Espagne. Amnesty International préoccupée par les informations

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Espagne. Amnesty International préoccupée par les informations
AMNESTY INTERNATIONAL
Déclaration publique
AILRC-FR
7 juillet 2011
Index AI : EUR 41/008/2011
Espagne. Amnesty International préoccupée par les informations
faisant état d'un recours excessif à la force par la police contre les
manifestants
Jeudi 7 juillet 2011, Amnesty International a écrit au ministre espagnol de l'Intérieur,
Alfredo Pérez Rubalcaba, et au conseiller à l'Intérieur du gouvernement autonome de
Catalogne, Felip Puig i Godes, pour exprimer sa profonde inquiétude à la suite des
informations concordantes indiquant que des forces de police intervenant pour disperser
des manifestants du mouvement des « indignés » ont eu recours à ce qui semble être
une force excessive à plusieurs reprises. Des rassemblements ont eu lieu dans plusieurs
villes espagnoles depuis le 15 mai 2011 pour réclamer une modification du système
politique et de certaines mesures concernant l'économie, l'emploi, le logement,
l'enseignement, la santé et d'autres questions.
Amnesty International est particulièrement préoccupée par les signalements et autres
éléments faisant état d'un recours excessif à la force sur la place de Catalogne à
Barcelone le 27 mai au matin, lorsque des agents des forces de l'ordre, notamment de la
brigade antiémeutes des Mossos d'Esquadra (la police autonome catalane), sont
intervenus pour disperser des manifestants. La raison fournie pour justifier cette
opération était que les manifestants devaient quitter la place temporairement pour
permettre son nettoyage et l'enlèvement d'objets potentiellement dangereux, en prévision
de possibles célébrations pour un match de football du FC Barcelone le lendemain.
Des vidéos de cette opération policière largement diffusées sur Internet montrent des
policiers en train de frapper à plusieurs reprises avec des matraques des manifestants
vraisemblablement pacifiques et de tirer des balles en caoutchouc et des cartouches à
blanc. Dans les mêmes séquences, certains manifestants semblent être blessés et avoir
du sang sur les mains et la tête. Selon les chiffres officiels, 84 manifestants et
37 policiers ont été blessés. Cependant, un avocat qui assiste les manifestants concernés
a déclaré à Amnesty International que 180 personnes au total avaient signalé des
blessures, dont une cinquantaine avaient reçu des certificats médicaux attestant de ces
blessures.
- Cas individuels
Amnesty International a elle-même recueilli des informations sur les cas de personnes
ayant signalé des blessures résultant d'un recours excessif à la force par les forces de
l'ordre dans le cadre de l'opération policière menée place de Catalogne le 27 mai : Jaume
Delclòs Ayats, 31 ans, un ingénieur industriel espagnol travaillant dans un établissement
public du gouvernement catalan ; Angel Tamariz Sánchez, 28 ans, un ressortissant
mexicain actuellement étudiant en master d'ingénierie des télécommunications à
l'université polytechnique de Catalogne ; Paula Alvarez-Ossorio, 24 ans, une étudiante
actuellement inscrite en master de relations internationales à l'université autonome de
Barcelone ; et Xavier Mir Bernadó, 47 ans, un consultant en coopération internationale
au développement qui vit dans la banlieue de Barcelone avec sa femme et ses deux
filles. Tous ont raconté que, le 27 mai au matin, ils avaient été frappés à coups de
matraque à plusieurs reprises par des agents des Mossos d'Esquadra, alors qu'ils
manifestaient pacifiquement et n'ont attaqué les policiers à aucun moment, et qu'ils
avaient été blessés. Leurs témoignages sont étayés par des certificats rédigés par des
professionnels de santé, puisque tous ont dû recevoir des soins médicaux, notamment
pour des blessures ouvertes, des ecchymoses et des contusions à la tête et sur d'autres
parties du corps. Ils sont également corroborés par des vidéos filmées pendant l'opération
policière, sur lesquelles on voit des membres des Mossos d'Esquadra – non identifiables
en raison de leurs casques et de l'absence de numéro d'identification visible sur leurs
uniformes – frapper à plusieurs reprises ces personnes et des dizaines d'autres
manifestants pacifiques avec leurs matraques.
