L`aide humanitaire à Dunkerque Pendant et après La seconde
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L`aide humanitaire à Dunkerque Pendant et après La seconde
L’aide humanitaire à Dunkerque Pendant et après La seconde guerre mondiale Odette Bonte 21 mai 1940 APPEL à la population dunkerquoise signé Charles Platon APPEL à la population dunkerquoise signé René Le Gentil, sous-préfet de Dunkerque Auguste Waeteraere, maire de Dunkerque. La vague déferlante des bombardements recouvre Dunkerque, l'horreur et la terreur règnent sur les habitants jusqu'au 4 Juin 1940, date de la reddition par le général Beaufrère devant un général allemand, nommé Granz. Une première étape de guerre se termine, commencent alors pour tous les habitants de la région dunkerquoise les longues années de disette, de privations, de famine même... Comment feront-ils face à ces manques qui dureront bien après la libération ? Quelles formes de solidarité, d'entr'aide inventerontils ? Quels organismes viendront à leur secours ? Qui les aidera à rester debout jusqu'à la fin de ces années difficiles ? Deux périodes sont à prendre en considération, deux périodes durant lesquelles la solidarité, l'entr'aide se manifesteront d'une façon différente, à des échelons différents. Il était nécessaire dans cette étude de les évoquer toutes deux : La première se situera dans une situation d'enfermement de la cité, la deuxième, dans une ville ouverte et détruite, attirant initiatives et élans de solidarité internationale vers l'agglomération martyre. Nous avons : l'occupation, de 1940 à 1945, l'après-guerre de 1945 à 1965. Les comparer, les analyser à partir des faits permettra, je l'espère de mieux saisir les raisons, les motivations de la solidarité. L'entraide sous l'occupation de 1940 à 1945 L'état de la population après « le déluge de feu et de fer qui s'est abattu sur elle » est lamentable. La ville est détruite dans la proportion de 80 %, des quartiers entiers ont disparu. Il reste environ 10 000 personnes qui s'accrochent à leurs ruines. La plupart ont tout perdu, mobiliers, vêtements... Ce qui caractérise cette première période, c'est la mobilisation active de toute la population pour continuer à vivre « Aide-toi, toi -même » était leur devise. Elle s'est réalisée sous plusieurs formes : -organisation municipale des secours, -organisations privées, montées par les habitants eux-mêmes, en liaison soit avec des organismes paroissiaux, soit avec l'aide de certaines personnalités, -aides extérieures de terrain, comme le parrainage de la Ville de Paris, le Secours Suisse, la Croix-Rouge. Les soupes populaires (A.M. 4.H.90 ) Dès avant la capitulation en Juin 1940, le Contre-Amiral Platon alloue 680 Frs pour l'organisation de soupes populaires, le 31 Mai 1940. C'était nécessaire, la population affamée avait pillé des wagons chargés de nourriture, en gare de Coudekerque-Branche. Nourrir la population était le problème numéro un, la priorité capitale. Les bombardements arrêtés, Dunkerque et les villes avoisinantes sont exsangues et meurtries. Le premier souci de la municipalité sera de mettre sur pied l'oeuvre des soupes familiales et populaires. Cela ne sera pas évident. En effet, dès le 29 juin 1940, ce sont les autorités allemandes qui créeront les premières soupes, en liaison avec le comité de guerre présidé par M. Waeteraere, maire. Installées à la caserne Pagezy, très cadrées, elles sont destinées aux indigents, mais seront boycottées par les habitants, ce qui n'est pas du tout du goût des occupants. C'est la Kriegskommandatur qui préside ce service avec : -distribution de cartes de soupes ; -pointage très sérieux, les personnes qui ne se seront pas présentées régulièrement seront impitoyablement radiées de la liste des secours. Il y a imposition de la ville pour cette organisation (Lettre du préfet du nord Caries au sous-préfet de Dunkerque, M. Le Gentil). Dès le mois d'août 1940, le chef du secours national socialiste cessera ses fonctions. L'oeuvre continuera sous l'égide du maire, surveillée par le comité de ravitaillement mis en place le 6 septembre 1940, sous le commandement du Dr Sigbert Meyer, Kriegsverwaltungsrat. Les difficultés s'accumuleront pour la ville, problèmes administratifs, matériels, où trouver le budget nécessaire, sous quelle rubrique l'affecter... les dépenses seront, en définitive prises sur des fonds provenant du secours national. La fourniture de viande, d'épicerie se fera par l'intermédiaire de l'Union des Coopérateurs de Flandre. Au 4 décembre 1940, la population de Dunkerque était de 12 015 habitants, 568 sinistrés étaient secourus au moyen d'allocations. Il n'y avait pas de cumul possible avec des secours en nature. 5 852 rations seront distribuées pour 1 802 inscrits. L'oeuvre des soupes populaires fonctionnera dans toute l'agglomération dunkerquoise. A Dunkerque, elles sont installées dans des baraquements montés sans eau, sans lumière, rue Marengo. A Saint-Pol elles fonctionnent au comptoir linier, avec livraison au personnel des filatures habitant rue des passerelles. Il y a plusieurs types de soupes : -les scolaires, -les soupes familiales payantes, à partir du 1.1.1942 : 1 F par ration journalière, -les soupes populaires destinées en priorité aux prisonniers de guerre, aux vieillards, aux infirmes, aux personnes sans ressource. Les autorités allemandes suivent très attentivement le déroulement des opérations. Il faut obligatoirement rendre compte : – des lieux de distribution, -du nombre de portions pouvant être préparées, -du nombre de portions pouvant être demandées, -de la périodicité des repas, -du montant des frais de préparation, de la distribution. Beaucoup d'offres seront faites pour approvisionner ce ravitaillement, émanant d'agriculteurs, elles seront très souvent considérées comme bizarres, c'est le moins que l'on puisse dire. Nous avons par exemple, une offre de 100 kg de navets avariés, ou de petites carottes à 3 F le kg, à consommer avec les fanes, excellentes pour la santé paraît-il... ou encore, plus de 100 têtes de boeuf en provenance de Breuzin Delassus, 10 