Les Francas, fédération de structures éducatives pour l`enfance et la

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Les Francas, fédération de structures éducatives pour l`enfance et la
LES FRANCAS DU VAL DE MARNE
Journée départementale
« Le temps libre
des 11-15 ans »
14 octobre 2004. IVRY-SUR-SEINE.
Les Francas, fédération de structures éducatives pour l’enfance et la jeunesse,
sont impliqués depuis leur origine dans la question des loisirs quotidiens des
enfants et des adolescents. Cela se traduit notamment, dans notre département,
par des accompagnements à l’élaboration et à la mise en place de politiques
enfance/jeunesse, par des actions de formation et de qualification, par des
propositions d’action innovantes au plan pédagogique.
Un certain nombre de villes avec qui nous travaillons se posent des questions à
propos des 11/15 ans.
comment leur permettre de s’approprier un environnement complexe ?
comment les accueillir ?
quelles activités proposer ?
comment leur permettre de participer ?
quelle formation de l’encadrement ?
quelle liaison entre le centre de loisirs qui accueille des enfants plus
jeunes et les propositions concernant cette tranche d’âge ?
Pour autant, cette problématique n’est pas nouvelle.
La Conférence de la famille, qui s’est tenue dans le courant de l’année, l’a
largement évoquée.
Dans le département, dans le cadre de CORALA (Commission recherche action
loisirs adolescents), avec la Direction départementale Jeunesse et Sports et la
CAF, avec d’autres associations, un travail important a également été entrepris.
La proposition de mise en place de SLOJA (structure de loisirs ouverte aux
jeunes adolescents) s’accompagne même de modalités administratives et de
critères de labellisation.
Cette journée s’inscrit bien sûr dans cette dynamique.
Il s’agit donc pour nous de faire, à la fois, un état des lieux et de tracer en
commun un certain nombre de perspectives d’actions.
Pour faire cet état des lieux il nous a semblé intéressant de s’interroger à
nouveau sur ce public, d’observer sa relation à l’environnement, d’avoir un regard
sur un certain nombre d’initiatives, en essayant de dégager ce qui, ici ou là ,
constitue des conditions de réussite aux initiatives prises.
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Les 11-15 ans : les conduites à risque. Lutte contre les drogues
et la toxicomanie. Prévention et sensibilisation.
Intervention de Madame Maryline Hamon, psychologue, directrice du Point Ecoute de
Champigny-sur-Marne.
Je commencerai mon exposé par quelques réflexions sur l’intitulé, que je n’ai pas choisi
moi-même mais qui me propose un plan intéressant :
Les 11-15 ans : ce découpage en tranche d’âges est presque une convention implicite
chez les acteurs de l’enfance et de la jeunesse. Pourquoi ces limites, à quelles
données, objectives ou non, correspondent-elles ? Peut-on y voir une homogénéité ?
Nous nous pencherons dans un premier temps sur cette période de la vie, ses
caractéristiques, ses particularités.
Les conduites à risque : pourquoi associer cette expression à cette tranche d’âges ?
Qu’est-ce qu’une conduite à risque et quelle signification a-t-elle à ces âges ?
La lutte contre les drogues et les toxicomanies : si tout le monde perçoit bien qu’il
s’agit d’une période charnière pour l’apparition de cette problématique, quels liens
peut-on établir entre ce public et cette approche spécifique ? Doit-on la traiter en
tant que telle ou à l’inclure dans la compréhension de la question précédente, plus
globale, des comportements ?
Prévention et sensibilisation : sur quoi portent-elles, quels doivent être leurs
objectifs ; en quoi consistent-elles ?
Les 11-15 ans
Qui sont-ils ? Ce questionnement se rencontre souvent chez les professionnels, qui le
résolvent en parlant abusivement d’adolescents.
Ce qui frappe, c’est d’abord une très grande hétérogénéité :
Dans l’âge de survenue de la puberté (entrée dans adolescence)
À 11 ans, on est encore un enfant – à 15 ans, on est un adolescent.
On voit des jeunes de 15 ans qui sont encore enfants et des plus jeunes déjà formés.
Les filles sont plus précoces que les garçons sur beaucoup de plans.
Dans l’éveil sexuel
On observe souvent un décalage entre cet éveil et la puberté réelle, qui pourrait
s’expliquer par un environnement de plus en plus précoce de surexcitation de la libido
(affiches publicitaires, émissions télévisuelles, scènes cinématographiques tous publics,
accès facilité à la pornographie). Ce décalage est de plus en plus grand car l’âge de la
puberté ne change pas.
Les adultes font état de l’apparition de comportements adolescents de plus en plus tôt,
revendiqués collectivement : avant, on acceptait l’appellation d’enfant à 12 ans.
Aujourd’hui, les jeunes réclament le statut d’adolescent dès 11-12 ans et adoptent les
comportements correspondants (ce qui, nous le voyons au début de ce chapitre, leur est
d’ailleurs renvoyé en miroir par les adultes, notamment professionnels).
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Dans les époques
Avant guerre, la fin de la scolarité intervenait à 12, puis 13, puis 14 ans. Aujourd’hui, elle
a lieu plus tard pour la grande majorité (au moins 16 ans et beaucoup plus).
Au 18ème siècle, les relations sexuelles commençaient fréquemment vers 12-13 ans, les
reines avaient quelquefois des enfants vers 15-16 ans.
Dans les milieux socioéconomiques
Les choix professionnels doivent se faire dans cette période pour beaucoup de jeunes,
statistiquement davantage dans les milieux les moins riches, plus tard pour plus riches
Les « jeunes de la cité » acquièrent une identité à part : ils ont des modes de
socialisation particuliers, les phénomènes de groupe, de bande, sont plus prégnants, leur
présence dans l’espace public est plus marquée.
Dans la situation des pays
Citons par exemple
Les enfants de l’Intifada, de la guerre
Les enfants soldats
Les enfants au travail
Les différences entre pays riches et pays pauvres (pour une fille, avoir un enfant à 22
ans, c’est aujourd’hui considéré comme tôt dans un pays riches, déjà tard dans un pays
pauvre).
Dans les cultures
Dans certains pays, il existe des rites initiatiques bien repérés.
