La spasmophilie : qu`est-ce que c`est

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La spasmophilie : qu`est-ce que c`est
Docteur MASI Bruno
29 bis rue de Noailles
78000 VERSAILLES
01 39 51 51 09
Discours à un spasmophile
Dr. M.L. DUC et Pr. Ag. M. DUC
I - MÉCANISME DES SYMPTÔMES
Les symptômes de la spasmophilie sont dus â une excitabilité nerveuse exagérée
La spasmophilie est un état dans lequel des cellules nerveuses s'excitent, spontanément, d'une façon anormale. Dans le système
nerveux, toutes les informations circulent sous forme d'impulsions, de courants électriques; lorsque ces impulsions prennent
naissance sans raison, n'importe où, des informations fausses sont lancées et transmises cette maladie de l'information, c'est la
spasmophilie.
Le système nerveux est le grand système d'administration de l'organisme. Il reçoit des informations de partout, par les organes des
sens et par d'autres récepteurs, et il renvoie des ordres partout. Comme toutes les administrations, il est très centralisé; il y a très
peu de cellules ou de circuits qui donnent véritablement des ordres; la plupart sont comme les bureaux de province vis-à-vis de
l'administration : ils reçoivent l'ordre et ne font que le répercuter, le répartir, l'adapter dans leur territoire.
Évidemment, lorsque, dans un tel système, les cellules s'excitent spontanément, des informations erronées naissent, des ordres
sont donnés sans raison ni contrôle; tout se passe comme si, dans une administration centralisée, n'importe quel bureau prenait
n'importe quelle décision sans tenir compte ni des avis supérieurs, ni de ce qui se passe ailleurs, ni même de ce qui se passe dans
le domaine qu'il est censé régir. C'est la pagaille. Voilà exactement ce qui apparaît dans la spasmophilie.
Si l'on préfère, la plupart des cellules nerveuses ne jouent que le rôle d'un câble téléphonique. Elles transmettent des courants
électriques qui sont porteurs d'information, mais elles ne font que les transmettre. Si des impulsions se mettent à prendre naissance
dans le câble et non pas uniquement dans l'appareil, la conversation sera complètement brouillée, incompréhensible.
Tel est l'essentiel de la spasmophilie : des informations fausses naissent dans cet énorme réseau électrique qu'est le système
nerveux. Dès lors, vous pourrez comprendre l'origine des symptômes de la spasmophilie et aussi leur variété. En effet, il peut y
avoir des manifestations partout où il y a des nerfs et comme il y a des nerfs partout, il peut donc y avoir des symptômes partout.
Les symptômes de la spasmophilie affectent des organes très divers
Certains viennent de l'excitation de nerfs sensitifs : fourmillements des mains ou des lèvres, picotements (ce que l'on désigne par le
terme de paresthésies) et même douleurs franches, en particulier au niveau de la cage thoracique.
D'autres sont liés aux nerfs moteurs: fasciculations, c'est-à-dire contractions brusques de petits faisceaux des muscles, crampes,
frétillement palpébraux, sensation diffuse de crispation des muscles, tremblement, ou encore sensation de boule dans la gorge par
contraction des muscles du pharynx. Les muscles du visage sont souvent contractés; le sujet peut le ressentir comme une
impression de tension de la peau. On peut même le voir : c'est la mauvaise mine ou, comme le dit tout à fait bien le langage courant
«les traits tirés ». Les véritables crises de tétanie qui surviennent à peine dans un quart des cas sont le résultat d'une excitabilité du
nerf moteur très exagérée de façon passagère.
Tous les viscères reçoivent aussi des nerfs et l'on aura des manifestations d'autant plus fréquentes sur un appareil donné que celuici reçoit plus de nerfs. Or, les appareils les plus richement innervés sont le tube digestif et le système cardio-vasculaire.
Le tube digestif, parce que, pour que les aliments le traversent à un rythme convenable et puissent y être assimilés, il faut une
succession harmonisée de contractions musculaires et de déversement de sécrétions; il faut donc une coordination très précise des
muscles et des glandes dont l'activité est, pour les uns et les autres, réglée par le système nerveux. D'où la fréquence des troubles
digestifs dans la spasmophilie : parfois des douleurs abdominales plus ou moins précises, parfois des salves d'éructations qui
surviennent souvent le soir au coucher, parfois des nausées, rarement des vomissements. On peut avoir des troubles intestinaux, le
plus habituellement une constipation qui est très sou vent aggravée par un abus de laxatifs qui irritent l'intestin, ou au contraire une
diarrhée, ou parfois une alternance des deux. Très souvent l'appétit est diminué avec, en conséquence un amaigrissement.
Beaucoup de patients se plaignent d'une intolérance alimentaire : indigestion, ou tout au moins digestion très lente lorsqu'ils
absorbent des aliments réputés lourds, que ce soit des plats gras, du chocolat, des viandes en sauce, ou encore lorsqu'ils
absorbent, même sans excès des boissons alcoolisées. Ces troubles peuvent être très capricieux, et de façon absurde : un jour on
peut manger n’importe quoi en qualité et quantité, en le digérant parfaitement; un autre jour un plat de nouilles pèse sur l'estomac
pendant des heures.
Pour l'appareil cardio-vasculaire, les symptômes cardiaques sont déjà très fréquents. Les palpitations peuvent survenir
spontanément ou lors de la moindre émotion; les douleurs thoraciques sont souvent peu caractéristiques, mais elles peuvent aussi
ressembler à l'angine de poitrine; comme le coeur est fait de cellules musculaires, donc de cellules excitables, son activité
électrique est parfois anormale, comme le montre l'électrocardiogramme, ce qui accentue la confusion; le risque est de faire
craindre une maladie des coronaires, avec les règles de vie que cela impose et surtout l'anxiété supplémentaire que cela procure, à
des gens dont le coeur est tout à fait normal. Mais, plus encore que le coeur, la circulation périphérique est fragile. Surtout chez les
femmes, les extrémités froides, les mains violettes dès qu'il fait à peine froid sont extrêmement fréquentes; de vraies crises d'onglée
au contact de l'eau froide, que l'on appelle syndrome de Raynaud, sont possibles. Dans le même ordre d'idée, on trouve les
sensations de vertiges au moment du passage brusque d'une position allongée ou accroupie à la position debout.