tonnes de choux navets... un peu gros. A noter cependant un bel acte de solidarité de la part des huileries Marchand et Frères qui envoient un chèque d'un montant de 10 000 F à Monsieur Paul Verley. Les soupes populaires fonctionneront durant toute la guerre, sous la tutelle du secours national, placé lui même sous la haute autorité du maréchal Pétain, elles perdureront au-delà de 1944. Tutelle, contrôle, l'exemple même d'une aide nécessaire, utile sans doute, mais que je qualifierai d'anti-humanitaire de par son esprit. L'aide aux prisonniers de guerre (A.M.4. H.62 63) Autre type de secours pour une autre catégorie de public. Les initiatives tant publiques que privées foisonneront : Secours National, La Famille du Prisonnier (sous l'impulsion de Mme Benedetti, épouse de l'ancien sous-préfet de Dunkerque) l'OEuvre du colis du Prisonnier, Œuvre d'entr'aide aux enfants des prisonniers de guerre... Le gouvernement interviendra très vite pour d'une part : -réglementer les appels à la générosité publique en faveur des P.G. (Loi du 4 octobre 1940), d'autre part : -examiner les demandes d'autorisation de manifestation pour les prisonniers. Une commission est créée qui se réunit tous les 8 jours. Elle est censurée pour avis par la « Propagandastaffel », organe de la censure allemande, un moyen de contrôle d'initiatives populaires risquant de devenir dangereuses. -création d'un comité d'assistance aux prisonniers de guerre, avec organisation de comités locaux. Ces oeuvres locales pourront cependant garder leur individualité, mais elles doivent s'inscrire obligatoirement à ce comité. A Dunkerque, les membres en sont les suivants : -M. Emile Govaert, président, -Dr Huleux, vice-président Croix-Rouge, -M. Deman, -Soeur Rose, -Mme Dussart. Toute la population dunkerquoise, avec l'aide d'associations locales telles La Jeune France, les Artistes Musiciens par exemple, se mobilisera afin de trouver les moyens financiers et matériels pour venir en aide aux prisonniers. Gala, fêtes de Noël, kermesses, matchs de foot, etc... L'imagination sera reine en ce domaine, mais l'autorité allemande sera toujours présente afin de surveiller tout ce qui gravite autour des secours aux prisonniers et à leur famille, ce qui découragera amèrement les bonnes volontés. Améliorer le quotidien des enfants de prisonniers, avec organisation de goûters, de repas, les initiatives resteront malgré tout nombreuses pour essayer de pallier le dénuement des familles privées de leur Pater Familias. A signaler les conditions de secours aux femmes de prisonniers : Les femmes de prisonnier qui ne travaillent pas, qui sont de bonne conduite, dont les ressources ne dépassent pas 17 Frs, reçoivent des tickets de pain du bureau de bienfaisance, le complément est servi gratuitement par « la famille du prisonnier » rue G. Malo.(citation de Monsieur le Directeur de la maison du prisonnier de guerre). Une bonne moralité était nécessaire pour bénéficier des secours. Aide à l’enfance, ou les efforts et le travail généreux réalisés en faveur des enfants. (A.M. 4.H.71) Il est remarquable, en lisant les archives, de s'apercevoir qu'en ces circonstances difficiles, toutes les bonnes volontés, oeuvres, associations, particuliers ont réussi à unir leurs efforts pour l'aide et le soutien à l'enfance. Cela a été durant ces terribles années d'occupation le seule porte ouverte vers l'extérieur pour une partie de la population de la poche de Dunkerque. Un rapport fait à cette époque met en évidence que 2 250 enfants de 0 à 15 ans vivent dans les ruines. Ils sont répartis dans 950 immeubles dont 450 partiellement détruits. Ils représentent 1/4 de la population dunkerquoise et sont deux fois plus nombreux que les ouvriers. (Rapport de M. Boscops, trésorier, 28 septembre 1942, 4 H 71 A.M.). L'examen médical des enfants révèle que sur 1 564 enfants de + de 6 ans examinés, le nombre d'enfants douteux a doublé en 1 an, 443 ont leur cuti positive. Les causes de ces déficiences ne sont pas difficiles à deviner, elles ont noms : sous-alimentation, logements réduits et insalubres, séjour de nuit dans les caves, chocs émotifs dus aux bombardements aériens. Mme Michelli du Secours Suisse pensait créer une oeuvre en faveur des enfants tuberculeux, mais Monsieur Paul Verley pense alors instituer plutôt une pouponnière alimentée par le Secours Suisse. Celle ci ne verra le jour qu'en 1945. Secours Suisse, Croix Rouge Française, Secours National, l'Auxiliaire Social, Mme Benedetti, Monsieur le Chanoine Couvreur et tant d'autres s'associent afin de soustraire les enfants à leurs conditions de vie pénibles. La cheville ouvrière essentielle de ce travail sera Mlle Meurette, aidée dans sa tâche par Mlle Nissen et sa fidèle secrétaire, Mme Gens Wasselin. Mme Michelli du Secours Suisse, Mme Benedetti l'épauleront, la soutiendront pour la mise en oeuvre d'un vaste réseau de solidarité qui s'étendra à toute la France et bien au delà. Accueil, soins, tous les enfants de la région dunkerquoise bénéficieront de cette aide. Le souvenir de Melle Meurette, qui deviendra Mme Melis ainsi que celui de Melle Nissen est resté inscrit dans le coeur de nombreux dunkerquois, aujourd'hui adultes, hier enfants de la guerre. Les placements se feront un peu partout en France, quelques uns en campagne flamande, les curés de nos villages se mobiliseront pour cet accueil qui se transformera très vite en parrainage. Noël, Pâques, grandes vacances, très sou vent les enfants séjourneront dans ces familles de parrainage année après année. La Suisse sera au premier rang des pays ouvrant ses portes aux enfants du Dunkerquois. Il sera question à un certain moment de prévoir des expéditions en Algérie. « On pourrait envisager l'offre de foyers Nords Africains, pour enfants de santé délicate mais non malades auxquels les rigueurs de la température en hiver sont particulièrement néfastes, une consultation des parents interessés devrait quand même être envisagée avant tout départ... » Le parrainage de la Ville de Paris, sous le patronage de M. Trochu, Président du Conseil municipal de Paris épaulera efficacement