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Chroniques bleues
Du jeu dans les charnières
mercredi 29 septembre 2010, par Bruno Colombari
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Retour sur les quatre grandes charnières centrales de l’histoire des Bleus : Trésor-Adams (années 70), BattistonBossis (années 80), Blanc-Desailly (années 90) et Thuram-Gallas (années 2000). Rami et Mexès formeront-ils la
cinquième ?
Avec Philippe Mexès et Adil Rami, Laurent Blanc a peut-être trouvé la charnière centrale des années 2010. Jusqu’où le brun lillois et
le blond romain iront-ils ensemble ? Le mois prochain ? La Pologne en 2012, le Brésil en 2014, l’Euro 2016 à la maison ? A cette
échéance, Mexès aura 34 ans et Rami 30 ans à peine. S’ils y arrivent, ils pourraient rejoindre dans l’histoire des Bleus quatre duos
de choc auxquels il ne faisait pas bon se frotter.
Il aura fallu attendre les années soixante-dix pour que l’équipe de France dispose d’une défense centrale digne de ce nom.
Auparavant, il y eut de bons défenseurs axiaux, comme le premier recordman des sélections, Etienne Mattler, qui joua 46 fois entre
1930 et 1940, et qui participa aux trois premières coupes du monde. On citera aussi Robert Jonquet, 58 sélections entre 1948 et
1960, plus technique que son prédécesseur, et qui joua une heure contre le Brésil en 1958 avec une fracture du péroné. Bernard
Bosquier, qui évolua à Saint-Etienne et à Marseille, est tombé quant à lui dans la pire période des Bleus, entre 1964 et 1972 où il
joua 42 fois. Mais aucun n’évolua dans l’axe avec un partenaire à la hauteur. C’est justement en 1972 que les choses allaient
changer.
Jean-Pierre Adams et Marius Trésor : l’invention de la garde noire
Ceux qu’on a surnommés « la garde noire » ont participé ensemble à vingt
matches entre juin 1972 et juin 1976, dont 19 avec du temps de jeu commun (titulaires ensemble). Marius Trésor débute en Bleu
alors qu’il va quitter Ajaccio pour l’OM. Jean-Pierre Adams, pour sa part, joue à Nîmes puis à Nice (à partir de 1973). Ils vont jouer
quinze fois ensemble en défense centrale, avec des résultats moyens (cinq victoires, cinq nuls et cinq défaites). Mais hormis un 3-3
à Prague contre la Tchécoslovaquie (et deux buts encaissés en une minute), ils tiennent plutôt bien la défense, finissant cinq fois
sans prendre de but.
L’arrivée de Michel Hidalgo en mars 1976 mettra un terme à leur complicité, avec un seul match après cette date en septembre
contre le Danemark. Ce sont Patrice Rio, Christian Lopez, Philippe Mahut, Gérard Janvion et Maxime Bossis qui seront associés à
Marius Trésor pendant les 37 matches qu’il disputera désormais. Quant à Jean-Pierre Adams, il est tombé dans le coma en mars
1982.
3 mars 1973 au Parc des Princes, match amical contre le Portugal. Eusebio fait face à Adams et à Trésor, alignés ensemble pour la
troisième fois.
Patrick Battiston et Maxime Bossis : quand la gauche et la droite se retrouvent au centre
Ces deux arrières latéraux de formation (droit pour Battiston, gauche pour
Bossis) comptent 40 matches en commun [1] en neuf ans. Ils débutent ensemble en juin 1977 à Buenos Aires contre l’Argentine
(0-0), mais il faut attendre octobre 1984 pour les voir tous les deux dans l’axe. Maxime Bossis remplace Marius Trésor au début de
1984 et Patrick Battiston succède à Yvon Le Roux à partir d’octobre 1985.
C’est bien tard dans leur carrière internationale. D’autant qu’ensemble, ils ne perdent qu’un match. Mais il est hélas décisif, contre
l’Allemagne à Guadalajara en juin 1986 (0-2). C’est l’avant-dernière sortie de Bossis chez les Bleus (il jouera la troisième place
contre la Belgique), alors que Battiston sera retenu encore quatre fois par Henri Michel, puis rappelé trois matches par Platini en
1989. Il aura pour partenaire dans l’axe Le Roux, Boli, Kastendeuch, et le duo Franck Silvestre et Luc Sonor dans une défense
centrale à trois sans lendemain.
1er juin 1986 au Mexique, les Bleus se préparent avant leur match contre le Canada. Battiston et Bossis joueront dans l’axe six fois
pendant la coupe du monde.
Laurent Blanc et Marcel Desailly : la faucille et le marteau
C’est la meilleure de ces quatre charnières centrales, et la meilleure tout court
de l’histoire de l’équipe de France. Avec Lizarazu et Thuram, Blanc et Desailly ont formé une défense imprenable qui n’a pas perdu
un seul match. Pourtant, Laurent Blanc était milieu offensif de formation [2] et Marcel Desailly a commencé milieu défensif.
Ces deux-là ont pas moins de 56 matches en commun entre 1993 et 2000, dont 45 en défense centrale. La première fois qu’ils ont
été associés dans l’axe, c’était en mai 1994 contre le Japon. Mais leur association ne s’est vraiment stabilisée qu’en juin 1996, lors
du dernier match amical avant l’Euro anglais.
Leur palmarès est tout simplement exceptionnel : 35 victoires, 9 nuls et une seule défaite, en juin 1999 contre la Russie au stade de
France (2-3). Mais ce soir-là il manquait Lizarazu à gauche, remplacé par Candela. La fin de la carrière internationale de Laurent
Blanc, remplacé par Franck Lebœuf jusqu’en 2002 puis par Mickael Silvestre, William Gallas, Philippe Mexès ou Jean-Alain Boumsong
marque aussi le déclin de Marcel Desailly.
Lilian Thuram et William Gallas : plus dure sera la chute
Comme Battiston et Bossis, ils ont commencé leur carrière internationale en tant
que défenseurs latéraux : Thuram à droite, Gallas d’abord placé dans l’axe avec Desailly en 2002, puis déplacé de droite à gauche
par Raymond Domenech pendant près de deux ans. A son retour en sélection en août 2005, Thuram est d’abord associé à
Boumsong avant de jouer avec Gallas en mai 2006. Ils disputent au total 49 matches en commun entre 2002 et 2008 (ils se sont
croisés par ailleurs deux fois en 2004 aux Pays-Bas et en 2007 contre l’Autriche) dont 25 dans l’axe. Leur association fait merveille à
la coupe du monde 2006 où ils ne cèdent que trois fois, toujours sur coups de pieds arrêtés contre la Corée du Sud (coup-franc),
l’Espagne (pénalty) et l’Italie (corner).
Leur bilan est presque aussi bon que celui de Blanc et Desailly, mais ils ont fait l’année de trop. Ensemble, ils perdent pour la
première fois contre l’Espagne à Malaga en février 2008 (0-1), puis ils boivent la tasse contre les Pays-Bas à Berne pour leur dernier
match ensemble (1-4) en juin de la même année. Les deux dernières années de William Gallas, associé à Abidal, Mexès, Escudé ou
Squillaci, suivent la même pente déclinante que celle de Desailly. Preuve que la valeur d’une grande charnière est supérieure à la
somme des joueurs qui la compose.
Notes
[1] ils ne se sont croisés qu’une fois, à New York pour USA-France en 1979
[2] c’est d’ailleurs le défenseur qui a marqué le plus de buts en sélections, 16.