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L’Encéphale (2011) 37, 332—338 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP MISE AU POINT Prises en charge, besoins et attentes de patients souffrant de troubles bipolaires I (Étude ECHO — France) Management, needs and expectations of patients suffering from bipolar I disorders (The ECHO study — France) S. Guillaume a,b,c,∗, P. Courtet a,b,c, J.-P. Chabannes d, J.-A. Meynard e, V. Moreau-Mallet f a Inserm, U1061, 34093 Montpellier, France Université Montpellier-I, 34000 Montpellier, France c Pôle urgence, département d’urgences et post-urgences psychiatriques, hôpital Lapeyronie, CHU de Montpellier, 371, avenue du Doyen-G.-Giraud, 34295 Montpellier cedex 5, France d CHS de Saint-Egrève, 38521 Saint-Egrève, France e CHS M.-Lacroix, 17022 La-Rochelle, France f Bristol-Myers-Squibb, 92500 Rueil-Malmaison, France b Reçu le 7 juillet 2011 ; accepté le 23 juillet 2011 Disponible sur Internet le 23 septembre 2011 MOTS CLÉS Troubles bipolaires I ; Perception des patients ; Qualité de vie ; Traitement ∗ Résumé Les études évaluant le ressenti et le vécu des troubles par les patients sont utiles pour élaborer des prises en charge plus efficaces. Cette enquête est la première en France interrogeant des patients souffrant d’un trouble bipolaire I. Trois cents patients euthymiques ont été interrogés à l’aide d’une évaluation semi-standardisée au travers d’entretiens téléphoniques. L’objectif était d’avoir un reflet du vécu et des attentes que ces patients ont de leurs troubles et de leurs prises en charge. Le délai moyen entre la première consultation et le diagnostic est d’environ cinq ans. Dans 92 % des cas, le psychiatre est l’intervenant de santé qui a posé le diagnostic alors que 74 % des patients étaient également suivis par un médecin généraliste. Au moment de l’entretien, 97 % de ces patients étaient suivis par un ou plusieurs professionnels de santé, 93 % déclaraient prendre un traitement mais seul 34 % ont mentionné prendre un stabilisateur de l’humeur. Quatre-vingt-quatre pour cent des patients ont déjà ressenti des effets secondaires liés à leur traitement actuel. L’acceptation de la maladie est difficile et 56 % des patients seulement se sentent bipolaires. Même en phase d’euthymie, 44 % des patients ont des difficultés dans leurs tâches quotidiennes. Trois quarts des patients déclarent avoir été Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Guillaume). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2011. doi:10.1016/j.encep.2011.07.006 Prises en charge, besoins et attentes de patients souffrant de troubles bipolaires 333 l’objet d’attitudes de rejet ou de discrimination directement liées à leur maladie. Les patients demandent encore plus de dialogue avec les professionnels de santé et un traitement plus personnalisé, mieux expliqué et tenant compte des effets secondaires. Ils souhaitent également plus d’accompagnement et de conseils les aidant eux et leurs proches à vivre avec la maladie. Ces données éclairent sur les insuffisances en termes diagnostic et thérapeutique. Elles aident également à mieux appréhender le vécu et les attentes de nos patients. © L’Encéphale, Paris, 2011. KEYWORDS Bipolar disorders I; Patient perception; Quality of life; Treatment; Survey Summary Aim. — The ECHO study is the first French study directly asking patients with bipolar I disorders on the history and experiences of their disease, their perceptions of care, their sociofamilial relationships, and their expectations regarding what should be done by healthcare professionals and their environment. Method. — Three hundred euthymic patients suffering from bipolar disorder I were interviewed using a semi-standardized evaluation through telephone interviews. These patients were selected according to the quota method of nationally representative INSEE 99 to be representative of the French population. Results. — Ninety-nine percent of patients