas passer du R’n’B, du rap ou de la
musique black, par exemple. On doit diffuser des titres qui correspondent à un format
pop-rock. Alors c’est vrai que c’est subjectif. Ça va de l’appréciation de chacun.
Parfois il faut s’ouvrir. Il y a certains titres sur lesquels on hésite. On ne sait pas
comment on fait, jusqu’où on peut aller dans la programmation. Surtout que le rock
français a évolué, donc on doit s’adapter. C’est un réajustement de la couleur
musicale, de la ligne éditoriale en fonction aussi de l’évolution de la scène musicale.
On a une ligne, une grande tendance musicale mais ce n’est pas figé, c’est évolutif.
Précisément, quel est le rôle et quels sont les objectifs des playlists à Virgin
Radio ?
La playlist, c’est ce qui fait tourner l’antenne, c’est le contenu. On fait des choix, c’est
certain ; mais c’est les titres musicaux du moment. On a des golds (des titres
anciens) et des nouveautés. La playlist, c’est les nouveautés dans le respect du
contrat, du format déposé auprès du CSA. Alors c’est vrai que la playlist, elle est plus
ou moins importante pour les radios. Pour Nostalgie par exemple, ça n’a pas grand
intérêt
puisque c’est une radio de format gold (titres de plus de trois ans
d’ancienneté). Du coup, il n’y a pas de nouveautés. Chez nous à Virgin, on a 30% de
gold et 70% de nouveautés.
Quels sont les critères de sélection d’un titre musical pour qu’il rentre dans la
playlist de Virgin Radio ?
Il n’y a pas de règles préétablies. Il faut que les morceaux rentrent dans le format et
qu’ils plaisent à un maximum d’auditeurs. Alors bien-sûr, il y a quelques règles de
base comme les règles de déontologie. On est un média donc on a un rôle social. On
ne peut pas diffuser n’importe quoi, des paroles violentes etc.…Puis, bien-sûr, vous
avez la durée des morceaux. Au delà de quatre minutes c’est trop long, mais ça peut
arriver que l’on diffuse des morceaux plus longs, mais c’est plus rare.
332
Quelles sont vos sources d’informations, en règle générale, pour concevoir la
playlist de Virgin Radio?
On me propose beaucoup de musique. Je reçois énormément d’albums,
d’informations, de presses, de mails…etc. Je suis constamment submergé par
l’information musicale. Puis je m’informe. Je regarde beaucoup les sites de ventes
d’albums en France, à l’étranger, les ventes sur Internet, mais également ce que font
les autres radios, les concurrents. Il y a aussi le SNEP qui publie régulièrement des
chiffres. L’objectif, c’est de bien connaître son public et de se baser sur son intuition.
Il n’y a rien de mathématique. On se base à la fois sur des éléments précis et sur
notre intuition. Il y a une grosse part de feeling.
Les playlists sont-elles communes à l’ensemble du réseau Virgin Radio ?
Oui. On fait la programmation pour la journée à Paris, et en région vous avez des
animateurs qui prennent la main avec des décrochages. En régional, c’est
impossible de modifier la playlist. On a besoin d’une playlist commune à l’ensemble
du réseau pour un minimum de cohérence.
Sur une journée, combien de fois un titre musical peut-il être diffusé sur Virgin
Radio ?
Ça dépend du cycle de vie d’un titre. Il y a plusieurs catégories et selon la catégorie
à laquelle appartient un titre, il sera en plus ou moins grande rotation à l’antenne.
Selon qu’il s’agit d’un nouveau titre par exemple, ça peut aller de deux fois par jour,
jusqu’à dix fois par jour pour un titre un peu moins récent.
Existe-t-il des cahiers des charges concernant la diffusion musicale à Virgin
Radio ?
En interne, on ne se met pas nous-mêmes des contraintes. On a juste les contraintes
en provenance du CSA avec les 40% de chansons françaises.
La loi sur les quotas de chansons d’expression française constitue-t-elle une
dynamique pour la sélection des titres qui passent sur l’antenne de Virgin
Radio ?
La loi sur les quotas, c’est une obligation, pas une dynamique. S’il n’y avait pas les
quotas, c’est vrai qu’il n’y aurait pas ou presque plus de titres de production française
333
sur les antennes. En fait, c’est 40% de titres chantés en français parce qu’un groupe
peut être français et chanter en anglais par exemple et dans ce cas ça ne rentre pas
dans les quotas. Il faut qu’ils chantent en français. Je pense que les quotas, c’est
une bonne chose. La production interne à un pays est obligatoirement importante. En
programmation, on a un nombre de place pour les titres étrangers et un nombre de
place pour les titres français. En plus, c’est vrai que pour les maisons de disques par
exemple, c’est plus avantageux. La production française ça rapporte plus. Ben oui, tu
prends Capitol, par exemple. C’est plus intéressant pour elle de vendre un groupe
français comme « M » parce qu’au moins, c’est de l’argent qui reste en France.
Avez-vous constaté une évolution ou des tendances au niveau des
programmations musicales depuis que vous travaillez dans le milieu
radiophonique ?
En programmation, on se remet en cause chaque semaine. C’est une constante
remise en cause. On peut se tromper, ça arrive. Mais je pense que c’est plus au
niveau de la musique qu’il y a des évolutions. Vous me direz programmation et
musique c’est un peu la même chose. Quand je suis arrivé dans la radio, on avait
une programmation très rock sur l’étranger avec des groupes comme Green Day,
Placebo etc.… Aujourd’hui on a une ouverture d’esprit. On a réussit à développer
des artistes qui ont un son rock mais des gens de la nouvelle scène française. Il y a
certains artistes qui passaient pas avant et c’est rentré dans les mœurs. On a
poussé pas mal de chansons françaises dès la fin des années 1990 et on a participé
à l’introduction de la variété française sur l’antenne. L’introduction de la production
musicale des artistes issus de la nouvelle chanson française a permis d’introduire
ces artistes sur un grand nombre de radios jeunes. D’ailleurs, ça pose des
problèmes aux radios de format adultes comme Chérie FM et aux autres, car c’était
plutôt leur format à eux, les artistes français, avant. Du coup, ils ne savent plus trop
où se positionner.
Quelles sont les modalités de communication avec les responsables
promotion en radio ?
On utilise les mails, le téléphone. On a des rendez-vous un peu comme n’importe
quelle relation. Oui, on a aussi la mise à disposition de titres musicaux sur des sites.
334
Ça se fait mais c’est loin d’être la révolution annoncée. On continue quand même de
façon traditionnelle par rendez-vous et par mails.
Comment caractériseriez-vous ces relations ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
Je ne vois pas trop où vous voulez en venir. Je ne comprends pas ce que vous
chercher ? On a de bonnes relations. Tout se passe bien. Vous savez, Virgin Radio
c’est une radio importante. Alors les maisons de disques, ce sont elles qui font la
démarche de venir nous chercher. Elles ont tout intérêt à ce qu’on diffuse les artistes
qu’elles ont signé.
Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels au
sein de la filière musicale afin d’améliorer l’échange d’informations et la
circulation des œuvres musicales ?
En fait, on fonctionne d’un point de vue de l’offre et de la demande. On a tout qui
nous est fourni. On est beaucoup sollicité, donc il y a une très bonne circulation de
l’information.
Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la
diffusion musicale à la radio ?
Par définition, ce n’est pas à moi de faire un procès de l’ensemble des
professionnels de la programmation. Virgin Radio a développé de nombreux artistes.
On peut pas faire tout et n’importe quoi. On a des partenariats avec des maisons de
disques et en ce moment, les maisons de disques n’ont pas beaucoup d’argent donc
c’est vrai, c’est un peu plus difficile pour obtenir des opérations de promotion. Du
coup, c’est moins facile pour faire de la promotion. C’est plus facile quand on a des
voyages à faire gagner, des « live » (concerts en direct) qui permettent de faire un
« buzz » autour de l’artiste. De ce point de vue-là, c’est un peu plus compliqué
aujourd’hui.
335
Réalisez-vous régulièrement des sondages auprès de vos auditeurs sur le
contenu musical de la radio et dans quel but ?
On effectue des sondages tous les trois mois concernant les audiences et on
effectue aussi des tests sur les morceaux musicaux toutes les semaines. Ça nous
permet d’orienter la programmation, d’accélérer la rotation d’un titre ou contraire de
la diminuer parce que les gens en ont marre. On croise l’ensemble des informations
qu’on a, puis on met l’ensemble de ces résultats dans la playlist.
Quelles sont les répercussions de ces études dans la politique de promotion
des artistes et le contenu des playlists ?
Les tests nous permettent de classer les différents titres dans des catégories et de
construire la playlist. Par exemple, pour la catégorie A, ce sera les titres en forte
rotation. Pour la catégorie B, les nouveautés en rotation moyenne et en C, les titres
très nouveaux qui seront en moindre rotation. Oui, les titres tout nouveaux sont en
faible rotation parce que par définition, un titre musical que les gens ne connaissent
pas fait fuir les audiences. Les gens zappent. Les tests ont un impact direct sur les
playlists. C’est un outil qui nous permet de réajuster la playlist aux goûts des
auditeurs. En fonction de ce qu’ils ont envie d’entendre ou pas.
Trouvez-vous des points communs, ou au contraire des différences, avec la
diffusion musicale des autres radios musicales commerciales ?
