Le Modulor - Collège Vieux Port

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Le Modulor - Collège Vieux Port
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Collège Vieux Port – Histoire des Arts
Le Modulor
C'est en 1945 que Le Corbusier a mis au point d'une manière définitive les recherches qu'il a entreprises
depuis vingt années sur les proportions, et qui lui avaient valu, il y a une dizaine d'années, le titre de
Dr h.c. en philosophie et mathématiques de l'Université de Zurich.
C'est devant la tâche d'aujourd'hui, tâche nationale et universelle, que la conclusion de ces recherches
est intervenue : dans le monde entier, on doit construire, fabriquer et préfabriquer. Les produits voyageront de province en province, de pays en pays, de continent en continent. II faut découvrir une mesure
commune !
Des mesures sont actuellement en vigueur :
• le pied-pouce chez les Anglo-Saxons (qui a maintenu l'architecture malgré le machinisme dans
des normes à l'échelle humaine);
• le mètre, mesure artificielle et arbitraire, dépendant du méridien terrestre, indifférent à la
mesure humaine et qui, de ce fait, a introduit une certaine désintégration de l'architecture, dans
les pays qui en font usage.
Devant l'immense tâche des fabrications et des préfabrications il s'agissait de découvrir un moyen de
normalisation qui, issu de la stature humaine d'une part, expression mathématique de haute signification, fût capable de fournir des combinaisons illimitées exceptionnellement favorables et par-dessus
tout harmonisées.
La France avait institué après la défaite, une commission d'études des mesures de préfabrication,
l'AFNOR, à laquelle Le Corbusier ne fut pas convié.
Les travaux de cette commission ont abouti au cours des années à une normalisation d'ordre simplement
arithmétique (mesure croissante de 2 en 2 ou de 10 en 10 cm), décision qui ne peut être qu'arbitraire,
appauvrissante, car rien dans la nature ne donne l'image d'une règle si précaire. La nature au contraire
révèle des états mathématiques d'une richesse exceptionnelle dans tous les phénomènes de croissance
qui s'offrent à nos observations.
Depuis une année, Le Corbusier réalise avec ce « Modulor » qu'il a trouvé la totalité de ses dessins d'architecture. Ingénieurs et architectes de son atelier en font usage chaque jour avec un profit étonnant.
Questionné sur cette invention par Le Corbusier, très récemment à Princeton, près New York, le profes seur Einstein faisait la déclaration suivante : « C'est un langage des proportions qui rend compliqué le
mal et simple le bien. » Cette invention est protégée par un brevet.
Le Modulor, Sans lieu, 1945
Fondation Le Corbusier
Deux systèmes de mesure
Lors de la rédaction de ce texte, on utilisait encore fréquemment le système métrique (mètre, décimètre,
centimètre, … ) et le système impérial (inch, foot, yard, mile).
Le système métrique est pratique pour effectuer des calculs car il est adapté à la numération décimale
mais il est « indifférent à la mesure humaine ».
Le système impérial (système anglo-saxon) « a maintenu l'architecture […] dans des normes à l'échelle
humaine » mais il n'est pas commode lorsqu'on doit réaliser des calculs.
Le Corbusier ne choisit ni l'un, ni l'autre car il souhaite « fabriquer et préfabriquer » pour le monde
entier : il considère qu'en choisissant le système métrique, il exclurait les Anglo-Saxons et en choisissant
le système pied-pouce il se couperait de ceux qui utilisent le système métrique.
G. THOMAS
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Le système impérial ou système de mesures anglo-saxonnes
Ce système de mesures découle des mesures traditionnelles dont certaines sont basées sur le corps
humain : pied (foot), pouce (inch). Il est essentiellement utilisé dans les pays anglo-saxons (RoyaumeUni, Irlande, États-Unis, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande). Dans les autres pays, on emploie très
rarement ces unités et pour des usages très particuliers.
Un pouce (1 inch) correspond à 2,54 centimètres. On utilise cette unité de longueur pour parler des
dimensions de certains écrans. Une tablette de 10 pouces est une tablette dont l'écran a une diagonale de
25,4 cm.
Un pied (1 foot) correspond à 12 pouces, soit 30,48 centimètres. On utilise cette unité de longueur pour
donner l'altitude d'un avion. Un avion vole à une altitude de 20 000 pieds signifie qu'il vole à 6 096 m au
dessus du niveau de la mer : 20 000×0,304 8 m=6096 m .