consulted at least once for psychological signs before the correct diagnosis was established. The average age at the time of diagnosis was of 30.1 years (±11.3). The average time between first consultation for psychological symptoms and diagnosis is about 5 years. In 92% of cases, the psychiatrist is the health professional that made the diagnosis; 74% of patients were also followed by a general practitioner. One hundred percent of participants had been hospitalized for manic episodes (criterion for inclusion in the study) and 86% were also hospitalized for depressive symptoms. The experience of hospitalization is positive (feeling of security for 84% of the sample, feelings of being helped for 81% of the sample), although these experiences are also associated with the perception of confinement (52% of the sample). At the time of the interview, 97% of these patients were followed by one or more health professionals. Only 34% of these patients were taking a mood stabilizer (lithium, anticonvulsant or atypical antipsychotic with indications in France for bipolar disorder), while 44% were taking an antidepressant and 38% were taking anxiolytics; 84% of patients had experienced side effects related to their current treatment. Acceptance of the disease is difficult and only 56% of patients personally feel they suffer from bipolar disorders. Patients believe that their mental health problems have a significant impact on their lives, including impact on their self-esteem and happiness. Relationships with family, friends but also sexual relations are affected. Even in the euthymic phase, 44% of patients have difficulties in their daily tasks. Three quarters of patients said they had already experienced rejection or discrimination related to their disease. Finally, patients gave a score of 6.4 out of 10 to assess the impact of the disorder on their quality of life. Patients request more dialogue with health professionals and a more personalized treatment, taking into account side effects. They also want more information on the treatment. They would also like to be supported, together with their families, and advised on how to cope with the disease. © L’Encéphale, Paris, 2011. Introduction Environ 1 % de la population souffre de troubles bipolaires de type I. Ce trouble est à l’origine d’une surmortalité 2,3 fois supérieure à la population générale et d’une surmorbidité somatique importante [11]. Le trouble bipolaire est d’ailleurs selon l’OMS une des six premières causes de handicap dans le monde chez les personnes entre 15 et 44 ans [7]. Ce trouble a un retentissement sur la vie professionnelle, sociale et familiale des sujets atteints et ce, même en phase d’euthymie [3]. La prise en charge de ce handicap est donc un enjeu majeur. Le ressenti et l’opinion des patients et de leurs proches sont capitaux pour mieux cerner ces handicaps. En pratique quotidienne, alors que ceux-ci souhaitent être de plus en plus impliqués dans le choix des traitements et des prises en charge [6], leur ressenti est souvent mal pris en compte par les soignants [4]. Ces dernières années se sont développées des études portant sur le ressenti et le vécu des troubles de l’humeur par les patients eux-mêmes. Les plus célèbres sont l’étude National Depressive and Manic Depressive Association Survey (NDMDA) [14,15] aux États-Unis et l’étude GAMIAN en Europe [18,19]. Ces études ont permis d’améliorer très sensiblement nos connaissances sur les croyances et les besoins de nos patients vis-à-vis du trouble bipolaire. En dépit de l’intérêt de ce type de recherche pour améliorer la prise en charge du trouble bipolaire [6], aucune étude portant spécifiquement sur le trouble bipolaire n’a été réalisée en population française [8]. L’étude Perception du vécu chez des patients bipolaires (ECHO) a été développée afin de donner la parole à un groupe de patients souffrant d’un trouble bipolaire représentatif de la population française. Cette