En fait, ça dépend des formats. Si vous prenez Skyrock, on n’a jamais de titres en
commun puisque leur format c’est rap et R’n’B. ça peut arriver mais c’est quand
même rare. Avec NRJ on a des titres en commun puisqu’eux leurs formats, « des
hits », ça veut tout dire. Ça correspond un peu à tous les styles confondus. Tout est
fonction des différents formats.
Selon vous, la radio contribue-t-elle au succès d’un artiste ?
Oui, car c’est une exposition énorme pour un titre. La radio, c’est le média par
excellence. Non, à la Télévision ce n’est pas les mêmes audiences puis compte tenu
du paysage musical qui est un vrai désert, puis ce n’est pas les mêmes audiences
que les radios musicales. Les gens qui écoutent la radio veulent entendre de la
musique. Puis le Net, pareil ; ce n’est pas encore structuré. Pour la radio, tu as
encore huit personnes sur dix qui allument leur poste tous les jours. C’est un média
336
très puissant avec de fortes audiences. C’est une sacrée fenêtre de visibilité pour un
artiste.
Qu’est ce que la « diversité musicale » pour vous, et quels termes utiliseriezvous si vous deviez donner une définition propre à Virgin Radio ?
Oui, la diversité c’est quelque chose qui nous intéresse et qu’on essaie de respecter.
C’est le respect d’un certain équilibre dans l’intensité des morceaux, plus ou moins
bruyants, des voix féminines et masculines, du rock et du folk, mais aussi au niveau
du tempo, qu’il s’agisse de morceaux lents ou de morceaux rapides. C’est beaucoup
de choses à prendre en considération.
Comment envisagez-vous l’avenir des programmations musicales et du métier
de programmateur à la radio ?
Programmation à la demande ?
Sur le net ?
Les radios du web vont se développer de plus en plus mais la radio a encore de
belles années devant elle. Ce sera sûrement de plus en plus dur par rapport aux
années 1980 et 1990. On voit bien que les audiences baissent régulièrement mais
on a encore de la marge. Depuis que je suis arrivé à la radio, il me semble que l’offre
est de plus en plus énorme. Peut-être que ça se passera moins avec les maisons de
disques dans les années à venir parce qu’on aura de plus en plus d’informations sur
le Net. Les artistes viendront plus directement avec les sites Internet. Ça se fait déjà
avec Myspace et d’autres sites où les artistes se font découvrir comme ça. Je pense
qu’on aura peut-être moins d’intermédiaires. Mais de toute façon, ça paraît peut-être
prétentieux de dire ça, mais on aura toujours besoin de personnes qui ont un peu
d’oreille, qui connaissent la musique et qui sont capables de créer un flux cohérent.
Vu qu’il y a une production musicale énorme, on aura toujours besoin de
connaissances musicales et de connaissances des règles de base de rotation et de
diffusion des titres.
337
Entretiens semi directifs à destination des responsables promotion et/ou des
attachés de presse de EMI, Sonymusic, Polydor, Jarring Effect Label, Les
Disques Aliénor et Néomme.
338
ENTRETIEN EMI PARIS (Durée 60 mn)
Quel est le poste que vous occupez actuellement ?
Je suis responsable radio pour le groupe EMI. C’est un gros label indépendant. On a
tendance à parler de major mais c’est plutôt un gros label indépendant. EMI
comprend des sous labels. Il y a Virgin, Austin, Labels, Capitol, Note. Après, il y a
plusieurs éléments à l’intérieur de EMI. Tu as EMI classique, EMI spécial marketing
qui fait de la promotion, qui s’occupe des compilations, des albums en réédition
etc.…Moi, mon job c’est uniquement le relationnel avec les radios. Je m’occupe des
passages radio et de la programmation des artistes.
Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
Je suis responsable pour la radio depuis environ deux mois. En fait, je suis en poste
depuis 1998. Sinon, ça fait sept ans et demi que je suis dans le milieu. J’ai
commencé chez Warner. J’étais attaché de presse pour les grosses radios de
province. Ensuite, j’ai été débauchée il y a quatre ans de Warner pour EMI et
toujours pour m’occuper des programmations des artistes en radio.
Pourriez-vous décrire votre activité au sein de EMI ?
En fait, si tu veux, un responsable radio c’est exactement le boulot d’un attaché de
presse. On me donne un projet. Généralement c’est le premier single d’un artiste,
qu’on envoie environ deux à trois mois en radio avant sa sortie dans le commerce.
On envoie tout ça aux réseaux Virgin Radio, Skyrock, RTL2, NRJ, Chérie FM, Oui
FM, le Mouv’, Radio Nova. On envoie et on attend que les programmateurs écoutent.
Mon rôle, c’est de rappeler chaque programmateur ou responsable de la
programmation en radio pour savoir ce qu’ils en ont pensé. Alors, bien sûr, on
n’envoie pas n’importe comment. Au départ, tu as une sélection des titres en fonction
du format de la radio à laquelle on s’adresse. On envoie toujours un titre en fonction
du format de la radio. Quand on appelle, il y a plusieurs réponses possibles. Soit, tu
as le pire des cas, où les programmateurs ne veulent pas diffuser le titre parce que
ça ne leur convient pas du tout. Soit, ils trouvent le titre moyen ; alors dans ce cas, je
dois les convaincre. Soit c’est un tube ; et un tube, quand c’est un tube, ça se sent
tout de suite. Dans ce cas, les programmateurs vont le rentrer en playlist tout de
suite. La playlists comprend quarante titres qui jouent en permanence sur la
339
semaine. Le titre le plus haut dans la playlists peut passer jusqu’à quatre vingt fois
en une journée. Nous, on considère qu’il faut au minimum trois passages par jours.
Pour arriver à ça, il faut avoir des arguments.
Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion d’un artiste au
sein des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ?
Si tu veux, tu as les directeurs artistiques qui signent au préalable les artistes. Les
directeurs artistiques ils ont l’oreille et ils sélectionnent les artistes qu’on va garder.
Les directeurs artistiques sont spécialisés dans un genre musical. Ensuite, il y a le
service promotion auquel j’appartiens. Puis un service marketing qui travail avec les
différents acteurs de la société. Ils sont en contact avec le manager et l’artiste. Le
service marketing va tout orchestrer. Il fait le lien entre les labels, la publicité et tout.
Nous on récupère le projet fini. Le produit musical est masterisé, la pochette est finie,
tout le produit est fini. A partir de ce produit final, on va sélectionner les radios qui
sont susceptibles de pouvoir le diffuser. Par exemple, moi en ce moment, je bosse
avec Lily Allen. Alors, Lily Allen c’est une artiste qui peut passer sur NRJ, sur Virgin
Radio, sur les radios pop, les radios adultes parce que c’est une artiste assez varié
au niveau musical. Elle est « large » musicalement. C’est vraiment en fonction du
format de la radio. Par contre Lily Allen, on ne pourra jamais la passer sur Skyrock.
On ne pourrait pas aller vers du rap dur. On connaît les radios avec lesquelles on
travaille.
Quels sont les enjeux de la diffusion radiophonique pour un label comme le
vôtre ?
C’est très important. La diffusion radiophonique c’est primordial. A partir du moment
où un artiste est diffusé en radio, il a une fenêtre qui s’ouvre sur le public. Il peut être
entendu partout. Son titre sera exposé au maximum et pour vendre il faut avoir une
visibilité médiatique. La radio, c’est le nerf de la guerre au niveau des médias. Il y a
moins de gens qui lisent la presse spécialisée que de gens qui écoutent la radio. La
presse, les magasines musicaux c’est payant. La radio, c’est un média gratos et en
plus, ça prend moins de temps. C’est de l’immédiat. Puis la radio, ça permet de faire
des relances sur l’artiste même au niveau des concerts. On fait des jeux concours
par exemple, pour faire gagner des places. Ça nous donne un nouveau levier de
communication. La radio, c’est un formidable levier de communication.
340
Quelles stratégies utilisez-vous pour négocier la programmation d’un titre en
radios ?
Alors il n’y a pas de secret, on ne peut pas faire des merveilles avec un tube de
merde. Mon métier c’est un métier de contacts. Il faut de la patience. Il faut avoir du
culot et extrêmement bien connaître le média auquel on s’adresse. Il faut également
s’intéresser à tout ce qui ce passe autour de soi. Par exemple, en ce moment c’est la
crise ; alors les radios elles en pâtissent comme tout le monde. Du coup, les radios
elles vont avoir besoin de mettre des titres sympas. Des titres dansants plutôt que
des titres moroses. Du coup, on aura plus tendance à proposer des titres qu’on
appelle « Up Tempo ». Déjà, la stratégie, c’est un peu de s’adapter au contexte
ambiant. Ensuite, tu as d’autres trucs. Par exemple, quand tu as un artiste
international, il faut voir quand l’artiste peut venir en France, en studio. Le mieux
c’est que l’artiste vienne au même moment de la sortie de l’album. Comme ça on
concentre les interviews au moment des sorties d’album. C’est parfait pour une radio.
Ça correspond à ce qu’elle attend en termes de promotion. Par exemple, en ce
moment on a une grosse sortie : c’est Robbie William. Cette semaine, on a monté
une opération pour aller voir son concert. On accompagne la sortie de l’album. Du
coup, on conforte une radio dans le choix qu’elle a fait de diffuser cet artiste. Une
radio, si tu lui donnes des arguments, elle diffuse l’artiste. Si la radio elle sait qu’elle
sera entourée par la presse, que l’artiste est passé dans l’émission le Grand journal
de Canal, à Taratata, au JT de France2 et TF1, ça aide ; c’est parfait, c’est un
argument.