Pour aller plus loin :
1 inch
= 0,025 4 m
12 inches =
1 foot
= 0,304 8 m
3 feet =
1 yard
= 0,914 4 m
1 760 yards =
1 mile
= 1 609,344 m
Le système métrique
Le « mètre » est une invention de la Révolution Française. C'est en 1790 que l’Assemblée Nationale
française décide d’établir un système de mesure unique.
Comment définir le Mètre ? Le choix pour la longueur du Mètre n’aurait-il pas pu se faire de façon totalement arbitraire ? Tiens, voilà un bâton : il fait un mètre !
Pourquoi faire simple lorsqu’on peut faire compliqué ? Parce que le choix d’un seul homme, d’une
équipe ou d'une nation ne permettrait pas d’obtenir un consentement universel. Il fallait un instrument
de mesure dédié « à tous les hommes et à tous les temps » (situation de l'époque).
Le projet est confié à des savants de renom (Borda, Condorcet, Lagrange, Laplace, Lavoisier et Monge)
qui proposent de définir le Mètre comme le dix millionième du quart du méridien terrestre.
Une idée extravagante mais qui repose sur un fondement des plus naturels et qui sera donc acceptée de
tous : la Terre !
http://www.maths-et-tiques.fr/index.php/histoire-des-maths/geometrie/histoire-du-metre
On a souhaité définir le « mètre » indépendamment d'un homme en particulier. Pour obtenir une mesure
universelle, on utilise la Terre, notre planète. Le « mètre » est alors défini comme « la dix millionième
partie du quart de méridien terrestre ». Ainsi, le méridien terrestre mesure 40 000 000 mètres, par
définition du mètre.
G. THOMAS
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Des combinaisons illimitées
Voici des séries de mesures utilisées par Le Corbusier dans son système breveté : le « Modulor ».
Plus exactement, on donne ici la correspondance de ces mesures dans le système métrique. Les valeurs
données sont exprimées en centimètres. Ce sont des valeurs approchées.
Série rouge
Dynamique
Série bleue
Statique
479
957
296
592
183
366
113
226
70
140
43
86
27
53
16
33
10
20
Schéma de la fonctionnalité à l'échelle humaine du Modulor
Le Modulor basé sur les proportions du corps humain
G. THOMAS
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On observe que les longueurs de la série bleue sont doubles de celles de la série rouge.
Série rouge
Dynamique
Série bleue
Statique
479
957 = 2 × 479 – 1
296
592 = 2 × 296
183
366 = 2 × 183
113
226 = 2 × 113
70
140 = 2 × 70
43
86 = 2 × 43
27
53 = 2 × 27 – 1
16
33 = 2 × 16 + 1
10
20 = 2 × 10
×2
Dans la série rouge, Charles-Édouard Janneret dit Le Corbusier a choisi 183 cm pour représenter la taille
d'un homme debout. Il considère que le nombril d'un tel homme est située à 113 cm du sol et c'est pourquoi il fait construire un bar de hauteur 113 cm.
Dans la série bleue, 226 cm correspond à la hauteur d'un homme bras levé. L'Unité d'Habitation a ainsi un
plafond à 2,26 m.
Actuellement, en France, la taille moyenne d'un homme adulte est 175 cm et la taille moyenne d'une
femme adulte est 163 cm. Bien qu'il soit difficile d'obtenir des données statistiques fiables au niveau mondial, il s'avère qu'il y a très peu de pays dans lesquels la taille moyenne d'un homme adulte est supérieure
à 1,8 m et qu'elle ne dépasse jamais 1,84 m. Le « modèle » choisi par Le Corbusier est donc plus grand
que « l'homme moyen ».
On peut penser qu'il s'est basé sur des longueurs exprimées dans le système impérial. La taille moyenne
d'un homme adulte est environ 6 pieds : 1,75: 0,3048≈5,74 . En reconvertissant cette valeur de 6 pieds
en mètres, on obtient 1,828 8 m : 6×0,3048 m=1,8288 m .
Le Modulor est donc « issu de la stature humaine ».
L'homme dans prend possession d'un environnement qui lui est adapté, dans lequel il se sent bien. Les
dimensions des pièces sont choisies dans l'une des deux séries :
• Profondeur des balcons : 140 cm (série bleue)
• Hauteur de plafond : 226 cm (série bleue)
• Largeur de couloir : 296 cm (série rouge)
• Largeur d'une cellule d'habitation : 366 cm (série bleue)
Les dimensions du mobilier sont aussi choisies dans l'une des deux séries :
• Hauteur de chaise : 43 cm (série rouge)
• Hauteur de table : 70 cm (série rouge)
• Hauteur d'un élément de cuisine : 86 cm (série bleue)
• Hauteur de bar : 113 cm (série rouge)
G. THOMAS
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Cela permet de nombreuses combinaisons :
27 + 16 = 43
86 + 27 = 113
140 + 43 = 183
43 + 27 = 70
70 + 43 = 113
140 + 86 = 226
70 + 16 = 86
113 + 27 = 140
140 + 226 = 366
Plus généralement, on remarque qu'en ajoutant deux termes consécutifs on obtient le terme suivant dans
la série. Lorsqu'ils rencontrent de tels processus, les mathématiciens parlent de suites de Fibonacci.