toute l'oeuvre, par ses subventions destinées au personnel des garderies : -paiement des salaires du personnel de service, indemnités payées aux personnels des garderies d'enfants. -frais de séjour des enfants dans les différents centres. Ces centres d'accueil sont nombreux. On peut citer : -31 enfants chez Mme La Vicomtesse de Barabas, Château de Chaux-Chevanceaux, en CharentesMaritimes (62 séjours à 20 F) -colonie de vacances à Saint-Céré, à Villandry-Mornay -Mme la Princesse de Croy Bellignes met également son château à disposition pour y installer une colonie de vacances. Il faut signaler malgré tout, ce qui ne diminue en rien la générosité du geste, que cette ouverture des châteaux aux enfants sinistrés évitait très souvent l'occupation militaire par l'armée allemande. -Mme Benedetti accueille des enfants dans l'Hérault, l'auxiliaire social le fait également à VillandryChaussy, Mme Parmentier à Bussang dans les Vosges. Le Jura, Carpentras, Pertuis, Berles-Monchel, Angoulême, le Centre de la Bourboule sont également à citer. En Flandre, Mgr Couvreur, par son dévouement permet l'accueil de 50 enfants à Bollezeele, 48 enfants à Saint-Pierrebrouck. Des parrainages directs, grâce à La Croix Rouge de Bollezeele, président M. Debusche, adoucissent la vie de nombreux enfants, qui emerveillés redécouvrent, avec l'air de la campagne, le goût d'une nourriture plus saine, du bon pain blanc tartiné avec ce qu'ils appellent du « vrai beurre ». Merckeghem, Herzeele, Saint Jean-Cappel sont au nombre de ces villages qui reçoivent, aident, soutiennent tous ces mouvements de solidarité. On a noté en 1942, pour Dunkerque : 480 départs d'enfants Malo : 217 Coudekerque-Branche : 427 départs Rosendael : 304 départs pour l'ensemble de l'agglomération : 1 753 enfants. La Suisse, elle, a accepté 1 007 enfants. 10 enfants ont séjourné à Paris, ils reçoivent à cette occasion des livrets de Caisse d'Epargne offerts par la France Socialiste. Pour ces enfants, Melle Meurette, doit transmettre des attestations certifiant qu'ils ne sont pas de race juive... de même que pour les enfants placés en Suisse, un certificat de baptême est nécessaire pour le passage à la frontière. Tous ces séjours se passent relativement bien, avec une intégration parfois difficile dans les colonies et les centres. Les placements familiaux sont préférés, les familles estimant que les enfants y étaient beaucoup plus gâtés matériellement. Il est vrai que la chaleur familiale est absente des colonies, mais comme le signale Mlle Meurette, la colonie a plus de valeur éducative, elle crée l'esprit d'équipe, d'entr'aide et de discipline.Des relâchements sont signalés dans certains centres nécessitant une remise en ordre pour le bien-être des enfants. Rapport sur le départ de la colonie de vacances des Vosges La synergie efficace de toutes les bonnes volontés reste le point essentiel de cette aide à l'enfance. L'hommage rendu au dévouement de Mlle Meurette par la municipalité s'inscrit obligatoirement dans ce mouvement. Sans sa présence active, son engagement total à cette oeuvre de solidarité, l'impact n'aurait pas été aussi fort. Le résultat escompté : sauvegarder à tous prix l'enfance de la dure empreinte de la guerre. Cette première partie consacrée à l'entraide dans le Dunkerquois n'est pas exhaustive, il aurait fallu citer tous ceux et celles qui se sont consacrés à quelque niveau que ce soit et souvent dans l'anonymat à cette tâche immense : survivre dans une région devastée, homme publique ou simple citoyen, assistantes sociales, prêtres, religieuses, tous ont participé à cet élan de fraternité. Ils continueront dans la période qui va suivre, celle de l'après-guerre. Les formes comme vous le verrez en seront différentes, le contexte a changé, l'agglomération est encore un peu plus meurtrie, mais les dunkerquois seront toujours à l'oeuvre et cette fois avec d'autres. Ce travail de solidarité n'aura pas été facile dans le contexte de l'occupation. Il est à remarquer : – L'importance du parrainage de la ville de Paris, il a certainement été un des éléments de survie de la population de Dunkerque, par ses subventions et par le suivi très attentif de l'évolution de la misère et des besoins. A noter qu'elle continuera son aide durant de longues années après la fin des hostilités, avec distribution de jouets dans les Ecoles maternelles à Noël. Autre point beaucoup plus délicat à gérer la main mise et le contrôle de tous les mouvements de secours par les autorités occupantes et le gouvernement du maréchal Pétain. La moralité des personnes assistées devait être certifiée, nous l'avons vu, avec les femmes de prisonniers de guerre. Heureusement que la Croix Rouge assurait par son concours, neutralité et impartialité dans les aides. Son activité était respectée. Il est admirable que malgré la chape qui pesait lourdement sur toutes les initiatives d'aide, autant d'actions aient pu se réaliser en direction de la famille et des enfants. Aide humanitaire dans l'agglomération sinistrée de Dunkerque 1945/1955 Pourquoi ce titre de chapitre ? Je me suis fixée comme objectif de traiter essentiellement les aides internationales pour plusieurs raisons : – ce sujet n'a jamais été réellement traité, et je désirais en analyser les mécanismes en tant ' qu associations non gouvernementales, en référence aux O.N.G. à l'oeuvre dans nombres de pays en guerre de par le monde, une façon de relier l'histoire à l'actualité. Evaluer la neutralité de son influence sur une population en état de précarité, me paraît un exercice intéressant. Je n'ai pas inclu dans ce champ de travail toute l'oeuvre extrêmement importante et en tout point remarquable des P.D.R (ministère des Prisonniers Déportés, Réfugiés) dirigée par Monsieur Pierre Delaporte, parce que le sujet a été traité de façon très détaillée dans plusieurs articles de la Voix du Nord de Mars 1985, ainsi que dans la Revue Memor managée par M. Patrick Oddone. Je ne ferais que répéter ce qui a déjà été dit avec beaucoup de talent, et qui constitue un témoignage à la source. Je rappelle que les P.D.R. ont été