60e session nationale (2007-2008) Rapport présenté par le

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60e session nationale (2007-2008)
Rapport présenté par le Comité 5
LA GOUVERNANCE INTERNATIONALE DE L‟ESPACE :
MYTHE TENACE, FORMULE INCANTATOIRE OU PERSPECTIVE REALISTE ?
- COMITE 5 -
Marc de ANDOLENKO
Directeur audit,
Groupe AREVA
Marie-Béatrice BAUDET-DECLERCK
Chef de service,
Le Monde économique
Luc BEAUSSANT
Colonel de l’armée de terre
Isabelle CHMITELIN
Directrice régionale et départementale de
l’agriculture et de la forêt,
région Centre
Jean-Philippe GAUDIN
Commandant en second du renseignement
militaire
Suisse
Patrick GODART
Médecin en chef,
Service de santé des armées
Philippe HELLO
Capitaine de vaisseau
Dominique LEVY
Directrice en communication et
développement,
KARAT 2
Thierry DALLARD
Sous-directeur à la direction générale des
routes, ministère de l’écologie, du
développement et de l’aménagement
durables
Sophia MEERES
Architecte-urbaniste
Grande-Bretagne
Jean-Philippe FABRE
Ecclésiastique
Philippe PERRIN
Délégué général
Rafale export et coopérations futures,
Dassault Aviation
Bernard FONTAN
Colonel de l’armée de terre
Jérôme FOUGERAS de
LAVERGNOLLE
Directeur général,
Hermès Sellier
Serge RIVAYRAND
Commissaire divisionnaire,
Préfecture de police
Bernard SCHULER
Colonel de l’armée de l’air
Yves STRUILLOU
Maître des requêtes, Conseil d’Etat
LA GOUVERNANCE INTERNATIONALE DE
L’ESPACE : MYTHE TENACE, FORMULE
INCANTATOIRE OU PERSPECTIVE REALISTE
?
SOMMAIRE
SOMMAIRE .................................................................................................................................... 4
INTRODUCTION ........................................................................................................................... 5
ETAT DES LIEUX DE LA REGULATION INTERNATIONALE DES ACTIVITES
SPATIALES ………………………………………………………… ............................................ 6
I.
Une organisation internationale de l’espace issue des rivalités de la guerre froide et
conférant à chaque Etat un rôle de régulation et une responsabilité quasiment exclusive dans les
activités spatiales.……………………..…………………………………………........................6
II.
Des évolutions majeures, notamment des contextes géostratégique, économique et
technique, mettent en évidence les limites des règles de gouvernance actuelles.………….......11
PERSPECTIVES D’AMELIORATION DE LA GOUVERNANCE INTERNATIONALE
DES ACTIVITES SPATIALES ................................................................................................... 18
I.
La mise en place d’une gouvernance internationale intégrée : une perspective
irréaliste ?……………………………………………………………………………………....18
II.
Un code de bonne conduite…………………………………………………..………...23
CONCLUSION .............................................................................................................................. 32
LISTE DES ANNEXES ................................................................................................................ 35
-5-
INTRODUCTION
Si le choc de Spoutnik 1, le 4 Octobre 1957, a révélé le déclenchement d‟une guerre techno-stratégique
entre les Etats-Unis et l‟URSS, c‟est dès le 14 novembre 1957 que l‟Assemblée générale des Nations
unies a adopté la résolution 1148 préconisant l‟utilisation pacifique de l‟espace. Le 12 décembre 1959,
les Nations unies décidèrent de mettre en place le COPUOS (Committee on the Peaceful Uses of Outer
Space) afin d‟étudier les possibilités résultant de l‟exploration future de l‟espace extra-atmosphérique.
Ce forum de négociation des accords internationaux a permis d‟élaborer les principes et les prémisses
d‟une gouvernance spatiale internationale. Ainsi sera conclu, le 27 janvier 1967, le Traité sur « les
principes régissant les activités des Etats en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extraatmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes » ; traité complété par d‟autres accords
internationaux jusqu‟à la fin des années soixante-dix.
Les vingt dernières années du XX° siècle ont été marquées par de fortes évolutions des activités
spatiales. L‟utilisation de l‟espace à des fins militaires a engendré des activités duales de plus en plus
nombreuses, alors même que l‟espace reste un enjeu stratégique militaire majeur. En attestent
récemment, la destruction volontaire par la Chine de l‟un de ses propres satellites en 2007, la
neutralisation d‟un satellite américain par un navire de la flotte militaire des Etats-Unis en février
2008, et la relance des projets américains de défense anti-missile balistique. De plus, si les avancées
obtenues dans l‟exploitation des technologies spatiales ont indéniablement nourri le développement
économique mondial, la multiplication des acteurs, notamment privés, et des activités, rend plus
délicate l‟application des traités. Par ailleurs, les puissances non spatiales qui ont souscrit, faute
d‟autre réelle alternative, à un régime juridique autorisant les puissances spatiales à survoler et à
observer leur territoire, revendiquent assez logiquement le partage des fruits de l‟exploitation de ce qui
constitue le « patrimoine commun de l’humanité ».
Compte tenu de ces mutations et des enjeux que l‟espace représente, de nombreuses questions sont
ainsi soulevées :
Est-il justifié et concevable de dépasser le cadre de gouvernance actuel pour soumettre les
Etats à des règles et des mécanismes plus contraignants ?
Une telle transformation du cadre institutionnel serait-elle compatible avec l‟esprit
pionnier et les règles libérales auxquelles sont attachées les grandes puissances spatiales ?
Des règles plus contraignantes sont-elles réalistes dès lors qu‟elles ne seraient pas jugées
compatibles avec la conception que la puissance spatiale dominante a de ses
intérêts vitaux ?
A défaut de pouvoir réaliser le « big bang juridique » idéal, la perspective d‟une évolution
progressive des règles de gouvernance reposant sur l‟intérêt bien compris de chaque Etat,
n‟est-elle pas à privilégier ?
Comment définir le mode opératoire d‟une telle stratégie ? Quelles places la France et
l‟Europe peuvent-elles y jouer, tant dans sa définition que dans sa mise en œuvre ?
Ce rapport vise à répondre à ces questions en examinant les bases juridiques de la gouvernance
internationale actuelle, dans le contexte de l‟évolution technologique, géopolitique et commerciale
depuis 1957. Il tentera d‟identifier les carences juridiques du système international et dessinera des
pistes possibles pour les combler.
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-6-
ETAT DES LIEUX DE LA REGULATION
INTERNATIONALE DES ACTIVITES SPATIALES
I.
UNE ORGANISATION INTERNATIONALE DE L’ESPACE ISSUE DES
RIVALITES DE LA GUERRE FROIDE ET CONFERANT A CHAQUE ETAT UN
ROLE DE REGULATION ET UNE RESPONSABILITE QUASIMENT
EXCLUSIVE DANS LES ACTIVITES SPATIALES.
A. La notion de gouvernance
Actuellement, le mot gouvernance n'existe pas explicitement dans la langue française. Ce terme
d‟origine grecque était employé en ancien français comme un synonyme de gouvernement (art ou
manière de gouverner).
La notion de gouvernance comporte un double volet :
- la description des modes de gouvernement d‟une entité telle qu‟un Etat, une organisation
internationale ou une entreprise,
- la recherche des principes et des méthodes qui facilitent et garantissent « le bon
gouvernement ».
Cette notion, souvent employée dans le contexte des organisations internationales, vise à dépasser une
approche classique – se bornant à décrire les diverses modalités de gouvernement - pour définir les
critères permettant d‟apprécier l‟utilité ou l‟efficacité du mode de gouvernement retenu. De ce point
de vue, la gouvernance a pour effet de soumettre l'action des gouvernements à des critères
d‟évaluation par le truchement d‟institutions internationales telles que l‟OCDE, le FMI ou la banque
mondiale.
La gouvernance vise à organiser les mécanismes de fonctionnement de l'institution de telle sorte que
les intérêts des commandités ne puissent pas prendre le pas sur ceux de leurs commanditaires, par
respect de l‟idéal démocratique.
B. Les spécificités de l’espace
Si de multiples applications technologiques dépendent, au quotidien, des activités qui se déploient
dans l‟espace, ce dernier reste encore difficilement accessible et largement inconnu.
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-71) Un milieu d’accès difficile
L’espace constitue un milieu difficile d’accès et hostile. « Le ticket d’entrée » en termes scientifique,
technique et économique est lourd et dissuasif pour la majeure partie des Etats qui ne disposent pas
des ressources nécessaires. Ainsi, le nombre d’Etats de lancement est actuellement limité à sept (EtatsUnis, Russie, Chine, Inde, France, Japon, Israël).
A ces disparités, s‟ajoute celle induite par la géographie. En pratique, les pays disposant d‟installations
de lancement à proximité de l‟équateur sont avantagés car la mise en orbite y est plus directe et
beaucoup moins coûteuse. La France, avec son site de lancement situé à Kourou en Guyane, est de ce
point de vue, particulièrement favorisée.
2)
Un milieu difficile à territorialiser.
Dans l‟espace extra-atmosphérique, on distingue quatre sous-ensembles pour chacun desquels les
enjeux apparaissent clairement distincts :
- l’espace circumterrestre constitue un domaine stratégique compte tenu de la possibilité d‟y
placer en orbite des satellites civils ou militaires, ses frontières physiques sont délicates à
fixer ; il est d‟usage d‟admettre qu‟il commence au-delà de l‟altitude maximale de vol des
aéronefs (environ 20 km) et à partir de l‟altitude minimale (environ 110km) 1 à laquelle les
frottements de l‟air devenant négligeables, les satellites peuvent opérer suivant les lois de la
mécanique céleste avec des trajectoires orbitales. Cet espace extra-atmosphérique s‟étend
jusqu‟aux distances où l‟attraction terrestre est suffisante pour maintenir des satellites en
orbite malgré l‟action des forces centrifuges.
- l’espace lunaire est un symbole de conquête du fait de sa relative proximité ; à un horizon
plus ou moins proche, il pourrait servir de base à une station scientifique d‟observation de
l‟univers et de recherche de matières premières nouvelles.
- l’espace solaire définit les limites de notre système solaire, dont l‟exploration se poursuit mais
dont l‟exploitation se heurte aux limites des techniques actuelles.
- l’espace lointain, aujourd‟hui très mal connu, sans doute le lieu d‟une possible exploration
future mais d‟une très hypothétique exploitation.
Le domaine d‟application privilégié de la gouvernance est l‟espace circumterrestre où les orbites
disponibles ne revêtent pas toutes le même intérêt. Il est d‟usage de distinguer trois familles d‟orbites.
L‟orbite géostationnaire, située à 35800 km de la terre, est utilisée par les satellites de
télécommunication. Un satellite géostationnaire apparait quasiment immobile par rapport au point du
globe au-dessus duquel il se trouve, cela permet d‟assurer une transmission ou une observation
continue sur une vaste zone terrestre autour de cette même position. L‟orbite héliosynchrone, permet
de s'assurer que le satellite survolera toujours à la même heure solaire locale une région quelconque de
la planète. L‟orbite polaire, d‟altitude assez basse, est quant à elle, bien adaptée à l‟observation de la
terre.
1
Cette définition montre qu’il existe une zone intermédiaire entre les notions d’activités aériennes et les activités
extra-atmosphériques, ce qui engendre un certain flou juridique dans cette partie de l’espace.
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-8Les règles de gouvernance ont dû prendre en compte les spécificités de cet espace circumterrestre pour
la mise en œuvre des satellites qui répond aux exigences suivantes :
A la différence de l‟aéronef, qui peut contourner une zone aérienne géographique, le satellite suit une
trajectoire prédéterminée sur son orbite. En effet, un satellite a une trajectoire elliptique définie par les
règles de la mécanique. La circulation dans l‟espace circumterrestre nécessite donc la « liberté de
navigation » des satellites autour de notre globe et en particulier au-dessus des espaces aériens et
terrestres nationaux qui sont traversés.
Chaque type d‟activité se concentre sur une famille d‟orbites nécessitant une gestion stricte de leur
occupation pour éviter des interférences entre satellites (brouillage radio-électrique, masquage,
collision…etc).
La modification de l‟orbite d‟un satellite est possible mais très coûteuse en énergie, elle peut obérer sa
durée de vie. L‟action de repositionnement d‟un satellite, même lorsqu‟elle est techniquement
possible, ne peut donc être entreprise qu‟avec parcimonie.
Enfin une relative vulnérabilité des satellites doit être soulignée, du fait du caractère prédictible de leur
trajectoire orbitale. Cette vulnérabilité est renforcée par la difficulté qu‟il y aurait à assurer la
protection rapprochée des satellites avec des systèmes de défense qui devraient prendre en compte la
diversité des orbites.
Ainsi, les caractéristiques physiques de l‟espace circumterrestre rendent délicate au plan technique et
financier la mise en œuvre d‟une logique de « territorialisation », voire d‟appropriation nationale.
3) Un milieu à fort enjeu de puissance.
Pendant la guerre froide, les activités spatiales sont devenues un des moyens à haute visibilité
médiatique des deux superpuissances pour affirmer la suprématie de leurs systèmes politiques
respectifs.
Désormais, toutes les forces armées des grandes puissances s‟appuient sur la composante spatiale.
L‟espace, multiplicateur de forces, permet d‟atteindre de nombreux objectifs :
réduire la boucle de décision de la chaîne de commandement avec des satellites de
communications protégés ;
assurer le positionnement et le guidage de tous les systèmes d‟armes par des constellations de
satellites de navigation de type GPS ;
réaliser des cartographies de plus en plus fines des théâtres d‟opération ;
disposer d‟observations météorologiques en appui des opérations ;
renseigner par moyen d‟imagerie et d‟écoutes électromagnétiques.
Au delà de ces utilisations désormais traditionnelles en soutien des opérations aéroterrestres et
aéromaritimes, se développent de nouvelles doctrines et de nouveaux besoins capacitaires nécessitant
la maîtrise de technologies spatiales supplémentaires :
-
la défense anti-missile balistique (ABM) nécessite des constellations de satellites de détection
et d’alerte, voire de guidage et de lancement d’armes contre les missiles balistiques ;
la capacité à neutraliser ou détruire des satellites adverses devient d’un intérêt croissant en
raison du rôle de l’espace dans la préparation et la conduite des opérations modernes ;
la surveillance spatiale peut être utilisée tant pour disposer d’un préavis sur une menace
balistique que pour assurer la protection de ses satellites civils et militaires ;
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-9-
l’aptitude à mettre en orbite des satellites de secours, dans des délais très courts, permet de
maintenir ou de restaurer la continuité des services assurée par les systèmes spatiaux en cas
d’agression contre ces derniers.
La maîtrise de l‟espace à des fins militaires confère aux Etats qui en ont la capacité un avantage
souvent décisif. Enjeu de puissance, l‟espace pourrait être demain une zone d‟extension de conflits.