Est-ce que vous considérez faire de plus en plus d’efforts auprès des
programmateurs radio afin de négocier le passage d’un artiste dans les
playlists ?
Oui, vraiment et de plus en plus. C’est de plus en plus dur parce qu’on a l’arrivée
d’Internet et des échanges de musique. Les radios perdent beaucoup d’auditeurs.
Les radios qui gagnent des auditeurs, ce sont les radios d’information. Avec la crise,
les gens écoutent plus ce qui se passe dans monde que de la musique. Ce sont plus
les jeunes qui écoutent de la musique et ils n’ont pas besoin d’écouter la radio avec
Internet. Les nouveautés sont déjà sur Internet alors que les radios n’ont pas encore
rentré les nouveautés en playlist. Puis, tu as les sites comme Myspace, Facebook où
les gens trouvent plein de découvertes. Les gens qui sont curieux et qui ont des
341
goûts musicaux pointus, ils vont sur le Net. Du coup, c’est un cercle vicieux, puisque
comme les radios perdent des auditeurs, elles veulent consolider leurs playlist et
maintenir leur audience. Du coup, rien ne bouge. Elles ne veulent plus rentrer de
nouveautés les radios ; et c’est de plus en plus dur de programmer de nouveaux
titres dans les playlists.
Sur un budget total consacré à un artiste, quelle est la part du budget en
pourcentage consacré à la promotion ?
Alors le budget de diffusion, ça varie selon les artistes avec lesquels tu travailles. Sur
un album international par exemple, si tu dois faire venir l’artiste en studio, il faut
payer le déplacement. Pour les artistes internationaux, deux jours de promotion ça
peut aller jusqu’à 50 000 euros. Après, en pourcentage, je ne sais pas. Je ne peux
pas te donner de chiffre exact. Ça varie d’un artiste sur l’autre. Mais en gros, tu n’as
pas de sortie d’album avec une promotion en dessous de 60 000 euros. Pour un
artiste qui a dix ans de carrière, je peux te dire que le budget promotion il est
conséquent ; c’est normal. Puis, c’est plein de trucs la promotion, ça va des
dépenses pour la publicité dans les magazines, à la télévision, dans le métro…etc. et
ça varie selon les artistes.
On entend souvent dire que l’investissement des budgets marketing sur les
gros artistes permet de faire vivre les petits artistes, pourquoi ?
Oui, puisque quand tu vends beaucoup d’albums, des albums d’un artiste connus par
exemple, ça rapporte de l’argent. Cet argent, ça permet de faire vivre les autres
artistes. Plus tu as d’argent dans les caisses, plus tu peux signer de nouveaux
artistes. Les gros artistes ils permettent de prévoir un chiffre. Avec l’argent qu’on va
gagner, on pourra signer d’autres artistes. C’est obligatoire pour une maison de
disque de renouveler son répertoire d’artistes. Il faut toujours signer de nouveaux
artistes pour renouveler le catalogue parce que tu as des groupes qui se séparent,
des artistes qui arrêtent leur carrière, des contrats qui sont sur deux ou trois
albums…puis si un artiste trouve une proposition plus alléchante ailleurs, il peut
changer de majors.
342
Avez-vous des contacts directs avec les programmateurs radio ou les
directeurs de programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin
Radio et RTL2 ?
Oui, j’ai des contacts directs avec les programmateurs radio. Je les appelle plusieurs
fois par semaine. Je leur fait écouter des nouveautés. On parle de stratégies.
Comment on va programmer un titre avec quel média partenaire etc.… Hier, par
exemple, j’étais à Chérie FM puis RTL2. La semaine dernière c’était Oui FM. En fait,
on est perpétuellement sur le terrain. On accompagne les artistes pour les
émissions. On ne laisse jamais un artiste tout seul dans une émission de radio. Il faut
que ça se passe bien. C’est à nous de gérer si jamais il y a des problèmes. On est là
pour que l’artiste et que la radio soient contents. Pour que tout se passe bien.
Comment caractériseriez-vous ces relations avec les professionnels de la
radio ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
Alors ce sont des ententes cordiales. En fait, dans mon métier il ne faut pas avoir
peur de parler. Il faut aimer ce qu’on fait et convaincre. Donc on est déjà dans une
prédisposition à bien s’entendre. L’objectif ce n’est pas de se mettre à dos avec les
responsables de la programmation des radios. Nous, on propose des titres et eux, ils
choisissent en fonction de leur ligne éditoriale. Rien de plus.
Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin
d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ?
Ce n’est pas nous qui faisons les programmations musicales. On a chacun nos
obligations et nos objectifs. Les radios font pas forcement ce qu’on a envie qu’elles
fassent. Il arrive qu’on ne soit pas d’accord mais dans la globalité, ça ce passe plutôt
pas mal. On sélectionne les titres qui a priori peuvent plaire à la radio. On va pas
proposer des titres dont on est quasiment sûr que la radio ne va pas les prendre.
Donc non, chacun a son métier et ça se passe bien.
343
Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la
diffusion musicale en France ?
Oui, il y a des contraintes, tout ne peut pas rentrer dans une playlist. Une playlist, elle
comprend quarante titres, donc on ne peut pas tout programmer. Puis, il y a des
périodes, il y a des vagues dans la musique. Il y a des fois où on aimerait bien
programmer certains titres mais ce n’est pas ce que les gens veulent entendre.
Selon les époques, il y a certaines musiques qui passent mieux que d’autres. Il y a
des modes. En ce moment on entend moins de rap français par exemple. C’est plus
de la dance qu’on entend en ce moment. Avec la crise, on veut des titres plus
dansants.
Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession ?
C’est un peu flou. Le business change. Le digital prend le pas sur les ventes
d’album. En France, c’est plus lent qu’en Angleterre ou aux Etats-Unis par exemple.
En fait, c’est culturel. On n’a pas la même façon de consommer la musique dans le
monde. Ça n’a rien de comparable avec la France. Les français, c’est vraiment au
niveau de la sûreté que ça ce passe. Il ne faut pas trop changer leurs habitudes
d’écoute. Après, ça va changer. Puis les gens auront toujours besoin d’écouter de la
musique pour s’évader. Les moyens de consommation de la musique changent et
évoluent. Une industrie qui change, ça ne se fait pas en deux temps trois
mouvements mais il y a une chose qui ne bougera pas : c’est qu’on aura toujours
besoin de personnes pour sélectionner la musique. Sur le principe, ça ne changera
pas des masses. Il y aura toujours des radios avec de nouveau outils de
communication. On communique par mail, beaucoup plus qu’avant déjà. Moi, lorsque
j’ai commencé dans ce métier, ça existait peu la communication par mail alors
qu’aujourd’hui on se sert énormément des vidéos, de l’image et de choses comme
ça. Je suis très confiante. Aujourd’hui, il y a pas mal de choses avec les sonneries de
téléphone, les albums que l’on peut vendre sur téléphone… tout ça est en perpétuel
changement, mais c’est ça qui est intéressant justement.
344
ENTRETIEN POLYDOR PARIS (Durée 48 mn)
Quel est le poste que vous occupez actuellement ?
Je suis directeur de promotion, du marketing et de l’image de Polydor le label
d’Universal Music.
Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
J’occupe ce poste depuis trois ans et demi, sachant que je suis au sein d’Universal
Music depuis près de douze ans maintenant. J’ai commencé en temps que petit
attaché de presse et j’ai gravi les échelons petit à petit. J’ai également bossé dans
des magazines de hard rock et dans des radios auparavant. Sachant que la radio
c’est un des médias le plus marketing, ça m’a formé. J’ai ensuite évolué dans le
secteur de la promotion jusqu’à devenir directeur de promotion et du marketing. Oui,
j’ai oublié de signaler que pour ma formation, j’ai fait une Sup de pub dans mes
études.
Pourriez-vous décrire votre activité au sein de Polydor France ?
Pour ce qui est de la promotion, je m’occupe d’une équipe qui comprend une dizaine
d’attachés de presse qui ont en charge tout un catalogue d’artistes à promouvoir sur
le plus de médias possible. Du côté de la direction marketing, le service est divisé en
deux. Il y a le service dit domestique où on s’occupe des artistes du répertoire local
pour la France. On a environ une quarantaine d’artistes. On a également des artistes
à vocation internationale comme Feist, Micky Green. Puis on a le service
international ; ce dernier comprend tous les artistes du label Interscope ainsi que des
nouveaux artistes. Il s’agit d’un des plus gros labels américains. Mon rôle, c’est donc
de faire la promotion de mes artistes sur le plus de médias possible. En fait, on peut
résumer la situation comme ça : le marketing, c’est ce qui vous permet d’être le plus
efficace possible et de prendre les bonnes décisions au bon moment.
Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion d’un artiste au
sein des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ?
Nous, on travaille sur tous les styles musicaux en même temps. En fait, l’histoire
commence avec une signature avec un artiste qui nous plaît et si on sent qu’il a du
potentiel. A priori, le choix est artistique. Ensuite, on va déterminer avec l’artiste des
345
singles potentiels et, par la suite seulement, on définit un axe de promotion. Par
exemple, avec Micky Green dont on s’occupe, il s’agit d’un ancien top model et c’est
une nouvelle artiste qui n’est pas encore connue du public. Du coup, on va pas
travailler de la même façon que pour une artiste comme Mylène Farmer qui, au
moment de la sortie de son album, est une artiste connue. On cible telle radio en
fonction de tel courant musical. C’est fonction des formats radios. Pour Micky Green
on a ciblé des radios élitistes tels que France Inter, Europe 1, Oui FM. C’est fonction
de l’image qu’on veut développer autour de l’artiste pour faire un vrai buzz, un
succès. Quelques mois après, on a ciblé Virgin Radio et ensuite les petites radios ont
suivi un an après. Puis, c’est en dernier qu’on a démarché NRJ. Tous les deux ou
trois mois on a progressé. C’est un ensemble, c’est comme ça que ça marche. Il faut
que les choses se fassent au bon moment. Si on était allé dès le début voir NRJ
avec Micky Green, ça aurais été « non » direct. A l’inverse, on y est allé avec
beaucoup d’émissions, de la promotion, des ventes et de très bons retours des
radios. Du coup, on peut présenter nos artistes et ça marche.