- Réponse du gouvernement catalan
Le 8 juin, le conseiller à l'Intérieur de la Catalogne, Felip Puig i Godes, a présenté un
compte rendu des événements de la place de Catalogne devant la Commission des
affaires intérieures du Parlement catalan. Au cours de cette séance, il a affirmé qu'il
n'était pas nécessaire d'enquêter sur les allégations de recours à une force excessive le
27 mai, car les Mossos d'Esquadra n'employaient la force qu'en réponse aux agressions
de la part de manifestants. Cependant, aucun élément attestant d'un recours à la
violence par des manifestants n'a été rendu public par les autorités, ni relevé d'une autre
façon par Amnesty International. En revanche, des vidéos et des témoignages indiquent
que des policiers ont à plusieurs reprises asséné des coups de matraque à des
manifestants qui étaient assis par terre les mains en l'air. Amnesty International a donc
écrit à Felip Puig i Godes en lui demandant de veiller à ce qu'une commission chargée
d'enquêter de manière indépendante, approfondie et efficace sur les opérations de
maintien de l'ordre lors de la manifestation du 27 mai à Barcelone soit rapidement mise
en place, et que ses conclusions soient rendues publiques.
- Mécanismes d'obligation de rendre
des comptes au niveau national
Amnesty International a salué la création, par décret du gouvernement autonome de
Catalogne en 2007, d'un comité d'éthique de la police chargé notamment de recevoir et
d'examiner les plaintes relatives au comportement des forces de police. Néanmoins,
l'organisation regrette que l'activité de ce comité ait été suspendue après la démission de
la plupart de ses membres. Il convient de noter qu'il n'était pas habilité à mener ses
propres enquêtes sur ces plaintes, alors qu'elles auraient pu apporter des éléments
indépendants et objectifs très utiles dans le cadre de poursuites pénales. Par ailleurs, le
comité d'éthique n'avait pas le pouvoir d'ordonner qu'une enquête interne soit menée ou
rouverte si le service d'inspection interne de la police ne donnait pas dûment suite à une
plainte, ni de saisir le ministère public d'une affaire en vue de poursuites pénales.
L'organisation est également préoccupée par la présence au sein de ce comité de
représentants des forces de police pouvant être encore en fonctions, qui risque de nuire à
son impartialité.
Amnesty International souligne en outre que, aux termes du décret 217/2008 du
4 novembre 2008 (1), tous les agents en uniforme des Mossos D'Esquadra doivent porter
leur numéro d'identification professionnelle bien en évidence sur leur tenue à tous
moments, conformément aux normes internationales applicables en la matière. Pourtant,
d'après les témoignages et les vidéos et photos disponibles, ceux qui ont participé à
l'opération sur la place de Catalogne n'avaient pas de numéro d'identification sur les
gilets de protection qu'ils portaient par-dessus leurs uniformes. Cela pourrait gêner les
efforts visant à identifier les agents responsables de violences, d'autant plus que la
plupart des policiers portaient des casques, voire des passe-montagnes pour certains, si
bien qu'il est encore plus difficile de les amener à rendre compte de leurs actes.
- Autres informations faisant état d'un
recours excessif à la force
Des cas de recours excessif à la force par la police contre des manifestants ont
également été signalés à Lleida le 27 mai, à Valence le 9 juin et à Barcelone le 15 juin.
Bien que certaines allégations indiquent qu'un petit nombre de manifestants pourraient
avoir agi violemment contre la police, des vidéos de la manifestation de Barcelone
montrent des membres des Mossos d'Esquadra, sans numéro d'identification sur leurs
gilets de protection, en train de frapper des manifestants apparemment pacifiques avec
des matraques et de tirer des balles en caoutchouc et des cartouches à blanc.