4) Un milieu à fort enjeu économique.
Dans la majorité des utilisations militaires de l’espace, des applications duales ont surgi avec des
retombées commerciales civiles :
Les télécommunications et la télédiffusion où de nombreux opérateurs commerciaux proposent leurs
services avec une couverture souvent mondiale. Des constellations de satellites dédiées à la téléphonie
civile (Iridium, Inmarsat …etc) ont été mises en service en orbite basse ou en géostationnaire et ont
trouvé leur marché quelquefois non sans difficulté ;
L‟observation de la terre et des océans est tributaire de satellites dotés de capteurs de plus en plus
performants. Ils permettent d‟améliorer les prédictions météorologiques pour limiter les conséquences
des phénomènes climatiques (cyclones, tempêtes) ; ils offrent de nouvelles perspectives pour préserver
l‟environnement et assurer un développement durable (surveillance des ressources en eau, lutte contre
la désertification, agriculture).
Enfin, le positionnement par satellites a déclenché une véritable révolution. De nouvelles applications
voient le jour régulièrement (transports individuels, loisirs, robotique, agriculture, protection de
l‟environnement…etc).
Il faut également rappeler les enjeux de la recherche scientifique :
- des expériences scientifiques sont réalisées dans l‟espace sous microgravité à bord de satellites
récupérables ;
- des instruments de mesures emportés par des satellites permettent d‟analyser les hautes couches
de l‟atmosphère ;
- après l‟envoi des premières sondes dans le système solaire et au delà, un nouvel engouement
semble mobiliser la communauté scientifique au travers de l‟observation de Mars et du soleil ;
- les astrophysiciens ont pu s‟affranchir des pollutions atmosphériques par la mise en orbite de
télescopes (Hubble, Chandra,..).
Le domaine des vols habités cristallise à lui seul toutes les dimensions de l‟espace : exploit
scientifique, mythe mobilisateur pour les Etats (la « nouvelle frontière » pour les Etats-Unis chère au
président Kennedy), concrétisation à la fois des rêves ancestraux de l‟Humanité et des rivalités entre
les puissances.
Enfin, les acteurs institutionnels majeurs américains, comme la NASA, souhaitent favoriser une
nouvelle conquête de l‟espace dans le même esprit que l‟émulation qui avait prévalu à l‟époque des
frères Wright et des pionniers de l‟aviation en s‟appuyant sur des initiatives privées.
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- 10 C. Un statut juridique international qui, de jure, prend en compte les intérêts de
l’humanité mais consacre de facto la prééminence des puissances spatiales.
Dès le début de l'ère spatiale, l'élaboration d'un cadre juridique régissant les opérations dans ce secteur
a connu des avancées importantes. Elaborés dans le cadre du comité des utilisations pacifiques de
l'espace extra-atmosphérique (COPUOS) mis en place par les Nations unies, plusieurs accords
internationaux ont été conclus.
Un ensemble de cinq traités et de cinq résolutions des Nations unies constitue le fondement du régime
international gouvernant les relations entre les nations dans le domaine spatial. Ce régime sert
également de cadre aux Etats pour définir les règles de leurs propres activités nationales afférentes à
l‟espace (voir annexe 3).
Par ailleurs, des accords multilatéraux sont venus compléter ce système juridique, tels que des
protocoles d'accord entre Etats et/ou entre organisations internationales et régionales (Accord
intergouvernemental relatif à la station internationale ISS).
Le corpus juridique onusien a pour objectif premier d‟assurer la liberté d‟exploration et d‟utilisation de
l‟espace. En effet, du fait des contraintes mécaniques précitées, les trajectoires en orbite autour de la
terre dans l‟espace circumterrestre sont peu modifiables ; de ce fait, l‟appropriation par un Etat donné
de l‟espace surplombant son espace aérien aurait conduit à pouvoir faire obstacle au passage à sa
verticale d‟un satellite étranger et donc à interdire son emploi. Il était donc impératif pour les
premières puissances spatiales de consacrer un ensemble de règles imposant à chaque Etat de renoncer
à toute velléité d‟appropriation. Certes, proclamée et reconnue au nom de « l’intérêt commun de
l’humanité », cette liberté profite à tous…mais en pratique, elle est « l’apanage », des seuls Etats
ayant la capacité de mener des activités spatiales. En outre, en reconnaissant à l‟espace extraatmosphérique le statut de « res communis », les Etats acceptent que leur territoire soit survolé, voire
observé, depuis l‟espace, sans leur accord préalable.
La contrepartie de ce principe essentiel de la liberté d‟exploration et d‟utilisation de l‟Espace, est celui
de la responsabilité des Etats. Le cadre juridique onusien pose donc, comme principe, la responsabilité
de l‟Etat dit « Etat de lancement » pour tous les dommages résultant pour un Etat tiers des activités
spatiales, qu‟elles soient conduites par l‟Etat de lancement lui-même ou par d‟autres entités à partir de
son sol. Cette responsabilité n‟est pas subordonnée à l‟existence d‟une faute, seul doit être rapportée la
preuve du dommage subi par l‟Etat tiers et/ou ses ressortissants.
A dessein, le cadre juridique international a été conçu comme souple et peu contraignant. Les
puissances spatiales n‟ont pas voulu entraver le développement d'applications spatiales, qu'elles soient
militaires, civiles ou commerciales. Ce cadre est également novateur, il reconnaît la possibilité
d‟activités spatiales non-étatiques englobées dans la dénomination « d’activités spatiales nationales ».
S‟agissant de l‟utilisation de l‟espace à des fins militaires, si « l’utilisation pacifique de l’espace » est
affirmée, seule est interdite la mise en orbite d‟armes de destructions massives dans l‟espace extraatmosphérique et sur les corps célestes. La mise en place de systèmes d‟armes « non-agressifs » n‟est
pas regardée comme contraire à la lettre du traité.
Corollaire de la liberté reconnue aux Etats pour conduire leurs activités spatiales, il incombe à ces
derniers de déterminer le cadre juridique de leurs activités, et, notamment, de fixer les règles de
contrôle des activités spatiales privées de nature à engager leur responsabilité internationale.
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- 11 II.
DES EVOLUTIONS MAJEURES, NOTAMMENT DES CONTEXTES
GEOSTRATEGIQUE, ECONOMIQUE ET TECHNIQUE, METTENT EN
EVIDENCE LES LIMITES DES REGLES DE GOUVERNANCE ACTUELLES
A. L’évolution du contexte stratégique est caractérisée par l’exacerbation des
ambitions entre des puissances spatiales de plus en plus nombreuses.
1) Taillé à leur mesure par les deux grands, le cadre juridique de la gouvernance est mis
en cause par la volonté, clairement affichée, d’Etats de plus en nombreux, d’accéder
au statut de puissance spatiale ou de conforter leur position.
Depuis 1967, les activités spatiales étatiques ont connu un développement sans précédent. Plus d‟une
dizaine d‟Etats ont développé des capacités dans ce domaine considéré comme stratégique et dominé
sans partage par les Etats-Unis depuis la fin de la guerre froide.
Le 31 août 2006, le président Bush a signé un texte relatif à la politique nationale de l‟espace qui régit
la conduite des activités dans l‟espace des Etats-Unis (US National Space Policy – August 31,2006).2
Les Etats-Unis y réaffirment leur leadership dans ce secteur de haute technologie qui représente,
activités civiles et militaires confondues, 40 milliards de dollars par an. Ils confirment leur intention de
reprendre les vols habités vers la Lune, voire vers Mars. Ils affichent également avec une certaine
force tranquille la ferme volonté de contrôler l'espace et d'y imposer leur liberté d'action.
La Russie vise à reconquérir une position de superpuissance spatiale grâce à la manne de ses
ressources pétrolières et gazières qui permet la remise en ordre de son économie et de son potentiel
spatial. La grande fiabilité de ses lanceurs et le faible coût des technologies qu‟elle propose en font un
concurrent sérieux sur les marchés civils.
L‟Europe, dont la France est l‟acteur majeur, s‟affirme comme une puissance spatiale indépendante à
part entière, et investit près de 5 milliards d‟euros par an pour asseoir ses ambitions. Même si les
ambitions spatiales ne font pas l‟unanimité parmi les Etats européens, il n‟en demeure pas moins que
la seconde puissance spatiale dispose d‟atouts sur le marché international avec la puissance et la
fiabilité d‟Ariane V ainsi que le site de Kourou. Programmée pour 2009, l‟exploitation des lanceurs
russes Soyouz, déjà commercialisés par Arianespace, permettra au centre spatial guyanais de devenir
un port spatial international.
La Chine voit dans l‟espace une vitrine technologique qui lui permet de gagner en crédibilité sur la
scène internationale. La Chine s‟est dotée d‟une programmation quinquennale de ses activités spatiales
prévoyant la mise au point d‟un système national de positionnement, l‟organisation de vols habités, la
2
Ce texte de l’Office of Science and Technology Policy (OSTP) remplace la Directive/NSC-49/NSTC-8 datée du
14 septembre 1996. Il porte la marque de la doctrine de « Space Dominance » : pour les Etats-Unis, l’espace est
un théâtre stratégique majeur tant sur le plan civil que sur le plan militaire : « En ce nouveau siècle, ceux qui
utilisent efficacement l’espace acquièrent de la prospérité et la sécurité et tiendront un avantage substantiel sur
ceux qui ne le font pas ». Le texte réaffirme donc la volonté des Américains de préserver leur leadership,
d’accroître encore leur avance et d’interdire à quiconque, fussent-ils leurs alliés naturels, d’interférer avec cette
politique d’hégémonie et de maintien de l’avance technologique. La liberté d’action dans l’espace devient aussi
importante pour les États-Unis que la maîtrise des airs et la puissance navale : « Afin d’augmenter la
connaissance, la découverte, la prospérité économique et augmenter la sécurité nationale, les États-Unis doivent
avoir des possibilités robustes et efficaces pour et dans l’espace ».
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- 12 construction de nouveaux lanceurs, l‟acquisition de capacités d‟observation de haute résolution et,
enfin, l‟exploration de la Lune.
L‟Inde utilise les technologies spatiales comme un élément stratégique dans la gestion de tensions
régionales. Avec son programme CHANDRAYAAN-1 de sonde automatique placée en orbite lunaire
en 2008, l‟Inde vise à acquérir également une visibilité internationale et envisage un programme
ultérieur de vols habités.
Le Japon affiche des objectifs ambitieux, avec en premier lieu la construction d‟une base lunaire
prévue à l‟horizon 2025, après avoir réalisé près de quatre-vingt lancements entre 1972 et 2005. Ces
activités sont exercées au sein de divisions de grandes entreprises évoluant dans des domaines
technologiques différenciés (Mitsubishi, NEC, Toshiba, Nissan…).
Le Brésil et la Corée du Sud, à des niveaux plus modestes disposent de sites de lancement et d‟un
programme spatial, tandis que de nouveaux pays souhaitent développer des capacités en propre (Iran,
Pakistan ou Corée du Nord) ou par le biais de coopération (Ukraine, Canada).
Enfin Israël, dans une moindre mesure, possède des capacités de lancement autonomes.
Ainsi de plus en plus de puissances entendent disposer de leurs propres moyens spatiaux pour des
besoins stratégiques mais aussi pour participer à la compétition économique internationale. A côté de
ces acteurs, les Etats non spatiaux revendiquent une partie des bénéfices tirés des informations issues
des technologies spatiales.
2) L’incapacité des Etats à adapter le cadre juridique international des activités et des
opérations spatiales.
Malgré des activités spatiales croissantes, depuis trente-cinq ans, aucun traité majeur n‟a pu être
élaboré et beaucoup d‟Etats n‟ont pas ratifié les textes adoptés (voir Annexe 3). Aucun des cinq traités
n‟a fait l‟objet d‟une révision.
En effet, les Etats-Unis, soucieux de préserver leur prédominance spatiale, ont préféré investir dans
des relations bilatérales plus simples à manier. Quant aux Etats européens, ils agissent en ordre trop
dispersé. Si les relations bilatérales entre des puissances spatiales peu nombreuses pouvaient autrefois
pallier l‟insuffisance des cadres institutionnels de gestion des différends, il n‟en est plus de même
aujourd‟hui. Le risque d‟une compétition spatiale se déroulant en l‟absence de cadre juridique
pertinent est d‟autant plus élevé que la nature et le volume des activités spatiales évoluent et que des
acteurs non étatiques apparaissent.
B. Les évolutions dans l’ampleur et la nature des activités spatiales mettent en
lumière les limites de la gouvernance établie depuis 1967
1) Le développement des activités spatiales, en particulier à des fins commerciales.
Après une première phase marquée par des activités étatiques de prestige ou clairement militaires avec
leurs retombées scientifiques et techniques, l‟émergence d‟activités commerciales souvent privées,
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- 13 marque un tournant dans l‟exploitation de l‟espace et soulève de nouvelles questions quant aux
responsabilités découlant de ces activités.
Les activités civiles d‟ordre commercial ont connu un développement significatif. Il s‟agit en
particulier des satellites de communication capables aujourd‟hui de proposer Internet à Haut Débit,
ainsi que des satellites de télédiffusion (Astra, Direct TV, Arabsat…), dont l‟exploitation engendre un
chiffre d‟affaires considérable. La liste des principaux opérateurs mondiaux de satellites
géostationnaires témoigne du dynamisme de ces activités et de l‟accès de nombreux pays à ces
technologies (voir Annexe 4).
En Europe en 2007 selon « ASD Eurospace », le marché institutionnel représente 3 milliards d‟euros
(dont 2 milliards pour les systèmes civils) tandis que le marché commercial est légèrement inférieur à
2 milliards (dont près de la moitié pour les activités de lancement), ce relatif équilibre entre activités
privées et institutionnelles est assez stable. Aux Etats-Unis les activités institutionnelles sont très
largement prédominantes (95% des 40 milliards de dollars précités) et l‟échelle est toute autre, ainsi le
seul budget de la NASA dépasse 16 milliards de dollars en 20073.
Face au poids des activités institutionnelles, il convient donc de relativiser l‟impact et les facteurs de
développement des activités commerciales dans l‟espace. Celles-ci ne se développent d‟ailleurs pas
toujours avec l‟essor attendu, du fait du coût des technologies spatiales. Ainsi, les activités privées
utilisant la communication par satellite sont encore fortement concurrencées par des infrastructures
filaires. Seules la navigation et l‟observation de la terre constituent des niches durables mais
relativement mineures par rapport aux flux financiers de la télédiffusion et des radiocommunications.
La très forte augmentation de la diffusion des images satellitaires pose aussi la question juridique des
droits d‟exploitation en matière de propriété intellectuelle et notamment la protection d‟images
sensibles qu‟un Etat souverain souhaiterait ne pas voir publier.