Dans notre société, cette période de préparation à l’entrée dans l’adolescence dure
plusieurs années et les jeunes construisent eux-mêmes, dans les codes de leur
environnement, leurs propres rites.
Et toutes les différences individuelles, familiales…
Bien sûr, on ne peut pas parler d’homogénéité mais pourtant, ce découpage recouvre une
période dont les bornes se justifient :
D’abord, il correspond aux étapes du cursus scolaire, à la loi : ce sont les années
collège et l’obligation scolaire s’arrête à 16 ans. Ce facteur homogénéise la tranche d’âge
à travers :
le changement de statut, d’écolier à collégien,
le changement de l’image de soi lié à ce nouveau statut,
le changement du regard des autres,
le changement des attentes de la société, qui demande au jeune de devenir
responsable,
le changement des enjeux de la scolarité, l’échec ou la réussite deviennent
fondamentaux à court terme pour l’avenir.
L’école primaire, c’est accéder au savoir, faire comme les grands.
Le collège, c’est se projeter dans l’avenir, être grand.
L’adolescence, c’est l’accès à la capacité reproductrice et l’émergence de la pulsion
sexuelle dans un contexte de construction de l’image de soi en grande partie lié à cette
période scolaire. L’Autre y joue un rôle fondamental : les parents à travers leurs
attitudes et leurs réactions. Le jeune peut penser qu’il les déçoit, qu’il répond ou non à
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leurs attentes, il peut perdre confiance ; les pairs, la reconnaissance et l’intégration
dans un groupe constituant un enjeu presque vital à ces âges. .
Progressivement au cours de cette période, l’adulte renvoie de manière générale une
image négative des jeunes:
par rapport à leurs comportements,
par rapport au jugement scolaire,
par rapport au regard ambivalent de la société qui valorise la jeunesse (éternelle)
tout en lui opposant la peur (la Justice peut le punir dès 13 ans). Les jeunes des cités
incarnent dans la représentation collective ces comportements délinquants, ce
désœuvrement, ces difficultés d’insertion synonymes d’insécurité.
Ces bornes délimitent une période de passage qui se caractérise par
des changements physiques,
des changements psychologiques,
des changements intellectuels,
une véritable construction identitaire, où besoin de dépendance et désir d’autonomie
se disputent le terrain,
des changements affectifs.
Il n'est plus un enfant et n'est pas encore un adulte, mais il revendique les deux
statuts : garder la toute-puissance que confère l'enfance et bénéficier en même temps
de l'autonomie des adultes.
Les changements physiques sont pour le moins cause de malaise, si ce n'est de
souffrance, voire de traumatismes car ils ne sont pas maîtrisés par le jeune, qui peut
alors aller jusqu'à les refuser (prise de poids ou amaigrissement importants,
habillement,…)
Les changements psychologiques se caractérisent par une succession de pertes, de
deuils à faire : perte des images parentales idéalisées, perte de sa place et de son
insouciance d'enfant, pour certains perte des rêves (orientation scolaire plus ou moins
choisie) …
On peut d'ailleurs remarquer que le vocabulaire fait souvent référence à la douleur et à
la mort quand on décrit le processus d'adolescence, même si les adolescents en question
vont bien la plupart du temps.
Les changements affectifs se traduisent par un éloignement des parents pour se
tourner vers d’autres modèles adultes, et vers les pairs avec qui il expérimente des
sentiments nouveaux dans leur nature et leur intensité émotionnelle. Ce mouvement
occasionne des sentiments de vide affectif liés à la peur de perte d’amour des parents
et d’abandon d’un côté, et à l’incertitude et aux aléas des investissements affectifs,
amicaux et amoureux, de l’autre.
Pour supporter sans trop de dommages toutes ces perturbations, le jeune trouve le
moyen de se protéger psychologiquement en aménageant son rapport à lui-même et aux
autres, à travers ce que l'on appelle des mécanismes de défense. Ceux-ci sont visibles
dans les façons de réagir si caractéristiques de ces tranches d'âges.
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Les changements intellectuels sont tout aussi radicaux : vers 12-13 ans, une nouvelle
forme d'intelligence apparaît, les structures de l'intelligence opératoire formelle se
mettent en place.
Avant 12 ans, l'enfant se trouve au stade opératoire concret. A partir de 12 ans, l'accès
au stade opératoire formel lui donne la capacité de raisonner par hypothèses,
d'envisager l'ensemble des possibles et d'appréhender le réel comme un simple cas
particulier, pouvant être différent.
Il devient capable de manier la méthode expérimentale, la démonstration et
l'argumentation, de comprendre les probabilités et la réciprocité, de faire des
raisonnements hypothético-déductifs.
Le monde change alors de sens : avant, le "possible" était le prolongement du réel, des
actions de l'enfant sur la réalité. Après, le réel se subordonne au possible.
Il change aussi d'échelle : avant, la pensée portait sur les "objets". Après, elle porte
sur les énoncés verbaux. Le jeune acquiert une logique de propositions, ce qui lui permet
un nombre infiniment plus grand d'opérations mentales.
Cette importance nouvelle du fonctionnement intellectuel n'est pas sans poser de
problèmes si la pensée est peu investie par le jeune (échec scolaire déjà ancien,
dévalorisation,…). Une difficulté d'accès à la pensée formelle peut être un facteur
explicatif de comportements d'incivilités, de passages à l'acte répétés, par impossibilité
de se détacher du réel. Elle peut générer des difficultés relationnelles par l'absence
d'intégration de la notion de réciprocité dans les échanges sociaux et affectifs. Se
produisant en même temps que l'émergence des pulsions sexuelles, ce foisonnement des
idées peut porter aussi sur cet aspect de la pensée qui occasionne, pour certains, honte
et culpabilité. Il vaut mieux alors éviter de penser, s'inhiber intellectuellement.
Mais ces nouvelles capacités ont d'abord des conséquences positives sur le
développement. Outre les possibilités d'apprentissage qu'elles ouvrent, elles
permettent une prise de conscience de soi et l’élaboration de son propre système de
valeurs. La construction identitaire repose sur cette articulation entre individualité et
intégration sociale.