Quels sont les enjeux de la diffusion radiophonique pour un artiste et pour un
label comme le vôtre ?
Les enjeux sont multiples. Le premier, c’est de se faire connaître. Les radios
musicales, encore aujourd’hui, permettent d’écouter et de découvrir de la musique.
Une fois qu’on est connu, l’objectif, c’est d’accéder au tube. On appuie sur le bouton
de la commercialisation. L’objectif, c’est que le titre rentre dans les grilles de rotation.
On a un travail de deux mois de rotation en radio avant la sortie du single. Oui, il faut
bien compter deux mois d’airplay. Bien sûr, ça prend moins de temps pour des
artistes confirmés comme Mylène Farmer et c’est au bon vouloir des radios. Les
radios font des choix. Notre métier c’est de faire en sorte que ces choix
correspondent à nos objectifs.
Quelles stratégies utilisez-vous pour négocier la programmation d’un titre au
sein des playlists des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ?
Plutôt que négociation, je parlerai de présentation des artistes. En fait, les attachés
de presse vont voir les programmateurs radio. Alors, ça peut se faire par téléphone
ou sur rendez-vous. Le programmateur donne son avis sur l’artiste, s’il aime ou pas.
Le boulot de l’attaché de presse c’est d’aller vite et de faire en sorte qu’il y ait un
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coup de cœur pour l’artiste. Mais il n’y a pas de règles. Il y a plein de facteurs qui
rentrent en ligne de compte. Il y a l’environnement artistique de l’artiste qui peut
plaire ou pas par exemple.
Est-ce que vous considérez faire de plus en plus d’efforts auprès des
programmateurs radio afin de négocier le passage d’un artiste dans les
playlists ?
Par rapport a il y a quelques années, on a des radios avec des formats spécifiques.
Donc, avant le rendez vous avec le programmateur, on a déjà ciblé nos objectifs. En
plus, selon les labels c’est différent. Avec la force de frappe de Polydor, c’est plus
simple. C’est un des plus gros labels de France. Nous, on a d’abord une base
artistique, parce que tu as beau avoir toutes les techniques de marketing possibles,
si tu as un son pourri, les auditeurs ils ne vont pas aimer donc ça ne sert à rien. Il
faut un son irréprochable. La deuxième base importante, c’est notre métier, c'est-àdire rendre le projet le plus sexy possible. C’est sûr, on fait de plus en plus d’efforts
que par le passé. Mais pour répondre à ta question, on va aller voir une radio et lui
dire : « tu vois, on a négocié auparavant avec FIP puis on a des plateaux de
télévision organisés tous les trois mois. Il va donc y avoir des retombées et ça
pourrait être intéressant pour toi ». Tous ces paramètres peuvent rentrer en jeux
mais le premier, le principal, c’est l’adéquation entre l’univers musical de l’artiste et le
format de la radio. Par exemple, pour NRJ, c’est la radio du hit donc les critères sont
les plus larges. Pour Skyrock, on sait qu’on proposera du rap, du r’n’ b etc.
Sur un budget total consacré à un artiste, quelle est la part du budget en
pourcentage consacrée à la promotion ?
Il n’y a pas de règle mais d’une manière générale, l’objectif c’est de dépenser 17%
par rapport au chiffre d’affaires. Bien sûr, c’est différent selon l’artiste. Pour un petit
artiste, le budget va être plus important. Il faut plus d’argent pour se faire connaître.
De toute façon, la plupart du temps, on travaille toujours à perte. C’est la globalité de
la maison de disques qui permet de développer les nouveaux artistes, même si on
sait qu’on perd toujours de l’argent au départ. En plus, compte tenu de l’état actuel
du marché avec le numérique, on souffre pas mal en ce moment. Les radios, elles
sont tendues. Elles ne veulent pas prendre de risque et elles resserrent les playlists.
En plus, pour nous, c’est tendu également. C’est donc beaucoup plus difficile que par
347
le passé. Nous, notre métier c’est de développer de nouveaux artistes, alors si on a
des médias en face de nous qui ont peur de ça, ça devient très compliqué.
On entend souvent dire que l’investissement des budgets marketing sur les
gros artistes permet de faire vivre les petits artistes, pourquoi ?
C’est ce que je vous disais. Vu qu’on perd de l’argent sur l’ensemble des artistes
grands et petits confondus à la base, on a quelques projets qui nous permettent de
faire vivre l’ensemble des artistes. Mais ça arrive que des nouveaux talents qui
« buzzent » dès leur premier album permettent également de faire vivre la maison de
disques. S’ils arrivent dans les cinq ou six premières ventes en France, ça fait vivre
un label. Ce fut le cas pour Olivia Ruiz, Tokyo Hotel l’année dernière. Dans ce
métier, la règle de base, c’est qu’il faut savoir perdre. Dès fois, c’est sur la durée, sur
deux ou trois albums que ça marche. Celui qui réussit le mieux dans ce métier, c’est
celui qui se trompe le moins sur ses paris.
Avez-vous des contacts directs avec les programmateurs radio ou les
directeurs de programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin
Radio et RTL2 ?
Oui, on a des contacts directs avec les responsables des programmations tous
médias confondus, que ce soit avec les programmateurs de radios, les responsables
de service de presse, les journalistes, les gens de télévision…etc. Tout le monde.
Comment caractériseriez-vous ces relations avec les professionnels de la
radio ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
Pour moi, les médias sont des partenaires. On a donc de très bons contacts. Il faut
bien travailler avec tout le monde pour avoir un maximum de chance de programmer
nos artistes. Le but d’un attaché de presse, c’est d’être en bon terme pour amener
les programmateurs dans l’univers de nos artistes. Parfois, je ne vous cache pas que
c’est la crise. On fait tous du business, donc ça peut être tendu pour diverses
raisons, si une émission s’est mal passée, si un artiste a été mal reçu, etc. Dans tous
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les cas, on fait en sorte d’être le plus professionnel possible. C’est un métier de
communication.
Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin
d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ?
On voudrait toujours qu’il y ait plus de dialogue et c’est vrai qu’on doit aller encore
plus loin. On doit connaître un média par cœur, ses contraintes, ses logiques de
fonctionnement, ses motivations, sa façon de faire. Si jamais on ne comprend pas
trop les contraintes du programmateur, il va y avoir un décalage. Pour ça, avant tout
rendez-vous, je dois savoir exactement comment ça va se passer. Comment va se
dérouler l’entretien. Notre objectif, c’est de raccourcir le temps. Il faut donc éliminer
par avance toutes les contraintes et favoriser l’adhésion. Par exemple, pour l’artiste
Micky Green, il nous a fallu treize mois. On a proposé aux radios de faire le pari de la
jouer. On leur a fait comprendre qu’elles allaient y gagner et qu’elles n’allaient pas
perdre d’audience. C’est de l’argumentation ajoutée à de la passion. La musique
c’est de la passion, donc ça marche à tous les coups. Il n’y a pas de clé de la
réussite, puisque c’est à nous d’être imaginatifs et volontaires. C’est un métier de
conviction. Quand j’ai un projet, je sais où je vais et je ne lâche pas.
Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la
diffusion musicale en France ?
Il y a certaines contraintes, c’est obligé. Je suis pour la loi des quotas mais d’une
certaines façon c’est une contrainte. Je prends toujours l’exemple de Micky Green
mais avec la loi sur les quotas de chanson française, compte tenu qu’elle chante en
anglais, c’est une artiste qui va se retrouver dans la catégorie des artistes anglosaxons tels que Madonna ou d’autres projet qui sont connus dans le monde entier.
Déjà, c’est plus dur. En plus, avec les quotas, il y a un nombre limité de places dans
la catégorie anglo-saxonne. Les formats radio aussi sont des contraintes, la durée
d’un titre etc. Il y a que des contraintes en face de nous et on doit faire en sorte de
les contourner le plus possible.
Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession ?
La musique n’a jamais été autant consommée qu’aujourd’hui. Il y a de nouvelles
façons de se l’approprier avec les nouvelles technologies. Ce qu’on vit aujourd’hui
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c’est un peu la même chose que l’explosion de la FM à ses débuts. C’est un peu une
démultiplication des médias. Cependant, il y aura toujours besoin de promotion et de
marketing pour les artistes, pour les faire connaître. Après, ça se fera sûrement de
façon différente. Nos métiers peuvent évoluer. En plus, la musique c’est un métier
qui nous permet d’avoir une vision transversale. On s’occupe de l’artistique, du
marketing, de la communication. C’est un métier qui n’est pas très éloigné du métier
de publicitaire également. Puis c’est une passion. Ça a un côté magique presque et
c’est en perpétuelle évolution. Les artistes en tournée, ça existe depuis le MoyenAge donc ce n’est pas près d’être fini.
350
ENTRETIEN SONYMUSIC PARIS (Durée 53 mn)
Quel est le poste que vous occupez actuellement ?
