Qu`est ce qu`une image ? Les images mentales

Transcription

Qu`est ce qu`une image ? Les images mentales
• Les images mentales
• Les images perceptives
• Caractéristiques des différents types d'images
• L'activité imageante
• Image et langage
• La question de l'analogie
• Représenté et représentation
• Analogons (diaporama)
• Retouche de l'image
• L'image entre art, langage et communication
Qu'est ce qu'une image ?
Voilà une interrogation qui peut sembler saugrenue, tant elle semble évidente, mais qui en fait
recouvre des domaines différents, dont il nous semble utile de comprendre ce qu'ils ont en commun et
ce qui les différencie. On distinguera pour cela deux grandes familles d'images :
La première concerne les images mentales (ou images psychiques), la seconde se rapporte aux
images perceptives, qui contrairement aux premières sont produites par une vision "réelle".
Chacune de ces familles pouvant être à son tour décomposée en deux parties.
Les images mentales
Par images mentales (ou images psychiques) il faut entendre les représentations cérébrales
mémorisées ou imaginées qui sont construites en dehors de tout stimulation visuelle directe. Si cette
imagerie mentale n'est pas le résultat direct de la perception elle se fonde en revanche sur toute notre
activité visuelle passée et se combine avec notre propre faculté d’imagination pour produire des
images mentales nouvelles. Par image mentale il faut alors entendre tout aussi bien les représentations
des objets, que celle des idées, des concepts, etc.
Dans le champ de la recherche le retour de l’image mentale est dû pour l’essentiel au développement
de la neurologie à partir des années 50 et s’est amplifié à partir des années 60 sous l’impulsion des
cognitivistes (Piaget et Inhelder, Bruner, Paivo...).
La double nature des images mentales :
• Les images mentales conscientes :
Images de mémoire, image d’imagination... ce sont des images que nous convoquons consciemment à
notre “regard intérieur”. Images souvenir d’une vision passée déconstruites et reconfigurées selon les
attentes et les désirs du moment.
C’est toute notre culture générale et visuelle qui se retrouve d’une certaine façon dans cette activité
psychique complexe. Le regard artistique n’est donc pas, là encore, une forme de sensibilité innée que
les individus posséderaient ou non dans leurs bagages héréditaires. Le regard artistique s’alimente des
milliers de regards portés sur d’autres objets dont les autres objets artistiques qui eux-mêmes
résultent d'un cheminement complexe des images mentales dans la pensée de leurs créateurs.
• Les images mentales inconscientes :
Rêves, fantasmes, hallucinations, délires... ce sont des images mentales dont nous ne contrôlons pas
directement la venue ou la disparition, mais qui, elles aussi, trouvent leurs origines dans tout ce que
notre activité cérébrale a emmagasiné comme imagerie perceptive et reconstruite, consciente ou
inconsciente.
Les images perceptives
Par image perceptive il faut entendre, par opposition aux images mentales, les images qui sont
produites sous l’action directe de stimuli visuels. On distinguera alors dans cette famille d’images deux
autres catégories : les images correspondantes à la vision naturelle et les reproductions (images
reproduites par le biais d'un support intermédiaire).
• La vision naturelle
C’est la source première de toute notre activité imageante. Les mécanisme de la vision sont complexes
et font intervenir différentes zones de notre cerveau. La vision n’est pas un phénomène inné, ni
préétabli par notre héritage génétique. C’est le résultat d’une autoconstruction neuronale commencée
avec notre premier regard de bébé et qui continue sans cesse de se transformer avec notre activité
visuelle quotidienne.
• Les images matérielles (ou représentations)
Lorsqu'on parle en général d’images c’est la plupart du temps à cette dernière catégorie que l’on fait
référence. Depuis le dessin rupestre de nos lointains ancêtres, jusqu’aux images numériques
d’aujourd’hui en passant par la peinture, la photographie, le cinéma, la télévision, l’histoire de la
représentation par l'image est déjà longue et ses usages multiples. Nous ne traiterons évidemment pas
ici de tous ces aspects, mais nous allons situer les fonctionnalités de l’image selon la chronologie
d’apparition des techniques de reproduction.