Lorsque l'on est allongé, coeur et vaisseaux, pompe et tuyaux, sont disposés à l'horizontale; si on se lève, il faut maintenir la
quantité de sang qui parvient au cerveau et pour cela resserrer les vaisseaux qui vont aux membres inférieurs et dilater ceux qui
vont vers la tète; cet ajustement instantané ne peut être fait que par le système nerveux; sa défaillance provoque une diminution
momentanée de l'apport de sang au cerveau, et ce malaise passager, qui est une forme atténuée de «l'hypotension orthostatique ».
Il faudrait également mentionner l'aggravation habituelle par la spasmophilie de la migraine qui est due à des troubles de la
circulation cérébrale. De même, un mécanisme proche de celui de la spasmophilie pourrait jouer un rôle dans certaines
hypertensions essentielles, notamment celles que l'on observe chez l'adulte jeune.
Pour la respiration, les troubles sont moins fréquents, sensation d'oppression thoracique, essoufflement anormalement
rapide à l'effort; d'ailleurs une mauvaise adaptation cardiaque et respiratoire à l'effort est caractéristique de la «baisse de forme)) du
sportif qui est bien proche de la spasmophilie. L'asthme est tout à fait indépendant de la spasmophilie; mais, d'une façon indirecte
et de même que pour d'autres maladies allergiques comme certaines rhinites, la spasmophilie peut aggraver son cours.
Enfin le cerveau est fait de cellules nerveuses, et des symptômes très importants pour comprendre la maladie y prend
naissance. Tout d'abord l'anxiété, qui est presque constante, non pas une anxiété ancienne, de toujours, mais une anxiété apparue
ou au moins très augmentée en même temps que les autres symptômes : les crises aiguës d'angoisse ne sont pas exceptionnelles.
Ensuite les troubles du sommeil : insomnie d'endormissement, en particulier chez les fatigués du matin-excités du soir, qui sont
nombreux parmi les spasmophilies (et vous comprendrez tout à l'heure pourquoi, ou réveils fréquents. Souvent les réveils de la
deuxième moitié de la nuit s'accompagnent d'une vive anxiété; non pas tellement une angoisse profonde et sans raison, mais sou
vent une «conviction anxieuse » reposant plus ou moins sur des raisons plausibles : c'est à ce moment que les spasmophilies ont
un cancer de l'estomac, vont faire un infarctus, n'arriveront lamais à bout de leur travail ou ne pourront jamais payer leurs dettes...
Enfin, les troubles mineurs du fonctionnement intellectuel: troubles de la mémoire avec difficultés à retrouver un nom, une date, le
mot juste; troubles de la concentration intellectuelle avec difficultés d'attention; et surtout perte des automatismes avec distractions
inhabituelles, mauvais enchaînement dans la conduite automobile...
Reste enfin, un symptôme presque constant : la sensation de fatigue, mais elle est moins liée à l'excitabilité exagérée elle-même
qu'à ses causes ou à son mécanisme.
Voici donc l'explication, finalement simple et unique, de symptômes qui paraissaient à priori absurdes, sans lien entre eux, tellement
ils sont nombreux, divers, éparpillés.
La preuve de cette excitabilité anormale a été donnée par l'électromyogramme puisque, avec une épreuve qui ne fit apparaître
aucune activité chez le sujet normal, le spasmophile a une activité électrique au niveau des nerfs et des muscles de l'avant-bras,
qui est très caractéristique.
II - L'ORIGINE DE LA SPASMOPHILIE
Après l'explication des symptômes, il faut pour comprendre la spasmophilie, savoir analyser les causes.
On peut, assez grossièrement, schématiser les causes de l'excitabilité exagérée en disant qu'elle survient quand la cellule nerveuse
est mal nourrie ou quand l'organisme est fatigué.
La spasmophilie peut être due à des troubles ioniques
Le premier versant est la cellule nerveuse «mal nourrie » : cela signifie qu'elle ne trouve pas, dans le milieu qui l'entoure, un
équilibre exact des éléments nécessaires à son fonctionnement. Le courant électrique qui constitue l'influx nerveux est en fait un
échange d'ions métalliques, qui est contrôlé par l'ensemble des éléments minéraux présents. L'excitation anormale peut donc
provenir d'un désordre de l'un quelconque de ces éléments minéraux (potassium, phosphore, chlore, calcium, magnésium, acidité
du sang). On pourra avoir une excitabilité anormale quand il existe des troubles du métabolisme général de ces minéraux : manque
de magnésium ou de calcium, anomalies du potassium, ou alcalinité excessive du sang. C'est pourquoi on a pu penser que la
spasmophilie pouvait être due à une carence en magnésium ou à un mauvais équilibre du calcium : mais en réalité ce n'est qu'un
aspect de la question.
La spasmophilie peut traduire un état de fatigue
L'autre versant est pour nous le plus important : c'est celui de la fatigue
- en prenant ce mot au sens le plus large. C'est donc ce point surtout qu'il faut bien comprendre.
Supposons que vous ayez à travailler beaucoup, à veiller tard le soir, à dormir peu. Vous vous sentirez fatigué, vous aurez
sommeil : et vous prendrez donc une, deux, trois tasses de café. La sensation de fatigue va disparaître, et le besoin de dormir; mais
il est bien évident que la fatigue de l'organisme demeurera. Vous aurez masqué la sensation de fatigue, mais, ce faisant, vous
risquez d'aggraver cette fatigue. Vous savez aussi que Si vous abusez de cette manière de faire, vous verrez apparaître de petits
troubles, tremblement de mains, modification du caractère, troubles du sommeil, frémissement des paupières, palpitations,
diminution de l'appétit... qui ressemblent tout à fait à ce que l'on constate dans la spasmophilie. Et surtout, vous ne vous sentirez
pas en forme, vous aurez l'impression d'être mal dans votre peau, sauf lorsque vous aurez bu vos cafés : vous êtes en quelque
sorte un drogué.
L’adrénaline est probablement le lien entre fatigue et spasmophilie
Or, il se trouve que nous avons la possibilité, quand nous sommes fatigués, de sécréter une hormone l'adrénaline, qui a tout à fait
les effets de la caféine. Elle a même un mécanisme d'action identique dans les cellules, sur ce que l'on appelle le système de
l'AMPcycllque; elle n'agit pas sur lui au même niveau que la caféine, mais le résultat est le même. L'adrénaline est l'hormone de
l'effort : elle permet d'orienter toutes les fonctions de l'organisme vers l'effort, de façon tout à fait utile. Mais c'est aussi l'hormone de
la lutte contre la fatigue; elle permet à l'organisme de puiser dans ses réserves, en même temps qu'elle masque la sensation de
fatigue.