Les conduites déviantes et marginales
Sous cet angle, elles peuvent refléter une difficulté à trouver son identité et à élever
son niveau de jugement moral. Elles peuvent aussi être comprise comme une tentative
d’apprentissage par essais/erreurs, les réactions de l’entourage et de la société aux
actions commises permettant de définir les limites et les rôles des individus.
Cette tranche d’âge des 11-15 ans est en effet la période d’entrée dans la plupart des
conduites à risque, de la consommation des différents produits psychotropes (en
particulier tabac, alcool, cannabis) aux comportements violents et de provocation, en
passant par les mises en danger du corps dans la prise de risques extrêmes ou les
troubles alimentaires, par exemple. Leur caractéristique est qu’elles mettent le corps en
avant.
A travers ces conduites, le jeune se place dans la recherche à la fois de sensations, qui
lui donne un sentiment de valeur, de maîtrise et de puissance, et de ses propres limites.
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S’il ne peut les trouver en lui-même, il va essayer de les trouver auprès de l’adulte, en
cherchant le conflit avec lui.
Les conduites à risque ne sont donc pas à interpréter seulement comme des
provocations et des nuisances à réprimer. Elles sont porteuses de sens dans ce moment
de passage, d’abord comme éléments structurant la construction de soi. Le risque est
constitutif de la vie et permet de se dépasser et d’avancer. Elles peuvent cependant,
pour certaines d’entre elles et suivant leur mode d’expression ou le contexte dans lequel
elles arrivent, révéler un mal-être, une souffrance qu’il convient de percevoir et de
prendre en compte.
A partir de ces réflexions, que doit être leur prévention ?
En effet, le seul objectif a longtemps reposé sur la volonté d’éradiquer ces
comportements, en particulier la prise de dogues, et de penser que l’information sur les
dangers suffisait à atteindre ce but.
Or nous voyons bien que les enjeux en sont beaucoup plus complexes, aussi bien dans la
définition des objectifs de la prévention que dans l’évaluation de la valeur préventive
des messages qu’elle véhicule et des méthodes qu’elle emploie.
Pour notre part au Point Ecoute, nous nous donnons pour mission, dans les entretiens
individuels et familiaux ou dans les actions collectives, de donner des outils pour penser,
pour comprendre, pour être en capacité de faire des choix positifs le moment venu, ou
de pouvoir sortir d’une difficulté à travers la parole.
Dans l’accompagnement de ces quelques années décisives, le rôle éducatif de l’adulte est
essentiel : il doit au maximum valoriser le jeune dans son identité encore instable du fait
de ces bouleversements angoissants pour lui. Il doit accepter la conflictualisation des
rapports et adapter ses réactions pour fournir les repères indispensables.
Nous avons vu qu’il dispose pour appuyer sa tâche de tout un arsenal de nouvelles
potentialités chez le jeune. Les activités qui lui sont proposées peuvent alors viser la
maîtrise du risque, la découverte du monde, à le rendre acteur de sa vie et citoyen.
Thèmes des questions de la salle :
Pourquoi y a-t-il une image négative de la société par rapport à cette tranche d'âge?
N'y aurait-il pas un travail à faire plutôt avec les adultes?
Mimétisme des jeunes par rapport aux adultes
Place des filles
Mesure-t-on l'impact des médias, des émissions télé, de la publicité?
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Panorama des politiques jeunesse mises en œuvre.
Intervention de Monsieur Éric Duran-Sabatier (FR Consultants - Institut pour l’Action
Educative et Sociale).
Connaissance du public 11-15 ans.
L’adolescence est, par excellence, l’âge des changements. Agir en direction des
adolescents suppose, d’une part, de comprendre ces changements qui prépareront
l’adulte de demain, et d’autre part, de les accompagner.
En premier lieu, il s’agit de permettre aux adolescents d’accéder à l’autonomie. En
d’autres termes, il s’agit d’accompagner l’adolescent pour qu’il puisse choisir librement
les règles de son comportement pour développer sa vie sociale.
Cette définition est opposée à une définition puérile de l’autonomie résumée à « c’est
mon choix », comme voudraient nous le faire croire les opinions dominantes. En effet, on
confond trop souvent le développement de l’autonomie avec celui de l’individualisme. Or,
l’individualisme isole les individus les uns des autres en ne défendant que les intérêts
individuels, et en ne créant que des substituts de vie sociale dictés par la société de
consommation. « C’est mon choix » était le type d’émission de service public rendant les
cerveaux disponibles pour les annonceurs publicitaires, ou politiques d’ailleurs.
Pour, développer l’autonomie, donc pour lutter contre l’individualisme, il s’agit de
renforcer les tendances naturelles de l’adolescent à :
donner son avis, même si on ne lui demande pas ;
accepter/refuser, ou si l’on préfère, refuser dans un premier temps pour pouvoir
accepter dans un second temps ;
changer de modèles éducatifs : l’idéal de l’adolescent n’est plus d’être institutrices pour
les filles et pompiers pour les garçons, ou faire comme papa ou maman ;
penser à soi, c’est à dire que ces actes ont des conséquences à court, moyen et long
terme, et que l’on n’a d’existence que dans le regard des autres ;
développer des cercles de relations et d’expérimentation.
En second lieu, il est nécessaire de considérer les perturbations conséquentes qui
s’exercent à cet âge comme un processus nécessaire aux apprentissages. Au moment
où s’exercent ces perturbations – ou si l’on veut ces « périodes d’incertitudes » pour
reprendre les termes utilisés par Mme Hamon, si les adultes ne proposent rien pour
reconstruire ce qui a été durement secoué par la confrontation à la vie réelle de
l’adolescent, alors des ruptures peuvent s’exercer fortement avec les adultes. Il est
facile d’évacuer ces perturbations en définissant l’adolescence comme « l’âge bête ».
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Cela montre l’incapacité d’une part non négligeable des adultes à « éduquer » autre
chose que ceux qu’ils considèrent comme une « matière malléable », soit les enfants.