Caractéristiques des différents types d'images
R
e
Images mentales
(conscientes - inconscientes)
Vision naturelle
Image unique + Vision unique
Peinture - Dessin
Image unique (non reproductible) + Vision multiple
Affiche
Reproductibilité + Vision multiple
p
r
é
s
e
n
t
a
t
i
o
n
s
Photographie
Cinéma
Reproductibilité + Vision multiple + Mouvement
Vidéo
Reproductibilit&é + Vision multiple + Mouvement
Télévision
+ Transmission instantanée
Image numérique
Reproductibilité + Vision multiple + Mouvement
Internet
+ Transmission instantanée + Interactivité
Chaque nouvelle technique de reproduction, n'invalide pas les précédentes. La télévision n'a pas
remplacé le cinéma, pas plus que internet ne remplace la vision naturelle. Cette évolution s'apparente
plutôt à des strates géologiques où chacune d'entre elle contribue, selon les circonstances, à construire
un paysage.
L'activité imageante
Les opérations psychiques propres aux images mentales mettent en jeu les mêmes structures
neuronales que celles utilisées dans la perception visuelle directe et inversement toute activité
perceptive mobilise toute l’imagerie mentale stockée dans notre mémoire à long terme.
On estime par exemple, que 80 % de tout ce qu'une
cellule du corps genouillé latéral (CGL) voit passer vient du
dense réseau qui la relie aux autres régions du cerveau
plutôt que de la rétine. (Varela Francisco - 1989)
Les différents types d'images ne fonctionnent donc pas
isolément
selon
leurs
caractéristiques
mais
bien
au
contraire ils sont en interférence constante les uns avec les
autres.
Si on limite la question de l’image aux seules images reproduites matériellement sur un support, on
oublie ainsi que notre activité imageante c’est tout autant les images perçues par la vision directe,
mais également les multiples images mentales conscientes et inconscientes qui se produisent en
dehors de tout stimulus.
Quatre domaines qui se croisent en permanence et qui sont structurés par l’histoire des regards, à la
fois dans leur dimension collective (histoire de la représentation, de l'art... ) et individuelle
(expérience singulière, parcours personnel de notre regard, pulsions scopiques...)
Image et langage
Lecture de l'image
L'utilisation de l'expression "lecture de l'image" est chargée de malentendus. Si par "lecture" on entend
l'opération qui consiste à s'approprier le contenu d'un objet présenté à notre entendement, alors il
existe effectivement des similarités cognitives entre les différentes formes de lecture. En revanche, si
par "lecture" on entend que l'image pourrait se lire comme un texte alors l'ambiguïté est totale. La
lecture d'un texte suppose en effet l'existence d'une langue constituée d'un ensemble de signes
arbitraires et de règles de construction partagés par une même communauté linguistique.
Le second aspect de cette différence de "lecture" est que dans le cas de l'écrit, le parcours de lecture
est porté par le texte lui-même puisque le cheminement est guidé par la syntaxe proposée par l'auteur,
même si chaque lecteur conserve toujours la possibilité de "sauter" des mots, des phrases ou des
chapitres, tandis que le cheminement de la lecture d'une image est pour l'essentiel produit par le sujet
"regardant". Il en va bien sûr tout autrement avec une suite d'image en séquence, qui implique un
autre type de langage, que le langage de l'image (on parlera de langage du cinéma).
Ce qui nous semble le plus dommageable dans l'utilisation du mot "lecture" est que ce terme sousentend que seules les analyses de type linguistique seraient en mesure d'être appliquées à l'image. Ce
qui a fait dire à certains que "l'impérialisme linguistique" non seulement a contribué au rejet de la
confrontation entre langue et communication visuelle mais qu'il a également privé la théorie de l'image
d'autres savoirs comme l'optique, la physiologie de la vision, la psychologie de la perception (Edeline
Francis et al -1992).
“Lecture de l'image“ et perception visuelle
Ce que l'on appelle "lecture de l'image" c'est le cheminement conscient, intentionnel du regard sur
l'image. Si la perception est globale et quasi instantanée, le regard est l'acte volontaire par lequel on
cherche à extraire du sens de l'information visuelle perçue. Le regard est une phase de construction
postérieure à la perception qui suppose et nécessite du temps.
Mais on ne peut chercher du sens sur l'absence. Si ce n'était pas le cas, il faudrait supposer que notre
regard "balaye" l'image comme le fait le faisceau électronique d'un tube cathodique. Or si notre regard
se porte sur tel ou tel élément particulier d'une image, c'est bien parce que nous avons déjà une
connaissance globale de l'image et que les recentrements du regard concernent l'affinement, la
confirmation, la poursuite consciente de la perception première.