Si cela pouvait être utile surtout lorsqu'il fallait maintenir une activité physique importante pour survivre, cela peut devenir
dangereux, et surtout dans les conditions d'existence actuelles où, dans l'ensemble, les activités physiques sont insuffisantes. Nous
ne savons pas très bien encore par quel mécanisme l'adrénaline augmente l'excitabilité nerveuse, mais c'est un fait qui est connu;
d'autre part, nous avons vérifié que chez le spasmophile l'activité de la glande médullosurrénale, qui secrète l'adrénaline, et celle du
système sympathique qui lui est lié, sont excessives les spasmophiles excrètent dans leurs urines beaucoup plus de dérivés de
l'adrénaline que les sujets normaux.
Dans quels cas secrète-t-on trop d’adrénaline ? Dans tous les cas où l'on est soumis à une fatigue ou à une tension excessive; on
peut classer en trois catégories, tout en sachant bien que dans la réalité, les faits sont toujours compliqués et imbriqués.
La fatigue peut être due au surmenage vrai.
Tout d'abord, le Surmenage vrai.
Il peut être professionnel : excès de travail, travail à la limite des possibilités intellectuelles du moment (cas fréquent chez les cadres
dont la situation progresse), travail posté en 3x 8, milieu de travail bruyant ou mal adapté pour toutes sortes de raisons.
Ce surmenage peut être extraprofessionnel second travail ou même activité de loisirs fatigante ou trop prenante, ou enfin, prise de
responsabilités trop nombreuses.
La réduction des heures de sommeil est elle aussi importante, qu'elle soit due aux activités ou aux loisirs; à ce point de vue, la
télévision peut être néfaste les gens qui attendent la fin des émissions pour se coucher ne sont pas rares et parfois ils ne dorment
pas parce qu'ils ont été impressionnés ou tendus par ce qu'ils viennent de voir.
Il ne faut pas oublier que le rythme excessif des occupations est un surmenage, même s'il n’occupe pas un temps très long de la
journée. Pour la jeune femme qui a des enfants et qui travaille, il faut de 6 heures 1/2 à 8heures 7/2 du matin avoir fait et fait
prendre le petit déjeuner, fait et fait faire la toilette, donné un coup de balai, réviser le contenu des sacs, fait s'activer la troupe,
accompli les trajets maison-école-bureau, s'être beaucoup agitée et avoir beaucoup crié. Elle est épuisée pour la journée et
beaucoup sont dans ce cas.
La fatigue peut être due à des facteurs psychiques d'environnement
Le deuxième aspect de la « fatigue « tous les conflits, problèmes, mésententes, ennuis, préoccupations, et d'autres sources de
tension psychologique que la vie en général, et la vie de tous les jours, imposent à l'individu. Il peut s'agir d'un problème majeur, et
dans ce cas c'est souvent à distance, après quelques semaines ou mois que les Symptômes apparaissent. Mais Il peut s'agir tout
aussi bien de petits ennuis indéfiniment répétés, que l'on supporte bien au début, puis moins bien, puis mal, puis plus du tout. Il faut
donc chercher dans la vie conjugale, familiale, professionnelle, non seulement les drames évidents, mais aussi toutes les petites
sources de conflit; même Si objectivement elles peuvent paraître ridicules, il n'en est pas de même pour celui qui les vit.
La fatigue peut être due à des facteurs psychiques individuels
Enfin, la personnalité de chacun intervient, sa façon d'être, c'est-à-dire tout ce qui est très anciennement ancré en lui, que ce Soit lié
à son caractère ou à son éducation; on peut mêler ici ce qui est dû à l’hérédité et ce qui est acquis pendant la première enfance; ce
sont des points sur lesquels on pourrait discuter, mais qui finalement reviennent, pour ce qui nous occupe, au même.
L'anxiété «constitutionnelle» - c'est-à-dire aussi ancienne que la mémoire peut s'en souvenir - est la première cause. Les anxieux
ne sont jamais détendus, même physiquement, musculairement; ils vivent toujours sous une menace. A activité égale, ils sécrètent
plus d'adrénaline que les calmes. Cela est si vrai que toutes les grandes anxiété.' les névroses d'angoisse, ont toujours des signes
électriques de spasmophilie, et beaucoup de signes cliniques. Tous les spasmophiles ne sont pas des anxieux (loin de là) mais tous
les anxieux sont des spasmophiles, au point que beaucoup de psychiatres, parce qu'ils ne voient que cette deuxième catégorie,
pensent que la spasmophilie n'est qu’une manifestation de la névrose d'angoisse. Ils font, un peu pour la même raison que les
partisans des théories minérales, la même erreur : c’est à dire de prendre l'aspect de la maladie qu'ils sont, de par leur spécialité,
amenés à voir, pour l'ensemble de l'affection.
Bien entendu, l'anxiété des névrosés est un cas extrême mais l’anxiété plus banale, elle aussi, prédispose à la spasmophilie.
D'autres traits de caractère sont aussi favorisants : ainsi la méticulosité, le perfectionnisme : on ne peut se reposer que lorsqu'on a
fait son travail, et le travail n'est jamais fini; il faut faire le ménage plusieurs fois par jour, et chaque grain de poussière est une
offense; on se fâche parce que les enfants ne s'essuient pas bien les pieds en rentrant (alors qu'en réalité ils ont été mis au monde
pour casser la vaisselle, salir les planchers et cochonner les murs et qu'un juste milieu doit être trouvé entre la libre manifestation et
la totale répression de ces tendances naturelles). Ce perfectionnisme s'adresse aussi aux autres : on supporte mal que « les autres
» ne soient pas conforme à ce que l'on pense qu'ils devraient être et l'on s'en irrite : qu'il s'agisse des proches, de la famille, de
l'entourage professionnel, des homme publics...; il faut reconnaître que dans ce domaine les moyens d'information viennent souvent
flatter ce penchant. Soit pour l'activité quotidienne, soit de façon plus abstraite, on vit dans une ambiance sous tension ou
d'irritation. Ces traits de caractère sont souvent retrouvés. la plupart du temps modérés, beaucoup plus rarement très intense et
appartenant alors à ce que l'on appelle la névrose obsessionnelle. Voilà les points de départ qu'il faut analyser pour chacun,
surmenage, problèmes psychologiques, tensions de tous ordres, le tout lié à la fois à la personnalité, à la façon de vivre, aux
conditions sociales. Ces points de départ sont très différents d'une personne à l'autre, même si, finalement, le résultat est le même.