Aussi, est-il nécessaire
apprentissages :
d’identifier
ces
« perturbations »
à
la
source
des
Le système de vérité enfantin va être mis en mal par la confrontation à la dure réalité :
mon papa « n’est pas le plus fort », ma maman « n’est pas la plus belle »
Les adolescents aspirent à être grands, et avoir leur propre culture, leur propre langage,
comme nous le verrons avec l’expérience au Centre Social de Créteil
Le corps est en pleine mutation, notamment sur tout ce qui concerne la sexualité, nous
aurons d’ailleurs un témoignage sur ce point à partir d’une expérience dans un Lycée de
Vitry
Changements au niveau des ressentis, des émotions. Un film, à mes yeux, traduit bien ces
changements : « le cercle des poètes disparus », avec une société adulte qui repousse ces
ressentis au nom de l’intégration à un système qui refuse cette « sensibilité »
Changements de repères, d’appartenances, de références. On devient les « Jeun’s », avec
toute une série de « rites initiatiques comme a pu l’évoquer Mme Hamon. Au moment de
changements de repères, il est important de tenir compte, d’informer, d’échanger, de
rassurer, de reconnaître. Réprimer ces rites initiatiques, montre l’incapacité des adultes
à proposer des rites d’intégration à la société adulte autrement que par la force. Ce qui
ne fait qu’accroître le fossé, et considérer l’éducation, à partir de l’adolescence, comme
une contrainte.
En troisième lieu, les apprentissages ne passent plus principalement par l’écoute et la
reproduction de « modèle », mais par la confrontation. L’adolescent repousse les
limites, pour voir quelles sont les « vraies » règles. Face à des animateurs par exemple,
qui vont adopter un discours dit « éducatif » de façade, –« il ne faut pas faire ça »,
« soit cool avec les autres », « hé… respect quoi »–, les mythes et les phrases toutes
faites s’effondrent rapidement, et fort heureusement. La confrontation est un moteur
des apprentissages où sont repoussés les systèmes de vérité incohérents.
En quatrième lieu, l’adolescent s’essaie, explore ses possibilités, prend des risques.
Il tâtonne, fonctionne selon un système empirique d’expérimentation, donc d’échec et/ou
de réussite. D’où une prise de risque qu’il va devoir apprendre à gérer. Sans cet
apprentissage, l’adolescent perd de son autonomie, puisque ces risques peuvent lui être
nuisibles, où altérer sa perception des réalités. Il est important de ne pas tout cadrer,
de permettre à l’adolescent de juger une réalité, donc de s’y mesurer.
En cinquième lieu, l’adolescence est également l’âge des premières projections
réalistes. Les adolescents sont amenés à :
se projeter sur leur devenir
organiser leur temps
définir des priorités
penser par étapes.
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Si ces apprentissages ne sont pas faits à cet âge, nous avons alors :
des pratiques consuméristes
des adolescents pris par « l’urgence »
la fuite en avant par rapport aux difficultés rencontrées
des adolescents qui ne savent pas construire de stratégie à moyen ou long terme
Enfin, l’âge de l’adolescence est lié à celui de l’aventure. Aventure qui ne se fait plus
seulement par l’imaginaire, le jeu basé sur l’activité encadrée dans une structure.
L’aventure se fait « dans le monde », sur le territoire dans lequel vit l’enfant.
Si le territoire ne peut offrir cette aventure, alors elle sera recherchée ailleurs :
jeux vidéos / télé
alcools / drogues
sur la route (scooter, roller)
sur d’autres territoires
etc.
Quelles réponses des territoires
pour répondre aux besoins des 11/15 ans
De nombreuses initiatives existent, notamment dans les temps libres
On observe tout d’abord qu’il existe une diversité :
de propositions et de porteurs de projets : au niveau des loisirs, de l’accès, de la
protection de la personne, de l’accompagnement social, … ;
de personnes concernées : que ce soit au niveau des tranches d’âges, des quartiers, des
catégories sociales concernées, mais moins au niveau des sexes
de thématiques : les pratiques artistiques et culturelles, les pratiques sportives,
l’accompagnement au porteurs de projet, … ;
Pour autant, les actions ne parviennent pas à résoudre les difficultés rencontrées
par les jeunes, notamment par rapport à l’emploi.
En effet, on constate aujourd’hui :
une situation qui demeure inquiétante par rapport à la réussite scolaire
des inégalités sociales particulièrement fortes par rapport aux pratiques amateurs, aux
perfectionnements techniques
Pour autant, il est à signaler une montée en puissance des initiatives partenariales pour
enrayer les phénomènes d’exclusion sociale et professionnelle.
Des démarches participatives à renforcer
La plus grande insatisfaction des jeunes sur les territoires repose bien souvent sur
le type de relation établie avec eux. Autrement dit, ce n’est pas forcément la qualité
ni la pertinence des actions qui sont remises en cause, mais le fait qu’il n’y ait pas assez
de place aux démarches participatives. Cette insatisfaction est source de malentendus,
d’évidences qui ne sont pas partagées. Les animateurs chercheront à proposer plus
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d’animations, à améliorer les espaces d’accueil, quand il s’agit de changer la relation aux
jeunes.
Les jeunes semblent également manquer d’espace d’écoute, de débat, de rencontre et
de soutien à la construction de leurs projets. Généralement entre les 2/3 et les 3/4 des
jeunes sont insatisfaits des réponses existantes sur l’accompagnement des projets liés à
l’animation de la vie locale, où en lien à des accompagnements proposés par rapport à la
leur vie quotidienne.
Une réponse différenciée selon les types de besoin et les tranches d’âges
Il nous semble qu’il ne faille pas faire d’amalgame par rapport aux différents besoins qui
peuvent être repérés sur les territoires. Nous avons pu distinguer, autant sur les
questions de santé, d’emploi, de logement, d’organisation des temps libres :
les besoins urgents (décrochage scolaire, primo–arrivants, jeunes écartés du domicile
familial, action de protection de la personne, etc.)
les besoins occasionnels (élèves rencontrant des difficultés passagères, ou lors de
changement de cycle, besoins de soutiens administratifs ou juridiques pour résoudre des
difficultés ponctuelles, besoins d’accompagnement lors de changement de situation
professionnelle, …)
les besoins permanents (dispositifs d’accompagnement à la scolarité sur l’année, gestion
du parc locatif en mettant en corrélation les propositions existantes et les différentes
demandes, mise en place de mesures de suivi et d’accompagnement social importants,
lutte contre les discriminations dans l’accès à l’emploi, …)
Il est également nécessaire de distinguer les besoins selon les tranches d’âge :
au niveau des 11–13 ans, on sera plus sur l’organisation des temps libres, la réussite
scolaire, perfectionnement dans des activités, soutien aux projets d’activités
au niveau des 13–16 ans, les questions suivantes se poseront davantage : l’orientation
scolaire ou professionnelle, la vie quotidienne (santé, mobilité, sexualité, informations sur
les événements et manifestations, …), les pratiques culturelles des jeunes
Bien évident, il est également nécessaire de distinguer les besoins spécifiques des filles
et des garçons à cet âge.