Le développement du tourisme spatial au moyen de véhicules suborbitaux est désormais envisageable.
Moins onéreux et plus simple à mettre en œuvre que des vols spatiaux, plusieurs opérateurs privés s‟y
intéressent. Cette nouvelle activité, à la frontière entre l‟aérien et le spatial n‟est couverte par aucune
règle spécifique même si un droit émergent est en cours d‟élaboration. Elle pose de nouveau la
question non tranchée de la frontière entre espace aérien et espace extra-atmosphérique.
Si les Etats peuvent bénéficier des effets de la concurrence, en tant que « client », cette dernière est
cependant faussée par le soutien financier direct ou indirect de puissances étatiques rivales envers leur
industrie nationale. Cela peut donc remettre en cause la pérennité de capacités industrielles nationales
d‟accès à l‟espace dans les pays qui jouent le jeu et, in fine, leur statut même de puissance spatiale
pourrait être compromis. De ce point de vue, l‟existence d‟un cadre de discussion entre Etats
semblerait utile. Ce cadre pourrait, le cas échéant, être celui de l‟OMC, même si certains des acteurs
actuels (telle la Russie) ne sont pas encore membres de cette organisation.
2) L’émergence de nouveaux acteurs offrant « l’opportunité de contourner » les règles de
responsabilité en matière d’activités spatiales.
Le régime juridique actuel pose le principe de la responsabilité à l‟égard des tiers de l‟Etat de
lancement4. Dès lors qu‟un Etat peut voir sa responsabilité engagée de manière illimitée, il est logique
que cet Etat contrôle, par les moyens qui lui paraissent nécessaires, les activités spatiales, notamment
privées, de nature à engager ultérieurement sa responsabilité. Les propositions faites par le Conseil
3
Source : site web de la NASA – projet de budget 2009
Est regardé comme tel l’Etat qui lance l’objet, fait procéder au lancement ou dont les installations servent au
lancement ou encore, l’Etat depuis le territoire duquel le lancement est effectué. Les critères sont alternatifs.
4
COMITE 5
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- 14 d‟Etat dans son rapport5 – qui suggère la mise en place d‟un régime d‟autorisation préalable –
s‟inscrivent dans ce cadre.
Pour prévenir tout dommage qu‟il serait tenu de réparer, l‟Etat de lancement peut imposer le respect
de normes visant à interdire l‟emploi de matériaux polluants ou de substances dangereuses, à prévenir
la formation de déchets et à prendre des dispositions pour la fin de vie du satellite. Il peut donc être
tentant pour des opérateurs privés de contourner ces obligations coûteuses en sollicitant des Etats « de
complaisance », acceptant de jouer le rôle d‟Etat de lancement en procédant à l‟immatriculation de
leur satellite.
Le développement de dispositifs de type « Sea launch » pourrait également faciliter le contournement
des règles relatives à la responsabilité. En effet, en cas de lancement à partir de plateformes
positionnées dans les eaux internationales, il serait plus difficile de déterminer l‟Etat de lancement
responsable. Dans le cas d‟un Etat « de complaisance », en cas de dommage, la responsabilité serait
recherchée auprès, non de l‟Etat de « pavillon », mais auprès de tout Etat pouvant être considéré
comme un Etat de lancement et qui serait solvable. Non seulement le cadre juridique actuel ne permet
pas de faire échec à de tels scénarii mais, par son caractère lacunaire, il contribue à renforcer leur
probabilité.
3) Des tensions accrues dans le partage des ressources spatiales qui remettent en cause
le principe de non-appropriation.
Le développement des activités spatiales contribue à l‟émergence d‟une concurrence entre les acteurs
pour s‟approprier des ressources spatiales rares : les orbites et les fréquences. En effet l‟utilisation des
orbites repose sur le principe du droit du premier utilisateur.
Dès septembre 1976, huit Etats équatoriaux6 avaient revendiqué la souveraineté sur l‟orbite équatoriale
surplombant leur territoire, par la « Déclaration de Bogota » qui n‟avait pas été suivie d‟effet.
L‟exploitation plus intensive de l‟espace-circumterrestre crée un nouveau contexte alors que perdure la
pratique selon laquelle l‟orbite et le spectre de fréquences sont concédés gratuitement aux Etats.
Le royaume du Tonga a effectué un nouveau pas vers une appropriation et une marchandisation des
ressources spatiales, en soumettant entre 1988 et 1990 à l‟UIT l‟inscription de seize positions orbitales
géostationnaires, puis en 1992 l‟enregistrement d‟un système satellite en orbite basse. L‟objectif
poursuivi était de louer, voire de vendre, à d‟autres Etats ou entités, les positions et les fréquences.
Cette initiative a ouvert la voie à un quasi commerce des sites orbitaux, d‟autres Etats7 ayant imité le
Tonga. La résolution 51/122 de 1996 (« portant déclaration sur la coopération internationale en
matière d‟exploration et d‟utilisation de l‟espace au profit de tous les Etats, compte tenu en particulier
des pays en voie de développement ») tente de répondre aux motivations sous-jacentes à ces
démarches en réaffirmant les principes fondamentaux du droit de l‟espace. Elle reconnaît l‟importance
que revêt la coopération internationale pour l‟exploration et l‟utilisation de l‟espace au profit et dans
l‟intérêt de tous les Etats compte tenu en particulier des besoins des pays en voie de développement.
5
Rapport du CE : « Pour une politique juridique des activités spatiales », Rapport au Premier ministre, avril
2006.
6
Equateur, Colombie, Brésil, Congo, R.D.C, Ouganda, Kenya, Indonésie.
7
Papouasie Nouvelle Guinée, Malaisie, Thaïlande, Philippines, Indonésie, Chine, Inde, Brésil, Gibraltar, Ile de
Man.
COMITE 5
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- 15 Elle ne saurait cependant être regardée comme une réponse suffisante au mouvement
« d‟appropriation » des ressources spatiales. La nécessité, sur ce point, de nouvelles règles de
gouvernance est évidente. A défaut, l‟un des principaux acquis du traité de 1967 serait remis en cause.
C. Des évolutions technologiques, source de progrès, mais aussi de risques nouveaux.
1) Des possibilités accrues d’observation et de surveillance.
Les progrès enregistrés dans le domaine de la détection des objets en orbite permettent une meilleure
prévention des risques de collision sur des orbites de plus en plus encombrées. Ainsi, le système de
surveillance américain « Space Surveillance Network » (SSN) et certains équipements européens, en
particulier le réseau radar français GRAVES8 (Grand Réseau Adapté à la Veille Spatiale), assurent une
veille permanente des orbites et rendent possibles l‟adoption de mesures d‟évitement des plus gros
débris et de prévention des collisions. Ces systèmes pourraient être encore développés et
ponctuellement mis à profit de la communauté internationale en cas d‟incident pour établir les
responsabilités éventuelles, d‟autant plus que leur coût semble relativement peu onéreux (30 millions
d‟euros pour GRAVES).
Les systèmes de surveillance permettent aussi de repérer, traquer, voire ultérieurement de contribuer à
neutraliser ou détruire des satellites. La nécessité de protéger ses propres systèmes satellitaires, en
particulier militaires, est sans doute le principal obstacle au développement de systèmes de
surveillance internationaux. Ainsi, il n‟existe actuellement aucun système multinational coordonné
d‟observation et de suivi de l‟espace circumterrestre, ni de système de partage transparent de
l‟information. Seuls des échanges ponctuels et informels sont réalisés.
Pourtant, GRAVES montre que la surveillance de l‟espace peut constituer un réel atout dans les
négociations internationales et remettre en cause certains équilibres stratégiques. Ainsi, à la suite de
l‟identification de la présence de satellites « espions » américains, un dialogue plus équilibré entre
autorités françaises et américaines a conduit à obtenir de la part des Etats-Unis, la suppression de la
mise à disposition en source ouverte d‟informations concernant des satellites militaires français :
Hélios 2 pour l‟observation, Syracuse-2 pour les télécommunications et démonstrateur Essaim pour le
recueil du renseignement d‟origine électromagnétique9.
2) De nouvelles techniques de destruction ou de neutralisation des appareils en orbite.
L‟agression de satellites appartenant à d‟autres Etats peut recouvrir différentes formes : l‟intrusion
dans les systèmes vitaux des satellites et dans ceux du segment sol qui les contrôlent, le brouillage
électronique, l‟utilisation des effets ionisants et électromagnétiques produits par une explosion
nucléaire en haute altitude, la destruction par impact au moyen d‟armes antisatellites à énergie
cinétique ou à énergie dirigée (micro-ondes à forte puissance, laser) depuis le sol comme depuis
8
Ce radar est considéré comme la première étape d’une défense spatiale de la France. Placé sous le contrôle du
commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), il fonctionne 24 heures sur 24,
scrutant le ciel, détectant les "objets" situés en orbite basse, à une altitude comprise entre 400 et 1 000
kilomètres.
9
Source : Le Monde 21 juin 2007
COMITE 5
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- 16 l‟espace. Plusieurs pays dont la Chine (laser et petits satellites) et la Russie (armes à impulsion
électromagnétique) développent des programmes de recherche dans le domaine des armes
antisatellites.
Les satellites, et les systèmes militaires et civils qui y sont attachés, sont donc plus vulnérables du fait
de leur identification plus aisée et de la possibilité de les neutraliser.
Les traités actuels ne couvrent spécifiquement ni l‟accès à l‟information sur les activités de
surveillance de l‟espace, ni la question des actions visant à neutraliser ou détruire les satellites. Tout au
plus, le traité de 1967 rappelle que seules les activités à but pacifique peuvent être développées dans
l‟espace et établit clairement la responsabilité de l‟Etat de lancement sur les dommages directs et
indirects (production de déchets compris) causés.
La sûreté des objets spatiaux mis en orbite, eu égard aux menaces potentielles encourues et aux
risques, constitue désormais une question-clef que les règles de gouvernance, quasiment muettes sur
ce point aujourd‟hui, doivent impérativement prendre en compte pour que soit garantie la liberté de
circulation dans l‟espace. A défaut, c‟est le système construit en 1967 qui pourrait être mise en cause :
ainsi, on peut imaginer qu‟un Etat de lancement A voit sa responsabilité engagée par un Etat B, en
raison des dommages subis à la suite de la destruction volontaire par un Etat C de l‟un de ses satellites,
et ce, sans qu‟il puisse se retourner contre l‟Etat C, à supposer qu‟il ait été en mesure de l‟identifier ?
3) La multiplication des débris gravitant dans l’espace constitue désormais une menace
sérieuse pour la sûreté des activités spatiales.
Depuis les débuts de l‟aventure spatiale on évalue à près de 6000 le nombre d‟engins qui ont été lancés
dans l‟espace (satellites, lanceurs, sondes), 20 000 tonnes de matériaux ont été mises en orbite depuis
1957 et 4500 tonnes y sont encore.
Actuellement on trouve dans l‟espace des satellites fonctionnels (environ 800), des satellites en fin de
vie (1800), des étages des lanceurs, et des résultats de fragmentation consécutifs à des explosions ou
des collisions. Le nombre de fragmentations recensées par le « Space Surveillance Network » de la
NASA est en hausse régulière10, de même que le nombre de débris, évalué à plusieurs dizaines de
milliers11 et qui devrait croître de 5% par an12.
En janvier 2006, la revue Science publiait une information selon laquelle le taux de débris créés par
collision entre objets déjà présents dans l‟espace, serait devenu supérieur au taux de nettoyage assuré
par la combustion dans l‟atmosphère. Même si demain tous les programmes spatiaux étaient
interrompus, le nombre de débris continuerait à croître. Les débris présents dans l‟espace constituent
donc un risque majeur de collision pour les appareils en orbite. En effet, du fait de la vitesse de
déplacement13 des objets dans l‟espace, les chocs, fussent-ils avec des objets de petite taille, peuvent
endommager gravement des satellites. Au plan juridique, la réparation des dommages se heurte à la
difficulté de déterminer l‟Etat de lancement responsable. Au titre de la protection passive, le seul
renforcement du blindage des satellites n‟est pas suffisant car les blindages actuels ne résistent pas à
des chocs avec des particules de taille supérieure à 1cm. Au titre de la protection par l‟évitement, seuls
les gros débris peuvent être détectés. L‟évitement nécessite de plus un changement d‟orbite qui réduit
10
4 en 2004, 3 en 2005, 8 en 2006 et déjà 5 en juillet 2007.
Le tir chinois de 2007 a engendré près de 2000 débris (source Le Monde).
12
Source : La pollution spatiale sous surveillance – Edition Ellipses.
13
7 à 8 km/s, les vitesses relatives pouvant atteindre 15 km/s
11
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- 17 la durée d‟exploitation du satellite. Il suppose aussi que soient prévues des réserves d‟énergie
supplémentaires qui alourdissent, de même que le blindage, le poids et donc le coût de lancement.
Les mesures de protection des satellites ne pouvant réduire suffisamment les dangers de collision, la
communauté internationale doit définir des règles visant à prévenir « en amont » la formation des
déchets. Tel n‟est pas le cas aujourd‟hui : ainsi, entre 1997 et 2005, sur 159 satellites géostationnaires
ayant cessé de fonctionner, 55 ont tenté de quitté leur orbite sans pouvoir atteindre une orbite « de
parking » faute de combustible suffisant, et 40 ont été abandonnés sur leur orbite14.
Enfin, les objets en orbite finissent par retomber sur la Terre (chutes en mars 2001 de la station Mir, et
en 1978 d‟un satellite russe à propulsion nucléaire au Canada). Deux autres objets spatiaux contenant
du Plutonium se sont abîmés en mer15.
Même si la plupart des objets s‟autodétruisent par combustion lors de la rentrée dans l‟atmosphère, les
risques liés à la retombée sont réels. La convention de 1972 assure, en principe, une protection des
Etats non spatiaux en cas de dommages, mais cette convention n‟est pas ratifiée par un nombre
significatif de pays (voir Annexe 3) et la procédure de règlement des différends, très lourde, n‟a jamais
été mise en œuvre.
S‟agissant de la sûreté des objets spatiaux, des activités commerciales, de la non-appropriation des
ressources spatiales et de la responsabilité des Etats, les règles de gouvernance actuelles ne fournissent
donc pas de réponses pertinentes au regard des évolutions en cours et des enjeux. En raison de leurs
lacunes, elles pénalisent les acteurs qui adoptent des comportements « vertueux » favorisant ceux qui
ne respectent pas les principes fondamentaux mis en place par le traité de 1967 : la liberté des activités
spatiales, la non-appropriation des ressources et la responsabilité effective de l‟Etat de lancement. Si
l‟amélioration de la gouvernance apparaît donc nécessaire, il convient de s‟interroger sur sa faisabilité
et les modalités de sa réalisation.