III - ENTRETIEN DE LA SPASMOPHILIE
A partir de ces causes initiales, ce qu'il faut bien comprendre, c'e qu'une fois la spasmophilie déclenchée, elle continue à évoluer
d'elle même, sur sa lancée, et cela même si les événements qui en sont responsables n'ont été que temporaires et sont déjà
lointains.
Les symptômes de la spasmophilie concourent à son entretien
Le mécanisme est facile à saisir pour les symptômes. Les crampes musculaires et la tension permanente des muscles sont
fatigantes : le spasmophile s'épuise autant à ne rien faire que le bien portant dans une activité continue. L'insomnie est une cause
évidente de fatigue, et spasmophilie provoque des troubles du sommeil. Les troubles digestifs sont courants et il est très fatigant de
mal digérer; de même, des petits troubles de la mémoire. la perte des automatismes, la difficulté de concentration imposent un
effort supplémentaire pour toutes les activités. Donc les conséquences de la spasmophilie rejoignent ses causes. C'est un cercle
vicieux : en quelque sorte, la fatigue crée la fatigue.
De la même façon on retrouve l'anxiété comme cause et comme conséquence de la spasmophilie. Les palpitations, les crises de
tétanie sont aussi source d'anxiété; également, pour beaucoup de patients, le fait de ne pas comprendre du tout ce que l'on ressent
(c'est pourquoi une explication très minutieuse de la spasmophilie est indispensable).
On peut enfin trouver un troisième cercle vicieux au niveau des relations entre le spasmophile et son entourage. Plus tendu, plus
irritable, le spasmophile est plus exposé à des conflits mineurs. L'ignorance très générale du mécanisme de la spasmophilie fait que
l'on considère les symptômes accusés par le patient comme uniquement d'origine psychique et il souffre d'être considéré comme un
névrosé. Le fait est souvent particulièrement sensible au niveau conjugal. Le conjoint s'irrite souvent de ce qu'il a tendance à
considérer comme une comédie (et d'ailleurs le juste milieu entre cette attitude et un maternage exagéré est en fait bien difficile à
trouver). S'estimant incompris, le spasmophile s'irrite ou se déprime. D'où la fréquence des difficultés au sein du couple; elles sont
encore aggravées bien souvent par les problèmes d'ordre sexuel, préalables à la spasmophilie ou s'installant en même temps
qu'elle.
Donc, la spasmophilie, due à des causes diverses, s'entretient par elle-même de façon prolongée on dit qu'elle se pérennise.
Les mécanismes biologiques participent peut-être à l'auto entretien
Nous venons de voir comme cette «pérennisation» est liée à ce fait très particulier à la spasmophilie, que ses signes cliniques
reproduisent ses causes. De la même façon, nous avons des raisons de penser (mais c'est un point pas encore démontré) que
l'excitabilité anormale crée les troubles du calcium, du magnésium et des autres minéraux qui peuvent la provoquer. Il est déjà
probable que l'adrénaline peut influencer les équilibres de ces éléments; d'autre part, les glandes endocrines qui les contrôlent sont
plus ou moins sous la dépendance du système nerveux. Il y aurait donc au niveau de la physiologie et de la biologie un autre cercle
vicieux qui, comme nous venons de le dire, n'est pas entièrement prouvé, mais est tout à fait vraisemblable.
Aussi bien du point de vue physique, que psychologique, que relationnel, que biologique. La spasmophilie est un cercle vicieux. Elle
tend une fois installée, à se nourrir elle-même.
L'auto entretien explique une chronologie apparemment absurde
Cela explique une constatation que beaucoup de patients font et qui leur paraît absurde. C'est qu'ils ressentent encore leurs
symptômes alors qu'ils n'ont plus aucune raison d'être fatigués ou tendus. Beaucoup disent : «J'ai tout pour être heureux, et
pourtant je ne me sens pas bien », et, si on les interroge, on retrouve, un an, deux ans auparavant, la période de surmenage ou de
tension, ou le conflit responsable.
Bien entendu, on trouve des spasmophiles chez lesquels un conflit permanent, ou un surmenage continuel, ou des traits de
personnalité sont à l'origine de la spasmophilie, et leur persistance explique celle des symptômes. Mais dans beaucoup de cas, une
cause précise peut être retrouvée et paradoxalement, elle est éloignée dans le temps lorsque la maladie se déclenche.
Un exemple très fréquent est celui du monsieur qui construit sa maison. Le monsieur qui construit sa maison pense accéder pour lui
et pour sa famille au parfait bonheur. Il a fait ses calculs, il pourra tout juste, avec ses finances, bâtir la maison de ses rêves.
Comme, au point de vue pécuniaire, les choses sont quand même un peu juste, il fait des heures supplémentaires, occupe ses
loisirs y compris ceux du week-end, à travailler lui-même au chantier; les devis sont allègrement dépassés; la construction est
largement en retard; perclus de dettes et d'ennuis, éreinté, passant ses nuits à refaire mentalement ses comptes, le monsieur qui
construit sa maison, en dehors de quelques périodes dépressives, tient remarquablement le coup. Finalement tout s'arrange; les
soucis financiers se résolvent; la maison est finie; le monsieur qui a construit sa maison peut donc s'installer sur un transatlantique,
au milieu de son gazon, près de son allée en opus incertum, devant sa façade ensoleillée, un demi bien frais sur une table de jardin
basse. Il déplie son journal - et c'est à ce moment qu'il ressent ses premières palpitations.