=
+
=
+
.
.
.
.
Série rouge
Dynamique
Série bleue
Statique
479 = 183 + 296
957 = 592 + 366 – 1
296 = 183 + 113
592 = 366 + 226
183 = 113 + 70
366 = 226 + 140
113 = 70 + 43
226 = 140 + 86
70 = 43 + 27
140 = 86 + 53 + 1
43 = 27 + 16
86 = 53 + 33
27 = 16 + 10 + 1
53 = 33 + 20
16
33
10
20
=
.
.
+
Grâce aux choix de ces deux séries, ces deux suites de Fibonacci, Le Corbusier construit le Modulor, outil
« capable de fournir des combinaisons illimitées exceptionnellement favorables ».
« Modulor » formé de Module et Nombre d'or
Le nombre d'or
Calculer une valeur approchée au millième du nombre suivant :
1+ √ 5
en saisissant ( 1 +
2
√ 5 ) : 2.
Ce nombre est souvent désigné par la lettre grecque : φ. On a φ ≈ 1,618
Élever ce nombre au carré, puis retrancher 1. Que peut-on observer ?
2
1,618 −1=1,617924 . On retrouve presque notre nombre de départ : φ.
Un travail sur la valeur exacte permettrait de montrer que :
ϕ2−1=ϕ autrement dit ϕ2=ϕ+1 .
Calculer l'inverse de ce nombre, puis ajouter 1. Que peut-on observer ?
1
+1≈1,618047 . On retrouve presque notre nombre de départ : φ.
1,618
Un travail sur la valeur exacte permettrait de montrer que :
1
ϕ +1=ϕ .
G. THOMAS
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Vidéo Micmaths sur le Nombre d'or : https://www.youtube.com/watch?v=DxmFbdp7v9Q
Le nombre d'or est connu et utilisé depuis l'antiquité par les mathématiciens mais aussi par de nombreux
artistes (peintres, architectes, compositeurs de musique). Érigé en théorie esthétique et justifié par des
arguments d’ordre scientifique ou mystique, il est aussi appelé « section dorée » ou « divine proportion ».
Des rapports harmonieux
Le Corbusier a utilisé le nombre d'or pour construire ses deux séries. Pour passer d'un terme au suivant, il
multiplie par le nombre d'or φ. Les mathématiciens disent que c'est une suite géométrique de raison φ.
Série rouge
Dynamique
×φ
×φ
×φ
×φ
×φ
×φ
×φ
×φ
Série bleue
Statique
479
296 × 1,618 = 478,928 592 × 1,618 = 957,856
957
296
183 × 1,618 = 296,094 366 × 1,618 = 592,188
592
183
113 × 1,618 = 182,834 226 × 1,618 = 365,668
366
113
70 × 1,618 = 113,26
140 × 1,618 = 226,52
226
70
43 × 1,618 = 69,574
86 × 1,618 = 139,148
140
43
27 × 1,618 = 43,686
53 × 1,618 = 85,754
86
27
16 × 1,618 = 25,888
33 × 1,618 = 53,394
53
16
10 × 1,618 = 16,18
20 × 1,618 = 32,36
33
10
10
20
20
×φ
×φ
×φ
×φ
×φ
×φ
×φ
×φ
Au delà des propriétés mathématiques du nombre d'or, Le Corbusier y voit aussi une esthétique de la
pureté et de l'harmonie. Avec le « Modulor », il pense avoir découvert une « expression mathématique de
haute signification [...] capable de fournir des combinaisons [...] harmonisées ».
Conclusion
Les objectifs que se donnaient Le Corbusier semblent donc atteints par son système de « Modulor ».
Devant l'immense tâche des fabrications et des préfabrications il s'agissait de découvrir un moyen de
normalisation qui, issu de la stature humaine d'une part, expression mathématique de haute signification, fût capable de fournir des combinaisons illimitées exceptionnellement favorables et par-dessus
tout harmonisées.
Le « Modulor » est issu de la stature humaine, utilise une expression mathématique harmonieuse et de
haute signification et fournit de nombreuses combinaisons.
G. THOMAS
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