Les besoins des acteurs
Au niveau des personnes agissant en direction des adolescents, nous avons pu repérer
quatre types de besoins. Nous les rappelons ici à titre de mémoire. La thématique de la
journée porte sur les adolescents. Et il est important, même si ce n’est pas le sujet ici,
de tenir compte des besoins des personnes qui agissent en leur direction.
Nous pourrions les résumer en quatre points, que nous repérons généralement sur les
territoires :
partager une même vision des besoins des populations d’où se dégagent des orientations
communes aux porteurs de projets et aux institutions ;
agencer les différents dispositifs existants, dans le cadre d’une politique globale sur
l’ensemble du territoire (quartiers, ville, agglomération…) ;
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formaliser un scénario d’action : des résultats à atteindre sur 2/3 ans ; un échéancier sur
les actions à entreprendre ; une précision des rôles et responsabilités de chacun ;
articuler de manière pertinente les différents moyens mis en œuvre au sein des
politiques publiques pour dépasser la précarité dans laquelle se trouvent la majorité des
porteurs de projet.
Quelques pistes de travail pour agir en direction des 11/15 ans ?
Pour renforcer l’autonomie des jeunes : soutenir les projets permettant le
développement de compétences transversales
Apprendre à apprendre.
Communiquer.
Utiliser les ressources de l’environnement.
Adapter ses comportements.
Gérer son temps et se projeter.
Pour rassembler les énergies autour d’un projet commun : structurer la fonction de
coordination
Mobiliser autour d’un projet.
Pérenniser les actions dans un cadre cohérent et complémentaire.
Partager des orientations communes autour d’une vision partagée des besoins des
adolescents.
Pour mieux piloter le projet : renforcer les démarches participatives et la
communication avec les jeunes
Avec les jeunes:
mettre en place des temps de concertation,
formaliser les engagements réciproques,
généraliser la « charte » départementale sur l’accueil des adolescents et des jeunes,
communiquer autour des projets des jeunes.
Avec les acteurs :
mettre en œuvre les outils de suivi et de connaissance des adolescents et de leurs
familles,
pérenniser les instances de concertation de mise en œuvre de projet,
renforcer les groupes de travail thématiques à l’échelle des différents territoires,
conventionner les objectifs et les moyens en fonction des résultats attendus.
Pour innover sur les questions d’accompagnement à la fonction parentale
remettre les familles au cœur de l’action éducative en direction des jeunes,
développer les actions d’accompagnement en direction des jeunes parents,
soutenir les projets innovants sur le travail de mémoire dans les quartiers, sur la
valorisation et la reconnaissance du rôle éducatif des parents.
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Tables rondes : dispositifs et actions concernant les 11-15 ans.
Les Points d’Information Jeunesse :
Des lieux d’écoute, d’information , de documentation pour tous les jeunes.
Un accueil personnalisé , gratuit, respectant l’anonymat, sans rendez-vous.
Des infos sur :
les études, la formation, les métiers
les jobs d’été et les jobs à temps partiel toute l’année
les programmes européens, les chantiers de jeunes
la législation du travail
les loisirs, le sport, les vacances, les voyages
la santé, le logement
le montage de projet, la création d’association , d’entreprise.
Les points Cyb proposent un accès en « libre service » au matériel informatique et au
réseau internet.
Les Structures de Loisirs Ouvertes aux Jeunes Adolescents :
Une Structure de Loisirs Ouvertes aux Jeunes Adolescents labellisée « SLOJA » est un
espace d’accueil et de loisirs éducatifs qui prend en compte les intérêts et les besoins
spécifiques des jeunes âgés de 11 à 15 ans avec une extension possible aux 15 /17 ans.
Bien entendu, ces structures devront avoir été préalablement déclarées et respecter la
réglementation en vigueur.
Le SLOJA doit permettre de répondre aux besoins suivants :
Besoin d’être écouté, consulté, associé aux décisions et reconnu en tant qu’acteur.
Besoin de pouvoir gérer son temps libre, dans un cadre structurant mais non
contraignant. Le temps libre ne peut être un temps subi. Il devient un temps choisi.
Besoin de valorisation et de reconnaissance de leurs talents et de leurs capacités.
Besoin de relation à l’autre (relation avec les pairs).
Besoin de relation et de confrontation avec l’adulte.
Un besoin de connaître son environnement pour le maîtriser.
Dans cette structure, les jeunes doivent pouvoir s’impliquer pleinement dans l’élaboration et
la réalisation des projets. Elle doit leur offrir des espaces d’expression, de découverte, de
décision et de concrétisation. C’est un espace favorisant l’ouverture sur l’environnement.
Cette structure est aussi un espace où les jeunes seront accompagnés dans leurs projets et
dans les responsabilités qu’ils seront amenés à prendre.
L’équipe d’encadrement doit élaborer des propositions de mise en œuvre d’une pédagogie de
projet. Cette démarche participative dans la quelle s’inscrit le projet de la structure, doit
tendre à mettre en cohérence les acteurs éducatifs du territoire concerné. L’éducation
devient partagée et le temps du jeune n’est plus conçu comme une succession de temps pris
en charge par divers acteurs, mais comme une globalité.
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Les Associations Temporaires d’Enfants Citoyens (ATEC)
L’article 15 de la convention internationale des droits de l’enfant reconnaît aux mineurs
le droit d’association. Pourtant la loi française ne leur permet toujours pas de s’associer.
Pour résoudre ce problème, les Francas de Seine Saint Denis ont créé les ATEC.
Association déclarée auprès des Francas qui en assure la couverture juridique pour les
actions hors structure. L’association se fait autour d’un projet, d’où son caractère
temporaire.
Parce que l’enfance est un âge où l’on est aussi un membre actif de la vie sociale,
l’association est un lieu privilégié de l’exercice de la citoyenneté.