A la jonction de la fatigue et de la spasmophilie, le rôle de l'adrénaline explique d'autres apparentes
absurdités
En dehors de ce mécanisme de cercle vicieux, un autre facteur intervient probablement pour expliquer ces manifestations
retardées. C'est le rôle ambigu de l'adrénaline. Il est certain que cette hormone masque les symptômes de la fatigue, ce qui fait
qu'au fond, elle aggrave cette fatigue. L'adrénaline peut être considérée comme une drogue au vrai sens du terme, et le
spasmophile comme un drogué. Cela est vrai, que l'adrénaline a des effets très analogues non seulement à ceux d'une drogue
mineure, comme la caféine, mais, bien plus, à ceux de vraies drogues, au sens strict. Des drogues dures comme les amphétamines, agissent par l'intermédiaire de composés proches de l'adrénaline dans le système nerveux central. Comme tous les
drogués, le spasmophile a besoin de sa drogue. C'est ce qui explique un symptôme qui paraît à première vue tout à fait illogique : la
sensation de fatigue surtout marquée le matin, au lever. En réalité, du fait du sommeil de la nuit, le système sympathique qui
provoque la sécrétion d'adrénaline se met au repos; par conséquent, le matin. le spasmophile est un drogué en état de manque et il
se sent mal dans sa peau et fatigué. Dans la journée, l'adrénaline est sécrétée, et il se sent mieux; le soir, la sécrétion est excessive
et le spasmophile est excité, et il n'arrive pas à s'endormir. Ce cycle, fatigue du matin-excitation du soir est très caractéristique de la
spasmophilie, et il est directement lié au rythme de la sécrétion adrénalinique - et aussi au fait qu'il existe une fatigue de fond. Ce
qui rend tout à fait logique une autre constatation encore plus absurde au premier abord : « Plus je dors bien, plus je su fatigué en
me levant ». C'est un peu le même mécanisme qui fait que l'on es sou vent très fatigué pendant les premiers jours de vacances, en
fait, la chute «de tension» fait que l'on ressent la fatigue accumulée, c’est probablement aussi pour des raisons voisines que
d'assez nombreux migraineux font leur crise le dimanche.
C'est donc souvent lorsque les occupations et préoccupations se ralentissent et s'atténuent que les symptômes apparaissent, et
cela est lié au rôle de l'adrénaline masquant la fatigue. C'est pourquoi il n 'est pas rare non plus que les spasmophiles affirment
qu'ils ne sont pas fatigués, et cela pour la bonne raison qu'ils ne ressentent pas subjectivement la fatigue. On peut penser que si on
leur faisait passer des tests objectifs permettant de faire la preuve d'un état de fatigue, comme on le fait chez les sportifs, ces tests
seraient perturbés; en fait, ce sont les spasmophiles, qui sont soumis à un surmenage actuel, persistant, et qui y font face à coup
d'adrénaline, et non pas les spasmophiles pour lesquels la cause déclenchante est éloignée dans le temps.
L'organisme est un peu comme le cheval attelé à sa charrette. S'il est fatigué et qu'il s'arrête, il y a deux solutions : le détacher et le
laisser s'étendre à l'ombre d'un arbre, les pattes derrière la tête, les yeux dans les nuages et mâchonnant un brin d'herbe jusqu'à ce
qu'il soit reposé; ou alors le fouetter jusqu 'à ce qu'il se décide à repartir. L'adrénaline, c'est le fouet. Dans le premier cas, le risque
est de voir le cheval se trouver trop bien et ne plus vouloir repartir; dans le second cas, le risque est de le voir crever. Le meilleur
moyen d'éviter la fatigue, c'est un repos suffisant, mais Si la fatigue ne peut être évitée, le fouet permet de faire comme Si elle
n'existait pas - bien qu'au fond il aggrave les désordres. Dès que l'on cessera de le fouetter, le cheval s'arrêtera. L'effet suspensif de
l'adrénaline vis-à-vis de la sensation de fatigue, l'installation d'un cercle vicieux à bas bruit sont les deux raisons pour lesquelles la
spasmophilie peut parfaitement (mais ce n 'est pas une obligation) éclore à distance de ses causes réelles.
La spasmophilie n'est pas une maladie définie, mais un syndrome de causes variées
En définitive, quand on analyse les causes de la spasmophilie, on s'aperçoit qu'on peut avoir affaire à des problèmes différents.
Parfois la cause réelle a disparu, et l'affection s'entretient elle-même et continue à évoluer comme un bateau qui court sur son erre;
c est ce que l'on pourrait appeler la spasmophilie « maladie». Dans d'autres cas, les causes sont toujours présentes : qu'il s'agisse
de troubles des éléments minéraux, d'un surmenage continuel, d'une tension permanente ou de conflits durables, ou d'une
personnalité névrotique; c'est ce que l'on pourrait appeler la spasmophilie «symptôme». La réalité est comme toujours plus
compliquée et il y a toujours un mélange, à quelque degré, de plusieurs de ces causes.
IV - LE PROBLÈME DU TRAITEMENT
Le traitement est nécessairement complexe
Il est bien évident qu'un cercle vicieux ne peut être rompu que Si on l'attaque en plusieurs points, que Si on le fait éclater. Sinon, il
se ressoude. Si un serpent se mord la queue et Si on lui coupe la queue, il remordra sa nouvelle queue : il faut le découper en
rondelles. C'est pourquoi le traitement de la spasmophilie ne peut pas comporter un seul médicament : il faut traiter tous les points
et tous en même temps.
Il faut corriger les troubles ioniques
Il faudra d'abord corriger ce qui est anormal dans le sang, en fonction des dosages : assez souvent par un sel de magnésium et par
un acidifiant, quelquefois par du calcium (ou de la vitamine D qui augmente son absorption). Ce traitement doit être long. Il ne faut
pas oublier que les spasmophiles perdent ces éléments de façon excessive : il ne s'agit pas de combler un manque, mais de
maintenir le niveau dans un tonneau percé, aussi longtemps que le trou n'est pas bouché. Il est raisonnable de compter sur un
minimum de quatre mois de traitement, mais cette durée peut être largement prolongée.
Cette attitude paraît logique, et, bien que l'on puisse se demander Si dans certains cas les troubles du métabolisme ne sont pas
une réaction « utile » de l'organisme, c'est une hypothèse assez peu probable. Dans l'état actuel de ce que nous savons, il paraît
préférable de ramener au maximum les éléments biologiques à la normale, et jusqu 'à présent, nous avons toujours eu l'impression
que cette attitude donnait des résultats favorables.
Diminuer l'excitabilité
En second lieu, il faut calmer directement l'excitabilité nerveuse puisque c'est elle qui représente l'axe même de l'affection.