créés en 1945 sous la direction du ministère des anciens combattants et victimes de la guerre. Ces sections départementales des prisonniers, déportés et réfugiés avaient été institués en organisme d'assistance aux réfugiés et sinistrés. Des bureaux sociaux avaient été mis en place pour coordonner cette aide apportée à la fois par les pouvoirs publics et par certains organismes privés. La section des P.D.R. a été particulièrement active sur le Dunkerquois et ce dans plusieurs directions, jeunes, personnes âgées, réfugiés, distribution des secours, organisation de colonies de vacances et de séjours d'enfants dans les centres d'accueil. Organisme humanitaire mais gouvernemental, il n'entrait pas dans le cadre de mon analyse. J'aborderai maintenant le volet des aides américaines, qui furent très importantes ainsi que d'autres aides internationales plus proches. L'aide américaine dans l'agglomération sinistrée de Dunkerque (1945/1955) Aide américaine signifie, dans l'esprit de beaucoup de personnes : plan Marshall. Pour la région dunkerquoise, les aides américaines de tous genres, comme vous pourrez le constater, ont précédé celui-ci, avec sans doute les mêmes raisons idéologiques et caritatives. Le 5 juin 1947, le général Marshall, qui était quelques années plus tôt, chef d'Etat Major de l'armée américaine, prononce un discours à Harvard, où il annonce la mise sur pied d'un plan qui mettrait l'Europe à l'abri des appétits soviétiques afin de protéger l'Europe occidentale de la contagion communiste, en l'aidant à reconstruire son économie. En dehors de cette stratégie économique et politique de l'aide américaine, il faut reconnaître que des raisons nobles et désintéressées poussaient le peuple américain à consacrer une large part de ses revenus à ces secours pour le vieux continent : c `était pour eux, une affaire sentimentale, presque vécue comme un secours à un ascendant (journaux de l'époque). Pour l'Europe, refuser le plan Marshall, c'était retarder sa restauration économique. Comment, bien avant le plan Marshall, cette aide s'est elle réalisée à Dunkerque, à partir de quelles initiatives, ses conséquences sur la population dunkerquoise définiront les grandes lignes que j'essaierai de dégager dans ce deuxième chapitre. Situation de Dunkerque Mai 1945. Après cinq longues années passées sous le joug allemand, les épreuves ont encore frappé durement Dunkerque, évacuation obligatoire de la population de la « poche », sauvetage par Mme Michelli, de la Croix Rouge Suisse, d'une partie de la population, après négociation d'une trève auprès des autorités militaires américaines et allemandes. Je rappelle que l'amiral Fresius, et ses troupes, terrés dans les blockauss, ne voulaient pas se rendre... Les discours officiels de l'époque tracent un portrait réaliste et sans concession de l'état de notre ville. Les allocutions prononcées par M. Verlomme, préfet du Nord, ainsi que celle de M. Robelet, lors de l'installation du conseil provisoire de Dunkerque, à Lille, sont le reflet fidèle de ce long martyr. Discours de M. Verlomme (extrait) : Durant ces cinq dernières années, les Dunkerquois marquèrent une volonté de demeurer chez eux, d'y vivre à leur façon, dans des logements endommagés, à demi détruits, au mépris des bombardements, des fusillades, des écrasements sous les bombes. Un moment vint où se fut intenable, on dut avoir recours à la contrainte pour épargner « ces vaillantes populations » au mois d'octobre 1944, 20 000 habitants de l'agglomération dunkerquoise furent autorisés à quitter ce qui restait de leur foyer. Mais plus de 800 civils demeuraient dans la ville, sur ce nombre, 145 furent rendus dans un état lamentable, 650 Dunkerquois restèrent encore dans un camp retranché, aux mains des Allemands. Alors que la France est libérée, quelques poches subsistent, dès le 9 septembre 1944, les armées alliées assiègent Dunkerque qui subit un feu nourri de l'aviation et de l'artillerie. A la faveur d'une trève conclue entre les belligérants, le 4 octobre 1944 (intervention de Mme Michelli) l'évacuation totale est ordonnée, et nantie d'un maigre bagage, la population subit un nouvel exode. Pendant 8 mois, avions, canons, se sont acharnés sur l'agglomération, de nouvelles ruines se sont ajoutées aux destructions précédentes, il reste maintenant, 10 % des immeubles, ils n'ont pour la plupart ni tuiles, ni vitres. Pendant 8 mois, les Allemands ont pillé à loisir, enlevant les mobiliers, organisant la mise à sac de ce qui subsistait. Le port de Dunkerque est anéanti. Les canalisations d'eau potable, l'eau des puits et citernes est impropre à la consommation, il n'y a ni gaz, ni électricité. Je ne crois pas me tromper en affirmant que la situation de Dunkerque est désespérée. Toute la population est très misérable et malheureuse, il lui est impossible de trouver des vêtements ou des chaussures, étant donné qu'il n'y a plus de stock en France. L'hiver 44/45 a été terrible pour les enfants qui sortaient d'une famine et de carences sanitaires depuis l'occupation. Les besoins sont immenses, il faut faire vite, très vite. De plus Dunkerque, enfin libéré, voit le retour de sa population dans la cité détruite (discours de M. Robelet, maire de Dunkerque). C'est le spectacle désolant de ces ruines que découvre Ray Teeuwissen, premier Fraternel Worker, arrivant directement des Etats-Unis, première manifestation de l'aide américaine à la France, et à Dunkerque en particulier. En effet, dès la fin des hostilités, les églises protestantes d'Europe lanceront un appel vers les U.S.A., pour demander l'envoi de jeunes pour aider à la reconstruction de l'Europe. La réponse des Eglises presbytériennes des Etats-Unis, et du World Council Service, sera l'organisation du service des Fraternels Workers, envoyés en France, et mis à disposition de la Cimade. La Cimade, était au travail dans l'Europe en guerre dès 1939. Elle regroupait sous l'Egide de Madeleine Barot, tous les mouvements protestants de la jeunesse, (conseil protestant de la jeunesse) et s'était mise très tôt au service des populations réfugiées, internés