Je suis attaché de presse radio chez Sonymusic et je m’occupe des réseaux jeunes,
à savoir NRJ, Virgin Radio, RTL2 et Skyrock. Je m’occupe aussi de quelques radios
provinciales Ado, Nova, Hit West, Contact FM, Alouette, puis quelques chaînes
musicales en télévision.
Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
Je travaille chez Sony depuis dix ans et pour le poste d’attaché de presse radio
depuis trois - quatre ans.
Pourriez-vous décrire votre activité au sein de Sonymusic ?
Je travaille au quotidien avec les radios ; c’est nécessaire pour diffuser les artistes
qu’on défend lors des sorties d’albums. C’est un métier. C’est beaucoup dans les
relations humaines. On informe les radios sur l’actualité des artistes et sur leur
univers. Mon métier, c’est principalement abreuver les radios d’informations et les
convaincre.
Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion d’un artiste au
sein des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ?
Il n’y a pas vraiment de critères. C’est différent pour un artiste en développement ou
un artiste confirmé. Pour un artiste en développement, un artiste en local, on doit
construire son histoire, son univers. Alors que pour un artiste confirmé, c’est un peu
moins compliqué. Ce sont des artistes qui sont déjà passés en radio. C’est donc des
artistes qu’on connaît. Si l’artiste en question correspond au format de la radio, une
radio elle prend tout de suite. Il faut que l’artiste corresponde au format et à la cible
de la radio. Pour les artistes internationaux par exemple, on a tendance à attendre
les résultats dans leur pays d’origine puis après, ça devient un argument de vente
auprès des radios. On peut dire « Machin » c’est un carton aux Etats-Unis.
« Machin » a été téléchargé ou la page de «Machin » sur Myspace, Itune, Youtube a
été visitée dix millions de fois par jour. Il n’y a pas d’informations stupides. On est à
l’affût de tout un ensemble d’éléments qui se passe autour de l’artiste et on s’en sert
comme argument pour la promotion auprès des radios. Il faut être attentif à l’attention
351
du public envers les artistes. Puis, c’est vrai que les radios sont plus attentives
envers les artistes connus que ceux qui sont moins connus.
Quels sont les enjeux de la diffusion radiophonique pour un artiste et pour un
label comme le vôtre ?
Eh bien d’abord, le marché de la musique et les ventes de disques souffrent depuis
quelques temps. Les gens n’achètent pratiquement pas mais pourtant on n’a jamais
autant consommé de musique. Si vous voulez, c’est un ancien mode de
communication qui est en crise. C’est du chiffre qu’on perd. A côté, il y a peu
d’émissions de variété en télévision à l’exception de la Star Académy mais après, ça
ne plaît pas à tout le monde. Du coup, le seul et véritable moyen de faire découvrir
un artiste, ça reste la radio. Et c’est d’autant plus important aujourd’hui, même si les
audiences baissent un peu dernièrement. Ça, c’est l’effet des jeunes qui écoutent
pas mal sur Internet mais la radio ça reste quand même un relais. Internet ; ça peut
créer du « buzz » autour d’un artiste mais c’est sur du court terme. La radio, elle peut
prendre le relais du « buzz » parce qu’elle permet de rappeler la présence d’un
artiste à force de le diffuser. La diffusion en boucle des titres toutes les heures, c’est
un peu ça. C’est pour rappeler aux gens la présence de l’artiste pour pas qu’ils
oublient. Comme ça, on finit par retenir le titre. La radio c’est un atout important.
Quelles stratégies utilisez-vous pour négocier la programmation d’un titre au
sein des playlists des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ?
Avec les radios, on n’a pas les mêmes intérêts. Pour une radio, l’objectif c’est d’avoir
le plus d’audience possible. Si vous savez que les radios ont des formats, par
exemple NRJ c’est que les hits, Virgin Radio c’est le format pop rock, une autre radio
c’est du r’n b etc. Vous allez leur faire écouter ce qu’elles veulent en fonction de leur
format. Bon, alors il y a certaines maisons de disques qui tendent une carotte avec
un gros artiste et qui essayent de négocier la diffusion d’un artiste moins connu en
même temps. Ça se négocie. Mais le principe de base, c’est l’argumentation. C’est
principalement des arguments artistiques dans ce métier. Qu’est ce que c’est qu’un
argument artistique ? Ben, c’est tout simple : un argument artistique, c’est un single
qui correspond au format musical de la radio. C’est ce que la radio attend. Il faut qu’il
y ait un lien entre le morceau proposé, le format et la cible de la radio. Si un artiste
ne correspond à aucun format de radio comment ça se passe ? Dans ce cas, il va
352
falloir beaucoup plus argumenter. Quels arguments on utilise ? On se sert des autres
médias. On va garder les coupures de presse, regarder les émissions genre le grand
journal sur Canal+. Ce qui importe, c’est tout ce qui se passe autour de l’artiste. On
utilise tout ce qui est arguments de notoriété. Parfois, c’est tout un long travail sur
Internet. Pour les artistes en développement, comme je disais, on construit son
histoire. Parfois, il y a des groupes qui sont parrainés par un producteur qui est
connu. Eh bien, c’est encore un argument de plus. Aussi, on fait des concerts de
présentation pour les programmateurs radio pour les convaincre. Une radio, elle a
besoin de se sentir entourée, de savoir qu’il y a d’autres médias qui vont prendre le
relais, qu’il va y avoir des concerts, qu’il va se passer quelque chose autour de
l’artiste qu’elle va prendre. Mais il faut toujours tenter. Vous savez, les formats, ça
change. Ils évoluent selon les époques, donc oui, même si on a un artiste qui ne
correspond à aucun format radio, on tente quand même. La mode, c’est cyclique.
Actuellement, par exemple, ce qui marche c’est la dance, la pop acoustique ou les
connotations faussement reggae avec des groupes comme Tryo etc. Quand on a un
genre musical qui marche, on signe quatre, cinq, six artistes du même style, puis
quand ça lasse, on arrête et on passe à autre chose. Sinon, il y a des artistes qui ne
passent pas en radio. Ils font des tournées et beaucoup de concerts. Pour les
artistes confirmés, c’est purement artistique. Alors vous me direz c’est subjectif, mais
la musique c’est des métiers de l’ordre du subjectif. La musique, c’est que du
subjectif.
Est-ce que vous considérez faire de plus en plus d’efforts auprès des
programmateurs radio afin de négocier le passage d’un artiste dans les
playlists ?
Oui, c’est de plus en plus dur. Déjà il y a de moins en moins de maisons de disques
avec les fusions etc. Aujourd’hui, on a une dizaine d’artistes en développement à
défendre et il y en aura seulement trois ou quatre qui vont passer en radio. En plus,
on a la concurrence des autres maisons de disque qui ont d’autres artistes à
défendre et d’autres arguments. La France, c’est un pays difficile. Il y a de grands
réseaux radio mais ils sont peu nombreux. Je vois, par exemple aux Etats-Unis, c’est
différent. A New York par exemple, il y a quinze ou trente radios aussi importantes
que nos réseaux commerciaux à nous. A ça, tu rajoutes les playlists qui comportent
de moins en moins de titres c'est-à-dire en moyenne dix à trente titres au maximum.
353
C’est super dur. Les auditeurs français, ils sont lents en plus. Ils mettent du temps à
adhérer à un titre mais également du temps à se détacher d’un titre qu’ils aiment
bien. C’est la culture française. C’est comme ça. Ils n’aiment pas les sons qu’ils ne
connaissent pas. Si c’est nouveau, ils zappent pour essayer de chercher un titre
qu’ils connaissent à la radio.
Sur un budget total consacré à un artiste, quelle est la part du budget en
pourcentage consacrée à la promotion ?
Il n’y a pas vraiment de règle. Pour un artiste international, il va falloir payer les
billets, le trajet, les maquilleurs, les coiffeurs et ça revient tout de suite plus cher. On
fait de plus en plus d’efforts et il y a de moins en moins de fenêtres. Donc oui, les
budgets promo, ils explosent mais je ne peux pas vous donner de chiffres exacts.
C’est impossible, il y a trop de variables qui sont en jeu. On a des budgets en
fonction des médias. Tu as la presse qui fait l’histoire de l’artiste. La radio qui crée
l’univers musical de l’artiste et la télévision qui fait l’image et assoit l’aura d’un artiste.
On entend souvent dire que l’investissement des budgets marketing sur les
gros artistes permet de faire vivre les petits artistes, pourquoi ?
Oui, quand tu signes un artiste en développement, à la base ce n’est pas cher. Ce
qui va te coûter, c’est la promotion pour le faire connaître. Dans la plupart des cas, tu
es déficitaire. Plus un artiste grandit et se fait connaître, moins tu as d’investissement
à faire en promotion. Ça se fait tout seul rien qu’avec le nom, l’aura de la personne.
Du coup, l’argent des artistes confirmés permet d’investir sur les artistes en
développement. Quand on investit dans le marketing, on attend beaucoup des
singles.
Avez-vous des contacts directs avec les programmateurs radio ou les
directeurs de programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin
Radio et RTL2 ?
Oui, on a régulièrement des contacts directs avec les responsables de la
programmation que ce soit par mails, par téléphone. Bon, on essaie de pas trop les
saoûler ou les submerger d’informations car on est un peu comme des spam pour
eux. Si on fait des mails, il faut être bref et efficace. Il faut savoir cibler parce que des
informations, ils en reçoivent énormément, et de l’ensemble des maisons de disques.