Les sédatifs centraux et leurs inconvénients
On peut pour cela s'adresser aux sédatifs du système nerveux central; en pratique, on se sert surtout des anxiolytiques et des
tranquillisants. Ce sont d'excellents médicaments; en particulier, ils permettent une meilleure relaxation des muscles, et ils
améliorent toujours le sommeil, même les moins sédatifs. Mais ils ont des inconvénients, surtout en traitement long. En particulier,
ils diminuent plus ou moins le rendement intellectuel et les capacités de concentration, et peuvent entraîner un certain degré de
somnolence. Cet effet est bénéfique chez les personnes qui se reposent, mais il est nuisible chez celles qui travaillent. En effet,
celles-ci, pour maintenir leur activité, sont obligées de lutter contre cet effet secondaire des tranquillisants; elles le font en mettant
enjeu le système de lutte contre la fatigue, c'est-à-dire l'adrénaline et par conséquent elles accentuent et aggravent le mécanisme
même de la spasmophilie. C'est pourquoi, Si les tranquillisants sont prescrits seuls, il est habituel qu'on doive constamment
augmenter les doses, et que finalement ils deviennent à peu près inefficaces. Aussi, on ne devrait donner de tranquillisants qu'avec
un pagne et un billet d'avion pour Tahiti. C'est pourquoi également dans la spasmophilie, on ne doit se servir de ces produits que
comme du starter d'une voiture : ils devraient être pris pendant 3 à 6 semaines, de préférence le soir pour que leurs effets dans la
journée restent faibles, et surtout, et cela est fondamental, dans le cadre d'un traitement complet. Dans ces conditions, ils apportent
une excellente amélioration en traitant les éléments les plus importants du cercle vicieux, l'hyperexcitabilité et l'anxiété. Mais encore
une fois, ils ne peuvent donner qu'un répit dont il faut profiter pour s'attaquer aux causes plus profondes.
Beaucoup de gens craignent que l'usage de ces produits n'entraîne une accoutumance et un besoin et qu'ils ne soient obligés de se
« droguer» ensuite à vie. Ils ont évidemment raison Si le traitement n'est pas complété par les autres éléments indispensables, et Si
ces substances sont prescrites seules, sans que les causes réelles de la maladie soient supprimées. En ce cas, on arriverait
toujours, comme il vient d'être dit, à une efficacité diminuée et à une dépendance. Parfois, on ne peut pas faire autrement; Si une
dame est spasmophile parce que son époux la bat tous les jours, et Si elle tient à lui ou Si elle est contrainte de rester avec lui, la
prescription d'un anxiolytique visera seulement à diminuer les symptômes les plus gênants sans prétendre la guérir. Mais dans tous
les autres cas, les anxiolytiques sont des médicaments efficaces, fort utiles, dans le cadre défini pour leur emploi.
On peut utiliser, d'emblée dans les formes légères, ou en relais des médicaments précédents, des sédatifs végétaux, moins
énergiques, mais très bien supportés : passiflore, valériane, aubépine, saule, ballotte... On évite, par contre, le phénobarbital et ses
dérivés; l'expérience montre qu'ils sont moins efficaces, peut-être d'ailleurs parce qu'ils interfèrent avec le métabolisme du calcium.
Les adrénolytiques, logiques, encore au banc d'essai
A côté des calmants du système nerveux central, les sédatifs du système nerveux végétatif sont efficaces et n’ont pas les
inconvénients des précédents 'mais ils en ont évidemment d'autres). On utilise les antagonistes du système sympathique, puisque
celui-ci joue, avec l'adrénaline, un rôle primordial à l'origine de la spasmophilie.
Certains, ceux que l'on appelle les bêta bloquants, paraissent agir très efficacement sur les différents symptômes mais ils ont
quelques contre-indications et ils sont trop récents pour que l'on soit sûr de leur innocuité totale à long terme : c’est pourquoi ils sont
encore utilisés avec une certaine prudence.
D'autres produits sont bien connus, comme la dihydroergotamine : elle est très souvent efficace, à condition de ne l'utiliser qu'à des
doses très faibles qui suffisent à bloquer le sympathique; à des doses plus fortes, comme celles que l'on utilise habituellement dans
la migraine, ce médicament stimule lui-même les récepteurs du sympathique et, par conséquent, a un effet différent et même
opposé.
Enfin, chez les sujets où le paras sympathiques participe à l'excitabilité exagérée, il est bon d'associer un peu de belladone ou de
jusquiame pour freiner également ce système; mais ces cas sont plus rares. D'une façon générale, les calmants du système
végétatif sont utiles et sans inconvénients; mais on ne peut encore pas actuellement définir leurs indications exactes, ni leur mode
d'emploi. Nous avons vu avec le cheval et la charrette qu'il faut parfois mettre au repos et parfois fouetter, ce qui signifie qu'il faut
tantôt supprimer les effets de l'adrénaline, et tantôt les filtrer, mais les laisser agir. Nous sommes forcés de rester encore dans une
certaine imprécision dans le maniement de ces substances; personnellement, nous donnons habituellement de petites doses de
ces produits, soit de façon continue, Soit par cures; mais il s'agit là d'une prescription encore un peu empirique, qui est plus le reflet
de notre expérience personnelle qu'une prescription scientifique déterminée.
La détente, élément indispensable
Enfin, tous les médicaments du monde ne peuvent pas guérir une spasmophilie Si le sujet ne parvient pas à se détendre. Un
spasmophile ne parviendra pas à se détendre sans médicaments ceux-ci sont indispensables, mais ils ne suffisent pas. C'est
toujours le problème de cercle vicieux qui doit être rompu en plusieurs points. Le rôle des médicaments est celui d'une canne : vous
avez une jambe cassée et vous reprenez la marche; il vous faut une canne, mais celle-ci ne suffit pas à guérir : il faut que l'os se
ressoude. Dans la spasmophilie, la canne, c'est le traitement médicamenteux; l'os qui se ressoude, c'est l'obtention d'une détente;
la marche, c'est la vie. On ne peut se passer ni du traitement médical, ni de la détente.
La détente a deux aspects.
La détente élémentaire, problème personnel
Le premier aspect, c'est le maintien de quelques moments de détente au cours de la journée. Cela signifie des moments où l'on fait
quelque chose que l'on aime, qui occupe l'esprit, qui ne nécessite pas une tension importante et n'aggrave pas la fatigue. Ce n'est
pas du tout blâmable, disons simplement épicurien au meilleur sens du terme car faire ce que l'on aime suppose déjà que l'on aime
quelque chose.