juifs, dans les camps d'internements comme celui de Gurs dans les Pyrénées, ainsi que dans les autres très nombreux, hélàs en France. Il était logique que la Cimade se mette au service des populations dévastées, elle servira de support à l'aide américaine en France, en acceptant le service des Fraternels Workers. L'itinéraire du jeune pasteur Ray Teeuwissen est intéressant. Il faisait partie des premiers passagers américains qui arrivaient en France, au port du Havre, les autres étaient des hommes d'affaires. Les autorités militaires ignoraient même qu'il y eut des passagers civils à bord de ce premier bateau en direction du Havre. Après bien des tribulations, il arrive à Paris sous escorte de l'armée américaine qui protégeait le chargement qu'il amenait avec lui. Il découvre la France dévastée, se présente devant les bureaux de la Cimade à Paris, pour se mettre à son service. Madeleine Barrot découvre qu'en fait les Fraternels Workers, délégués des Eglises presbytériennes, avaient une double mission auprès des populations sinistrées, sociale et spirituelle. L'Europe était pour eux un champ de mission. Le communisme était la grande peur des U.S.A., la crainte était qu'il n'envahisse l'Europe. L'envoi de jeunes missionnaires américains leur paraissait un moyen de lutte efficace. Cela posa une question à propos de l'identité de la Cimade, mais elle fut très vite résolue devant l'ampleur des problèmes à résoudre. Recevant des aides substantielles des U.S.A. en particulier, les équipes distribuèrent un million de paires de chaussures, des montagnes de lait en poudre. Dans le Dunkerquois, trois baraques furent installées : aux glacis, sur un terrain, propriété de l'armée Française, elle fut montée le 10 janvier 1946, et nous notons une permission de construction de baraque accordée à Ray Teeuwissen, et Colette Deconninck, par M. Soleillant du service de la Reconstruction à Coudekerque-Branche, et à Petite-Synthe. Sur le littoral, Calais, Boulogne, Equihen bénéficièrent également de ces équipements Les Fraternels workers jumelaient les équipes au travail avec des jeunes provenant de toute l'Europe, Suédois, Danois, Suisses, et Français. A signaler que le poste Cimade de Petite-Synthe, tenu dès sa création par les docteurs Bernard qui avaient mis leurs compétences médicales au service de la population se transforma par la suite en foyer Arc en Ciel, recevant les hommes sortant de prison et sans abri: Il est aujourd'hui un C.H.R.S. très actif, pérennisant ainsi le travail de toute une vie consacrée aux autres qui fut celle du Dr Bernard. Ce qui est intéressant pour nous, c'est d'une part la vision que ces jeunes eurent d'un monde ancien qu'ils découvraient ainsi que, les tristes réalités de la guerre et d'autre part, la révélation d'une classe sociale qu'ils ignoraient et dont ils partagèrent le sort durant de longs mois. Cette découverte s'est concrétisée par des films, des photographies, envoyés aux Etats-Unis. Ils sont pour nous, aujourd'hui des documents irremplaçables sur la vie quotidienne de la population de cette époque. (Voir extrait de la vie aux glacis, par C. Deconninck). Un autre point essentiel, est que cette aide ne fut pas ponctuelle, et perdura jusqu'en 1963. Le travail social réalisé alors sur le Dunkerquois fut très souvent novateur et même précurseur des structures qui se mirent en place par la suite dans le domaine social. Arrivée de chaussures Triage de vêtements Avec le lait en poudre, les vêtements, la population ouvrière vit son champ culturel et cultuel s'ouvrir vers un mode de vie qui vint bouleverser ses propres traditions de vie, d'alimentation en direction de « l'Americain Way of Life » Marschmallow, Cocacola, chewing-gum, lait en poudre, oeufs en poudre, découverte des célébrations de Noël et Pâques réservées jusque-là aux seules liturgies catholiques, bouleversèrent quelques idées reçues. Les promenades, en camion de l'américain Relief, nous en parlerons par la suite, constituèrent une bouffée d'oxygène tant pour les adultes que pour les enfants, confinés depuis plus de quatre ans, en pays dunkerquois, découvrir la campagne, la côte, la forêt s'avéra une expérience inoubliable pour beaucoup. En fait, s'amorçaient là, les changements de mode de vie qui se confirmèrent par la suite. Une autre aide des U.S.A. se manifestera, également très tôt, peu après l'arrivée du pasteur Teeuwissen, en dehors de la Cimade, mais en liaison avec elle, c'est l'Americain Relief. Baraque installée avenue des Bains, à sa tête M. et Mme Webb. Secours Quakers, en supplément des distributions alimentaires traditionnelles, des camions seront mis aux services des oeuvres humanitaires, et serviront au transport des populations. Les quakers des U.S.A. se mettront en relation avec les Quakers Anglais, afin de fournir des chauffeurs, et selon le témoignage de Ray Teeuwissen, l'un d'entre eux, était un nommé Cadburry, de la grande famille des chocolatiers anglais. Il était, parait-il, particulièrement sympathique. Pour les U.S.A, Mme Char-lotte Ketter, était une dame faisant partie de la Société des Amis, elle était reconnue comme très dévouée dans cette époque difficile. Il n'y eut pas à Dunkerque, de véritables antennes quakers telles qu'elles s'installèrent en France dès 1940, présentes avec la Cimade dans les camps d'internement, avec organisation de colonies de vacances, cantines scolaires, etc... mais les camions avaient permis le transport des enfants de la Cimade, vers les colonies de vacances des Alpes et d'Alsace. Les secours de première urgence étaient assurés. Le jumelage Dunkirk-Dunkerque Troisième volet, et non le moins important pour Dunkerque, l'aide américaine qui transitait par Dunkirk. Si je me réfère, dans un premier temps aux deux articles parus simultanément dans la Voix du Nord, par M. Blanckaert, spécialiste de la 2' guerre mondiale et de M. Goris, vice-président de la Société dunkerquoise d'histoire qui lui répondait, nous savons que les relations Dunkirk-Dunkerque, remontent à de longues années. M. Goris, fait en effet état d'un article paru en 1901 dans le Bulletin