Les études sur les
mouvements oculaires et le
cheminement du regard
devant une photographie,
nous montrent que le sujet
“accroche“ son regard sur
certains points qui lui
paraissent particulièrement
importants (visage, yeux, couleurs,..) sautant ainsi d'un détail à un autre.
S'il n'y avait pas, au préalable, une première connaissance de ces points, il n'y aurait, pour le sujet
regardant, aucune possibilité de hiérarchiser et d'organiser ce cheminement. C'est bien parce qu'il y a
antériorité d'une perception globale que le travail d'approfondissement peut se poursuivre.
Les approches qui assimilent la "lecture de l'image" à celle d'un texte écrit, nous apparaissent donc
incomplètes dans la mesure ou elles ne considèrent le phénomène de l'image qu'au-delà de sa
perception, sautant ainsi l'étape première, celle qui conduit au regard, et que par ailleurs, elles
s'attachent à rechercher le sens uniquement dans la temporalité de ce regard, alors qu'il nous semble
au contraire que l'essentiel de l'information visuelle est déjà contenu dans la perception. Ce qui ne
signifie nullement qu'il n'existe pas dans l'image des parcours de lecture aménagés par son auteur
dans cette intention.
(voir chapitre sur la sémiologie)
La question de l'analogie
L'analogie est la ressemblance plus ou moins grande que l'image manifeste avec les choses qu'elle
représente.
L’analogie est ce qui fonde le caractère iconique de l’image. Mais c'est aussi sur ce point que repose
toute l'ambiguité du rapport que l'image entretient avec le réel.
L'analogie est un concept flou qui a toujours suscité
beaucoup de méfiance, et qui a valu à l'image son
éviction du champ universitaire jusqu'aux années 60.
Cette méfiance repose sur le fait que l'on peut
toujours trouver une ressemblance, même infime,
entre deux choses et par là même invalider toute
utilité de la comparaison.
L'expérience nous montre pourtant que cette relation
de comparaison peut se révéler être, dans certaines
conditions, infiniment supérieure à un processus
analytique ou discursif. Certes on peut toujours
trouver
un
élément
d'analogie
entre
presque
n’importe quoi, mais dans les faits on ne cherche
jamais
à
établir
une
ressemblance
si
l'on
ne
présuppose pas qu'un tel rapprochement puisse nous
être utile.
Prenons l'exemple de la reconnaissance de visages.
Qu'est-ce qui fait que l'on puisse reconnaître une
personne que l'on pas revue depuis fort longtemps ?
Ce
sont
d'infimes
traits
de
visage,
à
peine
perceptibles, que l'on reconnaît immédiatement (un
regard prolongé et attentif peut même atténuer
l'impression première de la perception). Si l'on
utilisait un langage descriptif, (en faisant bien sûr
abstraction de toute référence analogique) les mots
ne suffiraient pas pour établir ces distinctions.
"L'analogie apparaît ainsi comme un trait
distinctif des images, par quoi elles se
distinguent radicalement des autres sortes
d'objets signifiants et, en particulier, des
symboles verbaux. Qu'elle soit peinte,
dessinée, photographiée ou générée par
ordinateur, l'image d'un chat ressemble à la
vision construite qu'on a de cet animal,
alors que le mot "chat" ne lui ressemble
pas. On exprime parfois cette différence en
disant que les signes linguistiques sont
arbitraires tandis que les signes iconiques
sont motivés. Notons également que le mot
"analogie" est souvent employé comme
synonyme d'"iconicité".
Lorsqu'on parle d'analogie, c'est presque
toujours à la seule analogie visuelle qu'on
se réfère. Or, les images peuvent être aussi
sonores. L'analogie concerne en fait
l'ensemble des icones : l'enregistrement
d'un bruit, d'une musique ou d'une voix est
aussi analogique de ce bruit, de cette
musique ou de cette voix qu'une
photographie peut l'être de l'objet qu'elle
représente. Outre l'iconicité visuelle, il faut
donc admettre une iconicité sonore. "
GARDIES (André), BESSALEL (Jean), 200
mots-clés de la théorie du cinéma, Paris,
1992
Il importe donc peu que la ressemblance soit ténue, ce qui compte c'est qu'elle soit pertinente,
efficace, c'est à dire qu'elle nous permette soit d'imaginer, d'inférer de nouvelles représentations soit
de passer à l'action, de décider.