Bien entendu, cette détente varie beaucoup d'une personne à l'autre. Pour le paresseux, c'est ne rien faire; pour l'actif, c'est
bûcheronner dans la forêt; chacun doit trouver ce qui lui convient. Des techniques médicales, relaxation gymnique, psychothérapie
ou kinésithérapie, ou d'autres techniques comme le yoga, sont d'excellentes méthodes pour ceux qui les ont à leur disposition; mais
elles ne con viennent pas à tout le monde. On peut donc les essayer, comme on s essaie à la pratique d'un sport; mais Si elles ne
conviennent pas, on peut les abandonner sans hésiter pour essayer autre chose. Dans ce domaine, tout est très personnel, et ce
qui convient à Pierre ne convient pas à Paul, sans que ni Pierre ni Paul ni les techniques proposées ne soient en rien critiquables.
Cependant, quelques conseils généraux peuvent être donnés, et en particulier, il en est un fondamental. Chacun doit trouver sa
voie et par conséquent ne pas se soucier de ce que font les autres à la rigueur pour cueillir une idée, en tout cas pas pour les imiter.
Le snobisme est l'ennemi du spasmophile. Certains qui ont huit jours de vacances en hiver se précipitent pour skier alors qu'ils ont
horreur du froid, de la neige et du ski en général et qu'ils rêvent de rester chez eux au coin du feu, simplement parce que les voisins
sont à Courchevel. Ou 'ils n'aillent pas mieux, et même plus mal, en revenant, est finalement moral.
La sagesse, idéal lointain
Le deuxième aspect de la détente, celui qui coïncide avec la guérison, c'est de vivre détendu. Il est certain que c'est un problème
presque philosophique qui n'est pas facile à résoudre. Il faut arriver à prendre les choses comme elles viennent, les gens comme ils
sont, à ne donner de l'importance qu'aux choses qui en ont; il faut parfois prendre un peu de recul et se dire "voilà ce qui est
important pour moi; voilà ce qui ne l'est pas)), et Si l'on a l'essentiel, savoir ne pas exagérer la place que l'on donne au reste. Cela
bien entendu sans altérer sa personnalité, sans se vouloir insouciant Si l'on n'y est pas prédisposé; il s'agit, au contraire, de
retrouver un équilibre correspondant à sa personnalité. Il faut parfois s'efforcer de modifier un peu son caractère, dans la mesure où
ce sera un bien. Nous avons tous dans notre psychisme des points qui nous gênent, qui sont un peu comme une verrue au milieu
de notre personnalité. Il n'y a aucun inconvénient à es supprimer, bien au contraire, de la même façon que nous n'hésitons pas à
nous faire raboter une verrue que nous aurions sur le bout du nez. Par contre, il faut garder et développer précieusement tout ce qui
fait l'essentiel de notre être.
C'est ainsi qu'il faut lutter contre l'anxiété, qui est un des éléments importants de la spasmophilie, et qui est, dès qu'elle dépasse
une limite tolérable (à notre avis très basse), tout à fait nocive et inutile. Beaucoup pensent que, puisqu'ils sont anxieux depuis aussi
loin qu'ils se souviennent, ils seront anxieux toute leur vie. Mais il faut savoir que l'on n’est pas condamné à l'anxiété et cela mérite
un développement un peu plus long.
L'anxiété, phénomène physiologique, n'est pas marquée au fer
Regardez un enfant de 8 mois. Il est rond, rose, sage, souriant, joie et orgueil de ses parents. Revoyez le même 6 mois plus tard,
quand il commence à marcher : il est grognon; il veut constamment que sa mère le porte, alors qu'elle peut à peine le soulever; il ne
tolère pas qu'elle le quitte; il pleure quand un étranger entre et pleure la nuit. Pourquoi ? Parce qu'il exprime de cette façon une
grande anxiété. Pourquoi ? Parce que nous sommes construits comme nos grands parents de l'âge des cavernes. Le petit
d'homme qui commence à marcher, rose et croquant, lent et malhabile, inexpert et sans ruse, est une proie de choix pour le loup et
le machairodus dès qu'il s'aventure hors de la caverne natale. C'est pourquoi nous ne serions pas là pour en parler sua nature
n'avait tissé un il en qui l'empêche de s'éloigner de sa mère protectrice et sage; ce lien, c'est la peur de tout inconnu, c'est l'anxiété.
L'anxiété est donc protectrice, comme l'est la douleur : les enfants qui ne ressentent pas la douleur meurent pour la plupart tôt,
d'accidents, parce qu'ils ne sont pas retenus par l'apprentissage précoce de ce qui fait mal.
Nous avons donc tous en nous, sans doute à un degré voisin, dans les zones très archaïques de notre cerveau, des structures qui
gouvernent l'anxiété. On peut dire dans des zones archaïques du cerveau, car, pour autant que l'on puisse en juger sur leur
comportement, les animaux paraissent connaître ce sentiment confus de peur indéterminée qui est l'anxiété. Comme cela est de
règle dans toute la neurologie, des centres plus récents prennent le commandement en inhibant les centres les plus anciens. C'est
pourquoi l'éducation fait disparaître cette anxiété : l'apprentissage de la sécurité au sein de la famille en est la première étape, qui
permet plus tard de se sentir en sécurité en dehors de la famille, après le passage un peu incertain, où l'anxiété peut se raviver, de
l'adolescence.
Dans ce processus, l'anxiété est, non pas supprimée, mais inhibée; les structures qui la supportent restent présentes, ce qui
explique d'ailleurs qu'elle puisse réapparaître sous l'influence de l'hyperexcitabilité nerveuse, donc dans la spasmophilie. Mais ce
qui est important ici, c'est que l'éducation réussie inhibe l'anxiété, qui n'est plus du tout ressentie, alors que l'éducation ratée la
laisse persister. La sécurité pour l'enfant, c'est d'être protégé, et par conséquent, aimé par quelqu'un de solide; les enfants ont un
sixième sens qui leur permet de déceler toute faille dans la «solidité» des parents; c'est pourquoi les mères anxieuses ont des
enfants anxieux ce n’est pas une hérédité (tout le monde est héréditairement anxieux), mais une contamination, et finalement un
échec de l'éducation.