Les centres sociaux
Les domaines d'action des centres sont très larges, et quoi de plus logique si l’on
pratique une vision globale du territoire et l'initiative des habitants.
Toutes les tranches d'âge, des plus jeunes au plus âgés, toutes les activités collectives
peuvent potentiellement se retrouver et agir dans un centre social et socioculturel. Toutes
les catégories habituelles des politiques sociales, culturelles et éducatives peuvent donc a
priori y exister, mais bien entendu c'est le projet concerté sur le territoire qui fixera
les grandes priorités d'action et non pas un cahier des charges uniforme et
monochrome, préétabli avant.
C'est pourquoi les centres sociaux sont très divers, et différents les uns des autres, selon
leur projet, leurs caractéristiques propres. C'est d'ailleurs la plus grande richesse de leur
réseau.
Fortement ancrés dans des valeurs et une histoire, on peut distinguer trois domaines
dans ce que font les centres sociaux et socioculturels :
L'éducation populaire
Le développement social et local
L' économie sociale et solidaire
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Analyse du travail autour des tables rondes et des témoignages
(réalisée par Éric Duran-Sabatier)
Les axes de travail
Quatre axes de travail se sont dégagés des tables rondes pour agir en direction
des 11/15 ans :
favoriser les démarches participatives ;
prendre en compte une diversité des besoins ;
organiser ses temps libres ; s’ouvrir à son environnement ;
développer des compétences transversales pour acquérir son autonomie.
Favoriser les démarches participatives
L’ensemble des interventions a permis de dégager un processus cohérent pour favoriser les
démarches participatives.
Tout d’abord, par la mise en place d’un réseau d’information jeunesse. Si un adolescent ne connaît
pas son environnement, il ne peut pas y participer. L’intervention de Christian Heintz, conseiller
d’éducation populaire et de la jeunesse, et la présentation du travail engagé sur le PIJ d’Ivrysur-Seine, ont pu souligner l’importance des actions entreprises autour de l’information en
direction des jeunes. 33 structures dans le Val de Marne sont inscrites dans le réseau
information jeunesse.
Ensuite, pour reprendre l’expression du Centre Social de Créteil , il s’agit de mettre « les
habitants au cœur du projet ». Les différentes initiatives conduites sur cette structure, comme
dans d’autres espaces d’accueil du même type, montrent que les projets qui ont remporté un
certains succès sont basés sur l’écoute. On part de là où en est le jeune, puis on « s’oblige », en
quelque sorte, de développer des projets innovants à partir des besoins que l’on peut pressentir.
Ensuite, on cherche à ouvrir le jeune par rapport à son environnement. Nous en avons eu une
excellente illustration au travers du « Festival Web Trotteur » développé sur Créteil.
Enfin, pour aller vers le dernier « échelon » de la participation, il s’agit d’associer pleinement les
adolescents aux actions qui les concernent. L’exemple des ATEC et en cela particulièrement
significatif, puisqu’il s’intitule, rappelons-le, les associations temporaires d’enfants citoyens. On a
pu voir au travers de l’exposé des expériences conduites en Seine-Saint-Denis, que les enfants
allaient en tout point choisir leur organisation, leurs finalités, la durée de vie de leur association,
les contraintes liées à la conduite de leur projet, et même… l’animateur qui va les accompagner.
Par contre, au travers de l’expérience d’ATEC qui nous a été relatée, nous avons pu constater qu’il
est indispensable de ne pas cibler que les adolescents, au niveau des démarches participatives,
mais qu’il convient de viser également la participation des familles. En effet, alors qu’un des
objets poursuivis par une ATEC était un voyage à l’étranger, alors que tout le projet était
« bouclé », au dernier moment les parents n’ont pas donné les autorisations. Cela souligne qu’une
action de participation en direction des enfants, quelle que soit sa pertinence, est limitée si la
famille n’est pas partie prenante. Dans nos centres de loisirs, nos centres sociaux, nos MJC, nous
avons parfois tendance à l’oublier.
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Prendre en compte une diversité des besoins
La prise en compte de la diversité des besoins des jeunes est une constante dans tous les projets
qui nous ont été présentés, et qui ont eu des résultats particulièrement encourageants.
Chacun des participants à cette journée à pu enregistrer différentes expressions de cette prise
en compte de besoins très diversifiés.
Par exemple, au niveau de l’information jeunesse sur Ivry, nous avons pu noter l’organisation de
journées thématiques d’information : sur les maladies sexuellement transmissibles, sur la
prévention routière, avec l’organisation d’un Forum des métiers, etc.
Le Centre Social de Créteil a insisté sur la nécessaire approche globale des jeunes dans leur
relation à l’environnement. Plusieurs fois, la directrice du Centre Social a souligné qu’il fallait
« cerner le jeune », par exemple au niveau de l’accompagnement scolaire. C’est à dire qu’il fallait
prendre en compte l’ensemble de sa vie quotidienne, avec tous les acteurs possibles, pour
répondre à ses besoins spécifiques. On peut ensuite développer des projets comme les matchs
d’improvisation pour agir d’abord en direction d’un public « cible » et ensuite viser, par des
activités théâtrales, la rencontre, la mixité, et établir des passerelles avec des pratiques
amateurs.
Avec les ATEC, nous avons eu l’illustration qu’il fallait être très vigilant entre l’expression des
attentes, voire de nos attentes, et les besoins des jeunes. Beaucoup d’entre vous ont pu poser
des questions sur l’échec apparent d’une ATEC qui n’était pas allée jusqu’au bout, alors que les
jeunes n’avaient pas du tout le sentiment d’avoir échoué. C’est donc que leur finalité n’était pas
de « partir en voyage ». L’activité n’est qu’un support, pas une finalité, et trop souvent les
animateurs l’oublient. Les jeunes de ce projet nous le rappellent, l’important est de se
rencontrer, d’apprendre à s’organiser, d’imaginer, de vérifier la faisabilité de ce que l’on
projette, d’apprendre à décider collectivement, etc. Quand ces objectifs ont été atteints, les
ados ont considéré que leur projet était une réussite. C’est, je crois, une belle leçon à retenir de
différence entre attentes et besoins.