de l'Union Faulconnier qui mentionnait les liens qui unirent les deux villes dès le début du siècle. Il n'entre pas dans mon propos de relater l'historique de ces relations, qui, commencées dans l'urbanité continuèrent dans la charité (voir art. D.M. Blanckaert, in Voix du Nord du 22.12.96), mais je voudrais signaler que c'est de Dunkirk que fut envoyée la première marque de sympathie des U.S.A. vers Dunkerque, par une lettre envoyée par le premier magistrat de Dunkirk, Monsieur Franck Bartela, en 1942, au maire de Dunkerque. Peu de chose, mais elle contenait le germe des manifestations de l'aide efficace qui allait se mettre en place vers Dunkerque. Un autre article écrit par le Dr Dupont, paru dans la V o i x du Nord en 1993 raconte et décrit également cet élan de générosité en faisant mention de la présence de dunkerquois, Louis Carlier et sa nièce, invités officiels de la ville de Dunkirk. La population de Dunkirk était mobilisée, les dons arrivent en 1947, sans doute faisaient-ils partie de ce « train de l'amitié » qui contenait les cadeaux des citoyens américains. Un bateau baptisé Amitié traverse l'océan, il contient plus de 4 000 tonnes de cadeaux, 3 000 000 livres de farines, 385 000 livres d'aliments pour enfants, 355 000 livres de pâtes, 1 500 000 livres de lait en poudre, 312 000 livres de sucre et plus de 500 000 tonnes de produits divers, sans compter comme le signale l'article du Monde du 14/15 décembre le coeur des habitants du Kansas, de la Virginie, du Kentucky ou de la Floride. Ce train de l'amitié avait parcouru plus de 5 000 kilomètres pour recueillir tous ces dons. En mai 1998, un journal d'histoire américain, dans un article signé Louis Novack retrace l'historique des relations entre les deux villes, similitude de situations industrielle, géographique et élan donné par quatre hommes, afin de venir en aide à la population de Dunkerque, et ce par l'intermédiaire d'un journal local. « C'était dit-il, une demande pleine d'espérance en la bonté, la générosité des habitants de Dunkirk. On ne peut laisser une cité soeur jumelle sans aide... L'idée fit son chemin à la vitesse d'un incendie. Les hommes en parlaient au café et pendant les repas, les femmes en discutèrent avec leurs voisines en faisant les courses. Les élèves racontèrent dans leurs classes, les enfants français victimes des privations et qui manquent de tout... Les agences de presse envoyèrent cette histoire par delà les mers. Sans entrer dans le détail de l'organisation de la collecte, pour le thanksgiving day, une valeur de 75 000 dollars avait été collectée par tous ces amis d'au-delà des mers. Elle dépassait toutes les espérances. Mme Laurentine Bart dans un article paru dans la Voix du Nord de 1946 rend compte du nombre d'associations, de particuliers qui s'associèrent à cet élan de solidarité pour la ville soeur, la liste est impressionnante. Une véritable fête accompagna cette collecte, l'ambassadeur de France, Henri Bonnet et sa femme vinrent avec des personnalités canadiennes pour recevoir ces dons. Les acteurs français, Charles Boyer et la belle actrice Simone Simon étaient présents également. Ils animèrent la grande fête du soir. A Dunkerque, Monsieur Murray était déclaré citoyen d'honneur de la Ville. Une plaque de marbre immortalisa cette fantastique manifestation de générosité : « Pour la vie et la liberté, Dunkirk à Dunkerque. » Il est étonnant de s'apercevoir qu'au moment où nous rappelons cette page d'histoire, il se passe la même chose à Dunkirk, et ce sans aucune concertation : coïncidence ? non, le passé ne s'oublie pas. Le pasteur Teeuwissen, reçoit, le 26 mars 1946 une lettre de l'American Aid to France, qui lui annonce l'arrivée de caisses d'objets précieux, ils lui demandent de les aider à en assurer la répartition en acceptant de faire partie du comité de distribution, en compagnie de M. Roger Fairise pour la répartition en milieu scolaire. Ce comité se réunira pour examiner les besoins des personnes spécialisées dans les cinq domaines suivants : soins médicaux et dentaires, écoles et jeunesse, besoins matériels et vêtements, dockers, pêcheurs et gens de mer, agriculture et clergé. Mais, c'est en juin 1948 que Dunkirk, devint la plaque tournante avec la coordination des aides aux pays dévastés. La conférence qui structura ces journées était sponsorisée conjointement par Dunkirk Society et le groupe Democratie de la ville de N. Y, elle avait pour but d'établir un projet d'organisation permanente nationale d'aide à l'Europe, 75 délégués, représentant 40 villes et différentes organisations d'aide, adhérèrent au projet de structuration des aides aux villes dévastées d'Europe. Après un échange sur les expériences, vécues par les uns et les autres, Mlle Drago de Dunkirk, expliqua la grande leçon qu'elle tirait du mouvement d'Aide pour Dunkerque. Un tel programme doit être approuvé et suivi par l'ensemble de la communauté, chacun doit y prendre sa part pour être efficace. Le pasteur Ray Teeuwissen, travaillant à Dunkerque, présent à Dunkirk signale qu'il participe à la distribution des dons venant des U.S.A., pour Dunkerque. Il souligne que répartis sur des milliers de Dunkerquois, cela fait peu par personne, la répartition est difficile dit-il, mais tout ce qui est reçu leur va droit au coeur. La vision qu'ils ont de l'Amérique au travers de ses dons arrive à changer leurs convictions, il cite en exemple la remarque d'un jeune ouvrier communiste qu'il avait en charge, et qui lui confie que son regard sur l'Amérique avait changé « Ou Dunkerque redeviendra le 3e port de France, ou il sera appelé à disparaître », mais conclut-il, cette décision n'appartient pas aux Américains, elle est entre les mains des Dunkerquois, mais ce que nous faisons les réconforte. Ce témoin privilégié qu'était Ray Teeuwissen me déclarait que le plan Marshall, s'était en fait inspiré de l'Aide Dunkirk/Dunkerque démarrée dès 1945. Bien avant le plan Marshall, le C.A.R.E. s'installe lui aussi en France, aussi, rue de Grenelle à Paris. CARE : Coopérative for American Remittance for Europe, cette organisation était