étude interroge ces personnes sur l’histoire et le vécu de leurs troubles, leur 334 S. Guillaume et al. perception de la prise en charge, leurs relations sociofamiliales, leurs attentes vis-à-vis des professionnels de santé et de leur environnement social. L’objectif était d’avoir une image représentative de la prise en charge et du ressenti de patients souffrant de troubles bipolaires I en France afin de mettre en évidence les besoins des patients et la qualité de leur prise en charge. Méthode L’étude ECHO a été dirigée par un comité scientifique de psychiatres1 avec le soutien des laboratoires Bristol-Myers Squibb et Otsuka Pharmaceutical France. Elle a été réalisée par la société IPSOS Health en deux étapes. La première phase qualitative a consisté en des entretiens semi-structurés d’une heure auprès de 12 patients bipolaires I. Cette première étape a permis l’élaboration d’un guide d’entretien permettant une évaluation relativement exhaustive du vécu de la maladie par les patients. Ce guide d’entretien a été utilisé au cours de la phase 2. Durant la seconde phase, 300 patients souffrant d’un trouble bipolaire I ont été interrogés à l’aide du questionnaire élaboré en phase 1 entre décembre 2008 et février 2009, à leur domicile au travers d’entretiens téléphoniques. Ces entretiens ont été effectués par des interviewers préalablement formés à la passation du questionnaire. Les sujets ont été sélectionnés via des psychiatres, de réseaux associatifs et des médecins généralistes. Le diagnostic a été confirmé par un Mood Disorders Questionnaire (MDQ) positif [21]. Ces patients ont été sélectionnés selon la méthode des quotas de représentativité nationale INSEE 99 pour être représentatifs de la population française. Le guide d’entretien utilisé dans la phase 2 (disponible sur requête) comprend 32 questions portant sur l’évolution et l’histoire du trouble, les répercussions du trouble dans la vie quotidienne, la conscience et le vécu du trouble et les attentes des patients. L’interviewer lisait la question et pouvait la reformuler ou donner des précisions si besoin. Les réponses des patients aboutissaient à la cotation par l’interviewer d’une variable quantitative comme une durée, une intensité sur une échelle bornée de 0 à 10 ou la sélection d’une réponse parmi un certain nombre d’items proposés. Trois exemples de question sont retranscrits en Annexe 1. La durée moyenne de passation était d’environ 30 à 40 minutes. Une analyse statistique descriptive a été réalisée. Les variables quantitatives ont été analysées par la moyenne et l’écart-type, les variables qualitatives par le nombre et le pourcentage. Résultats Caractéristiques de l’échantillon et histoire du trouble Sur 300 patients inclus : 67 % sont des femmes, l’âge moyen à l’inclusion était de 40,6 ans (±11,2 ans), 50 % vivent 1 Comité scientifique : Dr J.-A. Meynard. Pr P. Courtet, Dr J.-P. Chabannes, maritalement, 63 % mentionnent des antécédents familiaux de premier ou deuxième degrés de troubles psychiatriques. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des patients ont consulté au moins une fois pour des signes psychologiques en amont du diagnostic. Comme le montre la Fig. 1, les principaux motifs de consultation étaient des symptômes dépressifs (71 %), des troubles du sommeil (63 %) et/ou une asthénie (62 %). L’âge moyen de ces premières consultations était de 25 ans (±11,1) et 38 % des patients ont consulté avant l’âge de 18 ans. L’âge moyen au moment de la pose du diagnostic de trouble bipolaire était de 30,1 ans (±11,3). L’âge moyen lors de la première hospitalisation était de 30,3 ans (±11,6). Le délai moyen entre la première consultation et le diagnostic est donc d’environ cinq ans. Dans l’immense majorité des cas (92 %), le psychiatre est l’intervenant de santé qui a posé le diagnostic alors que 74 % des patients étaient également suivis par un médecin généraliste. Dans 47 % des cas, ce diagnostic avait été posé à l’occasion