14
15
Source : rapport CE p. 182
Satellite Nimbus en 1968 et élément de capsule Apollo 13 en 1970.
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PERSPECTIVES D’AMELIORATION DE LA
GOUVERNANCE INTERNATIONALE DES
ACTIVITES SPATIALES
I.
LA MISE EN PLACE D’UNE GOUVERNANCE INTERNATIONALE
INTEGREE : UNE PERSPECTIVE IRREALISTE ?
Depuis plus de vingt ans, la communauté internationale a vainement multiplié les efforts afin
d‟adapter le Traité sur l‟espace de 1967 (et ses conventions associées) au nouvel environnement des
activités spatiales. Les propositions de différents acteurs - notamment celles de la France et du Canada
au début des années 1990, puis de la Russie et de la Chine au début des années 2000 - ont été
contrariées par les jeux croisés des grandes puissances spatiales, et en particulier par l‟opposition
systématique des Etats-Unis à toute initiative susceptible d„entraver leur suprématie dans le secteur
spatial16. Sans surprise, Washington a rejeté le 12 février 2008 le projet de traité sur « le nondéploiement des armes dans l’espace et le non-emploi de la force contre les objets cosmiques »
présenté conjointement par la Russie et la Chine dans le cadre de la Conférence annuelle du
désarmement (CD).
En réalité, comme le souligne Mireille Couston17, « la logique qui gouverne les évolutions récentes du
droit spatial est très largement sous l’influence des rapports de puissance politique, économique ainsi
que des innovations technologiques ». Aussi, le projet d‟une organisation mondiale de l‟espace
apparaît-il hors de portée au regard des intérêts des principaux acteurs de l‟espace.
Faut-il pour autant se borner à prendre acte de ce constat d‟échec ?
Le droit spatial est-il condamné à ne jamais évoluer ?
Si les Etats-Unis se sentent un jour menacés par les progrès technologiques réalisés par telle ou telle
autre puissance, n‟en viendraient-ils pas alors à accepter de participer à une instance de concertation, à
l‟instar de ce qui s‟est produit durant la guerre froide pour le nucléaire ?
Le champ potentiel de négociations n‟est pas vierge. Le développement des projets spatiaux a facilité
le brassage d‟idées et les échanges entre experts civils et militaires au sein des organisations
internationales ou dans le cadre de discussions multilatérales ou bilatérales.
En plus des cinq traités en vigueur, les résolutions de l‟Assemblée générale des Nations unies sur
l‟espace18 - qui n'ont pas un caractère obligatoire - constituent déjà des normes de référence pour les
Etats. De même, les conférences internationales des Nations unies sur l‟exploration et les utilisations
16
Au nom de la liberté d’action dans l’espace et d’une volonté affirmée de dominer l’ensemble des activités
militaires, la nouvelle National Space Policy américaine, élaborée en octobre 2006 par l’Administration Bush,
réfute tout nouveau traité international.
17
Professeur à l’université de Lyon III, présidente de la commission spatiale de la société française de droit
aérien et spatial.
18
A titre d‟exemple, la Résolution 51/122 adoptée le 13 décembre 1996 portant Déclaration sur la coopération
internationale en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace au profit et dans l'intérêt de tous les États,
présente un contenu politique qui réaffirme les principes fondamentaux du Droit de l'espace.
- 19 pacifiques de l‟espace extra-atmosphérique (UNISPACE III, Vienne 1999), les accords et les
conventions liées aux activités spatiales (Convention ESA, EUMETSAT, UIT,…) pourraient
contribuer à l‟élaboration d‟un droit spatial renouvelé.
Mais les Etats pourraient tout aussi bien s‟inspirer des chemins législatifs qui ont conduit à la mise en
place d‟une gouvernance régissant des milieux regardés comme communs à l‟humanité, la mer en
particulier.
A. Le droit de la mer : un pragmatisme qui pourrait faire école ?
Comme l‟espace aujourd‟hui, la mer est depuis toujours un théâtre privilégié d‟affrontement entre
grandes puissances. Le droit de la mer a ainsi, dès le XVIème siècle (Traité de Tordesillas), pris en
compte la militarisation des espaces maritimes. Il s‟est construit progressivement, en s‟appuyant
largement sur des pratiques coutumières. Même les Etats non signataires de conventions
internationales en respectent les bases juridiques. Cette attitude, guidée essentiellement par le
pragmatisme et la volonté d‟être en mesure de mieux défendre les intérêts nationaux, pourrait même
amener les Etats-Unis à ratifier prochainement la Convention des Nations unies sur le droit de la mer
(CNUDM du 10 décembre 1982).
Pour autant, le droit de la mer comme celui de l‟espace connaît des difficultés à dissocier les activités
mettant en jeu des intérêts privés et nationaux.
A cet égard, la Convention de Montego Bay sur les activités des Etats en mer (voir Annexe 5), définit
le statut des espaces maritimes et les règles de circulation et de comportement qui s‟y imposent. Selon
la loi dite du « pavillon », le navire immatriculé est rattaché à un pavillon, donc à un Etat, seul
compétent en règle générale pour contrôler, dans les espaces internationaux, le respect des normes par
le navire relevant de son pavillon. Ces dispositions sont comparables à celles du droit international de
l‟espace, définies dans le Traité de 1967 avec la notion d‟Etat de lancement.
Toutefois, de nombreux principes sont mieux affirmés en droit de la mer : la liberté de circulation et le
principe de non-appropriation des espaces maritimes internationaux et de la haute mer y sont
intangibles. Et le droit de la mer a traduit concrètement, dans un corpus de dispositions juridiques et
institutionnelles19, les modalités de contrôle et de partage de richesses maritimes. En effet, à la
différence de l‟espace, la majeure partie des richesses maritimes sont déjà concrètement en cours
d‟exploitation ou d‟exploration.
B. Des initiatives réelles mais dispersées et inachevées pour structurer la
gouvernance internationale de l’espace.
L‟organisation de l‟espace extra-atmosphérique se caractérise par une gestion compartimentée et
disparate des « affaires spatiales » autour d‟organisations qui, malgré tout, chacune dans leur domaine,
font référence et contribuent à la réflexion sur l‟évolution du droit de l‟espace.
19
Ainsi l’Autorité internationale des fonds marins est opérationnelle depuis plus de dix ans pour exploiter et administrer les
richesses des fonds marins en zone internationale, ces dernières ayant été proclamées patrimoine commun de l’humanité (voir
Annexe 4)
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- 20 Ainsi, l‟ONU propose un cadre multilatéral de dialogue avec, d‟une part, le COPUOS (Committee on
the Peaceful Uses of Outer Space) et ses deux sous-comités (l‟un pour les questions juridiques et
l‟autre pour les questions scientifiques et techniques) et d‟autre part, la Conférence sur le
désarmement : PAROS (Prevention of Arms Race in Outer Space).
Au niveau international, dans le cadre des Nations unies, en particulier au sein du COPUOS à Vienne,
le « rafraîchissement » des textes existants et le projet d‟une Charte spatiale, apparaissent, s‟agissant
des questions relatives aux débris spatiaux et au contrôle des satellites civils, comme des objectifs à
long terme. Le professeur Armel Kerrest, représentant français au COPUOS, a eu beau multiplier les
appels à une approche multilatérale, ses initiatives se sont heurtées à une opposition américaine
systématique, relative à toute nouvelle régulation internationale juridiquement contraignante. La
portée limitée et l‟absence de concrétisation des initiatives lancées, notamment dans le cadre de la
Conférence du désarmement, témoignent, pour le moins, d‟une certaine duplicité des Etats. A l‟instar
de la Chine – ceux-ci se réfugient derrière des principes ou des notions ambiguës afin de se réserver
des issues possibles20. Dans leur ensemble, les initiatives apparaissent donc davantage comme une
démarche d‟accompagnement tactique et diplomatique de l‟exploitation commerciale et de l‟évolution
du contexte sécuritaire, liés à l‟utilisation de l‟espace.
D‟autres organismes traitent, de façon autonome ou complémentaire, de sujets particuliers : L‟UAI
(Union Astronomique Internationale) qui coordonne les travaux des astronomes ; l‟IADC (Inter
Agency Space Debris Coordination Committee), pour le suivi et le devenir des débris circulant dans
l‟espace ; l‟UIT (Union Internationale des Télécommunications), instance de régulation pour le
partage et l‟assignation des fréquences ; l‟IISL (International Institute of Space Law) qui contribue à
établir l‟arsenal législatif sur l‟espace ; ou encore l‟EUTMETSAT (European Organisation for the
Exploitation of Meteorological Satellites), organisme qui a réussi à mutualiser l‟exploitation
opérationnelle de ressources spatiales nationales.
Quant à la réflexion européenne sur l‟évolution du droit spatial et la stratégie européenne pour
l‟espace, elle est actuellement concentrée au sein de l‟ESA (European Space Agency)21.
Ces organisations, de nature technique ou scientifique, assument une gestion qui répond, par nature, à
la demande des principaux Etats ou des Agences qui les composent, les animent et les financent. Au
final, en dépit de la variété de ces enceintes de dialogue et de l‟intérêt de leurs travaux, depuis
quarante ans, les Etats n‟ont pas pu faire aboutir les discussions visant à faire évoluer le traité
fondateur du droit spatial.
Les avancées qui restent aujourd‟hui de portée limitée, traduisent, sans nul doute, des facteurs de
blocage et d‟intérêts divergents entre les grandes puissances spatiales et les nouveaux entrants.
C. Des facteurs de blocage qui restent à surmonter.
1) Une volonté de contrôle des Etats-Unis sans contrainte et sans partage.
La politique spatiale des Etats-Unis, élevée au rang de priorité nationale en 2001 et confirmée par le
président Bush en 2006, est articulée autour de trois concepts :
20
Ainsi la dernière proposition Russo-Chinoise de février 2008 veut interdire les armes dans l’espace mais omet
les armes antisatellites tirées depuis le sol.
21
L‟appel à une ambition européenne spatiale a été réitéré par le président Sarkozy à Kourou le 11 février 2008.
COMITE 5
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- 21 - "information dominance" qui vise, en amont d'un conflit, à donner aux Etats-Unis une
capacité d'acquisition du renseignement supérieure à celle de leurs adversaires potentiels, ou
même à celle de leurs partenaires, par l'emploi intensif de capteurs spatiaux, d'équipements de
transmission à haut débit et de moyens performants de traitement des informations au sol ;
- "space dominance" qui prévoit, dans un conflit, de doter les forces américaines engagées sur
le terrain de capacités spatiales supérieures à celles d'adversaires potentiels ;
- "space control" qui a pour objet de donner aux forces américaines une totale liberté d'action
dans l'espace, incluant éventuellement la faculté d'interdire à tout adversaire de pouvoir mettre
en œuvre ses propres capacités spatiales, susceptibles de nuire aux intérêts de sécurité des
Etats-Unis.
La position des Etats-Unis ne laisse planer aucune ambiguïté. Le 11 janvier 2007, Donald Malhey,
responsable au Département d‟Etat des questions de sécurité internationale et de non-prolifération, a
rappelé le refus des Etats-Unis « de négocier des contraintes et des limitations à leur droit de
développer, tester et déployer des capacités dans l’espace ».
Selon Francis Gutmann, ambassadeur de France et président du conseil scientifique de la défense :
« Les Américains, obsédés par la volonté de se protéger d’un monde qu’ils trouvent dangereux, nous
ramènent dans une période ante guerre froide car l’arsenalisation de l’espace est une menace pour la
paix dans la mesure où elle est une porte ouverte à la course aux armements ».
2) La position ambiguë des autres acteurs.
Globalement, les puissances spatiales, estiment que l‟exploitation des systèmes spatiaux doit s‟opérer
en toute sécurité, pour le bien de l‟humanité. Plusieurs nations (Inde, Japon) proposent donc d‟engager
des réflexions afin de définir des normes internationales pour la stabilité mondiale globale. Mais
derrière cet affichage se cachent des positions beaucoup plus ambiguës. C‟est notamment le cas de la
Chine et de la Russie.
La Chine a procédé, durant l‟été 2006, à l‟aveuglement temporaire d‟un satellite américain de
reconnaissance survolant son territoire, en utilisant des lasers au sol. Quelques mois plus tard, le 11
janvier 2007, elle a testé une arme antisatellite en détruisant l‟un de ses propres satellites météo (Feng
Yun 1C). La Chine a voulu adresser un message clair à l‟hyper-puissance spatiale américaine, en
rappelant la vulnérabilité des satellites et en affichant ses capacités technologiques.
Cette démarche tranche en apparence avec l‟attitude de Pékin dans les instances internationales de
désarmement. Très active dans le cadre de la Conférence du Désarmement à Genève et soutenue par la
Russie, l‟Inde et le Canada, la Chine y défend l‟initiative « PAROS » qui vise à prévenir une course
aux armements dans l‟espace. Pékin propose aussi une régulation des activités spatiales qui viendrait
entraver les possibilités d‟arsenalisation, à travers un code de bonne conduite ou un traité venant
compléter celui de 1967. La Chine maintient qu‟il n‟y a pas d‟incohérence de principe entre son
action en faveur d‟un traité de désarmement dans l‟espace et les tests qu‟elle y poursuit. Elle soutient
qu‟elle maintient une veille technologique en attendant la conclusion d‟un nouveau traité.
La Russie joue aujourd‟hui la carte du multilatéralisme après avoir été longtemps l‟interlocuteur
prépondérant des Etats-Unis dans la compétition spatiale. Ebranlée depuis les années 1990 par la
domination américaine, elle investit les instances internationales pour, à la fois, défendre ses intérêts,
mais aussi essayer de contenir la domination spatiale américaine et ses évolutions stratégiques
récentes. La proposition sino-russe du 12 février 2008 déjà évoquée, s‟inscrit pleinement dans cette
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- 22 stratégie et prolonge les initiatives des Chinois et des Russes,22 préoccupés également par l‟avance des
Etats-Unis en matière de défense antimissile (National Missile Defense /NMD).
Dans ce paysage, l‟Union européenne et les pays européens sont loin de parler d‟une même voix. Les
partenariats spatiaux, qui existent au sein de l‟UE, traduisent aussi les intérêts nationaux des uns et des
autres à y participer. Ce foisonnement entraîne des conflits d‟intérêt entre les agences spatiales
nationales et l‟agence spatiale européenne. Pour autant, la volonté de la Commission européenne de
s‟investir sur le dossier spatial est très forte. La question est de savoir de quelle manière elle envisage
son intervention. Dans cette perspective, la France, première puissance spatiale européenne, a un rôle
déterminant à jouer.
3) La France doit demeurer un acteur essentiel dans la lutte contre l’arsenalisation de
l’espace ; elle y parviendra d’autant mieux qu’elle aura consolidé ses acquis
technologiques et stratégiques dans le domaine spatial et qu’elle pourra ainsi en faire
bénéficier les Européens.