Amnesty International a par ailleurs recueilli des informations faisant état de coups et
d'autres mauvais traitements subis par des manifestants arrêtés au cours des
manifestations à la Puerta del Sol, à Madrid, le 15 mai. En particulier, et selon une
déclaration publiée par 16 des 19 manifestants arrêtés, ceux-ci ont été battus par des
policiers, certains pendant la manifestation sur la place, d'autres pendant le trajet
jusqu'au poste de police de Moratalaz, et d'autres au poste de police. D'après ce récit, les
policiers les ont aussi menacés de violences, notamment de les jeter par la fenêtre, et ils
ont tenu des propos homophobes et proféré d'autres insultes.
- Normes internationales applicables
Bien que le droit international relatif aux droits humains dispose que toute personne a le
droit de participer à des rassemblements légaux et pacifiques, l'exercice de ce droit peut
être restreint dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre
public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés
d'autrui. Amnesty International ne conteste pas que les autorités compétentes espagnoles
et catalanes ont le droit d'agir conformément à la loi pour appliquer de telles restrictions
et reconnaît que les forces de l'ordre ont l'obligation d'assurer la sûreté et la sécurité.
Néanmoins, les opérations de maintien de l'ordre lors de manifestations doivent être
conformes aux normes internationales, parmi lesquelles figure l'obligation d'agir de façon
modérée et proportionnellement à la gravité de l'infraction et à l'objectif légitime à
atteindre, de réduire autant que possible les dommages humains et matériels, et de
respecter et préserver la vie humaine.
Les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes
à feu par les responsables de l'application des lois disposent :
« Les responsables de l'application des lois, dans l'accomplissement de leurs fonctions,
auront recours autant que possible à des moyens non violents avant de faire usage de la
force ou d'armes à feu. Ils ne peuvent faire usage de la force ou d'armes à feu que si les
autres moyens restent sans effet ou ne permettent pas d'escompter le résultat désiré. »
[Principe 4]
Selon les mêmes Principes de base, lorsqu'il est nécessaire de disperser des
rassemblements non violents, même s'ils sont illégaux, « [l]es responsables de
l'application des lois doivent s'efforcer de disperser les rassemblements illégaux mais non
violents sans recourir à la force et, lorsque cela n'est pas possible, limiter l'emploi de la
force au minimum nécessaire ». [Principe 13]
De plus, ce texte prévoit que, en cas de blessure occasionnée par un usage de la force
par les responsables de l'application des lois, « …les pouvoirs publics et les autorités de
police doivent s'assurer qu'une procédure d'enquête effective puisse être engagée et que,
dans l'administration ou le parquet, des autorités indépendantes soient en mesure
d'exercer leur juridiction dans des conditions appropriées ». [Principe 22]
En ce qui concerne l'obligation pour les policiers de porter des numéros d'identification
sur leurs uniformes, le Code européen d'éthique de la police dispose que « [l]es
personnels de police doivent normalement, lors d'interventions, être en mesure d'attester
leur qualité de membre de la police et leur identité professionnelle ». Dans le
commentaire sur cette recommandation, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe
souligne que cette exigence est étroitement liée à la responsabilité personnelle de la
police pour ses actions ou omissions, dans la mesure où, « [e]n l'absence de possibilité
d'identifier le policier, la responsabilité personnelle, du point de vue du public, n'est plus
qu'une formule vide de sens » (2).
- Recommandations
Amnesty International appelle le conseiller à l'Intérieur du gouvernement autonome de
Catalogne et le ministre espagnol de l'Intérieur, chacun dans leur domaine de
compétence, à :
- garantir l'ouverture dans les meilleurs délais d'enquêtes indépendantes, approfondies et
efficaces sur toutes les allégations faisant état d'un recours excessif à la force par des
policiers, notamment au cours des manifestations du mouvement des indignés ;
- veiller à ce que des procédures disciplinaires et, le cas échéant, pénales soient
engagées contre les policiers qui ont fait usage d'une force excessive ;
- accorder des réparations adaptées aux victimes, notamment sous la forme d'indemnités,
et prendre des mesures efficaces pour éviter que ces violations ne se répètent ;
- mettre rapidement en place une commission chargée d'enquêter de manière
indépendante, approfondie et efficace sur les opérations de maintien de l'ordre lors de la
manifestation du 27 mai à Barcelone, habilitée à recommander que des poursuites soient
engagées dans certains cas, et rendre ses conclusions publiques ;
- respecter à tous moments leurs obligations découlant du droit international relatif aux
droits humains et les normes internationales relatives au maintien de l'ordre, notamment
les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes
à feu par les responsables de l'application des lois.
