Arnaud Frich

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Arnaud Frich
AP_XPHD
12/01/04
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Arnaud Frich
© Groupe Eyrolles 2004
ISBN : 2-212-11354-4
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omposer, c’est former un tout harmonieux à partir de différentes
parties » : très difficile à enseigner et à apprendre, la composition
traduit sans dissimulation notre sensibilité, notre regard sur le
monde et sur les autres. Au-delà des règles énoncées par les grands maîtres de
l’histoire de la peinture ou de la photographie, je vous invite donc à laisser s’exprimer vos envies, vos sentiments et votre vision créative. Même si le regard
change avec le temps et l’expérience, le déclenchement restera toujours instinctif. En photographie panoramique, la composition est particulièrement
influencée par le cadrage et par certaines déformations typiques qui « signent »
réellement l’image et qui dépendent largement de l’appareil utilisé ou de la méthode d’assemblage choisie.
C’est par l’équilibre et l’harmonie de sa photo, ou à l’opposé par un déséquilibre
assumé, que le photographe provoque une émotion ou suscite une réaction. En
proposant un sens de lecture et des lignes de rythmes dans l’image, en choisissant l’intensité des couleurs ou des niveaux de gris, il renforce son discours ou
son point de vue. Parce qu’il est difficile d’éliminer une partie indésirable au moment du cadrage – en zoomant par exemple –, la qualité de la lumière, de l’harmonie des couleurs ou des nuances de gris est peut-être encore plus importante
en photographie panoramique. Certains photographes choisissent de travailler en
grand format et n’hésitent pas à attendre des heures « la » lumière idéale pour
obtenir une belle photographie ; c’est bien souvent cette lumière qui fera la différence, davantage que le cadrage.
Le cadrage
Le cadrage en photographie panoramique est influencé par deux critères fondamentaux : le cadre du viseur et les déformations typiques des images prises par
certains appareils spécialisés ou assemblées avec un logiciel. Ces déformations
sont tellement visibles qu’elles ne peuvent être ignorées au moment de la prise
de vue.
Avec les appareils dits « rectilinéaires » (XPan d’Hasselblad, Linhof Technorama,
Fuji 617…), les déformations de l’image sont classiques, très présentes lorsque
les focales utilisées sont vraiment courtes, et du même ordre que celles observées sur des photographies prises avec une focale inférieure à 24 mm en 24 x 36.
Les appareils rotatifs (Noblex, Roundshot, Spheron…) quant à eux courbent
toutes les lignes horizontales en dehors de la ligne médiane. Tout l’art de la composition avec ces appareils consistera donc à les dissimuler ou au contraire à les
exagérer. Mais l’opportunité qui est offerte d’embrasser sur une seule et unique
photographie le champ vu par un œil humain (ou beaucoup plus) justifie l’attachement de certains photographes passionnés. Nous verrons par ailleurs aux chapitres 5 et 6 que la photographie panoramique par assemblage permet de créer
des photographies identiques à celles prises avec ces deux types d’appareils, en
allant même parfois plus loin, notamment en termes de possibilité de décentrement de l’objectif.
Enfin, parce qu’aucun appareil panoramique, rotatif ou pas, ne possède de visée
reflex, il faudra rester particulièrement vigilant pendant le cadrage en proxi-photo
à cause des problèmes de parallaxe et de mise au point. En effet, il est impossible avec ces appareils de contrôler directement dans le viseur la mise au point
qui se fait d’habitude sur le stigmomètre du verre de visée, non plus que le champ
réellement photographié.
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Chapitre 2
composition
Le viseur
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Photo Arnaud Frich
cadrage
Un appareil classique de moyen format (6 x 7) permet de prendre les mêmes photographies qu’un XPan : géométriquement parlant, les images ont les mêmes caractéristiques ou « empreintes ». Le 43 mm du Mamiya 7 II et le 45 mm du XPan
photographient le même angle de champ horizontal. Mais un élément à mon
sens fondamental, même s’il paraît anodin, va faire la différence : leur viseur. Il
est très difficile en effet de cadrer dans un format autre que celui du viseur, cela
ne semble pas naturel. Je conseille donc d’acheter un verre de visée quadrillé ou,
mieux, de placer deux petits caches pour dissimuler les parties hautes et basses
quand on photographie avec un appareil non panoramique.