de la première hospitalisation. Modalités de la prise en charge thérapeutique Le motif de la première hospitalisation rapporté par le sujet est généralement un épisode dépressif majeur (41 % des cas), un accès maniaque (38 % des cas) ou une tentative de suicide (18 % des cas). Depuis le début du trouble, si 100 % des participants ont été hospitalisés pour accès maniaque, 86 % ont également été hospitalisés pour une symptomatologie dépressive. Concernant le mode d’hospitalisation, 57 % des patients ont demandé au moins une fois à être hospitalisés (dans 65 % des cas lors d’une phase dépressive), 36 % ont déjà été hospitalisés sous le mode d’hospitalisation à la demande d’un tiers et 8 % ont déjà été hospitalisés sur le mode de l’hospitalisation d’office. Dans 78 % des cas, la demande d’hospitalisation sous contrainte a été faite à l’occasion d’un accès maniaque ou mixte. Comme le montre la Fig. 2, le ressenti général des patients vis-à-vis de l’hospitalisation est ambivalent. Pour un grand nombre d’entre eux, le vécu apparaît positif (sentiment de sécurité 84 %, d’être aidé 81 %), même si ces expériences sont aussi associées à la perception d’un enfermement (52 %) ou encore de rejet par le monde extérieur (21 %). Enfin, 42 % restituent une indifférence vis-à-vis de la situation qu’ils vivent. Au moment de l’entretien, 97 % de ces patients étaient suivis par un ou plusieurs professionnels de santé : psychiatre (73 %), médecin généraliste (55 %) et psychothérapeute ou psychologue (14 %). Le psychiatre exerçait en milieu libéral dans 54 % des cas. Quatre-vingt-treize pour cent des patients déclarent prendre un traitement. Dans 44 % des cas le traitement est une monothérapie, dans 24 % des cas une bithérapie, dans 13 % des cas une trithérapie et dans 6 % des cas les prescriptions déclarées comprennent quatre médicaments ou plus. Seuls 34 % de ces patients prennent un stabilisateur de l’humeur (lithium, anticonvulsivant à action thymorégulatrice ou antipsychotique atypique ayant une AMM en France dans le trouble bipolaire), alors que 44 % prennent un antidépresseur et 38 % prennent des anxiolytiques. Les médicaments les plus souvent pris sont la fluoxétine (16 %), Prises en charge, besoins et attentes de patients souffrant de troubles bipolaires Figure 1 335 Premiers signes amenant à consulter avant le diagnostic. le bromazepam (15 %) et la venlafaxine (12 %). Le stabilisateur de l’humeur le plus prescrit dans cet échantillon (lithium) n’est pris que par 8 % des patients. Quatre-vingtquatre pour cent des patients ont déjà ressenti des effets secondaires liés à leur traitement actuel et 42 % ont ressenti au moins trois effets secondaires. Les effets secondaires les plus fréquemment ressentis étaient la fatigue (41 %), une sécheresse buccale (41 %), une prise de poids (35 %), des troubles digestifs (33 %) et des troubles du sommeil (27 %). Vécu, perceptions et attentes vis-à-vis du trouble Les personnes interrogées ont conscience de la chronicité de la maladie et l’estiment maîtrisable (68 %) et pouvant être soignée (61 %). Elles ont très peur des rechutes (score moyen de 7,3 [±2,2] sur une échelle de 0—10) et estiment faire des efforts importants pour contrôler leur maladie (score moyen de 7,1 [±2,1] sur une échelle de 0—10). Pour prévenir les décompensations, la majorité pense savoir reconnaître les signes annonciateurs (ceux des phases d’agitation et d’exaltation pour 82 % des patients, les signes dépressifs pour 87 %). Les signes alertant les sujets d’une éventuelle rechute maniaque sont l’agitation (59 %), les troubles du sommeil (37 %), une augmentation de l’agressivité ou d’irritabilité (20 %), une hyperthymie ou des fluctuations brusques de l’humeur (20 %). Les signes d’alertes d’une rechute dépressive sont une humeur dépressive (tristesse, dévalorisation, idée noire. . .) (62 %), une apathie (58 %) ou des troubles du sommeil (39 %). Si tous ces patients sont Figure 2 suivis en ambulatoire, ils