Amnesty International a exprimé à diverses occasions ses préoccupations concernant des
allégations multiples et crédibles de recours arbitraire ou excessif à la force par les
responsables de l'application des lois en Espagne et l'impunité prédominante dans ce
type de cas. L'organisation recommande une nouvelle fois au conseiller à l'Intérieur du
gouvernement autonome de Catalogne et au ministre espagnol de l'Intérieur, chacun dans
leur domaine de compétence, de prendre les mesures suivantes :
- créer un mécanisme indépendant chargé de mener des enquêtes sur les allégations de
violations des droits humains commises par les forces de l'ordre ;
- prendre des dispositions pour mettre en place un organe indépendant doté de
ressources suffisantes pour enquêter sur les allégations de violations commises par des
agents des Mossos d'Esquadra et des forces de police locales (ce mécanisme pouvant
être une version améliorée du comité d'éthique de la police ou un nouvel organe) ;
- veiller à ce que les membres des forces de l'ordre soient identifiables individuellement
par des plaques précisant leur identité portées visiblement sur leur uniforme, y compris
quand ils portent des tenues spéciales telles que des casques ou d'autres vêtements de
protection ;
- suspendre de ses fonctions tout membre des forces de l'ordre faisant l'objet d'une
enquête disciplinaire ou pénale pour mauvais traitement pendant toute la durée de cette
procédure ;
- publier intégralement les rapports annuels de tous les services d'inspection internes des
forces de police (en rendant anonymes les renseignements personnels si nécessaire) afin
que la population puisse être pleinement informée de toutes les plaintes concernant des
responsables de l'application des lois et des mesures prises à la suite de ces plaintes.
- Informations supplémentaires
relatives aux cas individuels
Amnesty International a recueilli des informations sur les cas de personnes ayant signalé
des blessures résultant d'un recours excessif à la force par les forces de l'ordre dans le
cadre de l'opération policière menée place de Catalogne à Barcelone le 27 mai.
Jaume Delclòs Ayats, 31 ans, un ingénieur industriel espagnol travaillant dans un
établissement public du gouvernement catalan, fait partie de ces personnes. Il a raconté
à Amnesty International que, le 27 mai au matin, il était assis par terre place de
Catalogne, les mains en l'air, avec d'autres manifestants pour résister passivement aux
tentatives des policiers visant à les évacuer de la place. À ce moment-là, il a été frappé à
plusieurs reprises par différents agents des Mossos d'Esquadra, qui lui ont asséné des
coups de matraque sur les côtes, la tête, le visage, le genou et le coude, si bien qu'il a
été contraint de quitter les lieux pour éviter d'autres coups et pour chercher de l'aide.
Son témoignage est étayé par des certificats médicaux rédigés par le personnel médical
présent sur la place de Catalogne et au Centre Mansó d'urgences et de premiers soins, où
il a été soigné pour des blessures ouvertes à la tête, à la lèvre supérieure et au coude,
ainsi que pour une plaie au genou, et a reçu huit points de suture au total (quatre sur la
tête et deux sur la lèvre et le coude). Une vidéo de l'opération policière montre également
deux membres des Mossos d'Esquadra – non identifiables en raison de leurs casques et
de l'absence de numéro d'identification visible sur leurs uniformes – en train de le
frapper avec des matraques au moins six fois en quelques secondes alors qu'il est assis
par terre les mains en l'air. Dans la même vidéo, largement diffusée sur Internet, on voit
également d'autres agents des Mossos d'Esquadra frapper à plusieurs reprises des
dizaines d'autres manifestants pacifiques avec leurs matraques.