Viseur détachable du Noblex 150 U
Même s’il est techniquement envisageable de réaliser des
photographies panoramiques avec un appareil qui ne l’est
pas, mon expérience, partagée par mes confrères, montre
qu’il est plus difficile de travailler régulièrement dans ce format avec un viseur au format classique. Les peintres n’utilisent-ils pas des fenêtres en cartons ou leurs mains pour créer
des « fenêtres » tendues à bout de bras ? Voilà pourquoi
aussi, au-delà du simple fait de profiter au maximum de la
hauteur du film (24 ou 56 mm), les fervents amateurs de ce
format choisissent d’acquérir un véritable appareil photo panoramique.
Mais cela est un peu remis en question avec l’essor du panoramique par assemblage, car il est impossible d’avoir un aperçu de la photographie finale
dans le viseur autrement qu’en balayant la scène avec l’appareil conventionnel, qui plus est le plus souvent maintenu verticalement. Seuls les
habitués de ces formats ne seront pas déroutés et pourront facilement prévisualiser la future photographie assemblée.
Les viseurs de ces appareils ni reflex ni télémétriques sont parfois détachables
et offrent souvent une visée précise et surtout très claire. Sur les Noblex 150
et sur les Fuji GX 617 par exemple, ils sont constitués de trois lentilles multitraitées afin d’offrir un grand contraste. Les viseurs sont souvent très précis.
Cependant, ils ne facilitent ni la mise au point ni le contrôle de la parallaxe ;
il faudra donc y apporter une attention toute particulière au moment du cadrage en proxi-photo et se placer juste derrière l’objectif pour vérifier que
l’on vise dans son axe, que l’on dispose ou non d’un viseur détachable.
Il arrive parfois que le quadrillage de certains
verres de visée « marque » naturellement
le format panoramique comme c’est le cas ici.
Les deux traits, au-dessus et en dessous de
la ligne médiane, permettent de cadrer dans
un format allongé aux proportions harmonieuses.
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cadrage
La géométrie de cette façade normande
est respectée sur cette photographie
prise au Fuji 617 (90 mm).
Photo Hervé Sentucq
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Chapitre 2
composition
La symétrie de cette image
ne s’accommoderait pas
de la courbure des lignes
d’un appareil rotatif
(Fuji 617).
Photo Hervé Sentucq
Le lustre placé dans l’angle de cette photographie recadrée prise avec
un grand-angulaire en format panoramique a une fâcheuse tendance à s’étirer.
Photo Arnaud Frich
Les appareils non rotatifs
Cadrage horizontal
Cadrer et composer avec un appareil non rotatif est une expérience très partagée : qui n’a jamais utilisé un appareil photo 24 x 36 ? Panoramiques ou non,
ces boîtiers projettent une image à géométrie connue : la géométrie rectilinéaire.
Les lignes droites restent droites même si elles convergent vers un point de fuite
quand le boîtier est incliné. Pour éliminer la convergence des lignes verticales,
quel que soit l’appareil – car ce n’est pas un problème spécifique à la photographie panoramique –, on a recours au décentrement de l’objectif.
Cadrer avec un appareil non rotatif est donc une pratique courante et c’est son
principal avantage. Si l’appareil est posé d’aplomb, toutes les lignes horizontales
et verticales restent telles quelles. Si l’appareil est incliné vers le ciel (en contreplongée), les lignes horizontales ne sont pas modifiées mais les lignes verticales
convergent vers le point de fuite. Pour viser plus haut, sans incliner le boîtier afin
d’éviter cette convergence, le photographe peut recourir au décentrement de son
objectif, en photo d’architecture notamment. Malheureusement, c’est rarement
possible avec les appareils non rotatifs. Les trois boîtiers les plus célèbres (XPanHasselblad, Fuji 617 et Linhof Technorama) ne le permettent pas, contrairement
à quelques modèles moins connus en format 6 x 12 ou 6 x 17, comme la Gilde
MST, la Cambo Wide DS ou encore la célèbre VPan.