Ch S . Peirce dans sa sémiotique distingue trois types de signes :
Les signes indiciels : sont des traces sensibles d’un phénomène, une expression directe de la chose
manifestée. L’indice est lié (prélevé) sur la chose elle-même (la fumée pour le feu).
Les signes iconiques : sont des représentations analogiques détachées des objets ou phénomènes
représentés. (l’image en particulier)
Les signes symboliques : rompent toute ressemblance et toute contiguïté avec la chose exprimée.
Ils concernent tous les signes arbitraires (la langue, le calcul..)
Représenté et représentation
L'image est toujours une représentation qui se distingue des choses qu'elle représente, le
représenté (ou le référent).
Le fonctionnement analogique de l'image ("je suis en
mesure
de
reconnaître
moi-même
le
référent")
a
beaucoup joué sur la confusion entre le représenté et
représentation. L'utilisation des "appareils de prise de
vue" que sont la photographie et le cinéma, a fortement
contribué à construire cette confusion.
En fait ce n'est pas tant l'analogie en elle-même qui est
le facteur de cette confusion mais plutôt la nonintervention (supposée) du "preneur de vue" rendue
possible par l'automaticité de l'appareil. On peut alors
parler de lien "'indiciel" qui relie l'image à son référent.
(la trace, le "ça a été" de R.Barthes - voir chapitre sur la
... et ceci n'est pas un tableau de Magritte !
sémiologie)
Il faut donc casser la croyance en une vérité apportée ou révélée par l’image (la preuve par l'image).
L’image comme le mot n’a pas de vérité en soi. Elle ne prouve rien. C’est le contexte, le support, son
usage... qui en font un témoignage sur le réel. De même que ce n’est pas le mot ou la phrase qui
peuvent mentir mais celui qui les professe.
Analogons
Au delà de ce premier degré d’analogie que nous percevons spontanément, l’image peut, à un degré
second, ressembler à d’autres représentations antérieures. L’analogie ne porte plus alors seulement
entre une chose et sa représentation, mais également entre les représentations elles-mêmes. L'image
ressemble à une autre image.
Ces analogons peuvent être saillants ou ténus, délibérément construits (citations visuelles, parodies,
détournements...), ou être le résultat plus ou moins conscient de notre culture visuelle (modes,
clichés...). Parmi ceux-ci, certaines représentations traversent l’histoire et constituent ce que Frédéric
Lambert a appelé des “mythographies”.
Le diaporama ci-après montre quelques exemples de ces figures qui, ayant profondément marqué
notre culture visuelle, ont servi l'imaginaire pour d'autres représentations. (Cliquer sur les petites
flèches pour naviguer ou sur l'image pour avancer. )
(Cliquer sur les images pour avancer, ou sur les flèches de navigation à gauche)
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Retouche de l'image
Par le passé les interventions sur les images photographiques ou cinématographiques étaient toujours
possibles, mais difficile et donc réservées à des spécialistes. Aujourd'hui la numérisation de l'image
rend infiniment plus facile les interventions sur son contenu. Peut-on alors parler de manipulation ?
Parler de manipulation supposerait que l'image, par son caractère analogique, serait une preuve que ce
qui est montré existe et que toute intervention sur l'image serait une falsification d'une vérité
immanente à la représentation. Ce serait oublier la distinction que nous faisons entre ce que nous
voyons dans l'image et la chose réelle représentée qui préexiste à sa représentation.
Paradoxalement même, cette distinction entre représenté et représentation se trouve renforcée par la
multiplication des possibilités d'intervention sur les images.
Si l'image numérique transformée garde son caractère analogique, ce qui disparaît en revanche, c'est
sa dimension indicielle, le lien qui la reliait à la chose représentée, nous situant ainsi dans un registre
semblable à celui de l'écrit (c'est-à-dire face à des signes symboliques de nature arbitraire). Qu'est-ce
qui me prouve que le texte de tel article de tel journal dit "vrai" ? Ce n'est pas le texte lui-même mais
le contexte, c'est-à-dire la signature de l'auteur, l'existence et la place de ce journal en tant qu'objet
social institué, la notoriété plus ou moins grande qu'il s'est construite, etc.
Avec
les
nouvelles
possibilités
de
transformation de l'image par des outils
numériques,
l'analogie
tout
n'est
devient
donc
plus
possible
la
et
(fausse)
"preuve" qu'elle était de l'existence du réel.