se sentent mal stabilisés dans 42 % des cas avec la prédominance une symptomatologie résiduelle dépressive (31 %) (Fig. 3). La grande majorité de l’échantillon (87 %) pense que le trouble bipolaire est une maladie grave qui gâche la vie de ceux qui en sont atteints (92 %) et ce diagnostic leur fait peur (88 %). En conséquence, l’acceptation de la maladie est difficile et 56 % des patients seulement se sentent bipolaires. Les troubles bipolaires retentissent de manière importante sur la vie des patients, notamment sur leur estime de soi (72 % des sujets), leur bonheur et leur évolution professionnelle (73 % des sujets). Les relations avec la famille, les amis (54 % des sujets) mais aussi les relations sexuelles (50 % des sujets) se trouvent également affectées. Même en phase qualifiable d’euthymie les patients ont peur de la rechute (86 %), ont des difficultés à se projeter dans l’avenir (65 %) et des difficultés dans leurs tâches quotidiennes (44 %). Ils estiment également que ce trouble induit du rejet. En pratique, trois quarts des patients déclarent avoir déjà été l’objet d’attitudes de rejet ou de discrimination directement liées à leur maladie. Les collègues de travail (50 %), les amis (44 %), la famille (36 %), l’employeur (32 %) sont incriminés. Au final les patients attribuent une note de 6,4 sur 10 pour évaluer l’impact du trouble sur leur qualité de vie. La quasi-totalité des personnes interrogées déclarent avoir au moins un interlocuteur pour parler de leur trouble. Il s’agit le plus souvent des professionnels de santé (95 % des cas) et plus rarement la famille (43 %) ou les amis (52 %). Aujourd’hui, les patients expriment des besoins différents sans qu’il y en ait un qui prédomine nettement (Fig. 4). Ressenti des hospitalisations. 336 S. Guillaume et al. Figure 3 Perception des patients de leur état. Néanmoins, beaucoup d’entre eux demandent encore plus de dialogue avec les professionnels de santé (51 %). Ils souhaitent également un traitement plus personnalisé, mieux expliqué et toléré, accompagné de conseils les aidant eux et leurs proches à vivre avec la maladie. Discussion Dépistage du trouble Il existe un délai diagnostique de plusieurs années entre les premières consultations et le diagnostic. Ce délai d’environ cinq ans ne semble pas être spécifique à la France ; il correspond globalement à celui retrouvé dans 12 pays européen de l’étude GAMIAN [18,19] et en population américaine [9]. Il confirme les nombreuses études suggérant un délai important avant la pose d’un diagnostic correct (chez 70 à 80 % des patients pour revue [6]). Ce délai peut en partie être expliqué par le fait que beaucoup de patients souffrant d’un trouble bipolaire développent leur première épisode maniaque ou hypomaniaque seulement après trois épisodes dépressifs majeurs ou plus [10,11]. Nos résultats vont dans ce sens puisque les patients ont consulté en Figure 4 antédiagnostic essentiellement pour une symptomatologie d’allure dépressive plutôt que pour une symptomatologie évocatrice d’un épisode maniaque ou hypomaniaque. Mais ce délai peut aussi être expliqué par le fait que les accès maniaques/hypomaniaques ne sont souvent non rapportés par les patients [2,10], ni dépistés par les thérapeutes. Cette absence de dépistage a un impact négatif sur la qualité de vie et sur l’histoire du trouble [11]. Elle augmente également le risque de conduites suicidaires [11]. Il convient d’insister auprès des soignants sur l’importance de dépister ce trouble particulièrement chez des patients à risque (histoire familiale de trouble bipolaire et/ou présence d’un épisode dépressif majeur). Comparativement à ce qui est retrouvé dans les autres pays européens [18,19], le diagnostic est le plus souvent posé par un psychiatre. Le médecin psychiatre reste donc le pivot du diagnostic. Cela peut être expliqué par le fait que, dans un cas sur deux, il faut attendre une expression symptomatique forte et donc une