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Comment caractériseriez-vous ces relations avec les professionnels de la
radio ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
Je dirais qu’au niveau relationnel, il y a des personnes avec qui on s’entend bien et
d’autres où c’est juste professionnel. De toute façon, on est un peu obligé de
s’entendre. On n’a pas trop le choix. C’est notre métier. C’est beaucoup la politique
du « non dit » qu’on applique. Même si un programmateur tu le trouves super con, tu
ne peux pas lui dire. Ce sont des relations courtoises et de durée en plus. Ce sont
les mêmes. On finit par bien se connaître avec le temps. De toute façon, la base du
métier d’un attaché de presse, c’est de faire un tri sélectif de ce qui peut
potentiellement plaire à un programmateur selon le format de la radio. Un attaché de
presse qui se pointe avec des titres qui ne correspondent pas, ça n’existe pas ou
c’est un apprenti. Donc non, à ce niveau là c’est rare qu’il y ait des malentendus.
Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin
d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ?
Oui, on pourrait toujours et on espère toujours qu’on puisse améliorer les choses. Il
existe sûrement des moyens pour échanger plus d’informations mais j’avoue que ce
n’est pas mon domaine et que je n’y ai pas réfléchi. Moi je me limite aux informations
concernant les artistes que je défends.
Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la
diffusion musicale en France ?
Les principaux obstacles, ce sont les formats. Les formats, ils excluent des artistes.
Tu as les extrêmes comme le hard rock, le death métal, le death métal trash qui ne
passent pas en radio ou bien très tard. Tu as les formats et en terme de contraintes
pour les attachés de presse, c’est d’arriver au bon moment. De présenter le bon
artiste au moment où la radio cherche de la dance par exemple. Dès fois, les
attentes des radios ne sont pas les mêmes et du coup, les artistes pourront pas
passer à l’antenne. Puis, tu as la durée de vie d’un titre aussi qui rentre en jeux. Si
un titre il reste longtemps, il n’y a pas la place pour en mettre un nouveau. Dès fois,
la durée de vie d’un titre, elle peut durer un an et ça peut être long. Là, en ce
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moment on a un titre du groupe Grenoblois Peps qui dure depuis trente cinq
semaines. Pour Yelle on a eu un titre sur une année.
Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession ?
On ne peut pas faire de la promotion sans faire du marketing. Pour être attaché de
presse, il faut être à l’écoute de tout. Il faut être le plus ouvert possible sur l’ensemble
des médias. Concernant Internet, il y a une grosse partie à venir. Il faut avoir des
idées, des projets ambitieux et beaucoup d’idées autour d’un artiste. On n’arrive pas
auprès d’une radio avec un single mais avec un pack de concerts et de tournées.
L’objectif principal, c’est de faire rêver le programmateur pour qu’il puisse ensuite
faire rêver les auditeurs. Les gens, ils achètent à l’affect. Un artiste, il faut qu’il ait
une aura et qu’il paraisse accessible. C’est pour ça qu’il y a tout un « buzz » en ce
moment sur Internet avec les sites comme Myspace. C’est parce que ce sont des
gens qui commencent comme tout le monde et qui paraissent accessibles. Pour ce
qui est des radios numériques, personnellement je n’y crois pas. On nous fait
beaucoup de promesses mais il y a d’abord beaucoup d’investissement à faire pour
la mise en place. C’est compliqué à installer. Puis ça signifie aussi la mort des petits.
Tous ceux qui n’ont pas les moyens d’investir. Non, je pense que c’est plus
l’information qu’il y a derrière qui est intéressante sur Internet. Tu as le titre qui peut
être diffusé avec l’histoire du groupe puis tu peux cliquer pour télécharger le titre. Tu
peux acheter immédiatement le titre après l’avoir écouté à la radio. Comme ça, ça
permet de toucher les différents types de consommateurs. Tu as deux types de
consommateurs. Ceux qui sont lents mais une fois qu’ils aiment un titre ils le lâchent
plus. Puis, tu as ceux qui aiment avoir tout de suite le titre, ceux qui aiment être à la
pointe et avoir tout en premier. C’est donc un bon moyen qui permet d’anticiper et de
dégainer rapidement, en quelque sorte, parce que des fois, il faut attendre des mois
avant de pouvoir télécharger un titre même de façon illégale, entre le moment où il
passe en radio et le moment où tu le trouves sur E-mule.
356
ENTRETIEN JARING EFFECT LABEL LYON (Durée 46 mn)
Quel est le poste que vous occupez actuellement ?
Je suis responsable promotion, chargé de communication.
Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
J’occupe ce poste depuis 2004.
Pourriez-vous décrire votre activité au sein de Jarring Effect Label ?
C’est tout ce qui regroupe l’ensemble des activités d’attaché de presse, tout ce qui
concerne les relations publiques. C'est-à-dire l’envoi des disques pour les radios,
caler des interviews avec les artistes, la partie web surtout pour la promotion du
label, la rédaction de biographie pour les groupes que l’on défend, la confection de
dossiers de presse permettant de mobiliser les commerciaux.
Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion d’un artiste au
sein des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ?
De notre point de vue, on a un catalogue d’artistes plutôt homogène. On sélectionne
les radios dont la programmation correspond à nos artistes, si on sait qu’elles sont
capables de les défendre. C’est surtout en fonction des émissions spécialisées de la
station. C’est principalement les réseaux associatifs Ferrarock et Radio Campus qui
ont des émissions spécialisées mais ça arrive qu’on cible d’autres radios comme
Radio Nova, Oui FM, Le Mouv’. Pour ce genre de radios, c’est purement
pragmatique. C’est en fonction du genre musical, s’il correspond ou pas à la radio, à
ses émissions, à ses formats. Pour certaines stations, c’est en fonction de la teneur
artistique des groupes. On fait des envois systématiques avec ce genre de radios.
Par contre, pour les radios nationales comme France Inter, les stations de Radio
France, on a beaucoup de mal. Pour les radios commerciales, il ne faut même pas y
compter. Vous savez, la musique instrumentale n’est pas facile d’accès. On a
souvent des morceaux de six minutes et ça ne correspond pas au format radio. Il y a
plein de paramètres pour diffuser des titres à la radio. On n’est pas un format poprock. On n’a pas le calibre des formats de 2 minutes 30. C’est simple, on n’est pas
diffusable par les radios qui sont tenues par la publicité. Il faut une certaine marge de
manœuvre pour diffuser nos artistes. Elle est plus large pour les radios avec
357
lesquelles on a plus l’habitude de travailler, les Ferrarock ou Campus. Je pense que
pour atteindre les radios commerciales, il faut un label qui soit plus pop-rock
actuellement, mais bon. Dernièrement, on avait un groupe français qui me semblait
correspondre au format radio actuelle. Puis, surtout avec les quotas, je me suis dis
que ça allait marcher. Surtout que c’est un groupe qui a un public qui le suit déjà
depuis un certain temps dans les concerts. Ils ont quatre albums à leur actif. J’ai fait
un essai. J’ai envoyé le disque. On nous a demandé s’il n’y avait pas une version
avec un couplet et un refrain. On a répondu, mais ils l’on trouvé trop long et après ils
n’ont pas donné de suite. On arrive très peu à atteindre les grosses radios. De temps
en temps, on a Couleur3. On capte surtout dans le Jura, la Suisse, mais c’est déjà
une plus grosse audience. On arrive à avoir des chroniques dans la matinale ou des
entrées dans la playlist générale, mais pas plus. En fait, je pense que les radios
comme Europe2, Skyrock et tout, elles ne se mouillent pas. Elles suivent ce que
dicte la presse écrite, s’il y a des bons échos et si ça marche, mais ça ne vas pas
plus loin. C’est du rock aseptisé, puis voilà. Des fois c’est vrai, ça me rend un peu
amer par rapport à tout ça, parce qu’on mériterait d’avoir une visibilité. On a des
artistes qui le mériteraient.
Quels sont les enjeux de la diffusion radiophonique pour un artiste et pour un
label comme le vôtre ?
Financièrement, ça ne coûte pas grand chose l’envoie de disque aux radios, mais
par contre, le retour sur investissement, il est immédiat. C’est des milliers de
personnes qui écoutent et tout ça sans engager aucun frais. Ça n’a rien avoir avec
les 10 ou 15 000 euros pour avoir un encart dans les magazines classique, par
exemple. C’est une certaine visibilité pour les artistes. En plus, aujourd’hui la presse
magazine a tendance à piquer du nez. Il faut avoir des ronds pour s’abonner et il faut
avoir du temps pour les lire. Il reste deux médias, la radio et le web. Alors c’est vrai
qu’il n’y a pas d’outils palpables qui permettent de savoir si on va vendre un album
en quantité. S’il va y avoir des tournées etc. C’est la radio et les tournées qui
permettent à un disque de vivre plus longtemps. La diffusion radio, elle prolonge la
durée de vie d’un disque. Ben oui, un disque lorsqu’il sort, il a une durée de vie d’un
mois. Après, il va vite se faire chasser par d’autres sorties si la radio permet pas de
le faire suivre plus longtemps. C’est toute une chaîne, une synergie entre le label, le
tourneur et la radio. La radio, c’est un relais. Par exemple, le groupe sort son album,
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il passe en tournée dans une ville. La radio fait une interview parce que c’est
l’actualité. Du coup, le groupe il repasse en playlist.
Quelles stratégies utilisez-vous pour négocier la programmation d’un titre au
sein des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ?