Angel Tamariz Sánchez, est un ressortissant mexicain de 28 ans actuellement étudiant
en master d'ingénierie des télécommunications à l'université polytechnique de Catalogne.
Il a indiqué à Amnesty International que, le 27 mai, il était arrivé place de Catalogne vers
10 heures pour protester contre l'opération en cours qui consistait à enlever de la place
les affaires des manifestants, notamment des ordinateurs, des appareils photo, des
groupes électrogènes et des sacs à dos. Avec plusieurs autres manifestants, il s'est assis
par terre sur la place pour bloquer les camions qui tentaient d'enlever ces objets. Selon
lui, bien que les manifestants n'aient attaqué la police à aucun moment, un groupe
d'agents des Mossos d'Esquadra a soudain commencé à tirer des balles en caoutchouc et
des cartouches à blanc en chargeant les manifestants pour les disperser. Angel Tamariz
Sánchez affirme qu'il est resté assis avec d'autres manifestants et a été frappé à
plusieurs reprises à coups de matraque, à la tête, à la jambe, au bras et à la main
gauche, et tiré par les cheveux par des membres des Mossos d'Esquadra. À ce moment-là
un autre manifestant, remarquant qu'il saignait abondamment de la tête, l'a accompagné
jusqu'à une ambulance postée à proximité, où il a reçu les premiers soins pour stopper
l'hémorragie. Il a ensuite été conduit en ambulance au Centre Mansó d'urgences et de
premiers soins, avec deux autres manifestants également blessés à la tête. Il y a été
soigné pour ses blessures et a reçu huit points de suture pour refermer la plaie ouverte de
huit centimètres qu'il avait à la tête. Le témoignage d'Angel Tamariz Sánchez correspond
à des certificats médicaux, photos et vidéos, et il a été consigné dans une plainte
contre X pour agression qu'il a déposée auprès du tribunal d'instruction compétent le
31 mai. Cependant, il a précisé à Amnesty International qu'il ne pourrait pas reconnaître
les policiers responsables des coups assénés, car les membres des Mossos d'Esquadra
participant à l'opération portaient des casques avec visière, ainsi que des passemontagnes pour certains, et n'avaient pas de plaques d'identification personnelle
visibles. Selon lui, à au moins une occasion, un manifestant a demandé à un policier de
montrer une plaque d'identification mais n'a reçu aucune réponse.
Paula Alvarez-Ossorio, 24 ans, est une étudiante actuellement inscrite en master de
relations internationales à l'université autonome de Barcelone. Elle a indiqué à Amnesty
International que, le 27 mai, elle était arrivée place de Catalogne vers 7 h 30 après avoir
été appelée par des amis qui l'avaient prévenue de l'opération policière. La police ayant
bouclé la place, elle n'a pas pu atteindre le centre et s'est donc assise par terre devant le
cordon policier pour protester contre le projet d'évacuer les manifestants. C'est alors
qu'un membre des Mossos d'Esquadra, sans sommation et alors qu'elle était assise dos
au cordon policier, l'a tirée par les cheveux et lui a donné deux coups de matraque, l'un à
la fesse et l'autre à la jambe. Il l'a menacée de la frapper encore si elle ne s'éloignait pas,
mais un autre policier, apparemment plus gradé, lui a dit de ne plus donner de coups car
des journalistes étaient là, et il a donc quitté la zone. Paula Alvarez-Ossorio a demandé à
un troisième policier de lui fournir l'identité de celui qui l'avait frappée, puisqu'il ne
portait pas de plaque d'identification visible, mais sa demande a été refusée. Elle a
ensuite été évacuée de force par deux agents des Mossos d'Esquadra et a rejoint
l'ambulance garée à proximité pour se procurer de la glace afin de faire désenfler la zone
où elle avait été frappée. Vers 11 h 15, au moment où les camions transportant les
affaires des manifestants tentaient de quitter la place, elle s'est assise devant eux, avec
de nombreux autres manifestants, pour protester pacifiquement et leur barrer la route.