hospitalisation en psychiatrie pour que le diagnostic soit posé. Mais cela reflète également le fait qu’en France, comme dans les autres pays [15,18], la question peut se poser de former et sensibiliser les médecins généralistes au dépistage du trouble bipolaire. Besoins actuels des sujets interrogés. Prises en charge, besoins et attentes de patients souffrant de troubles bipolaires Modalités de la prise en charge thérapeutique Concernant la prise en charge médicamenteuse, alors que toutes les recommandations quelles soient internationales ou françaises [16] insistent sur la nécessité d’un traitement stabilisateur de l’humeur, seuls 34 % des sujets interrogés déclarent être sous couverture thymorégulatrice (antipsychotique atypique inclus). Par comparaison, la proportion de sujets déclarant être sous stabilisateur de l’humeur était de 70 % aux États-Unis dans l’enquête NDMDA [13] et de 80 % dans la plupart des pays d’Europe dans l’enquête GAMIAN [18,19]. De même, 44 % des sujets interrogés dans notre étude prennent un antidépresseur. Dans le cadre du trouble bipolaire, l’utilisation des antidépresseurs en monothérapie n’est pas recommandée et l’utilisation sous couverture thymorégulatrice reste très controversée tant sur le plan de la tolérance que de l’efficacité [12]. Malgré cette controverse, en pratique clinique quotidienne, les antidépresseurs sont largement prescrits chez les patients bipolaires dans notre étude comme dans d’autres. Ainsi, les différentes études nord américaines estiment qu’entre 38 et 53 % des patients diagnostiqués souffrant d’un trouble bipolaire reçoivent des antidépresseurs [17]. De plus, le traitement antidépresseur est souvent prescrit sans couverture thymorégulatrice. Par exemple, sur une cohorte de patients californiens suivis pour un trouble bipolaire, 3797 patients étaient traités par des traitements antidépresseurs. Or, dans 47 % des cas, celui-ci était prescrit en monothérapie [20]. Ces chiffres soulignent le besoin et l’importance de la formation des thérapeutes à la prescription médicamenteuse dans le trouble bipolaire. Mais il faut noter qu’il s’agit des médicaments que les sujets déclarent prendre et non ceux qui leur ont été prescrits. Ainsi, en les mettant en parallèle avec les taux très importants d’effets secondaires ressentis par les sujets interrogés, il est possible que pour certains sujets, les traitements (surtout les stabilisateurs de l’humeur) soient prescrits mais non pris. Cela irait dans le sens suggéré par les études GAMIAN [18,19] et NDMDA [15] et souligne l’importance d’expliquer aux patients les buts et objectifs des traitements mais aussi de tenir compte des effets secondaires potentiels dans le choix d’une molécule [6]. Perception et attente vis-à-vis du trouble Alors que tous les sujets inclus dans l’étude étaient considérés comme en phase de rémission, environ la moitié se sent mal stabilisée d’un point de vue thymique et leur trouble retentit de façon très significative sur la plupart des aspects de leur vie. Ce ressenti des patients est concordant avec les études montrant que les altérations cognitives [11] et les difficultés de fonctionnement social [6] persistent longtemps après la rémission symptomatique d’un accès maniaque ou dépressif. Ce sentiment est renforcé par l’image négative véhiculée par la maladie dans la société et la stigmatisation qui en découle. La prise en charge du trouble bipolaire ne doit donc pas se limiter uniquement au traitement des symptômes thymiques. Elle doit également inclure une aide à la réintégration des patients dans la communauté et dans le milieu professionnel [13]. 