Ce qui est encore plus important, c'est que ce qui a échoué dans l'enfance peut être récupéré à l'âge adulte
- plus difficilement parce que l'adulte est moins aidé que ne l'est l'enfant auprès de ses parents, mais cela reste possible. Il suffit,
comme chez l'enfant, que l'adulte soit en sécurité, apprenne à se sentir en sécurité, pendant assez longtemps, pour que les mêmes
mécanismes jouent.
Il faut donc que l'adulte anxieux se juge objectivement, qu'il reconnaisse la valeur de ce qu'il est et de ce qu'il fait, qu'il soit aidé par
son entourage - et le conjoint joue un rôle déterminant. Si, par ailleurs, les circonstances le rendent possible, et Si, dans le cas du
spasmophile, l'hyperexcitabilité est réduite, on peut corriger une anxiété. On peut être anxieux à 30 ans et ne plus l'être à 35, et à
40 ans et ne plus l'être à 45. Mais encore une fois, les circonstances doivent s'y prêter et une aide est indispensable.
Cette aide peut provenir de l'entourage immédiat; elle peut et doit provenir aussi du médecin. Lorsque l'anxiété est profonde,
névrotique, le recours à un psychiatre peut être nécessaire. Cependant, chez le spasmophile qui a besoin surtout de détente et
d'épanouissement personnel, la psychanalyse est assez rarement indiquée; elle a en effet l'inconvénient de concentrer le sujet sur
lui, alors que la détente est plutôt affaire d'ouverture sur l'univers; elle a aussi l'inconvénient d'être souvent considérée comme une
religion par ceux qui la pratiquent; avec le goût d'imposer des dogmes, alors que la détente est affaire extrêmement personnelle et
nécessitant une infinité de nuances
L'anxiété peut être arrachée ou enterrée
Somme toute, l'anxiété est comme les déchets nucléaires. S'ils sont fortement radioactifs, il n'y a qu'une solution : les traiter, les
détruire pour faire disparaître leur nocivité. S'ils le sont peu, il est souvent plus simple de les enfermer dans une boîte étanche et de
les enterrer sous une couche de sédiments. L'important, c'est que la radioactivité ne soft plus perceptible dans l'environnement. De
même, l'anxiété majeure névrotique, doit être extirpée, et seul le psychiatre est capable d'obtenir ce résultat. Si l'anxiété est banale,
une sécurisation prolongée peut la faire disparaître du champ de conscience, supprimer sa nocivité c'est au patient, à une
psychothérapie faite par le médecin traitant, au besoin avec l'aide des anxiolytiques-starters, à l'enterrer.
Patience et longueur de temps
Tels sont les trois volets du traitement de la spasmophilie.
Que peut-on en espérer ? Naturellement, pas grand chose Si les causes sont inaccessibles: c'est-à-dire si le surmenage
persiste, si les situations de conflit s'éternisent ou Si la spasmophilie n'est que la traduction d'une névrose et Si le patient refuse
d'être traité par un psychiatre.
Dans les autres cas, la guérison : l'ambition ne doit pas être de soigner, mais elle doit être de guérir. Cela sous l'expresse condition
du triple traitement, sauf dans les cas heureux mais peu fréquents, où la pathologie n’est plus entretenue que par un seul élément,
par exemple un magnésium très diminué.
Il faut savoir que la guérison n'est pas linéaire, mais se fait avec des hauts et des bas, en queue de serpent. Il ne faut donc pas se
réjouir trop tôt quand on se trouve dans un haut; il ne faut pas plus se désoler quand on est dans un bas en se convaincant que tout
est comme avant et que l'on ne guérira jamais.
La guérison est longue à obtenir 2 à 4 mois pour voiries symptômes disparaître, 2 mois de plus pour obtenir un minimum de
consolidation. Et en plus, on restera fragile pendant 1 an ou 2 ans : il faudra certes mener une vie tout à fait normale, mais éviter
cependant les grands excès (un sommeil écourté plusieurs nuits d'affilée, 1000 kilomètres d'autoroute pour partir en vacances...) et
surtout l'accumulation de petits excès quotidiens.
Il n'y a donc pas un traitement unique, miracle, de la spasmophilie. il y a des grands axes théoriques, avec une pratique qu'il faut
adapter à chacun. Il faut déjà bien comprendre le mécanisme de la spasmophilie pour, finalement, en tirer profit: c'est-à-dire
corriger, dans la mesure du possible, tous les éléments de l'existence et les aspects fâcheux de la personnalité qui ont été sources
de tension ou de heurts. A ce prix, la spasmophilie n'est pas une expérience inutile.
La spasmophilie, un thème, d'innombrables variations
Bien sûr, ce n'est pas une affection simple à saisir; ce n'est pas une maladie avec une cause unique mais plutôt un état de
déséquilibre, qui finit par s'entretenir lui-même : il est plus difficile de ramener un patient à un état d'équilibre correct que de traiter
une infection. C'est pourquoi d'ailleurs, même chez les médecins, nombreux sont ceux qui se sentent mal à l'aise avec la
spasmophilie et qui la négligent, peut-être un peu pour s'en défendre. Tout le monde est à un certain degré manichéen,
aime bien qu'il y ait d'un côté les bons, de l'autre les mauvais et tout le monde aime bien que les méchants finissent par être punis.
C'est pourquoi un médecin aime bien la pneumonie le méchant microbe attaque le bon malade, mais il est finalement vaincu par la
pénicilline, dea ex machina.
La spasmophilie, c'est tout autre chose; c'est un problème différent dans chaque cas; c'est un déséquilibre à la fois biologique,
psychologique, et qui est dû aussi bien à la personnalité du patient qu'à sa façon de vivre son métier, son entourage et on ne peut
pas plus l'accuser lui-même, qu'accuser la société ou les dieux infernaux. En fait, c'est un mécanisme assez simple puisque
finalement, c’est le plus souvent le mode d'expression d'un état de fatigue; mais aussi bien l'origine de cet état de fatigue que la
façon de la traiter (qui en découle) sont d'une infinie diversité.
Voilà ce qu'il faut que tous les spasmophiles comprennent. Là encore, comprendre ce qu'est la spasmophilie ne suffit pas à la
guérir, mais c’est bien souvent un préalable nécessaire pour y parvenir.