Eh bien, on n’a pas trop de stratégie ou de modalité de négociation. Nous de notre
point de vue, parce qu’on est un petit label, lorsqu’on démarche avec les radios
Ferrarock ou les Radios Campus, ça nous arrive de faire des relances mais c’est des
radios qui sont autonomes dans leurs démarches. Ce sont elles qui choisissent. Si
ça leur plaît, c’est bon, mais sinon, c’est leur choix. C’est associatif de toute façon,
donc ils font comme ils veulent. Pour des radios comme Nova, je relance de temps
en temps, ça arrive. Les stations Skyrock, les commerciales, ça n’arrive jamais. Je
ne tente même pas. J’ai peut-être tort, mais les rares fois où on a essayé, on n’a
jamais eu de retour.
Est-ce que vous considérez faire de plus en plus d’efforts auprès des
programmateurs radio afin de négocier le passage d’un artiste dans les
playlists ?
Du coup, non, puisqu’on a les radios avec lesquelles on a l’habitude de travailler et
ce sont elles qui choisissent.
Sur un budget total consacré à un artiste, quelle est la part du budget en
pourcentage consacré à la promotion ?
Ça dépend des groupes. Pour des groupes confirmés, les budgets sont plus
conséquents. Ça va de 10 à 15 000 euros, tout compris. Ça comprend les
affranchissements pour les envois de disques, les plans publicitaires à savoir les
encarts dans les magazines, le PLV (publicité sur le lieu de vente), les stickers, les
cartes postales et les badges, etc. Lorsqu’il s’agit d’un plus petit groupe, qui en est à
son premier album, on coupe la poire en deux. C’est le même budget divisé par
deux. Puis aussi, on compte dans ce budget les relances ou bien lorsqu’on monte
une OP (opération publicitaire) auprès des radios qui nous font un retour. On
propose des CD, des vinyles, des places de concerts ou des interviews. Les radios
aiment bien généralement, car ça remplit leur émission et les auditeurs appellent
pour répondre aux jeux.
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On entend souvent dire que l’investissement des budgets marketing sur les
gros artistes permet de faire vivre les petits artistes, pourquoi ?
Je ne sais pas trop. Peut-être pour les majors ça a un sens mais non, je ne vois pas.
Pour un label indépendant c’est plus ses interlocuteurs qui sont intéressés par les
gros artistes. Puis, peut-être qu’un gros artiste, ça permet surtout de négocier un
passage radio pour un petit artiste.
Avez-vous des contacts directs avec les programmateurs radio ou les
directeurs de programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin
Radio et RTL2 ?
Concernant les radios commerciales, non. C’est un univers qui m’échappe
complètement. Nous n’avons aucun contact. Lorsqu’on envoie des disques, c’est un
peu comme une bouteille d’eau jetée à la mer, ça doit se perdre. Ils doivent en
recevoir énormément. Puis, ils ne font jamais la démarche de s’adresser à nous. Je
pense même qu’ils ignorent l’existence de Jarring Effect. On n’est pas vraiment du
même monde. Déjà que même avec le service public et des radios comme le Mouv’,
on a du mal. Elles ne font pas vraiment d’efforts. Il ne faut pas proposer des choses
trop compliquées. Les radios, elles ont des œillères devant les yeux. Vous savez les
radios, on a du mal à les « attraper ».
Comment caractériseriez-vous ces relations avec les professionnels de la
radio ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
Concernant les radios associatives avec lesquelles on a l’habitude de travailler, on
parle surtout musique et ça, c’est intéressant. Il n’y a rien de financier et la ligne
éditoriale est totalement indépendante. C’est encore différent avec la presse écrite. Il
y a des sous-entendus comme quoi si on prend de la publicité, on aura un article.
Avec les radios type Europe2, NRJ, Skyrock etc., les relations sont complètement
inexistantes mais j’aimerais bien rencontrer des programmateurs pour connaître
leurs critères. Ça m’intéresserait. En plus, c’est vraiment français cette situation
parce que j’ai plus de relations avec des radios commerciales étrangères au Canada
ou au Québec. On arrive à intéresser et programmer des titres sur Radio Canada
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alors qu’en France, ce n’est pas possible. Comme quoi, nul n’est prophète en son
pays comme on dit !
Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin
d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ?
Pas avec toutes, mais de toute façon, plus les radios sont grosses, plus il y a des
enjeux en terme d’audience et moins elles sont ouvertes au niveau des
programmations. Elles doivent répondre aux attentes du plus grand nombre. Elles
doivent être efficaces, donc les règles de la bienséance, elles ne connaissent pas !
Elles ne prennent même pas la peine de répondre. Dans ce cas, oui, il faudrait plus
de dialogue. Ce serait bien.
Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la
diffusion musicale en France ?
En tant que tel, le disque est un obstacle. Soit il est dans l’air du temps, soit il ne
correspond pas à ce que les gens ont envie d’entendre. C’est le contenu musical luimême qui peut être un obstacle. Si on a le bon contact au bon moment avec la
bonne radio, c’est parfait. Par principe, les petites sorties c’est toujours compliqué.
Les groupes qui sont en émergence, c’est un véritable problème. Ça demande
beaucoup plus de relances et de travail pour les faire connaître et il y a énormément
de paramètres qui rentrent en jeux.
Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession ?
Plutôt mal ! Un label, c’est un maillon au sein de la chaîne de production de disques.
Aujourd’hui, ça va de mal en pis. Les ventes de disques ne marchent pas très bien.
Bientôt, je pense qu’on aura plus que des productions genre Star academy dans les
bacs. Ils ont une visibilité médiatique, donc ça leur permet de vendre. Pour les
indépendants comme nous, on trouve des solutions autres. On cherche à contourner
les obstacles par le web. Pour pallier la grande distribution on trouve des solutions
diverses. Nous, par exemple, on a créé CD1D. C’est une plateforme qui fédère une
trentaine de labels indépendants français. Ainsi, notre public peut acheter de la
musique via cette plateforme. C’est en fait une relation directe du producteur au
consommateur. Nos disques seront de moins en moins dans les bacs mais le
consommateur pourra les acheter sous le format mp3. Pour l’instant, on a 2000
361
références. Alors bien sûr, comme c’est associatif, il y a une adhésion mais au final,
c’est un peu la seule solution pour contrecarrer les aléas de la distribution. On se
lance également dans l’édition afin de faire des rentrées d’argent et on utilise notre
patrimoine musical pour illustrer des reportages. Voilà ; c’est tout un autre versant du
métier qui est à explorer.
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ENTRETIEN NEOMME VILLEURBANNE (Durée 35 mn)
Quel est le poste que vous occupez actuellement ?
Je suis directeur du label.
Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
Depuis sa création en 2000.
Pourriez-vous décrire votre activité au sein de Neomme ?
C’est un tout petit label, donc je fais tout. J’ai un statut polyvalent. Je travaille sur la
production, l’élaboration du projet jusqu’à la sortie du disque.
Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion d’un artiste au
sein des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ?
Alors on est complètement en dehors de tout ça car les artistes qu’on a ne
correspondent pas aux formats des radios Virgin, NRJ, Fun…. Du coup, on n’a pas
du tout affaire à eux.
Quels sont les enjeux de la diffusion radiophonique pour un artiste et pour un
label comme le vôtre ?
Tout dépend du style de musique. Pour les majors par exemple, c’est plus des
histoires de marché sur un public jeune. C’est un peu comme la bourse. Les projets
musicaux doivent être définis en amont et on essaie de les faire coller au format des
radios commerciales. C’est du deal avec des formats prédéfinis. En gros, faut que ça
sonne bien, le format canonique c’est : couplet – refrain –couplet – refrain. Je pense
que pour un artiste, la radio c’est capital. Sans la radio, on ne vaut pas grand-chose
mais à partir du moment où on a des artistes de scène, ça remplace la radio. Nous,
on ne compte pas trop sur la radio, on fait avec la scène.
Quelles stratégies utilisez-vous pour négocier la programmation d’un titre au
sein des playlists des
réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et
RTL2 ?
Sur ces réseaux, on n’a aucune chance. On ne négocie pas de passage en playlist.
A l’exception de RTL2, qui a un format qui est un peu plus ouvert que les autres.
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Sinon, il y a les réseaux France Inter, France Culture, tout ce qui est Radio France
qui sont un peu plus accessibles. Et encore…c’est en train de se rapprocher du
formatage. Nous, on ne peut pas compter sur les radios. On compte sur la scène.
Est-ce que vous considérez faire de plus en plus d’efforts auprès des
programmateurs radio afin de négocier le passage d’un artiste dans les
playlists ?
Non. Ça dépend de ce que j’ai à leur proposer. Si ça arrive, quand j’ai un projet qui
correspond à leur format, il n’y a rien à négocier. C’est ok pour eux. En même temps,
c’est très rare. En même temps, ça fait dix ans qu’on tient sans les radios.
Sur un budget total consacré à un artiste, quelle est la part du budget en
pourcentage consacrée à la promotion ?
Je dirais en règle générale 30%. On n’a pas des gros projets comme Universal pour
qui le budget promotion est supérieur au budget de la production.
On entend souvent dire que l’investissement des budgets marketing sur les
gros artistes permet de faire vivre les petits artistes, pourquoi ?
Non, ce n’est pas vrai ça. C’est un peu comme les maisons d’édition ; quand il y a un
chef de file, ça permet de financer pour les petits mais en même temps, les budgets
sont tellement gros sur les gros artistes… Il faut qu’ils vendent tellement d’albums
pour rentrer dans leur frais que la marge n’est pas si grande que ça à la fin. Au final,
les majors se concentrent sur les gros projets qui ne peuvent que ramener de
l’argent.