Parce que fondamentalement les appareils panoramiques non rotatifs sont des
appareils classiques dont on a découpé le haut et le bas de l’image, le champ angulaire photographié ne sera jamais très différent de celui auquel on est habitué
en 24 x 36 et ne dépassera jamais les 110° environ.
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L’objectif projette une image sur toute la surface du film donc la qualité aura tendance à se dégrader au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre optique, notamment sur les côtés et dans les angles. La seule manière de pallier cet inconvénient est de largement diaphragmer l’objectif pour obtenir une couverture
d’image homogène. C’est un problème classique en photographie, mais le défaut le plus gênant reste l’étirement de l’image que l’on observe dans les coins
quand l’angle de champ dépasse 80°. Si ce cas de figure est moins fréquent en
photographie conventionnelle (un photographe n’utilise pas toujours des focales
très courtes), il est incontournable en photographie panoramique. Cette
contrainte purement optique concerne toutes les photographies panoramiques,
qu’elles soient prises avec un 30 mm en 24 x 66, un 72 mm en 6 x 17 ou même
par assemblage si l’angle dépasse 80°.
Cadrage vertical
Cadrer en hauteur avec un appareil non rotatif est beaucoup plus simple qu’avec
un appareil tournant, même si le pourcentage d’images verticales reste faible dans
les photothèques spécialisées. Il y a au moins deux raisons à cela : d’abord parce
que l’angle de champ est notablement moins important, mais bien suffisant, dans
ce sens, ensuite parce que ces appareils ne courbent pas toutes les lignes droites.
Ce sera donc l’appareil panoramique privilégié des photographes d’architecture
qui ne doivent pas forcément rendre un travail créatif.
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Les appareils rotatifs
Avec les appareils à objectif tournant ou entièrement rotatifs, le cadrage et la
composition doivent tenir compte des déformations induites par la rotation de
l’objectif. Spécifiques, elles sont tout de suite reconnaissables, comme avec un
fish-eye en photographie classique. Un certain nombre de précautions est donc
à prendre à chaque cadrage pour ne pas tomber dans le piège du systématique.
La vigilance devra bien sûr être de mise en cadrage horizontal comme en cadrage
vertical. Si la photographie panoramique par rotation reste le moyen privilégié de
montrer un paysage ou une scène de rue dans son ensemble, certains sujets se
prêteront néanmoins volontiers au jeu d’un cadrage vertical harmonieux.
Cadrage horizontal
Si l’appareil est posé d’aplomb, toutes les lignes verticales restent verticales,
comme avec un appareil conventionnel – à la grande différence des fish-eyes qui
L’angle embrassé par cette photographie des rues
de Paris est de 140° en horizontal
(Noblex 150U + décentrement).
Photo Arnaud Frich
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courbent absolument toutes les lignes. La ligne d’horizon reste donc
parfaitement droite. En revanche, toutes les lignes horizontales en dessous et au-dessus de cet axe vont s’incurver. Or, même si la Terre est
ronde, cela ne peut s’observer en regardant l’horizon ; cette incurvation est donc un défaut à corriger – sauf parti pris artistique. Avec un
peu de pratique, on peut aisément anticiper cet effet. Il faut tout de
même noter un certain nombre de cas où il est vraiment très discret :
en ville (notamment dans les petites ruelles), quand les lignes horizontales ne sont pas trop longues, et bien sûr dans la nature.
Lorsqu’on incline le boîtier, la ligne d’horizon se courbe à son tour.
Je ne trouve pas cela très esthétique, cependant j’ai noté des circonstances où cet effet n’était absolument pas gênant, voire plutôt réussi,
car il « casse » le côté parfois trop rigoureux ou géométrique de
certaines photos ; en effet, les lignes horizontales trop longues sont
coupées par le bord inférieur du film. L’image se rapproche alors d’une
vue classique prise en contre-plongée, avec une forte convergence des
lignes verticales.