La France a été à l’origine des initiatives visant notamment à faire progresser les discussions sur la
nature des lancements spatiaux. Elle s’est ainsi inscrite historiquement dans une perspective de
recherche d’une plus grande précision dans les définitions, de renforcement de la transparence sur les
lancements (proposition de 1993 devant la CD23) et de mise en place des mécanismes de prévention
d’une course aux armements. Ces thèmes ont été considérés comme autant d’étapes vers un Traité
universel et vérifiable qui régirait les activités dans l’espace extra-atmosphérique. A cet égard, la
France s’est attachée à replacer le débat du droit de l’espace dans une réflexion stratégique plus large
qui prenne en compte l’état de la menace et les risques d’une prolifération des armes spatiales.
Sur un plan juridique, il convient de souligner un certain nombre d‟initiatives françaises qui
concourent à densifier et à formaliser la réflexion sur l‟évolution du droit spatial. On peut citer, par
exemple, la création, en 1994, d‟une cour internationale d‟arbitrage du droit aérien et spatial dont le
siège et l‟administration sont à Paris. Non reconnue par le droit spatial international, elle a cependant
pour objectif de régler, par voie d‟arbitrage, les contestations nées des activités spatiales. Cette cour,
organisée en association « loi de 1901 », a une vocation internationale. Elle a l‟ambition de tenter de
régler les litiges et d‟établir ainsi les bases d‟une réglementation susceptible d‟aménager des
procédures ou des rapports entre acteurs de l‟espace.
22
Les autorités chinoises ont transmis, le 9 février 2000, au secrétariat général de la Conférence du désarmement,
un document de travail exposant de manière détaillée la position de la Chine et ses suggestions quant à la
prévention d'une course aux armements dans l'espace. Proposant de préparer la négociation et la conclusion d'un
ou plusieurs instruments juridiques visant à prévenir le déploiement d'armements dans l'espace, les autorités
chinoises souhaiteraient voir inscrite dans un tel instrument, l'interdiction de tester, déployer ou utiliser des
armes, systèmes d'armes ou composants dans l'espace.
Lors de la trente-neuvième session du sous-comité juridique du COPUOS (qui s'est tenue à Vienne du 27 mars
au 6 avril 2000), la Fédération de Russie a présenté un document de travail aux termes duquel elle proposait
d'inscrire à l'ordre du jour de la prochaine session un point sur "l'opportunité d'élaborer une convention globale
unique des Nations unies sur le droit de l'espace extra-atmosphérique".
23
En 1985, le comité spécial sur « la prévention de la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique »
PAROS a été créé au sein de la Conférence du Désarmement mais a été mis en sommeil en 1994. Ce comité a été
réactivé en 1998 mais jusqu’à ce jour, les consultations et les travaux ont été bloqués par les fortes réticences des
Etats-Unis. Un accord semble cependant avoir été trouvé, lors de la 62ème session de la première Commission de
l’AG de l’ONU en octobre 2007, visant à réactiver en 2008 ce comité au sein de la CD.
COMITE 5
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- 23 -
L‟Etat français s‟est aussi récemment penché sur l‟environnement juridique de ses activités spatiales,
afin de structurer voire d‟étendre les dispositions existantes, dans le but de mettre fin à l‟insécurité
juridique croissante à laquelle il est confronté en raison de l‟extension des activités spatiales. Cette
prise de conscience s‟est traduite par l‟écriture d‟un projet de loi relatif aux opérations spatiales, prêt à
être débattu, puis adopté, si le gouvernement en décide ainsi. Parallèlement, l‟Assemblée nationale a
réalisé un rapport sur les grands domaines programmatiques de la politique spatiale du futur.
La France se trouve sans doute, aujourd’hui plus qu’hier, face à ses responsabilités. A l’instar de son
engagement dans le domaine nucléaire, elle est tiraillée entre le souhait de « pacifier » l’exploitation
des potentialités de l’espace et la nécessité d’assurer une capacité technologique suffisante pour
préserver ses intérêts de puissance dans l’espace.
II.
UN CODE DE BONNE CONDUITE
La France doit impulser un processus débouchant à long terme sur une gouvernance spatiale globale
rénovée reposant d‟abord sur des mesures de confiance répondant tant aux intérêts des puissances
spatiales qu‟à ceux de la communauté internationale.
La mise au point de mesures de confiance conformes aux intérêts de chacune des puissances spatiales
est de nature à enclencher un processus vertueux.
A. La consolidation juridique du droit spatial national est un préalable à toute
relance du dialogue international.
Les instruments juridiques internationaux, on l‟a constaté, ont été taillés sur mesure pour les
puissances spatiales, leur conférant des prérogatives et des responsabilités majeures.
Ce poids des Etats est accru par la prépondérance des activités institutionnelles militaires et civiles
dans les dépenses des puissances spatiales. Ainsi aux Etats-Unis, 95% des activités spatiales sont
financées par des fonds publics. Seule l‟Europe semble équilibrer ses budgets institutionnels et privés,
mais les perspectives de croissance des marchés de satellites privés sont à relativiser, sauf dans
quelques activités de niche (navigation, observation de la terre et météorologie). Les investissements
étatiques devraient donc rester déterminants en l‟absence d‟une rupture technologique rendant le
satellite durablement concurrentiel par rapport aux infrastructures terrestres, notamment dans le
domaine des télécommunications. Les investissements étatiques resteront le ressort et le reflet de
l‟ambition politique des puissances spatiales.
Simultanément, l‟apparition de nouvelles activités non couvertes par les traités et conventions24 et le
développement d‟activités souvent transnationales25 nécessitent de consolider le droit spatial national.
Ceci est un préalable à toute tentative pour améliorer l‟organisation internationale des activités
24
40000 personnes seraient candidates au voyage suborbital sur une navette de Virgin Galactic selon cette
compagnie. Le coût du billet serait de 200.000 dollars.
25
Par exemple les projets de lancement de fusées en haute mer par la société Sea launch hors des espaces de
souveraineté nationale.
COMITE 5
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- 24 spatiales et gérer des litiges potentiels qui pourraient prendre des proportions financières
considérables26.
A la différence de beaucoup de puissances qui ont adopté un droit spatial national, la France est en
retard, le rapport du Conseil d‟Etat confirmant l‟urgence de dispositions législatives nationales eu
égard à l‟extension, en l‟absence de cadre normatif national, d‟activités spatiales susceptibles de
mettre en en jeu la responsabilité de la France comme « Etat de lancement ».
Ces dispositions sont d‟autant plus nécessaires que le développement des activités spatiales
européennes est fragile. Un échec de lancement d‟Ariane V, sans préjuger du coût de la réparation de
dommages importants, peut peser sur l‟avenir de la politique spatiale européenne ; en effet en
cohérence avec l‟approche libérale et « efficiente » de la commission, peu de nations européennes sont
par exemple convaincues de la nécessité de disposer d‟une autonomie stratégique pour les lanceurs.
Ainsi, en préalable à toute volonté de renforcer la gouvernance européenne, ou internationale, il
semble primordial pour notre pays de consolider ses instruments juridiques. L‟objectif est de protéger
un investissement consenti depuis plus de quarante années et qui permet à l‟Europe de maîtriser
l‟ensemble de la chaîne de développement et de production de lanceurs et de satellites. En même
temps, il est primordial de convaincre les Etats européens de l‟importance stratégique de l‟espace et de
la nécessité d‟en maîtriser la plupart des savoir-faire.
B. Etablir des rapports de confiance entre Etats est indispensable pour atteindre les
objectifs relatifs à la sécurité, au partage des informations spatiales pour le
bénéfice de l’humanité ainsi qu’à la sûreté dans l’espace.
De nombreux facteurs compromettent la confiance entre les puissances spatiales et le reste de la
communauté internationale, ou mettent en évidence des problèmes de sécurité et de sûreté des
satellites qu‟il importe de résoudre pour le bénéfice de tous les utilisateurs de l‟espace :
- La sécurité de l‟exploitation des technologies spatiales est essentielle pour tous les utilisateurs,
opérateurs ou clients des technologies spatiales. Elle vise à se prémunir de risques croissants
d‟ordre accidentel (collision de débris, avaries, interférences) ou naturel (rayonnement cosmique ou
solaire, météorites). Les principaux sujets à aborder sont la gestion des débris, l‟exploitation des
orbites et fréquences ainsi que les menaces sur l‟environnement.
- L‟exploitation économique de l‟espace est une source de litiges. Non seulement pour l‟affectation
des ressources orbites/fréquences mais aussi en raison d‟une relance des programmes d‟exploration
depuis 2003. Toutes les grandes puissances spatiales (L‟Europe avec le projet Aurora, la Chine, la
Russie) sont dans cette dynamique, mais ce sont surtout les Etats-Unis, fidèles à l‟esprit
« pionnier », qui affichent des intentions précises de colonisation de la Lune à partir de 2015, puis
de Mars vers 2025. Certes, ces échéances sont tributaires de défis technologiques et financiers qui
ne sont pas encore relevés ; néanmoins elles témoignent d‟ambitions qui pourraient apparaître
comme autant de tentatives d‟appropriation de ressources ou de découvertes scientifiques,
susceptibles d‟appartenir au patrimoine commun de l‟humanité.
- La sûreté des satellites vis-à-vis des risques d‟agressions délibérées se pose avec plus d‟acuité
compte tenu des nouveaux concepts stratégiques des Etats-Unis. Une « arsenalisation » de l‟espace
26
A la différence du droit maritime, les responsabilités financières ne sont pas plafonnées en cas de dommage à
des tiers et, quel que soit l’opérateur spatial assurant un lancement, l’Etat de lancement est responsable.
COMITE 5
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- 25 ferait peser une menace sur la libre exploitation des satellites qui concerne un nombre croissant de
pays.
Traiter de l‟ensemble de ces questions impose d‟abord de gagner la confiance et le soutien de
nombreux Etats qui, sans avoir le statut de puissances spatiales, revendiquent un accès à la technologie
spatiale et à ses retombées économiques.
Le dialogue spécifique entre les grandes puissances spatiales sur la sûreté et l‟arsenalisation de
l‟espace ne devra être recherché que dans une étape ultérieure, pour éviter de compromettre les
démarches initiales sur la sécurité et l‟exploitation économique de l‟Espace.
Trois objectifs majeurs doivent être poursuivis.
1) Le premier objectif est d’assurer une utilisation « sécurisée » de l’espace tout en
préservant la liberté de son utilisation et en réaffirmant la notion intangible de
patrimoine commun.
La gestion des débris spatiaux et des satellites potentiellement polluants, les ressources
orbites/fréquences sont les premiers problèmes fédérateurs à traiter. A cet effet, engager une
renégociation du traité de 1967 n‟apparaît pas nécessaire dans l‟immédiat et serait, au demeurant, une
source de blocage.
Les objectifs suivants pourraient figurer à « l‟agenda » des discussions :
- prendre des mesures de précaution s‟appuyant sur les droits spatiaux nationaux pour améliorer en
amont la sécurité des satellites et des lancements, en acceptant le risque de surcoûts (résistance aux
impacts et gestion de la fin de vie du satellite) ;
- réaffirmer que chaque Etat peut exploiter librement l‟espace par le biais d‟un Etat de lancement ou
à partir d‟un espace international tel que la haute mer, la contrepartie étant d‟assumer les
conséquences potentielles de dommages à des tiers ou à l‟environnement et les indemnités
afférentes. Ces dernières doivent demeurer non plafonnées pour rester dissuasives.
- confirmer que les ressources de l‟espace ne peuvent faire l‟objet d‟une appropriation publique ou
privée et qu‟elles devront être explorées et exploitées pour le bien de tous. En revanche, il
n‟apparaît pas opportun ni réaliste de mettre en place, dès à présent, des institutions internationales
pour exploiter les ressources encore très hypothétiques des planètes ou corps célestes27.
La démarche pourra s‟appuyer dans un premier temps sur le COPUOS et des conférences
internationales existantes. Par exemple, certaines conférences sur l‟exploration spatiale réunissent la
plupart des agences spatiales internationales pour développer une stratégie globale d‟exploration de
l‟espace (GES28) sous « leadership » de la NASA. Malgré la volonté affichée de développer un
partenariat global avec des pays de toutes tailles, cette stratégie s‟adresse essentiellement aux grandes
puissances spatiales. Ces dernières doivent clarifier leurs intentions vis-à-vis de l‟ensemble de la
communauté internationale par un effort général d‟explication. Dans un deuxième temps,
l‟élargissement des forums existants, à tous les pays intéressés, est une voie à privilégier débouchant,
le cas échéant, sur la création d‟un nouveau forum international ad hoc.
27
L’autorité internationale des fonds marins est par exemple déjà dans un processus concret de concession et
d’exploration de ressources identifiées, ce qui n’est pas le cas dans l’espace ou sur les planètes.
28
Global exploration strategy définie sur site web de la NASA.
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- 26 -
2) Le deuxième objectif est de mieux partager les informations spatiales avec les
puissances non spatiales à des fins de sécurité terrestre et de développement durable.
L‟Union européenne (UE) dans son livre blanc spatial de 2003, identifie clairement que « les bénéfices
de l'espace devraient être mis à la disposition des pays en développement ». Des applications, telles
que l'observation de la Terre et les télécommunications, accélèrent le développement économique et
social.
Il faut aussi souligner une prise de conscience récente de l‟ONU avec l‟organisation, en janvier 2008,
par l‟UNOOSA (« UN Office for Outer Space Affairs ») d‟une rencontre entre toutes les agences
internationales et les Etats susceptibles d‟améliorer leur coordination dans l‟utilisation de l‟espace
pour l‟aide au développement et les situations d‟urgence29. L‟UNOOSA est également en train de
recentrer sa communication sur l‟utilisation de l‟espace au profit de la gestion des ressources de la
terre30.
Des possibilités de mise en œuvre des applications spatiales pour le développement économique et la
protection de l'environnement sont déjà envisagées par l‟UE en Afrique. La généralisation de ces
mesures et une meilleure coopération de l‟UE et de l‟ONU contribueraient à développer la confiance
mutuelle et de nouvelles solidarités par :
- le partage des informations spatiales nécessaires à la protection de l‟environnement, le
développement économique (agriculture, eau, forêts) et la prévention des catastrophes naturelles,
- la création de réseaux d‟alerte ou d‟informations de sécurité ayant un périmètre à géométrie
variable mais susceptibles de s‟élargir progressivement à des participants majeurs qui ne voudraient
pas rester en dehors du club.
3) Un troisième objectif : Prévenir ou maîtriser une arsenalisation de l’Espace.
Avec les puissances spatiales majeures, l‟objectif est de renforcer le dialogue sur les activités civiles et
militaires dans l‟espace et d‟établir un code de bonne conduite pour éviter une arsenalisation de
l‟espace.