également présente à Dunkirk, mais il faut signaler que c'est la seule organisation désignée par le gouvernement qui soit à but non lucratif. CARE était formée de 2 4 organisations de bienfaisance qui désiraient aider au ravitaillement de l'Europe. LARE achetait au gouvernement des U.S.A. les rations de guerre qui ne servaient plus aux G.I. Elle les revendaient aux Américains désirant offrir des colis aux Français, se chargeait de l'expédition et de la remise des colis aux destinataires. Chaque colis LARE pesait environ 15 kg, et suffisait à la subsistance de 10 soldats pour une journée. Les colis de Noël contenaient une dinde en boîte, ils étaient très appréciés des dunkerquois privilégiés qui en bénéficiaient. Il suffisait de remplir une fiche, de l'adresser en franchise à LARE Paris, sans frais, LARE faisait parvenir la carte au destinataire. Le libellé de la carte était le suivant : Messieurs, je désirerais me mettre en rapport avec la personne ci-après, et l'informer que je serais heureuse de recevoir un colis : 10 en 1 de Care. Le système a très bien marché, les baraques Cimade, par l'intermédiaire des Fraternels Workers en reçurent en nombre, qu'ils redistribuèrent à la population. Les surplus américains Le logement de la population était un des problèmes n° 1 de l'Après - Guerre, les surplus américains, eux aussi indépendamment du plan Marshall, puisqu'ils lui sont bien antérieurs, fourniront à Dunkerque les U.K.100, dits chalets américains. La Voix du Nord, titre, le 22 décembre 1945 : « Les Chalets Américains » arrivent à Dunkerque, mais on ne pourra utiliser, ni la salle de bain, ni le chauffage au gaz, ni les.W.C. modernes, avant l'accomplissement de travaux difficiles c'est-à-dire l'installation des canalisations. Débarqués à Boulogne-sur-Mer les caisses contenant les chalets américains sont acheminées par voie ferrée, les caisses sont amenées sur le terrain pour le montage des logements. 5 caisses pour un chalet. 1250 chalets étaient attendus, ils devaient reposer sur une fondation carrée de 7,31 m sur 7,31 m. La maison est à double paroi, celle à l'extérieur est un genre d'isorel dur, à l'intérieur de l'isorel demi dur. Le plafond est en matériau isolant, l'étanchéité du toit est assuré par un carton américain sur goudron. La composition du chalet est la suivante : une salle commune, deux chambres, une cuisine, une salle de bain, avec W.C. Mais les installations devront être modifiées, prévues au gaz, elles devront s'accommoder du chauffage au bois et au charbon Baraque des glacis Montage d’un baraquement Malo-les-Bains, Saint-Pol, Dunkerque bénéficieront de ces constructions dites provisoires, la dernière a disparu il y a environ une dizaine d'années. Les habitants étaient très attachés à ce type de construction, qui leur avait apporté, bien avant les H.L.M., un confort qu'ils ignoraient pour la plupart. En 1946, il faut signaler que les cités des U.K.100 du Kursaal n'étaient pas raccordées au réseau de gaz et d'électricité... Aides américaines efficaces et sérieuses toutes antérieures au plan Marshall ce qui confirme l'affirmation du pasteur Teeuwissen. Elles se trouvèrent renforcées par la suite, mais n'eurent plus cet élan sentimental et spontané qui caractérisait ces secours. L'impact sur la population dunkerquoise et coudekerquoise se renforça par la présence sur le terrain de ces jeunes Fraternels Workers, et je peux affirmer que toutes une partie de la jeunesse s'en trouva marquée (mais, c'est le sujet d'un autre travail). Il ne faut pas oublier que l'aide des Eglises presbytériennes américaines se prolongea au-delà des années 1956. L'amitié qui unissait Dunkirk à Dunkerque ne fut pas sans influence sur les différentes formes que prirent ces aides. Il est dommage que malgré les relances effectuées par certaines personnalités, les liens se soient relachés au fil des ans, peut-être serait-il bon d'essayer de les renouer. Tout espoir n'est pas perdu. Autres parrainages internationaux Il nous faut signaler, deux autres initiatives, venant, elles aussi d'au-delà des mers... Plus près de nous : Le parrainage de Kirkcaldy, en Ecosse (A.M. 4.H.73) En Juin 1945, la Ville de Kirkcaldy en Ecosse, propose la création d'un comité d'amitié, à la ville de Dunkerque. Cette amicale est un des maillons de la chaîne d'amitié et de solidarité qui veut unir l'Ecosse à la France : « En jumelant les 12 plus grandes villes d'Ecosse avec 12 villes de France, l'objectif fixé est de forger des liens solides et durables, base de la paix.» L'Association France - Ecosse est l'intermédiaire de ce jumelage avec comme relais : l'Entraide Française, sous - délégation de Dunkerque, Place du Palais de justice à Dunkerque, en la personne de Mlle G. Paris, assistante sociale, ainsi que Monsieur le Commandant Bonny de l'Entr'aide Française à Londres, 54 Queen An Street. L'accord de la municipalité est donné le 19 septembre 1945, par le Président M. Robelet, maire de Dunkerque. Au programme de ce comité : -Organisation d'une délégation municipale, -Dons pour les sinistrés, -Séjour d'étudiants et d'étudiantes à Kirkcaldy, M. Josep Eichnoll étant responsable en ce domaine. -On note le 30 mars 1946, un arrivage de 69 sacs plus une malle de vêtements en provenance de Kirkcaldy, dans les baraquements Quai Saint-Martin. Il semble que la ville de Dunkerque, malgré son accord, ne soit pas très pressée d'entériner ce jumelage, elle reste apparemment insensible à ces gestes d'amitié, jusqu'à en oublier de remercier. A tel point qu'une lettre du Consulat de France, en date du 30 mars la rappelle à ses devoirs et déplore, que les offres de jumelage entre écoles soient si peu encouragées... « Il a fallu constater dit-elle, que ces efforts faits par un groupe d'écossais pour susciter l'amitié d'un groupe de Français n'aient pas reçu l'accueil que l'on espérait...Vous comprendrez combien il m'est particulièrement pénible, après les efforts que j'ai fait pour intéresser ces villes écossaises à ces villes françaises, d'avoir à faire face à des critiques de ce genre...» -Une autre lettre adressée le 16 septembre 