Cinéma américain – Sois belle et frappe

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Cinéma américain – Sois belle et frappe
source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2948
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Cinéma américain - Sois belle et frappe !
4 avril 2008
par Stéphanie LeBlanc
Pendant longtemps dans le cinéma américain, les personnages féminins, à quelques
exceptions près, ne bousculaient pas trop l’idée qu’on se faisait des femmes avant
l’arrivée du féminisme moderne. Jusque dans les années 90, les personnages
féminins y étaient plutôt "traditionnels". Des femmes craintives, qui pleurent
facilement, qu’un rien effraie et qui ne savent pas se défendre contre les agressions.
Des victimes qui doivent être protégées et sauvées, par un homme de préférence.
Au fil des années 90 et 2000, on a pu voir apparaître au cinéma des femmes plus
fortes, physiquement et moralement, qui savent se battre et faire face au danger avec
courage et détermination. Les personnages incarnés par Merryl Streep dans "La
rivière sauvage", Demi Moore dans "J.I Jane", Jodie Foster dans "La chambre forte"
et Hillary Swank dans "La fille à un million de dollars", par exemple, sont des
personnages réalistes de femmes ayant de la force et du cran, des "femmesguerrières" (l’utilisation de cette expression ne change rrien au fait que je suis
pacifiste).
Pourrions-nous dire alors que le cinéma américain a contribué à l’émancipation des
femmes en leur proposant un nouveau modèle féminin rompant avec la traditionnelle
femme-victime ? Oui et non. Le problème est qu’un second modèle de femmeguerrière est apparu en même temps : la guerrière-séductrice. Sans doute échappée
de la bande dessinée et beaucoup plus sexualisée, la guerrière-séductrice porte
généralement des vêtements moulants et révélateurs et est toujours impeccablement
maquillée, coiffée et manucurée, quels que soient les combats auxquels elle prend
part. Son physique, bien entendu, est absolument parfait.
On la retrouve dans des films d’actions généralement plus violents, au scénario
souvent très mince, et où les trucages sont évidents et les cascades plutôt
invraisemblables, ce qui fait perdre beaucoup de crédibilité aux scènes de combat. On
peut penser aux personnages incarnés par Pamela Anderson dans "Barb Wire", Halle
Berry dans "La femme-chat", Jessica Alba dans "Les 4 fantastiques" ou Carrie-Anne
Moss dans "La matrice".
Dans ce type de film, la force de la femme et son habilité au combat sont présentées
comme étant indissociables de sa jeunesse, de sa beauté et surtout de son attractivité
sexuelle. Comme si le fait de représenter une femme comme une personne capable de
se défendre n’était acceptable que dans la mesure où elle continue de se conformer
aux critères de beauté et qu’elle est attirante sexuellement. Désire-t-on rassurer une
certaine frange du public masculin qui risque de se sentir "émasculé" en voyant des
femmes capables de se battre ? Est-ce donc si difficile d’imaginer une femme au
physique ordinaire, moins sexy ou plus âgée qui sait tout de même se battre ?
Il ne fait aucun doute que le cinéma américain, témoin de l’évolution des rapports
hommes-femmes, a contribué à faire accepter l’idée qu’une femme peut être forte et
puissante. Cependant, il est dommage que le culte du corps et l’hypersexualisation de
la société atténue cette puissance, en rendant celle-ci conditionnelle au fait d’être
belle et séduisante.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 1er avril 2008
Stéphanie LeBlanc
Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2948
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