L‟accès autonome d‟un plus grand nombre d‟acteurs spatiaux à une capacité de surveillance des
activités dans l‟espace inciterait les grandes puissances spatiales à renforcer la concertation. Cela
permettrait, notamment aux Européens, d‟analyser finement tous les événements dans l‟espace et de
pouvoir déterminer, de manière autonome, si un évènement affectant un satellite constitue une
collision fortuite ou un acte intentionnel.
29
http://www.uncosa.unvienna.org
Projets pour l’eau Africover, Asiacover, projet GLCN de réseau mondial sur le couvert végétal, convention de
Tempere sur la mise à disposition de ressources de télécommunications en cas de catastrophes.
30
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- 27 Cette capacité jouerait un rôle de contrôle dissuasif dans un contexte d‟arsenalisation de l‟espace31.
Elle contribuerait aussi à l‟amélioration de la sécurité des satellites, domaine où nous sommes encore
tributaires des informations américaines ou russes en particulier pour la détection des petits débris.
D‟ores et déjà des « workshop » traitant de « Space Security Spatial Awareness » rassemblent les
Etats-Unis et les autres puissances spatiales pour des discussions informelles. L‟essor des activités
spatiales mondiales, la poursuite de démonstrations d‟armes anti-satellites et les progrès des moyens
de surveillance européens devraient convaincre les Etats-Unis de s‟impliquer dans ce dialogue.
C. Quel rôle pour la France et l’Union européenne dans la consolidation d’une
démarche de concertation et d’établissement de mesures de confiance ?
1) La France peut jouer un rôle significatif dans la poursuite et l’essor d’un dialogue de
confiance entre acteurs spatiaux.
La France, seule, n‟est pas en mesure de jouer un rôle suffisant dans l‟élaboration et la mise en oeuvre
d‟un code de bonne conduite et l‟approfondissement d‟une gouvernance de l‟espace. D‟une part, son
industrie spatiale, prééminente parmi les puissances européennes, ne semble pas lui permettre de jouer
un rôle fédérateur, car elle constitue un sujet de rivalité avec d‟autres pays européens (Allemagne,
Italie), que seul le fonctionnement particulier de « l’European Space Agency » (ESA) a permis de
dépasser. D‟autre part, le poids financier de la politique spatiale française, bien que majeur à l‟échelle
européenne, reste trop modeste. L‟action de la France ne semble ainsi devoir être envisagée qu‟au
regard de la mise en œuvre d‟une politique européenne.
2) Prendre appui sur l’ESA pour mettre à profit les atouts politiques et institutionnels de
l’Europe spatiale.
La crédibilité de la puissance spatiale européenne, aux plans politique, technologique et industriel,
repose sur la définition d‟une stratégie spatiale européenne cohérente et sur un engagement financier
pérenne.
A cet égard, l‟ESA pourrait jouer un rôle déterminant comme moteur d‟une coopération scientifique
partagée. Les pays membres de l‟ESA constituent, en effet, une puissance spatiale mondiale disposant
de la plupart des attributs (autonomie, pas de tir, lanceurs, technologie satellites et désormais véhicules
spatiaux avec l‟ATV), grâce à la politique intergouvernementale des principales nations de l‟UE et du
Canada. Cette politique, mise en œuvre à travers l‟ESA (voir Annexe 6), n‟a pas été menée dans le
cadre d‟une politique communautaire définie par la Commission mais au sein du conseil des ministres
de l‟ESA. Le principe du « juste retour », non compatible avec les règles de concurrences établies au
sein du marché unique, a servi de cadre à la collaboration de puissances industrielles rivales autour de
projets spatiaux reposant sur une mise en commun des moyens.
31
L’objection officielle des Etats-Unis pour refuser le traité de désarmement sino-russe de février 2008 consiste
à déclarer qu’il serait impossible de s’assurer du respect des dispositions d’un tel traité.
COMITE 5
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L‟ESA, seule agence spatiale pluri-étatique, est construite comme un outil de mise en commun, à la
carte, des moyens nécessaires à la construction de programmes spatiaux. Libre de contracter pour
mener à bien ses projets, l‟ESA est impliquée dans de très nombreuses collaborations avec des pays
qui ne sont ni membres de l‟ESA, ni même membre de l‟Union européenne. Elle jouit ainsi d‟une
liberté de manœuvre et d‟une crédibilité internationale du fait de son indépendance et de son savoirfaire.
L‟ESA est en mesure de devenir l‟Agence de l‟Union européenne. Si l‟Union européenne respecte ses
spécificités, l‟ESA peut jouer un rôle significatif à la fois dans la consolidation de la confiance entre
les acteurs spatiaux, et dans la construction de nouveaux rapports avec les puissances non spatiales.
L‟ESA pourrait apporter à l‟Union européenne son expertise technique dans ces tâches.
Pour clarifier les responsabilités mutuelles, la Commission pourrait se limiter aux questions internes à
l‟Union européenne, et notamment aux questions juridiques ressortissant au droit privé de l‟espace et à
la gestion des activités économiques spatiales. Il y a donc un enjeu important à préserver la nature de
l‟ESA et sa capacité à coopérer avec les nations non européennes, afin de l‟utiliser comme un levier
dans l‟élaboration et le partage des bonnes pratiques nécessaires à l‟amélioration de la gouvernance.
L‟ESA sera d‟autant plus en mesure d‟assurer ce rôle de levier qu‟elle ne sera pas subordonnée à la
commission européenne.
3) Se donner les moyens de contrôler l’efficacité des mesures de confiance et mettre en
place un réseau international de surveillance des activités spatiales.
A travers l‟ESA, l‟Europe serait ainsi en mesure de conserver un positionnement technologique
crédible. Mais au-delà de l‟Europe, il s‟agirait de consolider la coopération de nombreux pays,
capables de constituer un apport significatif, y compris pour le secteur spatial américain.
Il apparaît essentiel, cependant, d‟anticiper les questions susceptibles de constituer pour les Etats-Unis
des points de blocages, dans une perspective, à plus long terme, pour structurer plus formellement une
gouvernance internationale. La première puissance ne pourra en effet accepter une quelconque
réduction de sa liberté d‟action, sans un gain significatif qu‟elle ne pourrait obtenir que très
difficilement par ses propres moyens. Ces raisons pourraient trouver leurs fondements dans un
contexte diplomatique qu‟il serait bien délicat d‟anticiper dans ce rapport. En revanche, il pourrait être
utile d‟identifier un secteur technique ou scientifique, pouvant constituer une contrepartie à
l‟implication des Etats-Unis dans la démarche proposée. Ce secteur pourrait être celui des techniques
d‟observation et de détection des débris, lesquelles constituent un domaine où la mise en commun des
informations sera de plus en plus nécessaire dans les années à venir, notamment pour assurer la
sécurité et la sûreté dans l‟espace. L‟enjeu, pour l‟UE, mais au-delà pour toutes les puissances
spatiales ayant des satellites en orbite, est de disposer, de manière autonome, de moyens de détection,
d‟alerte et de réaction. Cette démarche a déjà prévalu dans la politique conduite pour les lanceurs, et
plus récemment pour le dispositif de localisation géographique.
Les réflexions actuellement menées par l‟ESA sur la pertinence de développer un programme de
détection sont encore à un stade amont. Un programme de « Space Situational Awareness » (SSA)
devrait cependant être proposé comme nouveau programme optionnel de l'ESA, au Conseil ministériel
de novembre 2008. Ce programme prévoit, dans une première phase, (2009-2013) une mise en
commun des moyens terrestres de détection et de suivi d‟objets spatiaux, mais aussi de météorologie
spatiale. Les installations ou équipements existants seraient ainsi intégrés dans un réseau, mais aussi
complétés par des équipements terrestres.
COMITE 5
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- 29 -
4) Capitaliser sur la relation spatiale nationale et européenne avec la Russie.
La coopération franco-russe engagée dans les années soixante entre deux des plus anciennes
puissances spatiales peut être le ferment d‟une concertation approfondie entre Russes et Européens.
L‟essor récent des relations entre le centre national d‟études spatiales (CNES) et l‟agence spatiale
russe est en effet emblématique de la confiance mutuelle sur des sujets sensibles nécessitant l‟adhésion
de militaires russes32. Le CNES et l‟ESA peuvent se positionner en acteurs essentiels pour établir des
mesures de confiance et de sécurité avec la Russie dans le domaine spatial33 en s‟appuyant sur ces
premières coopérations. Ainsi, des négociations sont déjà entamées par le CNES pour la
communication par les Russes d‟informations sur les débris susceptibles de compromettre la sécurité
des satellites européens. Les autorités russes, pour leur part, souhaitent participer au programme
« Global Monitoring for Environment and Security » (GMES) de l‟UE.
Ces coopérations dans des domaines sensibles traduisent la convergence de facto des intérêts des Etats
européens et de la Russie en matière de responsabilité spatiale et de conception des actions
internationales dans ce milieu. Le développement de ces coopérations permettrait de mieux peser dans
les négociations multilatérales, mais aussi de freiner certaines initiatives russes telles que le récent
projet de traité de désarmement spatial qui n‟est pas de nature à restaurer la confiance avec les EtatsUnis.
Il serait possible de s‟inspirer de la démarche développée pour le traité d‟interdiction complète des
essais nucléaires (TICE) : un réseau d‟alerte et de surveillance a été mis en place entre les signataires
du traité. Dès lors que ce réseau a prouvé son efficacité, les Etats-Unis ont participé à son financement
alors même qu‟ils n‟avaient pas ratifié le traité TICE34.
5) Trouver un cadre approprié pour des mesures de confiance.
Le respect des objectifs énoncés précédemment, de sûreté et de partage des informations, doit se
construire par l‟élaboration de mesures de confiance, qui s‟inscriront dans le cadre actuel du droit
international public de l‟espace. Leur contenu pourrait porter sur les questions suivantes :
32
L’accord de coopération pour lancer des Soyouz à Kourou, suppose de donner au centre spatial guyanais, à
travers le CNES et l’ESA, les informations sur les dysfonctionnements éventuels du lanceur Soyouz et la
possibilité de le détruire en vol en cas de danger. Le partenariat Oural prévoit un transfert mutuel de technologie
sur les lanceurs.
33
Pour le spatial civil, des groupes scientifiques sont coprésidés par l‟ESA et la Russie dans le cadre de la
« global earth observation surveillance system ».
34
Un autre exemple de l‟attitude pragmatique vers laquelle peuvent converger les Etats-Unis si leur intérêt est
bien compris, est leur opposition historique au traité sur le droit de la mer qu‟ils n‟ont pas ratifié mais qu‟ils
appliquaient « diplomatiquement » depuis son entrée en vigueur. Ils envisagent désormais de le ratifier pour
préserver leurs intérêts dès lors que le réchauffement climatique permet à leurs voisins Russes et canadiens de
revendiquer des ressources naturelles qu‟ils contestent.
COMITE 5
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- 30 - contribuer à l‟élaboration de la réglementation nécessaire à l‟application des clauses des traités
existants relatives à l‟exploration et l‟utilisation de l‟espace (accords, recommandations, textes,..) ;
- suivre l‟exécution et le respect de cette réglementation, et proposer les adaptations en cas de
difficultés d‟application ;
- constituer une base de données portant sur les aspects juridiques (immatriculation, sauvetage,
responsabilité) et techniques (débris, satellites dotés de composants ou de sources d‟énergie
utilisant des matériaux fissiles) des activités spatiales ; cette base de données serait ouverte à tous
les pays respectant les mesures de confiance ;
- favoriser la formation de spécialistes des activités spatiales au sein des pays en développement ;
- encourager et organiser le partage de données spatiales issues de l‟observation de la terre dans les
pays en développement (météorologie, environnement,…) ;
- créer des réseaux d‟échange de données scientifiques fournies par les satellites ou les agences
spatiales nationales et internationales ;
- inciter les agences spatiales à communiquer de manière plus systématique vers les puissances non
spatiales pour expliciter les finalités et l‟avancement de leurs grands projets.
- créer un mécanisme d‟alerte et de concertation permettant de se prévenir mutuellement des
évènements perçus par les systèmes de surveillance et, en particulier, toute détection d‟un risque
potentiel pour les satellites d‟un pays parti au processus ;
- définir des procédures de réaction en cas d‟alerte pour prévenir des dommages susceptibles d‟être
causés sur la terre ou à d‟autres satellites ;
Outre les mesures de surveillance citées ci-dessus pour l‟alerte et la réaction à des évènements, des
mesures de confiance spécifiques pourraient concourir à la réalisation du troisième objectif de
prévention ou de maîtrise de l‟arsenalisation de l‟espace :
- établir un échange d‟information sur les programmes spatiaux militaires ;
- formaliser un préavis d‟information sur les destructions de satellite envisagées par un Etat de
lancement pour des motifs de sécurité ou d‟environnement ;
- élaborer des clauses de non attaque préemptive de satellites ou, au minimum, l‟engagement de
respecter dans l‟espace les principes de la Charte des Nations unies
Il est difficile de définir d‟emblée et de manière unilatérale le processus de concertation pour élaborer
des mesures de confiance mais les étapes successives pour y parvenir pourraient être les suivantes :
- l‟initiation d‟une concertation entre les puissances spatiales européennes membres de l‟ESA,
- la présentation d‟une démarche conjointe aux autres Etats-membres de l‟ESA (y compris le
Canada) en déclinant les structures et les outils nécessaires à la démarche,
- la proposition d‟associer la Russie compte tenu des relations privilégiées établies dans le domaine
spatial et de sa convergence avec la Chine sur ces questions,
- la sollicitation des Etats-Unis quant à leur volonté de participer à la démarche,
- la sollicitation des autres grandes puissances spatiales.
En fonction des résultats de ces consultations un groupe de travail pourrait être constitué. Deux
options sont possibles :
- un cadre restreint aux puissances spatiales favorables à la démarche
- un forum réunissant toutes les puissances spatiales
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Ce groupe de travail aurait la tâche de finaliser les objectifs et les mesures de confiance à proposer à
l‟ensemble des pays au sein du cadre approprié. En tout état de cause, devront être négociés l‟agenda
de travail et les règles de représentation des différentes familles d‟acteurs (représentants institutionnels
des Etats ou des organisations supranationales, agences spatiales au titre de l‟expertise, opérateurs
spatiaux privés).
La définition de mesures de confiance sur des bases scientifique, juridique et économique, associée à
un accès autonome de tous les grands partenaires spatiaux à des capacités d‟alerte et de surveillance
des activités dans l‟espace, serait de nature à crédibiliser la démarche proposée et à enclencher une
dynamique vertueuse. Des outils de contrôle comprenant un partage d‟informations de surveillance
des activités dans l‟espace pourraient ainsi être mutualisés. Il semble envisageable de converger vers
un processus d‟échange d‟information, sous-tendu par des intérêts communs à la plupart des grandes
puissances spatiales, visant à :
- faciliter le développement harmonieux des activités spatiales,
- éviter ou surveiller l‟arsenalisation de l‟espace.