1946, au maire de Dunkerque, par Monsieur Kraemer, consul est rédigée dans le même sens. « On s'y plaint (à Kirkcaldy) d'avoir à peine reçu une réponse et aucun encouragement aux offres d'hospitalité d'enfants dunkerquois... » Monsieur Prigent lui-même, signifie que « Monsieur le Ministre attacherait du prix à ce que la municipalité remercie Kirkcaldy ». La visite d'enfants de Dunkerque, en Ecosse, prévue le 5 août 1946, avait été annulée, le projet ne sera repris qu'en 1952, avec un échange d'élèves du Lycée Jean Bart sous la houlette de M. Eichnoll. Mystère des difficultés d'un parrainage... Parrainage de Saint Jean - Canada (A.M. 4.H.73) Terre plus éloignée, Saint Jean au Canada est une ville industrielle située sur la rive ouest de la rivière Richelieu, à 24 miles au sud-est du Canada. Le Capitaine Rousseuw Charles avait créé en Normandie, le groupe Jean Bart. Resté comme capitaine interprète avec la deuxième armée, il prend part à la prise du Havre, Breda, Arnhem, Nimègues. Commandant des F.F.I., il habite Bléré avec son père, il retourne à Dunkerque au décès de celui-ci. Pourquoi parler du Commandant Rousseuw ? Tout simplement parce que en revenant à Dunkerque, il est catastrophé en voyant l'état dans lequel la ville se trouve, il écrit alors, à Monsieur Mackensie King premier ministre du Canada, afin de faire adopter Dunkerque par une ville du Canada. Le choix se porte sur Saint Jean parce qu'à Saint Jean du Canada, habite un ancien Dunkerquois, Monsieur Albert Deboës (24, rue Saint Jacques). Une lettre du maire de Dunkerque à Monsieur Deboës avait fait état de la situation difficile de la ville : « les maisons sont en ruine, l'hiver dernier, des enfants sont morts de froid ». Le mécanisme se met alors en marche. L'animateur et le promoteur du parrainage sera : Monsieur Alcide Cotte, maire de Saint Jean, Monsieur Romeo Alexandre. Un héros de Dieppe, Monsieur Conrad Camaraire, président de la collecte de vêtements. La publicité est faite dans le News et « Le Canada Français, ainsi que dans le journal de Saint Jean. La population canadienne est comme les autres, charitable ; des dons importants sont faits : 33 manteaux d'hiver, 140 paires de chaussures, gilets, pantalons, blousons, vestons, chemises, robes, kimonos et... chapeaux. Les colis arrivent dans un parfait état et la distribution est immédiate. 31 caisses numérotées sont transportées par le S/S Mortain de la Compagnie générale transatlantique, ils sont consignés à l'Entraide Française et à la Croix Rouge. Aussitôt le conseil municipal réuni en session extraordinaire exprime ses remerciements à la cité de St Jean et à sa population pour la fraternelle solidarité qu'elle a montrée à l'égard de la Ville de Dunkerque. Il se fait l'interprète des milliers de sinistrés dunkerquois pour adresser aux généreux donateurs canadiens et à leurs édiles, l'hommage de leur infinie reconnaissance. Une prose ministérielle ne fut pas nécessaire pour stimuler les remerciements... J'ai signalé dans la première partie de ce travail, l'importance de l'aide suisse à Dunkerque. Elle se concrétisa suivant l'idée émise par Mme Michelli et M. Paul Verlay, par la création de la Pouponnière Suisse. Les P.D.R en la personne de M. Delaporte furent associés étroitement à cette installation. Beaucoup de Dunkerquois ont encore la vision des enfants promenés dans les jardins de la ville dans les petites charrettes de bois. Personnel qualifié suisse, directrices suisse, puis française en la personne de Mme Blomme. La pouponnière connut une grande activité, les besoins étaient évidents... Un petit scandale secoua la baraque suisse, lorsque l'on constata que certains membres du personnel avaient favorisé l'évasion de prisonniers allemands, il fut vite oublié devant le dévouement dans le service rendu jusqu'en 1952. Secours internationaux, ils ne furent pas toujours exempts d'une certaine idéologie, mais pouvait-il en être autrement? Ces aides instaurèrent pour la population sortant de la guerre, et surtout pour les jeunes une vision du monde plus élargie : le champ des découvertes était grand : U.S.A, Ecosse, Canada, et même pour les habitants de Capelle – la - Grande, Uruguay, autant de pays dont ils découvrirent les façons de parler, de vivre et qui les aidèrent à toucher du doigt une solidarité humaine qui ne fut pas un vain mot. Si nous risquons, en guise de conclusion à une analyse de cette deuxième période, nous pouvons constater que nous avons affaire à deux types d'organisation. Une organisation nationale par la mise en place des P.D.R. et bureaux sociaux, avec à leur tête des fonctionnaires dévoués et compétents, c'est donc une intervention normative de l'état dans son devoir de secours aux populations sinistrées et déportées ; et d'autre part des organisations non gouvernementale dont la caractéristique se trouve dans la composition de ses équipes de jeunes, bénévoles, très souvent à dominante internationale. L'efficacité, l'engagement fut égal de part et d'autre. Ce qui les différencie, c'est la durée. Les bureaux sociaux fermèrent leurs portes en 1949, leur travail était achevé. Jumelage Dunkirk/Dunkerque, Cimade, Kirkaldy, parrainage ville de Paris restèrent à l'oeuvre. La pénurie n'était pas terminée, les besoins encore nombreux... Il me faut citer dans cette durée, une institution que j'ai peu citée, mais dont le travail ne s'arrêtera jamais, je veux parler de la Croix Rouge Française. Présente sur le terrain dès le début des hostilités, elle y resta jusqu'à la fin et... elle est toujours là. Symbole inamovible de l'aide humanitaire, elle fait tellement partie de son paysage que l'on aurait tendance à l'oublier. Je pense que chaque citoyen français lui doit reconnaissance, parce qu'un jour ou l'autre à Dunkerque, comme ailleurs, il a eu recours à ses services. Les aides à Dunkerque, ville martyre furent nombreuses, de tous genres ; je voudrais dire encore une fois, au nom de la jeunesse meurtrie par la guerre dont j'étais, merci à tous ceux, connus ou anonymes qui ont apporté un espoir d'humanité dans ces périodes difficiles... Odette Bonte