La notion de vérité est alors de même
nature
que
pour
n'importe
quel
texte
proposé ici ou là.
On pourra dès lors, tout autant que pour
l'écrit, parler de manipulation lorsqu'il y a
une
volonté
délibérée
de
tromper
le
lecteur/spectateur. Mais ce n'est plus alors
une question d'analogie, mais d'éthique.
Ci-contre
“Les
fesses
de
Simone
de
Beauvoir“. Dé;tail de la photo originale
réalisée en 1952 par Art Shay (à gauche) et
qui a été retouchée pour la une du Nouvel
observateur du 3 janvier 08 (à droite).
Voir l'analyse faite par André Gunthert
sur le site du LIVHIC.
Court reportage de Arte-vidéo sur la question de la retouche (décembre 2009),
faisant suite au projet de loi voulant imposer la mention "photo retouchée" sur toutes les photos
représentants des corps et des visages retravaillés numériquement
Les points de vue d'un retoucheur et d'un historien de l'image : André Gunthert - durée 4mn 40''
Oublier Photoshop ?
Le World Press Photo fait avancer
le débat
Un article d'André Gunthert qui fait
suite
au
débat
provoqué
par
l'attribution du World Press Photo à
Paul Hansen en février 2013
A lire ici sur le site de Culture Visuelle
Ainsi que cet article "La retouche et le
photojournalisme imaginaire“, de mars
2015, à propos de la disqualification de
20% des photographes par le dernier
jury du World Press Photo,
sur le site : Image sociale
L'image entre art, langage et communication
Il est difficile d'aborder l'image "en général" tant les conditions techniques de production et d'usage
sont différentes. Et en même temps, l'image renvoie toujours à d'autres images provenant d'autre
sources, d'autres temps, d'autres cultures, d'autres techniques de représentation. La construction de
notre regard est le résultat complexe de l'empilement au cours de l'histoire des formes issues des
techniques variées de représentation.
De l'image rupestre de la préhistoire à l'image numérique d'aujourd'hui, ce sont un peu comme des
strates géologiques qui viennent construire notre paysage visuel. Selon les lieux, selon les
circonstances, c'est telle particularité qui prédomine ici, telle autre ailleurs, sans perdre de vue
toutefois que d'autres strates, moins apparentes peut-être, structurent à leurs façons notre champ
visuel.
L'image est un objet transdisciplinaire dont l'étude peut être abordée de multiples façons. Cette
diversité d'approches est à la fois une richesse et en même temps source de malentendus et de
réductionnisme. Trois grands secteurs peuvent néanmoins être évoqués lorsqu'on cherche à produire
un savoir sur l'image :
• c'est le domaine de l'esthétique si l'on considèe l'image comme un art visuel ;
• c'est la sémiologie, la sémio-pragmatique,.. si l'on considère l'image comme un langage ;
• ce sont les sciences de la communication et en particulier le fonctionnalisme et ses variantes si
l'on considère l'image comme un objet de communication.
D'autres secteurs scientifiques peuvent, à un niveau second ou transversal être envisagés, ce sont
l'histoire, la sociologie, l'économie, la psychanalyse, etc.
Pour notre part, nous nous situons dans une "multiréférentialisation" de l'image. Nous postulons en
effet que dans chaque image, il y a, à la fois, une dimension esthétique, une dimension langagière et
une dimension communicationnelle, qui peuvent elles-même être croisées par d'autres savoirs selon la
situation, le contenu, l'histoire particulière d'une image... chacune de ces dimensions pouvant être plus
ou moins saillante, et tel ou tel champ théorique plus ou moins pertinent, à un moment donné, pour
comprendre ou s'approprier une image.
La dérive principale que nous avons pu observer, et pas seulement en milieu éducatif, c'est de voir la
réflexion sur l'image réduite à un seul aspect théorique, bien souvent en vogue à un moment donné, et
délibérément fermée à d'autres considérations, d'autres savoirs, d'autres théories. Le pire étant
lorsque cette univocité se double d'un réductionnisme simplificateur. C'est, par exemple, l'image
enseignée comme un "message entre un émetteur et un récepteur" ou le plan filmique considéré
comme un mot dans une séquence qui serait la phrase, ou encore l'empirisme de la composition qui
voudrait qu'une image soit belle si elle satisfait à la "règle des 2/3".
A propos de ce texte...
Cette page est extraite du site : http://surlimage.info. Textes originaux de Jean Paul Achard.
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