Les premiers succès, qui pourraient être enregistrés dans le cadre de la sécurité et du partage
d‟informations spatiales, devraient permettre l‟émergence ultérieure de sous-groupes constitués des
puissances spatiales impliquées dans les activités militaires dans l‟espace afin d‟établir des mesures de
confiance ad hoc.
La définition de nouvelles règles de gouvernance pourrait être le fruit d‟une démarche d‟ensemble,
cohérente et pragmatique, centrée sur les questions d‟intérêt commun à toutes les puissances spatiales,
seules en mesure de contourner le refus de principe opposé par la puissance spatiale dominante à tout
nouveau cadre juridique contraignant.
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- 32 -
CONCLUSION
Si les règles étatiques élaborées et acceptées par les principales puissances spatiales ont défini les
fondements pertinents d‟une gouvernance spatiale, les évolutions des activités spatiales mettent en
évidence aujourd‟hui les limites de ces règles. Cependant, compte tenu du caractère vital des activités
spatiales pour la sécurité des grandes puissances, à court terme, une gouvernance spatiale internationale
plus approfondie ne semble pas réaliste.
Les risques d‟arsenalisation, les besoins croissants de sécurité globale que peuvent satisfaire des systèmes
de surveillance spatiaux, l‟évolution des activités commerciales et les revendications des pays non
détenteurs de la puissance spatiale rendent toutefois nécessaire une meilleure concertation internationale. Il
s‟agit non seulement d‟améliorer la sécurité de l‟exploitation privée et publique de l‟espace mais aussi de
tenter d‟éviter une relance de la course aux armements dans l‟espace, d‟autant plus dangereuse qu‟elle
pourrait rompre les équilibres stratégiques actuels concernant l‟armement nucléaire.
C‟est d‟abord par la prise de conscience progressive d‟un besoin de sécurité et de sûreté collective que la
concertation peut être relancée, sous réserve d‟adopter une démarche progressive privilégiant le dialogue et
l‟échange d‟information, ainsi que le soutien de l‟ensemble de la communauté internationale. A cet effet, il
est indispensable de définir des axes de coopération avec de nombreux Etats pour lesquels l‟espace
constitue un puissant levier de développement, et qui revendiquent un partage équitable des ressources
potentielles que le traité de 1967 a proclamé patrimoine commun de l‟humanité.
L‟Europe, grâce aux efforts de sa principale puissance spatiale, la France, dispose d‟atouts majeurs lui
permettant de devenir un acteur-clé dans la régulation progressive des activités spatiales internationales.
Elle bénéficie d‟une activité spatiale civile dynamique sur toutes les gammes du spectre. Elle est en mesure
d‟accroître son soutien aux pays en développement grâce aux performances de ses systèmes autonomes que
sont GMES et Galileo. Ces derniers, qui renforcent la crédibilité internationale de l‟ESA s‟intègrent de
manière plus générale dans le cadre des objectifs globaux de sécurité européens. L‟Europe et notamment la
France disposent enfin de relations spatiales privilégiées avec la Russie qui peuvent permettre de relancer
la concertation internationale en définissant des mesures de confiance entre les grandes puissances
spatiales.
Tout l‟enjeu sera de restaurer la confiance des Etats-Unis dans les mécanismes multilatéraux pour prévenir
ou contenir une arsenalisation de l‟espace. La convergence de nouvelles échéances électorales américaines,
la crise financière actuelle et la prise en compte de réalités budgétaires difficiles devraient offrir de
nouvelles possibilités de relancer le dialogue transatlantique dans les années à venir. Les Etats-Unis
devront tôt ou tard mettre en balance le coût d‟une arsenalisation et de ses difficultés techniques, avec la
conduite concomitante d‟ambitieux programmes vers la Lune et Mars.
L‟une des clés du succès de la stratégie proposée passe par une volonté européenne de se doter de moyens
crédibles de surveillance et de contrôle des activités spatiales, afin de peser à la table des négociations avec
les trois puissances spatiales majeures de demain, les Etats-Unis, la Russie et la Chine.
Plus généralement, le défi une nouvelle fois posé aux Européens, est celui de leur capacité à transcender
leurs rivalités nationales industrielles et politiques pour développer une stratégie européenne ambitieuse
dans un domaine qui constitue l‟un des enjeux cruciaux du XXIème siècle : l‟espace.
COMITE 5
LA GOUVERNANCE INTERNATIONALE DE L‟ESPACE :
MYTHE TENACE, FORMULE INCANTATOIRE OU PERSPECTIVE REALISTE
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TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE .................................................................................................................................... 4
INTRODUCTION ..................................................................................................................................... 5
ETAT DES LIEUX DE LA REGULATION INTERNATIONALE ............................................. 6
DES ACTIVITES SPATIALES ............................................................................................................. 6
I. Une organisation internationale de l’espace issue des rivalités de la guerre froide et
conférant à chaque Etat un rôle de régulation et une responsabilité quasiment exclusive dans
les activités spatiales. ....................................................................................................................... 6
A.
La notion de gouvernance.......................................................................................................................... 6
B.
Les spécificités de l’espace ....................................................................................................................... 6
1)
2)
3)
4)
Un milieu d’accès difficile ............................................................................................................................ 7
Un milieu difficile à territorialiser. ............................................................................................................... 7
Un milieu à fort enjeu de puissance. ............................................................................................................. 8
Un milieu à fort enjeu économique. .............................................................................................................. 9
C. Un statut juridique international qui, de jure, prend en compte les intérêts de l’humanité
mais consacre de facto la prééminence des puissances spatiales. ......................................................... 10
II. Des évolutions majeures, notamment des contextes géostratégique, économique et
technique, mettent en évidence les limites des règles de gouvernance actuelles ...................... 11
A. L’évolution du contexte stratégique est caractérisée par l’exacerbation des ambitions entre
des puissances spatiales de plus en plus nombreuses. .............................................................................. 11
1)
2)
Taillé à leur mesure par les deux grands, le cadre juridique de la gouvernance est mis en cause par la
volonté, clairement affichée, d’Etats de plus en nombreux, d’accéder au statut de puissance spatiale ou de
conforter leur position. ............................................................................................................................... 11
L’incapacité des Etats à adapter le cadre juridique international des activités et des opérations spatiales. 12
B. Les évolutions dans l’ampleur et la nature des activités spatiales mettent en lumière les
limites de la gouvernance établie depuis 1967 ............................................................................................ 12
1)
2)
3)
C.
Le développement des activités spatiales, en particulier à des fins commerciales. ..................................... 12
L’émergence de nouveaux acteurs offrant « l’opportunité de contourner » les règles de responsabilité en
matière d’activités spatiales. ....................................................................................................................... 13
Des tensions accrues dans le partage des ressources spatiales qui remettent en cause le principe de nonappropriation. ............................................................................................................................................. 14
Des évolutions technologiques, source de progrès, mais aussi de risques nouveaux. ........... 15
1)
2)
3)
Des possibilités accrues d’observation et de surveillance. .......................................................................... 15
De nouvelles techniques de destruction ou de neutralisation des appareils en orbite. ................................ 15
La multiplication des débris gravitant dans l’espace constitue désormais une menace sérieuse pour la
sûreté des activités spatiales. ...................................................................................................................... 16
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MYTHE TENACE, FORMULE INCANTATOIRE OU PERSPECTIVE REALISTE
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PERSPECTIVES D’AMELIORATION DE LA GOUVERNANCE INTERNATIONALE
DES ACTIVITES SPATIALES ........................................................................................................... 18
I. La mise en place d’une gouvernance internationale intégrée : une perspective
irréaliste ?....................................................................................................................................... 18
A.
Le droit de la mer : un pragmatisme qui pourrait faire école ?.................................................... 19
B. Des initiatives réelles mais dispersées et inachevées pour structurer la gouvernance
internationale de l’espace. ................................................................................................................................. 19
C.
Des facteurs de blocage qui restent à surmonter. .............................................................................. 20
1)
2)
3)
Une volonté de contrôle des Etats-Unis sans contrainte et sans partage. .................................................... 20
La position ambiguë des autres acteurs. ...................................................................................................... 21
La France doit demeurer un acteur essentiel dans la lutte contre l’arsenalisation de l’espace ; elle y
parviendra d’autant mieux qu’elle aura consolidé ses acquis technologiques et stratégiques dans le
domaine spatial et qu’elle pourra ainsi en faire bénéficier les Européens. ................................................. 22
II. Un code de bonne conduite ................................................................................................... 23
A. La consolidation juridique du droit spatial national est un préalable à toute relance du
dialogue international. ........................................................................................................................................ 23
B. Etablir des rapports de confiance entre Etats est indispensable pour atteindre les objectifs
relatifs à la sécurité, au partage des informations spatiales pour le bénéfice de l’humanité ainsi
qu’à la sûreté dans l’espace. ............................................................................................................................. 24
1)
2)
3)
Le premier objectif est d’assurer une utilisation « sécurisée » de l’espace tout en préservant la liberté de
son utilisation et en réaffirmant la notion intangible de patrimoine commun. ........................................... 25
Le deuxième objectif est de mieux partager les informations spatiales avec les puissances non spatiales à
des fins de sécurité terrestre et de développement durable. ........................................................................ 26
Un troisième objectif : Prévenir ou maîtriser une arsenalisation de l’Espace. ............................................ 26
C. Quel rôle pour la France et l’Union européenne dans la consolidation d’une démarche de
concertation et d’établissement de mesures de confiance ? .................................................................... 27
1)
2)
3)
4)
5)
La France peut jouer un rôle significatif dans la poursuite et l’essor d’un dialogue de confiance entre
acteurs spatiaux. ......................................................................................................................................... 27
Prendre appui sur l’ESA pour mettre à profit les atouts politiques et institutionnels de l’Europe spatiale. 27
Se donner les moyens de contrôler l’efficacité des mesures de confiance et mettre en place un réseau
international de surveillance des activités spatiales. ................................................................................... 28
Capitaliser sur la relation spatiale nationale et européenne avec la Russie. ................................................ 29
Trouver un cadre approprié pour des mesures de confiance. ...................................................................... 29
CONCLUSION ........................................................................................................................................ 32
LISTE DES ANNEXES .......................................................................................................................... 35
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LISTE DES ANNEXES
ANNEXE 1 – LISTE DES PERSONNALITES RENCONTREES ................................................... 36
ANNEXE 2 – REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ...................................................................... 37
ANNEXE 3 - LES TRAITES ET LEUR NIVEAU DE RATIFICATION (2005) ........................... 41
ANNEXE 4 - LES PRINCIPAUX OPERATEURS MONDIAUX DE SATELLITES
GEOSTATIONNAIRES ........................................................................................................................... 42
ANNEXE 5 - LA CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR LE DROIT DE LA MER ET
L’AUTORITE INTERNATIONALE DES FONDS MARINS .......................................................... 43
ANNEXE 6 - L’AGENCE SPATIALE EUROPEENNE .................................................................... 44
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ANNEXE 1 – LISTE DES PERSONNALITES
RENCONTREES
Nom et qualité
Fonction
Commissaire en chef de la marine Thierry Chef du bureau action de l‟Etat en
Duchesne (Marine nationale)
Mer de l‟état-major de la marine et
expert en droit de la mer
Mme Isabelle Sourbes-Verger (CNRS)
Professeur et membre du CNRS
Mme Couchou (MINAE)
Chargée des questions spatiales
Date
191007
251007
161107
Mr de Monluc (MINAE/CAP)
Représentant aux groupes de travail 161107
sur Espace
M. Terry Olson (CE)
Conseiller d‟Etat chargé du rapport du 201207
conseil d‟Etat sur l‟opportunité de
l‟élaboration d‟un droit spatial
national.
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ANNEXE 2 – REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Articles
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MYTHE TENACE, FORMULE INCANTATOIRE OU PERSPECTIVE REALISTE
2007-2008
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2007
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Chronique de droit spatial, LGDJ, Paris
Air et cosmos, Paris
Sites WEB
www.spacefuture.com/archive
Site de l‟ Office for outer space affairs » (Vienne-Autriche) : www.unoosa.org
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Site de l‟UNIDIR, United nations institute for disarmamant research : www.unidir.org
Site de la Federal Aviation Organisation, Office of Commercial Space
http://ast.faa.gov/files/pdf/
www.mcgill.ca/iasl
www.spacelaw.olemiss.edu
www.space-law.org/spacelawsites
www.thespacereview.com
Site the association of European space industry: www.eurospace.org
Site de l‟Europan space agency : www.esa.int
Site de la NASA : www.nasa.gov
Site du Centre national d‟études spatiales : www.cnes.fr
Site de United nation convention on the law of the sea: www.imo.org
Site de l‟autorité des fonds marins (international sea bed authority) : www.isa.org
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Transportation
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ANNEXE 3 - LES TRAITES ET LEUR NIVEAU DE
RATIFICATION (2005)
Le régime de gouvernance repose sur les cinq textes suivants :
-
le traité sur les principes juridiques régissant les activités des Etats en matière d'exploration et
d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps céleste, entré
en vigueur le 10 octobre 1967 (98 ratifications/27 signatures);
-
l'accord sur le sauvetage des astronautes, le retour des astronautes et la restitution des objets
lancés dans l'espace extra-atmosphérique, entré en vigueur le 3 décembre 1968 (88
ratifications/25 signatures);
-
la convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par les objets
spatiaux, entrée en vigueur le 1er janvier 1972 (82 ratifications/25 signatures);
-
la convention sur l'immatriculation des objets lancés dans l'espace extra-atmosphérique, entré
en vigueur le 15 septembre 1976 (45 ratifications/4 signatures) ;
-
l'accord régissant les activités des Etats sur la lune et les autres corps célestes, entré en vigueur
le 11 juillet 1984 (11 ratifications/5 signatures).
Ce corpus juridique est complété par cinq ensembles de règles adoptées par l'assemblée générale des
Nations unies. Ces résolutions encouragent la coopération internationale en matière d'activités spatiales, la
diffusion et l'échange d'informations par la télédiffusion directe internationale par satellite, ainsi que
l'observation de la terre par télédétection. Elles établissent quelques critères généraux réglementant
l'utilisation sûre des sources d'énergie nucléaire nécessaires à l'exploitation et à l'utilisation de l'espace
extra-atmosphérique :
-
la déclaration des principes juridiques régissant les activités des Etats en matière d'exploitation
et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique (résolution 1962 de l'Assemblée générale, en
date du 13 décembre 1963) ;
-
les principes régissant l'utilisation par les Etats de satellites artificiels de la terre aux fins de la
télévision directe internationale (résolution 37/92 du 10 décembre 1982) ;
-
les principes de la télédétection (résolution 41/65 du 3 décembre 1986) ;
-
les principes relatifs à l'utilisation de sources d'énergie nucléaire dans l'espace (résolution 47/68
du 14 décembre 1992) ;
-
la déclaration sur la coopération internationale en matière d'exploration et d'utilisation de
l'espace au profit et dans l'intérêt de tous les Etats compte tenu en particulier des besoins des
pays en développement (résolution 51/122 du 13 décembre 1996).