Organiser ses temps libres ; s’ouvrir à son environnement
Nous avons évoqué de différentes façons cet axe essentiel de l’action éducative dans les temps
libres des adolescents : l’organisation de ses temps libres et l’ouverture à son environnement.
D’abord avec l’expérience de mise en œuvre de « points cyb » dans le réseau information
jeunesse, avec en particulier l’exemple d’Ivry-sur-Seine. Ces « points cyb » vont permettre
d’accéder à des informations pour connaître son environnement plus ou moins proche. Et, pour y
accéder, les intervenants ont souligné la nécessité de posséder les « clés d’accès » à
l’environnement. D’où la mise en place de qualification au multimédia, projet mené avec plusieurs
partenaires d’action, dont les centres de loisirs et les espaces d’accueil des jeunes.
Ensuite, les intervenants nous ont fait remarquer qu’avant tout, derrière leurs projets, il y avait
l’objectif de connaissance du quartier et de reconnaissance des jeunes sur ce quartier, voire audelà. Nous en avons eu différentes illustrations, notamment dans le cas du CD qui a été présenté,
production de jeunes, avec l’aide des associations « musique et citoyenneté » et « ni putes, ni
soumises ». Les ATEC révèlent également ce besoin de connaissance et de reconnaissance sur les
quartiers, sinon pourquoi les adolescents choisiraient-ils pour projet des échanges ? De même
pour les concours d’impros qui s’opèrent sur toute la France, ou bien encore les groupes de filles
qui ont réalisé des reportages avec le Centre Social de Créteil pour Télé–cités.
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Développer des compétences transversales pour acquérir son autonomie
Derrière chaque action, chaque projet, vous essayez que les jeunes en retirent quelque chose.
Autrement dit, qu’il y ait quelques apprentissages à la clé pour aujourd’hui… et plus tard.
Nous avons pu voir au travers du réseau information jeunesse, que plusieurs kits ont été
élaborés : kit sur le logement, l’emploi, le baby-sitting ou les formations en alternance, … Ces kits
illustrent le souci de rendre les jeunes autonomes, en leur permettant d’acquérir des savoirs
spécifiques, selon leurs intérêts. L’accompagnement de collégiens en 3 ème pour trouver des lieux
de stage leur permet également d’être soutenus dans leur orientation professionnelle, et ainsi de
mieux se projeter dans leur avenir.
Cet objectif peut se traduire de différentes façons selon les projets ou les territoires.
Reprenons l’exemple des ATEC : les objectifs de communication, d’adaptation des comportements
en fonction des situations, d’utilisation des ressources de l’environnement et surtout de gestion
des risques ont été explicitement exprimés par Didier Durand. Cela fait écho, de manière
concrète et pragmatique aux pistes de travail en direction des jeunes qui ont évoquées dans
l’exposé de ce matin. Comme d’ailleurs les expériences menées au Centre Social de Créteil autour
des expériences de théâtre : aujourd’hui, les jeunes accèdent à des équipements culturels
centraux sur la Ville qu’ils ne considéraient « pas pour eux » auparavant. Ils utilisent donc mieux
les ressources de leur environnement.
Les conditions de réussite
Au-delà de ces axes de travail, et notamment au travers des différentes questions qui
ont été posées aux intervenants des tables rondes, quatre conditions de réussite se
dégagent de ces interrogations pour améliorer la qualité, la pertinence des actions en
direction des adolescents :
qualifier les équipes d’animation ;
conduire des projets de territoire et s’appuyer sur des partenariats d’action efficaces ;
le dépassement des logiques sectorielles et de structures ;
la redéfinition de l’action éducative sous forme d’accompagnement.
Qualifier les équipes d’animation
Cette condition de réussite a été particulièrement illustrée par les questions posées sur la
qualification des animateurs du réseau information jeunesse. En effet, lorsqu’il est demandé aux
animateurs des compétences spécifiques, il est nécessaire de pouvoir bénéficier, de manière
continue, de qualification sur des thématiques précises.
Cette nécessité de qualifier les équipes a également été fortement soulignée au niveau des ATEC.
La participation des enfants ne se décrète pas, et tout une série de techniques d’animation
doivent être mises en place pour pouvoir y contribuer.
De même, Michaël Laborde, Conseiller d’éducation populaire et de jeunesse en charge de suivi du
dispositif SLOJA, a pu souligner que la présence de personnel qualifié sur les espaces d’accueil
était un critère de qualité essentiel.
Car, la qualification des équipes permet le développement des projets, mais également leur
reconnaissance par l’environnement au travers des labellisations, des financements, de la
communication autour de ces projets.
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Conduire des projets de territoires et s’appuyer sur des partenariats d’action
efficaces
Les intervenants aux tables rondes, dans leur ensemble, ont repris ce que la directrice du centre
social évoquait comme première condition de réussite : l’élaboration d’un diagnostic social
partagé, avec les institutions, les habitants, les partenaires d’action. L’action en direction des
jeunes ne peut s’inscrire que dans un projet global où, pour reprendre l’expression, on ne
« saucissonne » pas l’es ados.
Le Label SLOJA ne porte également que sur les structures qui ont réalisé, ou ont participé à
l’élaboration de diagnostic, car c’est un indicateur de prise en compte des conditions de vie des
jeunes et de leurs besoins.
Fabrice Bugnicourt, animateur à la Ferme pédagogique de Villeneuve le Roi, au travers de la
présentation du « projet Coccinelles » a très bien illustré qu’à partir d’une thématique un peu
particulière et innovante, on pouvait « décentrer » en quelque sorte les jeunes de leur quartier,
de leur quotidien pour ensuite le réinvestir : par des actions d’utilité sociale, par une aide
apportée à toute personne ayant quelques plantes, par une reconnaissance de la technicité
développée par les jeunes, de leurs savoirs–faire, par une communication forte du projet sur le
quartier, et dans la Ville. En d’autres termes, à partir d’un projet qui peut apparaître comme
« décalé », les animateurs de cette ferme ont pu changer la relation qu’entretiennent les jeunes
avec leur environnement, leur quartier, leur ville.
Une remarque venue de la salle me paraît particulièrement importante : la stigmatisation de
certains territoires, sous prétexte de discrimination positive peut avoir aussi des effets
excluants. Aussi, est-il nécessaire de préciser, comme cela a pu être fait au cours des débats,
que pour qu’il y ait égalité des droits et des chances, il faut une équité des politiques publiques.