Peu après, un groupe de la brigade antiémeutes des Mossos d'Esquadra a chargé en
frappant des manifestants avec des matraques et en tirant des balles en caoutchouc et
des cartouches à blanc, y compris en direction des manifestants. Paula Alvarez-Ossorio a
reçu deux coups sur la jambe gauche, puis de nouveau sur la cuisse droite et les côtes.
Elle a pris la fuite et rejoint l'ambulance, où du personnel médical a encore une fois
constaté ses contusions. Plus tard, elle s'est rendue au poste de police barcelonais des
Mossos d'Esquadra pour porter plainte mais, selon elle, les policiers qui l'ont prise en
charge ont refusé d'enregistrer sa plainte, en prétendant que les documents médicaux et
la plainte écrite qu'elle leur présentait n'étaient pas recevables. Cette plainte et ces
documents ont ensuite été déposés auprès du tribunal d'instruction compétent. Le
témoignage de Paula Alvarez-Ossorio est corroboré par des certificats médicaux, des
vidéos et des photos.
Xavier Mir Bernadó, 47 ans, consultant en coopération internationale au développement,
vit dans la banlieue de Barcelone avec sa femme et ses deux filles. L'une de ces
dernières, Nuria Mir Portet, 19 ans, qui étudie la sociologie à l'université autonome de
Barcelone, campait sur la place de Catalogne dans la nuit du 26 au 27 mai. Vers
9 heures du matin, inquiet à cause des images de l'opération policière retransmises en
direct à la télévision, Xavier Mir Bernadó est arrivé sur la place pour retrouver sa fille.
Cependant, il n'a pas été autorisé à rejoindre les manifestants rassemblés au centre de la
place, où elle se trouvait, car un double cordon policier séparait les manifestants en deux
groupes. Lorsque Nuria Mir Portet lui a indiqué par téléphone que les affaires des
manifestants étaient enlevées et chargées dans des camions, Xavier Mir Bernadó s'est
joint aux manifestants assis par terre devant ces derniers afin de les empêcher
d'emporter ces objets. C'est alors que, selon lui, les Mossos d'Esquadra ont dégagé le
passage pour les camions en frappant les manifestants avec leurs matraques et en tirant
des balles en caoutchouc dans leur direction, bien qu'aucun d'eux n'ait agi violemment
envers les policiers. Xavier Mir Bernadó était assis les mains en l'air et criait « pas de
violence », a-t-il indiqué à Amnesty International, quand il a reçu plusieurs coups de
matraque sur les bras et le dos. Quelques heures après, le Centre La Garriga de premiers
soins a constaté six ecchymoses sur son dos, ses bras et son pied droit, ainsi qu'une
excoriation de trois centimètres au poignet gauche. Le récit de Xavier Mir Bernadó est
également étayé par plusieurs photos fournies à Amnesty International.
- Publications d'Amnesty International
Spain: Follow-up information to the Concluding observations of the Committee against
Torture, 1er novembre 2010 (EUR 41/003/2010)
Spain: Adding insult to injury: Police impunity two years on, 3 novembre 2009
(EUR 41/010/2009)
Spain: Briefing to Committee against Torture, 1er novembre 2009 (EUR 41/011/2009)
Spain: Report of seminar “Police complaints investigation mechanisms in the Spanish
context”: Madrid, 17 October 2008, 1er mai 2009 (EUR 41/003/2009)
Spain: Adding insult to injury: The effective impunity of police officers in cases of torture
and other ill-treatment, 14 novembre 2007 (EUR 41/006/2007)
(1) Decreto 217/2008, de 4 de noviembre, sobre la utilización del número de identidad profesional en
determinadas piezas de los uniformes de la policía de la Generalidad – mozos de escuadra, Diari Oicial de
la Generalitat de Catalunya N.5255, 11.11.2008
(2) Conseil de l'Europe, Comité des ministres, recommandation Rec(2001)10 du Comité des ministres aux
États membres sur le Code européen d'éthique de la police (adoptée par le Comité des ministres, le
19 septembre 2001, lors de la 765e réunion des délégués des ministres).