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ANNEXE 4 - LES PRINCIPAUX OPERATEURS
MONDIAUX DE SATELLITES GEOSTATIONNAIRES
SES Global (Europe - TLC)
Eutelsat (Europe - TLC)
PanamSat (US - TLC)
Intelsat (US - TLC)
New Skies Satellites (Europe - TLC)
Arabsat (Emirates - TLC)
Inmarsat (Intergovernmental - Mobile TLC)
Loral Skynet (US - TLC)
JSAT (Japan - TLC)
Telesat Canada (TLC)
Space Communications Corp. (Japan - TLC)
Star One (Brazil - TLC)
SatMex (Mexico - TLC)
AsiaSat (Hong Kong - TLC)
Telenor (Europe - TLC)
Shin Satellite (Thailand - TLC)
Eumetsat(Europe - METEO)
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ANNEXE 5 - LA CONVENTION DES NATIONS
UNIES SUR LE DROIT DE LA MER ET L’AUTORITE
INTERNATIONALE DES FONDS MARINS
Le droit de la mer est régi par la Convention de Montego Bay (CNUDM35)
Signée en 1982, et entrée en vigueur en 1994, la Convention de Montego Bay constitue aujourd‟hui une
base juridique à peu près unanimement acceptée, même par les Etats non signataires. Elle confirme la
distinction, héritée du droit coutumier, entre le régime juridique des espaces maritimes susceptibles de
relever de la souveraineté des Etats riverains, et le statut des espaces maritimes non susceptibles d‟une
quelconque appropriation.
La définition de règles de droit
La convention s‟appuie sur l‟Organisation Maritime Internationale (OMI36) pour édicter et faire respecter
des règles détaillées de sécurité de la navigation et des personnes embarquées, ainsi que des dispositions
internes aux navires pour la prévention de la pollution.
La gestion des ressources par l’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIMF37)
L'article 136 de la convention de Montego Bay stipule que « la zone et ses ressources sont le patrimoine
commun de l'humanité », ce qui implique la non-appropriation par les Etats de cette partie de l'espace
marin, l'utilisation pacifique de celui-ci et l'exploitation de ses ressources dans l'intérêt de l'humanité.
L’annexe XI de la Convention tire les conséquences de ce concept sur le régime juridique des grands fonds
marins, et confie la gestion des ressources à l'Autorité Internationale des Fonds marins. L'Autorité,
organisation internationale classique, est constituée d’une assemblée plénière, d’un conseil et d’un
secrétariat, et a son siège à Kingston (Jamaïque). 155 pays ayant ratifié la Convention en sont membres, les
Etats-Unis sont observateurs.
L’AIMF comprend un organe opérationnel, « l'Entreprise », dont les ressources résultent des versements des
exploitants : droits d'études de 500 000, puis un million de dollars, redevances sur la production (de 5 à 10%), le
cas échéant complétés par des taxes sur les recettes (de 35 à 70 %).
Le règlement des différends
Le mécanisme mis en place par la CNUDM pour le règlement des différends prévoit quatre moyens de
règlement : le Tribunal international du droit de la mer ; la Cour Internationale de Justice ; l'arbitrage,
conformément aux dispositions de l'annexe VII de la Convention, ou l'arbitrage spécial dans le cadre de
l'annexe VIII de la Convention.
Les suites données à la convention de 1982
Les réserves initiales exprimées par les Etats industrialisés à l'égard des modalités d'exploitation de
la zone ont nécessité l'adoption d'un accord additionnel, l’accord du 28 juillet 1994 relatif à
l'application de la partie XI de la convention, destiné à promouvoir l'acceptation universelle de la
convention de Montego Bay en mettant fin aux imperfections du régime des fonds marins.
A l‟occasion de l‟Exposition universelle de Lisbonne, en 1998, une convention mondiale indépendante sur
l‟océan s‟est tenue, dont la déclaration solennelle a été transmise à l‟ONU sous le nom de « L’Océan, notre
avenir ». Partant du principe de la reconnaissance d‟un bien commun à l‟humanité, elle définit les objectifs
que doivent retenir les puissances responsables. Aucune convention internationale indépendante et
analogue à celle de Lisbonne ne semble s‟être réunie sur l‟espace à ce jour.
35
CNUDM : Convention des Nations unies sur le Droit de la Mer
Deux conventions de l’OMI sont importantes pour la conception et la mise en œuvre des navires civils :
- SOLAS (Safe of Life At Sea) issue de la catastrophe du Titanic et régulièrement actualisée depuis.
- MARPOL (Maritime Pollution) issue des marées noires successives.
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ou ISA (International Seabed Authority)
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ANNEXE 6 - L’AGENCE SPATIALE EUROPEENNE
1. Un constat : les ressources nécessaires au développement des activités spatiales dépassent les
capacités des états européens
L'ESA a été créée dans un souci d’efficacité et a pour mission d'élaborer le programme spatial européen
et de le mener à bien. Les projets de l'Agence sont conçus pour en apprendre davantage sur la Terre, sur son
environnement spatial immédiat, sur le système solaire et sur l'univers ainsi que pour mettre au point des
technologies et services satellitaires et pour promouvoir les industries européennes. Ses fins sont
exclusivement pacifiques. L'ESA travaille également en étroite collaboration avec des organisations
spatiales hors d'Europe.
L'ESA compte 17 États membres. En coordonnant les ressources financières, scientifiques et techniques de
ses membres, elle peut entreprendre des programmes et des activités qui vont largement au-delà de ce que
pourrait réaliser chacun de ces pays à titre individuel.
Les 17 États membres de l'ESA sont l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la
Finlande, la France, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le
Royaume-Uni, la Suède, et la Suisse. De plus, le Canada, la Hongrie et la République Tchèque participent à
certains projets de l'ESA au titre d'accords de coopération.
Comme il ressort de cette liste, tous les pays membres de l'Union européenne ne sont pas membres de
l'ESA et inversement tous les États membres de l'ESA ne sont pas membres de l'UE. L'ESA est une
organisation entièrement indépendante bien qu'elle entretienne des relations étroites avec l'UE en vertu d'un
accord-cadre conclu entre les deux organisations. L'ESA et l'UE partagent une même stratégie européenne
pour l'espace et élaborent ensemble une politique spatiale européenne.
A côté des états membres, il y a la notion «d‟Etats associés » (le Canada) non européens, et celle « d‟état
coopérant » (Hongrie, République Tchèque, …) ayant vocation à devenir membres. Leur intégration est
actuellement limitée au programme scientifique.
Enfin l‟ESA répond aussi à un souci d‟indépendance de l‟Europe vis-à-vis des USA (le programme Ariane
a été décidé après un refus de la part des US de lancer un satellite européen).
2. L’exécution des missions
L‟Agence possède la personnalité juridique. A ce titre, elle peut contracter, acquérir des biens, etc …
Elle est responsable de la gestion d‟un certains nombre d’installations et services, nécessaires pour la mise
en place de la politique spatiale européenne, et à disposition des Etats membres dans le cadre de la mise en
œuvre de leurs propres programmes (qui doivent utiliser ces installations et services en priorité).
Notamment en ce qui concerne les lanceurs, une préférence doit être donnée à ceux développés dans le
cadre des programmes de l‟Agence, ou à défaut dans ceux des Etats membres. Cette préférence est
néanmoins très souple ; une résolution récente de l‟ESA a imposé que les satellites développés par les Etats
membres soient a minima compatibles avec Ariane … On est donc loin d‟une obligation ferme.
Il faut d‟ailleurs souligner que l‟Allemagne a lancé des satellites militaires avec des fusées russes. L‟Italie
développe un lanceur national VEGA.
En matière de politique industrielle, l‟Agence a pour mission de :
- répondre aux besoins des programmes spatiaux (européen en nationaux),
- améliorer la compétitivité de l‟industrie européenne/marché mondial,
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veiller à ce que les Etats membres participent de façon équitable compte tenu de leur
contribution financière. Cette règle du juste retour est fondamentale; elle a permis à certains
pays, notamment l‟Espagne, de se doter d‟une industrie dans le domaine spatial ; sans elle
nombreux sont les pays qui n‟auraient pas rejoint l‟ESA).
Les activités de l’Agence comprennent :
-
les activités obligatoires (tous les Etats membres doivent y participer) qui recouvrent :
o activités de base (enseignement, documentation, projets futurs …)
o élaboration et exécution du programme scientifique (comporte satellites et autres
systèmes spatiaux)
o assistance aux Etats membres (conseils, diffusion information, …) en vue de
l‟harmonisation des programmes.
-
les activités facultatives (l‟ESA comme les Etats membres peuvent en être les initiateurs) ; ces
activités facultatives sont néanmoins approuvées par le Conseil dans son ensemble, à la
majorité simple :
o étude/développement/construction/lancement de satellites et autres systèmes spatiaux ;
o étude/développement/construction/lancement de moyens de lancement et/ou transports
spatiaux.
Les questions actuellement en débat au sein de l‟ESA sont les suivantes :
-
-
le terme de « exclusivement pacifique » qui caractérise les missions de l‟Agence est
actuellement en débat. L‟interprétation qui en est faite recouvre de plus en plus la notion de
sécurité, et de « défense passive » ; à ce titre, les liens avec l‟Agence Européenne de Défense
sont à l‟étude ;
la transformation plus affirmée de l‟ESA en agence de l‟Union européenne ;
la mise en place d‟une nouvelle gouvernance interne plus adaptée aux élargissements à venir.
3. La gouvernance de l’Agence
Les organes de l‟Agence sont le Conseil et le Directeur général.
Un Comité du programme scientifique, crée par le Conseil, a délégation pour prendre des décisions en
matière d‟orientations scientifiques, dans le cadre des ressources approuvées par le Conseil.
Le Conseil est composé de représentants des Etats membres. La plupart des décisions sont prises à la
majorité des 2/3 (exemple : création d‟organes, mandat du Comité du programme scientifique, approbation
des budgets, mesures dérogatoires à l‟égard d‟un Etat membre, règlement additionnel en vue du règlement
des différends entre Etats membres, exclusion de l‟Agence, etc …).
Les décisions en matière de collaboration avec d‟autres institutions internationales, ou d‟autres Etats non
membres, sont prises à l‟unanimité des membres du Conseil.
Les conditions dans lesquelles sont assurées des activités opérationnelles pour le compte d‟autrui sont
également décidées à l‟unanimité du Conseil.
Le directeur général (ainsi que les personnels de direction) sont nommés à la majorité des 2/3 du Conseil.
Ils ne reçoivent d‟instructions que du Conseil, et pas des Etats.
Il faut signaler le rôle particulier joué par la France dont le gouvernement est chargé de notifier aux
différents Etats membres l‟entrée en vigueur de tout amendement à la convention portant création de
l‟Agence (décidé à l‟unanimité par le Conseil, et après acceptation de chacun des Etats notifié à la France).
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Un tribunal d‟arbitrage a été créé, composé de 3 membres du Conseil, afin de prendre position sur les
différends pouvant exister entre des Etats membres sur l‟application de la convention.
4. Commentaires et enseignements à tirer sur la question d’une gouvernance internationale de
l’espace
L‟ESA est la seule agence spatiale supranationale. A ce titre, il est pertinent de s‟interroger sur sa capacité :
- soit à constituer le cœur d’une instance plus vaste sur le plan international,
- soit à alimenter la réflexion pour permettre la mise en place d‟une structure à vocation
internationale, pour répondre aux besoins d‟une gouvernance globale de l‟espace.
En ce qui concerne le premier point, cette éventualité est fort peu probable pour de nombreuses raisons.
Tout d‟abord les ambitions premières de l‟ESA ne sont que très partiellement atteintes. En effet, dans les
considérants de la convention portant création de l‟Agence, il était clairement attendu qu‟elle constitue, à
terme, l‟agence européenne unique, intégratrice des agences nationales. Certains pays considèrent
effectivement l‟ESA comme l‟équivalent d‟une agence nationale (exemple : la Belgique) mais ni la France,
ni l‟Allemagne, ni l‟Italie n‟ont émis un avis en ce sens. (le budget total du CNES est de 1760 M€ dont 685
M€ pour l‟ESA ; et cela ne recouvre pas l‟ensemble des activités spatiales militaires).
Par ailleurs, l‟intégration à terme des pays coopérants va conduire à revoir la gouvernance interne (en
intégrant notamment la notion de majorité qualifiée, pour éviter tout blocage) (le prochain conseil
ministériel de novembre 2008 doit notamment aborder cette question).
Enfin, à ce jour, les collaborations bilatérales avec la Chine ou l‟Inde ont pleinement donné satisfaction, et
aucune forme d‟élargissement à d‟autres pays non européens n‟est envisagée (la nécessité de disposer
notamment de son indépendance en terme de site de lancement, n‟est pas un facteur de mise en commun
des moyens).
Ainsi les enjeux pour l‟ESA sont avant tout de poursuivre l‟intégration des pays européens, sur la base des
objectifs fondateurs, afin qu‟elle conserve son caractère d‟agence pour le compte de l‟Union Européenne.
Avant d‟examiner comment l‟ESA pourrait répondre à un besoin de gouvernance, il est sans doute
nécessaire de préciser exactement la nature des missions à accomplir par cette instance.
Concrètement, l’ESA a été créée parce qu’elle répondait à un besoin de ses membres. Malgré la
lourdeur et la complexité propre à un tel organisme international, elle a permis de répondre aux enjeux
fixés. Il s‟agit sans doute là de sa principale réussite.
Par ailleurs, d‟autres besoins à l‟échelle internationale ont trouvé d‟autres formes de réponse :
-
La gestion des orbites et de l‟attribution des fréquences : assuré par l‟UIT
-
Une collaboration du type « Espace sans frontières » a été mise en place à travers la « disaster
charter » (elle consiste, en cas de crise majeure, à permettre de fournir aux pays touchés par une
catastrophe naturelle les photos satellites les mieux adaptées à la gestion de la crise ; la quasi
totalité des pays en sont membres).
-
La gestion opérationnelle des « déchets » de l‟espace (l‟ESA a tout juste engagé une réflexion
(programme Space Situational Awareness) sur une éventuelle action coordonnée, alors que
plusieurs Etats membres ont leur propre dispositif) ; cette question est loin d‟être tranchée.
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