Avez-vous des contacts directs avec les programmateurs radio ou les
directeurs de programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin
Radio et RTL2 ?
Oui, avec France Inter, on a des contacts directs. On a une attachée de presse qui
s’occupe des sorties d’albums. Sur les autres radios, non. On n’a pas de contact du
tout.
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Comment caractériseriez-vous ces relations avec les professionnels de la
radio ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
En fait, je dirais qu’il y a beaucoup de directives qui viennent d’en haut dans ce
milieu. Les personnes sont bridées par des consignes. Il ne faut pas passer
n’importe quoi et il y a peu d’espace de diffusion. Puis il y a la pression des maisons
de disques. Les places sont chères et les programmateurs ne font pas ce qu’ils
veulent. C’est un ensemble promotion qui est très standardisé.
Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin
d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ?
Je ne pense pas que ce soit une histoire de dialogue mais c’est le temps qui
manque. Ce n’est pas que les programmateurs ne nous écoutent pas mais c’est
qu’ils ont des directives. Puis ils n’ont pas le temps. C’est la chaîne. Ils reçoivent
énormément d’albums. Ils enchaînent. C’est sûr, ils ont accès à des bases de
données de toutes les nouvelles productions sur Internet ; après, la liberté de prise
de risques, elle n’existe pas. Mais ce qui serait bien et qui n’existe pas dans le
paysage radio, ce serait des radios comme Virgin et les autres qui passeraient autre
chose : une autre programmation moins formatée.
Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la
diffusion musicale en France ?
Oui, il y a les contraintes commerciales, le format de la radio…En fait, une bonne
chanson est toujours une bonne chanson. Et ça marche. Mais le risque est très
rarement pris car les radios commerciales collent à un modèle bien défini qui bouge
pas depuis vingt ans.
Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession ?
On n’a pas vraiment d’avenir. Moi, je leur dis à mes artistes. L’avenir c’est que les
artistes soient leur propre label. Il y a de moins en moins d’argent qui va rentrer à
cause de la baisse de vente des albums et le seul moyen de s’en sortir ce sera
« l’artiste-label ». Les gros labels garderont toujours leurs gros projets et en parallèle
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ils rachèteront des « artistes-labels » qui auront un projet. Après sur le champ de la
concurrence pour les labels, si vous voulez, il y a certains genres musicaux qui ont
moins de concurrence que les autres. Si on prend tout ce qui est la musique extraterrestre (c’est l’électro, tout ça), on ne peut pas dire qu’il y ait vraiment une bataille
entre les majors et les petits labels. Le souci pour les petits labels, c’est plus quand
on produit de la musique populaire entre guillemets, car on marche sur les platesbandes des majors, donc c’est très difficile.
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ENTRETIEN LES DISQUES ALIENOR SUR BORDEAUX (Durée 30 mn)
Quel est le poste que vous occupez actuellement ?
Je suis attachée de presse.
Depuis combien de temps occupez-vous ce poste ?
Ça fait un an et demi que je suis là.
Pourriez-vous décrire votre activité au sein du label Les Disques Aliénor ?
Alors Aliénor, nous on est un label indépendant plutôt rock électronique. Je fais le
travail d’un chef de projet. Je m’occupe de la fabrication des disques, des vinyles, de
la promotion quand un disque est sorti. Alors ça va de la promotion en radio, à la
télévision, dans la presse spécialisée et sur le web, bien sûr.
Quels sont les critères de sélection pour tenter la promotion d’un artiste au
sein des stations NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin Radio et RTL2 ?
On travaille surtout avec les réseaux Ferrarock, Iastar ou les radios associatives.
Avec les autres grosses radios, les grands réseaux, on a beaucoup de mal. Même
avec les radios de Radio France, c’est compliqué. Vous prenez RTL2, ils ne font pas
beaucoup de nouveautés dans leurs playlists, donc il n’y aura pas beaucoup
d’indépendants. Donc déjà pour eux, ce n’est pas la peine. Non, puis pour les autres,
c’est pareil. Si tu n’achètes pas de marketing lorsqu’un artiste fait de la scène par
exemple, tu ne passes pas sur ces radios. Nous, on n’a pas les moyens de payer
des campagnes de publicité sur ces grands réseaux, donc on ne rentre pas dans
leurs playlists.
Quels sont les enjeux de la diffusion radiophonique pour un artiste et pour un
label comme le vôtre ?
Faire écouter le titre. Pour nous, comme on est un label indépendant, on ne va pas
viser le grand public mais on a besoin que l’artiste arrive dans les oreilles des gens
qui sont des gens avertis qui écoutent les radios associatives…
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Quelles stratégies utilisez-vous pour négocier la programmation d’un titre au
sein des playlists des réseaux NRJ, Fun Radio, Syrock, Virgin Radio et RTL2 ?
On fabrique des CD de promotion mais en fait, c’est relatif au programmateur radio.
Un titre, soit il lui plaît, soit il lui plaît pas. En fait, on surveille ce que les radios
diffusent dans leur playlist puis, si on voit qu’ils passent certains artistes comme les
nôtres, ça nous fait des arguments. On regarde s’il y a des artistes similaires ou pas.
Ça, c’est dans la majorité des cas, puis c’est plus sur les radios associatives. Après,
là dernièrement, on a un artiste qui serait susceptible de passer sur les radios
commerciales. Dans ce cas, on a fait appel à une attachée de presse indépendante
qui travaille dans ce milieu, qui connaît bien tous les programmateurs des radios
commerciales et c’est elle qui va leur proposer.
Est-ce que vous considérez faire de plus en plus d’efforts auprès des
programmateurs radio afin de négocier le passage d’un artiste dans les
playlists ?
D’un point de vue général, non. Auprès des radios commerciales, oui, mais ça ne
sert pas à grand-chose. Comparé à la presse on a vachement plus de mal. Je pense
qu’en fait, c’est dû à l’indépendance du média puis de la place qu’ils ont, surtout. En
presse, il y a plus de place que dans la radio, il me semble.
Sur un budget total consacré à un artiste, quelle est la part du budget en
pourcentage consacrée à la promotion ?
Alors le budget promotion, ça comprend la fabrication des albums, l’achat d’espace
publicitaire, les envois postaux. Je dirais 40%.
On entend souvent dire que l’investissement des budgets marketing sur les
gros artistes permet de faire vivre les petits artistes, pourquoi ?
Alors ça, ce n’est pas vrai ! C’est un faire-valoir comme argument, je pense. Les
majors, elles vont te dire qu’en vendant du Patrick Bruel, elles peuvent distribuer les
petits artistes sauf que quand tu as Patrick Bruel comme artiste, c’est tout ce qu’il y a
derrière que tu as avec. Tu as les plateaux de télévision, les affichages dans le
métro. Pour les labels indépendants, ce n’est pas pareil. Nous, on n’a pas tout ça et
on s’occupe des petits artistes.
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Avez-vous des contacts directs avec les programmateurs radio ou les
directeurs de programmation des réseaux NRJ, Fun Radio, Skyrock, Virgin
Radio et RTL2 ?
On a des contacts avec les radios associatives, comme je vous disais. Pour les
autres radios, même FIP, France Inter, les Radios France on a très peu de contacts,
voire pas du tout.
Comment caractériseriez-vous ces relations avec les professionnels de la
radio ?
Au niveau relationnel
Au niveau commercial
Au niveau de la politique éditoriale
Généralement, c’est plutôt sympa pour les radios avec lesquelles on a l’habitude de
travailler. Pour les radios commerciales, c’est simple, on n’a aucun contact, on n’a
aucun retour. On n’a même pas de réponse. On n’a rien. On envoie et on n’a rien !
Estimez-vous qu’il faudrait plus de dialogue entre diffuseurs et industriels afin
d’améliorer l’échange d’informations et la circulation des œuvres musicales ?
Certainement ! Déjà, ça nous permettrait de comprendre les enjeux de la radio et
peut-être que pour eux, ça leur permettrait de comprendre les nôtres. En fait de
dialoguer, ça nous permettrait de comprendre quels sont les intérêts des uns et des
autres et d’être plus efficace peut-être.
Pensez-vous qu’il existe des obstacles ou des contraintes au niveau de la
diffusion musicale en France ?
Oui, bien sûr qu’il existe des obstacles. Déjà par rapport à la couleur musicale d’une
radio. Puis après, c’est surtout une question d’argent. Si tu n’as pas d’argent pour
acheter du marketing sur une radio, tu ne rentres pas dans la diffusion de la radio ;
c’est toujours la même chose. C’est d’ailleurs de plus en plus le cas pour la presse
aussi. Plus tu achètes de publicité, plus tu auras de la place et plus ton interview elle
sera longue.
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Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession ?
Je l’envisage super mal ! Je dirais même très très mal. En temps que label
indépendant, c’est très dur et ça l’est de plus en plus. Les disques se vendent moins.
Alors c’est sûr que proportionnellement, par rapport à un gros label, on a moins
perdu d’argent mais c’est quand même difficile. En plus, c’est un cercle vicieux car
les disques se vendent moins, donc on a moins d’argent, donc on ne peut pas faire
de la publicité, donc on ne peut pas prendre d’autres artistes. Même sur le Net, ça
pose problème aujourd’hui. On fait déjà pas mal de trucs avec le Net. On a
développé des outils mais on ne peut pas dire qu’il y ait de gros changements. On ne
vend pas assez et puis sur le Net, le téléchargement illégal ça pose problème aussi.
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