à l`ombre de milesmichel dupuis

Transcription

à l`ombre de milesmichel dupuis
un monde de musique
À L’OMBRE DE MILES
WIND
Ibrahim Maalouf
Harmonia Mundi IBM 4
L
e trompettiste Maalouf est libanais
d’origine. Il a dû fuir son pays à
cause de la guerre et sa famille s’est
réfugiée en France. Son père trompettiste lui apprend très tôt les rudiments
d’un instrument créé pour jouer les
quarts de ton, nécessaire à la musique
arabe. Ibrahim joint son apprentissage
de la trompette à celui de la musique
classique. Il se révèle rapidement un
virtuose qui bonifie son jeu dans sa
rencontre du jazz. Ouverture d’un vaste
horizon.
Cette dernière livraison en est la preuve
quatre par quatre. Wind est la résultante
d’une commande de la Cinémathèque
française : créer un thème pastiche à
celui que Miles Davis improvisa lors du
tournage d’Ascenseur pour l’échafaud de
Louis Malle. Combien ont été introduits
au jazz, étant littéralement bouleversés
par ces notes lancinantes d’une trompette
feutrée sur les traces de Jeanne Moreau
sur les Champs-Élysées.
La commande, un défi de taille,
l’amène à réunir un quintette de haut vol
pour traduire
l’essence
de
son choix, celui
de donner une
trame sonore
au film muet
La proie du vent
de René Clair.
Il rameute le
fin
pianiste
Frank Woeste,
les immenses
saxos, batteur
et bassiste que sont Mark Turner, Clarence
Penn et Larry Grenadier. Qui dit mieux.
Le vent. L’air libre qui circule, Alizée
ou ouragan, caressant ou terrifiant, se
faufilant dans les dédales sombres de la
ville ou parcourant la vaste plaine. Le
souffle du voyage et la mélancolie de
l’exil.
Un album lancinant, mais si différent
d’inspiration que celui dont Maalouf s’est
50 MAGAZine Son & Image 143
m ic he l du pu is
inspiré. Le merveilleux, c’est qu’il part
en tournée avec ce projet. À se procurer
illico.
Eggun
Omar Sosa
Otá Records
T
ous ceux qui visitent Cuba ont été
témoins de près ou de loin de ces
visions liées à la Santeria, religion culte
des divinités africaines transposées à la
façon dont les Noirs issus de l’esclavage
ont gardé allumé la flamme des traditions ancestrales. Ainsi, avant de commencer son concert, Omar Sosa allume
une bougie et fait la « limpieza » autour
de lui et de son piano. Il purifie son
espace de jeu tout en faisant appel aux
esprits des ancêtres. Eggun, c’est la
présence de ces esprits ressuscités qui
permet au musicien de s’exprimer à travers leur langage. Sosa dit qu’il ne peut
savoir s’il est dans un état second, mais
quelquefois, il se rappelle vaguement du
déroulement exact de sa performance.
En tout cas, il devait être très présent
lorsque le Festival de jazz de Barcelone lui
a commandé une œuvre pour commémorer les 50 ans de Kind of Blue, l’album de
jazz le plus populaire de tous les temps.
Sosa peut bien prétendre se fier au bon
vouloir de ses Esprits, mais pour composer, structurer, répartir des partitions
pour 11 musiciens professionnels, il faut
avoir sa tête sur les épaules.
Il offre en 15 pièces bien hachurées,
réminiscences de la façon de faire de
Miles, des orchestrations menées par une
trompette et deux saxos avec la constante
murale de percussions et des effets électros. Ce n’est en rien une copie ni un
pastiche. Seul le titre « So All Freddie »
se veut une évocation précise à « Freddie
Freeloader » de l’album original.
Une expérience de bien-être musical
qui démontre le talent du personnage
aussi coloré que son œuvre.
Canto
Tania Maria
Naïve NJ62711
Q
uel plaisir de se laisser balloter au
son de « Samba do Gato ». 11 minutes
de pur plaisir où les yeux au ciel rien
ne peut plus vous arriver. La rythmique
est parfaite, le piano transcendant et le
solo des hautes en doublé avec la voix
parfaitement modulée débordent de joie
de vivre à la manière « brasileira ». C’est
cet esprit de son coin du Nordeste que la
pianiste a toujours gardé dans le coffre
de son piano lorsqu’elle s’est établie à
Paris pour se retrouver comme femme
et musicienne. Elle y a trouvé un havre
de reconnaissance pour par la suite, ne
jamais cesser de rayonner. Canto est la
manifestation évidente d’un esprit de
créations festives qui ne s’est jamais
élimé.
Un clin d’œil du côté des cousins
français, « Florzinha », « Petite fleur » de
Sidney Bechet manière très dansante
et tout le reste vient de sa plume.
Magnifique chant à la Alegria de la Vie.