337 L’orientation vers des associations de patients est souhaitable. En effet, l’adhésion à ces associations permet d’augmenter l’insertion sociale et les capacités d’insight [1]. Une amélioration de la conscience et de la perception du trouble passe également par des mesures psycho-éducatives en groupe comme en individuel. Elles ont démontré leur efficacité pour améliorer la conscience des troubles [5] et donc l’adhésion aux soins. Il est aussi important de réévaluer régulièrement le rapport bénéfice/tolérance de nos traitements et de rechercher les effets indésirables qui entravent la vie de nos patients. Cette prise en charge plus personnalisée et plus globale est au final la principale attente de nos patients. Limites La principale limite de cette enquête tient à la représentativité de notre échantillon et à l’extrapolation qui peut en être faite sur les patients présentant un trouble bipolaire I en France. L’échantillon est composé de patients volontaires ré-adressés par des médecins ou des associations de patients. Nous n’avons pas de données permettant de savoir si ces patients sont représentatifs de l’ensemble des patients et notamment de ceux ayant refusé de participer à l’étude. Une autre limite tient à l’absence d’évaluation standardisée de l’état actuel permettant de confirmer que les sujets étaient bien euthymiques. Conclusion Les données de cette étude illustrent les insuffisances en termes de diagnostic et de traitement du trouble bipolaire de type I. Cela met également en lumière le désir des patients de soigner et de maîtriser leur maladie, leur sentiment imprécis de souffrir de ce trouble, leurs relations sociales rendues difficiles par la maladie et la stigmatisation sociale. Ils expriment le besoin de soutien par les soignants et la nécessité de prendre en charge une maladie qui leur « gâche la vie ». Ils souhaitent des interlocuteurs compétents et compréhensifs pour trouver un équilibre de l’humeur satisfaisant et une aide dans leur vie socioprofessionnelle. Ainsi, en apportant des informations sur le vécu de la maladie par les patients souffrant d’un trouble bipolaire I, l’étude ECHO aide à mieux appréhender les enjeux d’une prise en charge thérapeutique de la maladie plus précoce et personnalisée, ainsi que ceux d’une insertion plus réussie des patients au sein de la société. Les personnels de santé devraient être plus sensibilisés aux ressentis des patients et devraient en tenir compte dans leur pratique. Déclaration d’intérêts Les laboratoires Bristol-Myers Squibb et Otsuka Pharmaceutical France ont soutenu financièrement l’étude. Annexe 1. Exemples de questions À quel âge vos troubles bipolaires : (Enquêteur citer, noter variable numérique en clair, une seule réponse par sous-question) 338 a) . . .se sont-ils manifestés pour la première fois ? b) . . .ont-ils été diagnostiqués pour la première fois ? c) . . .ont-ils nécessité une hospitalisation pour la première fois ? d) . . .ont-il été traités par médicament prescrit par un médecin ? Je vais vous citer une liste de propositions décrivant votre ressenti général de votre expérience d’hospitalisation. Dites-moi pour chacune si vous êtes tout à fait, plutôt, plutôt pas, pas du tout d’accord pour dire que vous vous êtes senti. . . (Enquêteur : une seule réponse par sous-question, rotation aléatoire des sous-questions) enfermé : Tout à fait d’accord/Plutôt d’accord/Plutôt pas d’accord/Pas du tout d’accord/(NSP) rejeté : Tout à fait d’accord/Plutôt d’accord/Plutôt pas d’accord/Pas du tout d’accord/(NSP) aidé : Tout à fait d’accord/Plutôt d’accord/Plutôt pas d’accord/Pas du tout d’accord/(NSP) en sécurité : Tout à fait d’accord/Plutôt d’accord/Plutôt pas d’accord/Pas du tout d’accord/(NSP) indifférent : Tout à fait d’accord/Plutôt d’accord/Plutôt pas d’accord/Pas du tout d’accord/(NSP) Sur une échelle de 0 à 10, vous m’indiquerez comment vous vous sentez malade. 0 signifie que vous ne vous sentez pas malade du tout, 10 que vous vous sentez très malade. Les notes intermédiaires servent à nuancer votre jugement. Aujourd’hui comment vous situez-vous par rapport au ressenti d’être malade ? (Enquêteur citer, noter variable, une seule réponse possible) Références [1] Banayan M, Papetti F, Palazzolo J, et al. 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