C’est à dire qu’il y a des besoins particulièrement forts sur certains quartiers qui rendent
nécessaires le développement de politiques publiques spécifiques, mais que cela doit se faire pour
une égalité des chances, et non pas dans une logique d’assistance, ou bien en considérant qu’il
« manque » quelque chose à certains jeunes ou qu’ils ont des « handicaps socioculturels ».
Nous l’avons vu au travers de l’exemple du centre social de Créteil, un projet de territoire est
plus une démarche qu’une fin en soi. Lorsqu’une action est engagée en direction des filles sur un
quartier, c’est bien pour viser la mixité à moyen terme, et pour que l’ensemble des actions
menées sur une Ville soient cohérentes. On dépasse donc, très vite, l’action sur « un public »,
dans « un quartier ». Un projet de territoire ne cloisonne pas une population sur un territoire.
Dépasser les logiques sectorielles ou de structures
Ce qui a pu susciter le plus d’intérêt dans la salle, si j’en crois les questions posées, sont les
méthodes, les actions qui ont pu permettre de dépasser les « murs » dans lesquels chacun de
nous a l’habitude d’agir. Les questions posées, par rapport au match d’impro par exemple, sont
révélatrices de cette préoccupation : comment cette activité permet d’améliorer la relation
entre habitants, comment elle permet d’éviter les dégradations sur le quartier, en quoi elle a
permis une meilleure reconnaissance des jeunes, comment elle a permis de développer une culture
commune entre jeunes sur un quartier, la ville, voire au-delà, etc.
En d’autres termes, tout l’intérêt d’un projet est qu’il ait des conséquences sur la relation que le
jeune entretient avec les autres jeunes, avec les adultes, avec son quartier, sa ville, d’autres
villes, etc.
Ce qui a de particulièrement intéressant dans les initiatives prises par le Centre Social, les PIJ,
l’Espace Collégiens, la Ferme pédagogique comme les Conseils d’animation sur Villejuif, c’est que
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chacun les positionne comme une ressource pour les jeunes, et non pas comme un fin en soi.
Chacun ne cherche pas à ce que les jeunes « fréquentent » leur structure ou comment les
« attirer », mais se pose la question de savoir en quoi il peut être utile aux jeunes, la constatation
étant faite, qu’en conséquence, ces jeunes fréquentent davantage les structures.
Dans cette optique, il s’agit de développer une approche transversale aux différentes structures
sur les quartiers. On a vu par exemple comment, à partir des espaces d’information jeunesse sur
Ivry, des liens avaient pu être tissés avec la mission locale, les associations, le CIO, les centres
de loisirs.
On a vu également qu’il s’agissait pour construire des projets transversaux, de ne pas lancer des
« usines à gaz », mais d’être présent sur le terrain, être à l’écoute, et saisir des opportunités :
quand un groupe de filles veut ici monter un groupe de gospel, on l’accompagne, on permet à ce
groupe d’accéder à des ressources de leur environnement, et petit à petit, on crée des
passerelles vers les structures centrales de la Ville. Quand un groupe d’ados veut faire « quelque
chose », l’animateur va les accompagner, par exemple par une ATEC, à construire et à gérer leur
projet.
S’inscrire dans des logiques d’accompagnement
Bruno Philippot a insisté sur un point qui me paraît très important. À propos de l’Espace
collégiens, il a souligné qu’il fallait « susciter l’intérêt ». Il fallait « aller vers… », « être
proposant ».
La démarche que les uns et les autres ont pu adopter est bien d’être proposant pour ensuite
pouvoir accompagner les jeunes dans leurs projets.
Parfois ce n’est pas évident. Nous avons eu un exemple que beaucoup d’entre nous peuvent
rencontrer : une situation de « blocage » où l’on n’arrive pas à aborder un sujet. Laurence Girault,
professeur au Lycée Camille Claudel à Vitry avait bien conscience qu’il était nécessaire d’aborder
la question des relations entre filles et garçons dans les quartiers, mais savait que le cadre
classique du Lycée n’était pas pertinent et entraînerait des blocages.
Elle s’est donc rapprochée de l’association « musique et citoyenneté » et du mouvement « ni putes
ni soumises » pour pouvoir évoquer cette question, non pas de manière frontale, mais par le biais
de la production d’un support, un CD avec une chanson évoquant la question du rapport entre filles
et garçons.
Le projet mis en œuvre est bien un projet d’accompagnement, puisqu’au travers d’un support, les
jeunes ont pu progressivement s’exprimer, échanger, communiquer via leur propre langage, etc.
Ce projet illustre bien, me semble-t-il, cette logique d’accompagnement, qui peut bien sûr
s’exprimer de différentes manières. Le dispositif SOS Rentrée mis en place par le BIJ d’Ivry a
pour but par exemple d’accompagner les collégiens qui ont des besoins d’urgence à la rentrée pour
être scolarisés dans de bonnes conditions.
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SUITES À DONNER
Les différents contenus abordés au cours de cette journée seront exploités de
différentes manières par l’Association départementale des Francas du Val-de-Marne.
Premier axe de travail
Les axes de travail et les conditions de réussite qui ont été dégagés à l’issue de cette
journée nous serviront de référence dans notre participation au sein de CORALA.
Deuxième axe de travail
Les Francas poursuivront en 2005 leur réflexion et leurs propositions sur la question de
la prévention des drogues et des toxicomanies et, d’une manière plus large, sur les
conduites à risque.
Ce travail s’appuiera pour une large part sur les apports de cette journée et sur un
partenariat à mettre en place avec les partenaires agissant dans ce domaine d’action.
Troisième axe de travail
Nous nous appuierons également les perspectives tracées par cette journée pour
répondre aux demandes de différents organisateurs sur la question de l’accueil des
11/15 ans dans le cadre de notre mission de soutien à la mise en place ces politiques
enfance/jeunesse sur les différents territoires.
Quatrième axe de travail
Il sera envisagé de mettre en place un groupe de travail regroupant différents
partenaires d’action et acteurs locaux pour poursuivre un travail de recherche-action
dans ce domaine.
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